Passioniste de Polynésie

Chemin spirituel avec Saint Paul de la croix

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(À partir du livre d du Père Philippe Plet : prier 15 jours avec St Paul de la croix)

INTRODUCTION

Partant de la présence objective de Dieu dans l’Eucharistie et dans la création Saint Paul de la croix nous invite à passer d’une prière encore extérieure à une prière plus intériorisée : l’oraison. Etant par essence un cœur à cœur de l’âme avec son Dieu, l’oraison nous prépare directement à la contemplation affective qu’exige la méditation de la Passion.

Cependant une telle considération nous entraine progressivement jusqu’à l’intime de nous-mêmes, où Dieu réside et nous attend. Aucune âme n’échappe au sentiment de vertige intérieur d’une telle descente où  l’expérience des ténèbres va de pair avec celle de la lumière.

Cette nuit de l’âme nous unit à l’abandon de Jésus sur la croix -- nous faisant croire à un abandon radical -- dont le silence du Père est l’emblème. Mais cette illusion se dissipe peu à peu  tandis que se creuse en notre être une humilité grandissante.  La lumière du «  Tout »  luit soudain dans les ténèbres de notre « rien ». La vie dès lors se transfigure.

La Passion est une étape nécessaire du cheminement de foi… on préfèrerait méditer sur les délices du paradis plutôt que de fixer son attention sur le spectacle d’une mise à mort aussi effrayante.… Il faut vaincre cette répulsion immédiate pour pénétrer plus avant dans la découverte de Dieu.

Paul de la Croix se dépensa sans mesure pour aider les hommes et les femmes de son temps à dépasser cet obstacle….

La porte austère de la croix étant franchie, on se retrouver dans le royaume lumineux de l’amour.

Peu à peu l’âme découvre la signification de la croix : une mort d’amour !  Mais la pureté de cette évidence ne peut être goutée que par le «  fond » de notre cœur. 

Paul de la croix met l’accent sur l’attention amoureuse à la présence divine. Une attention amoureuse que nous devons avoir continuellement, au-delà de nos divers états d’âme. C’est elle qui nous conduira jusqu’au cœur de Jésus

La méditation de la Passion  développe le cœur à cœur avec Dieu et cela devient en nous la « mémoire de la Passion »  Et cette attention d’amour, née dans le cœur à cœur, nous accompagne tout au long du jour, éclairant les rencontres et les activités variées de notre existence d’un sens nouveau

L’APPEL

L’appel de Dieu tient en deux mots : « Suis-moi ! ».

De quelle manière Dieu appelle-t-il une âme à la vie consacrée et tout particulièrement à la spiritualité passioniste ?  En fait tout commence par un grand désir de solitude.

Paul a entendu l’appel de Dieu, il a décidé d’y répondre et d’aller jusqu’au bout, il laisse donc ses vêtements ordinaires pour se revêtir d’un long habit noir, manifestant ainsi extérieurement son changement de vie. il a pris la résolution d’aimer Jésus passionnément.

Qu’est-ce qui fait l’étoffe inimitable des saints ?  C’est assurément la qualité de leur « oui ». Ils renoncent à regarder en arrière. L’amour est jaloux. S’il supporte les imperfections, il n’admet pas le délaissement qu’implique le retour sur soi. L’amour ne peut donc être que « folie » en ce monde. Paul le comprend et accepte de suivre jusque là le Crucifié.

LA PRESENCE EUCHARISTIQUE

« Je fis oraison recueilli et j’éprouvai en outre de légères inquiétudes des pensées. Dans la très sainte communion je goutais une grande suavité : mon cher Dieu me donnait l’intelligence infuse de la joie que connaîtra l’âme quand nous le verrons face à face, et qu’elle sera unie  à lui dans le saint amour. Puis me vint la douleur de l’avoir offensé et je lui disais que je voudrais être déchiré pour une seule âme. Il me semblait défaillir en voyant la perte de tant d’âmes qui ne sentent pas le fruit de la Passion de mon Jésus. Lorsque Dieu me donne cette intelligence très haute de la joie qu’éprouvera mon âme quand on le verra face à face,  lorsque nous serons unis à lui, mon âme ne peut plus, pour ainsi dire, souffrir de rester davantage dans mon corps…. Il m’est déjà arrivé de dire que le corps est une chaine pour l’âme, un lien qui l’emprisonne…. »

L’eucharistie est une source de feu !  Elle occupe une place centrale dans la spiritualité de Paul.

Paul nous parle de l’eucharistie en termes de communication : Dieu se communique à l’âme. C’est que l’eucharistie dépasse le symbole ; elle est mystérieusement une « présence réelle »  de Celui qui l’a instituée. Le sacrement de l’eucharistie a cette vertu incroyable de nous élever au Ciel, là où réside Dieu.

Paul nous parle bien d’un face à face avec Jésus vécu dès maintenant. La communion eucharistique doit donc être vécue comme une rencontre. Et puisqu’il ne s’agit pas d’un banal entretien, le temps qui précède et qui suit la communion doit être de notre part l’objet d’une grande ferveur….

Pour pénétrer dans l’intimité de la présence eucharistique, il faut découvrir que ce sacrement n’est autre que le Cœur de Jésus. Non pas une relique inerte, mais le réceptacle d’un feu dévorant, ce feu d’amour pur qui brule continuellement dans le cœur de Dieu.

Jésus sait bien que nous ne sommes pas de purs esprits. Pour communiquer les trésors de tendresse de son cœur, il n’hésite pas à se faire sentir parfois de façon très sensible, mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel réside dans l’union que tisse peu à peu le cœur à cœur de la prière.

Jésus a voulu institué l’eucharistie en prélude à sa Passion d’amour ! Le fait est d’importance, par ce moyen Jésus emmène se disciples sur la croix, non pas physiquement mais sacramentellement. Il offrait ainsi aux croyants de tous les temps la possibilité de surmonter les ténèbres.

La communion eucharistique est un échange : nous devenons « un » avec le Seigneur. L’eucharistie est l’aliment de cette transfiguration du cœur humain.

DE LA PRIERE VOCALE A L’ORAISON

« Au cours de prières vocales, lorsque Dieu attire l’âme jusqu’à cette paix et cette quiétude du recueillement intérieur et que l’âme désire demeurer en Dieu, en un silence sacré de foi et d’amour, alors laissez l’oraison vocale. Poursuivez l’oraison mentale en ce recueillement sacré d’amour, dans lequel l’âme s’enrichit de tous biens. …. »

La prière vocale est la forme la plus courante de la prière. Elle consiste à réciter de tout son cœur s’il se peut une prière… (Notre Père...etc.)  Incontestablement ces prières sont bonnes, mais Paul de la croix insiste pour qu’on les dépasse cependant, afin d’entrer dans une prière silencieuse.

Les prières vocales ont en commun de faire participer notre corps aux élans de l’âme. Elles permettent de se concentrer plus facilement sur ce que l’on dit pour fuir les distractions qui ne manquent pas de se présenter à l’esprit, c’est pourquoi elles sont excellentes en soi….  Néanmoins leur multiplication superflue risque de diluer leur portée. Elles manquent alors leur but qui est de nous conduire à une grande intimité avec Jésus. Paul a donc soin, non  de les interdire mais d’en limiter le nombre.

Le passage de la prière récitée à l’oraison s’effectue par le biais de la méditation. La méditation est déjà une prière silencieuse, tout se fait intérieurement  Méditer consiste souvent à partir d’un livre, à « ruminer » un mystère de la foi ou un enseignement du Seigneur, où bien à se représenter un évènement de la vie du Seigneur. On s’efforce de comprendre, puis en s’aidant de l’imagination de partager les sentiments qu’inspire la méditation.

Comme on le voit il s’agit encore d’une prière active, au sens où elle requiert une grande participation de notre part.

Pour Paul de la croix, la méditation est invariablement la Passion de Jésus. Mais parfois l’Esprit Saint vient brouiller notre esprit, et nous rend incapable de poursuivre notre méditation. C’est alors que l’oraison commence.

Paul définit l’oraison comme un repos de l’âme en Dieu.  Plus question de diriger notre prière comme dans le cas de la prière vocale ou de la méditation : il faut désormais laisser le Seigneur conduire lui-même notre prière. Il nous faut devenir « passifs » mais d’une  passivité toute d’amour, brulante de désir.

L’oraison commence par une rapide mise en présence de Dieu. Paul regardait le crucifix pour rejoindre le cœur de Dieu. On peut utiliser un livre, mais dès que l’on se trouve en présence de Dieu ; il faut abandonner le livre et poursuivre l’oraison selon que l’Esprit Saint le donne. 

L’oraison est un cœur à cœur, dont nous devons découvrir peu à peu la tonalité  propre, celle que Jésus veut lui donner.

Pourtant, n’allons pas croire trop vite que l’oraison une fois qu’on y pénètre, consiste toujours en des effets perceptibles. Pour être réelle et efficace, la communion amoureuse n’a pas besoin de faire qu’on la ressente. C’est nous qui avons besoin de ressentir la présence divine. Mais la maturité spirituelle nous enseigne le dépassement du pur ressenti.

Ce qui est important c’est d’apprendre à demeurer en éveil amoureux, à fermer les yeux à tout ce qui est notre goût personnel, pour nous tenir à la disposition du Seigneur.

LE CŒUR à CŒUR DANS L’ORAISON

«  Mais il faut noter que cet envol de l’esprit doit se faire dans le cœur de Jésus eucharistie. Là on doit être tourmenté  de douleur à cause des manques de révérence qu’il reçoit de la part des mauvais chrétiens ; et, plus mauvais encore de la part des hommes d’église, religieux et religieuses, qui répondent à tant d’amour par l’ingratitude et les sacrilèges. Pour réparer tant d’outrages, l’âme doit s’offrir en victime, toute réduite en cendres dans le feu du Saint Amour. Elle doit l’aimer, le louer et le visiter surtout pour ceux qui le maltraitent et particulièrement à certaines heurs où ne se trouvent personne pour l’honorer… »  

Si Saint Paul de la croix met si constamment en relief l’eucharistie, c’est parce qu’il a compris que le sacrement eucharistique le conduit à une haute contemplation amoureuse de la Passion du Christ. Réciproquement, la méditation de la Passion nous permet peu à peu d’apercevoir la nature véritable du sacrement du Corps et du Sang de Jésus Christ. Oui, l’eucharistie c’est le Cœur de Jésus Christ. On ne le soulignera jamais assez.

L’amour révérencieux et réparateur auquel Paul fait référence se situe dans cette spiritualité du Cœur sacré de Jésus. Au respect de Dieu, créateur du ciel et de la terre, s’ajoute un amour sans retenue, qui s’offre lui-même pour faire oublier au cœur de son Seigneur les indifférences des âmes à son égard. Que peut redouter le plus un cœur sinon l’indifférence ou la flamme brulante d’un refus ? Et si un cœur humain peut ressentir cruellement ces outrages, combien plus douloureux seront-ils pour le cœur de Jésus, exemplaire divin de nos cœurs d’hommes ?

Ce constat invite Paul à la réparation : « on doit être tourmenté de douleur à cause des manques de révérence qu’il reçoit »  L’expression est forte et passionnée ! Le cœur est le lieu où il faut demeurer, mais en pure foi sans représentation. Le silence amoureux est le milieu vital du cœur à cœur.

Un cœur à cœur est une étreinte si intime qu’on peut à bon droit le nommer une union. Les cœurs s’épanchent réciproquement. Bien sur la créature offre tous ses secrets au grand roi ; elle le prie avec ferveur et reconnaissance de la rendre pareille aux âmes du ciel … L’âme se remplit si bien de la faveur divine qu’elle oublie ses peines en s’oubliant elle-même. 

Mais que dire des confidences de Jésus quand il avoue à « l’âme aimante’ » les déceptions de son Sacré Cœur, causées par l’indifférence de ses petites créatures prisonnières d’elles-mêmes ; comment ne pas s’écrier comme Saint Paul de la croix. « Pour réparer tant d’outrages, l’âme doit s’offrir en victime, toute réduite en cendres dans le feu du saint amour. »

Le propre du colloque amoureux est de pouvoir communiquer à l’autre ce qu’on ne peut dire à personne.

MEDITTATION DE LA PASSION

L’oraison en tant qu’union des cœurs, permet une pénétration plus intime du mystère de la croix. Réciproquement, la méditation de la Passion de Jésus, suscite une compassion inattendue et intense qui permet au cœur à cœur de se déployer sans retenue.

La Passion, dans son dépouillement intellectuel apparent, est la voie royale par laquelle Jésus désire communiquer à chaque âme les trésors infinis de son cœur. La difficulté apparente que l’on éprouve généralement est la difficulté que nous avons à fixer le Crucifié. Or l’apôtre Jean nous enseigne que c’est pourtant cela que Jésus attend de nous «  ils regarderont celui qu’ils ont transpercé » Jean 19/37. Cette difficulté provient de la répugnance que nous éprouvons face au spectacle de la souffrance. Mais c’est faire trop vite l’économie de l’amour. L’amour a le pouvoir divin de transfigurer même le mal.

EPREUVES ET TENTATIONS

L’oraison serait le paradis sur la terre si elle n’offrait que les joies merveilleuses du cœur à cœur avec le bien aimé de notre âme. Elle nous permettrait d’échapper au combat spirituel qui embrase le monde. Mais telle n’est pas la volonté du Père. Jésus lui-même, roi des contemplatifs, n’a pas été préservé des épreuves et des tentations (Mc 1/12)  Sa Passion est le sommet de cet affrontement avec les ténèbres.

Cette épreuve a un enjeu positif : elle est voulue par Dieu pour introduire l’âme dans une plus grande humilité et une plus grande conscience d’elle-même. Or c’est l’humilité spirituelle et non psychologique qui nous affranchit peu à peu de l’amour de soi. L’humilité est donc une vertu essentielle à acquérir.

Outre l’oraison c’est l’eucharistie aussi qui est visée par Satan. Par des représentations et par l’agitation psychologique il tente de susciter des scrupules (d’impureté ou de colère …) dans l’âme afin de la dissuader d’aller communier. C’est que l’eucharistie est bien la nourriture indispensable au cœur à cœur. 

Tout ceci nous amène à un thème essentiel de la spiritualité de saint Paul de la croix : adorer en tout la volonté du Père » comme Jésus nous en a montré l’exemple durant sa vie terrestre.

LA NUDITE INTERIEURE

« Ayez grand soin de séparer ce qui est précieux de ce qui est vil…. La manière de faire une telle séparation est de ne pas perdre de vue notre horrible néant, notre «  ne rien avoir, ne rien pouvoir, ne rien savoir » ; et de même le détachement très haut de notre propre compréhension, de notre propre gout, de notre propre sentiment. Faites cette séparation de votre néant d’avec les dons très saints du très Haut , et de ceux-ci faites un encens à sa divine majesté au cours du même sacrifice d’holocauste que l’âme fait d’elle-même à Dieu dans le feu de sa divine charité et ce feu doit être toujours maintenu allumé dans le sachet de myrrhe et de bois odoriférants, des peines très saintes de Jésus et des douleurs de Marie. »

Lorsque Dieu introduit une âme plus profondément dans le mystère de la foi, il est évident que la nouveauté de cette expérience a de quoi donner le vertige. Nous nous trouvons en quelque sorte suspendu entre ciel et terre, ce qui n’est pas forcément une position facile à accepter. A ce stade de l’élévation de l’âme vers Dieu, on doit apprendre à discerner de plus en plus nettement les choses de la terre et celles du ciel. Cela implique de ne plus confondre désormais le domaine psychologique et le domaine spirituel. Cette distinction des deux plans n’annule pas la réalité psychologique ; elle nous permet désormais d’entrer dans le mystère de l’amour divin. L’acquisition d’une telle science introduit l’âme dans un état de « nudité intérieure »

La connaissance de soi consiste à « ne pas perdre de vue notre horrible néant », écrit Paul. « Horrible » ! Cet adjectif pourrait nous effrayer. Il. signifie simplement ici,  l’état d’immense impuissance de la créature. Et Paul, pour être bien compris, ajoute à cette expression, un commentaire : «  ne rien avoir, ne rien pouvoir, ne rien savoir ». Cette triple négation, ce triple rien, nous dénude véritablement. Elle fait référence aux trois pouvoirs humains fondamentaux, par lesquelles les âmes ne cessent de s’attacher au monde : la possession, le pouvoir, le savoir. Telles sont les trois pièces du costume sous lequel nous cachons notre misère « créaturale ».

Mais nous ne pouvons pas aller vers Dieu habillés de la sorte, drapés dans nos illusions, déguisés en êtres autonomes. Dieu est un feu ardent ; c’est pourquoi il consume ces pauvres étoffes dès que l’on s’approche de lui. La purification de l’âme par la connaissance de soi conduit logiquement à la voie de l’humilité dans le comportement concret : « le détachement très haut de notre propre compréhension, de notre propre gout, de notre propre sentiment. »

Nous  ne devons rien garder pour nous, c'est-à-dire ne nous arrêter à aucune sorte de douceur ou de joie, fussent-elles spirituelles, afin de parvenir au sommet du cœur à cœur de la foi. Dieu ne peut être aime que pour lui-même.

Mais cette offrande n’est pas une mince affaire pour une petite âme humaine : c’est vraiment un sacrifice. Paul le sait bien et le vocabulaire qu’il utilise ne fait pas l’économie de l’exigence du don total de soi : ce « sacrifice d’holocauste que l’âme fait d’elle-même à Dieu dans le feu de sa divine charité »

L’holocauste est un sacrifice qui consiste à bruler entièrement l’animal offert sans rien consommer. C’est cela  « ne rien avoir »  de soi, « ne rien pouvoir » sans Dieu, et « ne rien savoir » en dehors de Jésus.

Le feu du sacrifice lui-même ne sera pas notre propre ferveur ; il sera l’amour divin, qui rend fervent. Telle est la nature du désir qui brûle l’âme contemplative : ‘amour de Dieu pour elle.

Tout sacrifice spirituel trouve sa source dans le sacrifice de la croix. Dans sa Passion Jésus a mis l’humanité à nu. Le sacrifice d’amour nous consume en trois étapes, le premier « rien » nous dépouille de tout sentiment de possession envers les êtres et les choses ;  c’est un feu qui purifie nos désirs. Le second « rien » fait disparaitre cette idée qui nous place faussement au centre du monde, c’est un feu qui purifie notre volonté. Le troisième « rien » ouvre nos yeux sur la contemplation du « tout » divin ; c’est un feu qui purifie notre intelligence. Les trois « riens » sont les trois parures de la nudité intérieure.

LE FOND DE L’AME

« Je vous recommande de poursuivre vos exercices avec fidélité… et je vous pris de faire connaitre le moins possible votre trésor…. Celui du précieux pâtir. ….Souffrez et taisez vous. La perle se forme dans l’huitre… mais l’huitre se ferme complètement, puis va au fond de la mer où elle travaille la noble perle. Entendez moi bien, la perle de la vraie vertu se travaille dans le fond de la mer des douleurs et dans la mer de la connaissance de son propre néant ; et de ces mers on arrive ensuite à nager, je dirai mieux, à s’immerger dans l’immense mer de l’Amour Immense Incréé. »

La purification de la nudité intérieure que nous avons évoquée dans le précédent chapitre conduit l’âme petit à petit au plus profond d’elle-même.

Le Seigneur est le seul qui puisse véritablement nous révéler notre propre mystère. Et comment ? En nous faisant passer de la périphérie de notre être jusqu’en son centre.

Mais tant que l’âme n’a pas fixé sa demeure au centre d’elle-même, elle ne peut ni comprendre ni sentir l’action que Dieu opère en elle. La connaissance de soi nous entraine dans cet intime de nous-mêmes que nous ne connaissons pas encore

C’est spirituellement un temps très fort de maturation. « La perle de la vraie vertu se travaille dans le fond de la mer des douleurs et dans la mer de la connaissance de son propre néant » écrit Paul. Pourquoi mentionne-t-il cette douleur ? Descendre au fond de son âme, en présence de son « propre néant » est-ce donc une souffrance ? La purification de l’attachement à soi-même, bien sur, est cause de souffrance, mais ce n’est pas de cela dont nous parle Paul ici. Il ne s’agit pas non plus de l’accommodation nécessaire à l’âme pour habiter sa nouvelle conscience. Cette douleur est étrange ; elle est « nôtre » sans être « la nôtre » uniquement, puisqu’elle est celle de Jésus. Il s’agit du mystère de la Passion. Déjà infusée dans l’âme au cours des étapes précédentes de ce cheminement contemplatif, il nous soutient de plus en plus intensément. L’âme vit de cette méditation, jusqu’à la manifestation du Seigneur. C’est que dans le fond de l’âme on ne trouve pas seulement la révélation de notre néant, on y trouve aussi le « Tout » de notre vie.

Heureuse découverte du Ciel intérieur ! Dieu en personne habite le plus profond de notre être, et c’est la méditation de la Passion, en tant que la manifestation la plus forte de l’amour divin qui nous conduit jusqu’en ces profondeur de joie parfaite.

La nudité spirituelle nous mène en ce lieu secret qui est notre « fond » c'est-à-dire notre vérité première. C’est là qu’il nous faudra mourir mystiquement. Mais avant ce grand passage, l’âme doit apprendre  à demeurer longuement en elle-même….

Celui que Dieu a conduit en son propre fond, peut à tout moment quitter le temps, pour se tenir dans le « sein du Père ».

MORT MYSTIQUE NATIVITE DIVINE

«  La réponse st que vous devez vous tenir en silence, en cette précieuse agonie dans laquelle se trouve votre esprit ; aucune lamentation ne doit en sortir sinon ce doux gémissement d’amour et de résignation.  «  Père entre tes mains je remets mon esprit », mais vous devez le dire dans le fond de l’esprit, en Dieu.  Dans cet état, quand il plaira au Père très grand, s’achèvera l’agonie, alors vous mourrez de cette mort mystique plus précieuse que la vie et vous ressusciterez en Jésus Christ à une nouvelle vie divinisée de très pur amour. Me comprenez-vous ? Silence, résignation, abandon dans le sein du Père et laissez faire qui sait faire… »

L’entrée en état de nudité intérieure a permis d’attirer l’âme en elle-même, en son centre qui est le temple intérieur où habite le Très Haut. Comment alors Paul envisage-t-il le « sacrifice d’holocauste que l’âme fait d’elle-même à Dieu dans le feu de sa divine charité » ? Ce sacrifice peut-il être appelé mort mystique ?

Nous nous trouvons maintenant dans la phase la plus délicate du cheminement de l’âme vers Dieu. Notre découverte du fond de l’âme doit être suivie d’une longue résidence en ce lieu pas comme les autres, puisque Dieu y habite de façon éminente afin d’y devenir « Tout désir». Mais apprendre à vivre avec Jésus nécessite le don total de soi.

La mort mystique est une mort d’amour. Voila qui peut paraitre un peu excessif quand on songe à l’expérience religieuse commune. Mais c’est une chose d’en parler et même de l’envisager, c’en est une autre de la vivre. Car la réalité se présente sous la forme d’une nuit profonde. Personne ne meurt avec facilité. Cependant quelle mort bienheureuse que cette mort d’amour. Il s’agit de l’agonie d’une âme ne parvenant plus à « respirer »

Le désir d’amour est si grand! Mais on ne parvient pas à inspirer cet amour divin, jusque dans les « poumons » du cœur, Alors on étouffe. Alors quelle angoisse en cette nuit si dense.

Une telle agonie ne trouve pas sa source dans la seule disparition des douces communications que Dieu faisait à l’âme dans ses commencements. Cette première purification était nécessaire pour disposer l’âme à se laisser conduire jusqu’en son fond. Non, il s’agit ici de la disparition pure et simple de tout sentiment de Dieu, jusqu’à son existence même.

Pourtant au cœur de cette nuit, Dieu ne cesse jamais d’être là, au plus intime de nous-mêmes et jusqu’à ne faire qu’un avec l’âme. Mais cette heureuse idée d’une union en cours de réalisation échappe encore à l’âme.

C’est l’heure dune passivité imposée par Dieu lui-même. Cette passivité n’est pas un signe de régression, elle est signe de progrès, dans l’ordre de l’union de l’âme à la volonté divine. Etre actif c’est maitriser son destin. Or l’âme doit accepter de remettre son destin entre les mains de Dieu. Voilà pourquoi elle est conduite par Jésus en cette nuit de l’esprit. Tout ce que l’homme peut y faire activement consiste à demeurer  en paix sans la paix.

 Cependant toute nuit a sa fin ….

 La divine nativité est une introduction dans les secrets du cœur de Dieu pour y contempler ce que nul œil n’a vu, ce que nulle oreille n’a jamais entendu, … .. Mais il faut accepter de mourir préalablement. La mort mystique est la seule voie qui conduit à la divine nativité.

 

 Octobre 2012

Date de dernière mise à jour : 2015-11-24