Sainte Philomène
Qui es-tu?
Avant-propos
Ce devait être en 1816 ou 1817. Près d'Écully, à Tassin, dans une maison que Mr Jaricot avait cédée à sa fille aînée devenue Madame Perrin, se réunissaient de temps en temps toute la famille Jaricot et quelques ecclésiastiques. Monsieur Vianney, curé d'Ars, était également invité. C'est au cours de l'une de ces réunions que Jean-Marie Vianney entendit parler pour la première fois de Sainte Philomène. On racontait que le corps de cette jeune vierge martyre avait été découvert depuis peu dans une catacombe romaine. On disait aussi qu'elle multipliait les miracles. Monsieur Vianney écoutait très attentivement...
Bientôt, en 1818, Jean-Marie Vianney arrivait à Ars. Sa renommée de sainteté s'établit rapidement, et en 1828, on venait déjà de loin pour se confesser à lui. On disait même qu'il lisait dans les consciences et qu'il faisait des miracles... Oui, la chose était connue, et cela ennuyait bien notre Monsieur le Curé. Des infirmes et des malades venaient à Ars, et ils s'en retournaient chez eux valides et guéris. Et cela se savait, et Mr Vianney était bien gêné... Mais Philomène arriva... et le saint curé d'Ars multiplia les louanges envers la petite sainte à qui il attribua tous ses miracles.
Que s'était-il donc passé?
1-La découverte du corps de sainte Philomène
Un certain 24 mai 1802, un ouvrier, déblayant une galerie dans la catacombe de Sainte Priscille à Rome, découvrit une tombe. Averti des procédures à suivre dans ces cas-là, il fit part de sa découverte aux autorités ecclésistiques qui décidèrent de l'ouvrir le lendemain, le 25 mai 1802. Le savant archéologue qui accompagnait l'équipe nota que la tombe était fermée, en haut, par trois blocs de terre cuite sur lesquels étaient peints en rouge les symboles chrétiens du martyre: une palme, emblème du triomphe des martyrs, deux flèches et une lance, une la point en bas et les deux autres la pointe en haut; ces flèches témoignaient du genre de mort subi par certains martyrs qui mouraient transpercés par des flèches. Étaient également dessinées une ancre, car on attachait une ancre au cou des martyrs que l'on voulait noyer, ainsi qu'une fleur de lys, symbole de la pureté.
Il y avait aussi une inscription: "LUMENA PAXTE CUM FI. Il apparaissait évident que les blocs de fermeture n'avaient été correctement mis en place, et, en les bougeant, on obtint: "PAXTE CUM FILUMENA" soit: "La Paix soit avec toi, Philomène", ce dernier nom signifiant "Bien aimée" (du grec Phileo : aimer), ou d'après la racine latine "Fille de la lumière" (Filia luminis).
D'une main respectueuse, Mgr Ludovici, gardien des reliques, enleva la cloison légère, et l'on vit que la tombe contenait des ossements qu'on identifia comme étant ceux d'une jeune fille de treize à quinze ans dont le crâne avait été fracturé. Les archéologues découvrirent également, près de la tête, une petite fiole de sang à demi brisée[1]. Les humbles ossements furent immédiatement rassemblés, et transportés pieusement au Trésor des reliques. Ni le vénérable prélat, ni les témoins de la scène ne pensaient, en retournant à Rome, leur précieux fardeau dans les bras, qu'ils portaient l'une des plus glorieuses thaumaturges de l'Église. L'endroit où l'on venait de découvrir cette nouvelle tombe étant la plus ancienne partie de toute la catacombe de sainte Priscille, on estima que la sainte martyre, Philomène, avait vécu au plus tard, vers l'an 150 de l'ère chrétienne. Il y avait, par conséquent, mille sept cents ans que son corps dormait là.
En juin 1805, soit trois ans après leur découverte, les reliques de la jeune martyre furent confiées à la paroisse de Mugnano, petite bourgade du Royaume de Naples. L'église qui allait les garder s'appelait l'Eglise des Grâces. Maintenant la Sainte était bien chez elle, là où Dieu la voulait. Commença alors une série ininterrompue de miracles et de merveilles comme on en voit rarement... et ce fut par Angel Bianco, un habitant de Mugnano atteint depuis plusieurs mois d'une goutte tenace, très douloureuse et handicapante, que sainte Philomène commença à distribuer ses bienfaits.
Le curé d'Ars découvrit la petite sainte Philomène grâce à Pauline Jaricot qui lui avait donné une parcelle de la relique qu'elle avait pu obtenir. En lui remettant la relique, Pauline avait dit au bon Curé: "Monsieur le Curé, ayez grande confiance en cette Sainte; elle vous obtiendra tout ce que vous lui demanderez". Mystérieusement, une intime et mystique amitié lia la sainte martyre et le bon curé. Sainte Philomène devenaint pour Mr Vianney "sa chère petite sainte, son consul, son prête-nom, sa chargée d'affaires près de Dieu."
2-Les merveilles de Mugnano
2-1-Les premiers miracles
Il est impossible de rapporter tous les miracles accomplis grâce à l'intercession de sainte Philomène. Nous n'en mentionnerons que quelques-uns choisis parmi des centaines d'autres.
– Une veuve supplia Philomène, pendant une messe, de guérir son enfant infirme. Au moment de la consécration, on vit l'enfant sauter sur ses jambes et courir jusqu'à l'urne qui contenait les reliques de Ste Philomène pour la remercier. À Mugnano la joie fut vive, et les manifestations de reconnaissance, bruyantes... Dès lors, les foules affluèrent.
– Une maman affligée trempa son doigt dans l'huile de la lampe qui brûlait devant la sainte et l'appliqua sur les yeux de son enfant aveugle; instantanément l'enfant recouvra la vue. De très nombreux autres aveugles recouvrèrent la vue à Mugnano, près des reliques de Ste Philomène.
– De nombreuses femmes ayant des difficultés pour mettre au monde leurs enfants furent immédiatement soulagées après avoir invoqué sainte Philomène.
Un point important est à signaler. Philomène veut qu'on remplisse les engagements qu'on a pris envers elle, et qu'on tienne ses promesses, sinon, elle se fâche...
2-2-La guérison de Pauline Jaricot
2-2-1-Le voyage vers Mugnano
Pauline Jaricot, issue d'une famille très fortunée, avait été à l'origine de l'Œuvre de La propagation de la Foi et la fondatrice du Rosaire Vivant. Elle avait joué également un rôle important dans l'établissement de l'association de la Sainte Enfance. Nous sommes maintenant en 1834 et Pauline a 35 ans. Elle était gravement malade du cœur, sa faiblesse était extrême, et bientôt on crut qu'elle allait mourir.
C'est alors qu'elle décida d'aller à Mugnano. C'était une pure folie car elle était bien incapable de supporter un tel voyage, mais laissons-la raconter:
– Totalement épuisée par la douleur, je me disais en moi-même: "J'ai survécu au choc terrible et à l'excitation du bombardement [2] et je suis toujours en vie, alors que bien des semaines et des mois ont passé. Il y a sûrement en cela un secret dessein de la Providence divine... Je réussis à obtenir du médecin qu'il me dise que mon état était si désespéré que ce que je pouvais faire n'avait plus d'importance. Cette déclaration calma mes scrupules... j'ai entendu le médecin murmurer sans savoir que j'étais éveillée: "Laissez-la tranquille, laissez-la partir, elle n'ira pas bien loin."
Le voyage fut terrible, et à chaque instant on croyait que Pauline allait mourir. Lorsque les hommes qui accompagnaient Pauline eurent atteint le sommet du mont Cenis, il s'arrêtèrent pour contempler le paysage. C'est à ce moment qu'apparut soudain un bel enfant qui s'approcha de Pauline, lui sourit gentiment et lui offrit une rose blanche. Personne ne savait d'où venait cet enfant, les guides ne l'avaient jamais vu auparavant. Puis l'enfant disparut aussi soudainement qu'il était venu... Or dans ces régions enneigées, les roses ne poussaient pas.
2-2-2-Pauline Jaricot et le pape Grégoire XVI
Le voyage reprit. Pauline était presque inconsciente quand elle arriva à Rome, et c'est le pape Grégoire XVI lui-même qui se déplaça pour aller voir "sa chère fille", chez les religieusess du Sacré-Cœur, à la Trinité des Monts, où elle était logée. Le pape loua le courage de Pauline et la bénit: il pensait ne plus la revoir, jamais...
Mais Pauline ne mourut pas encore. Elle arriva à Mugnano la veille de la fête de Sainte Philomène. Les habitants de Mugnano prièrent avec force leur sainte chérie, à la manière italienne, en criant et en frappant l'urne qui contenait les reliques: "Tu nous entends, Philomène! Si tu ne réponds pas immédiatement à notre prière, nous ne t'invoquerons plus; tout sera fini entre nous." Philomène entendit et guérit Pauline.
2-2-3-La guérison de Pauline Jaricot
Nous sommes le 10 août 1835. Pauline était installée près de l'urne de sainte Philomène. Après avoir reçu la sainte Communion, elle ressentit dans tout son corps des douleurs si violentes qu'elle s'évanouit. Croyant que Pauline était morte la foule se mit à hurler, mais bientôt Pauline Jaricot reprit conscience; sa joie était telle qu'elle se crut arrivée au paradis, mais ce n'était pas encore l'heure: elle était simplement guérie la petite Philomène avait accompli un nouveau miracle. Pauline resta quelque temps à Mugnano, puis quand il fallut partir, elle emporta avec elle une grande relique de sainte Philomène. Sur la route qui l'emmenait à Rome, les foules manifestaient leur joie et leur enthousiasme. À Rome elle fut reçue par le pape Grégoire XVI qui lui demanda de rester à Rome pendant un an, afin qu'une enquête approfondie puisse être menée sur ce miracle dont elle était la bénéficiaire. Puis Pauline rentra en France, à Fourvière.
Le 30 janvier 1837, le pape Grégoire XVI autorisait le culte de sainte Philomène.
2-3-Philomène et le saint Curé d'Ars
Nous savons que Jean-Marie Vianney avait rencontré plusieurs fois Mademoiselle Pauline Jaricot. Après sa guérison spectaculaire, et son retour en France, Pauline donna un morceau de la grande relique qu'elle avait rapportée de Rome au Curé d'Ars en disant:
– Monsieur le Curé, ayez grande confiance en cette Sainte; elle vous obtiendra tout ce que vous lui demanderez.
Désormais Jean-Marie Vianney et la petite Philomène, Vierge martyre, ne se quitteront plus. Il lui parlait constamment, et elle faisait tout ce qu'il voulait. Quelque faveur qu'on lui demandât en son nom, elle l'accordait… Le curé d'Ars se sentait parfois mal à l'aise devant tant de miracles que les gens lui attribuaient à lui. Mais la petite sainte continuait ses miracles; elle voulut même en faire un pour le saint curé.
C'était en 1843. À force de se priver de tout, de nourriture et de feu, le saint homme avait gagné une fluxion de poitrine. Il était très mal; on lui administra les derniers sacrements, et l'on attendait la fin. Tout à coup, pendant la célébration d'une messe dite pour lui en l'honneur de Sainte Philomène, il s'endormit doucement, et se réveilla peu de temps après absolument guéri. Durant ce sommeil mystérieux, on l'entendit murmurer plusieurs fois le nom de sa protectrice. On a dit que Philomène lui serait apparu. Un tableau placé dans la belle chapelle de la Sainte, à Ars, perpétue le souvenir de cette miraculeuse guérison.
Dès lors s'établit entre le saint curé et sa protectrice une familiarité encore plus grande, une sorte de présence réelle.
Beaucoup de curés de paroisses de France voulurent imiter Jean-Marie Vianney. On peut vraiment affirmer que sans quitter son village, Jean-Marie Vianney a couvert la France de sanctuaires en l'honneur de sainte Philomène. En 1859, l'année de sa mort, il avait mis la France aux pieds de sa sainte et douce amie.[3]
2-4-Philomène et les papes
Depuis le 9 août 1805, jour de l'arrivée des reliques de Philomène à Mugnano, les miracles s'étaient multipliés. Ces nombreux miracles suscitèrent, naturellement, de tels sarcasmes et critiques que l'Église incita les tribunaux ecclésiastiques à une très grande vigilance. Cependant, même les papes s'autorisaient à rendre à Philomène les hommages les plus élogieux. Ainsi, Léon XII admirait les desseins de Dieu qui donnait tant de pouvoirs à une petite martyre si longtemps ignorée, et accordait que des autels et des chapelles lui fussent dédiés. Le 10 août 1823, la statue de sainte Philomène se mit à suinter une huile parfumée. En août 1833, Philomène se révélait à Sœur Marie-Louise de Jésus, une religieuse tertiaire dominicaine pour lui raconter sa vie. Ce récit reçut l'imprimatur le 21 décembre 1833. Nous avons vu plus haut que Pauline Jaricot fut guérie le 10 août 1835 et que le pape Grégoire XVI autorisa le culte de sainte Philomène le 30 janvier 1837; il établit sa fête et son office propre, et la déclara: "la plus grande thaumaturge du XIXe siècle. Il devait bientôt lui donner le titre de "Patronne du Rosaire Vivant".
Le pape Pie IX avait été miraculeusement guéri par sainte Philomène quand il était Archevêque de Spolète. Devenu le pape Pie IX et chassé de Rome par la Révolution de 1848 il vint célébrer prsonnellement la messe à Mugnano le 7 novembre 1849. Il pria pour demander à sainte Philomène d'intercéder auprès de Dieu pour que la liberté du siège apostolique fut respectée. Cinq mois plus tard, il pouvait rentrer à Rome. Il déclara sainte Philomène "Patronne secondaire du Royaume de Naples", et confirma le 31 janvier 1855, l'Office propre et la Messe de sainte Philomène. Il nomma Philomène "Patronne des Enfants de Marie".
Le pape Léon XIII, avant de devenir pape, fit deux pèlerinages à Mugnano. Il accorda, le 24 septembre 1889, le titre et le privilège d'Archiconfrérie à l'Œuvre de sainte Philomène, pour la France.
Le pape Pie X fut tout aussi dévoué à la petite sainte, et il en parlait souvent.
Nous savons combien l'Église est toujours très prudente lorsqu'il s'agit de reconnaître officiellement l'authenticité d'un miracle. Constater que plusieurs papes se sont personnellement investis en faveur de sainte Philomène et de son culte est une preuve éclatante de la véracité des faits concernant sainte Philomène.
3-Des merveilles peu ordinaires
Nous avons mentionné les guérisons miraculeuses qui se produisirent à Mugnano, près des reliques de sainte Philomène. On pourrait dire qu'il s'agissait là de miracles "ordinaires", s'il est permis de s'exprimer ainsi. Mais à Mugnano d'autres prodiges se manifestèrent, étonnants. Ces merveilles concernent: le sang de sainte Philomène contenu dans un petit vase, une statue en cire qui contient les ossements de la sainte martyre, et la grande statue en bois, offerte en 1806, par le Cardinal Ruffo-Scilla. Nous mentionnerons aussi quelques "signes" particuliers.
3-1-Le sang de la Sainte
Le sang de Philomène contenu dans un vase de cristal est très sec et ressemble à des cendres. Tous les visiteurs peuvent le voir parfaitement. Cette poussière devrait normalement demeurer inerte. Or il n'en est rien. Sous les yeux des pèlerins, le sang se transforme et des pierres précieuses apparaissent: des rubis, des émeraudes, des particules d'or et d'argent. Parfois, il y a aussi des particules noires: on dit qu'elles présagent des désagréments, des affliction, ou révélent l'indignité de ceux qui vénèrent la relique. Ces transformations ont été vérifiées et déclarées authentiques par les plus hautes autorités ecclésiastiques. [4]
On peut citer, notamment:
– le Cardinal Ruffo Scilla qui, apposant les sceaux sur le vase contenant le sang de sainte Philomène, vit ce sang se changer en plusieurs pierres précieuses brillantes...
– le Cardinal Deschamps, archevêque de Malines, qui raconta, lors d'un pèlerinage à Mugnano: "J'ai vu ce précieux sang... qui était d'abord terne et durci; et voici que Jésus-Christ, en lui communiquant un rayon de la gloire de l'âme qui l'a offert pour lui, le rend éblouissant comme un arc en ciel. C'est vraiment merveilleux. Je le savais pour l'avoir lu, mais je peux dire maintenant que je l'ai vu de mes propres yeux."
3-2-La "figure" de cire
Une "figure" de cire contenant les ossements de Philomène est conservée dans une urne vitrée qui permet de voir l'image. Cette image, somptueusement vêtue porte, sur un doigt de la main droite, une grosse bague ornée d'une topaze, offerte par le pape Pie X. À plusieurs reprises la statue se transforma. Une première fois le 29 septembre 1805: à la surprise des personnes présentes, la statue, de facture grossière et mal installée dans son coffret d'ébène trop petit, prit une position plus gracieuse, et le visage, assez laid, devint superbe. Vingt ans plus tard, en 1824, lorsqu'on eut remplacé le premier coffret par un autre plus beau et plus grand, on eut la surprise de voir les yeux s'ouvrir et les pieds et les jambes s'allonger comme pour occuper toute la place.
En 1841, la statue était placée de telle sorte que tout le monde ne pouvait pas la voir; soudain tout l'assemblée vit la statue se tourner de trois-quarts pour devenir visible à tous. Le 27 mai 1892, la statue changea encore de position.
3-3-La grande statue
La grande statue offerte par le Cardinal Ruffo-Scilla en 1806, sert, entre autres, lors des processions publiques de la sainte. En 1823, lors d'une procession, les porteurs la sentirent soudain anormalement lourde. Des couleurs fleurissaient sur son visage, le rendant comme vivant. Le lendemain une sorte de transpiration perlant sur le front de la statue, remplissait l'air d'un parfum délicieux. Ce prodige dura longtemps. Il fut examiné et authentifié par les autorités civiles et ecclésiastiques.
3-4-Les signes
Parfois sortent de l'urne des sons cristallins comme si le verre était frappé par quelque chose de dur. Ce signe est bien connu.
D'autres signes ont été signalés; nous citerons la multiplication de livres racontant la vie de sainte Philomène, ou d'images de la Sainte. Une fois des reliques furent confiées à des personnes qui ne les traitèrent pas avec assez d'amour: elles disparurent. On les retrouva plus tard dans l'urne contenant les ossements de la sainte...
4-Qui est réellement sainte Philomène?
4-1-Trois révélations intéressantes
Les recherches humaines, même celles des plus grands savants du XIXème siècle, n'ont donné aucun renseignement sur la vie de sainte Philomène. Mais à trois personnes, fort éloignées géographiquement et ne se connaissant pas, Philomène a révélé sa vie: un jeune artisan d'une conscience pure et d'une piété solide; un prêtre zélé, honoré plus tard des dignités de l'Église, une religieuse napolitaine de trente-cinq ans, consacrée à Dieu dans une maison austère de Naples. Nous rapportons ci-dessous la révélation[5] qui fut faite à la religieuse: sœur Marie-Louise, Supérieure générale de la Congrégation des Sœurs des Douleurs de Marie, décédée en 1875.
4-2-Sainte Philomène raconte sa vie
Ma chère sœur, je suis la fille d'un prince qui gouvernait un petit État de la Grèce. Ma mère était aussi de sang royal. Comme ils étaient sans enfant et tous deux encore idolâtres, pour en obtenir, ils offraient continuellement des prières et des sacrifices à leurs faux dieux. Un docteur romain qui professait le christianisme, nommé Publius... vivait dans un palais au service de mon père.. Voyant l'affliction de mes parents,… sous l'impulsion de l'Esprit Saint, il leur parla de notre foi et les assura que leurs prières seraient entendues s'ils embrassaient la religion chrétienne… Finalement, après mûre réflexion, ils reçurent le sacrement de baptême.
Je suis née au début de l'année suivante, un 10 janvier, et à ma naissance, ils me donnèrent le nom de 'Lumena', ou 'Lumière', car j'étais née à la lumière de la Foi à laquelle mes parents étaient maintenant ardemment dévoués. Le jour de mon baptême, ils me nommèrent 'Philomena', c'est-à-dire 'Fille de la lumière'. L'affection que mes parents me portaient était si grande qu'ils voulaient toujours m'avoir près d'eux. C'est pour cette raison qu'ils m'amenèrent à Rome avec eux à l'occasion d'un voyage que mon père devait faire en raison d'une guerre injuste dont il était menacé par l'arrogant Dioclétien. J'allais sur la fin de mes treize ans. Arrivés dans la capitale du monde, nous nous rendîmes au palais de l'empereur où on nous accorda une audience…
Tandis que mon père plaidait sa cause avec ardeur et cherchait à se justifier, l'Empereur ne me quittait pas des yeux et à la fin il déclara:
– Cesse de te tourmenter; tu peux être parfaitement rassuré; il n'y a plus de raison de s'inquiéter. Au lieu de vous attaquer, je mettrai toutes les forces de l'Empire à votre disposition à la condition que tu me donnes la main de ta fille, la jolie Philomène.
Mes parents accédèrent à sa requête et, de retour chez nous, ils cherchèrent à me convaincre que j'allais être heureuse comme Impératrice de Rome. Je rejetai leur offre sans aucune hésitation en leur disant que j'étais devenue l'épouse de Jésus-Christ par un vœu de chasteté prononcé lorsque j'avais onze ans. Mon père s'efforça alors de montrer qu'une enfant de mon âge ne pouvait pas disposer d'elle-même comme elle l'entendait et il exerça toute la force de son autorité pour me faire obéir.
Lorsque l'Empereur reçut ma réponse, il la considéra comme un simple prétexte pour briser la promesse qui lui avait été faite:
– Amène-moi la princesse Philomène, dit-il à mon père, je verrai si je peux la persuader.
Mon père vint vers moi mais, voyant que j'étais inébranlable, lui et ma mère se jetèrent à mes pieds en m'implorant.
– Mon enfant, aie pitié de ton père, de ta mère, de ton pays! Aie pitié de notre royaume!
– Non, non, ai-je répondu; Dieu et ma virginité que je lui ai consacrée passent avant tout; avant vous, avant mon pays! Mon royaume, c'est le Ciel.
Mes paroles les plongèrent dans le désespoir et il leur fallut m'emmener devant l'Empereur qui, de son côté, fit tout en son pouvoir pour me gagner. Mais ses promesses, ses séductions, ses menaces furent également vaines. Il fut alors saisi d'un violent accès de colère et, influencé par le démon de l'impureté, il me fit jeter dans les prisons de son palais où l'on me chargea de chaînes.
Croyant que la douleur et la honte affaibliraient le courage que mon divin Époux m'inspirait, il vint me voir chaque jour; puis, après avoir détaché mes chaînes pour me permettre de prendre la petite portion de pain et d'eau que je recevais comme nourriture, il renouvela ses attaques dont certaines, sans la grâce de Dieu, auraient été fatales à ma pureté. Les échecs qu'il continua de rencontrer furent pour moi le prélude à de nouvelles tortures, mais la prière me soutenait. Je ne cessais de me recommander à Jésus et à sa Mère très pure. Ma captivité durait depuis trente-sept jours lorsque, au milieu d'une lumière céleste, je vis Marie tenant son divin Fils dans ses bras.
– Ma fille, me dit-elle, encore trois jours de prison et, après quarante jours, tu sortiras de cet état de douleur.
Mon cœur battait de joie à l'annonce de cette nouvelle mais, comme la Reine des anges avait ajouté que je devrais quitter cette prison pour soutenir, dans des tourments effrayants, un combat bien plus terrible que les précédents, je passai immédiatement de la joie à l'angoisse la plus cruelle; je pensai qu'il me tuerait.
– Courage, mon enfant, me dit Marie, ne sais-tu pas l'amour de prédilection que je te porte? Le nom que tu as reçu au baptême en est l'assurance, par sa ressemblance avec celui de mon Fils et avec le mien. Tu es appelée Lumena ou Lumière. Mon Fils, ton Époux, est appelé Lumière, Étoile, Soleil. Et ne suis-je pas moi-même appelée Aurore, Étoile, Lune dans la plénitude de son éclat, et Soleil? Ne crains pas, je t'aiderai. C'est maintenant l'heure de la faiblesse humaine et de l'humiliation, mais au moment de l'épreuve, tu recevras grâce et force. En plus de ton ange gardien, tu auras aussi le mien, l'archange Gabriel, dont le nom signifie "La force du Seigneur". Lorsque j'étais sur terre, il était mon protecteur. Je te recommanderai tout spécialement à ses soins, mon enfant bien-aimée.
Ces paroles de la Reine des vierges me redonnèrent courage et la vision disparut en laissant ma prison emplie d'un parfum céleste.
L'Empereur, désespérant de me faire accéder à ses désirs, eut alors recours à la torture pour me terrifier et m'amener à rompre mon vœu avec le Ciel. Il ordonna qu'on m'attache à un pilier pour être fouettée sans merci tandis qu'on me lançait d'horribles blasphèmes.
– Puisqu'elle est obstinée au point de préférer à un Empereur un malfaiteur condamné à mort par ses propres compatriotes, dit-il, elle mérite un châtiment approprié.
Le tyran, me voyant toujours aussi déterminée bien que je ne sois qu'une plaie béante, ordonna qu'on me ramène en prison pour y mourir dans les souffrances. Je souhaitais la mort pour m'envoler dans les bras de mon Époux lorsque deux anges brillants apparurent qui versèrent un baume céleste sur mes plaies et je fus guérie. Le lendemain matin, l'Empereur fut surpris en apprenant la nouvelle. Me voyant plus forte et plus belle que jamais, il entreprit de me convaincre que je devais cette faveur à Jupiter, qui me destinait au diadème impérial.
Sous l'inspiration du Saint-Esprit, je rejetai ce sophisme et résistai à ses caresses. Fou de rage, il ordonna qu'on m'attache au cou une ancre de fer et qu'on me précipite dans le Tibre. Mais Jésus, pour montrer Son pouvoir et confondre les faux dieux, envoya deux anges pour m'aider. Ils coupèrent la corde et l'ancre tomba dans la rivière où elle demeure enfoncée dans la boue. Ils me déposèrent ensuite sur la rive sans qu'une seule goutte d'eau ait mouillé mes vêtements.
Ce miracle convertit un grand nombre de spectateurs et Dioclétien, plus obstinément aveugle que Pharaon, déclara alors que je devais être une sorcière et ordonna qu'on me transperce de flèches. Mortellement blessée et sur le point de mourir, on me jeta à nouveau en prison. Au lieu de la mort qui aurait normalement dû survenir, le Tout-puissant me fit tomber dans un sommeil paisible dont je me réveillai plus belle qu'auparavant. Ce nouveau miracle mit l'Empereur dans une fureur telle qu'il donna l'ordre de répéter cette torture jusqu'à ce que mort s'en suive. Mais les flèches refusèrent de quitter les arcs. Dioclétien affirma que c'était le fait de la magie et, espérant que la sorcellerie serait impuissante contre le feu, il ordonna que les flèches soient rougies au feu dans un brasier. Cette précaution fut inutile. Mon divin Époux me sauva de la torture en retournant les flèches contre les archers, et six d'entre eux furent tués. Ce dernier miracle entraîna d'autres conversions et la foule commençait sérieusement à montrer des signes de mécontentement envers l'Empereur, et même de révérence pour la sainte Foi.
Par crainte de conséquences plus sérieuses, le tyran donna l'ordre de me couper la tête. Mon âme, glorieuse et triomphante monta vers le Ciel où je reçus la couronne de virginité que j'avais méritée par tant de victoires. Il était trois heures de l'après-midi, un dix août, qui était un vendredi.
Voilà pourquoi Notre-Seigneur a voulu que mon corps soit ramené à Mugnano un dix août, et pourquoi Il accomplit tant de miracles en cette occasion."
5-Les controverses
Curieusement, la multiplicité des miracles obtenus par l'intercession de sainte Philomène troublait certaines personnes qui se demandaient si tout ce que l'on racontait avait bien été identifié. Pourtant des archéologues éminents avaient donné leur avis lors de la “découverte” des reliques. Les papes, avaient, les uns après les autres, manifesté leur dévotion envers sainte Philomène, ainsi que de nombreux serviteurs de Dieu renommés par leur sainteté, non seulement le curé d'Ars, mais aussi sainte Madeleine-Sophie Barat, Mr Léon Dupont, le saint Homme de Tours, Pierre-Julien Eymard, saint Pierre Chanel, etc... Pourtant des objections d'ordre historique ou archéologiques continuaient à s'élever...
Nous ne sommes pas tenus de croire aux révélations privées. Nous ne sommes donc pas tenus de croire à tout ce qu'on raconte sur sainte Philomène. Mais comment ne pas croire tant de témoins si éminents? Comment refuser de voir ce qu'on ne peut nier? Comment refuser l'évidence? Pourquoi nier ce que tant et tant de témoins avaient vu, et ce dont tant de malades avaient été les bénéficiaires: miracles physiques, ou psychologiques ou conversions…
Voici que soudain nous sommes encore plus profondément troublés: pourquoi, en 1961, suite à un décret, la Sacrée Congrégation des Rites, a-t-elle rayé Sainte Philomène, Vierge et Martyre, dont la fête avait été fixée au 11 août, de tous les calendriers liturgiques de l'Église Universelle, supprimant du même coup l'Office propre avec Messe décrété le 11 janvier 1855 par le Pape Pie IX? Sa sainteté n'est-elle plus reconnue?
Pourtant, alors que les controverses faisaient déjà rage, au cours d'une audience du 6 juin 1907, le pape Pie X avait déclaré, parlant de Philomène:
– Ah! Sainte Philomène! Je suis bien attristé par ce que l'on écrit à son sujet. Est-ce possible de voir de telles choses?... On lut ce nom Filumena sur sa tombe. Que ce soit son propre nom ou qu'elle en portât un autre […] peu importe. Il reste, il est acquis que l'âme qui informait ces restes sacrés était une âme pure et sainte que l'Église a déclarée l'âme d'une vierge martyre. Cette âme a été si aimée de Dieu, si agréable à l'Esprit-Saint, qu'elle a obtenu les grâces les plus merveilleuses pour ceux qui eurent recours à son intercession...
Et aujourd'hui?
Le 7 octobre 2002, le Père Mark Miravalle, STD, professeur de théologie et de mariologie à l'université franciscaine de Steubenville[6], traitant du Statut ecclésial actuel de la dévotion à Sainte Philomène, écrivait: "Le statut de la dévotion à Sainte Philomène a fait récemment l’objet d’une attention renouvelée après la publication d’un Martyrologe romain révisé par la Congrégation pour le Culte Divin, où l’omission de Ste Philomène a été perçue par certains comme un rejet officiel de son statut de sainte, chose quelque peu contradictoire avec le fait qu’elle continue d’être l’objet d’une dévotion populaire partout dans le monde...
Le statut de la dévotion à Sainte Philomène a fait récemment l’objet d’une attention renouvelée après la publication d’un Martyrologe romain révisé par la Congrégation pour le Culte Divin, où l’omission de Ste Philomène a été perçue par certains comme un rejet officiel de son statut de sainte, chose quelque peu contradictoire avec le fait qu’elle continue d’être l’objet d’une dévotion populaire partout dans le monde... Ni la directive de 1961 de la Congrégation des Rites pour enlever Ste Philomène du calendrier, ni son omission dans le Martyrologe romain révisé n’affectent de façon négative la dévotion populaire à Ste Philomène établie par les Papes et approuvée par l’Église, dévotion qui continue de nos jours avec la sanction de l’Église[7]...
Par conséquent, toute conclusion cherchant à invalider la dévotion populaire à Ste Philomène sur la base de son omission au Martyrologe romain révisé serait théologiquement erronée et contraire à la dévotion existante sanctionnée par l’Église envers la sainte martyre.
En conclusion la dévotion populaire à Ste Philomène, vierge et martyre, est actuellement bien vivante parmi le Peuple de Dieu; elle jouit d’un statut ecclésial positif et d’une vénération généreusement grandissante. La sagesse des Papes et des Saints du passé a reconnu que l’ "histoire" de la puissante intercession surnaturelle de Philomène pour l’Église était plus importante que l’"histoire" de son existence terrestre. Telle est la manifestation des voies mystérieuses du dessein salvifique de Dieu".
6-Prières à Sainte Philomène
Illustre vierge et martyre, bienheureuse Sainte Philomène, dont le nom et les miracles sont connus jusqu'aux extrémités du monde, soyez sensible à ma confiance en votre intercession, et au désir que j'ai de voir votre culte s'étendre dans tout l'univers. Glorieuse vierge et martyre, je me réjouis avec vous de la puissance que le Seigneur vous a donnée, pour la gloire de son nom et pour l'édification de son Église. J'aime à vous voir si pure, si généreuse, si fidèle à Jésus, si élevée dans la gloire.
Attiré par vos exemples à la pratique de la vertu, plein d'espoir à la vue des récompenses accordées à vos mérites, je veux fuir le péché, et accomplir tout ce que Dieu me commande. Aidez-moi, grande Sainte, à obtenir une pureté à jamais inviolable, une générosité qui ne se refuse pour l'amour de Dieu à aucun sacrifice, un dévouement sans bornes la foi catholique, et . . . (nommez la faveur spéciale que vous désirez). Ce Dieu si bon pour lequel vous avez donné votre sang et votre vie, ce Dieu qui m'a tant aimé, ne refusera rien à vos prières.
Ainsi soit-il.
Je vous salue, ô innocente Philomène qui, par l'amour de Jésus, avez conservé dans tout son éclat le lis de la virginité. Je vous salue, ô illustre Philomène, qui avez répandu si courageusement votre sang pour Jésus-Christ.
Je bénis le Seigneur pour toutes les grâces qu'Il vous a accordées pendant votre vie, et tout spécialement à l'heure de votre mort. Je Le loue et Le glorifie pour l'honneur et la puissance avec lesquels Il vous a couronnée, et je vous supplie d'obtenir pour moi auprès de Dieu les grâces que je demande par votre intercession.
Sainte Philomène, fille bien-aimée de Jésus et de Marie, priez pour nous qui avons recours à vous. Ainsi soit-il.
Prière quotidienne
Ô sainte Philomène, vierge et martyre, priez pour nous, afin que par votre puissante intercession nous puissions obtenir cette pureté de cœur et d'esprit qui conduit à l'amour parfait de Dieu. Amen.
[1] Ce genre de petit vase était habituellement joint par les premiers chrétiens aux tombes des martyrs.
[2] En 1834, Lyon connut des émeutes sanglantes: les canuts renouvelèrent leur insurrection de 1831 car les promesses qui leur avaient été faites n’avaient pas été tenues. En effet, ils travaillaient 16 heures par jour, entassés avec leur famille dans d’étroits logements; ils supportaient péniblement les méfaits du machinisme.
[3] d'après le "Messager Canadien du Sacré-Coeur", vol. V, août et septembre 1896.
[4] L'ampoule du sang est maintenant dans la châsse de la sainte. Il y avait autrefois un reliquaire où l'on avait mis une partie du sang pour l'offrir au baiser des fidèles. Ce reliquaire a été volé en 1972. (d'après une note du livre du R.P. Paul o'Sullivan: Sainte Philomène, la chère "petite sainte" du curé d'Ars.)
[5] Texte rapporté dans le livre du Père o'Sullivan et sur le site: http://saintephilomene.ifrance.com/
[6] Dans l'Ohio, aux USA.
[7] Don Giovanni Braschi, Recteur du Sanctuaire de Mugnano, a fait état d’une augmentation importante et largement répandue de pèlerinages nationaux et internationaux au Sanctuaire qui ont nécessité d’importants travaux de reconstruction pour l’hébergement des pèlerins (travaux complétés en septembre 2002); les chapitres de l’Archiconfrérie se sont multipliés pour atteindre les cinq continents et l’augmentation est particulièrement forte dans les Îles Britanniques (Irlande, Écosse, Grande-Bretagne), aux Philippines, et en plusieurs endroits aux États-Unis. (cf. Bulletins de Mugnano, dépêches par courriel, 2000-2002.)
http://nouvl.evangelisation.free.fr/sainte_philomene.htm
Date de dernière mise à jour : 2018-08-12
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