La prière de Jésus dans le Jardin de Gethsémani
Les Mystères de Douleur, en effet, remuent la “sensibilité” du cœur de celui qui les médite. Ce sont des scènes fortes : c’est Dieu qui est là ! En même temps, il faut dire que ces heures du Seigneur cachent des mystères bien plus profonds qu’il n’y paraît à première vue. La prière du Christ dans le Jardin des Oliviers est un “mystère emblématique”. Jean-Paul II a qualifié le premier des Mystères douloureux de “mystère dans le mystère”…
1º) « Il est sorti et, comme d’habitude, il est allé sur la montagne des Oliviers. (… ) Et, à genoux, il priait» (Lc 22,39.41). Le Christ vient d’instituer l’Eucharistie en anticipant mystérieusement le sacrifice qu’il allait accomplir sur le Calvaire : “Mon corps donné pour vous; Mon sang versé pour vous. Il nous donne à l’avance le sacrifice de sa vie!
Mais Jésus ne voulut pas passer directement du Cénacle au Calvaire; au milieu, se déroule un chapitre emblématique de sa vie : Gethsémani! Là se rassemble tout : le Christ connaît tout (l’étendue des péchés de l’humanité); Le Christ assume tout (l’inimité infinie infligée à Dieu); Le Christ parle tout avec son Père (plus que probablement, le Diable n’a pas manqué à cette citation). Cela pèse sur Jésus Christ, mais il veut le faire, et le faire avec amour, c’est-à-dire avec liberté et conscience. En conséquence, Jésus repense tout ce qu’il fait : c’est cela Gethsémani ! (quand tu dois faire quelque chose qui ne te plaît pas, la solution est de parler avec Dieu… et à la fin tu voudras le faire même si tu n’en as pas envie).
2º) « Les disciples le suivirent aussi. Quand il est arrivé sur les lieux, il leur a dit : ‘priez pour ne pas céder à la tentation» (Lc 22,40). Un autre mystère : Dieu compte sur nous! Le Seigneur a voulu prier pour les hommes et avec les hommes. Il ne nous donne pas le salut pour rien (il ne voulait pas faire une rédemption bon marché) : Dieu nous prend au sérieux et nous implique dans notre propre salut : Il désire notre coopération. Cependant “il a dû prier pour les hommes sans les hommes” parce qu’un autre “mystère est arrivé : la somnolence de l’homme. «Simon, dors-tu? N’as-tu pas pu veiller une heure? Veillez et priez» (Mc 14, 37-38). Comment pouvons-nous nous endormir alors que Jésus agonise pour nous ? Jésus voulant compter sur nous, nous lui avons presque donné plus de douleur que de service !
La Vierge aurait joué un meilleur rôle que les Apôtres : elle n’a pas dormi cette nuit-là. Mais Jésus Christ voulut emmener avec lui à Gethsémani les premiers prêtres qu’Il avait lui-même consacrés. Dieu veut que nous ayons plus confiance dans la puissance de la consécration qu’Il leur a donnée que dans les mérites personnels de ses élus…
3º) «Abba, Père! Tout t’est possible, éloigne de moi ce calice » (Mc 14,36), «mais que ma volonté ne soit pas faite, mais la tienne» (Lc 22,42). Il n’y avait pas besoin de toute cette souffrance pour nous sauver (même si c’était pratique pour nous aimer jusqu’au bout). Le Seigneur pouvait passer avec moins : nous ne l’aurions même pas su! En effet, si Jésus l’avait demandé, le Père aurait immédiatement mis à sa disposition plus de douze légions d’anges (cf. Mt 26, 53). Le Père était prêt à obéir au Fils, mais le Fils ne le lui permit pas : Jésus nous donne l’exemple de l’amour pour la Volonté de Dieu
En effet, il serait normal que notre volonté recherche sa pleine réalisation en s’identifiant avec la Volonté de notre Dieu-Créateur. Mais par une pathologie presque mystérieuse, nous prenons Dieu pour concurrent et considérons sa volonté comme une menace contre notre liberté. Dans sa persévérance, «Jésus entraîne la nature [humaine] récalcitrante vers sa véritable essence [l’identification avec Dieu]» (Benoît XVI).
4º) «En entrant dans l’agonie, il priait avec plus d’intensité. Et une sueur lui est venue comme des gouttes de sang qui tombaient jusqu’au sol » (Lc 22,43-44). C’est l’agonie ! Qu’est-ce qui se passe ? Tandis que les Apôtres “étaient” « endormis par la tristesse » (Lc 22,45), Jésus Christ —avec son Saveur Divin— connaît la mollesse des offenses humaines et —avec son Amour Divin— il souffre infiniment parce que l’amour n’est pas aimé » (Saint François d’Assise). Mais tout ce poids infini communique avec la nature humaine du Christ, qui est fini. En conséquence, nous pourrions dire que la nature humaine du Seigneur “éclate” —presque ne peut pas supporter cela— et transpire du sang par les pores de la peau. Nous ne savons pas comment il a pu se surmonter
5º) « Il s’est fait péché pour nous » (2co 5,21) Jésus subit le mal (douleur, horreur, autodestruction…) de tous les péchés! Nous y rencontrons un autre mystère (parce que la finitude de notre nature ne nous permet pas de commettre et de subir le catalogue complet de tous les péchés) Saint Jean-Paul II l’expliquait ainsi : « Pour rendre à l’homme le visage du Père, Jésus a dû non seulement assumer le visage de l’homme, mais se charger même du “visage” du péché. ‘ Celui qui n’a pas connu le péché s’est fait péché pour nous, afin que nous venions être justice de Dieu en lui (2co 5, 21)». Voilà le grand mystère : le Christ souffre de la douleur —de la tristesse— de tous les péchés de toute l’histoire de l’humanité…Il s’est fait péché!
Dans les paroles de Benoît XVI : «Dans sa mort sur la croix s’accomplit le retournement de Dieu contre lui-même». “Dieu contre Dieu”, dit entre guillemets parce que le langage humain est court pour expliquer cet “amour jusqu’à l’extrême”… au point de se mettre là où étaient les hommes : loin de Dieu! Oui, “Dieu loin de Dieu” : «Mystère dans le mystère, devant lequel l'être humain ne peut que se prosterner et adorer (…). Nous ne cesserons jamais d'explorer la profondeur abyssale de ce mystère» (Jean-Paul II).
Date de dernière mise à jour : 2020-08-23
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