Saint Vincent Ferrier
Missionnaire ( fête le 5 avril)
Vincent naît le 23 janvier 1350 à Valence, en Espagne. Sa mère, avant sa naissance, eut révélation de son avenir. Inquiète, elle consulta un saint personnage et en reçut l'assurance que cet enfant prédestiné serait un grand saint, dont l'éloquente parole ferait fuir les loups et ramènerait au bercail les brebis égarées.
Tout petit enfant, il réunissait ses camarades, leur parlait du bon Dieu et de la Sainte Vierge avec tant d'onction et d'amour, qu'ils en étaient touchés.
Après avoir édifié quelques années le couvent des Dominicains de Valence, il fit ses premiers essais dans la prédication, et l'on accourut bientôt de loin pour l'entendre. Il puisait son éloquence dans les plaies sacrées du Sauveur et dans les lumières de l'oraison. Un jour qu'il devait prêcher devant un grand seigneur, il se prépara, contre son ordinaire, plus par l'étude que par la prière ; son sermon fut remarquable. Mais le lendemain, prêchant devant le même seigneur, après une longue préparation aux pieds du crucifix, il parla avec beaucoup plus de chaleur et d'onction. Le prince lui en demanda la raison : « Monseigneur, dit le Saint, c'est Vincent qui a prêché hier, et c'est Jésus-Christ qui a prêché aujourd'hui. »
Vincent avait quarante ans quand il entra pleinement dans sa vocation de missionnaire, après avoir été guéri d'une grave maladie par Notre-Seigneur. Un bâton d'une main, un crucifix de l'autre, il parcourut à pied presque toutes les provinces de l'Espagne, de la France et de l'Italie, instruisant, édifiant, convertissant les foules ; il alla jusqu'en Angleterre, en Écosse et en Irlande, répandre la semence de la parole divine.
Les églises ne suffisant pas à contenir la foule de ses auditeurs, il prêchait ordinairement sur les places publiques et en pleine campagne. On compte que ce prédicateur tout divin convertit vingt-cinq mille juifs et autant de musulmans, et retira du vice plus de cent mille pécheurs. Dieu renouvela pour lui le miracle des premiers jours de l'Église : Vincent ne prêchait qu'en latin et en espagnol, et tous ses auditeurs, quels qu'ils fussent, le comprenaient dans leur langue.
Son triomphe était la prédication des fins dernières ; il fut l'apôtre du jugement dernier, et les foules frémissaient dès qu'il répétait les paroles du prophète : « Levez-vous, morts, et venez au jugement. »
Quand Vincent prêchait en quelque lieu, les marchands de disciplines, de cilices et autres instruments de mortification accouraient et ne pouvaient suffire à satisfaire les acheteurs. Tous les jours, après le sermon, son compagnon sonnait les miracles, et on apportait les malades en foule. Il mourut à Vannes (Bretagne) le 5 avril 1419.
Vicente Ferrer a été canonisé le 5 juin 1455, à Rome, par le pape Calixte III (Alonso de Borgia, 1455-1458).
Il est le Saint patron des travailleurs de la construction en général, et plus particulièrement des :
constructeurs, fabricants de briques et de tuiles, poseurs de revêtements de sol.
Il est invoqué contre l'épilepsie et le mal de tête
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950 (« Rév. x gpm »)
Janvier 1367. Vincent a dix-sept ans lorsqu’il frappe à la porte du couvent des Dominicains de Valence (Espagne) pour consacrer sa vie au Christ. Il n’a pas besoin de recommandation : son père, Guillem Ferrer, notaire royal de la ville, est bien connu au couvent. Lui et son épouse, Constança Mique, sont généreux envers les religieux. On se souvient, à Valence, du miracle que Dieu fit pour signaler le destin particulier de l’enfant, alors qu’il était encore dans le sein de sa mère. Tandis que la maman demandait à une aveugle, qu’elle secourait personnellement, de prier pour que l’accouchement se déroule au mieux, la pauvre femme pencha sa tête vers le sein de sa bienfaitrice pour bénir de tout cœur l’enfant ; aussitôt, elle recouvra la vue et s’exclama : « Heureuse mère ! C’est un ange que vous portez, il vient de me rendre la clarté du jour ! » Et, le 23 janvier 1350, vint au monde un garçon ; ses parents le firent baptiser le jour même, le plaçant sous le patronage de saint Vincent, diacre de Saragosse, martyrisé vers 303 à Valence.
Dans sa miséricorde, le Seigneur octroie à Vincent non seulement un esprit contemplatif pour L’adorer dans les églises et devant le tabernacle où Il réside, mais Il le fait aussi vibrer d’admiration au spectacle de ses œuvres dans la nature, en particulier devant l’immensité de la mer. Spontanément, l’enfant s’improvise prédicateur de ses camarades. Mais tous ne sont pas également disposés à l’écouter, et certains cherchent à le tourner en ridicule. Le voyant un jour approcher, l’un d’eux tombe tout à coup à terre, et ses complices se mettent à pousser des cris, appelant au secours. Vincent se précipite ; les garnements le supplient alors de faire un miracle en faveur du moribond. Un instant surpris, l’interpellé les fixe d’un regard calme, puis, gravement, leur dit : « Il a fait semblant d’être mort pour votre plaisir, mais mal lui en a pris, car il est mort véritablement. » Les autres éclatent de rire et se moquent de Vincent, tout en secouant leur camarade pour qu’il se relève. Mais en vain : le garçon est bel et bien mort ! Pressé par les supplications sincères d’autres camarades bien intentionnés, Vincent obtient de Dieu la résurrection du jeune imprudent.
Après ses études, Vincent entre au noviciat des Dominicains de Valence. Malgré le sérieux de sa vocation, les premières années lui sont difficiles, car le couvent connaît un certain relâchement. Cependant, le Père Thomas Carnicer, maître des novices, travaille au retour à une plus exacte observance de la règle des Dominicains. Sous sa conduite, Vincent fait profession en 1368. Il poursuit ensuite brillamment les études de théologie, se déplaçant de “studium” (couvent d’études) en “studium” : Gérone, Lérida, Majorque, jusqu’au “studium generale” de Barcelone, et enfin à Toulouse, qui constitue pour son Ordre le couronnement de la vie intellectuelle. Il est ordonné prêtre en 1378 par le cardinal Pierre de Lune, qui jouera un rôle important dans sa vie.
« Je l’ai entendu prêcher »
Rentré dans son pays natal en 1383, Vincent mène une vie ascétique tout en exerçant la charge de théologal (membre du chapitre de la cathédrale, chargé d’enseigner la théologie et de prêcher en certaines occasions). En 1388, lui est conféré le titre de “Maître en théologie” (grade de docteur). Bientôt son zèle et le succès de ses prédications suscitent des jalousies. Des hommes mal intentionnés usent d’un stratagème pour salir la réputation morale du prédicateur : ils poussent chez une femme de mauvaise vie un homme âgé et débauché, que Vincent a souvent repris de ses désordres, et qui demande à la femme de garder la rencontre secrète car il s’appelle Vincent Ferrier. La malheureuse s’empresse de tout révéler autour d’elle et le scandale éclate dans la ville. Il semble impossible au religieux de se disculper. Toutefois, lors d’une assemblée publique solennelle, un frère du dominicain, désignant Vincent, demande à la femme si elle le reconnaît. « Non ce n’est pas lui qui m’a dit s’appeler Vincent Ferrier, répond-elle formellement. Celui-ci, je le connais, je l’ai entendu prêcher plusieurs fois. L’autre était beaucoup plus âgé, quasi un vieillard. »
Maître Vincent délivre à ses contemporains un message opportun de pénitence, que le Seigneur confirme par le don des miracles : les actes de la canonisation de saint Vincent Ferrier en mentionneront plus de huit cents, parmi lesquels on trouve de nombreuses résurrections.
En effet, « pour que l’hommage de notre foi fût conforme à la raison, enseigne le Catéchisme de l’Église Catholique, Dieu a voulu que les secours intérieurs du Saint-Esprit soient accompagnés des preuves extérieures de sa Révélation. C’est ainsi que les miracles du Christ et des saints… sont des signes certains de la Révélation, adaptés à l’intelligence de tous, des motifs de crédibilité qui montrent que l’assentiment de la foi n’est nullement un mouvement aveugle de l’esprit » (CEC, n°?156).
Cependant, la popularité de Vincent ne favorise pas la paix à l’intérieur du couvent, et le supérieur, excédé, lui interdit d’opérer des miracles. Docile, le dominicain obtempère religieusement. Un jour pourtant, tandis qu’il chemine du couvent à la cathédrale, il voit un ouvrier tomber d’un échafaudage. Invoquant Dieu spontanément, il arrête sa chute à plusieurs mètres du sol, puis retourne au couvent demander la permission de sauver le malheureux. Touché, le supérieur le lui permet, et retire son interdiction.
Deux obédiences
En cette fin du xive siècle, l’Église vit une crise très grave. En 1378, le Pape Urbain VI est élu à Rome. Mais sa politique et son comportement le rendent bientôt odieux à la plupart des cardinaux. Certains d’entre eux, menés par Pierre de Lune, affirment l’invalidité de l’élection, arguant des émeutes qui s’étaient produites lors du conclave. Ils choisissent pour les gouverner un autre pape, qui prend le nom de Clément VII et s’installe en Avignon. Ainsi débute le Grand Schisme d’Occident qui durera trente-neuf ans. L’Église se divise en deux : l’obédience romaine, qui rassemble principalement les États italiens, l’Empire romain germanique et l’Angleterre, face à l’obédience avignonnaise regroupant la France, la Castille, l’Aragon et l’Écosse. Les recherches des historiens ont permis, bien plus tard, d’établir avec certitude qu’Urbain VI était le Pape légitime. Avec tous ceux de son pays natal, Maître Vincent rejette de bonne foi la légitimité d’Urbain VI. Il a confiance dans le jugement des cardinaux de l’opposition, et de Pierre de Lune en particulier. Le prédicateur valencien sait toutefois qu’il ne peut y avoir simultanément deux Papes, parce qu’il n’y a qu’une seule Église fondée par Jésus-Christ. Il estime qu’il est nécessaire de rechercher qui est le Pape légitime et de lui obéir, parce qu’il n’y a qu’un seul corps et qu’une seule foi (Ep 4, 4-5).
Le 19 juin 2013, le Pape François rappelait que « faire partie de l’Église signifie être unis au Christ et recevoir de Lui la vie divine qui nous fait vivre comme des chrétiens. Cela signifie demeurer unis au Pape et aux évêques qui sont des instruments d’unité et de communion… Comment aurons-nous l’unité entre les chrétiens si nous ne sommes pas capables de l’avoir entre nous, catholiques ? De l’avoir au sein de la famille ? Combien de familles se battent et se divisent ! Recherchez l’unité, l’unité qui fait l’Église. L’unité vient de Jésus-Christ. Il nous envoie le Saint-Esprit pour faire l’unité. »
En 1394, à la mort de l’antipape Clément VII, Pierre de Lune est choisi pour lui succéder, sous la condition de mettre fin au schisme par tous les moyens, y compris par sa propre démission le cas échéant. Il prend le nom de Benoît XIII et fait venir Vincent Ferrier auprès de lui en Avignon. Non content de le prendre pour son confesseur, il le nomme grand Pénitencier et Maître du Sacré-Palais. Devenu un des hommes les plus importants de la curie, le dominicain refuse néanmoins la pourpre cardinalice, en dépit de la volonté expresse de l’antipape. Mais bientôt, il désapprouve la politique belliqueuse de Benoît XIII et se retire du palais pontifical au couvent des frères prêcheurs. Il conserve pourtant au Pape d’Avignon son soutien, aussi longtemps qu’il demeure convaincu de sa légitimité.
L’imminence du Jugement
Le cœur déchiré par le spectacle du schisme dans l’Église, Vincent Ferrier offre continuellement, pour que Dieu y mette fin, ses prières, ses jeûnes et ses pénitences, tout en remplissant fidèlement sa mission de prédicateur. Consumé de chagrin, il finit par tomber très gravement malade. Le 3 octobre 1398, troisième jour de sa maladie, Notre-Seigneur lui apparaît, en compagnie de saint François et de saint Dominique, et lui confie la mission d’aller prêcher à travers le monde, à l’imitation des deux grands fondateurs, lui laissant entendre qu’« Il attendrait miséricordieusement les résultats de cette prédication avant la venue de l’antéchrist » (lettre de saint Vincent à Benoît XIII). Le touchant de sa main, Jésus guérit Vincent miraculeusement, confirmant ainsi la réalité de la vision. Le dominicain en conclut – et il en restera toujours persuadé, comme d’autres grands saints l’ont cru en leur temps, tel saint Grégoire le Grand (540-604) –, que le Jugement dernier est imminent. Aussi l’annoncera-t-il souvent au peuple. Le 22 novembre 1399, ayant obtenu la permission de Benoît XIII, il quitte Avignon pour une pérégrination à travers l’Europe, qui durera jusqu’à la fin de ses jours : il sillonnera la France, l’Italie, l’Espagne et la Suisse, pour préparer les peuples au Jugement de Dieu.
« Avant le second avènement du Christ, rappelle le Catéchisme de l’Église Catholique, l’Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants. La persécution qui accompagne son pèlerinage sur la terre dévoilera le “mystère d’iniquité” sous la forme d’une imposture religieuse apportant aux hommes une solution apparente à leurs problèmes au prix de l’apostasie de la vérité. L’imposture religieuse suprême est celle de l’Anti-Christ, c’est-à-dire celle d’un pseudo-messianisme où l’homme se glorifie lui-même à la place de Dieu et de son Messie venu dans la chair » (n°?675).
Beaucoup des personnes converties par la prédication de Maître Vincent s’attachent à ses pas et le suivent de ville en ville. Ces pèlerins revêtent une sorte d’uniforme, un habit noir et blanc. Il règne parmi eux une grande charité fraternelle. Le spectacle de leurs processions et de leur mode de vie exemplaire complète puissamment la prédication du missionnaire. En 1405, celui-ci arrive à Gênes. La république ligurienne est alors ravagée par la peste. Vincent Ferrier organise le soin des malades, mais aussi des processions du Saint-Sacrement dans les rues. Dans cette ville cosmopolite, où l’on ne peut se passer du service des interprètes, ses auditeurs constatent pour la première fois un fait singulier : tous comprennent en même temps dans leur langue la prédication de l’orateur qui, pourtant, en quelque lieu qu’il soit, ne s’exprime que dans son dialecte catalan natal, ou en latin.
Suivre vraiment Jésus
La prédication du dominicain vise principalement la réconciliation des âmes avec Dieu dans le sacrement de Pénitence. De fait, l’observation de la loi de Dieu (les dix commandements) laisse fort à désirer ; Vincent Ferrier sait bien que « suivre Jésus implique d’observer les commandements. La Loi n’est pas abolie ; mais l’homme est invité à la retrouver dans la personne du Divin Maître, qui la réalise parfaitement en lui-même, qui en révèle la pleine signification et qui en atteste la pérennité » (Compendium du CEC, n° 434). « Les “Dix paroles” indiquent les conditions d’une vie libérée de l’esclavage du péché. Le Décalogue est un chemin de vie » (CEC, n° 2057). Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements, répond Jésus au jeune homme riche (Mt 19, 17). Saint Jean ajoute : Car l’amour de Dieu consiste à garder ses commandements. Et ses commandements ne sont pas pesants (1 Jn 5, 3). Jésus, en effet, est avec nous tous les jours, Lui qui a dit : Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai… car mon joug est doux et mon fardeau léger (Mt 11, 28-30). Aussi, le Catéchisme affirme-t-il : « Ce que Dieu commande, Il le rend possible par sa grâce » (CEC, n° 2082).
Nous avons tous besoin d’entendre rappeler la perspective du Jugement universel : « Le message du Jugement dernier appelle, en effet, à la conversion pendant que Dieu donne encore aux hommes le temps favorable, le temps du salut (2 Co 6, 2). Il inspire la sainte crainte de Dieu. Il engage pour la justice du Royaume de Dieu. Il annonce la bienheureuse espérance (Tt 2, 13) du retour du Seigneur qui viendra pour être glorifié dans ses saints et admiré en tous ceux qui auront cru (2 Th 1, 10) » (CEC, n°?1041). Jésus lui-même, « à la suite des prophètes et de Jean-Baptiste, a annoncé dans sa prédication le Jugement du dernier Jour. Alors seront mis en lumière la conduite de chacun et le secret des cœurs. Alors sera condamnée l’incrédulité coupable qui a tenu pour rien la grâce offerte par Dieu. L’attitude par rapport au prochain révélera l’accueil ou le refus de la grâce et de l’amour divin. Jésus dira au dernier jour : Tout ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ! (Mt 25, 40) » (CEC, n°?678).
Le langage de Vincent Ferrier est simple et familier, rempli d’images concrètes ; ses auditeurs ne sont nullement terrorisés par la sévérité de ses paroles, mais ils se convertissent, touchés par la bonté et la douceur du prédicateur, qui recommandait lui-même : « Parlez de telle sorte que vos paroles paraissent sortir non d’une bouche orgueilleuse et hostile, mais bien des entrailles de la charité et d’une compassion paternelle. Soyez comme un père qui s’apitoie sur ses enfants coupables… Ayez le cœur d’une mère qui caresse ses enfants. » En Espagne, où il arrive en 1409, il travaille en outre avec ardeur à la conversion des juifs à la foi catholique, bien convaincu que Notre-Seigneur Jésus-Christ est Lui-même le véritable accomplissement de l’Ancien Testament. Pour le prédicateur, les juifs doivent venir par eux-mêmes au Baptême, et il a en horreur les violences à leur égard. La politique favorable des rois de Castille et d’Aragon envers les membres de ce peuple avait en effet suscité la jalousie de l’aristocratie espagnole, jusqu’à provoquer des pogroms (émeutes populaires antijuives) à Valence en 1391. Maître Vincent déclare sans ambages aux responsables, en Catalogne, que « les émeutes qu’ils font contre les juifs, ils les font contre Dieu même ». Quant à lui, il met à profit sa connaissance de l’hébreu et du Talmud pour engager, rempli de sa bienveillance habituelle et libre de toute passion polémique, des controverses avec des rabbins.
Une âme égale
À Murcie, au sud de l’Espagne, l’infatigable prédicateur doit, en 1411, reposer sa voix enrouée. « Dieu l’a voulu, commente-t-il, pour que mes nombreuses prédications ne m’inspirent aucune vaine gloire, et qu’ainsi je n’oublie pas que Dieu pourrait m’enlever la voix à jamais. » Et il se félicite de devoir prolonger son séjour dans la ville « pour donner à un plus grand nombre d’âmes l’occasion de se convertir ». Car, parfois, « Dieu lui-même, avait-il expliqué à des âmes ferventes, mettra obstacle à vos efforts pour sa gloire en vous envoyant une maladie ou en faisant surgir un autre événement. Ne vous en attristez point. Recevez tout avec une âme égale et confiez-vous en Celui qui sait mieux que vous-même ce qui vous est utile, et qui travaille continuellement à vous élever vers Lui, peut-être à votre insu, pourvu que vous vous abandonniez à Lui sans réserve. »
Cependant le schisme qui divise l’Église désole toujours le cœur du dominicain. En 1407, il avait déjà organisé à Savone une rencontre entre Benoît XIII, pape d’Avignon, et Grégoire XII, Pape de Rome. Mais elle n’eut aucune suite à cause de l’opiniâtreté de Pierre de Lune ; dès lors Vincent Ferrier conçut des doutes sur sa légitimité. En 1409, il avait, en outre, désapprouvé le concile de Pise, qui proclamait les conciles généraux supérieurs au Pape, et avait élu un nouvel antipape, Alexandre V, portant à trois le nombre des personnages se prétendant papes. Tandis que se réunit en 1414 le concile de Constance pour tenter de résoudre le schisme, Vincent Ferrier apporte son soutien aux efforts conjugués de l’empereur Sigismond et du roi d’Aragon en vue d’obliger Pierre de Lune à se démettre. Mais devant l’obstination de Benoît XIII, le dominicain en arrive à reconnaître formellement son illégitimité, et, en 1416, il proclame lui-même publiquement sa déchéance. Le concile de Constance aboutit enfin, le 7 novembre 1417, à l’élection de Martin V au Siège de Pierre, après la démission ou la déposition des trois compétiteurs, mettant ainsi un terme au Grand Schisme.
Travailler pour la paix
Désormais Vincent Ferrier ne quittera plus la France : ses pérégrinations le portent depuis le Languedoc, en Auvergne et en Bourbonnais, à Lyon, Nevers, Bourges, Angers, Nantes et Vannes. Le pays est alors dévasté par la guerre de Cent Ans. Le prédicateur travaille à ramener la paix, non seulement par ses prédications au peuple, mais aussi en rencontrant les puissants, notamment les ducs de Bourgogne et de Bretagne ainsi que le roi d’Angleterre. Cependant, sa santé commence à se dégrader sérieusement, et ses compagnons catalans le supplient de rentrer au pays natal pour y finir ses jours. S’étant laissé convaincre, il s’embarque pour la péninsule ibérique. Mais les vents contraires ramènent le bateau à Vannes, où l’illustre prédicateur achève sa course ici-bas, moins de dix jours plus tard, le 5 avril 1419. L’évêque le fait inhumer dans le chœur de sa cathédrale, mais les dominicains de Valence réclament bientôt la dépouille de leur confrère. Par une décision du Pape Nicolas V, celle-ci demeurera, cependant, à Vannes. De nombreux miracles se produiront sur son tombeau et Vincent Ferrier sera canonisé par le Pape Calixte III le 29 juin 1455.
« Dans l’Évangile de Jean, remarque le Pape François, il est affirmé explicitement que Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Qui croit en lui n’est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au Nom du Fils unique de Dieu(Jn 3, 17-18). Cela signifie que ce jugement dernier est déjà en acte, il commence maintenant, dans le cours de notre existence. Ce jugement est prononcé à tout instant de notre vie, en réponse à notre accueil, dans la foi, du salut présent et agissant dans le Christ, ou au contraire à notre incrédulité, avec cette fermeture sur nous-mêmes qu’elle entraîne. Mais si nous nous fermons à l’amour de Jésus, nous nous condamnons nous-mêmes. Le salut consiste à s’ouvrir à Jésus, et lui, Il nous sauve… Mais pour cela, nous devons nous ouvrir à l’amour de Jésus qui est plus fort que tout. L’amour de Jésus est grand, l’amour de Jésus est miséricordieux, l’amour de Jésus pardonne ; mais tu dois t’ouvrir, et s’ouvrir signifie se repentir, s’accuser des choses qui ne sont pas bonnes et que nous avons faites » (Catéchèse du 11 décembre 2013).
En élevant les yeux d’une génération entière vers la perspective du Jugement divin, saint Vincent Ferrier, aidé pour cette mission urgente par des dons exceptionnels, a attiré sur ses contemporains et l’univers entier la miséricorde divine. La prédication de Jonas avait sauvé Ninive, celle de Vincent Ferrier a, d’une certaine manière, sauvé la chrétienté. Lui faisant écho, saint Jean-Paul II soulignait, à l’aube de son pontificat, ces paroles de saint Jean : Voici venue la dernière heure (1 Jn 2, 18), et rappelait que « dans l’histoire de l’homme, ce n’est pas seulement le Christ qui opère, mais aussi l’antéchrist (cf. 2 Th 2, 7). Il est nécessaire que l’homme, tout homme qui se sent de quelque manière responsable des menaces surhumaines qui pèsent sur l’humanité, se soumette au jugement de sa propre conscience, se soumette au Jugement de Dieu… En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée (Jn 1, 4-5) » (Homélie du 31 décembre 1979).
Dom Antoine Marie osb
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Date de dernière mise à jour : 2018-01-10
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