Saint BONAVENTURE
Évêque et Docteur de l'Église (1221-1274)
Saint Bonaventure, né en Toscane, reçut au baptême le nom de Jean. À l'âge de quatre ans, il fut attaqué d'une maladie si dangereuse, que les médecins désespérèrent de sa vie. Sa mère alla se jeter aux pieds de saint François d'Assise, le conjurant d'intercéder auprès de Dieu pour un enfant qui lui était si cher. Le Saint, touché de compassion, se mit en prière, et le malade se trouva parfaitement guéri. Par reconnaissance, Jean entra dans l'Ordre fondé par saint François, et en devint l'ornement et la gloire. Le saint patriarche, près de finir sa course mortelle, lui prédit toutes les grâces dont la miséricorde divine le comblerait, et s'écria tout à coup, dans un ravissement prophétique : « O buona ventura! Ô la bonne aventure ! » De là vint le nom de Bonaventure qui fut donné à notre Saint.
Bonaventure fut envoyé à l'Université de Paris, où il devait lier avec saint Thomas une amitié qui sembla faire revivre celle de saint Grégoire de Nazianze et de saint Basile. Tous deux couraient plus qu'ils ne marchaient dans la carrière des sciences et de la vertu, et, d'étudiants de génie, ils parvinrent en peu de temps à la gloire des plus savants professeurs et des docteurs les plus illustres. Les études de Bonaventure n'étaient que la prolongation de sa fervente oraison. Saint Thomas d'Aquin vint un jour le visiter et lui demanda dans quels livres il puisait cette profonde doctrine qu'on admirait en lui. Bonaventure lui montra quelques volumes : mais, son ami faisant l'incrédule, il finit par montrer un crucifix qui était sur sa table, et lui dit : « Voilà l'unique source de ma doctrine ; c'est dans ces plaies sacrées que je puise mes lumières ! »
Élu général de son Ordre malgré ses larmes, il continua ses travaux ; mais, de tous, celui qui lui fut le plus cher fut la Vie de saint François d'Assise, qu'il écrivit avec une plume trempée dans l'amour divin, après avoir visité tous les lieux où avait passé son bienheureux père. Saint Thomas vint un jour lui rendre visite, et, à travers sa porte entrouverte, l'aperçut ravi, hors de lui-même et élevé de terre, pendant qu'il travaillait à la vie du saint fondateur ; il se retira avec respect, en disant : « Laissons un Saint faire la vie d'un Saint. »
Bonaventure n'avait que trente-cinq ans quand il fut élu général des Franciscains, et il avait à peu près cinquante-et-un ans quand le pape Grégoire X le nomma cardinal-évêque d'Albano. Les envoyés du Pape le trouvèrent, lui, général de l'Ordre, occupé, avec plusieurs frères, à laver la vaisselle. Ce grand Saint mourut deux ans après.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950.
Jean de Fidanza et de Ritella naît en 1221, à Bagnorea (entre Viterbe et Orvieto), dans une noble et opulente famille. Enfant, à la prière de sa mère, il est guéri d’une grave maladie par l’intercession de saint François. Ayant commencé ses études au couvent de Bagnorea, il les contine à Paris où il entre au noviciat des Franciscains et prend le nom de Bonaventure. Il étudie la théologie, l’Ecriture sainte et la patristique latine. En 1248, il débute dans l’enseignement, à l’université de Paris, comme bachelier biblique et commence à écrire des commentaires des livres saints.
En 1253, il fait un commentaire du « Livre des Sentences » ; dans de doctes tournois contre les ennemis des ordres nouveaux, il rompt des lances pour l’honneur de Dame Humilité, reine de tous les religieux, de Dame Pauvreté, la reine des Mendiants, et de ses sœurs Chasteté et Obéissance. Au chapitre de Rome, il est élu ministre général des Mineurs (2 février 1257), charge qu’il occupe jusqu’au 20 mai 1273. Il est comme le second fondateur de l’ordre qu’il préserve des excès des relâchés comme de ceux qui visent à un idéal intenable. En 1260, au chapitre de Narbonne, il promulgue des Constitutions.
Après enquête, il rédige la « Vie » officielle de saint François où il voit une montée en six étapes marquées par six apparitions du crucifix et qui s’achève par les stigmates. « Alors est réalisée ta première vision annonçant que tu serais un chef dans la chevalerie du Christ, et que tu porterais des armes célestes marquées du signe de la Croix. Au début de ta conversion, la vision de Jésus crucifié avait transpercé ton âme d’un glaive de douloureuse compassion ; tu avais entendu une voix tombant de la croix, comme du trône sublime du Christ et d’un autel sacré ; tu l’avais affirmé de ta bouche sacrée, et c’est pour nous maintenant une vérité incontestable. Plus tard, quand tu progressais en sainteté, le F. Sylvestre vit une croix sortant miraculeusement de ta bouche et le saint F. Pacifique aperçut deux glaives croisés qui transperçaient ton corps. Alors que saint Antoine prêchait sur le titre de la croix, l’angélique Monaldus te vit élevê dans les airs, les bras en croix. Toutes ces merveilles n’étaient pas des effets de l’imagination, mais une révélation céleste ; telle est la vérité que nous croyons et affirmons. Enfin, cette vision qui te montra tout ensemble, vers la fin de ta vie, l’image d’un séraphin sublime et celle de l’humble Crucifié, qui embrasa ton âme d’amour, imprima les stigmates dans ton corps et fit de toi un autre ange montant de l’Orient et portant le signe du Dieu vivant (Apocalypse, VII 2), cette vision corrobore la vérité de celles qui l’ont précédée et reçoit d’elles un surcroît d’authenticité. Par sept fois, la croix du Christ apparut merveilleusement à tes yeux ou en ta personne aux diflérentes époques de ta vie. Les six prernières apparitions étaient comme autant de degrés pour arriver à cette septième où tu trouverais enfin le repos. En effet, la croix du Christ qui t’est apparue et que tu as embrassée au début de ta conversion, que tu as portée continuellement dans la suite en toi-même par une vie très parfaite et que tu as présentée comme un modèle aux autres, nous a appris, avec une évidence incontestable, que tu étais enfin parvenu au sommet de la perfection évangélique. Et cette manifestation de la sagesse chrétienne imprimée dans la poussière de ta chair, nul homme vraiment dévot ne la rejettera. »
Pour que prospèrent tous les bercails de l’ordre franciscain, il faut l’œil du maître. Bonaventure, qui n’est pas robuste, s’impose les fatigues d’inspections fréquentes et de prédications nombreuses. Il parle aux Mineurs - près de cent fois - il parle aux Prêcheurs, aux bénédictins de Cluny et de Saint-Denis, à des clarisses, à des moniales, à des béguines et au peuple fidèle. Il s’adresse parfois à la Curie romaine et au clergé des cathédrales. Des pubIications ascétiques et mystiques portent au loin la pensée du grand contemplatif : opuscules sur la légende et l’ascèse franciscaines, petits traités spirituels. Peu avant 1257, il donne le Breviloquium que Gerson regardera comme le joyau de la théologie médiévale. En 1259, paraît son livre médité longuement sur l’Alverne, la plus belle sans doute des œuvres mystiques du XIII° siècle, l’Itinerarium mentis in Deum qui achemine l’âme vers Dieu ; l’amour s’y appuie sur la philosophie et la théologie, il s’élève par six degrés des créatures au Créateur, partant humblement du monde des sens : « Pour ce passage des créatures à Dieu, la nature ne peut rien et la science très peu de chose; il faut donner peu au travail de l’intelligence et beaucoup à l’onction ; peu à la langue et beaucoup à la joie intérieure ; peu à la parole et aux livres et tout au don de Dieu, c’est-à-dire au Saint-Espnt ; peu ou rien à la créature et tout au Créateur, Père, Fils et Saint-Esprit. Interrogez la grâce et non la science ; le désir et non l’intelligence; les gémissements de la prière et non l’étude livresque ; l’époux et non le maître ; Dieu et non l’homme ; l’obscurité et non la clarté ; non la lumière qui brille, mais le feu qui embrase tout entier et transporte en Dieu. »
Le pape Clément IV veut le nommer archevêque d’York (24 novembre 1265) mais Bonaventure esquive cette gloire. En 1271, après une vacance de trois ans, à Viterbe, il réussit à faire élire pape Grégoire X qui le crée cardinal-évêque d’Albano. Il meurt à Lyon le 14 juillet 1274.
L’itinéraire de l’âme vers Dieu
Le Christ est le chemin et la porte, l'échelle et le véhicule ; il est le propitiatoire posé sur l'arche de Dieu et le mystère caché depuis le commencement.
Celui qui tourne résolument et pleinement ses yeux vers le Christ en le regardant suspendu à la croix, avec foi, espérance et charité, dévotion, admiration, exultation, reconnaissance, louange et jubilation, celui-là célèbre la Paque avec lui, c'est-à-dire qu’il se met en route pour traverser la mer Rouge grâce au bâton de la croix. Quittant l'Égypte, il entre au désert pour y goûter la manne cachée et reposer avec le Christ au tombeau, comme mort extérieurement mais expérimentant dans la mesure où le permet l'état de voyageur ce qui a été dit sur la croix au larron compagnon du Christ : « Aujourd'hui avec moi tu seras dans le paradis. »
En cette traversée, si l'on veut être parfait, il importe de laisser là toute spéculation intellectuelle. Toute la pointe du désir doit être transportée et transformée en Dieu. Voilà le secret des secrets, que « personne ne connaît sauf celui qui le reçoit », que nul ne reçoit sauf celui qui le désire, et que nul ne désire, sinon celui qui au plus profond est enflammé par l'Esprit Saint que le Christ a envoyé sur la terre. Et c'est pourquoi l'Apôtre dit que cette mystérieuse sagesse est révélée par l'Esprit Saint.
Si tu cherches comment cela se produit, interroge la grâce et non le savoir, ton aspiration profonde et non pas ton intellect, le gémissement de ta prière et non ta passion pour la lecture ; interroge l'Époux et non le professeur, Dieu et non l'homme, l'obscurité et non la clarté ; non point ce qui luit mais le feu qui embrase tout l'être et le transporte en Dieu avec une onction sublime et un élan plein d'ardeur. Ce feu est en réalité Dieu lui-même dont « la fournaise est à Jérusalem. » C'est le Christ qui l'a allumé dans la ferveur brûlante de sa Passion. Et seul peut le percevoir celui qui dit avec Job : « Mon âme a choisi le gibet, et mes os, la mort. » Celui qui aime cette mort de la croix peut voir Dieu ; car elle ne laisse aucun doute, cette parole de vérité : « L'homme ne peut me voir et vivre. »
Mourons donc, entrons dans l'obscurité, imposons silence à nos soucis, à nos convoitises et à notre imagination. Passons avec le Christ crucifié de ce monde au Père. Et quand le Père se sera manifesté, disons avec Philippe : « Cela nous suffit » ; écoutons avec Paul : « Ma grâce te suffit » ; exultons en disant avec David : « Ma chair et mon cœur peuvent défaillir : le roc de mon cœur et mon héritage, c’est Dieu pour toujours. Béni soit le Seigneur pour l’éternité, et que tout le peuple réponde : Amen, amen ! »
St Bonaventure
Prière
Transpercez mon âme, très doux Seigneur Jésus, dans tout ce qu'elle a de plus profond et de plus intime ; transpercez-la du dard tout suave et tout salutaire de votre amour, de ce dard de la véritable et pure charité, de cette charité très sainte qu'a eue votre apôtre saint Jean ; en sorte que mon âme languisse et se fonde sans cesse d'amour et de désir pour vous seul. Qu'elle soupire après vous et se sente défaillir à la pensée de vos tabernacles ; qu'elle n'aspire qu'à sa délivrance et à son union avec vous. Faites que mon âme ait faim de vous qui êtes le pain des anges, aliment des âmes saintes, notre pain quotidien supersubstantiel ayant en lui toute douceur et toute suavité délectable. O vous que le désir des anges est de contempler, puisse mon coeur être toujours affamé et toujours se nourrir de vous, mon âme être remplie jusque dans ses profondeurs de la suavité de vos délices. Que mon coeur ait toujours soif de vous, source de vie, source de sagesse et de science, source d'éternelle lumière, torrent de délices, abondance de la maison de Dieu. Qu'il n'aspire jamais qu'à vous, ne cherche et ne trouve que vous ; qu'il tende vers vous et parvienne jusqu'à vous ; qu'il ne pense qu'à vous, ne parle que de vous, et qu'il accomplisse toutes choses pour l'honneur et la gloire de votre nom, avec humilité et discernement, avec amour et plaisir, avec facilité et affection, avec persévérance jusqu'à la fin. Soyez toujours mon seul espoir et toute ma confiance, mes richesses et mes délices, mon plaisir et ma joie, mon repos et ma tranquillité, ma paix et ma suavité, mon parfum et ma douceur, ma nourriture et ma force, mon refuge et mon secours, ma sagesse et mon partage, mon bien et mon trésor. Qu'en vous seul, mon esprit et mon coeur soient à jamais fixés, affermis et inébranlablement enracinés. Amen.
Saint Bonaventure
Liber de ligno viate, XXX
Afin que l'Eglise fût formée du côté du Christ pendant son sommeil sur la Croix et afin que fût accomplie la parole de l'Ecriture : Ils regarderont vers celui qu'ils auront transpercé (Zacharie XII 10), Dieu a disposé qu'un soldat ouvrît ce côté sacré en le perçant de sa lance et que, dans cet écoulement de sang et d'eau, fût versé le prix de notre salut : en jaillissant des profondeurs de ce Coeur, il donnerait aux sacrements de l'Eglise la vertu de conférer la vie de la grâce et désormais ceux qui vivraient dans le Christ auraient là une source d'eau vive jaillissant pour la vie éternelle. Lève-toi donc, âme qui aime le Christ ; ne cesse pas de te tenir attentive ; applique là ta bouche ; tu y boiras aux sources du Sauveur.
Saint Bonaventure
http://missel.free.fr/Sanctoral/07/15.php
Saint Bonaventure VIIIe Ministre général des Frères Franciscains
Le 20 novembre 1890, le Pape Léon XIII disait aux étudiants du collège de Saint-Antoine à Rome : "Et vous, Franciscains, vous avec le Maître que vous ne devez pas cesser d'étudier pour soutenir et défendre la doctrine catholique… Vous, Franciscains, vous avez le séraphique Docteur saint Bonaventure, qui après avoir touché au sommet de la spéculation scientifique, sut s'élever dans la théologie mystique à une hauteur que nul autre n'a pu atteindre ; nous le lisons volontiers et souvent ; après cette lecture, nous nous sentons toujours, levés, renouvelés et réjouis dans notre âme, Saint Bonaventure conduit à Dieu par ma main…"
En sa "Divine Comédie", Dante nous fait apparaître en son voyage, dans le Paradis, d'abord, saint Thomas qui figure comme chef de la théorie de science ; c'est lui qui répond aux interrogations du pieux pèlerin et fait l'éloge du séraphique François, Dès “que la flamme bienheureuse eut dit ― c'est-à-dire que saint Thomas eut parlé ― la sainte meule commença à tourner ; c'est alors Bonaventure, le théologien de l'amour qui prend la parole ― Du cœur de l'une des nouvelles lumières sortit une voix qui, me tournant vers elle, me fit ressembler à l'aiguille tournée vers le pôle… l'amour qui me fit belle.”
Et le Docteur séraphique raconte les vertus de saint Dominique : "Il est juste là où est l'un d'eux, l'autre paraisse aussi, puisqu'ils ont milité pour la même cause, il faut que leur gloire brille en même temps."
Ce passage de Dante a toute son application quand il s'agit du Docteur angélique et du Docteur séraphique. Ne sont-ils pas, après Dominique et François, les astres les plus brillants au ciel de deux Ordres frères! En effet, si Thomas d'Aquin triomphe sur le terrain de la dogmatique, sur celui de la mystique, Bonaventure occupe une place que ne lui dispute pas son ami, par la force, la clarté et la puissance de sa logique, Thomas affermit les esprits dans la foi Bonaventure entraîne les cœurs dans les sphères de la plus sublime contemplation. Leur mode d'action est divers, le terme visé est un, il faut connaître pour aimer, la vertu est le fruit de l'intelligence et de la volonté, Thomas compte plus de partisans, parce que sa théologie est pour l'intelligence alors que celle de Bonaventure tend à l'amour, à l'amour divin, Voilà pourquoi le bienheureux Raymond Lulle se lamentera de ce que la philosophie de l'Amour compte moins d'amis que la philosophie de la science.
Saint Bonaventure pose d'abord comme principe, que par ses dons "Le Saint -Esprit se prépare en la demeure de l'âme une joyeuse habitation et s'y constitue un saint monde d'action ; puis il dispose toute la famille de l'âme à servir Dieu et à lui obéir, facilement, enfin il dresse et instruit toutes les facultés intérieures, les prémunissant contre les tentations , les défauts naturels, et autres, qui parfois manifestent empêchant ainsi l'âme de s'engourdir dans l'oisive tranquillité et possession des dons."
Le don d'intelligence révèle la vérité de la dilection du Christ, c'est-à-dire de son immense amour ; et voici que Bonaventure pénètrera jusqu'au fond, car il ne lui suffit pas de voir à travers des voiles. La perspicacité de sa foi ne s'arrêtera pas là; la contemplation de la chair pantelante d'un crucifix ; il plongera son regard de la plaie béante du côté transpercé de Jésus ; la forme de la petite hostie et sa blancheur ne lui seront plus un obstacle, il pénètrera bien au delà. La vérité de la dilection du Christ est dans la charité, dans la charité sans borne et sans limites ; la charité a son centre et son foyer dans le cœur . C'est jusqu'au Cœur de Jésus que s'étendra la dévotion du séraphique Docteur, sa piété ne s'arrêtera pas aux formes extérieures de la Passion, elle va plus loin que les espèces eucharistiques.
Éminemment chrétienne, elle monte jusqu'aux sources de l'amour divin incarné dans le Christ notre Sauveur. Quand le pieux Docteur verse des larmes de compassion en méditation sur les souffrances du Rédempteur du monde, quand son cœur est rempli de délicieuse affection devant le tabernacle, c'est que dans la Passion comme dans l'Eucharistie, il trouve le Cœur infiniment aimant de Jésus. La Passion, l'Eucharistie n'ont de signification pour son âme que si elle rencontre le Cœur de Jésus brûlant d'amour pour les hommes. Ce cœur est éternellement inséparable du Verbe fait chair." Jésus est dans l'Eucharistie, Jésus est sur la croix, c'est Jésus qui aime, son Cœur n'est en résumé autre chose que l'amour, amour substantiel éternel et divin, et c'est cet amour principe et fin de tout que saint Bonaventure contemple et vers lequel il tend.
Le pieux Docteur n'aima pas moins Marie que ne l'avaient fait ses devanciers, car la dévotion de saint François et des premiers Frères Mineurs envers Marie, est demeurée comme un héritage sacré dans l'Ordre ; ce fut lui qui en divers Chapitres généraux ratifia les usages, les cérémonies et les fêtes établies en l'honneur de la reine du Ciel. Lorsque l'Ordre est plus violemment attaqué, le saint Ministre général prenant sa défense le met sous la tutelle plus spéciale de Marie en cette façon : "O très digne Reine du monde, force des pauvres, avocate des humbles, plus sublimement élevée parmi ton peuple, qu'Esther, par une pieuse ferveur de ta miséricorde, Reine, daigne arracher à l' incursion hostile de leurs ennemis, tes frères mineurs ; ils sont vraiment et particulièrement tiens."
La piété est par dessus tout le culte de Dieu ; et quand ce tribut divin est payé, elle se tourne vers le prochain, "car la piété est un port où trouvent asile les indigents, c'est un refuge pour les malheureux, une source de clémence pur les pécheurs, elle a pour fin la foi pure et la sainte vérité. Mais son second acte est la miséricorde, aussi s'étant-elle aux besoins spirituels et corporels." Le saint docteur saint Bonaventure eut cette véritable piété, se manifestant plus particulièrement par la miséricorde spirituelle, Volontiers, il pardonnait les défaillances avec charité et bonté, il corrigeait les délinquants, il donnait et prodiguait les conseils à quiconque en avait besoin, consolait les affligés, priait pour le prochain et supportait avec patience les injures.
Grand fut saint Bonaventure dans l'administration de son Ordre. Non seulement il eut à défendre des Frères contre les détracteurs étrangers à sa famille religieuse, il eut aussi a concilier les divergences de vue des Frères eux -mêmes. Il se montra fort contre la malveillance des uns, ferme et énergique contre l'intransigeance des autres. A tous il put démontrer, s'il ne réussit pas à les convaincre, que la discipline, la dévotion, la régularité de l'observance exigeaient qu'on ne se contentât plus de petits couvents ou de simples ermitages, comme cela se pouvait alors que les Frères étaient peu nombreux. Les modifications qu'il sanctionna de son autorité s'imposaient, comme le prouvait l'exemple suivi par de très saints religieux, amis de la pauvreté et la sainte Règle. Sa grandeur de vue fut de réglementer selon les règles de la plus sage prudence ce qui convenait à tous, puis de laisser à chacun la latitude de se contenter en son particulier de l'indispensable, se confirmant en cette manière aux intentions du séraphique patriarche.
Ministre général, il s'entoura de sages conseillers, de qui il prenait fréquemment l'avis. Dans les délibérations capitulaires, il proposait humblement ce qu'il croyait utile au bien, mais se rangeait à l'avis de l'assemblée. Loin de mépriser l'œuvre de ses prédécesseurs, il recueillit toutes les constitutions établies par eux, les rendit obligatoires et les compléta par de nouvelles ordonnances, devenu nécessaires.
Humble, il n'ambitionnait pas les honneurs. Il supplia le Pape Clément IV de ne point le forcer à accepter l'archevêché d'York, en Angleterre, et quand Grégoire X le nomma cardinal et députa vers lui les ambassadeurs chargés de lui remettre les insignes de sa dignité, ceux-ci le trouvèrent occupé à la dernières des pratiques conventuelles ; tout comme le dernier des novices, Bonaventure lavait la vaisselle. Sans discontinuer son travail, il pria les messagers du Pape de déposer sur un branche d'arbre le chapeau que décemment il ne pouvait en ce monde prendre et recevoir de leurs mains. Il termina son humble besogne, oui, après avoir repris sur l'arbre le chapeau de cardinal, il alla rejoindre les envoyés apostoliques à qui il rendit les honneurs dus à leur rang. Durant le concile de Lyon, le saint Bonaventure joua un rôle considérable, il tomba fracassé par un malaise inexplicable, il tomba, s'effondra, c'est le mot, telle une colonne qui s'écroule en un violent cataclysme. Certains attribuent sa mort à l 'épuisement et la fatigue ; un seul historien, le seul qui le dise, mais son affirmation est absolue : "Une main criminelle, dit-il, empoisonna une coupe dont le contenu conduisit au tombeau l'illustre champion de l'Église." Il n'avait que 53 ans.
Tiré des Fleurs Franciscaines ; Série-2- 15 Juillet
http://nouvl.evangelisation.free.fr/bonaventure_albano.htm
Bien chers Amis,
Interrogé sur la source où il puise tant de profondes connaissances, saint Bonaventure indique du doigt son crucifix : « Voilà le livre qui m’instruit. » Un jour où il traite avec lui de théologie, Thomas d’Aquin aperçoit Jésus en croix au-dessus de la tête de son ami ; des rayons partent des plaies sacrées du Sauveur et viennent aboutir sur les écrits de Bonaventure. Par respect pour le divin Maître, Thomas n’ose plus argumenter.
Bonaventure, que l’on surnommera le docteur “séraphique” (à cause du lien qu’il a fait entre théologie et amour contemplatif de Dieu), voit le jour en 1217, ou 1221, à Bagnoregio, petite ville d’Italie centrale, située près du lac de Bolsena. Fils de Jean de Fidanza, médecin, et de Maria Ritella, il reçoit au Baptême le même prénom que son père. Au cours de son enfance, Jean tombe gravement malade. Son père tente vainement tous les remèdes ; sa mère veille à son chevet et prie Dieu que l’enfant lui soit conservé. Pour obtenir la guérison, elle fait un vœu à François d’Assise, mort tout récemment, en 1226, mais déjà invoqué par toute l’Italie. Jean guérit : « O buona ventura ! » (oh ! l’heureux événement !) s’écrie la maman. Cette expression devient le surnom de son enfant. Lui, dans son cœur, sait qu’après Dieu c’est à François qu’il doit la vie du corps, et c’est à François aussi qu’il demandera de nourrir la vie de son âme, en entrant dans l’Ordre franciscain.
« Que faire de ma vie ? »
Paris, alors lumière de l’Occident, attire les esprits avides de savoir. L’enseignement théologique y brille d’un grand éclat. En 1235, Jean de Fidanza y envoie son fils qui s’adonne d’abord à l’étude des arts libéraux (grammaire, rhétorique, logique, arithmétique, géométrie, astronomie et musique). Étudiant sérieux et d’une grande piété, il obtient le diplôme de Maître ès arts. Il se pose alors la question cruciale : « Que dois-je faire de ma vie ? » Séduit par le témoignage de ferveur et par l’idéal évangélique des Frères mineurs, Jean frappe à la porte du couvent franciscain de Paris, fondé en 1219. En saint François et dans le mouvement qu’il a suscité, l’étudiant reconnaît l’action de Jésus-Christ. Plus tard, il expliquera les raisons de son choix : « Je confesse devant Dieu, écrira-t-il, que la raison qui m’a fait aimer le plus la vie du bienheureux François est qu’elle ressemble aux débuts et à la croissance de l’Église. L’Église commença avec de simples pêcheurs, et s’enrichit par la suite de docteurs très illustres et sages ; la religion (c’est-à-dire la famille religieuse) du bienheureux François n’a pas été établie par la prudence des hommes mais par le Christ. »
Lors de son pèlerinage à Assise, le 4 octobre 2013, le Pape François se demandait : « D’où part le chemin de François vers le Christ ? Il part du regard de Jésus sur la Croix. Se laisser regarder par Lui au moment où Il donne sa vie pour nous et nous attire à Lui. François fait cette expérience particulièrement dans la petite église de Saint-Damien… Sur ce crucifix, Jésus n’apparaît pas mort, mais vivant ! Le sang coule des blessures de ses mains, de ses pieds et de son côté, mais ce sang exprime la vie. Jésus n’a pas les yeux fermés mais ouverts : un regard qui parle au cœur. Et le crucifié ne nous parle ni de défaite, ni d’échec : paradoxalement, Il nous parle d’une mort qui est vie, qui enfante la vie, parce qu’elle nous parle d’amour, parce que c’est l’amour de Dieu incarné, et l’amour ne meurt pas, au contraire, il triomphe du mal et de la mort. Celui qui se laisse regarder par Jésus crucifié est recréé, il devient une “nouvelle créature”. Tout part de là : c’est l’expérience de la grâce qui transforme, le fait d’être aimés sans mérite, alors que nous étions pécheurs (cf. Rm 5, 8-10). »
En 1243, Jean revêt l’habit franciscain et reçoit le nom de Bonaventure. Dès les débuts de sa vie religieuse, il manifeste une profonde humilité, cherchant toujours le dernier rang et les emplois les plus bas. Il est animé d’un grand amour pour la sainte Eucharistie ; pourtant, il n’ose parfois s’approcher du divin Sacrement, tant il est pénétré par la honte de ses imperfections. Un jour que cette disposition le retient, un ange vient lui apporter la Communion pour l’encourager à ne pas s’en éloigner sous le prétexte d’une humilité mal comprise. La charité du jeune Frère est toujours en éveil, en particulier vis-à-vis de ses confrères auxquels il ne refuse jamais un service, même lorsque cela le dérange et lui coûte. On l’oriente vers des études à la Faculté de théologie de Paris. Là, il rencontre le professeur éminent qui marquera toute sa vie. Depuis 1231, en effet, cette Faculté est dirigée par Alexandre de Halès qui avait quitté le monde alors qu’il y jouissait de la gloire. Devenu franciscain, il sera jusqu’à sa mort, en 1245, le maître à penser de ses étudiants, enthousiasmés par son enseignement. Frère Alexandre de Halès perçoit rapidement la valeur morale de son nouveau disciple : « Adam, affirme-t-il, semble n’avoir pas péché en Frère Bonaventure. » Quant au disciple, il ne tarit pas d’éloge sur son maître : « Ce docteur irréfragable (impossible à contredire) restera mon père et mon guide. Jamais je ne m’écarterai de ses opinions. » Sur ce fond de confiance, Bonaventure prépare un baccalauréat en théologie. Malgré une santé qui restera délicate toute sa vie, il brille par la pénétration de son esprit, son ardeur au travail, et plus encore par une pratique exemplaire des vertus religieuses. Déjà versé dans la poésie et la musique, il se révèle peu à peu profond philosophe et théologien sûr, dons qu’il met à profit pour se préparer avec ferveur à la réception du sacerdoce. Bachelier en 1248, il reçoit du bienheureux Jean de Parme, Ministre général des Franciscains, la faculté d’enseigner à Paris. Tout en poursuivant son étude des sciences sacrées, le nouveau professeur dispense des cours magistraux, qui, d’emblée, attirent de nombreux auditeurs.
Le primat de l’amour
Benoît XVI relève, dans les écrits de Bonaventure, la manière dont il aborde la théologie : « Il existe une manière arrogante de faire de la théologie, un orgueil de la raison qui se place au-dessus de la Parole de Dieu. Mais la vraie théologie, le travail rationnel de la véritable et bonne théologie a une autre origine que l’orgueil de la raison. Celui qui aime veut toujours connaître mieux et davantage l’aimé ; la véritable théologie engage la raison et sa recherche non par le motif de l’orgueil, mais par celui de l’amour de Celui à qui elle a donné son assentiment… Mieux connaître l’aimé, telle est l’intention fondamentale de la théologie. Pour saint Bonaventure, le primat de l’amour est donc déterminant » (Audience générale du 17 mars 2010).
De 1248 à 1257, Frère Bonaventure rédige aussi des ouvrages théologiques et assure des prédications. Qu’il s’adresse à de simples fidèles, à des communautés religieuses, au roi ou bien aux clercs, c’est avec la même simplicité, clarté, onction, qu’il prêche la Parole de Dieu. On le proclame premier prédicateur de son temps. Cependant, dans ces années-là, les membres de l’université de Paris engagent une violente polémique contre les Ordres mendiants (Franciscains et Dominicains). Frère Bonaventure et son émule Frère Thomas d’Aquin en sont retardés dans leur accession à la maîtrise, grade qui leur est nécessaire pour enseigner à l’université ; bien que tous deux aient été reçus docteurs dès 1253, l’université de Paris refuse de les agréger. On va même jusqu’à mettre en doute l’authenticité de leur vie consacrée. Assurément, la nouveauté introduite par les Ordres mendiants (qui vivent d’aumônes et non de revenus fixes) dans la manière d’envisager la vie religieuse donne lieu à des incompréhensions ; mais l’envie et la jalousie attisent le conflit. Pour répondre à ceux qui contestent la légitimité des Ordres mendiants, Bonaventure compose un écrit intitulé La perfection évangélique. Il y démontre que les Frères mineurs, par leur pratique radicale des vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, suivent les conseils de Jésus Lui-même dans l’Évangile. Le conflit s’apaise, au moins un certain temps ; grâce à l’intervention personnelle du Pape Alexandre IV, Bonaventure et Thomas d’Aquin sont reconnus officiellement, en 1257, docteurs et maîtres de l’université parisienne.
Ministre général
La même année, Jean de Parme, Ministre général des Franciscains depuis dix ans, est accusé par certains Frères de reprendre à son compte les hérésies de Joachim de Flore (†1202 ; pour celui-ci, l’Église devrait renoncer à toute organisation et structure hiérarchique, pour être conduite immédiatement par l’Esprit). Conciliateur-né, il convoque un Chapitre général extraordinaire, où il donne sa démission et propose d’élire en sa place Frère Bonaventure. Le Chapitre se rend à cet avis. Frère Bonaventure apprend la nouvelle à Paris. L’Ordre des Frères mineurs, dont il prend la direction avec réticence, s’est développé d’une manière prodigieuse en moins d’un demi-siècle : il compte trente-cinq mille membres, répartis en trente-deux provinces, de la Suède à l’Égypte, du Portugal à la Hongrie, avec des avant-postes missionnaires au Moyen-Orient et jusqu’à Pékin. Pendant dix-sept ans, Bonaventure exercera cette fonction avec sagesse et dévouement, visitant les provinces, écrivant aux Frères, intervenant parfois avec quelque sévérité pour éliminer les abus. En octobre 1259, désirant s’imprégner de l’esprit de saint François, il se retire sur le mont Alverne où ce dernier a reçu les stigmates en 1224. De cette retraite, naît le plus célèbre des écrits de saint Bonaventure : l’Itinéraire de l’esprit en Dieu, manuel de contemplation mystique.
« Saint Bonaventure, soulignait Benoît XVI, partagea aussi avec saint François d’Assise l’amour pour la création, la joie pour la beauté de la création de Dieu. Je cite sur ce point une phrase du premier chapitre de l’Itinéraire : “Celui qui ne voit pas les splendeurs innombrables des créatures est aveugle ; celui qui n’est pas réveillé par de si nombreuses voix est sourd ; celui qui, pour toutes ces merveilles, ne loue pas Dieu est muet ; celui qui devant tant de signes ne s’élève pas au premier principe est stupide” (I, 15). Toute la création parle à voix haute de Dieu, du Dieu bon et beau, de son amour. Toute notre vie est donc pour saint Bonaventure un itinéraire, un pèlerinage, une ascension vers Dieu. Mais avec nos seules forces nous ne pouvons pas monter vers les hauteurs de Dieu. Dieu lui-même doit nous aider, doit nous tirer vers le haut. C’est pourquoi la prière est nécessaire. La prière est la mère et l’origine de l’élévation, une action qui nous élève, dit Bonaventure » (Audience générale du 17 mars 2010).
Dissiper une équivoque
Frère Bonaventure veut consolider l’expansion de l’Ordre et surtout lui conférer, en pleine fidélité au charisme de saint François, unité d’action et d’esprit. En effet, parmi les disciples du Poverello d’Assise, se manifeste un très grave malentendu sur le message du fondateur, sur son humble fidélité à l’Évangile et à l’Église ; et cette équivoque comporte une vision erronée du christianisme dans son ensemble. Un courant de Frères dits “spirituels” soutient qu’avec saint François a été inaugurée une phase entièrement nouvelle de l’histoire, et que serait apparu l’Évangile éternel, dont parle l’Apocalypse (Ap 14, 6), qui remplacerait le Nouveau Testament. Ce groupe affirme que l’Église aurait désormais accompli son rôle historique, et serait remplacée par une communauté purement charismatique d’hommes libres, guidés intérieurement par l’Esprit, les “spirituels”. Frère Bonaventure perçoit immédiatement qu’avec cette conception spiritualiste, inspirée par les écrits de Joachim de Flore, l’Ordre n’est pas gouvernable, mais va logiquement vers l’anarchie. Pour conjurer ce danger, le Chapitre général tenu à Narbonne en 1260 ratifie un texte dans lequel sont recueillies et unifiées les normes qui réglementent la vie quotidienne des Frères mineurs.
B?onaventure a toutefois l’intuition que les dispositions législatives, même inspirées par la sagesse et la modération, ne suffisent pas à assurer la communion des esprits et des cœurs. Pour cette raison, il entreprend de préciser, en vue de les faire connaître, le charisme authentique de saint François ainsi que les lignes maîtresses de sa vie et de son enseignement. Afin de composer la biographie du saint fondateur, il rassemble tous les documents disponibles et fait appel aux souvenirs de ceux qui l’ont directement connu. Frère Thomas d’Aquin, qui vient le visiter un jour où il travaille à cet ouvrage, l’aperçoit entièrement absorbé dans la contemplation : « Retirons-nous, dit-il, et laissons un saint écrire la vie d’un saint. » Cette biographie, intitulée Legenda Maior, offre le portrait le plus fidèle du fondateur et reçoit l’approbation du Chapitre général de Pise (1263). Le mot latin “Legenda”, à la différence du mot français qui en dérive, n’indique pas un fruit de l’imagination ; il signifie au contraire un texte faisant autorité, “qui doit être lu” en public.
« Quelle est l’image de François qui ressort du cœur et de la plume de son pieux fils et successeur, saint Bonaventure ? se demandait Benoît XVI. Le point essentiel : François est un “alter Christus” (un autre Christ), un homme qui a cherché passionnément le Christ. Dans l’amour qui pousse à l’imitation, il s’est conformé entièrement à Lui. Bonaventure indiquait cet idéal vivant à tous les disciples de François. » Et Benoît XVI précisait que l’accent spécifique de la théologie de saint Bonaventure « s’explique à partir du charisme franciscain : le Poverello d’Assise, au-delà des débats intellectuels de son époque, avait montré à travers toute sa vie le primat de l’amour. Il fut une icône vivante et aimante du Christ, et il rendit présente, à son époque, la figure du Seigneur. Il réussit à convaincre ses contemporains non par les mots, mais par sa vie. Dans toutes les œuvres de saint Bonaventure, on voit et on trouve cette inspiration franciscaine ; c’est-à-dire que l’on remarque qu’il pense en partant de la rencontre avec le Poverello d’Assise » (Audiences générales des 3 et 17 mars 2010).
Le grand trésor
Malgré le grand nombre de ses religieux, Bonaventure fait en sorte que tous puissent l’aborder. Sa charité pour ses Frères n’a pas de limites. Un Frère convers, Égide, d’une simplicité admirable, lui expose son tourment : « Quand je songe aux lumières que des docteurs tels que toi reçoivent du ciel, je m’interroge : comment un ignorant tel que moi peut-il faire son salut ? – Si Dieu n’accordait à un homme d’autre talent que la grâce de l’aimer, répond Bonaventure, cela seul suffirait et serait un grand trésor. – Me diras-tu qu’un illettré peut aimer le Seigneur plus qu’un grand savant ? – Bien sûr, Frère Égide ; non seulement autant mais bien davantage. On voit des vieilles femmes toutes simples qui, sur ce point capital, surpassent les plus grands théologiens. » À ces mots, le Frère, transporté de joie, sort sur le grand chemin et se met à crier : « Venez, hommes simples et sans lettres, venez bonnes femmes, venez tous aimer Notre-Seigneur. Vous pouvez L’aimer autant et même plus que le Père Bonaventure et les plus habiles théologiens ! »
L?e 24 novembre 1265, Clément IV nomme Frère Bonaventure archevêque d’York, en Angleterre. Le pays n’est pas inconnu à celui-ci ; il s’y est déjà rendu en tant que visiteur apostolique. À York cependant, l’Église est déchirée par des dissensions ; le Pape est, sans doute, heureux de pouvoir envoyer là-bas un homme avisé, de mœurs irréprochables, ferme et aimable, dont on peut espérer qu’il se conciliera toutes les parties en présence. Bonaventure, alors à Paris, part immédiatement pour l’Italie, malgré l’hiver, afin de demander au Pape de ne pas l’arracher, à ce moment précis, aux tâches de l’Ordre. Ses arguments ne restent pas sans effet, mais ce n’est que recul d’échéance : son activité, la prudence de son gouvernement, son zèle réformateur et les grandes œuvres qu’il opère retiennent l’attention sur lui. Réunis à Viterbe pour donner un successeur à Clément IV, les cardinaux n’arrivent pas, malgré trois ans de discussions, à s’accorder, notamment en raison d’interventions politiques. L’avis de Bonaventure est sollicité lorsqu’il passe dans la ville en 1271. Il donne aux cardinaux une prédication sur leurs devoirs à l’égard de l’Église et fait en demi-teinte le portrait du Pape idéal. Grâce à cette lumière, Théobald Visconti, alors légat en Syrie, est élu ; il prend le nom de Grégoire X. Le nouveau Pape presse le Ministre général des franciscains de lui donner quatre Frères pour être ses ambassadeurs en Orient, et y négocier l’union avec les Grecs.
Après avoir présidé un Chapitre de son Ordre à Lyon en 1272, Bonaventure réside de nouveau à Paris où il donne à l’université une série de conférences intitulées Hexaemeron. Il s’agit d’une explication allégorique des six jours de la création. Mais le 3 juin 1273, Grégoire X interrompt cette prédication en créant Bonaventure cardinal-évêque d’Albano. Cette fois, l’acceptation s’impose à l’élu ; il se met aussitôt en route pour rejoindre le Pape. De son côté, le Saint-Père a envoyé à sa rencontre des légats chargés de lui apporter le chapeau de cardinal. Ils le rejoignent au couvent de Mugello, près de Florence : Frère Bonaventure, qui lave la vaisselle, les prie d’attendre la fin de ce service. Bientôt, le Pape demande au nouveau cardinal de l’aider à préparer le second concile œcuménique de Lyon, qui a pour but le rétablissement de la communion entre l’Église latine et l’Église grecque, séparées depuis 1054. Sans se laisser décourager par les échecs de ses prédécesseurs, Grégoire X veut rétablir l’union.
Le second concile de Lyon
Devenu négociateur officiel du Saint-Siège auprès des Grecs, Bonaventure se démet, le 20 mai 1274, de sa charge de Ministre général, et il présente Frère Jérôme d’Ascoli pour lui succéder. Tout à son rôle, il anime les débats du concile ; le 6 juillet, à la quatrième session, les représentants de l’empereur grec Michel Paléologue acceptent de signer une profession de foi qui reconnaît la primauté du Pape, l’insertion duFilioque dans le Credo (l’Esprit Saint procède du Père et du Fils), l’existence du purgatoire et l’institution des sept sacrements par le Christ. « La Sainte Église romaine, reconnaît-on, possède la primauté et l’autorité souveraine et entière sur l’Église catholique. Elle reconnaît sincèrement et humblement l’avoir reçue, avec la plénitude du pouvoir, du Seigneur lui-même, en la personne de Pierre, chef ou tête des Apôtres, dont le Pontife romain est le successeur. Et puisqu’elle doit, par-dessus tout, défendre la vérité de la foi, les questions qui surgiraient à propos de la foi doivent être définies par son jugement… À elle sont soumises toutes les Églises, dont les prélats lui rendent obéissance et révérence. » Malheureusement, cette union avec les Grecs, réalisée à tant de frais, ne durera pas.
Le lendemain, Bonaventure tombe gravement malade ; il meurt dans la nuit du 13 au 14 juillet 1274. Son corps est enseveli dans l’église de son Ordre à Lyon, en présence du Pape et des Pères conciliaires. Un notaire pontifical anonyme compose cet éloge du défunt : « Un homme bon, affable, pieux et miséricordieux, plein de vertus, aimé de Dieu et des hommes… En effet, Dieu lui avait donné une telle grâce, que tous ceux qui le voyaient étaient envahis par un amour que le cœur ne pouvait cacher. »
En 1434, à l’occasion de la translation de son corps, sa tête aurait été trouvée dans un parfait état de conservation, ce qui aurait favorisé grandement la cause de sa canonisation. Par la suite, l’un de ses bras fut détaché et porté à Bagnoregio, sa ville natale. C’est la seule relique qui subsiste de son corps, son tombeau à Lyon ayant été profané par les huguenots lors du sac de cette ville au xvie siècle. Le 14 avril 1462, Sixte IV, Pape franciscain, a inscrit Bonaventure au catalogue des saints. Sixte Quint, autre franciscain, l’a élevé au rang de docteur de l’Église en 1587.
La doctrine de saint Bonaventure est pénétrée d’un immense amour du Christ. « La foi, affirmait saint Bonaventure, est dans l’esprit d’une façon telle qu’elle provoque l’affection. Par exemple, savoir que le Christ est mort pour nous ne demeure pas une connaissance, mais devient nécessairement affection, amour » (Proæmium in Sent., q. 3). Demandons-lui de nous obtenir un esprit docile à la foi et un cœur embrasé d’amour.
Lettre du 12 juin 2015,
fête du Sacré-Cœur de Jésus
Dom Antoine Marie osb
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Date de dernière mise à jour : 2021-07-04
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