Passioniste de Polynésie

Bx Urbain V

Beato urbano v bPape (200e) de 1362 à 1370

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Urbain V, de son nom de famille Guillaume de Grimoard, naquit près de Mende. Il gravit rapidement les degrés successifs de l'échelle des lettres et des sciences. La vie religieuse s'offrit alors à lui comme l'idéal qui répondait le mieux aux tendances de son esprit et aux besoins de son cœur. Il alla frapper à la porte de l'abbaye de Saint-Victor, près de Marseille, et, à l'ombre paisible du cloître, il s'éleva chaque jour de vertu en vertu. On remarquait particulièrement en lui une tendre dévotion pour la Sainte Vierge.

 La profession religieuse n'avait fait que développer son ardeur pour la science, les supérieurs crurent bientôt l'humble moine capable d'enseigner, et, en effet, il illustra successivement les chaires qui lui furent confiées à Montpellier, à Paris, à Avignon et à Toulouse. Quelques années plus tard, après avoir été peu de temps abbé de Saint-Germain d'Auxerre, il fut envoyé en Italie par le Pape Clément VI (Pierre Roger, 1342-1352) en qualité de légat. C'était, à son insu, un acheminement vers la plus haute dignité qui soit au monde.

 Il fut élu pape en 1362 et prit le nom d'Urbain V, parce que tous les Papes qui avaient porté ce nom l'avaient illustré par la sainteté de leur vie. C'est lui qui ajouta à la tiare papale une troisième couronne, non par orgueil, mais pour symboliser la triple royauté du pape sur les fidèles, sur les évêques et sur les États romains.

 Il se proposa, en montant sur le trône de saint Pierre, trois grands projets : ramener la papauté d'Avignon à Rome, réformer les mœurs, propager au loin la foi catholique. Le retour de la papauté à Rome fut un triomphe, et les poètes le saluèrent comme l'augure d'un nouvel âge d'or. Pendant ces grandes œuvres, Urbain vivait en saint, jeûnait comme un moine, et rapportait toute gloire à Dieu. A sa mort, il demanda qu'on permît au peuple de circuler autour de son lit : « Il faut, dit-il, que le peuple puisse voir comment les papes meurent. » 

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Bien cher Ami de l'Abbaye Saint-Joseph,

Abbaye saint joseph de clairval 21150En ce moment de notre histoire, écrivait le Pape Benoît XVI, le 10 mars 2009, le vrai problème est que Dieu disparaît de l'horizon des hommes et que, tandis que s'éteint la lumière provenant de Dieu, l'humanité manque d'orientation, et les effets destructeurs s'en manifestent toujours plus en son sein». C'est bien souvent à travers la vie des saints que la lumière qui vient de Dieu se manifeste à nous. «L'écrivain français, Jean Guitton, disait Benoît XVI, le 20 août 2008, décrivait les saints comme les couleurs du spectre par rapport à la lumière, parce qu'avec des tonalités et des accents propres à chacun d'eux, ils reflètent la lumière de la sainteté de Dieu. Combien est important et profitable, par conséquent, l'engagement de cultiver la connaissance et la dévotion envers les saints, à côté de la méditation quotidienne de la Parole de Dieu et d'un amour filial pour la Vierge!»

Guillaume de Grimoard, qui deviendra le Pape Urbain V, béatifié en 1870, est né vers 1310 dans le Gévaudan (aujourd'hui la Lozère) au château familial de Grizac. Sa famille est connue pour ses vertus chrétiennes. Son père, homme doux et humble, chevalier courageux, montre de la compassion envers les pauvres; sa mère a une réputation de grande charité. Tous deux se réjouiront de la vocation de leur fils. À douze ans, Guillaume part étudier à Montpellier; puis il se rend à Toulouse pour apprendre, durant quatre ans, le droit civil. Ses maîtres, éblouis par son intelligence et ses capacités, lui laissent espérer une chaire de droit. Mais brusquement, sans rien dire à personne, il embrasse la vie monastique dans un couvent bénédictin de douze moines, dont un de ses oncles est le Prieur, à Chirac, dans le pays de sa mère, en Lozère.

Une parole chaude et persuasive

Bientôt, Guillaume est envoyé à l'Abbaye Saint-Victor, à Marseille, pour achever sa formation monastique. Il y prononce ses voeux et montre de belles qualités: humilité, obéissance, amour de la prière et de la mortification. Revenu à son premier monastère, il reçoit le sacerdoce et ne tarde pas à repartir, sur les conseils de ses supérieurs, pour enseigner comme professeur d'université, à Toulouse, Montpellier, Paris, Avignon. Il a vingt-cinq ans. À la Toussaint de l'an 1342, il obtient, à Montpellier, le titre de Docteur en droit canon. Professeur aimant son travail et apprécié de ses élèves, il connaît un grand succès; des milliers d'auditeurs se pressent au pied de sa chaire. Beaucoup viennent le consulter: les riches le recherchent pour arbitrer leurs différends, et les pauvres lui demandent conseil pour leurs petites affaires de famille. Après ses cours, il ne manque pas d'aller dans les églises faire aux fidèles de pieuses exhortations. Sa parole chaude et persuasive, affectueuse et condescendante, lui conquiert le coeur des pauvres. Ses qualités attirent sur lui l'attention de la hiérarchie ecclésiastique. Il est nommé vicaire général à Clermont (1349); plus tard, il le sera à Uzès (1357). De plus, il gouverne comme Prieur un monastère du diocèse d'Auxerre, et, en 1352, le Pape Clément VI le met à la tête de l'Abbaye Saint-Germain d'Auxerre.

La papauté s'était installée en Avignon depuis 1309 pour échapper aux révolutions qui se succédaient à Rome. Clément VI a officialisé cette situation, en 1348, par l'achat d'Avignon à la comtesse de Provence, Jeanne Ière, reine de Sicile. En 1352, le Pape confie à Guillaume de Grimoard une mission difficile auprès de l'archevêque de Milan, enclin à empiéter sur le pouvoir temporel du Saint-Siège en Italie. Innocent VI, successeur de Clément VI, lui confie, à son tour, plusieurs missions diplomatiques qui seront couronnées de succès. En 1361, le Pape le nomme abbé de Saint-Victor de Marseille. Guillaume entreprend la rénovation de l'abbaye dont les bâtiments sont fort délabrés. Mais bientôt, Innocent VI l'envoie en mission à Naples, où la reine Jeanne, veuve depuis peu, a besoin, face à des populations remuantes, d'un conseil et d'un soutien. En septembre 1362, le Pape meurt. Au terme d'un conclave difficile, Guillaume de Grimoard est élu pour lui succéder. Fait exceptionnel, un simple moine, abbé, pas même évêque, est élu pape. Il a alors 52 ans.

Le couronnement du nouveau Pontife a lieu en Avignon, le 6 novembre 1362. Guillaume choisit le nom d'Urbain parce que, explique-t-il, «les quatre autres Urbain ont tous été de saints hommes». Sa seule ambition est, en effet, de devenir un saint. Dès ce jour, il engage son pontificat dans la voie de l'austérité. Tout est prêt, selon l'usage, pour qu'il traverse la ville tout enrubannée, sur un cheval harnaché d'or, entouré d'une multitude de princes et d'évêques à cheval; mais il refuse cette cavalcade, garde son habit de bénédictin et ne quitte pas le château. Il écrit lui-même aux souverains catholiques d'Europe. Le roi de France, Jean II le Bon, qui vient d'arriver à Villeneuve-lez-Avignon, ne peut que s'agenouiller devant le Pape, sans cérémonie. Venu pour le cortège qui n'aura pas lieu, il veut obtenir d'Urbain la création de quatre cardinaux de son choix, mais le Pape refuse.

Ombres et lumières d'un siècle

Le contexte historique du pontificat d'Urbain V est,  pour la France et l'Angleterre, celui de la guerre de Cent Ans; pour l'Europe, c'est la menace de l'invasion musulmane; pour l'Italie, ce sont les luttes perpétuelles entre les cités. Le XIVe siècle connaît aussi la terrible épidémie de Peste noire de 1348 qui, en un an, fait un ravage considérable et désorganise toute la vie sociale. La mortalité effrayante (on évalue à un tiers le pourcentage des victimes sur l'ensemble de la population européenne) marque rudement cette génération, et les mentalités se transforment. Les habitants des villes se réfugient à la campagne où, comme pour conjurer la mort, ils s'adonnent à tous les vices. Les monastères eux-mêmes se vident, par crainte de la contagion. Le clergé abandonne les villes, sauf les meilleurs de ses membres qui se sacrifient pour donner les derniers sacrements aux mourants. Après l'épidémie, les survivants rentrent chez eux, les moines et moniales regagnent leurs couvents et les évêques leur siège épiscopal; mais les uns et les autres ont pris goût à l'indépendance et à la vie mondaine. Toutefois, en ce même siècle, la réforme de plusieurs ordres monastiques est stimulée par le rayonnement de nombreux saints comme Vincent Ferrier, Brigitte de Suède et Catherine, sa fille, Catherine de Sienne, etc.

Dans ces circonstances, Urbain V donne, dès son avènement, l'exemple d'une vie de prière et de simplicité; profondément moine, il conserve un mode de vie monastique. Très généreux pour les autres, il ne se nourrit, lui, que de mets ordinaires et couche sur un lit très dur; il jeûne deux ou trois fois par semaine et se confesse avec humilité, chaque jour avant de dire sa Messe. Il multiplie les aumônes et s'emploie à subvenir aux besoins des plus pauvres. Son goût pour la beauté s'exprime dans le culte divin à travers les objets liturgiques et la magnificence des constructions.

Par petites touches et non sans une pointe d'humour, plus que par grands décrets, le Pape commence la réforme de l'Église par les cardinaux: il abolit le droit d'asile qui faisait des maisons cardinalices de véritables repaires de brigands, réglemente l'usage du vin, et rappelle aux princes de l'Église leurs devoirs. Aux évêques, il signifie leur devoir de résidence dans leur évêché parce qu'une «barque sans pilote ne peut éviter les écueils et périt misérablement». Il réprime sévèrement la simonie, par laquelle on achète ou vend un bien spirituel, et interdit la pluralité des bénéfices; le bénéfice ecclésiastique était un patrimoine attaché à une fonction ou une dignité de l'Église. Jaloux de l'indépendance de la papauté vis-à-vis des puissances temporelles, il refuse tout cadeau de leur part. Pour ses nominations, il n'écoute ni les prières des rois, ni les supplications de ses amis ou de sa famille, mais choisit les personnes les plus aptes. Il réforme un certain nombre de monastères, ce qui suscite parfois des remous. Il projette d'imposer aux Chartreux la Règle de saint Benoît, mais, éclairé sur la nature de cet Ordre érémitique, il les laisse suivre leurs usages propres hérités de leur fondateur, saint Bruno. Les Frères prêcheurs (Dominicains) et les Frères mineurs (Franciscains) visitent, à sa demande, les monastères et les hôpitaux, et se font notamment rendre compte de l'emploi des revenus.

Un Pape réformateur

Urbain V remet également de l'ordre dans les moeurs  et la pratique religieuse des fidèles, rétablit la justice, bannit les usuriers et châtie les voleurs. Pendant son court séjour de trois ans à Rome, plus de vingt mille personnes reçoivent pour la première fois les sacrements de l'Église. Il s'oppose par décret dans le Comtat Venaissin (région autour d'Avignon) au luxe et aux modes indécentes ou ridicules. La réforme vise aussi, plus profondément, à sauvegarder la doctrine chrétienne, car la corruption des moeurs suit le désordre des idées. Le Pape lutte contre plusieurs hérésies (doctrines qui portent atteinte aux dogmes révélés par Dieu et enseignés par l'Église): certaines de ces hérésies nient la nécessité du baptême, le péché originel, l'éternité des peines de l'enfer et la grâce divine. Urbain V nomme des cardinaux, des évêques, des professeurs compétents pour défendre la foi catholique là où elle est attaquée.

Tout au long de son pontificat, Urbain V promeut la vie intellectuelle; il souhaite par là améliorer aussi les conditions sociales. Il veut donner la possibilité à tous d'accéder à l'instruction. Ainsi, pour les Polonais qui ne peuvent venir en France ou en Italie, il fonde, en 1364, une université à Cracovie où il envoie les meilleurs professeurs. Il fait de même à Pecz en Hongrie, à Vienne en Autriche et à Genève en Suisse. Il fonde les universités d'Orange et d'Angers et institue en de nombreux lieux des facultés de droit civil et ecclésiastique, de théologie et de lettres. Il crée des «studiums», fonctionnant comme de petites facultés pluridisciplinaires, qui sont des maisons pour tous, riches ou pauvres. Les pauvres y reçoivent un enseignement gratuit; Urbain V finance, de plus, par un système de bourses prises sur la cassette papale, leurs autres dépenses. Il s'applique également à bannir les habitudes luxueuses des étudiants en leur imposant de porter des habits simples; ainsi les riches n'humilieront pas les pauvres et ne les forceront pas à s'éloigner de l'école. Lorsqu'on lui reproche de dépenser son avoir pour des gens qui ne seront pas clercs, il répond que «quel que soit leur état et ce qu'ils feront dans la vie, il leur sera toujours utile d'avoir appris»; il est en effet persuadé que chacun, selon son état – père de famille, clerc ou artisan – assume mieux ses responsabilités s'il est instruit à la mesure de ses capacités. Il estime d'ailleurs que la science aide l'homme à pratiquer la vertu.

À côté des études et des belles-lettres, Urbain V encourage aussi les autres arts: grâce à lui, de nombreux artistes, miniaturistes, enlumineurs, graveurs, tapissiers, viennent enrichir le Palais des Papes en Avignon. Un peu partout, il fait travailler des artisans pour confectionner reliquaires et autres objets de culte, vitraux, ornements, etc. Toute la vie artistique et intellectuelle connaît ainsi sous son pontificat un essor exceptionnel. Urbain V tient aussi à donner aux populations qui dépendent de lui la protection de murs puissants face à la menace des bandes armées qui ensanglantent son siècle. Pour assurer le développement universitaire, il lui faut également construire des bâtiments neufs. Les villes de Montpellier, Mende, Avignon, Marseille, Rome portent encore les traces de son génie bâtisseur.

Une préoccupation : l'unité

Homme de paix, Urbain travaille à la réconciliation des Églises d'Orient et d'Occident. Il écrit, avec autorité et affection, à l'Empereur de Constantinople, Jean Paléologue et lui envoie des légats. Impressionné par le renom d'Urbain V et par ses arguments, l'empereur, dont les États subissent de graves menaces internes et externes, notamment de la part des Turcs, vient à Rome au début de 1369, accompagné de son épouse, l'impératrice Hélène Cantacuzène, et d'une foule d'évêques, de seigneurs et de moines. Le Pape, comme nous le verrons, était revenu à Rome en 1367. L'empereur passe six mois à Rome, s'entretenant fréquemment des choses de Dieu avec le Pape, qui le reçoit à toute heure et sans rendez-vous. Quand il arrive à l'improviste aux heures des repas, on lui prépare aussitôt un couvert; Jean Paléologue préfère ces repas simples aux somptueux festins qu'on lui sert au milieu des pompes mondaines. Les cardinaux ont, eux aussi, de longs entretiens avec lui, s'assurant de sa sincérité et répondant à ses objections. Le 8 octobre 1369, l'empereur proclame solennellement son adhésion à la foi de l'Église catholique, en présence de plusieurs cardinaux. Dans sa profession de foi, il confesse tous les articles du Credo catholique, notamment que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, ainsi que la primauté de l'Église romaine et l'autorité du Pape sur les évêques et les patriarches eux-mêmes. L'empereur et l'impératrice retournent à Constantinople forts satisfaits des attentions dont ils ont été l'objet. Beaucoup de Grecs, touchés de la bienveillance du Pontife, se réunissent à l'Église de Rome. Cette réconciliation est une des plus grandes joies d'Urbain V. Souhaitant qu'elle s'étende à tous les Orientaux, il écrit, dans une encyclique du 8 mars 1370, l'année même de sa mort: «Oh! si Dieu nous accordait cette grâce que, sous notre pontificat, l'Église latine et l'Église d'Orient puissent se réunir, après avoir été si longtemps séparées, nous fermerions volontiers nos yeux à la lumière et entonnerions le cantique du vieillard Siméon Nunc dimittis, Domine (Maintenant, Seigneur, tu peux laisser ton serviteur s'en aller)». Sur le moment, en Orient, plusieurs suivent l'exemple des Grecs. Les Nestoriens prétendaient que l'on doit distinguer en Jésus-Christ deux personnes comme on distingue deux natures, divine et humaine; leur patriarche, Marauze, vient de Mossoul à Rome et fait profession de foi catholique entre les mains du Pape.

Malheureusement, ces événements sont restés sans lendemain; de nos jours encore, l'unité des Chrétiens demeure une préoccupation du Pape et de l'Église. «Conduire les hommes vers Dieu, vers le Dieu qui parle dans la Bible: c'est la priorité suprême et fondamentale de l'Église et du Successeur de Pierre aujourd'hui, affirme le Pape Benoît XVI. D'où découle, comme conséquence logique, que nous devons avoir à coeur l'unité des croyants. En effet, leur discorde, leur opposition interne met en doute la crédibilité de ce qu'ils disent de Dieu. C'est pourquoi l'effort en vue du témoignage commun de foi des chrétiens – par l'oecuménisme – est inclus dans la priorité suprême» (Lettre aux Évêques, du 10 mars 2009).

Le zèle apostolique d'Urbain V se manifeste encore par les missions qu'il envoie dans le monde: en Bulgarie, en Lituanie, en Géorgie, en Bosnie, en Dalmatie, en Serbie et jusqu'en Mongolie et en Chine où le premier évêché est créé à Pékin en 1370.

Les bases d'une paix durable

Préoccupé par les guerres et actes de violence de son siècle, Urbain V s'étudie à jeter les bases d'une paix durable et à étendre la civilisation partout en Europe. Son objectif premier est de retourner s'installer à Rome. Grâce au travail politique, militaire et juridique accompli par le cardinal Albornoz, ce retour est devenu possible en 1367. Arrivé dans la Ville au mois d'octobre, le Pape s'efforce d'améliorer les moeurs du peuple romain désorienté; il crée de grands jardins sur la colline du Vatican pour employer des ouvriers au chômage; il fait restaurer de nombreux monuments et entreprend des fouilles pour retrouver les chefs des Apôtres saint Pierre et saint Paul, qu'on découvre sous l'autel de la basilique du Latran.

Pour maintenir l'intégrité de l'État de l'Église, assurer la liberté des souverains Pontifes et celle de l'Italie, qui en est inséparable, le Pape conçoit le projet de grouper autour de lui tous les États d'Italie en une sorte de ligue dont il serait le chef. L'empereur, Charles IV de Bohême, et le roi de Hongrie sont les premiers à adhérer à ce plan. Les États d'Italie suivent, sauf Florence. Tous les princes de la chrétienté, du roi de Danemark jusqu'au roi de Bulgarie entretiennent d'abondantes correspondances avec Urbain V ou viennent chercher conseil auprès de lui.

D'un autre côté, si la guerre de Cent Ans connaît quelque répit après le traité franco-anglais de Brétigny, en 1360, les mercenaires désoeuvrés, répandus sur les routes (d'où leur nom de « routiers »), dévastent tout. Urbain V, alliant diplomatie et fermeté, excommunie ces bandes et les exhorte à partir en croisade, autant pour les éloigner des contrées européennes que pour tenter d'enrayer la poussée des Musulmans qui menacent l'Empire d'Orient. Mais, quelques années après la paix de Brétigny, une nouvelle flambée de violence entre Français et Anglais convainc le Pape de quitter Rome pour Avignon afin de préparer une rencontre entre les deux rois et leur imposer sa médiation. À ses yeux, le vide laissé par l'affaiblissement du Saint Empire romain germanique ne peut être comblé que par la reconnaissance mutuelle des États issus de cet Empire (France, États allemands et italiens), afin de constituer une Europe pacifiée et unie, enracinée dans la foi chrétienne.

Un authentique humanisme

La formation de l'Europe s'est réalisée au cours des siècles. «L'Europe ne constituait pas une unité définie du point de vue géographique, affirmait le Pape Jean-Paul II le 14 décembre 2000, et ce n'est que par l'acceptation de la foi chrétienne qu'elle devint un continent qui, tout au long des siècles, a réussi à répandre ses valeurs dans presque toutes les autres parties de la terre, pour le bien de l'humanité. Dans le même temps, on ne peut pas ne pas souligner que les idéologies qui ont été la cause de tant de fleuves de larmes et de sang au cours du XXe siècle, sont apparues dans une Europe qui avait voulu oublier ses fondements chrétiens... On ne peut oublier que ce fut la négation de Dieu et de ses commandements qui créa, au siècle passé, la tyrannie des idoles, qui s'est exprimée par la glorification d'une race, d'une classe, de l'État, de la nation, d'un parti, à la place de la glorification du Dieu vivant et vrai. C'est bien à la lumière des malheurs qui se sont déversés sur le XXe siècle que l'on comprend combien les droits de Dieu et de l'homme s'affirment ou tombent ensemble». Voilà pourquoi ce même Pape souhaitait une Europe sans frontières, qui ne renie pas les racines chrétiennes qui lui ont donné naissance et qui ne renonce pas à l'authentique humanisme de l'Évangile du Christ.

Le retour d'Urbain V en Avignon était probablement aussi motivé par le désir d'assurer la sérénité et l'indépendance des cardinaux lors du conclave qui s'ouvrirait à sa mort qu'il pressentait prochaine; l'Italie était, en effet, de nouveau le théâtre d'agitations dangereuses. De fait, Urbain V meurt, après plusieurs semaines de grandes souffrances le 19 décembre 1370. Il était revenu depuis deux mois en Avignon.

La force du bienheureux Urbain V lui venait de son union à Dieu. Un chroniqueur, témoin très proche de ce Pape, a écrit: «En Dieu seul il épanchait son coeur, en Dieu seul il jetait ses pensées et il se consacrait totalement à Son service». De nos jours, le Pape Benoît XVI s'attache, lui aussi, à ramener les hommes à Dieu: «La première priorité pour le Successeur de Pierre, écrivait-il, le 10 mars 2009, a été fixée sans équivoque par le Seigneur au Cénacle: Toi... affermis tes frères (Lc 22, 32)... À notre époque où, dans de vastes régions de la terre, la foi risque de s'éteindre comme une flamme qui ne trouve plus à s'alimenter, la priorité qui prédomine est de rendre Dieu présent dans ce monde et d'ouvrir aux hommes l'accès à Dieu. Non pas à un dieu quelconque, mais à ce Dieu qui a parlé sur le Sinaï; à ce Dieu dont nous reconnaissons le visage dans l'amour poussé jusqu'au bout (cf. Jn 13, 1) – en Jésus-Christ crucifié et ressuscité».

Association des Amis du Bienheureux Urbain V – château de Grizac – 48220 Le Pont de Montvert.

Cf. Urbain V, un homme, une vie, par Paul Amargier. Société des médiévistes provençaux, basilique Saint-Victor, Marseille, 1987. 

Dom Antoine Marie osb, abbé 

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Date de dernière mise à jour : 2018-02-12

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