Passioniste de Polynésie

La centralité du mystère de la Croix

Mgr piacenzaHomélie du cardinal Mauro Piacenza

Chers amis, l’annonce du Seigneur est sans équivoque. Elle nous indique explicitement qu’il n’est pas suffisant de croire en Lui pour se dire des chrétiens authentiques. Il nous est demandé à tous de regarder, accueillir et entrer dans une nouvelle logique : la logique de la Croix. Une logique fondée sur la liberté de Dieu qui fait don à l’humanité de son Unique Fils de la seule façon possible qui puisse desserrer l’étau du malin. En effet, le malin, comme nous a souvent rappelés le pape François, n’est pas une simple allégorie du mal, mais une véritable présence personnelle qui agit dans le monde en causant de graves dommages chez l’homme et dans la société (cf. CCC 395).

À une humanité esclave du péché, écrasée par l’emprise de Satan, assoiffé du sang de l’homme, Dieu envoie son Fils, Lequel s’offre librement à la place des hommes, verse son très précieux sang en échange du sang des hommes. Dans cet admirable échange, dans cette substitution vicaire, nous trouvons le cœur de l’histoire du salut, capable de vraiment délivrer l’homme et de détruire définitivement le malin.

Ce fait historique qu’est l’offre sanglante du Christ sur l’autel de la croix demande d’être accueilli dans un cadre doctrinal et ecclésial, mais également moral et existentiel.

Au plan doctrinal et ecclésial, il est toujours et encore urgent d’avoir devant les yeux le Mysterium Crucis à chaque fois que nous nous apprêtons à comprendre, à présenter et représenter le noyau de notre foi. Le christianisme est « joie », « paix » et « amour », seulement parce que le Christ a été élevé de terre, seulement parce que de son côté déchiré se sont écoulés le Sang de la vie éternelle et l’eau du salut.

Il n’y a pas d’amour qui ne s’écoule du côté déchiré de Jésus Christ!

Il n’y a pas de joie qui ne s’écoule du côté déchiré de Jésus Christ!

Il n’y a pas de paix qui ne soit conquise à l’homme par la croix du Christ.« Christus Pax nostra! » (Eph 2,14) proclame l’apôtre après avoir bien compris la centralité de la Croix.

Un chrétien sans Croix, qui aurait peur de la regarder ou de la prêcher, qui la marginaliserait, tomberait dans l’absurdité d’un christianisme sans Christ. On tomberait dans les mailles très dangereuses de l’idéalisme.

Cela vaut aussi pour l’Église, appelée depuis deux mille ans, non seulement à contempler le Crucifié, mais également – comme nous faisons aujourd’hui – à Le célébrer, à exalter la Sainte Croix, non pas – bien entendu – comme un outil de torture, ou dans une malsaine dévotion à la douleur, mais comme lieu historique de récapitulation de toutes les choses en Jésus Christ et comme un passage nécessaire pour arriver à la victoire de la Résurrection, de l’amour, de la paix et d’une joie, pleinement conquis par le Christ et donnés à l’homme.

Seule une Église pleinement consciente de la centralité du mystère de la Croix sera capable d’énergies pour reconnaître tous les crucifiés de notre temps et, avec l’aide de la grâce, se faire cyrénéen pour eux. L’Église n’est pas appelée à résoudre tous les problèmes de l’humanité, n’est pas appelée à éliminer La Croix de la vie des hommes et encore moins à effacer son souvenir de l’histoire humaine.

L’Église est l’auberge dans laquelle le Bon samaritain accompagne le pèlerin blessé!

L’Église est le cyrénéen qui aide Jésus à porter sa Croix, mais ne l’empêche pas de mourir crucifié!

L’Église est dans l’apôtre qu’Il aimait et qui, aux pieds de la croix, contemple le Maître sans tout comprendre, mais continue de l’aimer avec passion.

L’Église est surtout représentée par Notre-Dame des douleurs que, si Dieu le veut, nous célébrerons demain. Vierge qui accueille dans une grande pitié le corps du Crucifié dans ses bras, l’enveloppant de son amour maternel débordant ; Le vénère dans l’attente pressante de sa résurrection.

L’Église est contenue dans l’élan de ces femmes qui, au petit matin, se rendent au tombeau, s’attendant à y trouver un cadavre, mais en repartent annonciatrices de la Résurrection.

L’Eglise est dans la course de Pierre et Jean, course qui ne s’arrête jamais et qui, encore aujourd’hui, en regardant le Crucifié et le Sépulcre vide, nous permet de dire au monde que nous avons vu et avons cru: « Il vit et il crut » (Jn 20,8).

Pour toutes ces raisons, nous implorons, dans le saint Sacrifice de la messe, que l’Eglise soit toujours imprégnée de la dimension de la Croix du Christ, dont la valeur expiatrice resplendit particulièrement dans les messages de Fatima. Ces messages voient une Eglise en lutte, assiégée et apparemment écrasée par le mal, mais enveloppée entièrement par l’Amour salvifique du Christ et par les palpitations maternelles de Marie qui est l’icône parfaite de l’Église.

Rappelons-nous qu’il est impossible de séparer l’Église de la Croix, de séparer le Christ de la Croix. L’Église ne sera fidèle à Dieu et fidèle aux hommes qu’en annonçant le fait historique d’un salut qui passe par la Croix et en apprenant, toujours et encore, à décliner la logique de la Croix dans tous les plis de son « être » et de ses actions. Tous les grands thèmes, de la famille à l’écologie, de l’évangélisation à la foi, ne peuvent être regardés que dans la logique de la Croix, une logique d’offrande et de sacrifice, d’expiation et de mort, pour pouvoir atteindre la gloire de la résurrection, à savoir le plein accomplissement de la Croix. «  Per Crucem ad lucem »!

Cette centralité du Crucifié devient, alors, aussi « lumière » et « critère » pour évaluer, accroître et vivifier notre existence chrétienne. Ne nous faisons pas d’illusions, nous ne pouvons pas être chrétiens sans regarder le Crucifié. Au contraire, un christianisme privé de la Croix se réduirait à une collection générale de normes morales, privée de fascination et de signification, et donc proclamées inutilement et jamais réalisées.

Il n’y a aucune raison d’aimer tous les frères, si ce n’est dans le Crucifié!

Il n’y a aucune raison de s’aimer soi-même, sinon dans le Crucifié!

Il n’y a aucune raison, comme Fatima nous y invite, de prier pour les pécheurs, si ce n’est pas dans le Crucifié!

Il n’y a pas de raison de continuer, encore et toujours, d’espérer si ce n’est pas ce que Dieu s’est fait Homme et qu’il est mort pour nous, pour tout le monde, sans exclusion!

La Croix est alors le fondement et la raison même de notre existence chrétienne.

Nous regardons le Crucifié avec le regard stupéfait de l’apôtre Jean, sachant nous aussi d’être le disciple que Jésus aimait; nous Le regardons avec le regard humide de pleurs, mais équilibré et chargé de foi de la bienheureuse Vierge Marie, dont le cœur souffrant et immaculé constitue pour nous un doux refuge.

À chaque fois que la vie nous crucifie, à chaque fois que nos frères nous crucifient, à chaque fois que l’infirmité, l’incompréhension, la solitude, la marginalisation, la trahison, nous crucifie, nous sommes dans le cœur de Marie, car la Croix y trouve toujours sa place; parce que le Fils aussi, dans ce cœur de Mère, a trouvé le réconfort efficace pour monter au calvaire.

C’est en réalisant cela seulement qu’un nouveau fleurissement humain est possible, un renouvellement radical de notre manière de penser, et donc, d’agir. On peut dire que la morale chrétienne est tout simplement être fidèle à la croix! C’est vivre en tenant compte du Christ crucifié, en implorant de toujours savoir choisir de souffrir plutôt que de faire souffrir ; de mourir plutôt que de tuer; d’accueillir plutôt que de repousser ; d’aimer, d’aimer et encore aimer.

La promesse du Christ d’attitrer tout le monde à Lui quand il sera élevé de terre n’est certes pas le vague délire d’un condamné à mort. C’est la promesse sûre de la nouvelle logique que la Croix porte avec elle. C’est la promesse d’une fascination que la Croix exerce sur le cœur et sur l’esprit des hommes, sur leur existence même, parce que la Croix est la seule réponse possible au mystère de la souffrance de l’homme. En effet, la souffrance humaine ne peut être éliminée et toute tentative de l’éliminer, indépendamment de la Croix, ne serait pas chrétien, mais une simple utopie philanthropique, qui finirait par détruire la liberté. Alors la Croix devient un fascinant mystère, capable d’attirer, capable presque de séduire tous les hommes, grâce à la nouvelle logique que celle-ci introduit et à l’expérience qu’elle permet de vivre.

Nous avons tous besoin de quelqu’un qui meurt d’amour pour nous ; de Quelqu’un qui nous aime de manière si radicale qu’il est disposé à donner la vie pour nous. Jésus Christ a fait cela pour toi, pour moi, pour chacun de nous, et c’est cet Amour, ce don total qui, élevé de terre, c’est-à-dire montré à tous les hommes, attire, attire au Christ, devenant un mystère aussi terrible que fascinant.

Le devoir de l’Église et de chacun de nous, fortement indiqué et soutenu ici à Fatima, est alors de montrer au monde le Crucifié, de continuer à élever la Croix du Christ sur le monde! L’Église, en cette année centenaire des apparitions de Fatima, est appelée à élever la Croix du Christ, comme l’unique étendard dans lequel l’humanité peut trouver la paix, peut trouver le salut. “Stat Crux dum volvitur mundum”!

Prions la Blanche Dame de Fatima, dans son invitation à la pénitence, à la prière et à la conversion, de traduire de manière simple, limpide et claire, la logique de la Croix, la logique de Ceux qui s’offrent pour les autres; prions-La afin que résonnent dans nos cœurs et nos vies les simples et bonnes vérités du catéchisme, avec les saveurs du bon pain de chez nous, afin que les contenus des paroles de l’Ange apparu en 1916 et ceux de la Vierge, ainsi que l’exemple des bienheureux François et Jacinthe, et de Lucie, trouvent un accueil et renouvellent notre vie chrétienne chaque jour.

Permettez-moi pour finir d’exprimer un désir que j’ai dans le cœur : qu’il serait beau que tant de questions ecclésiales, tant de complications, tant de discours vaseux et tant de stratégies, tant de tensions trop humaines, se dissolvent dans les eaux claires et fraîches de Fatima!

Dans tes mains très Sainte Vierge, tabernacle vivant de la Divinité, nous renouvelons les vœux de notre baptême, renonçons à jamais à Satan, à sa vanité et à ses œuvres, et nous donnons entièrement à Jésus Christ, la Sagesse incarnée, pour porter la croix derrière Lui tous les jours de notre vie. À Toi Bienheureuse Vierge Marie, nous abandonnons et consacrons notre corps et notre âme, nos biens propres et extérieurs et la valeur même de nos bonnes œuvres passées, présentes et futures, Te laissant entièrement et le plein droit de disposer de nous et de tout ce qui nous appartient pour la plus grande gloire de Dieu dans le temps et dans l’éternité.

Nous attendons le triomphe de ton cœur immaculé!

https://fr.zenit.org/articles/fatima-2017-la-centralite-du-mystere-de-la-croix-par-le-card-piacenza-texte-integral/

Date de dernière mise à jour : 2017-09-15

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