Passioniste de Polynésie

Saints A

ambrose.jpgSaint Ambroise (v.340-397), évêque de Milan et docteur de l'Église

 Par sa Passion le Christ a payé pour nous nos dettes 

      Quel homme pourrait se racheter par son propre sang, alors que le Christ a versé son sang pour le rachat de tous ? Y a-t-il un seul homme dont le sang puisse être comparé à celui du Christ...qui, à lui seul, a réconcilié le monde avec Dieu par son sang ? Y a-t-il une offrande plus noble, un sacrifice plus noble, un avocat meilleur que celui qui s'est fait supplication pour les péchés de tous et qui a donné sa vie en rédemption pour nous ?

      Il n'y a donc pas à chercher une expiation ou une rédemption individuelle, parce que le sang versé en rançon pour tous est celui du Christ. C'est par ce sang que le Seigneur Jésus nous a rachetés, lui qui, seul, nous a réconciliés avec le Père. Et il a accompli son labeur jusqu'au bout, car il a pris sur lui notre labeur, lui qui dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez, et moi je vous soulagerai » (Mt 11,28)... L'homme ne donnera donc rien en expiation pour sa rédemption, car il a été lavé une fois pour toutes du péché par le sang du Christ, mais il n'est pas pour autant dispensé de peiner pour observer les préceptes de la vie et pour ne pas s'écarter des commandements du Seigneur. Tant qu'il vivra, il sera dans le labeur et y persévérera pour vivre éternellement, de peur qu'il ne meure de mort alors qu'il a déjà été racheté à la mort. 

Commentaire du Psaume 48, 14-15 ; CSEL 64, 368 (trad. cf Orval et bréviaire 20e sam)

separ text passio« Le coq ne chantera pas avant que tu m'aies renié trois fois »

      Pierre a renié une première fois et n'a pas pleuré, parce que le Seigneur ne l'avait pas regardé. Il a renié une seconde fois, et il n'a pas pleuré, parce que le Seigneur ne l'avait pas encore regardé. Il a renié une troisième fois, Jésus l'a regardé, et il a pleuré, très amèrement (Lc 22,62). Regarde-nous, Seigneur Jésus, pour que nous sachions pleurer notre péché. Cela montre que même la chute des saints peut être utile. Le reniement de Pierre ne m'a pas fait tort ; au contraire, à son repentir, j'ai gagné : j'ai appris à me garder d'un entourage infidèle... Pierre a donc pleuré, et très amèrement ; il a pleuré pour arriver à laver sa faute par des larmes. Vous aussi, si vous voulez obtenir le pardon, effacez votre faute par les larmes ; au moment même, sur l'heure, le Christ vous regarde. S'il vous survient quelque chute, lui, témoin présent à votre vie secrète, vous regarde pour vous rappeler et vous faire avouer votre erreur. Faites alors comme Pierre, qui dit ailleurs par trois fois : « Seigneur, tu sais que je t'aime » (Jn 21,15). Il a renié trois fois, trois fois aussi il confesse ; mais il a renié dans la nuit, et il confesse au grand jour. Tout cela est écrit pour nous faire comprendre que personne ne doit se vanter. Si Pierre est tombé pour avoir dit : « Même si d'autres viennent à trébucher, moi je ne tomberai pas » (Mt 26,33), quel autre serait en droit de compter sur soi-même ?... D'où est-ce que je te rappellerai, Pierre, pour m'apprendre tes pensées quand tu pleurais ? Du ciel où tu as déjà pris place parmi les choeurs des anges, ou encore du tombeau ? Car la mort, d'où le Seigneur est ressuscité, ne te répugne pas à ton tour. Enseigne-nous à quoi t'ont servi tes larmes. Mais tu l'as enseigné bien vite : car étant tombé avant de pleurer, tes larmes t'ont fait choisir pour conduire les autres, toi qui, d'abord, n'avais pas su te conduire toi-même.

Commentaire sur l'évangile de St Luc, 10, 89s (trad. cf SC 52, p. 186)

 

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 Saintathanaseleperse2gfSaint Anastase d’Antioche

 

« Il fallait que le Christ souffrît pour entrer dans sa gloire »

Le Christ, par ses paroles et ses actions, montrait qu'il était vrai Dieu et Seigneur de l'univers. Il disait donc à ses disciples, avant de monter à Jérusalem : Voici que nous montons à Jérusalem. Le Fils de l'homme sera livré aux païens, aux grands prêtres et aux scribes pour être flagellé, tourné en dérision et crucifié . Il annonçait ce qui s'accordait avec les prédictions des prophètes, car ils avaient prédit sa mort qui devait avoir lieu à Jérusalem. ~

Donc, puisque la sainte Écriture avait, dès le début, prédit la mort du Christ, et les souffrances précédant sa mort, elle prédit aussi ce qui arriva à son corps après la mort, et elle prédit que ce Dieu, à qui cela arriverait, demeurerait impassible et immortel. Autrement, il n'aurait jamais été Dieu. Mais, considérant la réalité de l'Incarnation, nous comprenons pourquoi il est vrai et juste d'affirmer tout ensemble et la passion du Christ et son impassibilité. Nous comprenons pourquoi le Verbe de Dieu qui, autrement, serait impassible, a dû subir la passion ; car l'homme n'aurait pu être sauvé par un autre moyen. Lui seul l'a su, ainsi que ceux à qui il l'a révélé. En effet, il a su tout ce qui vient du Père ; c'est ainsi que l'Esprit voit même les profondeurs des mystères divins.

Cependant, il fallait que le Christ souffrît ; il était absolument impossible que la passion n'eût pas lieu, comme lui-même l'a affirmé lorsqu'il a appelé lents à croire et inintelligents ceux qui ne savaient pas que le Christ devait souffrir ainsi pour entrer dans sa gloire. En effet, il est venu pour sauver son peuple, en renonçant à la gloire qu'il avait auprès du Père avant le commencement du monde . Ce salut était la perfection qui devait s'accomplir par la passion, et qui serait imputée à l'auteur de notre vie, selon l'enseignement de saint Paul : Il a été l'auteur de notre vie, en atteignant la perfection par ses souffrances . Et l'on voit comment la gloire du Fils unique, dont il avait été écarté pendant peu de temps en notre faveur, lui a été rendue par la croix dans la chair qu'il avait adoptée. Saint Jean le dit en effet dans son évangile, lorsqu'il explique ce qu'était cette eau dont le Sauveur a dit qu'elle jaillirait, comme des fleuves, du cœur du croyant. Or, en disant cela, il parlait de l'Esprit Saint que devaient recevoir ceux qui croiraient en Lui. En effet, l'Esprit Saint n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'était pas encore entré dans sa gloire . Ce qu'il appelle sa gloire, c'est sa mort sur la croix. C'est pourquoi le Seigneur, lorsqu'il priait, avant de subir la croix, demandait au Père de lui donner cette gloire qu'il avait auprès de lui avant le commencement du monde

HOMÉLIE SUR LA PASSION

   lampes-fresque.jpgantoine-de-padoue.jpgSaint Antoine de Padoue (vers 1195-1231), franciscain, docteur de l’Eglise 

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique »

    Le Père nous a envoyé son Fils, qui est « le don le meilleur, le don parfait » (Jc 1,17). Le don le meilleur, que rien ne surpasse ; le don parfait, auquel on ne peut rien ajouter. Le Christ est le don le meilleur parce que celui que le Père nous donne ainsi est son Fils, souverain, éternel comme lui. Le Christ est le don parfait ; comme le dit l'apôtre Paul, « Avec lui, Dieu nous a tout donné » (Rm 8,32)... Il nous a donné celui « qui est la tête de l'Eglise » (Ep 5,23). Il ne pouvait pas nous donner davantage. Le Christ est le don parfait parce que, en nous le donnant, le Père a porté par lui toutes choses à leur perfection.       « Le Fils de l'homme, dit saint Matthieu, est venu sauver ce qui était perdu » (18,11). C’est pourquoi l'Eglise s'écrie : « Chantez au Seigneur un chant nouveau » (Ps 97,1), comme pour nous dire : O fidèles, vous que le Fils de l’homme a sauvés et renouvelés, chantez un chant nouveau, car vous devez « rejeter tout ce qui est ancien, maintenant que les fruits nouveaux vous sont donnés » (Lv 26,10). Chantez, parce que le Père « a fait des merveilles » (Ps 97,1) lorsqu'il nous a envoyé tout don parfait, son Fils. « Devant les yeux des nations il a révélé sa justice » (Ps 97,2) quand il nous a donné tout don parfait, son Fils unique, qui justifie les nations et achève la perfection de toutes choses.

Sermons pour le dimanche et les fêtes des saints (trad. Bayart, Eds. franciscaines 1944, p147)

separ text passio « Touchez-moi, regardez »

« Voyez mes mains et mes pieds : c'est bien moi. » Il y a, je pense, quatre raisons pour lesquelles le Seigneur montre aux apôtres son côté, ses mains et ses pieds. Premièrement, pour prouver qu'il était vraiment ressuscité et nous enlever tout sujet de doute. Deuxièmement, pour que « la colombe », c'est-à-dire l'Église ou l'âme fidèle, établisse son nid dans ces plaies, comme « au creux du rocher » (Ct 2,14) et y trouve un abri contre l'épervier qui la guette. Troisièmement, pour imprimer dans nos coeurs, comme des insignes, les marques de sa Passion. Quatrièmement, pour nous avertir et nous demander d'avoir pitié de lui et de ne pas le transpercer de nouveau des clous de nos péchés Il nous montre ses mains et ses pieds : « Voici, dit-il, les mains qui vous ont façonnés (cf Ps 118,73) ; voyez comme les clous les ont transpercés. Voici mon coeur, où vous êtes nés, vous les fidèles, vous mon Église, comme Eve est née du côté d'Adam ; voyez comme la lance l'a ouvert, afin que vous soit ouverte la porte du Paradis, que tenait fermée le Chérubin de feu. Le sang qui a coulé de mon côté a écarté cet ange, a émoussé son glaive ; l'eau a éteint le feu (cf Jn 19,34)... Écoutez avec soin, recueillez ces paroles, et vous aurez la paix avec vous. »

 

lampes-fresque.jpgst-aphraate.jpgSaint Aphraate ( ?-vers 345), moine et évêque à Ninive, près de Mossoul dans l’actuel Irak 

« Le serviteur n’est pas plus grand que son maître » (Jn 15,20)

Jésus a été persécuté comme les justes [de l’Ancien Testament] ont été persécutés, afin que soient consolés les persécutés d'aujourd'hui, eux qui sont persécutés à cause de Jésus persécuté. Car il nous a écrit et nous a lui-même rendu coeur : « S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront vous aussi. Puisqu'ils vous persécutent, c'est que vous n'êtes pas du monde, comme moi je n'en suis pas » (Jn 15,19-20;17,14). Auparavant en effet, il nous avait écrit : « Vos pères vous livreront, vos frères et vos parents, tout le monde vous prendra en haine à cause de mon nom ». Il nous a encore enseigné : « Lorsqu'ils vous feront comparaître devant les chefs, devant les magistrats et devant les rois qui tiennent le monde, ne vous creusez pas la tête auparavant pour ce que vous devrez dire, comment vous pourrez répondre : c'est moi qui vous donnerai une bouche et une sagesse telle que vos adversaires ne pourront vous vaincre, car ce n'est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit de votre Père, lui, parlera pour vous ».  C'est cet Esprit qui a parlé par la bouche de Jacob à Ésaü son persécuteur ; l'Esprit de sagesse qui a parlé devant Pharaon par la bouche de Joseph persécuté ; l'Esprit qui a parlé par la bouche de Moïse en tous les miracles qu'il a fait au pays d'Égypte…; l'Esprit qui chantait par la bouche de David persécuté, c'est par lui qu'il chantait pour soulager du mauvais esprit Saül son persécuteur ; l'Esprit qui avait revêtu Élie, avec lequel il a réprimandé Jézabel et Achab son persécuteur…; l'Esprit qui a réconforté Jérémie, et il s'est tenu debout, audacieusement, pour réprimander Sédécias ; l'Esprit qui a gardé Daniel et ses frères au pays de Babylone ; ce même Esprit qui a sauvegardé Mardochée et Esther dans le pays de leur captivité. Écoute, mon ami, les noms des martyrs, des confesseurs et des persécutés : Abel, Jacob, Joseph, Moïse, Josué, Jephté, Samson, Gédéon et Baraq, David, Samuel, Ezechias, Elie, Elisée, Michée, Jérémie, Daniel, Ananias et ses frères, Judas Maccabée et ses frères… Mais le martyre de Jésus a été le plus grand et le meilleur : il a surpassé en tribulation et en confession tous ceux d’autrefois et tous ceux à venir.

Les Exposés, n° 21 (trad. SC 359, p. 835s)

separ text passioSuivre le dernier de tous et le serviteur de tous

      Mon ami, prenons la ressemblance de celui qui nous donne la vie. Alors qu'il était riche, il s'est appauvri lui-même. Alors qu'il était haut-placé, il a abaissé sa grandeur. Alors qu'il habitait les hauteurs, il n'a pas eu de lieu où s'appuyer la tête. Alors qu'il doit venir sur les nuées, il est monté sur un ânon pour entrer à Jérusalem. Alors qu'il est Dieu et fils de Dieu, il a porté la ressemblance de serviteur. Lui qui est le repos de toutes les peines, il a été fatigué de la peine du chemin. Lui qui est la source qui étanche la soif, il a eu soif et il a demandé de l'eau à boire. Lui qui est la satiété qui rassasie notre faim, il a eu faim quand il jeûnait au désert pour être tenté. Lui qui est le veilleur qui ne dort pas, il s'est endormi et s'est couché dans la barque au milieu de la mer. Lui qui est servi dans la tente de son Père, il s'est laissé servir des mains des hommes. Lui qui est le médecin de tous les hommes malades, ses mains ont été percées par des clous. Lui dont la bouche énonçait de bonnes choses, on lui a donné du fiel à boire. Lui qui n'avait fait de mal ni nui à personne, il a été frappé de coups et il a supporté l'outrage. Lui qui fait vivre tous les morts, il s'est livré lui-même à la mort de la croix. Notre Vivificateur lui-même a fait preuve de tout cet abaissement ; abaissons-nous nous-mêmes, mes amis.

Les Exposés, n° 6 (trad. SC 349, p. 388)

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Saint Augustin (354-430), évêque d'Hippone (Afrique du Nord) et docteur de l'Église

La passion du Christ est celle de tout son Corps.


Seigneur, j'ai crié vers toi, écoute-moi ! Nous pouvons tous dire cela. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Christ total qui le dit. Mais cela est dit davantage au nom de son corps ; car, lorsqu'il était ici-bas, il a prié en portant notre chair, et c'est au nom de son corps qu'il a prié son Père. Tandis qu'il priait, de grosses gouttes de sang sortaient de tout son corps. C'est ce qui est écrit dans l'Évangile : Jésus priait avec plus d'insistance et il eut une sueur de sang . Ce sang qui jaillit de tout le corps, n'est-ce pas la souffrance des martyrs, qui appartient à toute l'Église ? Seigneur, je crie vers toi, écoute-moi ! Entends la voix de ma prière quand je crierai vers toi . Tu croyais avoir fini de crier, quand tu disais : Seigneur, j ai crié vers toi . Tu as crié, mais ne t'apaise pas encore. Si la détresse est finie, c'en est fini de crier ; mais si la détresse de l'Église et du corps du Christ se maintient jusqu'à la fin du monde, il ne faut pas dire seulement : J'ai crié vers toi, écoute-moi , mais aussi : Entends la voix de ma prière quand je crierai vers toi.

Que ma prière, devant toi, s'élève comme un encens, et mes mains, comme le sacrifice du soir . Tout chrétien reconnaît que cela s'entend habituellement de son chef en personne. En effet, tandis que le jour déclinait, vers le soir, le Seigneur sur la croix donna sa vie pour la reprendre ; il ne l'a pas perdue contre sa volonté.

Cependant, nous sommes représentés là aussi. Qu'est-ce qui a été cloué au gibet, sinon ce que le Seigneur a reçu de nous ? Et comment peut-il se faire que Dieu le Père délaisse et abandonne son Fils unique, qui n'est avec lui qu'un seul Dieu ? Cependant, en fixant notre faible nature sur la croix, puisque, selon l'Apôtre, l'homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec lui , c'est par la voix de cet homme qui est en nous qu'il a crié : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?

Voilà donc ce qui est le sacrifice du soir : la passion du Seigneur, la croix du Seigneur, l'oblation de la victime de notre salut, l'holocauste agréé par Dieu. Ce sacrifice du soir, il en a fait, par sa résurrection, l'offrande du matin. La prière qui s'élève, dans sa pureté, du cœur fidèle, est comme l'encens qui monte de l'autel. Rien n'est plus délectable que ce parfum du Seigneur, et tous ceux qui croient doivent en être imprégnés.

Donc, l'homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec lui . Telles sont les paroles de l'Apôtre. Et il ajoute : pour que ce corps du péché soit réduit à l'impuissance, et qu'ainsi nous ne soyons plus esclaves du péché.

HOMÉLIE DE SAINT AUGUSTIN SUR LE PSAUME 140

separ text passio« Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire ? » 

« Le Christ a donné sa vie pour nous, et nous aussi nous devons donner notre vie pour nos frères » (1Jn 3,16)... Jésus a dit à Pierre : « Quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture pour aller où tu voulais ; quand tu seras devenu vieux, un autre te ceindra pour te conduire où tu ne voudras pas... » (Jn 21,18) C'est la croix qu'il lui avait promise, c'est la Passion. « Va jusque-là, dit le Seigneur, pais mes brebis, souffre pour mes brebis. » Tel doit être le bon évêque. S'il ne l'est pas, il n'est pas évêque...

Écoute cet autre témoignage. Deux de ses disciples, les frères Jean et Jacques, fils de Zébédée, ambitionnaient les premières places au détriment des autres... Le Seigneur leur a répondu : « Vous ne savez pas ce que vous demandez », car il a ajouté : « Pouvez-vous boire le calice que je boirai ? » Quel calice, sinon celui...de la Passion ?... Et eux, avides de dignités, oublieux de leur infirmité, de dire aussitôt : « Nous le pouvons ». Il leur dit : « Mon calice, vous le boirez. Quant à vous placer à ma droite et à ma gauche, il ne m'appartient pas de vous l'accorder. Il y a ceux pour qui ces places ont été préparées par mon Père »... Il faisait ainsi preuve d'humilité ; en fait, tout ce que prépare le Père est aussi préparé par le Fils... Il est venu humble : lui le créateur, il a été créé parmi nous ; il nous a faits, mais il a été fait pour nous. Dieu avant le temps, homme dans le temps, il a délivré l'homme du temps. Ce grand médecin est venu guérir notre cancer...; il est venu guérir l'orgueil lui-même par son exemple.

C'est à cela que nous devons être attentifs dans le Seigneur : regardons son humilité, buvons le calice de son humilité, saisissons-nous de lui, contemplons-le. Il est facile d'avoir des pensées nobles, facile de jouir des honneurs, facile de prêter l'oreille aux flatteurs et à ceux qui nous louent. Mais porter les injures, supporter patiemment les humiliations, prier pour celui qui nous offense (Mt 5,39.44), voilà le calice du Seigneur, voilà le banquet du Seigneur. 

Sermon pour le sacre d'un évêque, Guelferbytanus n°32 ; PLS 2, 637 (trad. coll. Pères dans la foi, n°46, p. 96 rev.)

separ text passio« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n'est pas digne de moi »

      C'est à ceux qui sont embrasés d'amour, ou plutôt à ceux qu'il veut embraser de cet amour, que le Sauveur adresse ces paroles. Notre Seigneur n'a pas détruit, mais réglé l'amour que l'on doit à ses parents, à son épouse, à ses enfants. Il n'a pas dit : « Celui qui les aime », mais « Celui qui les aime plus que moi »... Aime ton père, mais aime davantage le Seigneur ; aime celui qui t'a donné le jour, mais aime encore plus celui qui t'a créé. Ton père t'a donné le jour, mais ne t'a pas créé, car il ne savait pas en t'engendrant qui tu serais ou ce que tu deviendrais. Ton père t'a nourri, mais il n'est pas l'origine du pain qui apaisait ta faim. Enfin, il faut que ton père meure pour que tu hérites de ses biens, mais tu partageras l'héritage que Dieu te destine en demeurant avec lui éternellement.

      Aime donc ton père, mais pas plus que ton Dieu ; aime ta mère, mais aime plus encore l'Eglise, qui t'a engendré à la vie éternelle... En effet, si tu dois tant de reconnaissance à ceux qui t'ont engendré à une vie mortelle, quel amour dois-tu à ceux qui t'ont engendré pour l'éternité ? Aime ton épouse, aime tes enfants selon Dieu, pour les amener à servir Dieu avec toi, et lorsque vous lui serez réunis, vous ne craindrez pas d'être séparés. Ton amour pour ta famille serait bien imparfait si tu ne les conduisais pas à Dieu...

      Prends la croix et suis le Seigneur. Ton Sauveur lui-même, tout Dieu qu'il était dans la chair, revêtu de ta chair, lui aussi a montré des sentiments humains lorsqu'il a dit : « Mon Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi » (Mt 26,39)... La nature de serviteur dont il s'est revêtu pour toi a fait entendre la voix de l'homme, la voix de la chair. Il a pris ta voix afin d'exprimer ta faiblesse, et te donner sa force..., et te montrer quelle volonté préférer.

Sermon 344, §2-3

separ text passio« S'il meurt, il donne beaucoup de fruit »

Les exploits glorieux des martyrs, qui font en tout lieu l'ornement de l'Église, nous permettent de comprendre par nous-mêmes la vérité de ce que nous avons chanté : « Aux yeux du Seigneur, la mort de ses saints a un grand prix » (Ps 115,15). En effet, elle a un grand prix à nos yeux, et aux yeux de celui pour le nom duquel ils sont morts. Mais le prix de toutes ces morts, c'est la mort d'un seul. Combien de morts a-t-il achetés, en mourant lui seul, puisque, s'il n'était pas mort, le grain de blé ne se serait pas multiplié ? Vous avez entendu ce qu'il disait lorsqu'il approchait de sa Passion, c'est-à-dire alors qu'il approchait de notre rédemption : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruits ». Quand son côté a été ouvert par la lance qui le frappait, ce qui en a jailli, c'est le prix de l'univers (cf Jn 19,34). Les fidèles et les martyrs ont été achetés ; mais la foi des martyrs a fait ses preuves, leur sang en est témoin. « Le Christ a donné sa vie pour nous ; nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères » (1Jn 3,16). Il est dit ailleurs : « Lorsque tu t'assieds à une table magnifique, regarde bien ce que l'on te sert, car il faut que tu en prépares autant » (cf Pr 23,1). C'est une table magnifique, celle où l'on mange avec le maître du banquet lui-même. Il est l'hôte qui invite, il est lui-même la nourriture et la boisson. Les martyrs ont donc fait attention à ce qu'ils mangeaient et buvaient, pour pouvoir en rendre autant. Mais comment auraient-ils pu en rendre autant, si celui qui a fait la première dépense ne leur avait donné de quoi lui rendre ? Ainsi c'est ce que nous recommande le psaume où nous avons chanté cette parole : « Aux yeux du Seigneur, la mort de ses amis a un grand prix ».

Sermon 329, pour la fête des martyrs, 1-2 ; PL 38, 1454 (trad. bréviaire : commun)

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« Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis »

La plénitude de l'amour dont nous devons nous chérir mutuellement, frères très chers, le Seigneur l'a définie lorsqu'il a dit : Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis . ~ Il en découle ce que le même évangéliste saint Jean dit dans sa lettre : De même que le Christ a donné sa vie pour nous, de même devons-nous donner notre vie pour nos frères . Oui, nous devons nous aimer mutuellement comme il nous a aimés, lui qui a donné sa vie pour nous.

C'est bien ce qu'on lit dans les Proverbes de Salomon : Si tu t'assieds à la table d'un grand, regarde bien les mets qui te sont servis, et prépare-toi à l'action, car tu sais que tu dois lui en offrir autant . Quelle est cette table d'un grand, sinon celle où l'on consomme le corps et le sang de celui qui a donné sa vie pour nous ? Qu'est-ce que s'y asseoir, sinon y prendre place humblement ? Qu'est-ce que bien regarder les mets qui te sont servis , sinon prendre conscience d'une si grande grâce ? Qu'est-ce que te préparer à l'action parce que tu dois lui en offrir autant , sinon ce que j'ai déjà dit : que nous devons donner notre vie pour nos frères comme le Christ a donné sa vie pour nous ? Comme le dit en effet l'Apôtre Pierre : Le Christ a souffert pour nous et nous a laissé son exemple afin que nous suivions ses traces : c'est cela, lui en offrir autant . C'est ce que les martyrs ont fait avec un ardent amour. Si nos célébrations sur leurs tombeaux ont un sens, si nous prenons place à la table du Seigneur, pour le banquet où ils se sont eux-mêmes rassasiés, il faut que, comme eux, nous sachions en offrir autant .

C'est pourquoi nous faisons mémoire des martyrs, en prenant place à cette table, non pas afin de prier pour eux, comme pour les autres défunts qui reposent dans la paix : c'est bien plutôt afin qu'ils prient pour nous, et que nous suivions leurs traces. Car ils ont accompli cet amour dont le Seigneur a dit qu'il ne peut en être de plus grand. Ils ont offert à leurs frères cela même qu'ils ont reçu à la table du Seigneur.

Ceci ne signifie pas que nous puissions égaler le Christ Seigneur, si nous témoignons pour lui jusqu'à verser notre sang. Il avait le pouvoir de donner sa vie et de la reprendre ; mais nous, nous ne vivons pas autant que nous voulons, et nous mourons même si nous ne le voulons pas. Lorsqu'il est mort, il a aussitôt anéanti la mort, et nous, nous sommes délivrés de la mort dans sa mort. Sa chair n'a pas connu la corruption ; notre chair, après la corruption, à la fin du monde, sera revêtue par lui d'incorruptibilité. Lui n'avait pas besoin de nous sauver, tandis que sans lui nous ne pouvons rien faire : il s'est montré comme la vigne dont nous sommes les sarments et nous ne pouvons avoir la vie en dehors de lui.

Enfin, si des frères meurent pour leurs frères, néanmoins le sang d'aucun martyr n'est versé pour le pardon des péchés commis par ses frères, ce que le Seigneur a fait pour nous. En cela, il ne nous a pas chargés de l'imiter, mais de lui rendre grâce. Lorsque les martyrs ont versé leur sang pour leurs frères, ils en ont donc offert autant que ce qu'ils avaient reçu à la table du Seigneur. ~ Aimons-nous donc les uns les autres, ainsi que le Christ nous a aimés et s'est livré pour nous .

COMMENTAIRE SUR L'ÉVANGILE DE JEAN

separ text passioIl nous donnera sa vie, puisqu'il nous a déjà donné sa mort.

La passion de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ nous garantit la gloire et nous enseigne la patience.

Les cœurs des croyants peuvent tout attendre de la grâce de Dieu, car pour eux le Fils unique de Dieu, coéternel au Père, n'a pas jugé suffisant d'être un homme en naissant des hommes, mais il est allé jusqu'à mourir par la main des hommes qu'il a crées.

Ce que Dieu nous promet pour l'avenir est grand ; mais bien plus grand ce que nous commémorons comme réalisé dans le passé. Où étaient-ils, quels hommes étaient-ils, ces croyants, quand le Christ est mort pour des coupables ? On ne peut douter qu'il leur donnera sa vie, puisqu'il leur a déjà donné sa mort. Pourquoi la faiblesse humaine hésite-t-elle à croire ce qui arrivera un jour : que les hommes puissent vivre avec Dieu ?

Ce qui s'est déjà réalisé est encore beaucoup plus incroyable : Dieu est mort pour les hommes.

Car le Christ est ce Verbe qui était au commencement, ce Verbe qui était avec Dieu, ce Verbe qui était Dieu. Et ce Verbe de Dieu s'est fait chair, et il a établi sa demeure parmi nous . Car il n'aurait pas eu en lui-même de quoi mourir pour nous, sans cette chair mortelle qu'il a tirée de nous. C'est ainsi que l'être immortel a pu mourir, c'est ainsi qu'il a voulu donner la vie aux mortels : il devait dans l'avenir les faire participer à ce qu'il est, après avoir d'abord participé lui-même à ce qu'ils sont. Car nous n'avions pas en nous de quoi vivre, et il n'avait pas en lui de quoi mourir. Il a donc établi avec nous un merveilleux échange de participation réciproque. Ce qui vient de nous, c'est par cela qu'il est mort ; ce qui vient de lui, c'est par cela que nous vivrons. ~

Par conséquent, nous ne devons pas rougir de la mort de notre Seigneur ; bien au contraire, nous devons y mettre toute notre confiance et y trouver toute notre gloire. Du fait même qu'il recevait de nous la mort qu'il trouvait en nous, il nous a promis, dans sa grande fidélité, de nous donner en lui la vie que nous ne pouvons pas tenir de nous.

Il nous a tellement aimés qu'il a souffert pour les pécheurs, lui qui est sans péché, ce que nous avons mérité par le péché ; comment alors ne nous donnera-t-il pas ce qu'il donne aux justes, lui qui justifie ? Comment lui, dont la promesse est vérité, ne nous rendra-t-il pas en échange les récompenses des saints, lui qui, sans crime, a subi le châtiment des criminels ?

C'est pourquoi, mes frères, confessons hardiment et même professons que le Christ a été crucifié pour nous ; proclamons-le sans crainte, mais avec joie ; sans honte, mais avec fierté.

L'Apôtre Paul a vu là un titre de gloire qu'il nous a recommandé. Il pouvait rappeler, au sujet du Christ, beaucoup de grandeurs divines ; cependant il affirme ne pas se glorifier des merveilles du Christ, par exemple qu'étant Dieu auprès du Père, il a créé le monde ; qu'étant homme comme nous, il a commandé au monde. Mais il dit : Je ne veux me glorifier que de la croix de notre Seigneur Jésus Christ.

 

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Date de dernière mise à jour : 2015-11-25

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