Sainte Jeanne de France
Historique
La vie cahotée de Jeanne de France déroulée, presque entière, en l'apparat des cours - trente-six ans dans le monde, et quatre ou cinq dans une demi-clôture - semblerait n'appartenir qu'à l'histoire ; mais ses souffrances ajoutent à son intérêt et à sa grandeur.
Le XV° siècle, où elle vécut, élégant et tumultueux, moins religieux et moins artiste que le moyen âge, et mois littéraire aussi que la période suivante de Marot, de Ronsard et de la Pléiade, de Montaigne, Rabelais et saint François de Sales, marqua son style, mais agit peu sur son tempérament.
Divers personnages ont, au contraire, tracé et commandé sa route. Son père, le premier, le roi Louis XI. Il se débarrassa de son éducation, n'essaya point d'amoindrir ses infirmités, la frustra de toute tendresse, et, par une décision tyrannique, suscita ses malheurs. Quels blâmes, ou quelles louanges, lui prodiguent les historiens, selon qu'ils considèrent les procédés, retors et cruels, de l'homme “ fertile en dangereux détours ”, ou les insignes services du roi. Mais c'est méprise et injustice d'isoler ses défauts, qui l'aidèrent en des passes difficiles.
Avant de régner, fils indocile et dauphin impatient, il avait participé à la Praguerie, et lutté, quinze années, contre son père, qui compromettait les intérêts de la nation. À peine sur le trône, son bras rapace lui vaut le surnom d'universelle araignée. Il tisse sa toile et survient, terrifiant, prompt à déjouer une perfidie, attiser des émeutes chez ses vassaux, asséner sa vengeance. Son regard d'acier, fouilleur et coupant, pénètre partout ; jour et nuit, avec ses gens de main, Tristan l'Hermite et Olivier le Daim, il est aux aguets, aux écoutes du royaume.
La légende et la littérature, en France et en Angleterre, l'ont dépeint extravagant et sordide, le front enfoncé dans un feutre surchargé de médailles, vieillard lugubre et couard à l'abri des hautes murailles de Plessis-lez-Tours, harcelé de remords, et confit en scrupules qui suscitaient le rire ou le scandale. N'a-t-on pas dit qu'il voulait moins servir Dieu que s'en servir ; que chaque dalle de ses châteaux était la pierre funéraire d'une victime ; et que les chênes de ses forêts portaient moins de glands que de pendus ? La Fontaine, en l'apercevant, dans l'église de Cléry, à genoux sur son tombeau, lui lancera cette raillerie : “ Le bon apôtre de roi fait le saint homme ! ”
Louis XI, fut au contraire, un homme vigoureux, un chasseur quotidien, si brave qu'à la bataille de Montlhéry - ce combat “ de chiens enragés ” - il releva son heaume, au milieu d'innombrables morts, pour indiquer sa présence. Cultivé et perspicace, spirituel en ses boutades et réparties, capable, par “ son humeur brouillonne ”, de s'aliéner les gens à plaisir, et de les ramener par un cordial “ Mon compère ”, on le vit ensemble fantaisiste et tenace, amateur de lévriers qu'il costumait avec luxe, pendant qu'un long usage râpait ses habits, mais toujours sage “ dans l'adversité ”, toujours “ maître de ses moments ”.
La France lui dut le rétablissement de son unité, à l'encontre des grands féodaux de Bourgogne et de Bretagne, de Berry et d'Anjou, de Bourbon et de Lorraine. Au déclin de sa vie, dans ses instructions au Dauphin, il pourra se rendre ce témoignage : “ Nous n'avons rien perdu de la couronne, mais icelle augmentée et accrue... Grâce à Dieu, et par l'intercession de la benoîte et glorieuse Vierge Marie, sa mère, nous avons si bien entretenu, défendu, et gouverné ce royaume, que nous l'avons accru de toutes parts. ” Or, ce prince, l'un de nos grands rois, va faire de sa fille cadette le jouet et la victime de ses terribles mains.
Nous voici, en avril 1464, à Nogent-le-Roi, petite ville agréablement située sur la bords de l'Eure, entre Dreux et Chartres. Louis XI et la reine sont arrivés au château, forteresse du X° siècle, qui domine les maisons d'alentour. Le Dauphin souhaité y naîtra. Nul n'en doute, car le roi a réquisitionné les oraisons des saints et des couvents, promis, en plusieurs sanctuaires, des statues d'argent, d'un poids égal à celui du garçon attendu.
Pour lui et le royaume, aucune intention plus grave : depuis vingt-cinq ans marié[1], et pour la troisième fois, il lui reste une fille de ses quatre enfants[2]. En vers colorés, Villon lui a prédit habilement “ une douzaine d'héritiers mâles, aussi preux que Charlemagne ”. Foin de la poésie rétribuée ! Qu'au moins, le premier apparaisse ! La reine est “ fort bonne d'âme ”, mais portée à la toilette et aux bijoux, et, ainsi qu'il convenait à un tel mari, insignifiante et soumise. Il épousa cette princesse savoyarde malgré Charles VII, et la rencontre passagèrement. Jamais elle ne se déplace sans sa permission, et elle n'ose pas la solliciter, même pour visiter un de ses enfants malade. Quels singuliers parents autour du berceau !
Or, à l'aube du 23 avril[3], l'espérance générale se change en déception. Encore une fille ! Par dépit et colère, Louis XI refuse de la voir[4]. Tous, y compris les saints, lui ont fait une injure personnelle. Mais la politique prévaut : cette indésirée lui servira. Trois semaines plus tard, il la fiance[5] à son cousin, Louis d'Orléans[6], qui a deux ans à peine. Le filleul du roi deviendra son gendre. Trop d'honneurs !
Louis XI n'avait pas, cependant, gardé bon souvenir du petit prince ; car celui-ci, durant la cérémonie de son baptême[7], avait irrespectueusement mouillé la manche de son parrain, qui portait, ce jour-là, par exception, non son vieux costume de futaine grise, mais “ une robe de satin cramoisi, fourrée de martre ” !
Superstitieux, il demanda aussitôt à la mère : Est-ce un mauvais présage ? Et il n'en douta plus, quand un de ses éperons accrochant la frange du lit où elle reposait, il faillit perdre l'équilibre.
Les jeunes fiancés grandissent dans leurs familles, indifférents à leur avenir :
La feuille verte qui frissonne
Songe-t-elle au vent de l'automne ?
Mais tandis que Louis d'Orléans, bientôt bel adolescent et enjoué, se prépare à être aussi brillant qu'infatigable, “ le meilleur joueur de paume, le mieux menant un cheval ”, un vrai sportif de notre époque, hardi à franchir un fossé de cinq mètres, et à parcourir près de trois cents kilomètres en vingt-quatre heures, la petite Jeanne se révèle difforme et laide.
Son père, qui l'a entrevue, en traversant une salle du château d'Amboise, n'a pas daigné s'arrêter. Elle lui fait honte. Il la bannit de la cour, la sépare, à cinq ans, de sa mère qu'elle ne reverra plus, et l'envoie en Berry, vers la demeure, lourde et humide, de Linières, où réside le ménage de Bourbon-Beaujeu[8], fort digne, mais que la privation d'enfants rend mélancolique.
Cette autre Cendrillon, orpheline de fait, dotée pauvrement et sevrée des joies enfantines, surtout de la tendresse maternelle, se montre plus réfléchie que son âge. Elle dira ensuite qu'à sept ans, durant ses longues prières dans la chapelle du château, elle eut, à plusieurs reprises, des colloques avec la Sainte Vierge, et en reçut un extraordinaire message : Avant ta mort, tu fonderas une religion[9] en mon honneur.
Mme. de Linières[10] n'y attache nulle importance. Imaginations de petite fille ! Et puis, que dirait le roi ? Il n'admet pas, fût-ce le ciel, qu'on entrave ses projets. Jeanne, du reste, n'en parlera plus. Quand sa piété, son culte de la Passion du Christ, et son amour de Notre-Dame, parviennent à Louis XI, il redoute chez elle une vocation monastique, et lui interdit de fréquenter assidûment la chapelle. Avec cette fermeté polie que nous retrouverons lors de son procès, elle répond : « Le roi est trop bon pour me le défendre. Le voudrait-il, je ne crois pas qu'il le puisse, car Dieu est plus grand maître que lui. » Déjà elle se montre sa fille lucide et opiniâtre.
Au cours de ses journées monotones, elle apprend à lire la Bible, à enluminer des vélins, à tapisser, à jouer du luth, elle se forme au beau maintien qui assurera une renommée mondiale à la cour de France. Mais comment, en grandissant, ne se serait-elle pas aperçue, affligée, de ses infirmités ? Quoique les Linières s'appliquent à les dissimuler par des artifices de toilette, chacun les connaît bientôt et colporte, à la ronde, qu'elle est “ vilaine et bossue ”.
En son château de Blois, parmi le tourbillon des fêtes, la brillante Maison d'Orléans écartait de son esprit le projet de mariage : douze ans l'avaient sûrement effacé de la mémoire du roi. Pouvait-elle s'illusionner à ce point, et ignorer qu'avec lui, nul ne s'appartenait ? Des gentilshommes, au retour de la chasse, trouvaient un ordre royal d'épouser des jeunes filles inconnues, ou de renoncer à leur choix. Ces mariages hâtifs, ou concertés en dehors des intéressés, n'étonnaient point. Louis XI avait treize ans quand il prit femme de même âge. La coutume s'en prolongera jusqu'à la fin du XVIII° siècle.
Ce n'est pas une invention comique de Molière d'improviser sur la scène, ces unions “ les plus fâcheuses du monde ”, mais un instantané d'épisodes habituels. Une mère amenait au couvent, où les “ premières filles de France ” passaient leur jeunesse, un mari que son enfant épouserait dans la huitaine : « Il viendra vous voir une heure, pendant cinq jours, au parloir : cela vous permettra de le connaître. » Mlle. d'Herbonville n'obtint que trois entrevues, et Mlle. de Bellegarde fut engagée plus rapidement encore : au dessert d'un seul dîner, sa famille et celle du vicomte d'Houdetot convinrent du contrat, puis déclarèrent : « Les bans dimanche, le mariage lundi. » Au XVIII° siècle, un jeune Lévis Mirepoix, ayant été averti, à brûle-pourpoint, que le duc son père avait fait choix, pour lui, d'une épouse déplaisante, se permit de protester. Outré d'une attitude invraisemblable, le père prononça sèchement : « Occupez-vous, Monsieur, de vos affaires ! » Que dirait-il aujourd'hui !
Louis d'Orléans entrait dans sa quatorzième année lorsque Antoine de Chabannes[11], comte de Dammartin, grand maître de France[12], prévint sa mère qui était veuve[13], que Louis XI jugeait l'heure du mariage sonnée, puisque sa fille avait environ douze ans : « Jamais, s'écria la duchesse, jamais mon beau garçon n'épousera une fille contrefaite. » Ses gens proposent de le cacher. Mais Chabannes, qui savait quel chasseur visait ces proies palpitantes, répliqua : « Le roi vous fera bien vouloir. » Irrité de la temporisation, Louis XI menace, en effet, de renvoyer la duchesse en Allemagne, de décapiter ses serviteurs, et de noyer ses conseillers, s'ils ne la persuadent promptement. L'un d'eux, pour servir d'exemple, est cruellement questionné.
Louis XI décide alors de mater, en personne, les récalcitrants. Il mande le jeune prince, qui passait de la colère au désespoir ; et de cette voix haute et grasseyante dont il usait dans les affaires sérieuses, il lui annonce qu'il sera jeté à la Loire, cousu dans un sac. En revanche, par un marchandage de maquignon, il élève la dot de sa fille à cent mille écus d'or. Puis, un ultimatum oblige la duchesse de signer avec lui le contrat, à la fin d'août 1476 : le mariage sera béni le 8 septembre, dans la chapelle du château de Montrichard, diocèse de Blois[14].
Le jeune duc ne connaît Jeanne que par la rumeur. Sitôt qu'il aperçoit son visage, sa claudication et ses épaules inégales, il crie son chagrin à l'évêque d'Orléans[15] : « Monseigneur, autant être mort ! » Ses éclats de voix parviennent à la salle voisine, d'où se rue un gentilhomme, mi-craintif, mi-menaçant : « Taisez-vous ! Vous pourriez bien trop parler ! »
Mais la petite princesse est ravie de sa belle robe à longue traîne, de ses joyaux, surtout du Prince charmant qu'on lui destine. Elle regrette seulement l'étrange absence de son père.
Avant la cérémonie, l'évêque d'Orléans s'inquiète : « Monseigneur, avez-vous délibéré de passer outre ? » Le duc répond : « Ce m'est force, il n'y a remède. » Plus tard, il affirmera que ses lèvres ont à peine murmuré un simulacre de oui, quand son cœur rebelle disait non vigoureusement.
Quel inénarrable repas de noces ! Il ne touche à aucun des mets ; il affecte de ne pas regarder sa femme, et pleure d'indignation concentrée. La pauvre enfant, humiliée, commence à gravir discrètement le calvaire de son infortune. Les solennités officielles achevées, les époux se séparent. Ils se retrouveront à de rares intervalles, lui, cadenassé dans sa répugnance et acerbe, malgré les objurgations de sa mère et de son impérieuse sœur, l'abbesse de Fontevrault[16] ; elle, gênée, endolorie par les morsures d'un mépris de plus en plus glacial : « Il ne fait compte de moi. »
Ne nous attardons pas aux méfaits qui pullulent, à ce cynique envoi, par Louis XI, de son médecin et de deux notaires, pour un examen que Louis et Jeanne, cette fois d'accord, refusent avec indignation. Les relations du ménage resteront déplaisantes, mais, par peur du roi, obligatoires jusqu'à sa mort. Ce qui paraît bizarre, c'est que jamais la princesse n'ait soupçonné l'intrigue de son père, même quand il la fit venir à Plessis-lez-Tours, non par élan tardif d'affection, mais afin de vérifier les doléances de son gendre. Il eut un haut-le-corps plutôt qu'un sourire paternel, et osa dire au maréchal de Gié[17] : « Je ne la croyais point ainsi ! » Ce qui devait paraître plus anormal encore, c'était son apparente insensibilité soit à la préférence outrageuse de Louis XI pour sa fille aînée, Madame la Grande, soit à des insultes publiques, que son époux ajoutait au cumul de ses dédains privés. Il souhaitait, avec arrogance, “ l'entrée de sa femme dans un monde meilleur ”, dût-il verser “ dix mille livres de rente ” !
Or, malgré la vie désordonnée du duc, qui le força de mettre en gage les perles et les rubis de la Maison d'Orléans, Jeanne persistait à estimer sa bravoure et sa distinction, à l'aimer sincèrement. “ Ses noces, dit la liturgie, furent sa croix. ” Encore n'avait-elle pas appris, comme le maréchal de Gié, qu'il tramait déjà secrètement, à la cour de Rome, sa répudiation.
Elle n'avait pourtant pas abdiqué sa dignité princière et le sens familial. À la mort de Louis XI, en vraie fille de France, elle prend le parti de son frère Charles VIII, âgé de treize ans, et de la régente Anne de Beaujeu, sa sœur aînée, contre son mari, passé à l'opposition. Car il restait semblable à lui-même. Jadis, il avait suscité une émeute des étudiants parisiens. Aujourd'hui, il s'irrite de se soumettre à une femme - pourtant, disait Louis XI, “ la moins folle du royaume ” - ; il se révolte et s'allie au duc de Bretagne[18]. Grave aventure pour la France. Elle tourne court par le désastre des conjurés, que La Trémoille[19] culbute à Châteaubriant, à Fougères, et à Saint-Aubin-du-Corbier[20].
Pendant cette rude bataille, qui extermine six mille Bretons et Anglais, le duc s'était conduit en preux, au premier rang. Son échec le fit emprisonner à Sablé, puis à Lusignan, et enfermer, sans espoir, dans la grosse tour du château de Bourges[21]. Jeanne est ainsi délivrée du péril d'autres humiliations : son frère et sa sœur le lui disent. Que d'apaisement, sans doute, dans son âme ! Mais, d'un désintéressement magnifique, elle s'emploie, auprès de la régente, pour adoucir la captivité de son mari. Même elle entre dans son cachot, où la compagnie d'une redoutable cage de fer annonce un pire avenir. Se laissera-t-il toucher, celui qu'elle appelle gentiment “ Mon pauvre Louis ” ? Plus maussade encore, il se tourne vers le mur, s'exaspère, et lui signifie cruellement le déplaisir de sa présence.
Elle a vingt-cinq ans, toute la délicatesse et la force de comprendre, de sentir. Des larmes, depuis longtemps accumulées, jaillissent silencieusement sous l'injure. Mais constatant que le geôlier le réduit à l'eau, au pain et au lard, et craignant qu'il ne glisse un poison sournois, elle se souvient de sa seigneurie sur la ville d'Asti, et y commande des confitures, des oranges et du vin, qui, sans être déjà spumante, avait bon renom. Bien plus, elle vend sa vaisselle d'argent, ses bijoux, et en arrive ainsi à la détresse financière... Jamais femme fut-elle plus dévouée à un mari aussi ingrat ? Deux ans, elle multiplie ses requêtes à son jeune frère Charles VIII, qui l'exauce ; mais, renseigné sur l'inconduite du duc d'Orléans, il ajoute : « Fasse le ciel que vous n'ayez poursuivi votre malheur ! »
Ce roi, qui, le matin de sa mort imprévue, avouera son désir de “ n'offenser délibérément Messire Dieu ”, reprochait souvent à son beau-frère sa débauche. “ Lisez, cela vous concerne ”, lui avait-il dit en lui tendant un livre de morale sur les péchés. Vaine admonestation. Louis répliqua sans vergogne : « Si j'avais été marié autrement, j'aurais été sage. La plus humble fille, avec qui j'aurais joie et enfants, m'aurait mieux plu que votre sœur. »
Tristes épisodes, prélude de péripéties plus douloureuses. Charles VIII avait perdu trois enfants, dont deux garçons[22]. Faute de dauphin, le duc d'Orléans recevait la couronne. Il n'y songeait point, à la veille d'une seconde détention, peut-être d'une condamnation capitale. Or, le souverain, qui se hâtait pour présider le jeu de paume, heurte du front une poutre, tombe à la renverse, et, après neuf heures d'une agonie mystérieuse, expire[23], en murmurant : « Mon Dieu et la benoîte Vierge Marie me soient en aide ! »
Le roi est mort, vive le roi ! Que fera le brillant et frivole héritier ? Que de crainte chez ses adversaires ! Quelle angoisse, à la cour et en France ! Chacun prévoit la promotion de ses compagnons de plaisir aux grandes charges de l'État. Mais subite métamorphose. Avant même la grâce du sacre, la majesté royale l'inspire. Il confirme dans ses hautes fonctions son vainqueur, Louis de la Trémoille, et tous les serviteurs de son cousin ; il leur demande de lui être loyaux et dévoués, et déclare bellement : « Il ne convient pas à l'honneur du roi de France de venger les querelles du duc d'Orléans. » Il étonne, il séduit, il conquiert. Un seul être sera exclu de ses faveurs : sa femme. Loin de l'inviter aux cérémonies de son sacre[24] et de son entrée à Paris[25], il exécute promptement son ancien projet, contrecarré jadis par Anne de Beaujeu, d'obtenir, en un procès canonique, la nullité officielle de son mariage.
Par des termes galants, La Trémoille ose demander à la reine son acquiescement bénévole : « Le roi, madame, se sentirait curieux de finir ses jours en aussi sainte compagnie que la vôtre, s'il n'était désolé que vous ne puissiez avoir lignée. Le sang de France commence à se perdre, et le royaume pourrait tomber en mains estranges. » Jeanne, convaincue de la validité de son mariage, rejette ce qu'elle croit être une proposition de forfaiture. Alors, par l'entremise des cardinaux de Foix et Balue, Louis XII s'adresse au pape Alexandre VI[26]. Que n'a-t-on clabaudé et conclu, surtout à cause du trop célèbre neveu, César Borgia, envoyé en légat pontifical, et qu'une promesse d'un territoire ducal et d'un mariage avantageux mêla fâcheusement à l'affaire[27] ! Le roi lui-même rira des folies de sa fatuité, mais en recevra les éclaboussures.
Pendant le procès, qui se déroula dans la cathédrale de Tours[28], on observa, chez Jeanne, avec le legs paternel de l'énergie et de la ténacité, la frappe, aiguë et douloureuse, des déceptions de son amour publiquement trahi. Ses premiers mots, courtois et habiles, la révèlent insensible à l'appareil du prétoire : « Vous prie me supporter si je dis, ou réponds, chose qui ne soit convenable... N'eusse jamais pensé qu'eût pu venir un procès entre Monseigneur et moi, et vous demande cette présente protestation être insérée. » Chez elle, aucun doute sur la sentence, aucun oubli de son titre et de ses droits : « La reine se défend à grand regret et déplaisance, non pour parvenir aux biens et honneurs du monde autre que les siens. » Et elle prononce ces graves paroles, qui favorisaient la thèse du mariage irréel : « Si je ne pensais pas que le mariage légitime existe entre le roi et moi, je le prierais de me laisser vivre en perpétuelle chasteté, et serais joyeuse, pour l'amour que j'ai au roi, et à la couronne de France, dont je suis issue, qu'il eût une autre épouse pour lui rendre le vrai fruit de loyal et honnête mariage, qui est d'avoir une lignée. »
Louis XII, lui, invoque dès le début, le droit divin, dont tous reconnaissent au roi la délégation. Chrétien, il acceptera de répondre, mais avec l'altière condescendance du monarque. On aurait pu constater rapidement la nullité du mariage, tant l'époux avait proclamé, en toute occasion, l'absence de son consentement et son refus de toucher à la dot. C'eût été plus élégant, moins pénible. Craignit-on que les défenseurs, pourtant imposés d'office par peur de représailles royales, n'objectassent la longue durée des liens ? Toujours est-il qu'on divulgua crûment la vie des époux, et l'impossibilité de l'une d'enfanter, quand l'autre multipliait les bâtards. Ces laideurs, transmises et commentées hors du tribunal, sur le seuil des maisons, et bruissant dans le royaume, rendirent les débats si impopulaires qu'à l'heure du verdict, la foule appliqua injurieusement les surnoms d'Hérode, de Caïphe, de Pilate, même de Judas, aux prélats qui les avaient présidés. Un prédicateur tonitruant, Olivier Maillard, habitué à changer la chaire en tribune politique, blâma le roi, et quand un sergent le menaça d'un plongeon dans la Seine, il lui répliqua : « J'irai aussi bien en paradis par eau que par terre. »
Les juges ne méritaient pas, cependant, comme on l'a écrit, le reproche de vénalité. Devant les négations et affirmations qui s'affrontaient, inébranlables, devant le prestige de la douceur et de la vertu, nulle surprise que les juges aient éprouvé embarras. Mais leur conscience n'hésita point à poser au roi des questions insidieuses, qui l'obligèrent à répondre évasivement : « Je m'en rapporte à ce qui est de droit. » Le Normand de la légende n'eût pas été plus évasif.
L'affaire traînait depuis le mois d'août 1498, quand, le 20 novembre, à Amboise, où la cour de justice avait transféré son siège, surgit brusquement de la tombe l'auteur du mariage. Louis XI avait jadis écrit au comte de Dammartin une lettre astucieuse, à ce point cyniquement détaillée qu'on aurait pu la croire de facture récente. Mais son authenticité fut reconnue par les secrétaires du feu roi, dont l'évêque de Luçon, et par le maréchal de Gié, glorieux soldat de Fornoue[29], incapable de mentir. « Monsieur le Grand Maître, je me suis délibéré de faire le mariage de ma petite fille Jeanne et du petit duc d'Orléans, pour ce qui me semble que les enfants qu'ils auront ensemble ne leur coûteront guère à nourrir, vous avertissant que j'espère faire ledit mariage, ou autrement, ceux qui iront au contraire ne seront jamais assurés de la vie en mon royaume. »
Il n'y avait qu'à conclure, après cette preuve irrécusable de contrainte et cette annonce d'impuissance qui dessécherait la branche rivale d'Orléans. Mais, émus par les déclarations de Jeanne, les juges réclament le serment du roi. Gravement, il jure sur l'Évangile - or, de tradition, son serment faisait preuve - que la princesse ne fut jamais sa femme. Alors le tribunal prononce la nullité du mariage, et, par égard pour la mémoire de Louis XI, il bannit des attendus sa lettre, aussi odieuse que décisive.
Il fallut allumer des torches pour lire le long grimoire, à cause d'un violent orage, hors de saison à la mi-décembre, qui éclata sur Amboise. Quand Madame Jeanne de France fut informée par le cardinal de Luxembourg et l'évêque d'Albi, après une plaisanterie claire-obscure du franciscain Gilbert sur “ la réserve de patience qu'il avait dans sa manche, et dont elle pouvait avoir besoin ”, elle répondit sans aucune marque d'amour-propre irascible, ou de déception larmoyante, avec une dignité qui portait droite sa douleur : « Puisque vous m'annoncez que je ne suis plus reine de France, loué soit Notre-Seigneur ! » Bossuet aurait pu lui appliquer déjà sa magnifique antithèse sur une autre princesse de France, Henriette, reine d'Angleterre : “ Elle ne cessait de rendre grâces à Dieu, non de l'avoir faite reine, mais de l'avoir faite reine malheureuse. ”
« Soudain, dira Jeanne, me tomba en mon cœur que je ferais le bien désiré, plus que je ne l'avais pu pendant vingt et un ans avec le roi mon mari. » Les broussailles disparaissaient, la route se dégageait. À l'heure que Dante appelle “ la médiane de notre vie ”, elle s'inondait de lumière qui dissipait le brouillard des inquiétudes, des injustices et des trahisons. La foule la plaignit, sans admettre, néanmoins, le “ parjure ” d'un roi dont elle admirait les sages réformes, et qui disait : « J'aime mieux voir les courtisans rire de mon avarice, que le peuple pleurer de ma prodigalité. » Mais le Loyal serviteur a écrit prudemment : “ Si ce fut bien ou mal fait, Dieu seul connaît. ”
Ne peut-on l'entrevoir par l'accablante réalité du lendemain ? Si Jeanne avait plus longtemps vécu, l'avenir lui eût donné une revanche humaine. Louis XII ne goûta point le bonheur dans son second ménage[30] : orgueilleuse, rancunière, fidèle à la mémoire de Charles VIII, qu'elle lui rappelait aigrement, Anne de Bretagne le malmena, quoique devenu mari exemplaire. De leurs quatre enfants[31], les deux garçons moururent tôt, et les deux filles restèrent presque aussi mal constituées que Jeanne.
Quinquagénaire, à la mort d'Anne, il se maria, une troisième fois, avec une princesse de seize ans, sœur de Henri VIII d'Angleterre[32] ; mais il trépassa, l'année suivante, sans héritier. Le motif de la continuité dynastique, présenté comme péremptoire devant l'Officialité de Tours, se révélait caduc.
Nous venons de contempler une tragédie historique, avec des scènes émouvantes, favorites des romanciers ou des dramaturges. Quel rapport entre les aspects humains de cette majesté royale et la sainteté requise pour la glorification des serviteurs de Dieu ? La mort approche. Est-ce que cinq ou six années seulement permettront à l'héroïcité des vertus de resplendir ?
Louis XII, par courtoisie ou par compassion, avait octroyé en apanage à sa très chère et aimée cousine, le duché de Berry[33]. Dès lors, va se poursuivre, plus étroite, l'union du faste des cours avec une ferveur et des mortifications discrètes. Jeanne garde l'alliance d'or de son mariage et continue de se vêtir en reine, ses dames d'honneur, de lui faire la révérence. Elle roule carrosse armorié et donne des fêtes ; elle administre sagement “ sa duché ”, réforme des monastères, reconstruit des églises, fonde le collège Sainte-Marie pour développer l'étude des sciences, et y entretient dix “ pauvres escholiers ” ; elle relève le salaire des “ gens de labeur ” et se penche sur toute détresse, même sur la misère morale des femmes perdues ; elle inaugure des hôpitaux et des dispensaires, visite les malades, fussent-ils contagieux, et, malgré les instances des médecins, s'attarde parmi les victimes de la peste dans Bourges qu'une rafale de panique a changé en désert.
Mais sous le velours ou le brocart de ses robes et le scintillement des joyaux, elle porte cilice et elle interdit au jardinier d'entrer dans un “ petit sépulcre ”, érigé au fond de son parc, afin qu'il ne puisse apercevoir ses instruments de pénitence et la trace sanglante de leurs effets. Elle prescrit même à son confesseur, le bienheureux Gabriel[34], de souvent l'humilier en l'appelant, après ses réceptions de cour, “ contrefaite et bossue ”. Il fut plus récalcitrant lorsqu'elle lui parla d'apparitions célestes et de fondations monastiques. Car les hommes d'Église, à la première confidence de telles faveurs et aventures, témoignent d'ordinaire réserve ou refus. Le père Gabriel repousse donc l'institution d'une congrégation nouvelle : « Non : il en existe assez. » « Mais, mon père, celle-ci sera différente. Ni saint Augustin, ni saint Benoît, ni saint François et sainte Claire ne l'inspireront. J'ai dit souvent : il est honteux que nous, princesses de la terre, nous ayons des filles d'honneur et que la reine du ciel n'en ait point. Nous formerons la suite de la Sainte Vierge. » Le religieux s'obstine. Alors, Jeanne tombe malade. « Vous en êtes cause, lui dit-elle, et probablement de ma mort. »
Cette perspective l'effraie. Serait-il un obstacle aux desseins de Dieu ? Quand elle a raconté encore ses visions d'enfance et la prophétie lointaine de la Sainte Vierge qui peut illuminer la fin étrange de sa vie, il se résout à l'aider. Où trouver des moniales ? À Tours, uns douzaine de petites filles, de dix à treize ans, s'inscrivent. Accoutumées à un certain confort, les pauvres petites ne se virent pas sans étonnement mal couchées en des draps rugueux, réduites à manger du “ pain noir ”, et fermement menées par une fondatrice qui savait administrer une province, veiller aux détails, et, disait-on, “ se courroucer merveilleusement ”. Il y eut des confidences et des pleurs. Tout s'adoucit, se régularisa, sous la paternelle direction du père Gabriel : la barque, mariale et franciscaine, avec onze passagères, leva l'ancre, une légère brise d'espérance dans sa voile.
Restait à obtenir l'approbation en cour de Rome. Par des chemins encombrés de troupes et de cortèges, le père Gabriel s'en alla présenter lui-même le texte de la règle au pape Alexandre VI, qui lui conseilla, hélas ! d'établir plutôt une section spéciale dans un Ordre autorisé. Dilata ! Le projet sombrait encore. Pour Jeanne, au cloître comme à la cour, jamais trêve de déplaisir et de souffrance. Navré, le digne religieux redoublait d'oraisons, quand, un des jours suivants, on le convoque pour apprendre que des experts ont trouvé un argument valable : Madame Jeanne de France “ ne postule chose nouvelle en l'Église de Dieu ”, puisque l'essentiel de sa règle reproduit les passages de l'Évangile qui concernent la Sainte Vierge. Ô admirable dextérité des autorités compétentes !
C'étaient les constitutions de l'Annonciade. Pourquoi ce titre ? Jeanne l'avait choisi parce que le mystère de l'Annonciation, plein de fraîcheur et d'espérance, suscitait, en notre pays, la dévotion du peuple. Pour cadre de la communauté naissante, Jeanne acquiert un terrain dans un quartier de Bourges mal fréquenté, qui en sera assaini, et elle surveille de près les travaux, “ afin, disait cette femme d'expérience, de n'être pas dupée par gens qui veulent gagner le plus qu'ils peuvent, quand ils croient à bonne bourse ”.
Chacune des jeunes religieuses - touchant symbole - pose sa pierre dans les fondations, que Jeanne cimente par ses souffrances. Puis, le couvent achevé, elle le donne solennellement à l'Annonciade. Quoique les murs ruissellent, et que les vêtements, dit la chronique, soient “ trempés comme au sortir d'un tonneau ”, toutes se vouent à la clôture, au son des cloches, en présence de la cité accourue, le jour de la Pentecôte 1504. Jeanne s'astreignit elle-même à ne plus sortir de son palais sans l'autorisation du père Gabriel, et à porter, dans l'intérieur du monastère, le froc aux trois couleurs blanche, bleue et rouge, mystiquement choisies.
Or, moins d'un an après sa fondation, comme si la sainte avait secrètement reçu un ordre céleste de départ, elle prit, un soir, tranquillement congé de ses filles, ordonna de murer la porte par laquelle elle pénétrait dans le couvent, et, à la fin de janvier, s'alita. Les médecins ne surent ni diagnostiquer, ni guérir. Aussitôt le père Gabriel lui demanda d'écrire ses dernières volontés. Avec la netteté de ses durs souvenirs, elle lui laissa divers conseils, dont celui-ci : « Ne vous mêlez jamais de mariages, tant bonne soit la personne, car souvent les choses se tournent autrement qu'on ne s'attendait. »
Se souvint-elle, en entendant le pas feutré de la mort, d'avoir appris qu'à pareil moment sa mère s'était plainte du bavardage des courtisans autour de son lit ? Elle exigea la solitude, fit fermer les rideaux, éteindre toute lumière. Grâce à cette obscurité, la garde aperçut, dit-elle, une grande lueur, “ se ranger toute sur le corps de Madame, et, petit à petit, se diminuer, puis s'évanouir ”.[35]
Dès que le bourdon de la cathédrale eut répandu son glas, la ville de Bourges interrompit les réjouissances du carnaval, et Louis XII, qui relevait de grave maladie, s'émut à la pensée que les époux d'avant-hier auraient pu comparaître ensemble devant le Seigneur. Rendons-lui justice : il prescrivit, de sa main, des obsèques grandioses, auxquelles assistèrent deux cardinaux, des évêques, la noblesse du pays, des centaines de pauvres, et une foule innombrable. Quand on embauma le corps pour l'exposer durant seize jours, on trouva “ sur la chair ”, un crucifix, aux clous vifs, lancinant sans trêve, une “ haire et une chaîne ceinte tout à l'entour, bien fort serrée ”. Cette mortification cachée symbolisait le courage de Jeanne à faire front contre l'adversité, à s'assujettir aux devoirs aristocratiques et aux fonctions sociales sans que jamais effleurât au dehors le piquant des épines. Sa vertu n'avait été en spectacle qu'à Dieu.
Cardinal Georges GRENTE [36],
archevêque-évêque du Mans, de l'Académie française.
Mon Père, vous savez le désir que j'ai toujours eu dès mon jeune âge de plaire à la bénie Vierge Marie. Et un jour entre les autres que j'étais en grand désir de savoir comment je pourrais lui plaire parfaitement, la priant de tout mon cœur, en entendant la messe, qu'il lui plût de me l'enseigner et de me donner à connaître de quelle vie je devais vivre et aussi les religieuses de la Religion pour, en toutes choses, accomplir et faire son bon plaisir et celui de son Fils Jésus. Alors, je me sentis toute hors de moi-même, comme demi-ravie et m'étais avis que j'étais avec la digne Mère de mon Dieu et que je lui demandais de tout mon cœur l'accomplissement de mon désir. Et elle me répondait : « Fais écrire tout ce qui est écrit en l'Evangile que j'ai fait en ce monde et fais-en une Règle et trouve moyen de la faire approuver du Siège apostolique. Et sache que pour toi et pour tous ceux et celles qui voudront la garder, c'est être en la grâce de Jésus mon Fils et en la mienne et que c'est la voie sûre d'accomplir les plaisirs de mon Fils et les miens. »
[1] Louis XI, né en 1423, avait épousé en premières noces, Marguerite d’Ecosse (née en 1424), fille du roi Jacques I° d’Ecosse et de Jeanne Beaufort. Ce premier mariage, célébré par procuration à Perth (Ecosse), le 19 juillet 1428, fut ratifié à Chinon, le 30 octobre 1428, et le Dauphin épousa en personne Marguerite d’Ecosse, à la cathédrale de Tours, le 24 juin 1436. Il était encore Dauphin lorsque mourut Marguerite d’Ecosse, le 16 août 1445, dans le cloître de la cathédrale Saint-Etienne de Châlons-sur-Marne ; elle fut enterrée dans la chapelle du Saint-Sépulcre de l’église abbatiale Saint-Jean, à Vienne. Le 1° février 1451, encore Dauphin, il épouse par procuration, au couvent des Cordeliers de Genève, et en personne, le 9 mars 1451, dans la chapelle du château de Chambéry, Charlotte de Savoie (née en 1445), fille du duc Louis I° de Savoie. Charlotte de Savoie mourut à Amboise le 1° décembre 1483 et fut inhumée dans l’église Notre-Dame de Cléry.
[2] Louis XI n’eut pas d’enfant de son premier mariage. De son second mariage, il eut : Louis (né en 1458 et mort en 1460), Joachim (né et mort en 1459), Louise (née et morte en 1460), Anne (née en 1461, elle épousera, en 1474, le futur duc Pierre II de Bourbon, sire de Beaujeu, sera régente du Royaume pendant la minorité de Charles VIII et mourra en 1522), Jeanne, François (né et mort en 1466), Charles VIII (né le 30 juin 1470, roi de France le 30 août 1483, mort le 7 avril 1498), François (duc de Berry, né en 1472 et mort en 1473). Il eut quatre filles naturelles : Guyette (morte vers 1502), Jeanne (morte en 1519), Marie (morte en 1470) et Isabeau.
[3] Jeanne de France naquit le 23 avril 1464, au château Nogent-le-Roi (Eure-et-Loir) que Charles VII avait donné à Pierre de Brézé avec qui Louis XI entretenait des relations d’amitié.
[4] N’en déplaise à l’illustre cardinal Grente, ce détail est faux. Contrairement à une opinion généralement admise, Louis XI resta auprès de sa femme près de trois semaines ; Jean de Troyes, contemporain de l’évènement, écrit : « Le roi vint et arriva en sa ville de Paris, qui venait de Nogent-le-Roi, où la reine s’était délivrée d’une belle fille. »
[5] L’acte des fiançailles fut passé au château de Blois le 19 mai 1464.
[6] Fils du duc Charles d’Orléans (1394-1465, petit-fils du roi Charles V et fils du duc Louis d’Orléans et de Valentine de Milan) et de Marie de Clèves (1426-1486, fille du duc Adolphe IV de Clèves), Louis est né au château de Blois le 27 juin 1462.
[7] Louis a été baptisé le 28 juin 1462, en la chapelle du château de Blois, tenu par Louis XI et Marguerite d’Anjou, femme du roi Henri VI d’Angleterre.
[8] Il s’agit d’Anne, fille de Louis XI (née au château de Genappe, en avril 1461) et de Pierre, fils du duc de Bourbon et d’Auvergne (né le 1° décembre 1438) qui est sire de Beaujeu, comte de Clermont-en-Beauvaisis (1476), baron de Beaujolais (1476) et prince souverain des Dombes (1482), du vivant de son frère (Jean II, duc de Bourbon et d’Auvergne, mort en 1488) ; à la mort de Jean II, son frère, Charles II, archevêque de Lyon (1444) et cardinal (1476) lui cède ses droits.
[9] A cette époque, ce mot désigne un couvent, un monastère ou un ordre religieux. Cette acception reste usitée et jusqu’à la fin du XVII° comme en témoigne la première édition du Dictionnaire de l’Académie française (1694) et Bossuet qui écrivait à une religieuse : Les austérité de la religion vous doivent suffire, avec le travail de votre obédience (3 novembre 1693).
[10] Il ne semble pas qu’Anne de Beaujeu ait jamais été appelée Madame de Linières ; toujours est-il qu’elle signait Anne ou Anne de France. Elle avait reçu de son père la vicomté de Thouars et le comté de Gien, avec tous les biens que Louis XI avait recueillis de la succession de Charles d’Anjou, dernier roi de Jérusalem et de Sicile.
[11] Né en 1411, Antoine de Chabannes fut d’abord page de Lahire et se signala, contre les Anglais, au siège d’Orléans de 1428 ; attaché à la fortune de Jeanne d’Arc, il sauva Lagny et Compiègne, puis, à la tête d’uje bande d’Ecorcheurs, il ravagea la Lorraine, la Champagne, la Bourgogne, poussant ses dévastations jusqu’à Bâle. Après avoir excité le Dauphin à seconder la Praguerie, il le dénonça à Charles VII. Président de la commission qui jugea Jacques Cœur, il reçut une partie de ses dépouilles. Privé de sa charge de grand maître de France et emprisonné au début du règne de Louis XI, il recouvra la faveur du Roi (1468), devint son confident et combattit pour lui. Sous Charles VIII, il sera gouverneur de Paris et de l’Ile-de-France. Il mourra en 1488.
[12] Le Grand Maître de France a la superintendance sur tous les domestiques et sur tous les services de la Maison du roi ; il contrôle le personnel, surveille les dépenses, dirige la police de la cour commandée par le Prévôt de l’Hôtel qui lui est subordonné ; il surveille les bâtiments, introduit les ambassadeurs, il conduit le deuil du roi et romp son bâton sur le cercueil du roi mort, en disant : « Messieurs, le roi est mort, vous n’avez plus de charges » ; puis, reprenant un nouveau bâton : « Messieurs, le roi vit et vous rend vos charges. »
[13] Le duc Charles d’Orléans était mort au château d’Amboise le 4 janvier 1465 et avait été inhumé dans l’église des Célestins de Paris.
[14] Le mariage par procuration avait été fait à Jargeau (Loiret), le 28 octobre 1473, le contrat de mariage avait signé par Louis XI, à Plessis-lez-Tours, le 15 août 1476. La duchesse d’Orléans n’assista pas au mariage de son fils et préféra, le même jour, assister à celui de sa fille aînée, Marie (née au château de Blois le 19 décembre 1457) qui épousait Jean V de Foix, vicomte de Narbonne et futur comte d’Etampes (1478) qui prétendra sans succès à la couronne de Navarre et au comté de Foix. Louis XI lui-même n’assista pas à ce mariage ; il était parti en pèlerinage à Notre-Dame de Béhuard, en Anjou, pour remercier la Vierge de la défaite de Charles le Téméraire contre les Suisses à Morat (22 juin 1476).
[15] François de Brilhac, prieur de Saint-Jean-en-Grève et abbé de Pontlevoy, fut évêque d’Orléans de 1473 à 1503, sera archevêque d’Aix-en-Provence de 1503 en 1506. Il mourra à Orléans le 17 janvier 1506.
[16] Anne, née en 1464, prit l’habit religieux et succéda à sa cousine, Marie de Bretagne, abbesse de Fontevrault, en1478) ; elle devint abbesse de Sainte-Croix de Poitiers (1485), mourut à Sainte-Croix de Poitiers le 9 septembre 1491 et fut inhumé dans le chœur de l’abbaye.
[17] Pierre, vicomte de Rohan, maréchal de Gié, nommé, en 1475, maréchal de France par Louis XI dont il était familier ; il avait repris, en 1479, les places de Flandre tombées au pouvoir de Maximilien d’Autriche. Il mourra en 1513.
[18] François II, dernier duc de Bretagne (1459-1488).
[19] Louis, sire de la Trémoille, vicomte de Thouars et prince de Talmont (1460-1525).
[20] (Ile-et-Vilaine, arrondissement de Fougères) 28 juillet 1488.
[21] Le duc d’Orléans est enfermé au château de Sablé, puis à Lusignan (sous la garde de Philippe Guérin) ; en 1489, il est transféré à Mehun-sur-Yèvres puis, en juillet 1489, dans la Grosse Tour de Bourges (où Philippe Guérin fut remplacé par Mac Nellem. Il est libéré en mai 1491.
[22] Charles VIII avait épousé Anne de Bretagne (château de Langeais, le 6 décembre 1491) dont il avait eu : Charles-Orland (né en 1492 et mort en 1495), François (mort-né en 1493), une fille (mort-née en 1495), Charles (né et mort en 1496), François (né et mort en 1497), Anne (née et morte en 1498). Le cardinal Grente se trompe, il s’agit de 6 enfants dont 4 garçons.
[23] Le 7 avril 1498.
[24] En la cathédrale de Reims, le 27 mai 1498, par le cardinal Guillaume Briçonnet, archevêque de Reims.
[25] 2 juillet 1498.
[26] Alexandre VI, le 29 juillet 1498, signait la bulle de constitution d’un tribunal chargé de connaître le litige du roi contre son épouse et nomma deux commissaires apostoliques : Louis d’Amboise, évêque d’Albi, et Fernand d’Almeida, nonce apostolique en France et évêque titulaire de Ceuta.
[27] Il est vrai que, le 13 août 1498, César Borgia reçut par lettres patentes les comtés de Diois et de Valentinois avec la châtellerie d’Issoudun.
[28] Le tribunal se réunit à Tours le 10 août 1498, dans la maison du doyen du chapitre de la cathédrale. Le tribunal était présidé par le nonce Almeida qui, à partir du 26 septembre, sera remplacé par le cardinal de Luxembourg, évêque du Mans. Jeanne de France choisit pour défenseurs Jean de Blois (chanoine de Bourges), Jean Chevalier (official de Bourges) et la canoniste Jean Vesse. Le procureur du Roi, Antoine de Lestang, donne les quatre motifs qu’invoque le Roi : parenté au quatrième degré, affinité spirituelle (puisqu’il est le filleul du père de Jeanne), défaut de consentement (obtenu par violence), inhabilité corporelle de Jeanne. Les deux premiers motifs ne sont pas retenus parce que les dispenses ont été accordées régulièrement. La peste menaçant Tours, le tribunal se transporta à Amboise.
[29] Le 6 juillet 1495, bataille où Charles VIII, rentrant d’Italie s’ouvre le chemin de sa retraite vers la France, contre l’Autriche, Venise, de Milan, l’Aragon et le Saint-Siège. La furia francese.
[30] Louis avait épousé Anne de Bretagne, veuve du roi Charles VIII, en la chapelle du château de Nantes, le 8 janvier 1499.
[31] D’Anne de Bretagne, Louis XII aura quatre enfants : Claude de France (née en 1499 et morte en 1524) qui sera la femme du roi François I°, un enfant mort-né (1503), Renée de France (née en 1510 et morte en 1575) qui épousera Hercule II d’Este, duc de Ferrare, de Modène et de Reggio, et un enfant mort-né (1512).
[32] Après la mort d’Anne de Bretagne (9 janvier 1514), Louis XII épouse à Abbeville (9 octobre 1514) Marie d’Angleterre (née à Richmond, 18 mars 1496), fille du roi Henri VII d’Angleterre et d’Elisabeth York. Veuve (1° janvier 1515), elle se remarie (secrètement à Paris, 3 mars 1515, officiellement à Greenwich, 13 mai 1515) avec Charles Brandon, premier duc de Suffolk (1484-1545) et meurt à Westhorpe (24 juin 1533).
[33] 26 décembre 1498.
[34] Gabriel-Maria Nicolas, religieux franciscain de l’Observance, né près de Riom vers 1461. Il est entré en relation avec Jeanne de France quand il était gardien du couvent d’Amboise (1498-1502). Il l’accompagna à Bourges (1499) et fit partie de son conseil privé. Mort aux Annonciades de Rodez (27 août 1532).
[35] Jeanne de France mourut le 4 février 1505, à dix heures du soir au palais archiépiscopal de Bourges. Le 20 février, on transporta son corps à la Sainte-Chapelle de Bourges et, le 22 février, après la messe des funérailles, il fut porté dans l’église du monastère de l’Annonciade des Bourges où il fut inhumé. Le deuil était conduit par le connétable de Bourbon, le drap mortuaire était porté par le baron de Linières, le baron de Châteauneuf, le baron de Châteauroux et ces Messieurs de la ville de Bourges ; venaient ensuite le cardinal de Bourbon, les archevêques de Bourges et de Lyon, l’évêque d’Albi et le clergé des seize paroisses de la ville. Le 22 mai 1562, les calvinistes, commandés par le capitaine de Lorges, comte de Motgommery, entrèrent dans Bourges ; le couvent des Annonciades fut protégé par deux gentilshommes protestants dont les sœurs y étaient religieuses ; Montgommery parti, les soldats du capitaine Miregrand et du capitaine Blanchet profanèrent la tombe : ils enlevèrent le corps intact d’où coula du sang quand la femme Fayette lui enfonça un couteau dans le bras et qu’un soldat lui perça le flanc d’un coup d’épée ; ils brûlèrent le corps, sur un bûcher de livres saints et d’insignes reliques dont le corps de saint Guillaume, et jetèrent les cendres au vent. Béatifiée par Benoît XIV (18 juin 1742), elle fut canonisée par Pie XII (28 mai 1950).
[36] Né à Percy, dans la Manche, le 5 mai 1872, d’un père négociant, Georges Grente fit ses études secondaires au collège de Saint-Lô qui était tenu par les pères de l’Oratoire, puis, à Paris, commença des études de droit qu’il interrompit pour entrer au séminaire de Coutances. Ordonné prêtre en 1895, tout en poursuivant des études littéraires à l’Université catholique de Paris, il enseigne successivement au petit séminaire de Mortain, au collège de Saint-Lô et à Saint-Paul de Cherbourg dont il est nommé supérieur en 1916. Docteur ès-lettres de la Sorbonne, depuis 1903, on songe à le nommer vice-recteur de l’Université catholique de Paris, puis à lui donner la direction de l’Université catholique de Lille, mais la première Guerre mondiale fait échouer ce projet.
http://missel.free.fr/Sanctoral/02/04.php
Date de dernière mise à jour : 2021-07-04
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