saint Jean-Gabriel Perboyre
UN TÉMOIN PASSIONNÉ
La mission divine de l'Église s'étend à toute la terre et à tous les temps, selon la parole de Jésus: Allez donc, enseignez toutes les nations. «Notre religion doit être enseignée à toutes les nations et propagée même parmi les Chinois, afin qu'ils connaissent le vrai Dieu et possèdent le bonheur au ciel», affirmait avec courage saint Jean-Gabriel Perboyre, missionnaire en Chine, devant un mandarin chargé de l'interroger. Ce dernier reprit: «Que pourrez-vous gagner en adorant votre Dieu? - Le salut de mon âme, le ciel où j'espère monter après ma mort».
Le 2 juin 1996, lors de la canonisation de saint Jean-Gabriel Perboyre, le Pape Jean-Paul II disait de lui: «Il avait une unique passion, le Christ et l'annonce de son Évangile. C'est par fidélité à cette passion que, lui aussi, a été mis au rang des humiliés et des condamnés, et qu'aujourd'hui l'Église peut proclamer solennellement sa gloire dans le choeur des saints du ciel».
En 1817, Jean-Gabriel, âgé de 15 ans, entre, avec son frère aîné Louis, au petit séminaire de Montauban (France), dirigé par les Prêtres de la Mission ou Lazaristes, fils spirituels de saint Vincent de Paul. Il y éprouve le désir de se consacrer aux Missions en pays païen. Après avoir fait son noviciat à Montauban, il est envoyé à Paris pour ses études de théologie, puis ordonné prêtre. En 1832, son frère Louis, embarqué comme prêtre lazariste pour la Mission de la Chine, meurt de la fièvre au cours de la traversée. Aussitôt, Jean-Gabriel annonce à sa famille son désir de partir prendre le poste laissé libre par la mort de son frère.
Mais ses supérieurs n'en jugent pas ainsi, à cause de sa santé défaillante. Ils le nomment sous-directeur du séminaire parisien des Lazaristes. Adjoint très actif d'un directeur de séminaire âgé, il a pour principe d'enseigner beaucoup plus par l'exemple que par la parole. Il communique aux novices son amour pour Jésus: «Le Christ est le grand Maître de la science. Seul Il donne la vraie lumière... Il n'y a qu'une seule chose importante: connaître et aimer Jésus-Christ, car Il est non seulement la Lumière, mais le Modèle, l'Idéal Alors il ne suffit pas de Le connaître, il faut L'imiter Nous ne pouvons parvenir au salut que par la conformité avec Jésus-Christ». Il écrit à l'un de ses frères: «N'oublie pas que l'affaire du salut est l'affaire dont on doit s'occuper avant tout, par-dessus tout et toujours».
Cependant, il garde au coeur le désir ardent de partir en mission; montrant aux séminaristes les souvenirs du martyre de François-Régis Clet qu'on apporte à Paris, il leur dit: «Voici l'habit d'un martyr quel bonheur si nous avions un jour le même sort!» Aussi demande-t-il: «Priez donc bien pour que ma santé se fortifie et que je puisse aller en Chine, afin d'y prêcher Jésus-Christ et de mourir pour Lui».
Enfin, il obtient de ses supérieurs la faveur du départ pour la Chine, où il arrive le 10 mars 1836. Son zèle pour le salut des âmes lui fait supporter la faim et la soif pour la plus grande gloire de Dieu. Il se tient toujours prêt, de jour comme de nuit, à courir partout où son ministère l'appelle. Il ne compte pour rien les fatigues ni les veilles. De plus, de violentes tentations de désespoir viennent l'assaillir. Mais Notre-Seigneur lui apparaît, le console, et la joie revient dans l'âme de l'apôtre.
EN PROIE AUX SOUFFRANCES
En 1839, une persécution contre les chrétiens se déclenche. Le 15 septembre, le Père Perboyre et son confrère, le Père Baldus, se trouvent dans leur résidence de Tcha-Yuen-Keou. Tout à coup, on leur annonce l'arrivée d'une troupe armée. Les missionnaires s'enfuient chacun de son côté pour ne pas tomber tous deux au pouvoir des ennemis. Jean-Gabriel se cache dans une épaisse forêt. Mais dans la journée du lendemain, il est trahi, pour trente taëls (monnaie chinoise) de récompense, par un malheureux catéchumène. Les soldats lui arrachent ses vêtements, le revêtent de haillons, le garrottent et s'en vont à l'auberge fêter leur prise.
Interrogé par le mandarin de la sous-préfecture, Jean-Gabriel répond avec fermeté qu'il est européen et prédicateur de la religion de Jésus. Alors on commence à le torturer, mais de peur qu'il ne succombe, on le fait asseoir sur une banquette à laquelle ses jambes sont fortement attachées. Le saint prêtre passe ainsi la nuit, en bénissant Jésus qui lui fait l'honneur de l'associer à ses souffrances. Transféré à la préfecture, au terme d'un très pénible voyage à pied, les fers au cou, aux mains et aux pieds, il subit quatre interrogatoires. Pour le faire parler, on le met à genoux de longues heures sur des chaînes de fer. Puis on le suspend par les pouces et on lui administre sur le visage quarante coups de semelle de cuir pour lui faire renier sa foi. Mais, soutenu par la grâce de Dieu, il souffre tout sans se plaindre.
Il est envoyé ensuite à Ou Tchang Fou, devant le vice-roi, où il doit répondre à une vingtaine d'interrogatoires. Le vice-roi veut l'obliger à marcher sur un crucifix, mais en vain. On le frappe à coups de lanières de cuir et de bâton de bambou jusqu'à épuisement, ou bien on l'élève à une grande hauteur à l'aide de poulies, et on le laisse retomber à terre de tout son poids. L'âme du saint prêtre reste unie à Dieu. «Tu es donc toujours chrétien? - Oh oui! Et j'en suis heureux!» Finalement, le vice-roi le condamne à être étranglé; mais comme la sentence ne peut être exécutée qu'après la ratification de l'empereur, Jean-Gabriel Perboyre reste encore quelques mois dans sa prison.
« MÉCONNAISSABLE! »
Pendant que les mandarins le torturaient, aucun chrétien n'avait pu arriver jusqu'à lui; on se flattait sans doute de l'espoir qu'en le privant de tout secours, on parviendrait plus facilement à vaincre sa constance. Mais après le dernier interrogatoire, cette consigne sévère est adoucie. Un des premiers qui peut pénétrer dans la prison est un religieux lazariste chinois, nommé Yang. Quel spectacle déchirant s'offre à ses regards! Il demeure muet, répand d'abondantes larmes, et parvient avec peine à adresser quelques paroles au martyr. Le P. Jean-Gabriel désire se confesser, mais il est gêné par deux officiers du mandarin, qui se tiennent constamment à ses côtés. À la demande d'un chrétien qui accompagne le P. Yang, ils acceptent de s'écarter un peu, et le missionnaire peut faire sa confession.
Les autres prisonniers, condamnés de droit commun, témoins de la sainte vie du P. Jean-Gabriel, ne tardent pas à l'apprécier; des idées jusqu'alors inconnues se font jour dans leurs âmes endurcies. Admirateurs de tant de vertus, ils proclament qu'il a droit à toutes sortes de respects. Quant à lui, il est rempli de joie dans les souffrances, parce qu'elles le rendent plus conforme à son divin Modèle.
« C'EST TOUT CE QUE JE SOUHAITAIS »
Enfin, après un an dans les fers et les tortures, le 11 septembre 1840, il est conduit sur les lieux de l'exécution. On lui attache les bras et les mains à la barre transversale d'un gibet en forme de croix et on lui lie les pieds ensemble, au bas du poteau, sans qu'ils touchent le sol. Le bourreau lui met au cou une sorte de collier de corde dans lequel il passe un morceau de bambou. Avec une lenteur calculée, le bourreau serre par deux fois la corde autour du cou de sa victime. Une troisième torsion plus prolongée interrompt la prière continuelle du martyr, et le fait entrer dans la joie immense et éternelle de la Cour céleste. Il a 38 ans. Une croix lumineuse apparaît dans le ciel, visible jusqu'à Pékin. Au grand étonnement de tous, contrairement aux visages des condamnés par strangulation, celui de Jean-Gabriel est resté serein et a conservé son teint naturel.
«Le martyr rend témoignage au Christ, mort et ressuscité, auquel il est uni par la charité. Il rend témoignage à la vérité de la foi et de la doctrine chrétienne» (CEC 2473). Le sacrifice de saint Jean-Gabriel Perboyre a porté de nombreux fruits spirituels dont quelques-uns sont visibles: comme lui, beaucoup de chrétiens chinois ont donné leur vie pour le Christ; la religion chrétienne s'est développée en Chine jusqu'à nécessiter la création de quatorze vicariats apostoliques. Plus récemment, les persécutions du régime communiste n'ont pas réussi à éteindre la foi.
À nous-mêmes, saint Jean-Gabriel rappelle que: «Tous les chrétiens, partout où ils vivent, sont tenus de manifester par l'exemple de leur vie et le témoignage de leur parole, l'homme nouveau qu'ils ont revêtu par le baptême, et la force du Saint-Esprit qui les a fortifiés au moyen de la confirmation» (CEC 2472). Ce témoignage ne conduit pas toujours au martyre du sang, mais il comporte l'acceptation de la croix de chaque jour. Ayons à coeur de la porter avec amour, avec l'aide de la Très Sainte Vierge, et nous parviendrons au ciel, entraînant avec nous beaucoup d'âmes: «En dehors de la croix, il n'y a pas d'autre échelle par où monter au ciel» (Sainte Rose de Lima). C'est la grâce que nous demandons à saint Joseph, en ce début d'année, pour vous et tous ceux qui vous sont chers, vivants et défunts.
Date de dernière mise à jour : 2021-07-05
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