Saint Pie X
Joseph Sarto Pape (257e) - Mémoire
Giuseppe Sarto, tel était son nom, naît à Riese (Trévise, Italie) le 2 juin 1835 et baptisé à la paroisse Saint-Matthieu le lendemain. Après deux ans dans la petite école de Riese, il poursuit ses études primaires à Castelfranco de Vénitie. Il reçoit sa première communion à Riese, aux Pâques 1847 (6 avril).
Il entre au séminaire de Padoue, le 13 novembre 1850, où il reste neuf ans. Tonsuré à la cathédrale d'Asolo, le 20 septembre 1851, il reçoit les deux premiers ordres mineurs en novembre 1856 et les deux autres le 6 juin 1857.
Il est ordonné sous-diacre le 19 septembre 1857 et diacre le 27 février 1858.
Il reçoit l'ordination sacerdotale dans la cathédrale de Castelfranco le 18 septembre 1858 ; célèbre sa première messe, le lendemain, à Riese et, le 29 novembre 1858, prend son poste de vicaire à Tombolo.
Nommé curé de Salzano, le 21 mai 1867, don Giuseppe Sarto quitte sa paroisse le 16 septembre 1875 pour devenir chanoine de Trévise.
Directeur du séminaire et chancelier épiscopal (28 novembre 1875). Primicier de la cathédrale le 12 juin 1879, il est, à la mort de l'évêque, élu par le chapitre vicaire capitulaire (27 novembre 1879).
Nommé à l'évêché de Mantoue en septembre 1884, il est sacré à Rome, dans l'église Saint-Apollinaire, le 23 novembre 1884, et entre à Mantoue le 18 avril 1885.
Créé cardinal du titre de Saint-Bernard des Thermes au Consistoire secret du 12 juin 1893, il est trois jours après promu patriarche de Venise où il ne peut entrer que le 24 novembre 1894 puisque le gouvernent italien n'a donné son exequatur que le 5 septembre 1894.
Elu pape le 4 août 1903, il prend le nom de Pie X, il est couronné le 9 août 1903.
Pie X passa de la terre au ciel durant la nuit entre le 20 et 21 août 1914 ; sa dépouille est déposée dans les Grottes Vaticanes le 23 août 1914.
Pie X a été béatifié le 03 juin 1951 par le Vénérable Pie XII (Eugenio Pacelli, 1939-1958) et proclamé saint, le 29 mai 1954, par le même Pape.
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Chers frères et sœurs!
Je voudrais m’arrêter aujourd’hui sur la figure de mon prédécesseur, saint Pie X, dont on célébrera samedi prochain la mémoire liturgique, en soulignant certains de ses traits qui peuvent être utiles également pour les pasteurs et les fidèles de notre époque.
Giuseppe Sarto, tel était son nom, né à Riese (Trévise, Italie) en 1835 dans une famille d’agriculteurs, fut ordonné prêtre à l’âge de 23 ans, après des études au séminaire de Padoue. Il fut d’abord vicaire de Tombolo, ensuite curé à Salzano, puis chanoine de la cathédrale de Trévise avec charge de chancelier épiscopal et de directeur spirituel du séminaire diocésain. Au cours de ces années de riche et généreuse expérience pastorale, le futur Souverain Pontife manifesta un profond amour pour le Christ et son Eglise, ainsi que l’humilité, la simplicité et la grande charité envers les personnes les plus indigentes, qui caractérisèrent toute sa vie. En 1884, il fut nommé évêque de Mantoue et en 1893 patriarche de Venise. Le 4 août 1903, il fut élu Pape, ministère qu’il accepta après quelques hésitations, car il ne se considérait pas à la hauteur d’une charge si élevée.
Le pontificat de saint Pie X a laissé une marque indélébile dans l’histoire de l’Eglise et fut caractérisé par un effort important de réforme, résumé dans la devise Instaurare omnia in Christo, «Renouveler toute chose dans le Christ». En effet, ses interventions bouleversèrent les divers milieux ecclésiaux. Dès le début, il se consacra à la réorganisation de la Curie Romaine; puis il lança les travaux de rédaction du Code de Droit canonique, promulgué par son successeur Benoît XV. Il promut ensuite la révision des études et de l’«iter» de formation des futurs prêtres, en fondant également divers séminaires régionaux, équipés de bibliothèques de qualité, et de professeurs bien préparés. Un autre domaine important fut celui de la formation doctrinale du Peuple de Dieu. Depuis les années où il était curé, il avait rédigé lui-même un catéchisme et au cours de son épiscopat à Mantoue, il avait travaillé afin que l’on parvienne à un catéchisme unique, sinon universel, tout au moins italien. En authentique pasteur, il avait compris que la situation de l’époque, notamment en raison du phénomène de l’émigration, rendait nécessaire un catéchisme auquel chaque fidèle puisse se référer indépendamment du lieu et des circonstances de vie. En tant que Souverain Pontife, il prépara un texte de doctrine chrétienne pour le diocèse de Rome, qui fut diffusé par la suite dans toute l’Italie et le monde. Ce catéchisme appelée «de Pie X» a été pour de nombreuses personnes un guide sûr pour apprendre les vérités de la foi en raison de son langage simple, clair et précis et de sa présentation concrète.
Il consacra une grande attention à la réforme de la Liturgie, en particulier de la musique sacrée, pour conduire les fidèles à une vie de prière plus profonde et à une participation plus pleine aux sacrements. Dans le Motu proprio Parmi les sollicitudes (1903), première année de son pontificat, il affirma que le véritable esprit chrétien a sa source première et indispensable dans la participation active aux sacro-saints mystères et à la prière publique et solennelle de l’Eglise (cf. AAS 36 [1903], 531). C’est pourquoi, il recommanda de s’approcher souvent des sacrements, encourageant la pratique quotidienne de la communion, bien préparés, et anticipant de manière opportune la première communion des enfants vers l’âge de sept ans, «lorsque l’enfant commence à raisonner» (cf. S. Congr. de Sacramentis, Decretum Quam singulari: AAS 2 [1910], 582).
Fidèle à la tâche de confirmer ses frères dans la foi, ssaint Pie X, face à certaines tendances qui se manifestèrent dans le domaine théologique à la fin du XIXe siècle et aux débuts du XXe siècle, intervint avec décision, condamnant le «Modernisme», pour défendre les fidèles de conceptions erronées et promouvoir un approfondissement scientifique de la Révélation, en harmonie avec la Tradition de l’Eglise. Le 7 mai 1909, avec la Lettre apostolique Vinea electa, il fonda l’Institut pontifical biblique. Les derniers mois de sa vie furent assombris par les grondements de la guerre. L’appel aux catholiques du monde, lancé le 2 août 1914 pour exprimer «la douleur aiguë» de l’heure présente, était le cri de souffrance d’un père qui voit ses fils se dresser l’un contre l’autre. Il mourut peu après, le 20 août, et sa réputation de sainteté commença à se diffuser immédiatement au sein du peuple chrétien.
Chers frères et sœurs, saint Pie X nous enseigne à tous qu’à la base de notre action apostolique, dans les différents domaines dans lesquels nous œuvrons, doit toujours se trouver une intime union personnelle avec le Christ, à cultiver et à accroître jour après jour. Ceci est le noyau de tout son enseignement, de tout son engagement pastoral. Ce n’est que si nous aimons le Seigneur, que nous serons capables de conduire les hommes à Dieu et de les ouvrir à son amour miséricordieux et ouvrir ainsi le monde à la miséricorde de Dieu.
BENOÎT XVI AUDIENCE GÉNÉRALE Mercredi 18 août 2010
http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2010/documents/hf_ben-xvi_aud_20100818_fr.html
Giuseppe Sarto, plus connu sous le nom de Pape Pie X, naquit le 2 juin 1835 à Riese, une bourgade de 4 500 habitants, dont ses parents, Jean Baptiste Sarto et Marguerite Sanson, contractèrent mariage le 13 février 1833 à l'église paroissiale st. Mathieu. C'est justement là que fut baptisé le petit Joseph, le lendemain de sa venue au monde.
Issu d'une famille modeste, Jean Baptiste exerçait l'emploi d'huissier municipal ; quant à Marguerite, elle était couturière de campagne. De leur union naquirent dix enfants : Joseph, Guiseppe (Joseph), Ange, Thérèse, Rose, Antonia, Marie, Lucie, Anne, et Pierre ; mais le premier et le dernier des garçons (Joseph et Pierre), à peine nés s'envolèrent au Paradis. Voilà pourquoi le second enfant fut baptisé Giuseppe (Joseph). Pourtant, qui pouvait dire de ce dernier, qu'un jour il serait le successeur de saint Pierre !...
Comme dans toutes les modestes familles nombreuses, la famille Sarto devait faire attention, car les revenus étaient faibles, mais tous se résignaient à la volonté du Seigneur, contents de la table qu'il leur servait chaque jour.
Epouse et mère exemplaire, Marguerite s'efforçait d'inculquer à ses enfants les vertus chrétiennes qu'elle avait elle même hérité de ses parents.
C'est dans cet esprit que le petit Joseph grandissait. Souvent, il allait prier au sanctuaire de Cendrole, à un kilomètre de Riese, car déjà très jeune il avait une dévotion toute spéciale pour la Sainte Vierge. Jamais il ne manquait le catéchisme ni manquait à la Messe. C'était pour lui une joie d'assister aux offices et servir à l'autel comme enfant de chœur. À la maison, il se plaisait à construire avec ses frères de petits autels, où, avec une simplicité enfantine, il s'exerçait aux cérémonies de l'église. Ces actes de piété naïve déposaient en son cœur les premiers germes de cette vocation qui un jour devait faire de lui le saint Pape que nous connaissons.
Ce goût prononcé pour le catéchisme et la Messe ne manqua pas d'attirer l'attention de Don Fusarini, le curé qui l'avait baptisé. Quand il eut terminé, avec succès, ses études élémentaires, il apprit le latin et fréquenta comme externe, de 1846 à 1850, le collège de Castelfranco (à 7 km de Riese) pour des études secondaires. Sur ces entrefaites, Joseph Sarto reçut la Confirmation le 1erdécembre 1845 dans la cathédrale d'Asolo, et la première Communion le 6 avril 1847.
Été comme hiver, il parcourait à pied deux fois par jour la route qui le conduisait de chez lui au collège, avec un morceau de pain dans la poche pour son repas. Excellent élève, il était toujours le premier. Après un brillant succès aux examens, le jeune garçon voulait entrer au Séminaire car il se sentait appelé par le sacerdoce. Ses parents n'étaient pas en état de faire des frais pour payer les études de leur fils. Les maigres revenus de ses parents suffisaient à peine à faire vivre la nombreuse famille, et il était impossible de s'engager dans des frais supplémentaires.
Les prières et la confiance en la Divine providence apporta consolation à la famille : Le patriarche de Venise disposait de plusieurs bourses d'études pour le séminaire de Padoue, en faveur des jeunes gens qui souhaitaient aspirer au sacerdoce. Le cardinal Jacopo Monico, originaire de Riese, fut informé par un curé du cas difficile de la famille Sarto, et très volontiers on lui attribua l'une de ces bourses.
AU SEMINAIRE DE PADOUE
Le jeune Joseph entra au séminaire à l'automne de 1850 où il y resta pendant huit ans. Ses supérieurs avaient gardé de lui un très bon souvenir. Il devint bien vite pour ses condisciples un modèle d'humilité et de simplicité ; vertus qu'il sut toujours allier à une grande fermeté de caractère. Maîtres et élèves appréciaient son intelligence, mais lui n'en tirait point vanité, ni ne cherchait point à paraître.
A Riese, tout le monde connaissait la situation très modeste de la famille Sarto. Bien que reçu gratuitement au Séminaire pour ce qui regarde la pension, les parents devaient faire face aux frais d'habillement, aux achats de livres et tout ce qu'il faut à un élève de Grand Séminaire. Quelques familles, qui estimaient et aimaient le jeune Sarto lui fournissaient un peu d'argent pour ces dépenses.
Le 4 mai 1852 un grand malheur vint troubler la joie de Joseph Sarto : la mort de son père, qui du coup plongea la famille dans une situation économique plus que dramatique. En cette douloureuse circonstance, Don Fusarini, archiprêtre, fut vraiment son ange consolateur : il assura à son père mourant qu'il continuerait à aider son fils Joseph dans ses études et ne cesserait de soulager les misères de la famille. Ainsi, le jeune séminariste se remit entre les mains de Dieu et se résigna à Sa volonté divine en esprit de sacrifice.
Son attention était aussi tourné à la musique et au chant d'église, si bien que ses supérieurs firent de lui le maître de chapelle du Séminaire. À la fin de l'année scolaire 1857-58, Joseph Sarto termina ses brillantes études.
PREMIÈRE MESSE
Le 18 septembre 1858 il fut ordonné prêtre. L'ordination se fit à la cathédrale de Castelfranco, et le lendemain, assisté par le curé de Riese, il put chanter avec une grande dévotion se première Messe là même où il fut baptisé. Peu après il fut nommé vicaire à Tombolo.
CURÉ À SALZANO
Au mois de mai 1867, alors âgé de 32 ans, il fut nommé archiprêtre de Salzano où il restera pendant neuf ans. Ses revenus étaient un peu plus important ici, mais ils servaient aux pauvres et aux malades. Il pensait à tous, excepté à lui-même, heureux seulement quand il pouvait faire du bien au prochain.
En neuf ans, il avait gagné les cœurs des paroissiens par sa parole, par ses actes et l'exemple d'une vie sainte.
CHANOINE À TREVISE
Trévise est situé à trente kilomètres de Venise. En 1875, trois stalles de chanoines se trouvèrent vacantes à la cathédrale de Trévise. L'Èvêque songea donc à l'archiprêtre Sarto, dont il appréciait les éminentes qualités d'esprit et de cœur. En apprenant que L'Èvêque voulait le nommer chanoine, il demanda à être ; dispensé de cette charge, mais en vain. C'est donc le 21 juillet 1875 qu'il se rendit à la cathédrale de Trévise pour prendre possession de son canonicat.
Quand il entra en fonction comme Directeur spirituel, le Séminaire comptait deux cent trente élèves, dont soixante-dix clercs.
A Trévise aussi Mgr. Sarto distribuait en aumônes une bonne partie des ses revenus. Il voulait que personne ne le sût, selon le mot de l'Èvangile : « Que votre main gauche ignore ce que fait votre main droite » (Matthieu 6 : 3) ; mais il avait beau agir dans le secret, on sut bientôt qu'il venait en aide aux séminaristes pauvres, qu'il payait aux uns la soutane, aux autres le chapeau, à beaucoup les livres...
Autant il était charitable pour les autres, autant par contre il était sévère pour lui-même : il se souciait peu de ses vêtements ou de ses chaussures. Quel bel exemple de charité pour son prochain... !
VICAIRE CAPITULAIRE
Après la mort de Mgr. Zinelli, survenu le 24 novembre 1879, il eut la charge de gouverner le diocèse de Trévise du 27 novembre 1879 au 23 juin 1880. Ce peu de temps lui suffit pour faire beaucoup : Il prêchait plus qu'à l'ordinaire, redressait les mauvaises habitudes, introduisait les réformes que les constitutions Apostoliques permettent aux vicaires capitulaires ; mais son plus grand souci était que le peuple fût instruit de la religion, les enfants catéchisés et préparés avec soin à la première Communion.
LE SIÈGE EPISCOPAL
Les multiples mérites de cet homme de Dieu, ses vertus remarquables, sa sainteté de vie, son zèle pour le salut des âmes, sa compétence à gouverner le diocèse de Trévise étaient choses bien connues du Pape Léon XIII, qui, voulant lui témoigner sa confiance, le nomma dans le Consistoire du 10 novembre 1884, à l'évêché de Mantoue.
L'humble Joseph Sarto, loin de s'en réjouir, regarda cette nomination comme un malheur et écrivit même au Vatican pour la faire révoquer, se déclarant indigne d'un tel honneur et incapable de porter ce fardeau; mais sa demande fut rejetée. Il partit donc pour Rome, où, le dimanche 16 novembre 1884, jour dédié au patronage de Marie la Vierge Immaculée protectrice de Mantoue, il fut sacré évêque dans l'Eglise de St. Apollinaire.
Le 25 février 1885, Mgr. Sarto obtint l'exequatur à la Bulle pontificale qui le nommait à l'évêché de Mantoue; et c'est le 18 avril 1885 qu'il fit son entrée solennelle dans cette ville sous les applaudissements de la foule joyeuse et au son des cloches de la citée.
Pour les hommes destiné à de grandes choses, les voies de la Providence sont souvent mystérieuses. Mgr. Sarto dut faire face à beaucoup de difficultés ; sa nouvelle fonction se présentant toute hérissée d'épines: nombreuses étaient les réformes à faire ; mais avec une inaltérable confiance en Dieu, il se mit au travail.
Il s'occupa d'abord du clergé : afin de relancer les vocations, il demanda que chacun selon son pouvoir vînt en aide aux séminaristes, de qui dépendait tout espoir d'un avenir meilleur pour le diocèse. Le résultat fut positif car le nombre des clercs s'éleva à 147.
Mgr. Sarto eut particulièrement à cœur de former les séminaristes à l'esprit sacerdotal, au zèle pour le salut des âmes jusqu'au sacrifice de soi-même. Pour chaque jeune homme qui souhaitait entrer au séminaire, il voulait savoir si celui-ci avait la vocation, s'il était pieux, s'il fréquentait les sacrements, s'il priait... Bref, il souhaitait de vrais futurs prêtres pour l'Eglise.
Face au laissé aller qu'il y avait déjà à cette époque là dans certaines paroisses, il décida la tenue d'un Synode diocésain au terme duquel on y édita certaines prescriptions relatives à l'instruction religieuse du peuple :
- Explication, chaque dimanche, de l'Evangile ;
- Mieux préparer les enfants à la première Communion ;
- Création de cercles et associations catholiques de jeunes gens, pour les tenir éloignés des dangers ;
- Réorganisation des confréries.
On peut considérer ce Synode comme le point de départ de la restauration morale et religieuse de tout le diocèse de Mantoue.
CARDINAL ET PATRIARCHE
Suite au décès, à, du Cardinal Patriarche Dominique Agostini, le Pape Léon XIII nommait, le 12 juin 1892, Joseph Sarto pour lui succéder. Une fois de plus, il demanda à être dispensé de ces fonctions, mais en vain, et se soumit à la volonté de Dieu.
En octobre de cette année là, il alla revoir sa mère bien-aimée et sa ville natale et baptisa grand nombre d'enfants. Hélas, ce fut la dernière fois qu'il embrassa sa chère maman : celle-ci rendit sa belle âme à Dieu en février de l'année suivante. Pour perpétuer le souvenir de la pieuse femme, on grava sur sa tombe cette inscription composée par son fils :
MARGUERITE SANSON
FEMME EXEMPLAIRE, ÈPOUSE VERTUEUSE
MÈRE INCOMPARABLE
LE 4 MAI 1852
PERDIT SON MARI BIEN-AIMÈ
JEAN-BAPTISTE SARTO
RÉSIGNÉE ET CALME
DANS LES PEINES COMME DANS LES JOIES
AVEC UN COURAGE VIRIL
ELLE ÉLEVA CHRÉTIENNEMENT SES NEUF ENFANTS
LE 2 FÉVRIER 1894
DANS SA QUATRE-VINGT UNIÈME ANNÉE
ELLE COURONNA
PAR LA MORT DU JUSTE
UNE VIE DE TRAVAIL ET DE SACRIFICE.
__________
POUR LEURS CHERS PARENTS
LE CARDINAL JOSEPH SARTO
SON FRÈRE ET SES SOEURS
DEMANDENT
L'ÉTERNELLE PAIX.
La perte de sa mère lui causa une grande douleur.
Le 25 novembre 1894, il officia pontificalement pour la première fois dans la Basilique St. Marc, à Venise. Le nouveau Patriarche recevait chaque jour quiconque avait besoin de lui et administrait le sacrement de Confirmation. Né pauvre lui-même, il vécut toujours pauvre d'esprit, plein de pitié pour les souffrances des malheureux; aussi était-il toujours prêt à secourir ceux d'entre eux qui s'adressaient à lui. On peut dire que personne ne frappa vainement à sa porte sans avoir été secouru.
Souvent, il visitait les hôpitaux, les hospices d'aliénés et les prisons. Le zèle et l'activité du Cardinal Sarto n'avaient pas de bornes quand il s'agissait de soulager les misères humaines de toutes sortes.
Les armoiries de Mgr. Sarto furent d'abord : "d'azur à l'ancre tridentée d'argent au naturel au dessus d'une mer agitée, illuminée d'une étoile d'or".
Les trois branches de l'ancre symbolisaient la foi, la charité et l'espérance ; "que nous retenons pour notre âme comme une ancre sûre et ferme" (Hebr. VI-19) ;
L'étoile rappelait Marie, Etoile de la mer ;
Devenu patriarche de Venise, il ajouta à ses armoiries le lion ailé tenant l'Evangile, qui représente l'évangéliste saint Marc, patron principal de l'auguste cité, avec ces mots : « Pax tibi Marce evangelista meus ! » ;
Devenu Pape, Sa Sainteté Pie X a conservé le lion dans ses armes, y ajoutant seulement les insignes du Souverain Pontificat.
UN PAPE REMARQUABLE
Le 20 juillet 1903, Léon XIII rendit son âme à Dieu. Quelques jours plus tard, le 26, il quittait Venise pour se rendre au Conclave.
Après les neuf jours de prières prescrites pour le Pontife défunt, le soir du 31 juillet, les Cardinaux entrèrent en Conclave ; ils étaient au nombre de 62.
Les premiers scrutins s'étaient orientés vers le cardinal Rampolla, collaborateur direct de Léon XIII, et fort intelligent ; "Rampolla avait pour lui tous ceux qui voulaient voir se poursuivre la politique libérale du Pape défunt" (déjà !). Le 1er août, le veto de l'empereur d'Autriche François-Joseph Ierfut apporté par l'évêque de Cracovie, contre le cardinal Rampolla. Ce veto, qui fut tant critiqué, sauva l'Eglise ; car, après sa mort, Mgr. Jouin découvrit des documents prouvant qu'il était Franc-maçon. Chaque samedi, en effet, le cardinal Rampolla allait en Suisse y chercher les instructions du pouvoir occulte qu'il avait mission d'appliquer dans le gouvernement de la Sainte Eglise. D'après ces documents, il avait reçu l'ordre, pour la France, de faire rallier les catholiques à la république ; et pour l'église, de fonder au Vatican même une loge dont les membres seraient destinés à occuper les plus hauts postes dans la hiérarchie ecclésiastique.
Suite à ce veto, le choix du Conclave se porta en faveur du Cardinal Sarto. A chaque tour de scrutin les voix allaient croissant, et il supplia très humblement ses collègues de ne plus voter pour lui. Il s'efforçait, après chaque tour, d'énumérer avec preuves à l'appui, les titres qui lui manquaient, d'après lui, pour pouvoir être Pape ; mais Dieu avait décidé autrement: Au septième tour le Cardinal Sarto fut élu Successeur de saint Pierre, le 4 août 1903, par 50 voix en sa faveur.
L'humble élu, la tête basse, les yeux fermés et les lèvres murmurant une prière, écoute la sentence, et selon la formule habituelle, le Cardinal doyen s'approche de lui et l'interroge : « Acceptez-vous votre élection, selon les règles canoniques, au Souverain Pontificat ? ». L'auguste élu, levant au ciel des yeux baignés de larmes dit, à l'exemple du Sauveur au Jardin des Oliviers : « Si ce calice ne peut être éloigné de moi, que la volonté de Dieu soit faite : J'accepte ». Le grand sacrifice est accompli ; Joseph Sarto, l'humble enfant de l'huissier municipal et de la couturière de campagne, est Pape !
Très émouvante fut la cérémonie du couronnement, le 9 août 1903, dans la basilique saint Pierre où Pie X y célébra sa toute première Messe en tant que Souverain Pontife. La cérémonie dura cinq heures.
Durant les onze années de son pontificat, ce ne sont pas moins de 3 300 documents officiels qu'il rédigera pour restaurer tout dans le Christ : « Nous déclarons que notre but unique, dans l'exercice du suprême Pontificat, est de tout restaurer dans le Christ afin que le Christ soit tout et en tout », écrivait-il dans sa première Encyclique « E Supremi Apostolatus » du 4 octobre 1903.
LE DEFENSEUR DE JESUS-CHRIST ET DE SON EGLISE
Quel est le rôle d'un Pape ?, demandais-je un jour au curé qui se chargeait de faire le catéchisme. Le Pape, me dit-il, en sa qualité de Vicaire de Jésus-Christ sur la terre et défenseur de l'Eglise, a pour rôle de maintenir intacte la foi et la doctrine catholique. Voilà une définition dont on devrait s'en inspirer aujourd'hui encore !... A peine monté sur le trône pontifical, Pie X se mit courageusement à l'œuvre et commença par revendiquer la pleine liberté du Sacré-Collège dans l'élection du Souverain Pontife.
Un peu plus d'un an après son élection, Pie X dut faire face à l'injuste loi française de séparation de l'Eglise et de l'état, votée par le parlement, le 9 décembre 1905. Les effets de cette loi se firent sentir aussitôt :
- Spoliation des biens du clergé ;
- Persécution contre les institutions de bienfaisance ;
- Dissolution des congrégations religieuses ;
- Attaque sans merci contre les Sœurs des hôpitaux, des écoles ; des orphelinats et des asiles d'aliénés.
Pourtant, combien de services n'avaient-elles pas rendus à la France, ces Sœurs qui, pour s'occuper des handicapés, des orphelins, des enfants ou des malades, avaient quitté parents, amis, richesses, honneurs et tout ce que leur offrait le monde !
C'est dans ce contexte que Pie X protesta énergiquement : par l'Encyclique Vehementer du 11 février 1906 ; le Pape condamna solennellement la loi de séparation ; puis, près d'un an plus tard, il condamna dans son Encyclique « Une fois encore » la persécution contre l'Eglise, en France.
L'Eglise du Portugal fut elle aussi persécutée, d'une manière plus violente et plus barbare que l'avait été celle de France. Là encore, Pie X se conduisit comme il s'était conduit pour la France : L'Encyclique Jamdudum in Lusitania du 24 mai 1911 condamna les lois de persécutions et renouvela l'appel à l'union et à la persévérance dans la foi catholique. Ainsi, une seconde fois, le Pape Pie X, avec une charité évangélique, vint au secours des victimes de la persécution, accueillant par la même occasion, au Vatican, les prêtres et évêques portugais.
Le 24 mai 1910, il publia l'Encyclique Editae saepe dans laquelle il mettait en relief sa force d'âme dans la lutte contre les erreurs du temps. Il indiquait les caractères qui distinguent la vraie réforme de la fausse, en démasquant les prétendus réformateurs dont le but inavoué était de détruire la foi. C'est pourquoi, Pie X exhortait tous les fidèles à vivre en bons chrétiens, à fréquenter les sacrements et à se dépenser pour le salut des âmes.
IL eut également à protester contre les vexations des indiens du Pérou et des autres pays voisins. Il le fit par la lettre Lamentabili, du 7 juin 1912, aux évêques de l'Amérique Latine.
Les incroyants eux-mêmes ne purent s'empêcher d'admirer l'œuvre de Pie X : c'est ainsi que, le 24 juin 1914, la Serbie conclut un Concordat aux termes duquel les catholiques de ce pays jouiraient désormais d'une pleine liberté dans l'exercice du culte, et un Séminaire ouvrit à Belgrade.
LE VENGEUR DE LA FOI
Déjà à l'époque, des théories nouvelles menaçaient l'Eglise. Certains éprouvaient la démangeaison de réformer les doctrines catholiques en les remplaçant par d'autres mieux adaptées aux conditions des temps modernes ; comme si les dogmes catholiques devaient changer avec les idées des hommes et comme si c'était à la religion à s'adapter aux hommes, et non le contraire. Dieu devrait-il être au service de l'homme ? Penser cela serait faire de l'homme un dieu dont Dieu serait son esclave ! Hérésie aujourd'hui largement répandue par la doctrine progressiste...
Les modernistes, donc, commençaient à s'infiltrer un peu de partout. Pie X s'en inquiéta pour le salut des âmes et pour la doctrine même de Eglise. Le 8 septembre 1907, il publia son admirable Encyclique Pascendi dominici gregis contre le modernisme, qui faisait suite au décret Lamentabili sane exitu paru un trimestre plus tôt, le 3 juillet 1907. C'est sensiblement à cette époque qu'il intervient dans la question du Sillon.
LE REFORMATEUR
Le Pape Pie X réglementa aussi la prédication et l'enseignement du catéchisme. Rappelant aux curés leur devoir d'instruire le peuple des vérités de la religion, il voulut que, chaque dimanche et à chaque fête de l'année, ils expliquent le texte du catéchisme du Concile de Trente.
Le 20 décembre 1905, il publia le décret Sacra Tridentina Synodus où il exhortait à la Communion fréquente et quotidienne, tous les fidèles ayant atteint l'âge de raison.
Cette sollicitude du Saint-Père à rappeler tous les fidèles à la Communion fréquente et quotidienne produisit partout une bonne impression: les prêtres rivalisèrent de zèle pour répandre cette sainte pratique, et les fidèles répondirent avec empressement à l'appel du Souverain Pontife. Ce fut un véritable réveil universel de la dévotion à l'Eucharistie.
Constatant qu'un peu partout on retardait d'une façon abusive l'acte solennel de la première Communion, il décida que celle-ci se ferait désormais à l'âge de sept ans.
LE LITURGISTE
Le seul chant liturgique adopté par l'Eglise fut celui auquel St. Grégoire le Grand a donné son nom. A côté du chant grégorien l'Eglise admit aussi la musique polyphonique, que le génie classique de Palestrina et de quelques autres compositeurs porta à son apogée au XVIème siècle.
Toutefois, ça et là, les compositions profanes et théâtrales prenaient le pas sur le chant grégorien qui, par ailleurs commençait à être dénaturé par les liturgistes.
Dans son Encyclique Motu proprio du 22 novembre 1903, le Pape Pie X s'élevait avec force contre cette profanation. Il créa une commission spécialement chargée de rétablir dans sa beauté primitive le chant liturgique, et fonda l'école supérieure de musique sacrée.
A ses réformes nécessaires, il se devait d'y ajouter celle du Bréviaire et du Missel: par la BulleDivino afflatu du 1er novembre 1911, il traça les grandes lignes de cette importante réforme, à l'issu de quoi le nouveau Bréviaire et le nouveau Missel furent publiés.
Comme chacun le sait, les Saints et les Bienheureux sont nos intercesseurs auprès de Dieu. Nous recourons à eux pour obtenir les grâces dont nous avons besoin. Pie X canonisa donc quatre Saints et béatifia soixante-treize Bienheureux :
Canonisations :
11 décembre 1904 : |
saint Alexandre sauli, barnabite, Supérieur de sa congrégation, puis évêque du diocèse d'Aléria. |
20 mai 1909 : |
saint Joseph Oriol, Chanoine de Sainte-Marie du Pin, près de Barcelone. |
Béatifications :
18 décembre 1904 : |
Bx. Gaspar del Buffalo, fondateur de la congrégation des Missionnaires du Précieux-sang |
27 décembre 1904 : |
Bx. Etienne Bellesini, Ermite de l'Ordre de St. Augustin, puis curé de Notre-Dame de Gennazano |
1er janvier 1905 : |
Bx. Agathange de Vendôme, Capucin à Vendôme, fut envoyé en Egypte. Martyr en Abyssinie. |
8 janvier 1905 : |
Bx. Jean-Marie Vianney, curé d'Ars, en France |
15 janvier 1905 : |
Bx. Marc Crison, Chanoine, brutalement tué par des soldats calvistes à Körösi, en Hongrie. |
13 mai 1906 : |
Bse. Julie Billiart, Fondatrice de l'institut de N.D pour l'éducation chrétienne des filles, à Amiens (France). |
20 mai 1906 : |
Les huit Martyrs dominicains du Tonkin, Missionnaires envoyés au Viêt-nam, Martyrisés à Tonkin, en 1745 |
27 mai 1906 : |
Les seize Carmélites de Compiègne, Religieuses Martyrs sous la Révolution française, exécutées en 1794. |
10 juin 1906 : |
Bx. Bonaventure Gran, Frère mineur, fonda plusieurs maisons de retraite de son Ordre, en Italie. |
17 mai 1908 : |
Bse. Marie-Madeleine Postel, Fondatrice des Sœurs des écoles chrétiennes. |
24 mai 1908 : |
Bse. Madeleine-Sophie Barat, Fondatrice de la congrégation du Sacré-Cœur de Jésus. |
31 mai 1908 : |
Gabriel dell'Addolorata, Passioniste. |
18 avril 1909 : |
Bse. Jeanne d'Arc, Fille de paysans, elle délivra la France des anglais. |
25 avril 1909 : |
Bx. Jean Eudes, fonda la congrégation N.D de la Charité du refuge, et la Société de Jésus et de Marie. |
2 mai 1909 : |
Trente-quatre missionnaires Martyrs d'Extrême-Orient, Missionnaires envoyés en Chine, martyrs |
Le cinquantième anniversaire de la proclamation du Dogme de l'Immaculée Conception fut pour Pie X un motif de plus de faire aimer la Vierge Marie. L'Encyclique Ad diem illum, du 2 février 1904 exhorte tous les fidèles à honorer cette bonne Mère du Ciel et à implorer souvent sa protection.
Quatre ans plus tard, on y célébra le cinquantenaire de l'Apparition de la Sainte Vierge à Lourdes.
LE LEGISLATEUR
Le 19 mars 1904, Pie X décida qu'il fallait codifier le Droit canonique. Dans ce but, il établit une commission de Cardinaux chargée d'établir des projets de lois. Le nouveau code fut publié sous Benoît XV, son successeur, mais cela n'enlève rien à la gloire de Pie X, qui vraiment mit toute son âme au service de son élaboration.
En France, la famille commençait à être attaquée par les idées franc-maçonnes. Aussi, pour protéger l'intégrité de la famille, Pie X modifia, par décret Ne temere, du 2 août 1907, les règles relatives aux fiançailles et à la célébration du mariage.
LA MORT DU SAINT PAPE
1914 : la première guerre mondiale éclate !. On ne saurait dire la souffrance de Pie X à la pensée de l'affreuse tuerie sur les champs de bataille. L'ardente prière pour la paix qu'il envoya à tous les catholiques du monde, le 2 août 1914, fut l'expression la plus émouvante de sa douleur.
Une bronchite avait affaibli sa robuste constitution, mais surtout la vision de cette horrible guerre, de jour en jour plus sanglante, l'avait abattu. L'auguste malade passait ses journées et ses nuits à prier, pour le retour de la paix. Cependant, son état de santé empirait de jour en jour.
Le 19 août 1914, le Prélat Sacriste lui administra les derniers sacrements, qu'il reçut avec beaucoup de piété. Il avait perdu déjà l'usage de la parole, mais il gardait sa lucidité et comprenait tout. A une heure et quart du matin (donc la nuit du 19 au 20), le saint Pape rendait son âme à Dieu.
LE TESTAMENT DE PIE X
Pie X débute son testament par une invocation à la Très Sainte Trinité, suivie d'un acte de confiance en la divine miséricorde, puis il ajoute :
« Je suis né pauvre, j'ai vécu pauvre et je veux mourir pauvre. Je prie le Saint-Siège d'accorder à mes sœurs Anne et Marie une pension qui ne dépasse pas 300 francs par mois, et à mon valet de chambre une pension de 60 francs ».
De plus, il lègue 10 000 francs à ses neveux, mais en soumettant ce don à l'approbation de son Successeur, qu'il prie également de considérer s'il est possible de délivrer à sa famille les 100 000 francs qu'un généreux donateur lui remit à cette intention. (Ici, les sommes sont exprimées en anciens francs, valeur 1914. Bien entendu, sur le testament elles apparaissent en lires) Il demande que ses funérailles soient aussi simple que les règles liturgiques le permettent. Il défend d'embaumer son corps, et veut qu'on l'ensevelisse dans les souterrains de la Basilique Vaticane.
Ce que Pie X lègue à ses sœurs suffit à peine à leur assurer le vivre et le couvert. Aussi, les parents du Serviteur de Dieu restèrent-ils, après sa mort, dans l'humble condition où ils se trouvaient lors de son élévation au Saint-Siège.
La dépouille mortelle de Pie X, revêtue des ornements pontificaux, fut exposée dans la Salle du Trône, puis on le transporta à la Basilique saint Pierre et exposée dans la chapelle du Très Saint Sacrement. La cérémonie religieuse eut lieu le 23 août 1914.
Le premier procès en vue de sa canonisation eut lieu le 14 février 1923 et dura jusqu'en 1931. Douze années plus tard, le Pape Pie XII ouvrit le second procès et, le 3 juin 1951 au matin, après le chant des Litanies des Saints, Pie X fut solennellement proclamé Bienheureux dans la Basilique Saint Pierre de Rome, puis enfin canonisé en 1954.
http://www.fatima.be/fr/pontife/index.php
Bien cher Ami de l'Abbaye Saint-Joseph,
En ce 3 août 1903, dans la chapelle Pauline du Vatican, un Cardinal est à genoux, en pleurs, absorbé dans une pro- fonde prière. S'approchant de lui, un jeune prélat espagnol, Mgr Merry del Val, lui transmet à voix basse un message du Doyen du Sacré-Collège: est-il toujours décidé à refuser la papauté s'il est élu? «Oui, oui, Monseigneur, répond le Cardinal Giuseppe Sarto, Patriarche de Venise, dites au Cardinal-doyen qu'il me fasse cette charité de ne plus penser à moi». Plus tard dans la journée, le Cardinal Sarto, bouleversé, continue à résister aux instances de ses confrères; il s'affirme indigne du Souverain Pontificat, incapable de porter une charge si écrasante. «Retournez donc à Venise si c'est votre désir, lui dit gravement le Cardinal Ferrari, mais vous y retournerez l'âme bourrelée d'un remords qui vous obsédera jusqu'à la fin de votre vie!»
Le lendemain, les voix des électeurs se portent, comme prévu, sur le Cardinal Sarto. Celui-ci s'abandonne entre les mains de Dieu et déclare: «S'il n'est pas possible que ce calice s'éloigne de moi, que la volonté de Dieu soit faite! J'accepte le Pontificat comme une croix. – De quel nom voulez-vous être appelé? – Parce que les Papes qui ont le plus souffert au siècle passé pour l'Église ont porté le nom de Pie, je prendrai ce nom». Il devient donc le Pape Pie X.
D'origine fort modeste, Giuseppe (Joseph) Sarto est né à Riese, petit village du diocèse de Trévise en Vénétie (Italie du Nord), le 2 juin 1835. Son père est agent communal; il ne possède qu'une humble maisonnette et un maigre champ. La seule richesse de ses parents est une foi simple et profonde qu'ils transmettent à leurs enfants, au nombre de dix. Giuseppe entend très jeune l'appel au sacerdoce; il y répond avec ferveur et reçoit l'ordination sacerdotale le 18 septembre 1858. La divine Providence le conduit à servir l'Église dans les différents degrés de la hiérarchie, devenant successivement vicaire, curé, directeur spirituel du séminaire de Trévise, évêque de Mantoue, et enfin Patriarche de Venise, avant d'être élu Pape, responsabilité écrasante qui pouvait à juste titre l'effrayer!
La voie d'accès vers Jésus-Christ
Le Pape est le Successeur de l'Apôtre saint Pierre, à qui Jésus-Christ a dit: Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux: tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux (Mt 16, 19). «Le «pouvoir des clefs» désigne l'autorité pour gouverner la maison de Dieu, qui est l'Église» (Catéchisme de l'Église Catholique, CEC, 553). Le Pontife romain reçoit du Christ une mission universelle; il doit annoncer l'Évangile au monde entier et guider toute l'Église, pasteurs et fidèles, dans la fidélité à l'Évangile. Il parle et agit, non par autorité propre, mais en vertu de l'autorité du Christ, dont il est le Vicaire.
Dès sa première encyclique, E supremi apostolatus, du 4 octobre 1903, Pie X fait savoir au monde entier quel sera le programme de son pontificat: «Tout restaurer dans le Christ, afin que le Christ soit tout et en tous (cf. Ép 1, 10 et Col 3, 11)... Ramener le genre humain à l'empire du Christ. Cela fait, l'homme se trouvera, par là même, ramené à Dieu... Or, où est la voie qui nous donne accès auprès de Jésus-Christ? Elle est sous nos yeux: c'est l'Église... C'est pour cela que le Christ l'a établie, après l'avoir acquise au prix de son Sang, pour cela qu'il lui a confié sa doctrine et les préceptes de sa loi, lui prodiguant en même temps les trésors de la grâce divine pour la sanctification et le salut des hommes... Il s'agit de ramener les sociétés humaines, égarées loin de la sagesse du Christ, à l'obéissance de l'Église; l'Église, à son tour, les soumettra au Christ, et le Christ à Dieu». Le Concile Vatican II enseigne dans le même sens: «Dieu a Lui-même fait connaître au genre humain la voie par laquelle, en Le servant, les hommes peuvent obtenir le salut dans le Christ et parvenir à la béatitude. Cette unique vraie religion, nous croyons qu'elle subsiste dans l'Église catholique et apostolique à qui le Seigneur Jésus a confié le mandat de la faire connaître à tous les hommes...» (Dignitatis humanæ, 1).
Porter remède à l'ignorance
Dieu veut le salut de tous par la connaissance de la vérité. À cette extraordinaire bienveillance de Dieu, correspond un devoir de la part de l'homme: «En vertu de leur dignité, tous les hommes, parce qu'ils sont des personnes, c'est-à-dire doués de raison et de volonté libre, et par suite, pourvus d'une responsabilité personnelle, sont pressés par leur nature même et tenus par obligation morale à chercher la vérité, celle tout d'abord qui concerne la religion. Ils sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès qu'ils la connaissent et à régler toute leur vie selon les exigences de cette vérité» (Ibid., 2). L'un des soucis majeurs de Pie X, exprimé dans l'encyclique Acerbo nimis, du 15 avril 1905, est d'assurer la connaissance et la transmission de la foi au moyen du catéchisme; l'ignorance religieuse, déclare-t-il, est «la principale cause du relâchement actuel, de la débilité des âmes et des maux très graves qui s'ensuivent... Là où l'esprit est enveloppé des ténèbres d'une épaisse ignorance, il est impossible que subsistent une volonté droite ou de bonnes moeurs. Car, s'il est possible à celui qui marche les yeux ouverts de s'écarter du chemin droit et sûr, ce danger menace certainement celui qui est atteint de cécité. Ajoutez que, si la lumière de la foi n'est pas complètement éteinte, elle donne l'espoir d'un amendement des moeurs corrompues; mais si les deux s'unissent, corruption des moeurs et défaillance de la foi par ignorance, à peine y aura-t-il place au remède, et le chemin de la perdition est ouvert». En 1905, Pie X fait publier pour le diocèse de Rome un catéchisme qui reste un modèle du genre. Le Pape Jean-Paul II partage ce désir de fournir à tous un enseignement catéchétique sûr; en 1986, lors de son voyage à Lyon, il faisait part de sa grave préoccupation: «L'ignorance religieuse s'étale de façon déconcertante, le besoin d'une proposition claire et ardente de la foi se fait d'autant plus sentir...» En réponse à ce besoin, le Saint-Père a publié, en 1992, le Catéchisme de l'Église Catholique, exposé systématique des vérités de la foi, un texte de référence pour notre temps.
La charité de Don Sarto à l'égard de tous s'est manifestée dès les premières années de son sacerdoce, au point de devenir légendaire: prompt à tout donner, il n'avait jamais un sou en poche; il se vantait d'être né et de vivre pauvre. L'appel à exercer la plus haute charge dans l'Église ne lui a pas fait perdre la bonté et l'humilité, surtout vis-à-vis des personnes de condition modeste. Se sentant responsable du sort de tous les malheureux, il donne sans compter. Lorsqu'on lui conseille de modérer sa charité pour ne pas mettre l'Église en faillite, il montre ses deux mains, et répond: «La gauche reçoit et la droite donne. Si je donne d'une main, je reçois beaucoup plus de l'autre». Cette charité inépuisable découle de son union intime avec Dieu. Le Cardinal Merry del Val, son Secrétaire d'État, a témoigné: «Dans toutes ses actions, il s'inspirait toujours de pensées surnaturelles et manifestait qu'il était uni à Dieu. Pour les affaires les plus importantes, il jetait les yeux sur le Crucifix et s'inspirait de lui; en cas de doute, il ajournait sa décision et avait coutume de dire, fixant toujours le Crucifix: «C'est Lui qui décidera»».
Un mal au sein de l'Église
Pasteur vigilant du troupeau du Christ, Pie X discerne le danger que représente pour la foi de l'Église un courant de pensée apparu vers la fin du XIXe siècle. Un groupe d'intellectuels, sous couvert d'adaptation à la mentalité moderne (d'où le nom de «modernistes»), s'est mis en tête de changer radicalement l'enseignement dogmatique et moral de l'Église. Décidés à rester dans l'Église pour la transformer plus efficacement, ils se proposent de lui donner un nouveau Credo et de nouveaux Commandements, gardant le vocabulaire catholique, mais transformant sa signification profonde selon leurs propres idées. Après plusieurs appels charitables aux égarés, et devant leur obstination, Pie X publie, le 3 juillet 1907, le décret Lamentabili, qui énumère les erreurs modernistes; deux mois plus tard, l'Encyclique Pascendiexpose magistralement en quoi ce système est contraire à la saine philosophie et à la foi catholique.
Le système moderniste repose sur des principes philosophiques erronés: l'agnosticisme absolu, c'est-à-dire l'impossibilité pour l'esprit humain de parvenir à des certitudes; et l'immanentisme, selon lequel Dieu ne peut pas être connu de façon objective par des preuves s'appuyant sur la raison, mais uniquement par l'expérience subjective de chacun. Ces principes conduisent à nier l'existence d'une vérité objective et, par conséquent, la possibilité d'une Révélation divine. Finalement, la religion se réduit à des symboles. Dieu lui-même n'est plus le Créateur transcendant (c'est-à-dire préexistant à l'univers et le dépassant) mais seulement une force immanente, «l'âme universelle du monde», ce qui mène droit au panthéisme (identification du monde avec Dieu); Jésus-Christ n'est qu'un homme extraordinaire dont la personne historique a été transfigurée par la foi. De là vient la distinction moderniste entre le Christ de l'histoire, qui n'est qu'un homme mort sur une croix en Palestine, et le Christ de la foi, que les disciples imaginent être «ressuscité» et qu'ils «divinisent» dans leur coeur. Ainsi le modernisme conduit à la dissolution de tout contenu religieux précis. C'est pourquoi le saint Pape le définissait: la synthèse et le rendez-vous de toutes les hérésies qui tendent à détruire les fondements de la foi et à anéantir le Christianisme.
Un critère de fidélité à Dieu
Les mesures prises par Pie X pour porter remède à ce mal, entré «presque aux entrailles mêmes et aux veines de l'Église», produisent en peu d'années le déclin du modernisme. Les principaux fauteurs sont écartés de l'enseignement catholique et une nouvelle impulsion est donnée aux études philosophiques et théologiques selon les principes de saint Thomas d'Aquin. Ferme sur la doctrine, Pie X est plein de bonté envers les tenants de l'erreur. En 1908, il recommande au nouvel évêque de Châlons (France): «Vous allez être l'évêque de l'abbé Loisy (prêtre excommunié en raison de son obstination dans le modernisme). À l'occasion, traitez-le avec bonté et, s'il fait un pas vers vous, faites-en deux vers lui». Application concrète de son principe: «Combattre les erreurs, sans toucher aux personnes».
Ainsi, Pie X accomplit sa mission de «protéger le Peuple de Dieu des déviations et des défaillances, et de lui garantir la possibilité objective de professer sans erreur la foi authentique» (CEC 890). À la sollicitude paternelle du Souverain Pontife, doit correspondre une attitude filiale de docilité et de soumission de la part des fidèles. Car Jésus-Christ a dit à ses apôtres: Celui qui vous écoute, m'écoute, et celui qui vous méprise, me méprise; or, celui qui me méprise, méprise Celui qui m'a envoyé (Lc 10, 16). L'obéissance au Magistère de l'Église et spécialement à son chef visible, le Pape, est un critère indispensable de fidélité à Dieu. Pie X le souligne dans un discours, le 10 mai 1909: «Ne vous laissez pas tromper par les subtiles déclarations de ceux qui ne cessent de prétendre vouloir être avec l'Église, aimer l'Église, combattre pour que le peuple ne s'éloigne pas d'elle... Mais jugez-les d'après leurs oeuvres. S'ils méprisent les pasteurs de l'Église et même le Pape, s'ils essayent tous les moyens de se soustraire à leur autorité pour éluder leurs directions et leurs avis..., de quelle Église ces hommes ont-ils l'intention de parler? Non, certes, de celle établie sur le fondement des apôtres et des prophètes, dont la pierre d'angle est le Christ Jésus (Ép 2, 19)».
Encore d'actualité
Cependant le modernisme, si vigoureusement dénoncé par Pie X, n'a pas disparu. En 1950, Pie XII, dans l'encyclique Humani generis, met en garde contre diverses erreurs dont plusieurs sont apparentées au modernisme. Le philosophe Jacques Maritain écrira dans son livre Le Paysan de la Garonne (1966) que «le modernisme du temps de Pie X n'était qu'un modeste rhume des foins» par rapport au courant néo-moderniste. Lors de l'Audience générale du 19 janvier 1972, le Pape Paul VI dénoncera «des erreurs qui pourraient ruiner complètement notre conception chrétienne de la vie et de l'histoire. Ces erreurs se sont exprimées d'une façon caractéristique dans le modernisme qui, sous d'autres noms, est encore d'actualité». Le 14 septembre de la même année, le Cardinal Heenan, Archevêque de Westminster, faisant écho à cette déclaration du Pape, remarquera que si le mot «hérétique» n'est plus employé de nos jours, «les hérétiques n'en continuent pas moins d'exister. L'hérésie numéro un est celle que l'on avait coutume d'appeler modernisme... Le modernisme est de retour et il apparaîtra de nouveau comme la principale menace contre l'Église de demain. Étant donné que l'autorité sous toutes ses formes est devenue universellement impopulaire, le climat n'a jamais été plus favorable à une attaque renouvelée contre l'autorité de Dieu et le Magistère de son Église. La Résurrection, la Sainte Trinité, l'immortalité de l'âme, les sacrements, le Sacrifice de la Messe, l'indissolubilité du mariage, le droit à la vie des enfants non encore nés, des vieillards et des malades incurables: toutes ces doctrines admises jusqu'à présent sans problème par les Catholiques, seront vraisemblablement l'objet d'attaques à l'intérieur de l'Église de demain». L'expérience des trente dernières années manifeste la justesse de cette analyse et devrait susciter un intérêt renouvelé pour l'enseignement de saint Pie X.
Initiatives hardies
Certains écrivains ont présenté le Pape Pie X comme un ennemi du progrès; son pontificat aurait été polarisé par «la chasse aux modernistes». En réalité, c'est un Pasteur fort attentif aux réalités de son temps et guidé uniquement par le bien spirituel des âmes. Persuadé que la Tradition est vivante, il entreprend hardiment d'importantes réformes qu'il juge nécessaires pour «rajeunir» l'Église.
«Il faut, aime à dire notre saint, que mon peuple prie sur de la beauté». Constatant que la musique sacrée n'atteint pas toujours son but, qui est de mettre en valeur le texte liturgique et de disposer ainsi les fidèles à une plus grande dévotion, le Pape, sans exclure d'autres formes légitimes de chant sacré, rappelle, dans le Motu Proprio Tra le sollecitudini, du 22 novembre 1903, que le chant grégorien concourt éminemment à la fin de la liturgie: la glorification de Dieu et la sanctification des fidèles. Aussi, encourage-t-il la restauration de ce chant. Le Concile Vatican II affirmera, lui aussi: «L'Église reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine; c'est donc lui qui, dans les actions liturgiques, toutes choses égales d'ailleurs, doit occuper la première place» (Sacrosanctum concilium, 116).
En 1905, selon le voeu exprimé par le Concile de Trente, mais resté jusque-là lettre morte, Pie X, par le décret Sacra Tridentina Synodus, prend une initiative pastorale de grande importance: à l'encontre d'une pratique enracinée depuis des siècles, il ouvre l'accès à la Communion fréquente, et même quotidienne, pour tous ceux qui le désirent. Il leur suffit d'être en état de grâce et d'avoir une intention droite: c'est-à-dire de communier «non pas par habitude, ou par vanité, ou pour des raisons humaines, mais pour satisfaire à la volonté de Dieu, s'unir à Lui plus intimement par la charité et, grâce à ce divin remède, combattre ses défauts et ses infirmités». Il est également nécessaire d'observer le jeûne prescrit (aujourd'hui, au moins une heure avant la Communion) et d'avoir une tenue vestimentaire digne. Cinq ans plus tard, Pie X autorise les enfants à faire leur première Communion dès l'éveil de la raison. Jusqu'alors, il était d'usage d'attendre l'âge de 12 ou 13 ans. Le Pape considère cette réforme comme une grâce inestimable pour les âmes des enfants: «La fleur de l'innocence, avant d'être touchée et flétrie, ira s'abriter près de Celui qui aime à vivre parmi les lys; imploré par les âmes pures des petits enfants, Dieu retiendra son bras de justice». C'est donc à juste titre qu'on appelle parfois saint Pie X «le Pape de l'Eucharistie».
Pour répondre scientifiquement aux objections de la science et de l'exégèse moderniste, le saint Pape fonde, en 1909, l'Institut Biblique, auquel il donne pour mission l'approfondissement des études dans l'ordre linguistique, historique et archéologique, favorisant ainsi une meilleure connaissance de la Sainte Écriture. Il est fermement convaincu que l'Église n'a rien à craindre de la vraie science, et que les méthodes les plus modernes de recherche peuvent et doivent être mises au service de la foi.
Afin de rendre l'Église toujours plus apte et ouverte au cheminement des hommes vers Jésus-Christ, saint Pie X ordonne la mise à jour et la codification des lois ecclésiastiques devenues, au cours des âges, nombreuses et complexes. Cette oeuvre sera menée à terme par son successeur, le Pape Benoît XV, en 1917. De même, pour faciliter le ministère des prêtres, il opère une réforme du Bréviaire romain, au moyen d'une nouvelle distribution des psaumes pour chaque jour et d'une révision des rubriques.
Perdons les églises, mais sauvons l'Église!
En 1905, la France, au pouvoir de forces hostiles à l'Église, rompt les relations diplomatiques avec le Saint-Siège, déclare la séparation de l'Église et de l'État, et prétend remettre les biens ecclésiastiques à des «associations cultuelles» où les évêques n'auront plus d'autorité effective. Par l'Encyclique Vehementer, du 11 février 1906, Pie X réprouve ces mesures injustes. La thèse de la séparation de l'Église et de l'État, dit-il, est «absolument fausse». En effet, «le Créateur de l'homme est aussi le Fondateur des sociétés humaines... Nous lui devons donc non seulement un culte privé, mais un culte public et social pour l'honorer...» De plus, la société civile «ne peut pas prospérer ni durer longtemps lorsqu'on n'y fait point sa place à la religion, règle suprême et souveraine maîtresse quand il s'agit des droits de l'homme et de ses devoirs». Pie X ayant refusé les «associations cultuelles» ainsi que les 40 millions de francs par an promis au culte par le gouvernement français, celui-ci confisque aussitôt tous les biens de l'Église, réduisant le clergé à vivre d'aumônes. Ce refus de Pie X stupéfie les ennemis de l'Église, mais sauve l'unité et la liberté de celle-ci. «Je sais que quelques-uns se préoccupent des biens de l'Église, disait-il; moi, je me préoccupe du bien de l'Église. Perdons les églises, mais sauvons l'Église».
Au début de son pontificat, Pie X écrivait: «Chercher la paix sans Dieu est une absurdité». Ayant souvent prévu et prédit une grande guerre entre les nations européennes, il multiplie les démarches diplomatiques pour éviter cette tragédie. Néanmoins, à l'été 1914 se déclenche la première guerre mondiale. Le coeur du Saint-Père est brisé. Dans son angoisse, il répète jour et nuit: «J'offre en holocauste ma misérable vie pour empêcher le massacre de tant de mes enfants... Je souffre pour tous ceux qui tombent sur les champs de bataille...» Le 15 août, il éprouve un malaise général, et le 19, il est aux portes de la mort. «Je me mets dans les mains de Dieu», dit-il avec une tranquillité surnaturelle. Vers midi, on lui administre les derniers Sacrements, qu'il reçoit, calme et serein, en toute lucidité d'esprit, avec une admirable dévotion. Le 20 août 1914, à une heure du matin, faisant un lent signe de croix et joignant les mains, comme s'il célébrait la Messe, ayant baisé un petit crucifix, le saint Pontife entre dans la vie éternelle.
Béatifié en 1951, Pie X fut canonisé le 29 mai 1954 par le Pape Pie XII. Lors d'une visite pastorale à Trévise en 1985, le Pape Jean-Paul II a fait son éloge en ces termes: «Il a eu le courage d'annoncer l'Évangile de Dieu au milieu de nombreuses luttes... Il travailla avec grande sincérité à mettre en lumière les replis trompeurs du système théologique du modernisme, avec grand courage, mû dans son engagement uniquement par le désir de vérité, afin que la Révélation ne soit pas défigurée dans son contenu essentiel. Ce grand dessein contraignit Pie X à un continuel travail intérieur pour ne pas chercher à plaire aux hommes. Nous savons bien quelle adversité il dut souffrir, justement par l'impopularité à laquelle il s'exposa par ses choix. Comme disciple fidèle du Maître Jésus, il voulut être agréable à Dieu, qui éprouve nos coeurs».
Prions saint Pie X de nous inspirer le désir de plaire à Dieu seul, ainsi qu'un esprit de soumission filiale à la Sainte Église Catholique.
Dom Antoine Marie osb, abbé
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Date de dernière mise à jour : 2018-02-14
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