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Passioniste de Polynésie

Bse Maria Pierina de Micheli

Bse maria pierina de micheliDu rez-de-chaussée, qui abrite la crèche, montent les cris des enfants qui jouent. Ici, à l’étage supérieur, règnent le silence et la prière. Et il y a une harmonie secrète qui lie le silence de cet étage où se trouvent les cellules des sœurs, aux jeux des enfants qui se déroulent en bas. Comme des réalités qui se mêlent, se croisent, renvoient les unes aux autres dans ce coin du monde qui se trouve au cœur de Rome. Entouré de verdure, l’Institut du Saint-Esprit se trouve à l’arrière du Testaccio, un quartier qui est un peu le symbole de la romanité et abrite les Filles de l’Immaculée Conception de Buenos Aires. Mère Pierina De Micheli, au siècle Giuseppina, proclamée bienheureuse le 30 mai 2010, appartenait à cette Congrégation. Ses affaires sont encore là, au premier étage, dans cette pièce qui a été pendant des années sa chambre: bien rangées, en ordre, présentées comme pour un petite exposition. C’est une sœur qui nous fait visiter cette pièce, tout en indiquant sur le côté de la porte d’entrée une vitrine dans laquelle sont conservés les objets qui rappellent les nombreuses attentions dont la bienheureuse a été l’objet au cours de sa vie. Parmi ceux-ci, on remarque une petite statue de céramique représentant l’Enfant Jésus qui, semble-t-il, explique notre accompagnatrice, a embrassé Mère Pierina. En face, une autre vitrine dans laquelle sont conservés les souvenirs les plus sombres: son crucifix brisé, les restes d’une couverture brûlée; des objets qui ont été trouvés dans sa cellule et qui, expliquent les sœurs, témoignent de la haine féroce que le diable nourrissait à son égard. Quelques pas, juste ce qu’il faut pour arriver au bout du couloir, et s’ouvre la petite chapelle de l’Institut où repose le corps de la bienheureuse qui se trouve encore là, parmi les sœurs. Un prie-Dieu a été placé devant le sarcophage pour les dévots qui viennent lui adresser leur prière de tous les coins de Rome. La tombe est dans une niche latérale de sorte que la Mère, maintenant qu’elle est morte, semble encore obéir à la petite règle à laquelle elle s’est conformée toute sa vie, celle de rester cachée au monde, près de Jésus, à côté de Jésus.

Giuseppina De Micheli est une Romaine d’adoption. Elle est née à Milan, en 1890, dernière d’une famille nombreuse qui donnera à l’Église deux sœurs, Teofila et Luigia, et un prêtre, Riccardo. Nous nous servirons, pour raconter sa vie qui a été marquée dès l’enfance par une amitié singulière avec Jésus, d’une lettre qu’elle adressa au pape Pie XII en 1943, à l’occasion d’une visite à Saint-Pierre. La bienheureuse écrit: «J’avais douze ans quand, le Vendredi Saint, j’attendais dans ma paroisse mon tour de baiser le crucifix, lorsqu’une voix distincte dit: “Personne ne me donne un baiser d’amour sur le visage pour réparer le baiser de Judas?”. Je crus, dans mon innocence d’enfant, que la voix avait été entendue par tout le monde et je fus très peinée de voir qu’on continuait à déposer le baiser sur ses plaies et que personne ne pensait à le baiser sur son Visage. Je vais te le donner, moi, le baiser d’amour, patience, et, le moment venu, je lui imprimai un fort baiser sur le Visage avec toute l’ardeur de mon cœur. J’étais heureuse, croyant que Jésus, désormais content, n’éprouverait plus cette peine». Depuis ce jour-là, le Visage de Jésus fut l’objet d’une profonde dévotion de la part de Giuseppina: «Depuis ce jour», écrit-elle encore dans sa lettre, «le premier baiser au crucifix était à Son Saint Visage».

Petite fille, elle aime enseigner le catéchisme aux enfants et elle s’empresse d’accompagner le prêtre lorsqu’il va administrer l’extrême-onction aux mourants parce que, explique-t-elle à qui l’interroge, il est beau d’accompagner une âme vers le Paradis. On ne sait pas très bien quand naît en elle la vocation à la vie consacrée: peut-être pendant la prise de voile de l’une de ses sœurs, peut-être avant. Ce qu’il y a de sûr, c’est que, d’une certaine façon, depuis l’enfance, cette vie à la fois l’attire et lui fait peur. Quand on l’interroge sur ce point, elle répond de façon évasive. Dans une lettre, don Riccardo, son frère prêtre auquel Giuseppina s’est beaucoup liée après la mort de ses parents, parlant avec ironie de son hésitation, lui écrit: «Pour toi les sœurs doivent venir de l’autre monde». Quelques mois plus tard, le prêtre fait la connaissance de sœurs qui viennent d’arriver à Milan: elles appartiennent à la Congrégation des Filles de l’Immaculée Conception et leur maison-mère est à Buenos Aires. Il ne lui reste plus qu’à annoncer à sa petite sœur que les sœurs de l’autre monde sont enfin arrivées… Vainquant ses dernières hésitations, Giuseppina entre dans la Congrégation et devient Sœur Maria Pierina.

Après une intense période de formation, elle est envoyée en Argentine où elle prononce ses vieux perpétuels. À la fin de 1921, elle revient en Italie, dans la maison que les sœurs ont ouverte à Milan où, plus tard, elle devient Supérieure. Durant cette période, son amitié avec Jésus, qui lui apparaît plusieurs fois, se fait plus chère et familière. Elle écrit dans sa lettre adressée au Pape: «Son regard était tout entier pour moi. Nous nous regardions toujours et nous faisions des concours d’amour. Je Lui disais: “Jésus, aujourd’hui c’est moi qui t’ai regardé le plus” et Lui répondait: “Prouve-le-moi si tu peux”. Je lui rappelais les nombreuses fois que je le regardais sans qu’il le sente, mais c’est toujours Lui qui gagnait ».
C’est dans cette atmosphère qu’a lieu un autre épisode important de la vie de la bienheureuse, épisode qui est d’ailleurs, le sujet principal de cet article. Voici le récit que fait Mère Pierina dans sa lettre à Pie XII: «Le 31 mai 1938, alors que je priais dans la chapelle de mon noviciat, une Belle Femme se présenta à moi: elle tenait à la main un scapulaire formé de deux morceaux de flanelle blanche, unis par un cordon. L’un des morceaux portait l’image du Saint Visage de Jésus, l’autre une Hostie entourée de rayons. Elle s’approcha et me dit: “Écoute bien et rapporte tout exactement au père. Ce scapulaire est une arme de défense, un bouclier de force, un gage d’amour et de miséricorde que Jésus veut donner au monde en ces temps de sensualité et de haine de Dieu et de l’Église. Des filets diaboliques sont tendus pour arracher la foi des cœurs, le mal se répand, les vrais apôtres sont rares, un remède divin est nécessaire et ce remède c’est le Saint Visage de Jésus. Tous ceux qui endosseront un scapulaire comme celui-ci et feront, si possible tous les mardis, une visite au Saint-Sacrement pour réparer les outrages qu’a reçus Son Saint Visage durant Sa Passion et qu’il reçoit tous les jours dans le sacrement eucharistique, seront fortifiés dans la foi, prêts à la défendre et à surmonter toutes les difficultés intérieures et extérieures; ils auront de plus une mort sereine sous l’aimable regard de mon Divin Fils”».

La Mère devient ainsi une promotrice zélée de la dévotion au Visage de Jésus, laquelle se diffuse rapidement autour de l’Institut. Elle s’aperçoit malheureusement qu’il n’est pas aisé de diffuser des scapulaires. Elle a ainsi l’idée de graver sur les deux faces d’une médaille ce qui a été demandé par la Vierge. Une idée qui reçoit bientôt le soutien divin: dans une apparition suivante, la Belle Femme la rassure en lui disant que les médailles seront accompagnées des promesses liées au port du scapulaire.

Dans sa recherche d’une image pour la médaille, Mère Pierina tombe sur une photographie du Saint-Suaire – prise par Giovanni Bruner – qui reproduit le Visage de Jésus. Une image très célèbre à Milan, car le photographe l’avait offerte à l’archevêque de la ville, le bienheureux cardinal Ildefonso Schuster, lequel, à son tour, l’avait intronisée avec la plus grande dévotion dans une église dédiée justement au Saint Visage. Malheureusement, la réalisation des médailles se heurte à des difficultés d’ordre économique et bureaucratique qui, pour la pauvre Mère, semblent insurmontables. Elle cherche une aide auprès de son père spirituel, le père Rosi, un jésuite, qui lui conseille de s’en remettre à la Providence. Elle suit ce conseil mais ne se trouve pas réconfortée.

Dans l’entretemps, nous sommes en septembre 1939, elle est envoyée à Rome avec la charge de Supérieure régionale, dans la nouvelle maison que la Congrégation a réussi ouvrir dans la capitale, grâce, entre autres, au contrôle infatigable qu’elle exerce sur les opérations. C’est là qu’elle rencontre l’abbé Ildebrando Gregori (dont est en cours le procès de béatification), de la Congrégation des moines bénédictins Silvestrini, qui devient son nouveau père spirituel et qui sera pour elle un appui sûr toute sa vie. Et c’est là que, finalement, elle réussit à produire les médailles qui lui tiennent tant à cœur. Un petit prodige lui vient aussi en aide. Voici comment Mère Pierina raconte l’histoire dans la lettre au Pape dont nous avons déjà parlé: «J’écrivis au photographe Bruner pour lui demander de m’autoriser à utiliser l’image du Saint Visage qu’il avait reproduite et j’obtins cette autorisation. Je présentai à la Curie de Milan la demande d’autorisation, laquelle me fut accordée le 9 août 1940. Je chargeai la fabrique Johnson du travail, qui fut long parce que Bruner voulait vérifier tous les essais. Quelques jours avant qu’on me livre les médailles, je trouvai sur la table de ma chambre une enveloppe, je regarde et je vois 11 200 lires. C’était exactement la somme que je devais payer. Les médailles furent toutes distribuées gratuitement et la même Providence se répéta plusieurs fois pour d’autres commandes; et la médaille se diffusait opérant des grâces remarquables. […] C’est pourquoi l’ennemi est en colère et il a semé le désordre et le sème encore de nombreuses manières. Plusieurs fois, durant la nuit, il a jeté par terre les médailles dans les couloirs et les escaliers, il a déchiré les images, en proférant des menaces et en les foulant au pied».

Dans cette dernière partie de la lettre, la Mère évoque les très dures épreuves que le démon lui a fait subir. Épreuves qu’elle ne laisse transparaître d’aucune façon mais qu’elle note avec soin dans son journal, en obéissant à une disposition précise de l’abbé Grégori. Peines accueillies avec joie pour le bien des âmes («En ce moment je trouve ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Église», Col 1, 24). Une extraordinaire force de volonté? Plus simplement et de façon plus réaliste, le témoignage d’une grâce singulière et d’un aussi singulier abandon à Dieu. Ce n’est pas elle qui combat et qui emporte la victoire: «Jésus a vaincu en moi» est l’expression qui revient le plus souvent dans les pages de son journal. Et c’est Jésus lui-même, note-t-elle encore sur son carnet en février 1942, qui lui explique: «Sois tranquille, ton cœur, c’est moi qui l’ai conservé pur, sans aucun mérite de ta part, pour en faire l’objet de mes complaisances». Et dans cet abandon, accompagné et soutenu par des «délices de paradis», elle écrit: «Comme je sens ma nullité et ma misère face à tant de bonté! Il est si beau d’être petit, petit, incapable de tout…».

Un embrassement qui permettra à Mère Pierina de resplendir de foi, d’espérance et de charité dans les années de guerre aussi, années durant lesquelles elle s’ôte le pain de la bouche pour donner à manger à ceux qui ont faim et se prodigue pour diffuser les médailles représentant le Visage de Jésus. À ce propos, l’abbé Gregori, témoignant au procès de béatification, rappelle comment «on réussit à faire parvenir quelques-unes de celles-ci aux condamnés à mort et aux recherchés politiques et que, pour aucun de ces condamnés à mort, la sentence ne fut exécutée».
La guerre à peine finie, la Mère décide d’aller dans le nord de l’Italie pour embrasser ses sœurs que le conflit avait isolées de Rome. Partie en juin 1945, après un bref séjour à Milan, elle se rend à la maison de Centonara d’Artò, où des novices l’attendent pour prononcer leurs vœux. Et c’est là qu’épuisée par la fatigue du voyage, elle tombe gravement malade. D’autres fois, dans le passé, elle avait miraculeusement guéri de graves maux, comme le rappelle l’abbé Gregori, entre autres après qu’on lui avait demandé de prier pour sa santé. C’est ce qui semble devoir encore se passer en cette occasion: l’abbé, informé de la situation, envoie un télégramme ainsi formulé: «En vertu d’une sainte obéissance, guérissez dans les trois jours». Mais, malheureusement, à la suite d’une erreur de la poste, le message arrive le 27 juillet, à 11 heures. Trop tard. Mère Pierina est morte dans la nuit.

L’Église a décidé de rappeler la bienheureuse plus que dans le jour de sa mort, ou dies natalisselon la formule canonique, dans le jour de sa naissance (et de son baptême): le 11 septembre. Dans la pièce qui abrite ses affaires, les sœurs ont mis une plaque sur laquelle est inscrite une pensée de la bienheureuse. «C’est un tel soutien de répéter: je ne suis rien, Lui est tout;  je ne peux rien, Lui peut tout». C’est ainsi que l’abandon devient facile comme il l’est aux enfants de l’étage d’en-dessous qui, avec leurs jeux, participent à la joie du Paradis. «Si vous ne devenez pas comme des enfants…».

http://www.30giorni.it/articoli_id_77449_l4.htm

Date de dernière mise à jour : 2019-11-14

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