Saints G
Saint Germain de Constantinople (?-733), évêque
Le trône de la croix
« Le peuple qui était assis dans les ténèbres a vu une grande lumière, et sur les habitants du sombre pays une lumière a resplendi » (Is 9,1), la lumière de la rédemption. En voyant la mort qui le tyrannisait blessée à mort, ce peuple revient des ténèbres à la lumière ; de la mort, il passe à la vie.
Le bois de la croix porte celui qui a fait l'univers. Subissant la mort pour ma vie, celui qui porte l'univers est fixé au bois comme un mort ; celui qui insuffle la vie aux morts rend le souffle sur le bois. La croix ne lui fait point honte, mais comme un trophée, elle atteste sa victoire totale. Il siège en juste juge sur le trône de la croix. La couronne d'épines qu'il porte sur le front confirme sa victoire : « Ayez confiance, j'ai vaincu le monde et le prince de ce monde, en portant le péché du monde. » (Jn 16,33; 1,29)
Que la croix soit un triomphe, les pierres elles-mêmes le crient (cf Lc 19,40), ces pierres du Calvaire où Adam, notre premier père, a été enterré, selon une vieille tradition des pères. « Adam où es-tu ? » (Gn 3,9), crie à nouveau le Christ en croix. « Je suis venu là à ta recherche et, pour pouvoir te trouver, j'ai tendu les mains sur la croix. Les mains tendues, je me tourne vers le Père pour rendre grâce de t'avoir trouvé, puis je les tourne aussi vers toi pour t'embrasser. Je ne suis pas venu pour juger ton péché, mais pour te sauver par mon amour des hommes (cf Jn 3,17). Je ne suis pas venu te maudire pour ta désobéissance, mais te bénir par mon obéissance. Je te couvrirai de mes ailes, tu trouveras à mon ombre un refuge, ma fidélité te couvrira du bouclier de la croix et tu ne craindras pas la terreur des nuits (Ps 90,1-5), car tu connaîtras le jour sans déclin (Sg 7,10). Je chercherai ta vie, cachée dans les ténèbres et à l'ombre de la mort (Lc 1,79). Je n'aurai de repos, jusqu'à ce que, humilié et descendu jusqu'aux enfers pour t'y chercher, je t'aie reconduit dans le ciel. »
In Domini corporis supulturam ; PG 98, 251-260 (trad. Bouchet, Lectionnaire, p. 182 rev.)
Saint Grégoire de Narek (v. 944-v. 1010), moine et poète arménien
« Les scribes et les pharisiens se mirent à lui en vouloir terriblement et le harcelaient »
Avec une crainte mêlée d’allégresse, j’estime souhaitable de dire ici quelque chose des souffrances que tu as endurées pour moi, toi le Dieu de tous !
Debout au tribunal des hommes que tu avais créés,
dans une nature qui était la mienne,
tu n’as pas parlé, toi qui donnes la parole ;
tu n’as pas élevé la voix, toi qui crées la langue ;
tu n’as pas crié, toi qui ébranles la terre...
Tu n’as pas livré à la honte
celui qui te livrait aux tourments de la mort ;
tu n’as pas opposé de résistance lorsqu’on te liait,
et lorsqu’on te souffletait, tu ne t’es pas indigné.
Lorsqu’on crachait sur toi, tu n’as pas injurié,
et lorsqu’on te donnait des coups de poing,
tu n’as pas frémi.
Lorsqu’on se moquait de toi, tu ne t’es pas mis en colère,
et lorsqu’on te bafouait, tu n’as pas altéré ton visage (Is 50,7)…
Loin de te donner un instant de répit, toi la source de vie,
aussitôt ils t’ont préparé, pour le porter,
l’instrument de la mort.
Tu l’as reçu avec magnanimité,
tu l’as pris avec douceur,
tu l’as soulevé avec patience ;
tu t’es chargé, comme si tu étais un coupable,
du bois des douleurs !
Le Livre de prières, n°77 ; SC 78 (trad. SC p. 414 rev.)
St Grégoire de NAZIANZE Évêque, Père et Docteur de l'Église (v 325-390)
Participer à la Pâque du Christ.
Nous allons participer à la Pâque. Cette participation sera, maintenant encore, en figure, par le sacrement. Toutefois, ce sacrement sera plus parlant que dans la loi ancienne, car le banquet pascal, j'ose le dire, était alors très obscur : c'était une préfiguration. Mais bientôt, la Pâque sera plus parfaite et plus pure, car le Verbe y boira avec nous le vin nouveau dans le Royaume de son Père . Alors, en effet, il nous révélera et nous enseignera ce qu'il nous a montré jusqu'ici de façon restreinte. Car elle est toujours nouvelle, la Pâque que nous pouvons connaître aujourd'hui.
Quelle est donc cette boisson délicieuse ? C'est à moi de l'enseigner, c'est au Christ de faire comprendre et assimiler cette doctrine à ses disciples. En effet, la doctrine est une nourriture, même pour celui qui la donne aux autres.
Eh bien, quant à nous, participons à la loi, mais à la lumière de l'Évangile et non pas selon la lettre ; de façon parfaite et non ébauchée ; pour toujours et non pas pour un moment. Ayons pour capitale non pas la Jérusalem d'en bas, mais la cité d'en haut ; non pas celle qui est piétinée par les armées, mais celle qui est glorifiée par les anges. Offrons en sacrifice, non pas de jeunes taureaux ni des agneaux portant cornes et sabots — offrandes mortes et insensibles ; offrons à Dieu un sacrifice de louange sur l'autel céleste, en union avec les chœurs du ciel. Ce que je vais dire va plus loin : c'est nous-mêmes que nous devons offrir à Dieu en sacrifice ; offrons-lui chaque jour toute notre activité. Acceptons tout pour le Christ ; par nos souffrances, imitons sa passion ; par notre sang honorons son sang ; montons vers la croix avec ferveur. ~
Si tu es Simon de Cyrène, prends la croix et suis-le. Si tu es crucifié avec lui, comme le malfaiteur, reconnais, comme cet homme juste, qu'il est Dieu. Si lui-même a été compté parmi les pécheurs à cause de toi et de ton péché, toi, deviens un homme juste à cause de lui. En te crucifiant, adore celui qui a été crucifié à cause de toi, et tire quelque profit de ta méchanceté même ; achète le salut au prix de la mort ; entre au Paradis avec Jésus, pour comprendre de quels biens tu étais exclu. Contemple les merveilles qui sont là, et laisse mourir au-dehors, avec ses blasphèmes, celui qui l'injuriait.
Si tu es Joseph d'Arimathie, réclame le corps à celui qui l'a fait mettre en croix ; que ton souci soit le rachat du monde.
Si tu es Nicodème, cet adorateur nocturne de Dieu, mets-le au tombeau avec les parfums.
Si tu es une des saintes femmes, l'une ou l'autre Marie, si tu es Salomé ou Jeanne, va le pleurer de grand matin. Sois la première à voir la pierre enlevée, à voir peut-être les anges, et Jésus lui-même.
Saint Grégoire de Nysse (v. 335-395), moine et évêque
Aujourd'hui commence le mystère de la Passion
« A la nouvelle de la naissance du Sauveur, Hérode devint soucieux, et tout Jérusalem avec lui » (Mt 2,3)... C'est le mystère de la Passion que figurait déjà la myrrhe des mages ; on fait massacrer sans pitié des nouveau-nés... Que signifie cette tuerie d'enfants ? Pourquoi oser un crime si horrible ? « C'est que, disent Hérode et ses conseillers, un signe étrange a paru dans le ciel ; il assure aux mages la venue d'un autre roi. » Comprends-tu, Hérode, ce que sont ces signes avant-coureurs ?... Si Jésus est maître des astres, n'est-il pas à l'abri de tes attaques ? Tu crois avoir le pouvoir de faire vivre ou mourir, mais tu n'as rien à craindre de quelqu'un de si doux. Dieu le soumet à ta puissance ; pourquoi conspirer contre lui ?...
Mais laissons là le deuil, « la plainte amère de Rachel qui pleure ses enfants » — car aujourd'hui le Soleil de justice (Ml 3,20) dissipe les ténèbres du mal et répand sa lumière sur toute la nature, lui qui assume notre nature humaine... En cette fête de la Nativité « les portes de la mort sont fracassées, les barres de fer sont brisées » (Ps 107,16) ; aujourd'hui, « s'ouvrent les portes de la justice » (Ps 118,19)... Car par un homme, Adam, est venue la mort ; aujourd'hui par un homme vient le salut (Rm 5,18)... Après l'arbre du péché se dresse l'arbre de la bonté, la croix... Aujourd'hui commence le mystère de la Passion.
Sermon sur la Nativité du Christ ; PG 46,1128s (trad. coll. Icthus, vol. 8, p. 170)
Saint Grégoire LE GRAND Pape, Docteur de l'Église, (537-604)
« Vous avez été rachetés par un sang précieux » .
Le bienheureux Job, préfigurant l'Église, parle tantôt au nom du corps, tantôt au nom de la tête. Et, alors que les membres sont l'objet de ses discours, il s'élève tout à coup aux paroles dites par la tête. C'est pourquoi, il dit : J'ai souffert tout cela sans qu'il y ait aucun crime dans mes mains, et alors que je présentais à Dieu des prières pures .
En effet, il a souffert sans qu'il y ait eu aucun crime dans ses mains, celui qui n'a jamais commis de péché ni proféré de mensonge ; pourtant, il a subi le supplice de la croix pour nous racheter. Contrairement à tous, lui seul a présenté des prières pures , puisque, jusque dans le supplice de la passion, il faisait cette prière pour ses persécuteurs :
Père, pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu'ils font .
Que peut-on dire, que peut-on penser de plus pur, dans la prière, que d'intercéder avec miséricorde pour ceux qui vous font souffrir ? C'est pourquoi le sang de notre Rédempteur, que ses persécuteurs furieux avaient répandu, les croyants l'ont bu par la suite et ont proclamé que Jésus est le Fils de Dieu. Au sujet de ce sang, il est dit ensuite avec à-propos : Terre, ne couvre point mon sang, et n'arrête pas mon cri . L'homme, après son péché, avait entendu cette sentence : Tu es terre, et tu retourneras à la terre .
Or, cette terre n'a pas caché le sang de notre Rédempteur, parce que tout homme pécheur, buvant le sang qui a payé sa rédemption, la proclame, en rend grâce et la fait connaître à tous ceux qu'il approche. Et la terre n'a pas recouvert son sang, parce que la sainte Église a proclamé déjà maintenant le mystère de sa rédemption dans toutes les parties du monde.
Remarquez ce qui suit : N'arrête pas mon cri . En effet, ce sang de notre rédemption, qui nous est donné à boire, est le cri de notre Rédempteur. Ce qui fait dire à saint Paul : Son sang répandu parle plus fort que celui d'Abel. Du sang d'Abel il avait été dit : Le sang de ton frère, de la terre crie vers moi . Mais le sang de Jésus parle plus fort que celui d'Abel, parce que le sang d'Abel a demandé la mort du meurtrier de son frère, tandis que le sang du Seigneur a obtenu la vie pour ses persécuteurs.
Afin que le sacrement de la passion du Seigneur ne soit pas inefficace en nous, nous devons imiter ce qui nous est donné à boire et proclamer aux autres ce que nous vénérons. En effet, son cri est arrêté en nous , si la langue tient caché ce que l'âme a cru, Mais, pour que son cri ne soit pas arrêté en nous , il reste que chacun, selon sa capacité, fasse connaître à ceux qu'il approche le mystère qui le fait vivre.
Le Seigneur révèle sa gloire en présence de témoins choisis : il répand sur son corps, d'ailleurs semblable au nôtre, une lumière si éclatante que son visage devient éblouissant comme le soleil et son vêtement aussi blanc que la neige. En se transfigurant de la sorte, il avait comme but d'abord d'enlever du coeur de ses disciples le scandale de la croix, pour que la honte volontairement subie de sa mort ne trouble pas la foi de ceux qui auraient vu ainsi la grandeur de sa dignité cachée.
Mais il n'avait pas moins en vue de fonder l'espérance de la sainte Église, de sorte que les membres du corps du Christ comprennent quelle transformation se ferait un jour en eux, puisque chacun est appelé à partager un jour la gloire qu'ils ont vu briller par avance dans leur chef...
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé...; écoutez-le. Écoutez-le, lui qui ouvre le chemin du ciel et, par le supplice de la croix, vous prépare des marches pour monter au Royaume. Pourquoi redoutez-vous d'être rachetés ? Pourquoi craignez-vous d'être guéris, vous qui êtes blessés ? Que ma volonté soit faite, comme le veut le Christ. Rejetez les craintes de ce monde et armez-vous de la constance qu'inspire la foi. Car il ne convient pas de redouter dans la Passion du Sauveur ce que, avec son secours, vous ne craindrez plus dans votre propre mort... »
En ces trois apôtres, c'est l'Église entière qui a appris tout ce qu'ils ont vu de leurs yeux et entendu de leurs oreilles (cf 1Jn 1,1). Que donc la foi de tous devienne plus ferme par la prédication du saint Évangile, et que personne ne rougisse de la croix du Christ, par laquelle le monde a été racheté.
Sermon 51, 2-3, 5-8 ; PL 54, 310-313, SC 74 bis (trad. Orval rev.)
Date de dernière mise à jour : 2015-11-25
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