Bx Cyprien Tansi
Michel (Michael) IWENE TANSI
Nom de religion: Cyprien (Cyprian)
Pays: Nigeria
Naissance: 1903 à Onitsha (Etat d'Anambra - Nigéria)
Mort: 20.01.1964 à Leicester (Angleterre)
Prêtre - Cistercien . Converti à 9 ans Prêtre en 1937 , il fut 13 ans curé d’Onitsha, au Nigéria. (On s’y répète encore ses homélies !). Comme il se sentait appelé à la vie monastique, son évêque l’envoya chez les cisterciens de Mont St Bernard, pour s’y former et revenir implanter la vie monastique dans son pays. Premiers vœux au monastère cistercien de Mount Saint Bernard, à Leicester en 1953 : Il vécut en Angleterre les 14 dernières années de sa vie. En 1986 Son corps est transféré au Nigeria.
Béatification: 22.03.1998 à Onitsha, au Nigeria par Jean Paul II
Le premier Nigérian à s'engager dans la vie monastique
"Le plus grand homicide, c'est celui de tuer le temps"
ROME, 20 janvier 2014 (Zenit.org) - Le martyrologe romain fait aujourd'hui mémoire du bienheureux prêtre et religieux trappiste du Nigeria Cyprien Iwene Tansi (1903-1964).
Premier Nigérian à s'engager dans la vie monastique, il a été “un homme de Dieu et un homme des hommes”, et un remarquable père spirituel. Toute sa vie, ce contemplatif a combattu l'oisiveté, déclarant: "le plus grand homicide, c'est celui de tuer le temps."
Né en 1903, à Igboezunu, dans le sud du pays, Iwene était le fils d’un fermier, Tibansi, et de sa femme, Ejikweve, de la tribu des Igbo. Ils le confièrent, en 1909, à la mission de Nduka.
A seize ans, muni de son premier diplôme, il commença à enseigner à Onitsa et à Aguleri, et à vingt-et-un ans, il était directeur d'une école.
En 1925, il entra au séminaire Saint-Paul, à Igboriam, et il fut ordonné dans la cathédrale d’Onitsa en 1937.
Il fut alors nommé vicaire à Nnewi. Deux ans plus tard, il était envoyé à Dunukofia, dans la région d’Umudioka, dominée par la peur du mythe de la “forêt maudite” qu’il réussit à faire reculer, osant lancer le déboisement. Il dénonçait les abus perpétrés sur les plus faibles, du fait d'habitudes et de coutumes contraires à la dignité de l'homme.
A Dunukofia, près d’Umudioka, il lança la Légion de Marie et des centres de préparation au mariage. A pied ou en bicyclette, il se déplaçait sans cesse de village en village, suscitant des vocations et un renouveau de la foi. En 1945, il fut nommé à Akpu et quatre ans plus tard à Aguleri.
Pour assister l’évêque Charles Heery qui voulait fonder un monastère trappiste dans le diocèse, il accepta de suivre la formation nécessaire à une telle fondation. Pour cela, il quitta son pays et partit pour un pèlerinage à Rome puis en Angleterre, à l’abbaye de Mount St Bernard dans le Leicestershire. C’est là qu’il reçut son nom religieux de Cyprien. Et il fit profession monastique, le 8 décembre 1956.
Mais les plans pour un monastère au Nigeria ne se matérialisaient pas. Les Trappistes préférèrent le Cameroun voisin, ce qui provoqua une grande souffrance chez le jeune Nigérian, mais il y vit la volonté de Dieu et il poursuivit sa vie contemplative en Angleterre, en attendant de partir au Cameroun comme maître des novices.
En janvier 1964, Cyprien commença à souffrir d’un anévrisme aortique dont il ne se remit pas et il s’endormit en Dieu le 20 janvier.
A la nouvelle de sa mort, les fidèles accoururent de loin. Parmi eux, un jeune prêtre du Nigeria, Francis Arinze, actuellement cardinal et préfet émérite de la Congrégation pour le culte divin, un de ses fils spirituels. La dépouille du défunt fut transférée à Onitsa en 1988. Il repose actuellement à Aguleri.
Jean-Paul II l'a béatifié dans sa patrie le 22 mars 1998, soulignant combien il avait compris ce que signifiait la “vraie sainteté” et la “vraie charité”. Il le donnait en modèle à ses compatriotes en disant: «Il fut avant tout un homme de Dieu: les longues heures passées devant le Très Saint Sacrement remplissaient son coeur d'un amour généreux et courageux. Ceux qui l'ont connu témoignent de son grand amour pour Dieu. Ceux qui l'ont rencontré sont restés frappés de sa bonté personnelle. Il fut aussi un homme du peuple: il a toujours placé les autres avant lui-même et il fut particulièrement attentif aux besoins pastoraux des familles. Il fit tout ce qui était en son pouvoir pour que les couples soient bien préparés au sacrement de mariage et il prêcha l'importance de la chasteté. Il s'efforça de toutes manières de promouvoir la dignité des femmes. En particulier, il considérait que l'éducation des jeunes était une chose précieuse. »
Bien cher Ami de l'Abbaye Saint-Joseph,
«Pour éviter toute erreur grave dans la vie, nous devons nous garder de toute démarche précipitée». Cette règle était habituellement suivie et recommandée par le bienheureux Père Tansi qui ajoutait: «Nous pouvons tenir cette ligne de conduite en nous présentant devant Dieu, en organisant notre tâche avec Lui et en la réalisant avec Lui. Alors, ni le succès ni l'échec ne nous troubleront».
Iwene Tansi naît en 1903 dans un petit village du Nigeria. Ses parents sont païens mais profondément religieux. Il est encore tout jeune quand son père décède. Lors de la naissance d'Iwene, son père lui a fabriqué un gri-gri (porte-bonheur) personnel; l'enfant y tient beaucoup. Mais, un jour, en rentrant de l'école chrétienne Saint-Joseph d'Aguleri, où il a commencé sa scolarité, Iwene, âgé de neuf ans, détruit en tremblant son gri-gri. Le Père Rubino, qui prépare l'enfant au baptême, lui a demandé de détruire cet objet de superstition avant de recevoir le sacrement. Peu après, Iwene est baptisé sous le nom de Michel. Au cours de son adolescence, Michel se rend compte qu'il ne voit que d'un oeil, infirmité qu'il gardera toute sa vie. Toutefois, il travaille beaucoup et réussit dans ses études. La dernière année, alors qu'il n'a que seize ans, on lui demande s'il veut rester à l'école comme professeur. Il pourrait s'établir ailleurs et obtenir une meilleure situation, mais l'argent ne l'attire pas et il préfère accepter. En 1922, Michel perd sa mère dans des circonstances tragiques qui le bouleversent. Dans leur village, la mortalité infantile s'était accrue soudainement. On demanda au sorcier de déterminer par la magie le coupable de ce mauvais sort. Il désigna la mère de Michel qu'il accusa de se préserver magiquement de la mort aux dépens des enfants du pays. Elle dut se soumettre à la sanction: boire du poison. La douleur de Michel est immense, mais elle le pousse à travailler à la conversion de ses trois frères au christianisme. Ceux-ci se convertissent effectivement; quant à sa soeur, elle sera baptisée juste avant de mourir.
Une ouverture qui libère
Dès l'âge de vingt et un ans, Michel, qui a poursuivi ses études tout en enseignant, devient directeur de l'école du village d'Aguleri. Il perçoit cependant l'appel de Dieu à la vie sacerdotale et entre bientôt au petit séminaire d'Igbariam pour étudier sa vocation. Sa famille s'oppose à cette décision, jugeant qu'il est anormal de ne pas se marier. Mais le jeune homme ne se laisse pas ébranler. Après six ans d'études au petit séminaire, il est envoyé travailler en mission pendant une année, à Eke. Son humilité et sa bonté le font apprécier de tous. À l'issue de cette année, Michel fonde, avec deux compagnons, le grand séminaire d'Eke, dont il est nommé économe. À l'approche du jour de son ordination au sous-diaconat, Michel se montre préoccupé et inquiet. Il lui semble qu'il ne progresse pas assez vite dans ses études. Il va s'ouvrir de ses doutes à son Supérieur. Celui-ci l'assure qu'il est entièrement libre d'interrompre son parcours vers le sacerdoce, que, dans ce cas, il pourra faire beaucoup pour annoncer le Christ en tant que laïc, mais que s'il décide de continuer, l'évêque l'ordonnera au jour convenu. Ces paroles apaisent le jeune homme et lui rendent la joie ainsi que l'assurance dans sa vocation. Il poursuit donc sa formation au séminaire et, au terme de celle-ci, reçoit l'ordination sacerdotale, le 19 décembre 1937.
Le jeune prêtre est d'abord envoyé à Nnewi où il vient en aide au Père Jean Anyogu. Tous deux se déplacent souvent pour rejoindre les chrétiens des villages éloignés; ils y trouvent des centaines de fidèles auxquels ils administrent les sacrements de Pénitence et d'Eucharistie. «Le Père Tansi savait que, en tout être humain, il y a quelque chose de l'enfant prodigue, affirmait le Pape Jean-Paul II, lors de la béatification du Père, au Nigeria. Il savait que tous les hommes et toutes les femmes subissent la tentation de se séparer de Dieu, pour mener une existence indépendante et marquée par l'égoïsme. Il savait qu'ils seraient ensuite déçus par le vide de l'illusion qui les avait fascinés et que, finalement, ils trouveraient au fond de leur coeur la route qui les ramènerait à la maison du Père. J'encourage les personnes à confesser leurs péchés et à recevoir le pardon de Dieu dans le sacrement de la Réconciliation. Je les supplie de se pardonner réciproquement comme Dieu nous pardonne, de transmettre le don de la réconciliation en le rendant concret à tous les niveaux de la vie nigériane. Le Père Tansi a cherché à imiter le père de la parabole: il était toujours disponible à ceux qui cherchaient la réconciliation. Il répandait autour de lui la joie de la communion retrouvée avec Dieu. Il exhortait les personnes à accueillir la paix du Christ et il les encourageait à nourrir la vie de la grâce de la Parole de Dieu et de la sainte Communion» (22 mars 1998).
Deux ans plus tard, en 1940, le Père Michel est nommé à la paroisse de Dunukofia. Il déploie toute son intelligence pratique au service de son zèle sacerdotal. Des projets multiples fourmillent dans son esprit. Il est préoccupé de ce que, conformément à la coutume du pays, peu de jeunes filles parviennent vierges au mariage. Pour remédier à cette situation, il fait construire des pensionnats où celles-ci pourront recevoir une éducation religieuse vraiment chrétienne ainsi qu'une formation pratique pour devenir de bonnes épouses et mères de famille. Cela ne va pas sans oppositions de la part de nombreux jeunes hommes qui se croient un droit aux relations prénuptiales. Toutefois, le Père Tansi demeure ferme, bien conscient que «l'acte sexuel doit prendre place exclusivement dans le mariage; en dehors de celui-ci, il constitue toujours un péché grave et exclut de la communion sacramentelle» (Catéchisme de l'Église Catholique, CEC 2390).
La beauté d'une vie chaste
Une situation semblable à celle que le Père Tansi a connue se retrouve de nos jours: «Plusieurs réclament aujourd'hui une sorte de «droit à l'essai», là où il existe une intention de se marier, remarque leCatéchisme de l'Église Catholique. Quelle que soit la fermeté du propos de ceux qui s'engagent dans des rapports sexuels prématurés, ceux-ci ne permettent pas d'assurer dans sa sincérité et sa fidélité la relation interpersonnelle d'un homme et d'une femme, et notamment de les protéger contre les fantaisies et les caprices. L'union charnelle n'est moralement légitime que lorsque s'est instaurée une communauté de vie définitive entre l'homme et la femme. L'amour humain ne tolère pas l'«essai». Il exige un don total et définitif des personnes entre elles» (CEC 2391). Tout baptisé est appelé à mener une vie chaste, chacun selon son propre état de vie. Il doit lutter contre la concupiscence de la chair et les convoitises désordonnées. Avec la grâce de Dieu, il peut y parvenir par la vertu de chasteté qui comporte un apprentissage de la maîtrise de soi, par la pureté d'intention qui cherche à trouver et à accomplir en toute chose la volonté de Dieu, par la pureté du regard extérieur et intérieur, par la prière: «J'étais assez sot pour ne pas savoir que personne ne peut être continent, si Tu ne le lui donnes» écrivait saint Augustin en s'adressant à Dieu (cf. CEC 2339, 2394, 2520). Le Pape Benoît XVI affirme: «Le monde a besoin de vies transparentes, d'âmes claires, d'intelligences simples, qui refusent d'être considérées comme des créatures objets de plaisir. Il est nécessaire de dire non à ces moyens de communication sociale qui tournent en ridicule la sainteté du mariage et la virginité avant le mariage. C'est précisément là que nous est donnée dans la Vierge la meilleure défense contre les maux qui affligent la vie moderne; la dévotion mariale est la garantie certaine de protection maternelle et de tutelle à l'heure de la tentation» (Homélie du 11 mai 2007).
Le Père Michel attire de nombreuses bonnes volontés pour l'aider dans ses constructions et travaux divers, mais lui-même s'y investit de toute sa personne. Attentif aux besoins de ses paroissiens, il montre de l'intérêt pour chacun et se penche sur tous les problèmes rencontrés, grands ou petits. Il désire surtout rapprocher ses fidèles de Dieu. Il passe beaucoup de temps à prier et se mortifie souvent. Un jeune séminariste, tenté d'abandonner sa vocation à l'occasion de lourdes épreuves, se rend à l'église et y trouve le Père Tansi abîmé dans la prière, à une heure très avancée de la nuit; il en est bouleversé et puise dans cet exemple la force de persévérer dans la voie du sacerdoce. Plus tard, il deviendra évêque.
La découverte d'une autre voie
Un jour, une religieuse prête au Père Michel le livre du bienheureux Dom Marmion: «Le Christ idéal du moine». Il y découvre dans la vie monastique une autre manière d'offrir sa personne et de servir Dieu. Bien qu'attiré par ce genre de vie, il entreprend la fondation d'une nouvelle paroisse qu'il appelle Akpu-Ajalli. Il y construit un centre de formation pour la préparation au mariage, et s'applique à ramener les familles à Dieu. La visite des cinquante postes secondaires dépendant de la paroisse l'oblige à parcourir de longues distances, à travers brousse et marécages. Il puise sa force dans son grand amour de Dieu.
En 1949, le Père Tansi est nommé curé d'Aguleri. En moins d'un an, il règle les problèmes financiers qu'il a trouvés en arrivant. Avec son vicaire, le Père Clément, il évangélise ses paroissiens, menant le même genre de vie que dans ses missions précédentes. Sa charité le porte un jour à enterrer de ses propres mains un paroissien mort du choléra, que personne ne veut toucher par peur de la contagion. Fort de sa mission pastorale, il ne craint pas de dénoncer le mal et de tenir bon contre tout le conseil paroissial si celui-ci ne s'engage pas sur une bonne voie. Certains paroissiens se plaignent de lui à l'évêque, lui reprochant de s'occuper trop des choses de Dieu et de ne pas agir suivant leurs désirs.
À cette époque, Mgr Heerey, évêque d'Onitsha, diocèse du Père Tansi, conçoit le désir d'introduire au Nigeria la vie monastique, en envoyant des candidats se former en Europe. Il contacte plusieurs Abbayes et reçoit une réponse favorable de l'Abbaye cistercienne du Mont-Saint-Bernard, en Angleterre. Au début de l'année 1950, il visite Aguleri et découvre que le Père Michel et le Père Clément désirent devenir moines. Malgré le manque de prêtres pour son diocèse, le prélat donne la priorité à l'établissement de la vie contemplative et envoie d'abord le Père Michel au Mont-Saint-Bernard. Entré le 3 juillet 1950 à l'Abbaye, celui-ci est accueilli par une communauté de soixante et onze moines dont trente prêtres. Il y reçoit le nom de Père Cyprien. Sept fois par jour, les moines se réunissent à l'église pour chanter les louanges de Dieu. À l'Abbaye du Mont-Saint-Bernard, le premier Office est celui des Vigiles à deux heures et quart du matin. Le reste de la journée est ponctué par les différents Offices, autour de la Grand-Messe de la communauté. Deux autres aspects importants de la vie monastique sont la lecture spirituelle et le travail manuel. Celui-ci va des gros travaux de la ferme au nettoyage et à l'entretien du monastère. L'hospitalité, par l'accueil à l'hôtellerie, a aussi sa place dans la vie monastique selon la Règle de saint Benoît. La lecture et l'étude, dans une Abbaye de Trappistes, se font dans une salle commune appelée Scriptorium. La nuit, les moines dorment chacun dans un des box aménagés dans un grand dortoir. Les moines du Mont-Saint-Bernard ne mangent jamais de viande ni de poisson. Les journées se passent dans le silence.
Un autre climat
D'une vie active remplie de responsabilités, le Père Cyprien est passé à une vie cachée où il se retrouve débutant. Malgré son sacerdoce, il demande à être traité comme un novice ordinaire et se contente toujours de la dernière place, prêt à tous les travaux qu'on lui demande; il conserve toutefois le sens de l'humour. Durant les cinq premières années, il n'a pas les pouvoirs d'entendre les confessions. On les lui accordera ensuite, mais uniquement pour confesser les Africains qui le demanderaient. Habitué au soleil des tropiques, il souffre du climat de l'Angleterre, qu'il trouve «très froid». Il assimile peu à peu les principes fondamentaux de la vie contemplative qu'il expliquera avec persuasion à un groupe d'étudiants africains de son pays, venus visiter l'Abbaye.
Le Père Clément est venu rejoindre le Père Cyprien au Mont-Saint-Bernard où il a reçu le nom de Père Marc. Tous deux souhaitent retourner un jour dans leur pays pour y instaurer la vie contemplative. Leur évêque envisage avec le Père Abbé la possibilité de faire une fondation au Nigeria, mais ce projet échoue. Les deux prêtres décident alors, avec l'accord explicite de leur évêque, de rester au Mont-Saint-Bernard; ils y font leur première profession le 8 décembre 1953. Dès lors, ils entrent pour trois ans au scolasticat de l'Abbaye, où ils approfondissent l'étude de la théologie.
La vie en communauté n'est pas toujours facile pour le Père Cyprien. Il a un complexe d'infériorité dont il n'arrivera pas à se défaire complètement. Pendant huit ans, il travaille à l'atelier de reliure. Il lui faut surtout maintenir en bon état les livres du choeur par un travail répétitif et ennuyeux qui consiste à coller des bandes de scotch sur les déchirures. Le plus souvent il accomplit cette tâche dans une toute petite pièce froide, au-dessus de la cage d'escalier. Il ne rechigne pas, mais reconnaît que ce travail n'a aucun attrait pour lui. Un moine chargé de contrôler son ouvrage se plaint parfois de lui et défait son travail qu'il juge incorrect. Le Père Cyprien est profondément blessé par la brusquerie et la désinvolture de ce moine; mais il offre volontiers à Dieu toutes ses difficultés.
«La sueur et la peine que le travail comporte nécessairement dans la condition présente de l'humanité, offrent au Chrétien et à tout homme qui est appelé, lui aussi, à suivre le Christ, la possibilité de participer dans l'amour à l'oeuvre que le Christ est venu accomplir. Cette oeuvre de salut s'est réalisée par la souffrance et la mort sur la Croix. En supportant la peine du travail, en union avec le Christ crucifié pour nous, l'homme collabore en quelque manière avec le Fils de Dieu à la Rédemption de l'humanité. Il se montre le véritable disciple de Jésus en portant à son tour la Croix chaque jour dans l'activité qui est la sienne» (Jean-Paul II, Laborem exercens, n. 26; 14 septembre 1981).
Une vie de foi
Le 8 décembre 1956, le Père Cyprien et le Père Marc font leur profession perpétuelle. Ils quittent le scolasticat et chacun reçoit une place au grand Scriptorium. Là, ils pourront lire, étudier et écrire. Le bureau du Père Cyprien est dans un pénible courant d'air dès que la porte s'ouvre, mais il ne demande pas à changer de place. Il s'applique à vivre pleinement la vocation cistercienne qui est de suivre le Christ dans sa vie cachée à Nazareth et de participer par la prière et la pénitence à l'oeuvre de la Rédemption des hommes. Un prêtre très lié à lui dira qu'il n'a jamais su ce qu'était la consolation dans la prière. Déjà, en 1953, le Père Cyprien écrivait à une religieuse africaine: «La vie spirituelle est une vie de foi et non de sentiment. Pendant la plus grande partie de cette vie, il se peut qu'il n'y ait ni consolation ni signes extérieurs montrant que vous êtes agréable à Dieu ou que Dieu est content de vous».
L'autorité de Dieu qui révèle et qui ne peut ni se tromper ni nous tromper est le motif de notre foi. Celle-ci est certaine, plus certaine que toute connaissance humaine, parce qu'elle se fonde sur la Parole même de Dieu, qui ne peut pas mentir. Ici-bas, nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision (2 Co 5, 7), et nous connaissons Dieu comme dans un miroir, d'une manière confuse..., imparfaite (1 Co 13, 12). Lumineuse de par Celui en qui elle croit, la foi est vécue souvent dans l'obscurité. Elle peut être mise à l'épreuve. Le monde dans lequel nous vivons semble souvent bien loin de ce que la foi nous assure; l'expérience que nous faisons du mal et de la souffrance, des injustices et de la mort paraît contredire la Bonne Nouvelle; elle peut ébranler la foi et devenir pour elle une tentation. C'est alors que nous devons nous tourner vers les témoins de la foi: Abraham, qui crut, espérant contre toute espérance (Rm 4, 18); la Vierge Marie qui est allée jusque dans la nuit de la foi en communiant à la souffrance de son Fils et à la nuit de son tombeau (cf. CEC 156-157, 164-165).
Le Père Cyprien garde son coeur tourné vers sa terre natale dont de nombreuses lettres lui arrivent. Il accueille avec un visage illuminé de joie les visiteurs africains, surtout ceux qui viennent du Nigeria. En juillet 1961, les moines se posent à nouveau la question d'une éventuelle fondation. De nombreuses discussions ont lieu en réunions de communauté sur l'opportunité et le lieu pour l'exécution de ce projet. L'ancien évêque des Pères Cyprien et Marc vient parler à la communauté d'une possibilité de réaliser cette fondation dans l'est du Nigeria. Le Père Cyprien préfère garder le silence pendant les discussions, bien que le projet lui tienne fort à coeur. Il s'en remet totalement à Dieu et s'adonne à la prière fervente. Finalement, l'intervention de l'évêque rallie presque tous les suffrages et les préparatifs de la fondation commencent.
En janvier 1962, on découvre que le Père Cyprien a une tumeur au cou; on l'opère sans tarder. C'est une forme bénigne de tuberculose. Cela ne l'empêche pas de s'employer au jardin. Il montre même un grand intérêt au jardinage et se réjouit du résultat de son travail. Loin de se soustraire aux corvées de désherbage ou de défrichage, il s'y adonne avec prédilection. Le 19décembre 1962, la communauté organise une fête pour le jubilé d'argent sacerdotal du Père Cyprien. À cette occasion, il reçoit un grand nombre de lettres venues du monde entier ainsi qu'une bénédiction du Pape.
L'Afrique ou le Ciel ?
Pendant ce temps, les démarches se poursuivent pour la fondation au Nigeria. Mais finalement, au printemps 1963, on décide de changer sa destination et de l'installer au Cameroun, à la demande d'un évêque de ce pays. Le Père Cyprien est désigné pour faire partie de la fondation avec le titre de Maître des Novices. Malgré son regret de ne pas aller au Nigeria, il se prépare avec détermination à partir; il ne fait cependant pas partie du premier groupe de moines qui se rend au Cameroun en octobre 1963. En janvier 1964, le Père Cyprien tombe malade et doit s'aliter. On lui propose un lit à l'infirmerie, mais il préfère rester sur sa paillasse jusqu'au jour où on lui découvre une thrombose à la jambe et une grosseur anormale à l'estomac. Le médecin décide de l'hospitaliser. Avant le départ, le Père a une attaque qui lui cause une violente douleur, sans lui faire perdre connaissance. Il prie sans cesse: «Mon Dieu, mon Dieu! Que ta volonté soit faite! En tes mains, ô mon Dieu!» On lui administre l'Onction des malades et l'Eucharistie. Il est étendu sur un brancard dans l'ambulance qui va le conduire à l'hôpital, lorsque le prêtre qui doit emmener au Cameroun le groupe dont il fait partie lui dit: «Votre billet pour l'Afrique est pris. Il faut que vous nous reveniez bientôt! – Nous irons, c'est sûr!» répond le Père Cyprien. Mais quelques heures après l'arrivée à l'hôpital, une rupture d'anévrisme de l'aorte provoque sa mort.
Lors de la béatification du Père Tansi, le 22 mars 1998, le Pape Jean-Paul II disait de lui: «Il fut avant tout un homme de Dieu: les longues heures passées devant le Très Saint Sacrement remplissaient son coeur d'un amour généreux et courageux. Ceux qui l'ont connu témoignent de son grand amour pour Dieu. Ceux qui l'ont rencontré sont restés frappés de sa bonté personnelle. Il fut aussi un homme du peuple: il a toujours placé les autres avant lui-même et il fut particulièrement attentif aux besoins pastoraux des familles. Il fit tout ce qui était en son pouvoir pour que les couples soient bien préparés au sacrement de mariage et il prêcha l'importance de la chasteté. Il s'efforça de toutes manières de promouvoir la dignité des femmes. En particulier, il considérait que l'éducation des jeunes était une chose précieuse».
Demandons au bienheureux Père Michel Tansi de nous guider dans les voies de la vie intérieure et de l'apostolat.
Cf. Le Père Tansi, par le Père Gregory Wareing, o.c.s.o.,
Médiaspaul, 1988.
Dom Antoine Marie osb, abbé
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Date de dernière mise à jour : 2018-02-12
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