Passioniste de Polynésie

Sauvés par les larmes de la Vierge Marie

Mgr piacenzaHomélie du 15 septembre 2017

La Providence divine a voulu faire en sorte que cette journée de notre pèlerinage au Sanctuaire de Fatima coïncide avec la mémoire liturgique de la Vierge des Douleurs, c’est-à-dire de la mémoire que fait l’Église des douleurs de la Très Sainte Vierge Marie sous la croix du Christ. C’est une heureuse coïncidence parce que les douleurs de Marie, ou mieux les causes de ses douleurs, sont très présentes dans le message et dans les pétitions pressantes que la Dame en blanc a exprimées ici, à Fatima, pendant ses apparitions. Nous pouvons même dire que ce sont précisément ses douleurs qui l’ont poussée à venir ici il y a cent ans.

Quelles sont les causes des douleurs de Marie ? Nous pouvons les résumer à deux, étroitement liées : Marie souffre avant tout pour Jésus, pour la passion et les souffrances de son divin Fils ; et en même temps elle souffre pour nous, qui sommes ses enfants. Ces deux motifs, en effet, sont très présents à Fatima, dans les appels urgents de la Vierge pour que son divin Fils ne soit plus offensé et pour que l’on prie et fasse pénitence pour la conversion des pauvres pécheurs, afin qu’ils n’aillent pas en enfer.

 

  1. Marie souffre avant tout pour son fils Jésus

Que la Vierge ait souffert l’indicible sur le Calvaire est une chose bien connue de tous. Qui ne se laisse pas émouvoir en regardant dans les œuvres d’art la Vierge des Douleurs au pied de la croix de Jésus ? Par exemple quand on la regarde alors qu’elle tient dans ses bras le corps mort de son Fils dans la très belle sculpture de la « Pietà » de Michel-Ange qui la reproduit sereine, majestueuse et confiante en Dieu mais en même temps profondément et très doucement triste.

Qui ne s’est pas attendri en pensant aux douleurs de Marie quand on chante le Stabat Mater de Jacopone da Todi ?

Quelle fut la douleur de Marie pendant la passion de Jésus. La prophétie, qui lui avait été adressée par le vieillard Siméon peu après la naissance de Jésus : « et toi, ton âme sera traversée d’un glaive » (Lc 2,35), s’accomplissait. Ainsi, celle qui, dès le début, dès l’incarnation du Verbe de Dieu, avait été associée à l’œuvre de notre rédemption, fut aussi unie aux douleurs de son Fils. Elle a compati pour son fils. Elle l’a aussi offert activement, devenant, comme l’enseigne le Concile Vatican II au n.62 de la Constitution Lumen gentium, notre « avocate, auxiliatrice, secourable, médiatrice ». Nous avons été sauvés par le sang du Seigneur répandu pour nos péchés… mais nous avons aussi été sauvés par les larmes de la Vierge, associée à son Fils comme le membre le plus éminent de son Corps mystique.

La Constitution Lumen gentium, dans le sillage de la tradition ininterrompue de l’Église, enseigne que Marie « se consacra totalement comme servante du Seigneur à la personne et à l’œuvre de son Fils, servant au mystère de la Rédemption en dépendance de lui et avec lui, avec la grâce du Dieu tout-puissant. Justement donc, les saints Pères considèrent que Marie ne fut pas un instrument simplement passif dans les mains de Dieu, mais qu’elle coopéra au salut de l’homme avec une foi et une obéissance libres. En effet, comme le dit saint Irénée, “par son obéissance elle est devenue cause de salut pour elle-même et pour tout le genre humain” ». De cette manière, elle « a gardé fidèlement son union avec son Fils jusqu’à la croix où, non sans un dessein divin, elle se tenait (cf. Jn 19,25), souffrant profondément avec son Fils unique et s’associant maternellement à son sacrifice, amoureusement consentante à l’immolation de la victime qu’elle avait engendrée ».

Les saints et les docteurs de tous les temps ont parlé de la communion de Marie aux douleurs de son Fils. Saint Bernardin de Sienne dit qu’ « en même temps que le Fils sacrifiait son corps, la Mère sacrifiait son âme ». Saint Jérôme affirme : « les lésions dans le corps du Fils étaient aussi nombreuses que les blessures dans le cœur de la Mère ». Un autre auteur ajoute : « les blessures qui étaient répandues dans le corps du Fils étaient toutes unies dans le cœur de la Mère » puisque « la croix et les clous appartinrent aussi à la Mère parce qu’avec le Christ crucifié était aussi crucifiée la Mère ».

Comme son amour pour Jésus est d’une certaine façon infini, infinie était aussi sa douleur. C’est pourquoi l’Église lui applique les paroles de l’Ancien Testament : « Que dire de toi ? À quoi te comparer, fille de Jérusalem ? À quoi te rendre égale pour te consoler, vierge, fille de Sion ? Car ton malheur est grand comme la mer ! Qui donc te guérira ? » (Lm 2,13).

Cette compassion de Marie pour les douleurs de Jésus s’est rendue visible d’une manière très éloquente ici, à Fatima. Elle s’est présentée triste à cause des offenses commises contre son Fils. Sœur Lucie raconte que, dans la dernière apparition, sous un aspect très triste, la Vierge Marie lui dit : « Que l’on n’offense plus Dieu Notre Seigneur qui est déjà très offensé ». Cet aspect douloureux et la demande de ne plus offenser Jésus ont justement fortement impressionné la petite voyante.

Ces souffrances infligées à son Fils ont même poussé la Vierge Marie à demander aux petits bergers de bien vouloir s’offrir en victimes pour les réparer : « Voulez-vous vous offrir au Seigneur pour supporter toutes les souffrances qu’il voudra vous envoyer, en acte de réparation pour les péchés par lesquels il est offensé et de supplication pour la conversion des pécheurs ? »

Les trois petits bergers comprirent l’affliction de la Vierge Marie en raison des souffrances du Christ, qu’elle a si clairement manifestée. Chez le petit François, par exemple, cette tristesse de Jésus et de Marie avait suscité le désir de les consoler. « N’as-tu pas remarqué combien la Vierge, le dernier mois encore, est devenue si triste quand elle a dit de ne plus offenser le Seigneur Dieu qui est déjà tellement offensé ? » dit-il une fois à Lucie. Et il continua : « Je voudrais consoler le Seigneur et puis convertir les pécheurs afin qu’ils ne l’offensent plus ». Et Lucie et la petite Jacinthe avaient la même perception des douleurs de Jésus et de Marie.

  1. Marie souffre pour nous, pour ses enfants

Sur le Calvaire, Marie a aussi souffert pour nous, pour ses enfants. C’est précisément là, en effet, que le Seigneur l’a confiée à l’apôtre Jean : « Voici ta mère ». Mais surtout, il a confié Jean à Marie et, en lui, il lui a confié toute l’humanité : « voici ton fils » (cf. Jn 19,26-27), comme le souligne bien la Constitution Lumen gentium. Ainsi, sa « fonction maternelle se dilata, assumant sur le Calvaire des dimensions universelles ». Saint Jean-Paul II l’a redit de manière splendide ici, à Fatima : « Depuis le moment où Jésus, mourant sur la croix, dit à Jean : voici ta mère, depuis le temps où le disciple la prit chez lui, le mystère de la maternité spirituelle de Marie a eu son accomplissement dans l’histoire avec une amplitude sans frontières. Maternité veut dire sollicitude pour la vie de son fils… Dans le Christ, elle a accepté sous la croix Jean et, en lui, elle a accepté chaque homme et tout l’homme ».

Ainsi, le mystère de la maternité de Marie étendue à tous les hommes ne s’est pas accompli sans douleurs. La loi universelle de la maternité que Dieu avait imposée à Ève après la chute originelle, « tu enfanteras dans la douleur » (Gen 3,16) s’est réalisée en Marie, la Vierge des Douleurs, la nouvelle Ève, la nouvelle « Mère de tous les vivants » (cf. Gen 3,20) mais d’une manière entièrement nouvelle, c’est-à-dire non pas dans l’enfantement virginal de Jésus mais quand elle nous a engendrés en union avec son Fils sacrifié sur la croix.

C’est sa préoccupation maternelle pour nous qui a poussé la Très Sainte Vierge Marie à venir à Fatima ! « Dans sa sollicitude maternelle, la Très Sainte Vierge est venue ici… pour demander aux hommes de “ne plus offenser Dieu, Notre Seigneur, qui est déjà très offensé”. C’est sa douleur de mère qui l’oblige à parler ; le sort de ses enfants est en jeu ».

Dans l’apparition du 13 juillet, après avoir montré aux petits bergers la vision de l’enfer, la Vierge leur dit : « Vous avez vu l’enfer où tombent les âmes des pauvres pécheurs. Pour les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon cœur immaculé ». Et ensuite, après avoir longtemps parlé des châtiments qui allaient survenir dans le monde, elle leur enseigna cette prière, demandant de la réciter après chaque mystère du Rosaire « O mon Jésus ! Pardonnez-nous, libérez-nous du feu de l’enfer, portez au ciel toutes les âmes, surtout celles qui en ont le plus besoin ». Le 13 août, elle dit sur un ton triste et pressant aux petits bergers : « Priez, priez beaucoup et faites des sacrifices pour les pécheurs ; beaucoup d’âmes vont en enfer parce que personne ne se sacrifie ni ne prie pour eux »

Les petits bergers comprirent aussi les souffrances de Jésus et de Marie à cause de la damnation des pécheurs et, d’une manière héroïque, ils prièrent beaucoup et firent beaucoup de pénitences. Saint Jean-Paul II dit : « La petite Jacinthe a partagé et vécu cette affliction de la Vierge Marie (pour les péchés et pour la condamnation éternelle de ses enfants) en s’offrant héroïquement comme victime pour les pécheurs. Un jour, alors qu’avec François ils avaient désormais contracté la maladie qui les forçait à rester au lit, la Vierge Marie vint leur rendre visite chez eux, comme le raconte Jacinthe : “La Vierge Marie est venue nous voir et elle a dit que très bientôt elle viendra prendre François pour l’emmener au ciel. Elle m’a demandé si je voulais encore convertir davantage de pécheurs. Je lui ai dit oui”. Et tandis qu’approche le moment du départ de François, la petite lui recommande : “De ma part, porte toutes mes salutations à Notre Seigneur et à la Vierge Marie et dis-leur que je suis disposée à supporter tout ce qu’ils voudront pour convertir les pécheurs”. Jacinthe était restée si frappée par la vision de l’enfer, qui s’était produite dans l’apparition de juillet, que toutes les mortifications et les pénitences lui semblaient peu de chose pour sauver les pécheurs ». Et on peut dire la même chose de Lucie et du petit François.

Très chers frères et sœurs, disait saint Jean-Paul II, « le message de la Dame de Fatima, si maternel, est en même temps si fort et décisif. Il semble sévère… Il invite à la pénitence. Il avertit. Il appelle à la prière. Il recommande le chapelet. Ce message s’adresse à tous les hommes ». C’est pourquoi, nous ne pouvons pas rester indifférents et nous ne pouvons pas non plus laisser sous silence un partie de celui-ci en le considérant comme “politiquement peu cohérent”. Nous sommes devant un appel si fort, si miséricordieux et maternel ! Demandons-lui plutôt, à elle, la Dame en blanc, la grâce d’apprendre à être ses véritables enfants, de ne pas être sourds à ses rappels, manifestés de manière tellement sans équivoque et pleine d’amour ici, à Fatima. Demandons-lui de ne pas rester indifférents devant ses douleurs, d’être solidaires avec l’humanité entière, de vivre en plénitude la splendide réalité du Corps mystique !

Homélie du cardinal Piacenza

https://fr.zenit.org/articles/fatima-sauves-par-les-larmes-de-la-vierge-marie/

Date de dernière mise à jour : 2017-09-18