Passioniste de Polynésie

Jérôme quelques écrits

JeromeSaint Jérôme (347-420), prêtre, traducteur de la Bible, docteur de l'Église 

« Voilà un enseignement nouveau »

       « Le secouant avec violence, l'esprit impur sortit de lui en poussant un grand cri. » C'est là sa façon d'exprimer sa douleur : en le secouant avec violence. Puisqu'il ne pouvait pas altérer l'âme de l'homme, le démon a exercé sa violence sur son corps. Ces manifestations physiques étaient d'ailleurs le seul moyen à sa disposition pour signifier qu'il était en train de sortir. L'esprit pur ayant manifesté sa présence, l'esprit impur bat en retraite...

       « Tous furent saisis de frayeur et s'interrogeaient : ' Qu'est-ce que cela veut dire ? ' » Regardons les Actes des Apôtres et les signes que les premiers prophètes ont donnés. Que disent les magiciens du Pharaon face aux prodiges de Moïse ? « C'est le doigt de Dieu » (Ex 8,15). C'est Moïse qui les accomplit, mais ils reconnaissent la puissance d'un autre. Plus tard, les apôtres ont fait d'autres prodiges : « Au nom de Jésus, lève-toi et marche ! » (Ac 3,6) ; « Et Paul ordonna à l'esprit de sortir de cette femme au nom de Jésus Christ » (Ac 16,18). Le nom de Jésus est toujours cité. Mais ici, que dit-il lui-même ? « Sors de cet homme », sans autre précision. C'est en son nom propre qu'il donne l'ordre à l'esprit de sortir. « Tous furent saisis de frayeur et s'interrogeaient : ' Qu'est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau. ' » L'expulsion du démon n'avait en soi rien de nouveau : les exorcistes des Hébreux le faisaient couramment. Mais que dit Jésus ? Quel est cet enseignement nouveau ? Où donc est la nouveauté ? C'est qu'il commande par sa propre autorité aux esprits impurs. Il ne cite personne d'autre : il donne lui-même les ordres ; il ne parle pas au nom d'un autre, mais de sa propre autorité. 

Commentaire sur l'évangile de Marc, 2 ; PLS 2, 125s (trad. DDB 1986, p. 49)

separ ecrit biblioCe n'était pas encore la saison des figues

      « Ce n'était pas encore la saison des figues. »  Dans sa lettre aux Romains, l'apôtre Paul donne une interprétation de ce passage : « Je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère : c'est une cécité partielle qui est arrivée à Israël, jusqu'à ce que soit entrée la plénitude des nations. Et ainsi tout Israël sera sauvé » (Rm 11,25-26). Si le Seigneur avait trouvé des fruits sur ce figuier, la totalité des nations ne serait pas entrée. Mais puisque la totalité des nations est entrée, tout Israël finalement sera sauvé... Par ailleurs, on trouve ce passage dans l'Apocalypse de Jean : « De la tribu de Juda douze mille croiront ; de la tribu de Ruben douze mille croiront » et il en est de même des autres tribus (Ap 7,5-8). Au total, ils étaient cent quarante-quatre mille à croire...

      Si Israël avait cru, notre Seigneur n'aurait pas été crucifié, et si notre Seigneur n'avait pas été crucifié, la foule des païens n'aurait pas été sauvée. Donc les juifs deviendront croyants, mais ils ne croiront qu'à la fin du monde. Pour eux, ce n'était pas la saison de croire en la croix... Leur incroyance, c'est notre foi ; leur chute a permis notre relèvement. Ce n'était pas le moment pour eux, afin que ce soit le nôtre. 

Homélies sur l'évangile de Marc, n°8 ; SC 494 (trad. cf Marc commenté, DDB 1986, p. 85 et SC, p. 193)

separ ecrit biblio« Silence ! Sors de cet homme »

      « Jésus menaça le démon en disant : ' Tais-toi, et sors de cet homme. ' » La Vérité n'a nul besoin du témoignage du Menteur. « Je ne suis pas venu me faire confirmer par ton témoignage mais t'expulser de celui que j'ai créé...; je n'ai pas besoin de la reconnaissance de celui que je voue au déchirement. Tais-toi ! Que ton silence soit ma louange. Je ne veux pas être loué par ta voix, mais tes tourments ; ton châtiment c'est ma louange... Tais-toi, et sors de l'homme ! » C'est comme si il disait : « Sors de chez moi ; que fais-tu dans ma demeure ? Moi, je désire entrer : alors, tais-toi, et sors de l'homme, cet être doué de raison. Sors de l'homme ! Quitte cette demeure qui a été préparée pour moi ! Le Seigneur veut sa maison, sors de cet homme »...

      Voyez à quel point l'âme de l'homme est précieuse. Cela va à l'encontre de ceux qui pensent que nous, les hommes, et les animaux avons une âme identique et que nous sommes animés d'un même esprit. À un autre moment, le démon est expulsé d'un seul homme et il est envoyé dans deux mille porcs (Mt 8,32) : ce qui est précieux est sauvé, ce qui est vil est perdu. « Sors de l'homme, va-t'en chez les porcs..., va où tu veux, va-t'en aux abîmes. Laisse l'homme, ma propriété privée... Je ne te laisserai pas posséder l'homme, car ce serait un outrage pour moi si tu t'installais en lui à ma place. J'ai assumé un corps humain, j'habite dans l'homme : cette chair que tu possèdes fait partie de ma chair, sors de cet homme ! »

Homélies sur l'évangile de Marc, n°2 ; PLS 2, 125s ; SC 494 (trad. SC p. 111 rev.)

separ ecrit biblioIl est présent par la foi

      Si Jésus pouvait s'approcher de nous et guérir d'un seul mot notre fièvre ! Car chacun de nous a sa fièvre. Quand je me mets en colère, j'ai la fièvre : autant de vices, autant de fièvres. Demandons aux apôtres de prier Jésus de s'approcher de nous, de nous toucher la main. S'il le fait, la fièvre disparaîtra aussitôt, car Jésus est un excellent médecin. C'est lui le vrai, le grand médecin, le premier de tous les médecins... Il sait découvrir le secret de toutes les maladies : il ne touche pas l'oreille, ni le front..., mais la main, c'est à dire les œuvres mauvaises...

      Jésus s'approche de la malade, car elle ne pouvait pas se lever et courir au-devant de celui qui venait chez elle. Lui, médecin plein de miséricorde, il vient lui-même jusqu'au lit, lui qui avait porté la brebis malade sur ses épaules (Lc 15,5).... Il s'approche de son plein gré ; il prend l'initiative de la guérison. Il s'approche de cette femme et que lui dit-il ? « Tu aurais dû courir devant moi. Tu aurais dû venir à la porte et m'accueillir pour que ta guérison ne soit pas le seul effet de ma miséricorde, mais aussi celui de ta volonté. Mais puisque te voilà accablée par la fièvre et que tu ne peux pas te lever, c'est moi qui viens à toi. »

      « Jésus s'approche et la fait lever... Il la prend par la main. » Quand on est en danger, comme Pierre en mer, tout près d'être submergé, Jésus prend la main et relève (Mt 14,31). Jésus fait lever cette femme en la prenant par la main : de sa propre main il lui saisit la main. Bienheureuse amitié, splendide baiser !... Jésus saisit cette main comme un médecin : il constate la violence de la fièvre, lui qui est à la fois le médecin et le remède. Il la touche, et la fièvre prend la fuite. Qu'il touche aussi notre main, qu'il guérisse nos œuvres... Levons-nous, restons debout... On me dira peut-être : « Où est Jésus ? » Il est ici devant nous : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas. Le Royaume de Dieu est au milieu de vous » (Jn 1,26; Lc 17,21).

Homélies sur l'évangile de Marc, n°2C (trad. cf En Calcat et SC 494, p. 117)

separ ecrit biblio  Jésus appelle les villes de Galilée à la conversion

      « Le Seigneur est bon et miséricordieux », préférant à la mort le repentir des péchés (Jl 2,13). « Il est patient et riche en miséricorde » ; il n'imite pas l'impatience des hommes, mais il attend longuement notre repentir. « Il est prêt à arrêter le mal » ou à s'en repentir. C'est-à-dire que si nous nous repentons de nos péchés, lui-même se repentira de ses menaces et ne nous infligera pas les maux dont il nous avait menacés ; si nous changeons d'avis, lui aussi en changera...

      Cependant le prophète qui vient de dire : « Le Seigneur est bon et miséricordieux, patient et riche en miséricorde, prêt à arrêter le mal ou à s'en repentir » ajoute pour que cette grande clémence ne nous rende pas négligents : « Qui sait ? il pourrait revenir, il pourrait renoncer au châtiment et nous combler de ses bienfaits » (v. 14). Moi, dit-il, je vous exhorte de mon mieux à la pénitence, et je sais que la clémence de Dieu est inexprimable. Comme l'a dit David : « Pitié pour moi, mon Dieu, dans ta grande miséricorde ; dans l'abondance de tes pardons, efface mes péchés » (Ps 50,3). Mais, parce que nous ne pouvons pas connaître la profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu (Rm 11,33), je m’exprimerai de façon plus nuancée, je formulerai seulement un souhait en disant : « Qui sait si Dieu ne se ravisera pas et ne pardonnera pas ? » Ce « qui sait » doit être compris comme désignant une chose difficile.

Commentaire sur le prophète Joël ; PL 25,967 (trad. bréviaire rev.)

separ ecrit biblioLe Christ, accomplissement de la Loi et des prophètes

      Quand je lis l'Evangile et que j'y rencontre des témoignages tirés de la Loi ou des prophètes, je ne considère que le Christ. Si j'ai vu Moïse, si j'ai vu les prophètes, c'était seulement pour comprendre ce qu'ils disent du Christ. Quand un jour je serai entré dans la splendeur du Christ et que brillera à mes yeux sa lumière aussi éblouissante que le soleil, je ne pourrai plus voir la lumière d'une lampe. Si on allume une lampe en plein jour, éclairera-t-elle ? Quand le soleil se lève, la lumière de la lampe s'évanouit. De même, quand on jouit de la présence du Christ, la Loi et les prophètes disparaissent. Je n'enlève rien à la gloire de la Loi et des prophètes ; au contraire, je les loue d'être les annonciateurs du Christ. Car quand je lis la Loi et les prophètes, mon but n'est pas de m'en tenir à la Loi et aux prophètes, mais, par la Loi et les prophètes, d'arriver jusqu'au Christ. 

Commentaire sur l'évangile de Marc, 9, 1-7

separ ecrit biblio« Je te le dis, lève-toi »

      « Il ne laissa personne l'accompagner, si ce n'est Pierre, Jacques et Jean, le frère de Jacques ». On pourrait se demander pourquoi Jésus emmène toujours ces disciples-là et pourquoi il laisse les autres. Ainsi, lorsqu'il a été transfiguré sur la montagne, ces trois-là l'accompagnaient déjà... Sont choisis Pierre, sur qui l'Église a été bâtie, ainsi que Jacques, le premier apôtre qui ait reçu la palme du martyre, et Jean, le premier à prôner la virginité...

      « Et il pénètre là où était l'enfant, et tenant l'enfant par la main, il lui dit : Talitha koum.  Et aussitôt, la fillette se tint debout, et elle marchait. » Souhaitons que Jésus nous touche nous aussi, et aussitôt nous marcherons. Que nous soyons paralytiques ou que nous commettions de mauvaises actions, nous ne pouvons pas marcher ; nous sommes peut-être couchés sur le lit de nos péchés comme sur notre lit véritable. Dès que Jésus nous aura touchés, nous serons aussitôt guéris. La belle-mère de Pierre souffrait de fortes fièvres ; Jésus lui a pris la main, elle s'est relevée et aussitôt elle les servait (Mc 1,31)... « Et il leur dit de lui donner à manger. » De grâce, Seigneur, touche-nous la main, à nous qui sommes couchés, relève-nous du lit de nos péchés, fais-nous marcher. Lorsque nous aurons marché, ordonne qu'on nous donne à manger. Gisants, nous ne pouvons pas marcher, et si nous ne sommes pas debout, nous ne pouvons pas recevoir le corps du Christ, à qui appartient la gloire, avec le Père et le Saint Esprit, pour les siècles des siècles. 

Commentaire sur l'évangile de Marc, 2 ; PLS 2, 125s (trad. DDB 1986, p. 55)

separ ecrit biblio« Es-tu venu pour nous perdre ? »

      « Il y avait dans leur synagogue un homme, tourmenté par un esprit mauvais ». Cet esprit ne pouvait pas supporter la présence du Seigneur ; il s'agissait de cet esprit impur qui avait conduit tous les hommes à l'idolâtrie... « Quelle entente entre le Christ et Satan ? » (2Co 6,15) ; le Christ et Satan ne pouvaient pas être associés l'un à l'autre. « Il cria en disant : ' Que nous veux-tu ? ' » Celui qui s'exclame ainsi est un individu qui s'exprime au nom de plusieurs personnes ; cela prouve qu'il a conscience d'avoir été vaincu, lui et les siens.

      « Il cria en disant...: ' Que nous veux-tu, Jésus le Nazaréen ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : le Saint de Dieu ' ». En plein tourment et malgré l'intensité des souffrances qui le font crier, il n'a pas abandonné son hypocrisie. Il est contraint de dire la vérité, la souffrance le presse, mais la malice l'empêche de dire toute la vérité : « Que nous veux-tu, Jésus le Nazaréen ? » Pourquoi ne reconnais-tu pas le Fils de Dieu ? Est-ce le Nazaréen qui te torture, et non pas le Fils de Dieu ?...

      Moïse n'était-il pas un saint de Dieu ? Et Isaïe et Jérémie n'ont-ils pas été des saints de Dieu ?... Pourquoi ne leur dis-tu pas : « Je sais qui tu es, saint de Dieu » ?... Ne dis pas « Saint de Dieu » mais « Dieu Saint ». Tu t'imagines que tu sais, mais tu ne sais pas ; ou si tu sais, tu te tais par duplicité. Car il n'est pas seulement le Saint de Dieu, mais Dieu Saint. 

Commentaire sur l'évangile de Marc, 2 ; PLS 2, 125s (trad. DDB 1986, p. 47)

separ ecrit biblioLe Christ médecin

      « La belle-mère de Simon était couchée ; elle avait de la fièvre ». Puisse le Christ venir dans notre maison, entrer et guérir d'une seule parole la fièvre de nos péchés. Chacun d'entre nous est pris de fièvre. Chaque fois que nous nous mettons en colère, nous avons de la fièvre ; tous nos défauts sont autant d'accès de fièvre. Demandons aux apôtres de prier Jésus afin qu'il vienne auprès de nous et qu'il nous prenne la main ; car dès qu'il aura touché notre main, la fièvre disparaîtra.

      Le chef des médecins est un médecin éminent et sérieux. Moïse est un médecin, Isaïe et tous les saints sont des médecins ; mais Jésus, lui, est le chef des médecins. Il sait parfaitement palper le pouls et sonder les secrets des maladies. Il ne touche ni le front, ni l'oreille, ni aucune autre partie du corps, mais il prend la main… Quand notre main révèle les symptômes de nos mauvaises actions, nous ne pouvons pas nous relever, nous sommes incapables de marcher, car nous sommes vraiment malades... Mais ce médecin miséricordieux s'approche lui-même du lit ; celui qui avait porté une brebis malade sur ses épaules s’avance à présent vers notre lit. 

Homélies sur l’évangile de Marc, no. 2 ; PLS 2, 125s (trad. DDB 1986, p. 51)

separ ecrit biblioTout quitter pour tout recevoir

      Nous avons reçu plus que nous n'avons donné ; nous quittons de petites choses et nous trouvons des biens immenses. Le Christ rend au centuple ce qu'on fait pour lui : « Si tu veux être parfait, va, vends tout et donnes-en le prix aux pauvres. Puis, viens et suis-moi ». « Si tu veux être parfait » -- les grandes choses sont toujours laissées à notre libre choix. De même l'apôtre Paul ne fait pas un commandement de la virginité (1Co 7), car Jésus a dit : « L'observe qui pourra ! Ce don vient de la miséricorde de Dieu » (cf Mt 19,12). « Si tu veux être parfait » ; on ne vous l'impose pas, afin que le sacrifice étant volontaire, le mérite en devienne plus grand. Et cependant, pour arriver à la perfection, il ne suffit pas simplement de mépriser les richesses et de donner ses biens, de se libérer de ce qu'on peut perdre et acquérir en un moment. Cela, les philosophes l'ont fait ; un chrétien doit faire plus qu'eux.

      Il ne suffit pas de quitter les biens terrestres, il faut suivre le Christ. Mais suivre le Christ, qu'est-ce que c'est ? C’est renoncer à tout péché, et adhérer à toute vertu. Le Christ, c’est la Sagesse éternelle, ce trésor qu'on trouve en un champ (Mt 13,44), dans le champ des Saintes Ecritures. C’est la perle précieuse pour laquelle il en faut sacrifier beaucoup d'autres (Mt 13,46). Le Christ, c’est encore la sainteté, la sainteté sans laquelle personne ne verra la face de Dieu. Le Christ est notre rédemption, notre rédempteur ; il est notre rançon (1 Tm 2,6). Le Christ est tout : celui donc qui acceptera de tout quitter pour lui retrouvera tout en lui. Celui-là pourra dire : « Ma part d’héritage, c’est le Seigneur » (Ps 15,5)… Ne donnez pas seulement votre argent, si vous voulez suivre Jésus Christ. Donnez-vous vous-même à lui ; imitez le Fils de l'Homme qui n'est pas venu pour être servi, mais pour servir (Mc 10,45).

Lettre (trad. rev. Tournay)

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« Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? »

Lorsque Dieu a donné richesses et trésor, il permet à l'homme de s'en nourrir, d'en prendre sa part et de se réjouir de son travail, c'est un don de Dieu. On ne se souviendra plus beaucoup des jours de sa vie, parce que Dieu comble le cœur de joie . En comparaison de celui qui se nourrit de ses richesses mais en étant assombri par les soucis, et qui amasse des biens périssables dans un grand ennui de vivre, l'Ecclésiaste déclare plus heureux celui qui jouit des biens présents. Car, en ce cas, il y a au moins, dans cette jouissance, un peu de plaisir ; dans l'autre cas, il n'y a que l'énormité des soucis. Et l'Ecclésiaste explique pourquoi c'est un don de Dieu, de pouvoir jouir de la richesse : parce qu' on ne se souviendra plus beaucoup des jours de sa vie.

Oui, Dieu en distrait cet homme par la joie de son cœur : cet homme ne vivra pas dans la tristesse, il ne se fatiguera pas à réfléchir, parce qu'il sera entraîné par la joie et le plaisir présents. Mais, selon l'Apôtre, il vaut mieux comprendre que la nourriture spirituelle et la boisson spirituelle nous sont données par Dieu, et découvrir ce que l'on a de bon dans tout son labeur. Car, si nous pouvons contempler les vrais biens, c'est par un labeur et un effort énormes. Et telle est notre part : nous réjouir dans notre effort et notre labeur. Quoique cela soit bon, cependant, jusqu'à ce que le Christ, notre vie, se soit manifesté , ce n'est pas encore le bien parfait.

Tout le travail de l'homme est pour sa bouche, et pourtant son âme n'est pas rassasiée. Quelle est la supériorité du sage sur le fou, quelle est la supériorité du pauvre lorsqu'il sait se conduire parmi les vivants ? Tout le travail des hommes en ce monde est absorbé par la bouche et, broyé par les dents, il passe dans le ventre pour être digéré. Et lorsqu'il trouve un peu de satisfaction dans la gourmandise, cela ne lui donne du plaisir qu'autant que sa gorge peut en contenir.

Et après tout cela, l'âme du mangeur n'est pas rassasiée . Cela peut s'expliquer de deux façons. Ou bien parce que l'on veut toujours recommencer à manger, et le sage aussi bien que le fou sait qu'il ne peut vivre sans manger ; le pauvre ne cherche pas autre chose que de pouvoir sustenter cet instrument qu'est son malheureux corps, de ne pas le laisser périr d'inanition. Ou encore l'âme n'est pas rassasiée en ce sens qu'elle ne trouve aucun profit dans la réfection de son pauvre corps ; la nourriture est la même pour le sage et pour le fou, et le pauvre s'en va là où il espère trouver des ressources.

Mais il vaut mieux comprendre cela du chrétien qui, en connaissant bien les Écritures, met tout son travail dans sa bouche, et son âme n'est pas rassasiée , parce qu'il désire toujours s'instruire. Et sur ce point, le sage est supérieur à l'insensé. Car, parce qu'il comprend qu'il est un pauvre ; ce pauvre que l'Évangile déclare heureux, il s'empresse de saisir ce qui fait sa vie, il marche sur la route étroite et resserrée qui conduit à la vie. Il est pauvre, mais de mauvaises actions, et il sait où demeure le Christ, qui est la vie. 

COMMENTAIRE DE SAINT JÉRÔME SUR L'ECCLÉSIASTE

separ ecrit biblio« Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche »

       « Après l’arrestation de Jean Baptiste, Jésus vint en Galilée… » Selon notre interprétation, Jean représente la Loi et Jésus l’Évangile. En effet, Jean dit : « Celui qui est plus fort que moi vient après moi... » (Mc 1,7), et ailleurs : « Il faut que lui grandisse et que moi, je diminue » (Jn 3,30) : c’est ainsi qu’il compare la Loi à l’Évangile. Et ensuite il dit : « Moi — c’est-à-dire la Loi — je vous baptise dans l’eau, mais lui — c’est-à-dire l’Évangile — vous baptisera dans l’Esprit Saint » (Mc 1,8). Jésus vint donc parce que Jean avait été mis en prison. En effet la Loi est close et enfermée, elle n’a plus sa liberté passée ; mais nous sommes passés de la Loi à l’Évangile… 

      « Jésus vint en Galilée, prêchant l’Évangile, la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu »… Quand je lis la Loi, les prophètes et les psaumes, je n’ai jamais entendu parler du Royaume des cieux : seulement dans l’Évangile. Car c’est seulement quand est venu celui dont il est dit « le Royaume de Dieu est au milieu de vous » (Lc 17,21) que le Royaume de Dieu a été ouvert… En effet, avant la venue du Sauveur et la lumière de l’Évangile, avant que le Christ n’ouvre la porte du paradis avec le larron (Lc 23,43), toutes les âmes des saints descendaient au séjour des morts. Jacob lui-même dit : « Pleurant et gémissant, je descendrai au séjour des morts » (Gn 37,35)… Dans la Loi, Abraham est au séjour des morts ; dans l’Évangile, le larron est au paradis. Nous ne dénigrons pas Abraham, nous désirons tous reposer en son sein (Lc 16,23) ; mais nous préférons le Christ à Abraham, l’Évangile à la Loi.

      Nous lisons qu’après la résurrection du Christ, beaucoup de saints sont apparus dans la cité sainte (Mt 27,53). Notre Seigneur et notre Sauveur a prêché sur terre et il a prêché aussi aux enfers ; il est mort, il est descendu aux enfers pour libérer les âmes qui y étaient enchaînées (1P 3,18s). 

Homélies sur l'évangile de Marc, n°2A ; SC 494 (trad. SC p. 93 rev.)

 

JeromeSaint Jérôme (347-420), prêtre, traducteur de la Bible, docteur de l'Église 

L'amour du prochain : support mutuel et bienveillance ; puiser à la source de la Bonté divine

« Ainsi donc, tant que nous en avons le temps, pratiquons le bien à l’égard de tous, et surtout de nos frères dans la Foi. » (Ga 6, 10) Le temps présent, celui du cours de la vie, est le temps des semailles. Durant cette vie, nous pouvons semer ce que nous voulons. Quand cette vie sera écoulée, le temps d’agir nous sera ôté. C’est pourquoi le Sauveur dit : « Travaillez tant qu’il fait jour. La nuit viendra, où nul ne pourra plus travailler. » (Jn 9, 4) 

Que nous soyons malades ou bien-portants, humbles ou puissants, pauvres ou riches, affamés ou rassasiés, faisons tout au nom du Seigneur, avec patience et égalité d’âme ; alors s’accomplira en nous ce que dit l’Écriture : « Toutes choses coopèrent au bien de ceux qui aiment Dieu. » (Rm 8, 28). La colère elle-même, la passion, l’outrage reçu qui demande vengeance, deviennent pour moi, si je me maîtrise, si je garde le silence pour Dieu, si à travers chaque piqûre blessante et sous la pression des vices, je pense à Dieu qui me regarde d’En-Haut, autant d’occasions de triomphe. 

Ne disons-pas, lorsque nous distribuons des dons : celui-ci est un ami, celui-là, je l’ignore ; celui-ci a droit à recevoir, celui-là doit être méprisé. Imitons notre Père, « qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. » (cf. Mt 5, 45) La source de sa Bonté est ouverte à tous. Esclave et homme libre, plébéien et roi, riche et pauvre, tous y boivent pareillement. La lampe allumée dans la maison éclaire tous sans distinction. 

Saint Jean l’Évangéliste à la fin de sa vie, alors qu’il ne pouvait exprimer sa pensée par un discours suivi, ne proférait d’autre parole que celle-ci : « Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres. » (Cf. Jn 13,34) À la fin, ses disciples lui dirent : « Maître, pourquoi nous dîtes-vous toujours cela ? » Jean répondit par cette sentence digne de lui : « Parce que c’est le précepte du Seigneur ; que seulement on l’accomplisse, et cela suffit. »

Commentaire de l’Épître aux Galates, L3 ch 6 (Œuvres complètes de Saint Jérôme, Tome 10, trad.abbé J. Bareille, rev.) 

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Jonas, une figure du Christ

Si Jonas est une figure du Seigneur, et évoque par son séjour de trois jours et de trois nuits dans les entrailles du cétacé la Passion du Sauveur, sa prière aussi doit être une expression de la prière du Seigneur. 

« Je suis rejeté de devant tes yeux. Mais je reverrai ton saint Temple. » (Jon 2,5) Quand j’étais avec toi, jouissant de ta lumière, je ne disais pas : je suis rejeté. Mais, une fois au fond de la mer, et enveloppé de la chair d’un homme, je prends les sentiments d'un homme, et je dis : je suis rejeté de devant tes yeux. Cela, je l’ai dit en tant qu’homme ; et la suite, je le dis comme Dieu, Moi qui, étant dans ta condition, ne me suis pas prévalu de mon égalité avec toi (cf Phil 1,6), parce que je voulais élever à toi le genre humain. « Mais je reverrai ton saint Temple ». Ainsi le texte de l’Évangile dit-il : « Père, glorifie-moi auprès de toi en m’accordant la gloire que j’avais avant que le monde existât. » (Jn 17,5) et le Père répond : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai » (Jn 12,28). L’unique et même Seigneur demande en tant qu’homme, promet en tant que Dieu, et il est sûr de la possession qui fut toujours la sienne. 

« Les eaux m’avaient entouré jusqu'à l’âme, l’abîme me cernait » (Jon 2,6) Que l’enfer ne m’emprisonne pas ! Qu’il ne me refuse pas la sortie ! Librement j’ai fait la descente, que librement je fasse l’ascension. Je suis venu captif volontaire, je dois libérer les captifs pour que soit accompli ce verset : « montant dans les hauteurs, il a emmené les captifs. »(Ps 68,19 ; Ep 4,8) Ceux-là en effet qui auparavant étaient captifs dans la mort, lui les a conquis à la vie. 

« Et le Seigneur commanda au poisson, qui rejeta Jonas sur la terre sèche. » (Jon 2,11) Il est donc commandé à ce grand cétacé, aux abîmes et aux enfers de restituer le Sauveur à la terre ; ainsi Celui qui était mort pour libérer les détenus dans les liens de la mort, peut emmener avec lui une foule vers la vie.

Sur Jonas, II 2,5,6,11 (SC 43, trad vulgate et SC, rev.) 

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« Ils partirent derrière lui »

« Jésus leur dit : Venez à ma suite, et je vous ferai devenir pêcheurs d'hommes. » Heureuse mutation de la pêche : Simon et André sont la pêche de Jésus... Ces hommes sont assimilés à des poissons, pêchés par le Christ, avant d'aller eux-mêmes pêcher d'autres hommes. « Et aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. » Une foi véritable ne connaît pas de délai ; dès qu'ils l'ont entendu, ils ont cru, l'ont suivi et sont devenus pêcheurs. « Aussitôt, laissant leurs filets. » Je pense qu'à travers ces filets, ce sont tous les vices de la vie de ce monde qu'ils ont quittés... 

« Et quelques pas plus loin, il vit Jacques, le fils de Zébédée, et Jean, son frère... Aussitôt, il les appela ; et, laissant leur père dans la barque avec ses employés, ils partirent à sa suite. » On me dira : la foi est audacieuse. Quel indice avaient-ils, quelle marque sublime avaient-ils remarquée pour le suivre dès qu'il les a appelés ? Nous réalisons que de toute évidence quelque chose de divin émanait du regard de Jésus, de l'expression de son visage, qui incitait ceux qui regardaient Jésus à se tourner vers lui... Pourquoi dis-je tout cela ? C'est pour vous montrer que la parole du Seigneur agissait, et qu'à travers le moindre de ses mots, il travaillait à son œuvre : « Lui commanda, eux furent créés » (Ps 148,5) ; avec la même simplicité, lui a appelé, eux ont suivi... : « Écoute, ma fille, regarde et tend l'oreille, oublie ton peuple et la maison de ton père ; alors le roi désirera ta beauté » (Ps 44,11-12). 

Écoute bien, frère, et suis la trace des apôtres ; écoute la voix du Sauveur, ignore ton père par la chair, et vois le Père véritable de ton âme et de ton esprit... Les apôtres quittent leur père, quittent leur barque, quittent toutes leurs richesses d'alors ; ils abandonnent le monde et ses innombrables richesses ; ils renoncent à tout ce qu'ils possèdent. Mais ce n'est pas la masse des richesses que Dieu considère, c'est l'âme de celui qui y renonce. Eux qui ont quitté peu de chose auraient tout aussi bien renoncé, le cas échéant, à une grande fortune.

Homélies sur l'évangile de St Marc ; PL 52, 125-171 (trad. Marc commenté, DDB 1986, p.42s) 

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Le baptême de Jésus

« Et il fut baptisé dans le Jourdain par Jean. » Grande est sa miséricorde : celui qui n’avait pas commis de péché est baptisé comme un pécheur. Dans le baptême du Seigneur tous les péchés sont remis. Mais Il n'est qu’une sorte de préfiguration du baptême du Sauveur, car la vraie rémission des péchés est dans le sang du Christ, dans le mystère de la Trinité. 

« Et ressortant de l’eau, il vit les cieux ouverts. » Tout cela est écrit pour nous. Donc avant de recevoir le baptême, nous avons les yeux fermés, nous ne voyons pas les réalités célestes. 

« Il vit l’Esprit-Saint descendre comme une colombe et demeurer sur lui. Et il y eut une voix du haut du ciel : tu es mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toute ma faveur ». Nous voyons le mystère de la Trinité : Jésus est baptisé, l’Esprit-Saint descend sous l’apparence d’une colombe, le Père parle du haut du ciel. 

« Il vit les cieux ouverts.» L’expression « il vit » montre que les autres n’avaient pas vu. Que l’on n’aille pas s’imaginer les cieux simplement et matériellement ouverts : nous-mêmes qui maintenant sommes en ce lieu, selon la diversité de nos mérites, nous voyons les cieux ouverts ou fermés. Une foi totale voit les cieux ouverts, mais une foi qui doute les voit fermés. 

« Il vit les cieux ouverts, et l’Esprit comme une colombe descendre et demeurer sur lui. » (Jn 1,32) Voyez ce que dit l’Écriture : demeurer, c’est-à-dire ne pas s’en aller. Sur le Christ, l’Esprit-Saint est descendu et est demeuré ; tandis que sur les hommes, il descend mais ne demeure pas. En effet espérons-nous que l’Esprit-Saint demeure en nous quand nous haïssons notre frère ou que nous avons des pensées mauvaises ? Si donc nous avons de bonnes pensées, sachons que l’Esprit-Saint habite en nous, mais si nous en avons de mauvaises, c’est le signe que l’Esprit-Saint s’est retiré de nous. C’est pourquoi il est dit du Sauveur : « Celui sur qui tu verras l’Esprit Saint descendre et demeurer, c’est lui. » (Jn 1,33)

Homélies sur l’évangile de Marc 1C, SC 494 (trad. SC, rév.) 

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J'obéis aux préceptes du Christ qui dit : Scrutez les Écritures

En accomplissant une promesse faite à Paula, j'obéis aux préceptes du Christ qui dit : Scrutez les Écritures, et aussi : Cherchez, et vous trouverez. Je ne veux pas qu'il me dise, comme aux Juifs : Vous êtes dans l'erreur, parce que vous méconnaissez les Écritures et la puissance de Dieu. Si, selon l'Apôtre Paul, le Christ est puissance de Dieu et sagesse de Dieu, et si celui qui méconnaît les Écritures méconnaît la puissance de Dieu et sa sagesse : ignorer les Écritures, c'est ignorer le Christ.

J'imiterai donc le père de famille qui tire de son trésor du nouveau et de l'ancien, et aussi l'épouse qui dit, dans le Cantique des cantiques : Les fruits nouveaux, comme les anciens, je les ai gardés pour toi. Et c'est ainsi que je commenterai Isaïe ; je l'enseignerai comme étant non seulement un prophète, mais un évangéliste et un apôtre. Il a dit de lui-même, en effet, comme des autres évangélistes : Qu'ils sont beaux, les pieds de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles, qui annoncent la paix. Et Dieu lui parle comme à un apôtre : Qui enverrai-je vers ce peuple ? Et Isaïe répond : Me voici, envoie-moi.

Personne ne doit croire que je désire résumer brièvement le contenu de ce livre, car le texte en question embrasse tous les mystères du Seigneur : il annonce I'Emmanuel né de la Vierge ; il prédit qu'il accomplira des œuvres et des signes éclatants ; mort et enseveli, ressuscitant du séjour des morts, il sera le Sauveur de toutes les nations. Vais-je parler de physique, de morale et de logique ? Tout ce qu'il y a dans les saintes Écritures, tout ce que la parole humaine peut exprimer et tout ce que peut assimiler l'intelligence des mortels, est contenu dans ce livre. Celui qui l'a écrit témoigne lui-même de tous ces mystères : Toute vision est devenue pour vous comme les paroles d'un livre scellé. On le donne à quelqu'un qui sait lire, en lui disant : « Lis cela ». Et il répond : « Je ne peux pas, parce que le livre est scellé. » Ou bien on le donne à quelqu'un qui ne sait pas lire, en lui disant : « Lis cela ». Il répond : «Je ne sais pas lire. » ~

Écoutez ce que dit saint Paul : Que deux ou trois prophètes prennent la parole, et que les autres jugent. Si un assistant reçoit une révélation, celui qui parle doit se taire. Comment pourra-t-il se taire, puisque le Saint-Esprit, qui parle par les prophètes, est libre de se taire ou de parler ? Si donc ils comprenaient ce qu'ils disaient, c'est que tout est plein de sagesse et de raison. Ce n'est pas la vibration de l'air qui parvenait à leurs oreilles, mais c'est Dieu qui parlait dans l'esprit des prophètes, selon ce que dit un autre prophète : C'est un ange qui me parlait. Et aussi : Ils crient dans nos cœurs : Abba, Père. Et encore : J'écouterai ce que dira en moi le Seigneur Dieu.

PROLOGUE DU COMMENTAIRE D'ISAÏE PAR S. JÉRÔME

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 Lève-toi

« Il saisit la main de l'enfant et lui dit : ' Talitha koum ', ce qui signifie : ' Jeune fille..., lève-toi '. » « Puisque tu es née une deuxième fois, tu seras appelée ' jeune fille '. Jeune fille, lève-toi pour moi, non pas en raison de ton mérite, mais par l'action de ma grâce. Lève-toi donc pour moi : ta guérison ne provient pas de ta force. » « Et aussitôt, la jeune fille se leva et elle marchait. » Que Jésus nous touche nous aussi et aussitôt nous marcherons. Bien que nous soyons paralysés, bien que nos œuvres soient mauvaises et que nous ne puissions pas marcher, bien que nous soyons couchés sur le lit de nos péchés..., si Jésus nous touche, aussitôt nous serons guéris. La belle-mère de Pierre était tourmentée par la fièvre : Jésus lui a touché la main, elle s'est levée et aussitôt elle le servait (Mc 1,31)... « Et ils furent frappés d'une grande stupeur, et il leur commanda avec force de se taire et de ne le dire à personne. » Voyez-vous pourquoi il avait mis dehors la foule alors qu'il allait faire un miracle ? Il a commandé et non seulement il a commandé mais il a commandé avec force que personne ne le sache. Il a commandé aux trois apôtres, il a commandé aussi aux parents que personne ne le sache. Le Seigneur a commandé à tous, mais la jeune fille ne peut pas se taire, elle qui s'est relevée. « Et il dit de lui donner à manger » : pour que sa résurrection ne soit pas considérée comme l'apparition d'un fantôme. Et lui-même, après la résurrection, a mangé du poisson et du gâteau de miel (Lc 24,42)... Je t'en supplie Seigneur, à nous aussi qui sommes couchés, touche-nous la main ; relève-nous du lit de nos péchés et fais-nous marcher. Quand nous aurons marché, fais-nous donner à manger. Couchés, nous ne pouvons pas manger ; si nous ne sommes pas debout, nous ne sommes pas capables de recevoir le Corps du Christ.

Homélies sur l'évangile de Marc, n°3 (trad. SC 494, p. 129 rev.)

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C'est celui-là qui baptise dans l'Esprit Saint

« Un rameau sortira de la souche de Jessé (père de David), un rejeton jaillira de ses racines. Sur lui reposera l'esprit du Seigneur » (Is 11,1-2). Toute cette prophétie concerne le Christ... Le rameau et la fleur qui sortent de la souche de Jessé, les juifs les interprètent du Seigneur lui-même : pour eux le rameau est le symbole du sceptre royal ; la fleur, celui de sa beauté. Nous les chrétiens, nous voyons dans le rameau issu de la souche de Jessé la sainte Vierge Marie, à qui nul ne s'est uni pour la rendre féconde. C'est elle que désignait plus haut le même prophète : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils » (7,14). Et dans la fleur nous reconnaissons le Seigneur notre Sauveur qui dit dans le Cantique des cantiques : « Je suis la fleur des champs et le lys des vallées » (Ct 2,1)... Sur cette fleur qui jaillit soudain de la souche et de la racine de Jessé par la Vierge Marie, va reposer l'Esprit du Seigneur, car « Dieu s'est plu à faire habiter en lui corporellement toute la plénitude de la divinité » (Col 2,9). Non d'une manière fragmentaire, comme sur les autres saints, mais...selon ce qu'on lit dans l'évangile de Matthieu : « Voici mon serviteur que j'ai choisi, mon bien-aimé en qui je me complais. Je ferai reposer sur lui mon esprit. Aux nations, il fera connaître le jugement » (Mt 12,18; Is 42,1). Nous appliquons cette prophétie au Sauveur sur qui l'Esprit du Seigneur a reposé, ce qui veut dire qu'il établit en lui sa demeure éternelle... Comme en témoigne Jean Baptiste, il descend pour demeurer sans cesse sur lui : « J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau m'a dit : ' Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est celui-là qui baptise dans l'Esprit Saint ' »... Cet Esprit est appelée « Esprit de sagesse et d'intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de science, de piété et de crainte du Seigneur » (Is 11,2)... Il est l'unique et même source de tous les dons.

Sur Isaïe, ch. 11 (trad. Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, t. 6, p. 53)

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« Revenez à moi »

« Revenez à moi de tout votre cœur », exprimez votre conversion « par le jeûne, les larmes et les signes de deuil ». Si vous jeûnez maintenant, plus tard vous serez rassasiés ; si vous pleurez maintenant, plus tard vous rirez ; si vous prenez maintenant le deuil, plus tard vous serez consolés... Je vous demande « de ne plus déchirer vos vêtements, mais vos cœurs », comme des outres qui, si elles ne sont pas déchirées, éclatent d'elles-mêmes. 

Lorsque vous aurez fait cela, revenez au Seigneur votre Dieu, dont vos péchés vous avaient éloignés. Ne désespérez pas du pardon, quelle que soit l'énormité de vos fautes, car sa grande miséricorde effacera de grands péchés. En effet, « le Seigneur est bon et miséricordieux » ; il préfère la conversion des pécheurs à leur mort. Il est « patient et riche de miséricorde » ; il n'imite pas l'impatience des hommes mais attend longuement notre repentir. 


(Références bibliques : Jl 2,12-13 Vulg; Lc 6,21; Mt 5,5; Ez 33,11)

Commentaire de Joël 2, 12-14 ; PL 25, 967 (trad. bréviaire 21e vendr. rev. ; cf Orval) 

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« Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic » (Jn 2,16)

      « Alors Jésus entra dans le Temple et se mit à expulser ceux qui vendaient et ceux qui achetaient. » Certains s'étonnent de la résurrection de Lazare (Jn 11,44), ils sont stupéfaits que le fils d'une veuve soit ressuscité (Lc 7,15), d'autres sont frappés par d'autres miracles. Sans aucun doute, il est admirable de rendre la vie à un corps mort. Pour ma part, je suis davantage frappé par l'évènement présent. Cet homme, fils de charpentier, un pauvre sans demeure, sans gîte où se reposer, sans armée, qui n'était ni chef ni juge — quel pouvoir l'a autorisé à... chasser une foule si nombreuse alors qu'il était seul ? Personne n'a protesté, personne n'a osé opposer de résistance, car personne n'a osé s'opposer au Fils qui réparait l'injure faite à son Père...

      « Il se mit à chasser ceux qui vendaient et achetaient dans le Temple. » Si cela a été possible chez les juifs, pourquoi cela ne l'est-il pas à plus forte raison chez nous ? Si cela arrive dans le cadre de la Loi, pourquoi n'en est-il pas de même à plus forte raison dans l'Évangile ?... Le Christ, un pauvre, chasse les acheteurs et les vendeurs, qui sont riches. Celui qui vend est jeté au même titre que celui qui achète. Que personne ne dise : « Moi, j'offre tout ce que je possède, je fais des offrandes aux prêtres, comme Dieu l'a ordonné ». Dans un passage de Matthieu, nous lisons ceci : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10,8). La grâce de Dieu ne se vend pas, elle se donne.

Homélies sur l'évangile de Marc, n°9 (trad. Marc commenté, DDB 1986, p. 87s)

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« Jérusalem, Jérusalem, combien de fois j'ai voulu rassembler tes enfants »

La croix du Christ est le soutien du genre humain : sur cette colonne est bâtie sa demeure. Quand je parle de la croix, je vise non pas le bois mais la Passion. Cette croix, elle se trouve aussi bien en Bretagne qu'en Inde, et dans l'univers entier... Heureux celui qui porte dans son cœur la croix et la résurrection, ainsi que le lieu de la naissance et le lieu de l'ascension du Christ. Heureux celui qui possède Bethléem dans son cœur et dans le cœur de qui le Christ naît chaque jour... Heureux celui dans le cœur de qui le Christ ressuscite chaque jour parce que chaque jour il fait pénitence pour ses péchés même légers. Heureux celui qui chaque jour s'élève du Mont des Oliviers au Royaume des cieux, là où sont grasses les olives et où naît la lumière du Christ...

Ce n'est pas d'avoir été à Jérusalem, mais d'avoir bien vécu à Jérusalem que l'on doit se féliciter. La cité qu'il faut chercher, ce n'est pas celle qui a tué les prophètes et versé le sang du Christ, mais celle qu'un fleuve impétueux met en liesse (Ps 46,5), celle qui, bâtie sur une montagne, ne peut être cachée (Mt 5,12), celle que l'apôtre Paul proclame la mère des saints et en laquelle il se réjouit de résider avec les justes (Ga 4,26-27).

Traité sur le psaume 95 : CCL 78, p. 154-155 ; Lettre 58,2-4 : PL 22, 580 (trad. Orval)

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Action de grâce des nouveaux baptisés

Comme un cerf altéré cherche l'eau vive, ainsi mon âme te désire, ô mon Dieu . ~ Nos baptisés sont pareils à des cerfs qui cherchent l'eau vive : abandonnant l'Égypte et le monde, ils ont mis à mort Pharaon qui s'est noyé dans la mer, et ils ont tué toute son armée dans le bain du baptême ; après l'écrasement du démon, ils désirent les sources de l'Église : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Sur le Père, qui est une source, il est écrit dans Jérémie : Ils m'ont délaissé, moi, la source d'eau vive, et ils se sont creusé des citernes lézardées, qui ne gardent pas l'eau . Sur le Fils, il y a ce passage : Ils ont abandonné la source de la sagesse . Et sur le Saint-Esprit : Celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, il jaillira en lui une source jaillissante pour la vie éternelle . Cette parole se comprend aussitôt, puisque l'Évangéliste nous dit que le Sauveur parlait alors du Saint-Esprit. Par ces textes, il est prouvé avec la plus grande évidence que ces trois sources de l'Église correspondent au mystère de la Trinité.

C'est elles que désire l'âme du croyant, c'est elles que désire l'âme du baptisé, lorsqu'elle dit : Mon âme a soif de Dieu, la source vive . Elle ne s'est pas contentée d'une velléité de voir Dieu ; elle l'a désiré de toute son ardeur, elle a eu soif de toute sa brûlure. Avant de recevoir le baptême, les catéchumènes se disaient entre eux : Quand pourrai-je m'avancer et paraître devant la face de Dieu ? Voici réalisé ce qu'ils demandaient ; ils se sont avancés et ils se sont tenus devant la face de Dieu, ils ont paru devant l'autel et devant le mystère du Sauveur. ~

Admis à recevoir le corps du Christ et renés dans la source vivifiante, ils disent avec confiance : Je passerai jusqu'à la tente admirable, jusqu'à la maison de Dieu . La maison de Dieu, c'est l'Église ; c'est elle la tente admirable, car elle est la demeure des cris de joie et de louange, de la multitude en fête . ~

Vous qui avez maintenant revêtu le Christ, vous qui suivez notre direction, comme les petits poissons suivent l'appât, laissez-vous soulever par la parole de Dieu hors des flots de ce monde et parlez donc ainsi : « En nous, les lois de la nature sont changées. Car lorsque les poissons sont tirés hors de la mer, ils meurent. Mais nous, les Apôtres nous ont tirés de la mer de ce monde pour que nous passions de la mort à la vie. Tant que nous étions dans le monde, nos regards se perdaient dans les bas-fonds, notre vie se passait dans la vase. Maintenant que nous avons échappé aux flots, nous avons commencé à voir le soleil, à regarder la vraie lumière et, bouleversés par une joie immense, nous disons à notre âme : Espère en Dieu, car je lui rendrai grâce, à lui, mon sauveur et mon Dieu .

HOMÉLIE DE SAINT JÉROME SUR LE PSAUME 41

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« Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie »

      Nous lisons les Saintes Écritures : pour moi, je suis d'avis que l'Evangile, c'est le corps de Jésus, que les Saintes Écritures sont sa doctrine. Sans doute le texte « Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang » trouve toute son application dans le mystère eucharistique ; mais le vrai Corps du Christ et son vrai Sang, c'est aussi la parole des Écritures, la doctrine divine. Quand nous allons aux saints mystères, si une parcelle vient à tomber, nous sommes inquiets. Quand nous entendons la parole de Dieu, si nous pensons à autre chose pendant qu'elle entre dans nos oreilles, quelle responsabilité n'encourrons-nous pas ?

      La chair du Seigneur étant une vraie nourriture et son sang un vrai breuvage, notre seul bien, c'est de manger sa chair et boire son sang, non seulement dans le mystère eucharistique, mais encore dans la lecture de l'Écriture

Lettre 53 à Paulin

separ ecrit biblio« La Jérusalem d'en haut est libre, et elle est notre mère » (Ga 4,26)

      Ce dont on doit se féliciter, ce n'est pas d'avoir été à Jérusalem, mais d'y avoir bien vécu. La cité qu'il faut chercher, ce n'est pas celle qui a tué les prophètes et versé le sang du Christ, mais celle qu'un fleuve impétueux met en liesse, celle qui, bâtie sur une montagne, ne peut pas être cachée, celle que l'apôtre Paul proclame la mère des saints et en laquelle il se réjouit de résider avec les justes (Ps 45,5; Mt 5,14; Ga 4,26)... Je n'oserais pas limiter la toute-puissance de Dieu à une contrée ou confiner dans un petit coin de terre celui que le ciel ne peut contenir. Chaque croyant est apprécié au mérite de sa foi et non au lieu qu'il habite ; et les vrais adorateurs n'ont pas besoin de Jérusalem ou du mont Garizim pour adorer le Père, car « Dieu est esprit » et ses adorateurs doivent « l'adorer en esprit et en vérité » (Jn 4,21-23). Or « l'Esprit souffle où il veut » (Jn 3,8) et « la terre est au Seigneur, ainsi que tout ce qu'elle contient » (Ps 23,1)...

      Les lieux saints de la croix et de la résurrection ne sont utiles qu'à ceux qui portent leur croix, ressuscitent avec le Christ chaque jour et se montrent dignes d'habiter en de tels endroits. Quant à ceux qui disent : « Temple du Seigneur, Temple du Seigneur, Temple du Seigneur » (Jr 7,4), qu'ils écoutent cette parole de l'apôtre : « C'est vous qui êtes le temple de Dieu, si l'Esprit Saint habite en vous » (1Co 3,16)...

      Ne crois donc pas qu'il manque quelque chose à ta foi si tu n'as pas vu Jérusalem et ne me crois pas meilleur parce que j'habite en ce lieu. Mais ici ou ailleurs tu recevras égale récompense selon tes oeuvres devant Dieu.

Lettre 58, 2-4 ; PL 22, 580-582 (trad. Orval)

 

Jerome

Saint Jérôme (347-420), prêtre, traducteur de la Bible, docteur de l'Église 

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Jésus, cause de division entre les hommes

Le Christ annonce maintenant ce qui va suivre sa prédication. Face au christianisme, le monde entier s‘est divisé, les uns se sont dressés contre les autres. Chaque maison eut ses incroyants, ses croyants ; une guerre bonne fut apportée pour rompre une paix mauvaise. Il est écrit dans la Genèse que Dieu procéda à peu près ainsi contre les hommes rebelles qui, venus de l’Orient, élevaient hâtivement une tour pour pénétrer dans les hauteurs du ciel (Cf. Gn 11,1-9): Il mit chez eux la guerre. D’où la prière de David : disperse, Seigneur, les peuples qui veulent la guerre (Cf. Ps 67(68),31).

L’ordre est nécessaire en toute affection. Aime ton père, aime ta mère, aime tes fils après Dieu. S’il devient inévitable de mettre en balance l’amour de ses parents et de ses enfants avec l’amour de Dieu sans qu’il soit possible de les conserver tous les deux, alors, ne pas préférer les siens est piété envers Dieu

Commentaire sur Matthieu I, 34-37 ; SC 242 (trad. SC p 207-209 rev.)

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Le fardeau léger de la loi du Christ

« Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi du Christ. » Le péché est un fardeau, comme l’atteste le psalmiste lorsqu’il dit : « Mes péchés se sont appesantis sur moi comme un fardeau. » Le Sauveur s’est chargé de ce fardeau pour nous, nous enseignant ainsi par son exemple ce que nous devons faire nous-mêmes. Car Lui-même porte le fardeau de nos péchés, Il souffre pour nous (Is 53, 4), et Il invite ceux qui sont accablés sous le lourd fardeau de la loi et de leurs péchés à porter le fardeau léger de la vertu, lorsqu’Il dit : « Mon joug est doux, et mon fardeau léger. » Mt 11,30).

Celui donc qui, ne désespérant pas du salut de son frère, tend la main à celui qui implore son appui, pleure avec celui qui pleure, est faible avec les faibles, et regarde les péchés d’autrui comme les siens propres, celui-là accomplit par la charité la loi du-Christ. Quelle est cette loi du Christ ? «  Le commandement que Je vous donne est que vous vous aimiez les uns les autres » (Jn 13, 34). Quelle est la loi du Fils de Dieu ? « Aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimés » Comment le Fils de Dieu nous a-t-Il aimés ? « Personne ne peut témoigner un plus grand amour qu’en donnant sa vie pour ses amis. » (Jn 15, 13)

Celui qui n’a pas de clémence, qui ne s’est pas revêtu des entrailles de la miséricorde et des larmes, quelque élevé qu’il soit en spiritualité, celui-là n’accomplit pas la loi du Christ

Celui qui vient au secours du pauvre accablé sous le poids de l’indigence et se fait des amis avec l’argent inique (Lc 16,), celui-là porte les nécessités de son frère. C’est à lui que Jésus dira après la résurrection générale : « Venez à moi, les bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé depuis le commencement du monde. Car J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger, J’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire. » (Mt 25,34-35)

Commentaire de l’Épître aux Galates,

 

Date de dernière mise à jour : 2018-10-24