Passioniste de Polynésie

Ambroise quelques écrits

Ambroise milanSaint Ambroise (v. 340-397), évêque de Milan et docteur de l'Église 

 La liste des lectures 

Je te le dis, lève-toi 

Ne vous faites pas de trésors sur la terre...; faites-vous des trésors dans le ciel 

Nous ferons chez lui notre demeure

Le psaume, louange de l’univers.

Approche-toi de Siloé

La bonté du Christ est grande

La création du monde est totalement terminée

Livre des psaumes, un avancement de tous

Le Seigneur s'est fait tout pour vous

N'ayons pas peur si nous avons gaspillé

Qu'est-ce donc que voir Dieu ?

L'attention force la porte de la vérité

Là où est ton trésor... 

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Présentation de l'Eucharistie aux nouveaux baptisés 

Comme des agneaux au milieu des loups 

Pourquoi pleures-tu ?

Fête de Ste Agnès, 21 janvier 376

Heureuse, toi qui as cru 

Sur la virginité

Ouvre ta bouche à la parole de Dieu

La foi de la veuve de Sarepta, qui accueille celui que Dieu lui envoie

Jeune homme, je te l'ordonne, lève-toi 

Dieu à la recherche de l’homme égaré

Jésus s’en alla dans la montagne pour prier

Les fils sont libres 

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Il vient chez toi

Ta foi t’a sauvée. Va en paix 

Le témoignage des prophètes conduit au témoignage des apôtres

Cette parole de l'Ecriture que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit

Abraham a vu mon jour

Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons

Le coq ne chantera pas avant que tu m'aies renié trois fois

Si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre

Exaltons tous ensemble son nom

Aller vers les autres comme le Seigneur vient vers nous

Je suis venu jeter un feu sur la terre 

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Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu

Marie se leva et partit en hâte pour la montagne

Suis-moi

Le bon Samaritain 

Ensemble, Marthe et Marie accueillent la Sagesse de Dieu

Réveille-toi, toi qui dors ; relève-toi d’entre les morts

Vous n'avez qu'un seul Maître..., le Christ 

Insiste pour faire entrer les gens afin que ma maison soit remplie 

Les trois paraboles de la miséricorde 

Le jour du sabbat..., il enseignait en homme qui a autorité

Son royaume est indivisible et éternel

Nous sommes héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ

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 Faites-vous des amis avec l'argent trompeur 

Quand Jésus vit que Marie pleurait, et que les juifs venus avec elle pleuraient aussi…

Les pleurs d'une mère

Le Rédempteur de tous 

 Que Dieu nous éclaire par la lumière de son visage 

Il y avait là un homme dont la main droite était paralysée

L'avènement du Christ

Cette pauvre veuve a mis plus que tout le monde 

Pour lui ouvrir dès qu'il arrivera et frappera à la porte

Tout homme qui aura quitté à cause de mon nom des maisons, des frères, des soeurs, un père, une mère...recevra beaucoup plus

S'il meurt, il donne beaucoup de fruit 

Et Judas Iscariote, celui-là même qui le livra 

 

Ambroise milanSaint Ambroise (v. 340-397), évêque de Milan et docteur de l'Église 

« Je te le dis, lève-toi »

      Avant de ressusciter une jeune fille morte, c'est pour amener à la foi que Jésus commence par guérir la femme atteinte de pertes de sang. C'est pour t'instruire qu'il a fait arrêter ce saignement et a guéri cette femme alors qu'il se rendait auprès de la fille.

      De la même façon, c'est pour croire en notre résurrection éternelle que nous célébrons la résurrection historique du Seigneur qui a suivi sa Passion... « Les serviteurs du chef arrivent et disent : ' Ne dérange plus le maître ' » : ils ne croient pas encore en la résurrection de Jésus prédite dans la Loi et accomplie dans l'Évangile. C'est pourquoi, en arrivant à la maison, Jésus ne prend avec lui que peu de témoins de la résurrection qui va se produire : ce n'est pas le grand nombre qui a cru tout de suite à la résurrection. Quand Jésus déclare : « L'enfant n'est pas morte, elle dort », la foule « se moque de lui », car ceux qui ne croient pas se moquent. Qu'ils pleurent donc leurs morts, ceux qui les croient morts : quand on a la foi en la résurrection, ce n'est pas une fin que l'on voit dans la mort mais un repos...

      Prenant donc la main de l'enfant, Jésus la guérit et il lui fait donner à manger. C'est là une attestation de la vie, afin qu'on ne puisse pas croire à une illusion mais à la réalité. Heureuse celle dont la Sagesse tient ainsi la main ! Plaise à Dieu qu'elle tienne aussi mes actions, que la justice tienne ma main, que le Verbe, la Parole de Dieu, tienne ma main, et qu'il me conduise dans le lieu caché où il demeure. Qu'il détourne mon esprit de l'erreur, qu'il ramène celui qu'il sauve, et qu'il ordonne de me donner à manger, car le Verbe de Dieu c'est le pain du ciel (Jn 6,32). C'est pourquoi cette Sagesse, qui a déposé sur l'autel saint les aliments divins de son Corps et de son Sang, déclare : « Venez manger mon pain, venez boire le vin que je vous ai préparé » (Pr 9,5).    

Commentaire sur l'évangile de Luc, 6, 60-63 ; SC 45 (trad. cf SC p. 249) 

separ ecrit biblio« Ne vous faites pas de trésors sur la terre...; faites-vous des trésors dans le ciel »

  Tu es le geôlier de tes biens et non leur propriétaire, toi qui enfouis ton or dans la terre (Mt 25,25) ; tu en es le serviteur et non le maître. Le Christ dit : « Là où est ton trésor, là aussi est ton cœur » ; en cet or, c'est donc ton cœur que tu as enterré. Vends plutôt ton or et achète le salut ; vends ce qui est minéral et acquiers le Royaume de Dieu ; vends le champ et rachète pour toi la vie éternelle.

En disant cela je dis la vérité, parce que je m'appuie sur la parole de celui qui est la Vérité : « Si tu veux être parfait, vends ce que tu possèdes et donne le prix aux pauvres ; tu te feras ainsi un trésor dans les cieux » (Mt 19,21). Ne t'attriste pas en entendant ces mots, de peur qu'il ne te soit dit la même parole qu'au jeune homme riche : « Qu'il est difficile à ceux qui possèdent des biens d'entrer dans le Royaume de Dieu » (v. 23). Plus même, lorsque tu lis cette phrase, considère que la mort peut t'arracher ces biens, que la violence de quelqu'un de puissant peut te les enlever. En fin de compte, tu n'auras visé qu'à des biens minuscules à la place de grandes richesses ; ce ne sont que des trésors de monnaie au lieu d'être des trésors de grâce. Par leur nature même, ils sont périssables au lieu de demeurer à jamais.

Nabaoth le pauvre, 58 (trad. coll. Pères dans la foi n°4, DDB 1978, p. 51 rev.)

separ ecrit biblio« Nous ferons chez lui notre demeure » 

Le Père et moi, nous viendrons et nous ferons chez lui notre demeure . ~ Ouvre ta porte à celui qui vient, ouvre ton âme, élargis l'accueil de ton esprit afin qu'il découvre les richesses de la simplicité, les trésors de la paix, la douceur de la grâce. Dilate ton cœur, viens vers le soleil de la lumière éternelle qui éclaire tout homme . Sans doute, la vraie lumière brille pour tous ; mais celui qui ferme ses fenêtres se privera de l'éternelle lumière. Donc, le Christ lui-même est laissé dehors, si tu fermes la porte de ton esprit. Bien qu'il soit capable d'entrer, il ne veut pas s'introduire de force, il ne veut pas contraindre ceux qui le refusent.

Issu de la Vierge, il est sorti de son sein en rayonnant sur tout l'univers, afin de briller pour tous. Ils le reçoivent, ceux qui désirent la clarté d'une lumière perpétuelle que la nuit ne vient jamais interrompre. Car le soleil que nous voyons de nos yeux est supplanté par l'obscurité de la nuit ; mais le soleil de justice ne se couche jamais parce que le mal ne supplante jamais la sagesse.

Heureux donc celui à la porte duquel frappe le Christ. Notre porte, c'est la foi, qui, si elle est solide, défend toute la maison. C'est par cette porte que le Christ fait son entrée. Aussi l'Église dit-elle dans le Cantique : J'entends mon frère qui frappe à la porte . Écoute celui qui frappe, écoute celui qui désire entrer : Ouvre-moi, ma sœur, mon épouse, ma colombe, ma parfaite ! Car ma tête est couverte de rosée, mes boucles, des gouttes de la nuit . 

Comprends avec quelle force le Dieu Verbe frappe à ta porte lorsque sa tête est couverte de la rosée nocturne. Car il daigne visiter ceux qui sont exposés à l'épreuve et aux tentations, pour qu'ils ne risquent pas d'être vaincus et de succomber à leurs difficultés. Sa tête est donc couverte de rosée ou de pluie quand son corps est dans la peine. C'est alors qu'il faut veiller, de peur que l'Époux, quand il viendra, ne se retire parce que la maison lui sera fermée. Si tu dors, et si ton cœur ne veille pas, il se retire avant d'avoir frappé. Si ton cœur veille, il frappe et il demande qu'on lui ouvre la porte.

Nous savons donc quelle est l'entrée de notre âme, nous savons aussi quelles sont ces portes dont il est dit : Portes, élevez vos linteaux, élevez-vous, portes éternelles, et le Roi de gloire entrera . Si tu veux élever ces portes de ta foi, le Roi de gloire entrera auprès de toi, paré du triomphe de sa passion. La justice aussi a des portes. Car nous lisons à leur sujet ce que Jésus dit par son prophète :Ouvrez-moi les portes de la justice . ~

C'est donc l'âme qui a une entrée, qui a des portes. Le Christ vient à cette entrée et il frappe, il frappe aux portes. Ouvre-lui donc : il veut entrer, il veut trouver son Épouse éveillée.

SERMON DE SAINT AMBROISE SUR LE PSAUME 118

separ ecrit biblioLe psaume, louange de l'univers . 

Qu'y a-t-il de meilleur qu'un psaume ? C'est pourquoi David dit très bien : Louez le Seigneur, car le psaume est une bonne chose à notre Dieu, louange douce et belle ! Et c'est vrai. Car le psaume est bénédiction prononcée par le peuple, louange de Dieu par l'assemblée, applaudissement par tous, parole dite par l'univers, voix de l'Église, mélodieuse profession de foi, complète célébration par la hiérarchie, allégresse de la liberté, exclamation de joie, tressaillement d'enthousiasme. Il calme la colère, éloigne les soucis, soulage la tristesse. Il nous protège pour la nuit, il nous instruit pour le jour. Il est bouclier des craintifs, fête des hommes religieux, rayon de tranquillité, gage de paix et de concorde. Comme une cithare, il réunit en un seul chant des voix diverses et inégales. Le lever du jour répercute le psaume, et son déclin en résonne encore. ~

Dans le psaume, enseignement et agrément rivalisent ; on le chante pour se réjouir et en même temps on l'apprend pour s'instruire. Lorsque tu lis les psaumes, que de richesses tu rencontres ! Lorsque je lis dans les psaumes : Cantique pour le bien-aimé , je suis embrasé par un désir d'amour divin. Chez eux, je trouve rassemblés la grâce des révélations, les prophéties de la résurrection, le trésor des promesses. Chez eux, j'apprends à éviter le péché, je désapprends la honte de faire pénitence pour mes fautes. ~

Qu'est-ce donc que le psaume ? C'est un instrument de musique dont joue le saint Prophète avec l'archet du Saint-Esprit et dont il fait résonner sur la terre la douceur céleste. Avec les lyres et leurs cordes, c'est-à-dire avec des restes morts, il rythme les voix différentes et inégales et dirige le cantique de louange divine vers les hauteurs du ciel. En même temps, il nous enseigne qu'il faut commencer par mourir au péché, qu'ensuite seulement il faudra exercer les œuvres des différentes vertus qui feront parvenir jusqu'au Seigneur l'agrément de notre piété. ~

David nous a enseigné à chanter intérieurement, à psalmodier intérieurement ; c'est ainsi que Paul lui-même chantait, puisqu'il dit : Je prierai avec mon esprit, mais je prierai aussi avec mon intelligence, je psalmodierai avec mon esprit, mais aussi avec mon intelligence . David nous enseigne encore à orienter notre vie et nos actions vers la perspective des biens d'en haut, de crainte que le plaisir qu'on éprouve à chanter n'excite les passions du corps, car celles-ci, bien loin de racheter notre âme, l'appesantissent.

C'est ainsi que le saint Prophète David se rappelle que son âme doit psalmodier pour son rachat, lorsqu'il dit : Je jouerai le psaume pour toi, Dieu, sur la cithare, Saint d'Israël ! Mes lèvres jubileront lorsque je chanterai pour toi, et mon âme que tu as rachetée .

COMMENTAIRE  SUR LE PSAUME 1

separ ecrit biblioApproche-toi de Siloé

"Que [Jésus] ait fait de la boue et qu'il en ait enduit les yeux de l'aveugle, cela ne signifie rien d'autre que ceci: avec la boue qu'il lui applique, il a rendu à la santé ce même homme qu'il avait façonné avec de la boue (cf. Gn 2,7). Cela signifie aussi que notre chair tirée de la boue reçoit la lumière de la vie éternelle par les mystères du baptême. Toi aussi, approche-toi de Siloé, c'est-à-dire de celui qui est l'Envoyé du Père, puisque tu connais cette parole : Ma doctrine n'est pas la mienne, mais la doctrine de celui qui m'a envoyé (Jn 7,17). Que le Christ te lave, pour que tu voies. Viens au baptême, c'est justement l'époque; viens vite, afin de pouvoir dire, toi aussi: Je suis allé, je me suis lavé, et j'ai vu ; et pour que tu dises, toi aussi : J'étais aveugle et j'ai vu ; pour que tu dises, toi aussi, comme celui qui vient d'être inondé par la lumière: La nuit est finie, le jour est tout proche (Rm 13, 12)."

(Lettre 80, 1-6, PL 16, 1271-1272).

separ ecrit biblioLa bonté du Christ est grande

"La bonté du Christ est grande : presque tous ses noms, il les a donnés à ses disciples. Je suis la lumière du monde (Jn 8, 12) ; et pourtant, ce nom dont il se glorifie, il l'a octroyé à ses disciples en disant : Vous êtes la lumière du monde (Mt 5, 14). Je suis le pain vivant (Jn 6, 5) ; et, nous tous, nous sommes un seul pain (1 co 10, 17). Je suis la vraie vigne (Jn 15, 1) ; et il te dit : Je t'ai planté comme une vigne fructueuse, toute vraie (Jr 2, 21). Le Christ est pierre - ils buvaient de la pierre spirituelle qui les accompagnait, et la pierre c'était le Christ (1 Co 10, 4) -, il n'a pas non plus refusé la grâce de ce nom à son disciple, si bien qu'il est Pierre aussi, parce qu'il aura de la pierre la solidité constante, la fermeté dans la foi.
Efforce-toi donc d'être pierre à ton tour ; dès lors cherche la pierre non pas au-dehors, mais en toi. Ta pierre, c'est ton action ; ta pierre, c'est ton esprit. C'est sur cette pierre que se construit ta demeure, pour que nulle bourrasque des esprits mauvais ne la puisse renverser. Ta pierre, c'est la foi ; et la foi est le fondement de l'Eglise."

(Traité sur l'Evangile de Luc, VI, 94-99 [extraits] d'après SC, 45bis, pp. 263-265).

separ ecrit biblioLa création du monde est totalement terminée

"La création du monde est totalement terminée quand l'homme est là, qui porte en lui le pouvoir sur tous les êtres vivants, qui récapitule dans son corps l'univers et reflète la beauté de toute la création. Trouvons alors le repos comme Dieu se reposa, après tout l'ouvrage qu'il avait fait (Gn 2, 2). Il reposa à l'intérieur de l'homme, dans son esprit et dans sa volonté, car il avait créé l'homme doté de la raison et fait selon son image, un être qui cherche ce qui est bon, tendu vers les dons gratuits de l'amour de Dieu.
Je remercie le Seigneur, notre Dieu, qui a créé un tel être dans lequel il pouvait se reposer. Le ciel, il l'a créé : mais je ne lis pas qu'il s'y reposait. La terre, il l'a créée, mais je ne lis pas qu'il s'y reposait. Le soleil et la lune et les étoiles, il les a créés ; là non plus, je ne lis pas qu'il s'y reposait. Mais je lis qu'il a créé l'homme et qu'il s'y reposait puisqu'il avait en lui une créature à laquelle il pouvait pardonner les péchés."

( Commentaire des Six jours de la création, 6, 75).

separ ecrit biblioLivre des psaumes, un avancement de tous

"L'histoire éduque, la loi enseigne, la prophétie annonce, la réprimande châtie, la morale persuade : dans le livre des psaumes, on trouve l'avancement de tous et comme un remède pour la santé du genre humain. Il suffit de les lire pour avoir de quoi guérir les blessures de sa souffrance par un remède approprié. Il suffit de vouloir les considérer pour découvrir, comme dans un gymnase ouvert à toutes les âmes et comme dans un stade consacré à l'exercice des vertus, les différents genres de combats qui nous attendent, et l'on peut y choisir celui auquel on se juge le plus apte et par lequel on remportera plus facilement la couronne."

Commentaire sur le Psaume 1, 4.7.8)

separ ecrit biblioLe Seigneur s'est fait tout pour vous

"Le Seigneur est venu au baptême, car il s'est fait tout pour vous : Pour les sujets de la Loi, il a été circoncis afin de gagner les sujets de la Loi ; à ceux qui étaient sans loi, il s'est associé en partageant leur repas afin de gagner ceux qui vivaient sans loi. Pour les infirmes, il s'est fait infirme par la souffrance du corps afin de les gagner. Enfin, il s'est fait tout à tous, pauvre pour les pauvres, riche pour les riches, pleurant avec ceux qui pleurent, affamé avec les affamés, altéré avec les altérés, large avec ceux qui sont dans l'abondance. Il est en prison avec le pauvre, avec Marie il pleure, avec les Apôtres il mange, avec la Samaritaine il a soif, au désert il a faim pour que la nourriture savourée par le premier homme en sa prévarication fût expiée par le jeûne du Seigneur. C’est à notre détriment qu’Adam a rassasié sa faim de la science du bien et du mal ; c’est pour notre profit que le Christ a enduré la faim."

Traité sur l'Evangile de Luc, PL, col. 1613-1614, in Lectionnaire pour les dimanches et pour les fêtes de Jean-René Bouchet, pp. 110-111).

separ ecrit biblioN'ayons pas peur si nous avons gaspillé

"N'ayons pas peur si nous avons gaspillé en plaisirs terrestres le patrimoine de dignité spirituelle que nous avons reçu. Le Père a remis au Fils le trésor qu'il avait. La fortune de la foi ne s'épuise jamais. Aurait-on tout donné, on possède tout, n'ayant pas perdu ce que l'on a donné. Ne redoute pas que le Père refuse de t'accueillir : car "Dieu ne prend pas plaisir à la perte des vivants" (Sag., I, 13). Il viendra en courant au-devant de toi, il se penchera sur toi — car "le Seigneur redresse ceux qui sont brisés" (Ps. 145, 8) — il te donnera le baiser, qui est gage de tendresse et d'amour, il te fera donner robe, anneau, chaussures. Tu en es encore à craindre un affront, il te rend ta dignité. Tu as peur du châtiment, il te donne un baiser. Tu as peur des reproches, il te prépare un festin."

(Traité sur l’Evangile de St Luc, PL 15, col. 1755 sq)

separ ecrit biblioQu'est-ce donc que voir Dieu ?

"Qu'est-ce donc que voir Dieu ? Ne me le demandez pas ; demandez à l'évangile, demandez au Seigneur lui-même ; ou plutôt, écoutez-le : "Philippe, dit-II, celui qui m'a vu a vu aussi le Père qui m'a envoyé. Comment peux-tu dire : Montrez-nous le Père ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi ?" (Jn, XIV, 9-10). Non certes que l'on voie les corps l'un dans l'autre, ou les esprits l'un dans l'autre ; mais ce Père est le seul que l'on voie dans son Fils, comme ce Fils dans son Père. On ne voit pas l'un dans l'autre, en effet, des personnages dissemblables ; mais du moment qu'il y a unité d'opération et d'activité, on voit et le Fils dans le Père et le Père dans le Fils. "Les œuvres que j'accomplis, dit-II, Lui aussi les accomplit" (cf. Jn, V, 19). On voit Jésus dans ses œuvres ; dans les œuvres du Fils on voit aussi le Père. On a vu Jésus en voyant le mystère qu'il accomplit en Galilée (Jn, II, 9) ; car personne, sinon le Maître du monde, ne peut transformer les éléments. Je vois Jésus quand je lis qu'il enduisit de boue les yeux de l'aveugle et lui rendit la vue (Jn, IX, 6) : je reconnais là Celui qui a façonné de boue l'homme et lui a donné le souffle de vie, la lumière pour voir. Je vois Jésus quand II pardonne les péchés ; car "personne ne peut remettre les péchés que Dieu seul" (Mc, II, 5, 7). Je vois Jésus quand Il ressuscite Lazare, et les témoins oculaires ne l'ont pas vu. Je vois Jésus, je vois aussi le Père quand je lève les yeux au ciel, quand je les tourne vers la mer, quand je les ramène sur la terre ; car "ses perfections invisibles sont aperçues et saisies au moyen des objets créés" (Rom., I, 20)."

(Traité sur l'Evangile de Saint Luc, I)

separ ecrit biblioL'attention force la porte de la vérité

"L'attention force la porte de la vérité. Ainsi donc obéissons aux préceptes du ciel ; car ce n'est pas en vain qu'il fut dit à l'homme, à l'exclusion de tout animal : "A la sueur de ton front tu mange-ras ton pain" (Gen., III, 19). Pour les autres animaux, naturellement dépourvus de raison, Dieu a ordonné à la terre d'assurer leur pâture ; pour l'homme seul et afin qu'il exerce la raison dont il est doué, le travail devient la loi de la vie. Puisqu'il ne se contente pas de la pâture des autres animaux, puisqu'il ne lui suffit pas des espèces fruitières, nourriture commune assurée à tous, mais qu'il recherche les mets délicats et variés, fait venir ses délices des pays d'outre-mer, glane ses délices dans les flots, il ne doit pas refuser, demandant sa vie au travail, d'endurer un moment de travail pour la vie éternelle. Celui donc qui vient prendre part aux luttes de ces saintes recherches, qui dépose les soucis de la vie présente exposée à l'erreur et, dépouillé de tout mal, champion du bien, les membres de l'âme imprégnés de l'huile de l'Esprit, se mêle aux luttes pour la vérité, méritera sans aucun doute la récompense sans fin des saintes couronnes. Car "le bon travail porte d'illustres fruits" (Sag., III, 15) et plus nombreux sont les combats, plus riche est la couronne des vertus."

(Traité sur l'Évangile de saint Luc, Prologue)

separ ecrit biblio« Là où est ton trésor... »

Le trésor de l'homme est situé là où est son cœur ; car le Seigneur n'a pas coutume de refuser quelque chose de bon à ceux qui lui demandent.

Puisque le Seigneur est bon, et surtout envers ceux qui espèrent en lui, attachons-nous à lui, soyons avec lui de toute notre âme, de tout notre cœur, de toutes nos forces pour être dans sa lumière, pour contempler sa gloire et pour posséder la grâce du bonheur céleste. Tendons nos esprits vers ce bien, soyons en lui, vivons en lui, attachons nous à lui, à ce bien qui dépasse toute pensée et toute réflexion, qui jouit d'une paix et d'une tranquillité perpétuelles ; une paix qui surpasse toute pensée et tout sentiment .

Il est ce bien qui pénètre toute chose ; tous nous vivons en lui et nous dépendons de lui ; il n'y a rien au-dessus de lui, car il est divin. Personne , en effet, n'est bon, sinon Dieu seul . Ce qui est bon est divin, ce qui est divin est bon, c'est pourquoi il est dit : Lorsque tu ouvres la main, Seigneur, tous sont comblés de ta bonté . C'est en effet par la bonté de Dieu que nous sont accordés tous les biens qui ne comportent aucun mélange de mal.

Ce sont les biens que l'Écriture promet aux fidèles : Vous mangerez les biens du pays . ~

Nous sommes morts avec le Christ ~ ; nous portons la mort du Christ dans notre corps, pour que la vie du Christ soit elle aussi manifestée en nous . Nous ne vivons donc plus de notre vie, mais de la vie du Christ, vie d'innocence, vie de pureté, vie de simplicité et de toutes les vertus. Nous sommes ressuscités avec le Christ : vivons en lui, élevons nous en lui afin que, sur la terre, le serpent ne puisse plus nous atteindre au talon pour nous blesser.

Fuyons hors d'ici. Tu peux fuir en esprit, même si tu es retenu physiquement. Tu peux à la fois demeurer ici et être en présence du Seigneur, si ton âme s'attache à lui, si, par la pensée, tu marches derrière lui, si tu suis ses chemins par la foi, non par la vue, si tu te réfugies en lui ; car il est refuge et force , lui à qui David disait : Vers toi je me suis réfugié et je n'ai pas été déçu .

Puisque Dieu est un refuge, car Dieu est au ciel et au dessus des cieux, c'est donc bien là qu'il faut fuir loin d'ici, là où est la paix, le repos de nos labeurs, là où nous ferons le festin du grand sabbat, comme dit Moïse : Les sabbats du pays seront votre nourriture . C'est un festin, en effet, c'est la plénitude de la réjouissance et de la tranquillité que de se reposer en Dieu et de contempler sa béatitude. ~

Courons comme les cerfs vers la source des eaux ; la soif ressentie par David, que notre âme la ressente aussi. Quelle est cette source ? Écoute David qui le dit : En toi est la source de la joie . Que mon âme dise à cette source : Quand pourrai-je venir et paraître devant ta face ? Car la source, c'est Dieu.

SERMON ......

 

 

 

Ambroise milanSaint Ambroise (v. 340-397), évêque de Milan et docteur de l'Église 

Présentation de l'Eucharistie aux nouveaux baptisés

Le peuple purifié, puis enrichi par les signes distinctifs du chrétien, s'avance vers l'autel du Christ, en disant: J'approcherai de l'autel de Dieu, du Dieu qui réjouit ma jeunesse . Puisqu'il a déposé les dépouilles de la vieille erreur, sa jeunesse est renouvelée comme celle de l'aigle, il se hâte d'accéder à ce banquet céleste. Il vient donc et, voyant le saint autel tout apprêté, il s'écrie : Devant moi tu as préparé une table . C'est ce peuple que fait parler David lorsqu'il dit : Le Seigneur me nourrit, et rien ne me manquera, il m'a placé dans un pâturage, il m'a conduit près de l'eau qui me restaure . Et plus loin : Car, même si je marche dans l'ombre de la mort, je ne craindrai pas le malheur, puisque tu es avec moi. Ton sceptre et ton bâton eux-mêmes m'ont soutenu. Devant moi tu as préparé une table en face de ceux qui me harcèlent. Tu as parfumé ma tête avec l'huile, et ta coupe enivrante, comme elle est magnifique !

C'est une chose merveilleuse, que Dieu ait fait pleuvoir la manne pour nos pères, et qu'ils aient mangé quotidiennement cet aliment du ciel. De là cette parole : L'homme a mangé le pain des anges . Et pourtant, ceux qui ont mangé ce pain au désert sont tous morts. Au contraire, cette nourriture que tu reçois, ce pain vivant qui est descendu du ciel , fournit la substance de la vie éternelle, et celui qui le mange ne mourra jamais, car c'est le corps du Christ.

Examine maintenant ce qui a le plus de valeur : la manne, pain des anges, ou bien la chair du Christ, laquelle est évidemment le corps qui donne la vie ? La manne d'autrefois venait du ciel, celle d'aujourd'hui est supérieure aux cieux ; celle-là appartenait au ciel, celle-ci au maître du ciel. Celle-là était sujette à la corruption si on la gardait pour le lendemain ; celle-ci est indemne de toute corruption, car celui qui la mange avec respect ne peut éprouver la corruption. Pour les Hébreux, l'eau a jailli du rocher ; pour nous, le sang a jailli du Christ. L'eau les a désaltérés pour un moment. Toi, lorsque tu bois, tu ne peux plus avoir soif. Autrefois préfiguration, aujourd'hui réalité.

Si ce que tu admires est une ombre, une préfiguration, combien grande est la réalité dont l'ombre excite déjà ton admiration. Écoute bien : ce qui s'est réalisé pour nos ancêtres n'était que l'ombre de la réalité à venir. Ils buvaient à un rocher qui les accompagnait, et ce rocher, c'était le Christ. Cependant la plupart n'ont fait que déplaire à Dieu, et ils sont tombés au désert. Ces événements se sont réalisés en figure à notre intention . Tu sais maintenant ce qui a le plus de valeur: la lumière l'emporte sur les ténèbres, la vérité sur la figure, le corps du Créateur sur la manne venue du ciel. 

TRAITÉ SUR LES MYSTÈRES

separ ecrit biblio« Comme des agneaux au milieu des loups »

En envoyant des disciples à sa moisson, qui avait bien été semée par le Verbe du Père, mais qui demandait à être travaillée, cultivée, soignée avec sollicitude pour que les oiseaux ne pillent pas la semence, Jésus leur déclare : « Voici que je vous envoie comme des agneaux parmi les loups »... Le Bon Pasteur ne saurait redouter les loups pour son troupeau ; ces disciples sont envoyés non pour être une proie, mais pour répandre la grâce. La sollicitude du Bon Pasteur fait que les loups ne peuvent rien entreprendre contre ces agneaux qu'il envoie. Il les envoie pour que se réalise la prophétie d'Isaïe : « Alors loups et agneaux iront paître ensemble » (Is 65,25)... D'ailleurs, les disciples envoyés n'ont-ils pas ordre de n'avoir même pas un bâton à la main ?...

Ce que le Seigneur humble a prescrit, ses disciples l'accomplissent donc aussi par la pratique de l'humilité. Car il les envoie semer la foi non par la contrainte, mais par l'enseignement ; non pas en déployant la force de leur pouvoir, mais en exaltant la doctrine de l'humilité. Et il a jugé bon de joindre la patience à l'humilité, car au témoignage de Pierre : « Quand on lui parlait mal, le Christ n'a pas répondu en mal ; quand on le frappait, il n'a pas rendu les coups » (1P 2,23).

Cela revient à dire : « Soyez mes imitateurs : laissez tomber le goût de la vengeance, répondez aux coups de l'arrogance non pas en rendant le mal mais par une patience qui pardonne. Personne ne doit imiter pour son compte ce qu'il reprend chez autrui ; la douceur répond de façon plus forte encore aux insolents ». 

Commentaire sur l'évangile de Luc, 7, 45.59 ; SC 52 (trad. cf SC p. 23s rev.)

separ ecrit biblio« Pourquoi pleures-tu ? » (Jn 20,13)

Qu'ils pleurent, ceux qui ne peuvent pas avoir l'espérance de la résurrection ; ce n'est pas la volonté de Dieu qui la leur ôte mais la dureté de ce qu'ils croient. Il faut qu'il y ait une différence entre les serviteurs du Christ et les païens. La voici : eux, ils pleurent les leurs qu'ils pensent morts pour toujours ; ils ne trouvent nulle fin à leurs larmes, n'atteignent nul repos pour leur tristesse..., tandis que pour nous la mort n'est pas la fin de notre existence mais la fin de notre vie. Puisque notre existence est restaurée par une condition meilleure, que donc l'arrivée de la mort balaie tous nos pleurs...

Combien notre consolation est plus grande, nous qui croyons que nos bonnes actions promettent des récompenses meilleures après la mort. Les païens ont leur consolation : c'est de penser que la mort est un repos pour tous nos maux. Comme ils pensent que leurs morts sont privés de jouir de la vie, ils pensent aussi qu'ils sont privés de toute faculté de sentir et libérés de la douleur des peines dures et incessantes que nous supportons dans cette vie. Mais nous, de même que nous devons avoir l'esprit plus élevé à cause de la récompense attendue, nous devons aussi mieux supporter notre douleur grâce à cette consolation... Nos morts ont été envoyés non pas loin de nous, mais avant nous -- eux que la mort ne prendra pas, mais que l'éternité recevra. 

Sur la mort de son frère, I, 70-71 (trad. coll. Pères dans la foi, n°84, p. 50 rev.)

separ ecrit biblio FÊTE DE STE AGNÈS, 21 janvier 376

C'est aujourd'hui l'anniversaire d'une vierge, imitons sa pureté. C'est l'anniversaire d'une martyre, offrons un sacrifice. C'est l'anniversaire de sainte Agnès. Selon la tradition, elle a subi le martyre à douze ans. Qu'elle est détestable, la cruauté qui n'a même pas épargné une si petite fille ! Mais combien la foi est grande pour avoir reçu témoignage d'un âge aussi tendre !

Ce petit corps offrait donc assez de place aux blessures ! Et celle qui n'avait presque rien à leur offrir a eu de quoi les vaincre. Alors que les petites filles, à cet âge, ne peuvent supporter les visages sévères de leurs parents et, lorsqu'elles se sont piquées avec une aiguille, pleurent comme si elles s'étaient blessées !

Celle-ci n'éprouve aucune crainte entre les mains sanglantes des bourreaux, elle ne bouge pas en entendant les grincements des lourdes chaînes que l'on tire, et voici qu'elle présente son corps à l'épée d'un soldat furieux. Elle ne sait pas encore ce que c'est que mourir, mais elle y est prête. Et si on l'entraîne de force vers les autels, voilà qu'elle tend les mains vers le Christ à travers les flammes ; jusque dans ce foyer sacrilège, elle fait le signe qui glorifie le Seigneur victorieux. Voici qu'on introduit son cou et ses deux mains dans des liens de fer, mais aucune chaîne ne pouvait serrer des membres aussi menus.

Est-ce un nouveau genre de martyre ? Elle n'est pas encore capable de souffrir et elle est déjà mûre pour vaincre ; il lui est difficile de combattre, et facile de triompher ; alors qu'elle supportait le handicap de son jeune âge, elle a réalisé un chef-d'œuvre de vaillance. Elle ne se serait pas hâtée vers la chambre nuptiale le jour de son mariage, comme elle s'est avancée d'un pas joyeux, étant vierge, au lieu de son supplice ; c'est le Christ qui était l'ornement de sa tête, et non pas une coiffure compliquée ; elle n'était pas couronnée de fleurs, mais de vertus.

Tout le monde pleure, elle n'a pas une larme. La plupart s'étonnent de lui voir, si facilement répandre une vie à laquelle elle n'avait pas encore goûté, et la donner comme si elle en avait atteint le terme. Tous sont stupéfaits de ce qu'elle se montre témoin de la divinité alors que, en raison de son âge, elle ne pouvait encore décider d'elle-même. Bref, on l'a crue au sujet de Dieu, alors qu'on ne l'aurait pas encore crue au sujet d'un homme. Car ce qui est au-delà de la nature vient du Créateur de la nature.

Quelles menaces son bourreau a-t-il employées pour lui faire peur, quelles flatteries pour la fléchir, combien de promesses pour lui faire accepter de l'épouser ! Mais elle : « C'est faire injure à mon époux d'attendre celui qui doit me plaire. Celui qui le premier m'a choisie, c'est lui qui me recevra. Pourquoi traînes-tu, exécuteur ? Qu'il périsse, le corps qui peut être aimé pour avoir charmé les yeux, ce que je refuse ». Elle se leva, pria, tendit le cou.

Vous auriez vu le bourreau tressaillir comme s'il était le condamné, la main de l'exécuteur trembler et son visage pâlir par la crainte du coup infligé à un autre, alors que la jeune fille ne craignait rien pour elle-même. Vous avez donc, avec une seule victime, un double martyre : celui de la pureté et celui de la foi. Elle a gardé sa virginité et elle a obtenu le martyre.

HOMÉLIE DE S. AMBROISE POUR LA FÊTE DE STE AGNÈS, 21 janvier 376

separ ecrit biblio« Heureuse, toi qui as cru »

Lorsque l'ange annonce à Marie le mystère de sa maternité virginale, il lui apprend, pour éclairer sa foi par un exemple, qu'une femme âgée et stérile a conçu, ce qui fait comprendre que Dieu peut accomplir tout ce qu'il a décidé.

Dès que Marie l'eut appris, elle partit vers la montagne de Judée. Ce n'était de sa part ni incrédulité en la prophétie, ni incertitude sur cette annonce, ni doute sur l'exemple proposé. Elle partait dans l'allégresse de son désir, pour l'accomplissement d'un service, avec l'empressement de sa joie.

Elle qui était maintenant remplie de Dieu, où pouvait-elle se rendre avec empressement, sinon vers les hauteurs ? La grâce du Saint-Esprit ne connaît pas les hésitations ni les retards. ~ L'arrivée de Marie et la présence du Seigneur manifestent aussitôt leurs bienfaits, car, au moment même où Élisabeth entendit la salutation de Marie, l'enfant tressaillit en elle, et elle fut remplie de l'Esprit Saint.

Remarquez les nuances et l'exactitude de chaque mot. Élisabeth fut la première à entendre la parole, mais Jean fut le premier à ressentir la grâce : la mère a entendu selon l'ordre naturel des choses, l'enfant a tressailli en raison du mystère ; elle a constaté l'arrivée de Marie, lui, celle du Seigneur ; la femme, l'arrivée de la femme, l'enfant, celle de l'enfant ; les deux femmes échangent des paroles de grâce, les deux enfants agissent au-dedans d'elles et commencent à réaliser le mystère de la piété en y faisant progresser leurs mères ; enfin, par un double miracle, les deux mères prophétisent sous l'inspiration de leur enfant.

Jean a tressailli, la mère a été comblée. La mère n'a pas été comblée avant son fils, mais, comme le fils était comblé de l'Esprit Saint, il en a aussi comblé sa mère. Jean a exulté, et l'esprit de Marie a exulté , lui aussi. L'exultation de Jean comble Élisabeth ; cependant, pour Marie, on ne nous dit pas que son esprit exulte parce qu'il est comblé, car celui qu'on ne peut comprendre agissait en sa mère d'une manière qu'on ne peut comprendre. Élisabeth est comblée après avoir conçu, Marie, avant d'avoir conçu. Heureuse , lui dit Élisabeth, toi qui as cru .

Heureux, vous aussi qui avez entendu et qui avez cru ; car toute âme qui croit conçoit et engendre le Verbe et le reconnaît à ses œuvres.

Que l'âme de Marie soit en chacun de vous, pour qu'elle exalte le Seigneur ; que l'esprit de Marie soit en chacun de vous, pour qu'il exulte en Dieu . S'il n'y a, selon la chair, qu'une seule mère du Christ, tous engendrent le Christ selon la foi. Car toute âme reçoit le Verbe de Dieu, pourvu qu'elle soit irréprochable et préservée des vices en gardant la chasteté dans une pureté intégrale.

Toute âme qui peut vivre ainsi exalte le Seigneur , comme l'âme de Marie a exalté le Seigneur, et comme son esprit a exulté en Dieu son Sauveur .

En effet, le Seigneur est exalté, comme vous l'avez lu ailleurs : Exaltez le Seigneur avec moi . Certes, la parole humaine ne peut faire grandir le Seigneur, mais c'est en nous qu'il est exalté ; en effet, le Christ est l'image de Dieu. Par conséquent, si l'âme agit de façon juste et religieuse, elle exalte cette image de Dieu, à la ressemblance de qui elle a été créée ; et par conséquent, en exaltant cette image, elle s'élève par une certaine participation à sa sublimité.

SERMON DE SAINT AMBROISE SUR L'ÉVANGILE DE LUC

separ ecrit biblio SUR LA VIRGINITÉ

Tu fais partie du peuple saint ~, et certainement tu fais partie des vierges, puisque tu éclaires la grâce de ton corps par la splendeur de ton âme (c’est ainsi, en effet, que tu ressembles le plus à l’Église). Donc, établie dans ta chambre pendant la nuit , médite sans relâche sur le Christ et espère à tous moments sa venue. ~

Telle que le Christ t’a désirée, c’est ainsi que le Christ t’a choisie. Aussi entre-t-il chez toi sans obstacle, et il ne peut y manquer, lui qui a promis qu’il entrerait. Embrasse donc celui que tu as cherché ; approche-toi de lui et tu recevras sa lumière ; retiens-le, demande-lui de ne pas s’en aller si vite, supplie-le de ne pas s’éloigner. En effet, la parole de Dieu court rapidement : elle ne se laisse pas saisir par la nonchalance, ni retenir par la paresse. Que ton âme, à son appel, aille à sa rencontre ; et qu’elle persévère sur le chemin tracé par la parole céleste, car celle-ci passe rapidement.

Que dit-elle donc, l’épouse du Cantique ? Je l’ai cherché mais je ne l’ai pas trouvé ; je l’ai appelé mais il ne m’a pas écoutée . Ne crois pas que tu déplaises parce qu’il est parti si vite, toi qui as appelé, qui as demandé, qui as ouvert : il permet que nous soyons souvent éprouvés. Et que dit-il dans l’Évangile aux foules qui lui demandent de ne pas les quitter ? — Aux autres villes aussi, il faut que j’annonce la Bonne Nouvelle de la parole de Dieu, car c’est pour cela que j’ai été envoyé . Mais, même s’il te semble qu’il s’éloigne de toi, sors, et cherche encore. ~

Et qui d’autre que la sainte Église peut t’enseigner comment retenir le Christ ? Mais elle te l’a déjà enseigné, si tu comprends ce que tu lis :  À peine avais-je dépassé les gardes, j’ai trouvé celui que j’aime ; je l’ai saisi et ne le lâcherai plus.

Qu’est-ce donc qui retient le Christ ? Ce ne sont ni les chaînes de l’injustice ni les cordes matérielles ; il est attaché par les liens de l’amour, par des brides spirituelles, par l’affection de l’âme.

Si tu veux, toi aussi, retenir le Christ, recherche-le sans craindre la douleur ; car c’est souvent dans les supplices, entre les mains des persécuteurs, qu’on le trouve le mieux.

À peine les avais-je dépassés , dit l’épouse du Cantique. C’est en effet dans un court délai, après un bref instant, lorsque tu auras échappé aux mains des persécuteurs et que tu auras résisté aux puissance du monde que le Christ viendra à ta rencontre et ne te laissera plus souffrir longtemps.

Celle qui cherche ainsi le Christ, celle qui trouve le Christ, peut dire : Je l’ai saisi et ne le lâcherai plus ; je le ferai entrer dans la maison de ma mère, dans la chambre de celle qui m’a conçue . Qu’est-ce que la maison de ta mère et sa chambre, sinon l’intimité la plus profonde de ton être ? Garde-la, cette maison, purifie-la dans ce qu’elle a de plus secret. Ainsi, lorsque ta maison sera sans aucune tache, ~ elle s’élèvera comme une demeure spirituelle pour être un sacerdoce saint, cimentée sur la pierre angulaire, et le Saint-Esprit y habitera.

Celle qui cherche ainsi le Christ, celle qui l’implore ainsi, n’est pas abandonnée par lui ; bien plus, il vient souvent la visiter, car il est avec nous jusqu’à la fin du monde.

TRAITÉ DE S. AMBROISE SUR LA VIRGINITÉ

separ ecrit biblio« Ouvre ta bouche à la parole de Dieu ».

Que notre cœur et notre bouche méditent continuellement la sagesse, que ta langue en énonce les sentences, que la loi de ton Dieu soit dans ton cœur. C'est pourquoi l'Écriture te dit : Tu en parleras, assis dans ta maison et en marchant sur la route, dans ton sommeil et à ton réveil . Parlons donc du Seigneur Jésus, parce que lui-même est la Sagesse, est la Parole et le Verbe de Dieu.

Car il est encore écrit : Ouvre ta bouche à la parole de Dieu . Il inspire celui qui fait écho à ses discours et médite ses paroles. Parlons toujours de lui. Quand nous parlons de la sagesse, c'est lui ; quand nous parlons de la vertu, c'est lui ; quand nous parlons de la justice, c'est lui ; quand nous parlons de la paix, c'est lui ; quand nous parlons de la vérité, de la vie, de la rédemption, c'est lui.

Ouvre ta bouche à la parole de Dieu , est-il écrit. Ouvre la bouche, toi ; c'est lui qui parle. Aussi David a-t-il dit : J'écouterai ce que le Seigneur dit en moi , et le Fils de Dieu a dit lui-même : Ouvre largement ta bouche et je la remplirai . Tous ne sont pas capables, comme Salomon ni comme Daniel, d'apprécier la valeur infinie de la sagesse ; cependant l'esprit de sagesse est communiqué à tous, selon leur capacité, du moins à tous ceux qui sont croyants. Si tu crois, tu possèdes l'esprit de sagesse. ~

Médite donc toujours, aie toujours à la bouche les réalités divines, assis dans ta maison . Nous pouvons entendre « la maison » de l'Église ; nous pouvons l'entendre aussi de notre maison intérieure, afin de parler au-dedans de nous. ~ Parle avec réflexion, pour éviter le péché, pour ne pas pécher par bavardage. Lorsque tu es assis à la maison, parle avec toi-même, comme avec celui qui te jugera. Parle sur la route pour ne jamais être dans l'oisiveté. Tu parleras sur la route, si tu parles dans le Christ, parce que la route, c'est le Christ. Sur la route, parle à toi-même, parle au Christ. Écoute comment lui parler : Je veux qu'en tout lieu les hommes prient en levant les mains saintement, sans colère ni dispute . Parle dans ton sommeil, pour que le sommeil de la mort ne te surprenne pas. Écoute comment parler dans le sommeil : Je ne donnerai pas de sommeil à mes yeux ni de repos à mes paupières avant d'avoir trouvé un abri pour mon Seigneur, une tente pour le Dieu de Jacob. ~

Que tu te lèves ou te relèves, parle de lui, afin d'accomplir ce qu'il t'ordonne. Écoute comment le Christ t'éveille. Ton âme dit : J'entends mon bien-aimé qui frappe à la porte . Et le Christ dit : Ouvre-moi, ma sœur, mon épouse . Écoute comment tu fais se lever le Christ. L'âme dit : Je vous en conjure, filles de Jérusalem, n'éveillez pas, ne réveillez pas mon amour . L'amour, c'est le Christ.

HOMÉLIE DE SAINT AMBROISE SUR LE PSAUME 36

separ ecrit biblio La foi de la veuve de Sarepta, qui accueille celui que Dieu lui envoie

      Au temps où la famine désolait la terre entière, pourquoi Elie a-t-il été envoyé chez une veuve ? Une grâce singulière s'attache à deux femmes : auprès d'une vierge, un ange ; auprès d'une veuve, un prophète. Là Gabriel, ici Elie. Ce sont les plus éminents d'entre les anges et les prophètes qui sont choisis ! Mais le veuvage ne mérite pas louange en lui-même, s'il ne s'y ajoute pas des vertus. L'histoire ne manque pas de veuves ; pourtant, une se distingue entre toutes, qui les encourage par son grand exemple… Dieu est particulièrement sensible à l'hospitalité : dans l'Evangile il promet, pour un verre d'eau fraîche, des récompenses d'éternelles (Mt 10,42), ici pour un peu de farine ou une mesure d'huile, la profusion infinie de ses richesses…

      Pourquoi nous croire maîtres des fruits de la terre quand la terre est offrande perpétuelle ?... Nous détournons à notre profit le sens du commandement universel : « Tous les arbres qui ont des fruits portant semence vous serviront de nourriture ainsi qu'à toutes les bêtes, à tous les oiseaux et à tout ce qui rampe sur la terre » (Gn 1,29-30) ; en amassant, nous ne trouvons que le vide et le besoin. Comment espérerions-nous en la promesse, si nous n'observons pas la volonté de Dieu ? C'est agir sainement que d'obéir au précepte d'hospitalité et faire honneur à nos hôtes : ne sommes-nous pas nous-mêmes des hôtes ici-bas ?

      Qu'elle est parfaite, cette veuve ! Accablée par une grande famine, elle continuait pourtant à vénérer Dieu. Elle ne gardait pas ses provisions pour elle seule : elle partageait avec son fils. Bel exemple de tendresse, mais plus bel exemple encore de foi ! Elle ne devait préférer personne à son fils : voilà qu’elle met le prophète de Dieu au-dessus de sa propre vie. Croyez bien qu'elle n'a pas seulement donné un peu de nourriture, mais toute sa subsistance ; elle n'a rien gardé pour elle ; comme son hospitalité l'a amenée à un don total, sa foi l'a conduite à une confiance totale.

Des veuves ; PL 16, 247-276 (trad. coll. Icthus, vol. 13, p. 286 rev.)

separ ecrit biblio« Jeune homme, je te l'ordonne, lève-toi »

      Même si les symptômes de la mort ont enlevé tout espoir de vie, même si les corps des défunts gisent près du tombeau, cependant, à la voix de Dieu, les cadavres déjà prêts à se décomposer se relèvent, retrouvent la parole ; le fils est rendu à sa mère, il est rappelé du tombeau, il en est arraché. Quel est ce tombeau, le tien? Tes mauvaises habitudes, ton manque de foi. C'est de ce tombeau que le Christ te délivre, de ce tombeau que tu ressusciteras, si tu écoutes la Parole de Dieu. Même si ton péché est si grave que tu ne peux pas le laver toi-même par les larmes de ton repentir, l'Église, ta mère, pleurera pour toi, elle qui intervient pour chacun de ses fils comme une mère veuve pour son fils unique. Car elle compatit par une sorte de souffrance spirituelle qui lui est naturelle, lorsqu'elle voit que ses enfants sont entraînés vers la mort par des péchés fatals...

      Qu'elle pleure donc, cette pieuse mère; que la foule l'accompagne ; que non seulement une foule, mais une foule considérable compatisse à cette tendre mère. Alors tu ressusciteras dans ton tombeau, tu en seras délivré ; les porteurs s'arrêteront, tu te mettras à dire des paroles de vivant, tous seront stupéfaits. L'exemple d'un seul en corrigera beaucoup et ils loueront Dieu de nous avoir accordé de tels remèdes pour éviter la mort.

Traité sur l'Evangile de saint Luc, 5, 89, 91-92 (trad. Véricel, L'Evangile commenté, p. 132 ; cf SC 45, p.215)

separ ecrit biblio

Dieu à la recherche de l’homme égaré

      Comme la faiblesse des hommes ne sait pas garder une démarche ferme en ce monde glissant, le bon médecin te montre les remèdes contre l'égarement, et le juge miséricordieux ne refuse pas l'espoir du pardon. Ce n'est pas sans motif que saint Luc a proposé trois paraboles à la suite : la brebis qui s'était égarée et qui a été retrouvée, la pièce d'argent qui était perdue et que l'on a retrouvée, le fils qui était mort et qui est revenu à la vie. C’est pour que ce triple remède nous engage à soigner nos blessures... La brebis fatiguée est ramenée par le pasteur ; la pièce égarée est retrouvée ; le fils rebrousse chemin et revient vers son père dans le repentir de son égarement...

      Réjouissons-nous donc de ce que cette brebis qui s'était égarée en Adam soit relevée dans le Christ. Les épaules du Christ sont les bras de la croix ; c'est là que j'ai déposé mes péchés, c'est sur ce gibet que j'ai trouvé mon repos. Cette brebis est unique dans sa nature, mais non dans ses personnes, car nous tous nous formons un seul corps, mais nous sommes beaucoup de membres. C'est pourquoi il est écrit : « Vous êtes le corps du Christ et membres de ses membres » (1Co 2,27). « Le Fils de l'homme est venu pour sauver ce qui était perdu » (Lc 19,10), c'est-à-dire tous les hommes puisque « tous meurent en Adam de même que tous revivent dans le Christ » (1Co 15,22)...

      Il n'est pas non plus indifférent que cette femme se réjouisse d'avoir retrouvé la pièce de monnaie : ce n'est pas peu que cette monnaie où figure l'image d'un prince. De la même façon l'image du Roi est le bien de l'Église. Nous sommes des brebis : prions donc le Seigneur de nous conduire à l'eau du repos (Ps 22,2). Nous sommes des brebis : demandons les pâturages. Nous sommes la pièce de monnaie : gardons notre valeur. Nous sommes fils : courons au Père.

Sur l’évangile de St Luc, 7, 207 (trad. Bouchet, Lectionnaire, p. 370 ; cf. SC 52, p.87)

separ ecrit biblio« Jésus s’en alla dans la montagne pour prier »

      « En ces jours-là, Jésus se retira sur la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier Dieu. » Ceux qui prient ne gravissent pas tous la montagne…, mais ceux qui prient bien, ceux qui s'élèvent des biens terrestres aux biens supérieurs, montent sur les sommets de la vigilance et de l’amour d'en haut. Ceux qui se soucient des richesses du monde ou des honneurs ne gravissent pas la montagne ; celui qui convoite les terres d'autrui ne gravit pas la montagne. Ceux qui cherchent Dieu montent ; ceux qui montent implorent l'aide du Seigneur pour leur marche. Toutes les âmes grandes, toutes les âmes élevées gravissent la montagne, car ce n'est pas simplement au premier venu que le prophète dit : « Monte sur une haute montagne, toi qui annonces la bonne nouvelle à Sion. Elève la voix avec force, toi qui donnes la bonne nouvelle à Jérusalem » (Is 40,9). Ce n'est pas par un exploit physique, mais par des actions élevées que tu escaladeras cette montagne. Suis le Christ…; cherche dans l'Évangile, tu trouveras que seuls les disciples ont gravi la montagne avec le Seigneur. 

Sur l’évangile de St Luc, 5,41 (trad. cf SC 45, p. 198 rev)

separ ecrit biblio« Les fils sont libres »

      Lorsque le Christ a réconcilié le monde avec Dieu, il n'avait certes pas besoin de réconciliation pour lui-même. Pour lequel de ses péchés aurait-il dû apaiser Dieu, lui qui n'en avait commis aucun ? C'est pourquoi, lorsque les juifs lui réclament les deux drachmes exigés par la Loi, Jésus dit à Pierre : « Simon, de qui les rois de la terre perçoivent-ils le tribut ou les impôts ? De leurs fils ou des étrangers ? » Pierre répondit : « Des étrangers ». Jésus reprit : « Les fils en sont donc exempts. Mais pour ne pas faire de scandale, jette l'hameçon et tu ouvriras la bouche du premier poisson que tu prendras ; tu y trouveras une pièce de quatre drachmes : prends-la et donne-la pour moi et pour toi ».

      Le Christ nous montre par là qu'il ne devait rien expier pour des péchés personnels, parce qu'il n'était pas esclave du péché mais que, Fils de Dieu, il était libre de toute faute. Le fils était libre et l'esclave en état de péché. Puisqu'il est libre de tout, Jésus ne paie donc rien pour le rachat de son âme, lui dont le sang pouvait payer largement la rédemption des péchés du monde entier. Il a le droit de libérer les autres, lui qui n'a aucune dette pour lui-même.

      Mais je vais plus loin. Le Christ n'est pas le seul à ne devoir rien payer pour la rédemption ou l'expiation de péchés personnels. Si tu envisages tout homme croyant, tu peux dire qu'aucun ne doit payer pour sa propre expiation, parce que le Christ a expié pour la rédemption de tous.

Commentaire du Ps 48, 14-15 ; CSEL 64, 368-370

 

 

 

Ambroise milanSaint Ambroise (v. 340-397), évêque de Milan et docteur de l'Église 

Il vient chez toi

Tu as entendu la voix du Verbe, la Parole de Dieu... Lève-toi, et par la prière prépare le fond de ton âme. D'en bas tends vers les hauteurs, efforce-toi à ouvrir la porte de ton cœur. Quand tu étends les mains vers le Christ, tes actions exhaleront le parfum de la foi...

Voilà comme le Christ t'a désirée, voilà comme le Christ t'a choisie. Si tu lui ouvres, il entrera ; il ne peut pas y manquer, lui qui l'a promis. Embrasse donc celui que tu as cherché (Ct 3,4) ; approche-toi de lui et tu recevras sa lumière (Ps 33,6) ; retiens-le, demande-lui de ne pas s'en aller si vite, supplie-le de ne pas s'éloigner. En effet, la parole de Dieu court rapidement (Si 43,5) ; elle ne se laisse pas saisir par la mollesse ; la paresse ne la retient pas. Que ton âme, à son appel, aille à sa rencontre, et qu'elle persévère sur le chemin tracé par sa parole céleste, car il passe vite...

Ne pense pas, s'il est parti si vite, que tu lui as déplu en l'appelant, en l'implorant, en lui ouvrant : il permet souvent que nous soyons éprouvés. Lorsque les foules le priaient de ne pas s'en aller, que dit-il dans l'Évangile ? « Il faut que j'annonce la parole de Dieu dans les autres villes, car c'est pour cela que j'ai été envoyé » (Lc 4,43). Alors, même s'il semble être parti, cherche encore (cf Ct 5,6)... Celle qui cherche ainsi le Christ, celle qui l'implore ainsi, n'est pas délaissée par lui ; bien plus, il vient souvent la visiter, car il est avec nous jusqu'à la fin du monde (Mt 28,20). 

Sur la virginité, §72-74, 78

separ ecrit biblio« Ta foi t’a sauvée. Va en paix »

      « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. » (Mt 9,12) Montre donc au médecin ta blessure, de façon à pouvoir être guéri. Même si tu ne la montres pas, il la connaît, mais il exige de toi que tu lui fasses entendre ta voix. Nettoie tes plaies avec tes larmes. C'est ainsi que cette femme dont parle l'Évangile s'est débarrassée de son péché et de la mauvaise odeur de son égarement ; c'est ainsi qu'elle s'est purifiée de sa faute, en lavant les pieds de Jésus avec ses larmes.

      Puisses-tu me réserver à moi aussi, Jésus, le soin de laver tes pieds, que tu as salis tandis que tu marchais en moi !… Mais où trouverai-je l'eau vive avec laquelle je pourrai laver tes pieds ? Si je n'ai pas d'eau, j'ai mes larmes. Fais qu'en lavant tes pieds avec elles, je puisse me purifier moi-même ! Comment faire en sorte que tu dises de moi : « Ses nombreux péchés lui sont remis, parce qu'il a beaucoup aimé » ? J'avoue que ma dette est considérable et qu'il m'a été « remis davantage », à moi qui ai été arraché au bruit des querelles de la place publique et aux responsabilités du gouvernement pour être appelé au sacerdoce. Je crains, par conséquent, d'être considéré comme un ingrat si j'aime moins, alors qu'il m'a été remis davantage.

      Je ne peux pas comparer à n'importe qui cette femme qui, a juste titre, a été préférée au pharisien Simon qui recevait le Seigneur à déjeuner. Cependant, à tous ceux qui veulent mériter le pardon, elle dispense un enseignement en baisant les pieds du Christ, en les lavant avec ses larmes, en les essuyant avec ses cheveux, en les oignant avec du parfum… Si nous ne pouvons pas l’égaler, le Seigneur Jésus sait venir en aide aux faibles. Là où il n’y a personne qui sache préparer un repas, amener du parfum, apporter avec soi une fontaine d’eau vive (Jn 4,10), il vient lui-même.

La Pénitence, II, 8 (trad. SC 179, p. 175)

separ ecrit biblioLe témoignage des prophètes conduit au témoignage des apôtres

      Le Seigneur Jésus a voulu que Moïse gravît seul la montagne, mais il a été rejoint par Josué (Ex 24,13). Dans l'Évangile aussi, c'est à Pierre, Jacques et Jean, seuls de tous les disciples, qu'il a révélé la gloire de sa résurrection. Ainsi voulait-il que son mystère demeure caché, et il les avertissait fréquemment de ne pas annoncer facilement ce qu'ils avaient vu à n'importe qui, pour qu'un auditeur trop faible ne trouve là un obstacle qui empêcherait son esprit inconstant de recevoir ces mystères dans toute leur force. Car Pierre lui-même « ne savait pas ce qu'il disait », puisqu'il croyait qu'il fallait dresser trois tentes pour le Seigneur et ses compagnons. Ensuite, il n'a pas pu supporter l'éclat de gloire du Seigneur qui se transfigurait, mais il est tombé sur le sol (Mt 17,6), comme sont tombés aussi « les fils du tonnerre » (Mc 3,17), Jacques et Jean, quand la nuée les a recouverts...

      Ils sont entrés donc dans la nuée pour connaître ce qui est secret et caché, et c'est là qu'ils ont entendu la voix de Dieu disant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour : écoutez-le ». Que signifie : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé » ? Cela veut dire –- Simon Pierre, ne t'y trompe pas ! -- que tu ne dois pas placer le Fils de Dieu sur le même rang que les serviteurs. « Celui-ci est mon Fils : Moïse n'est pas mon Fils, Elie n'est pas mon Fils, bien que l'un ait ouvert le ciel, et que l'autre ait fermé le ciel ». En effet, l'un et l'autre, à la parole du Seigneur, ont vaincu un élément de la nature (Ex 14;1R 17,1), mais ils n'ont fait que prêter leur ministère à celui qui a affermi les eaux et fermé par la sécheresse le ciel, qu'il a fait fondre en pluie dès qu'il l'a voulu.

      Là où il s'agit d'une simple annonce de la résurrection, on fait appel au ministère des serviteurs, mais là où se montre la gloire du Seigneur qui ressuscite, la gloire des serviteurs tombe dans l'obscurité. Car, en se levant, le soleil obscurcit les étoiles, et toutes leurs lumières disparaissent devant l'éclat de l'éternel Soleil de justice (Ml 3,20).

Sur le psaume 45, 2; CSEL 64, 6, 330-331 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 186 rev.)

separ ecrit biblio« Cette parole de l'Ecriture que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit »

      Abreuve-toi d'abord à l'Ancien Testament pour boire ensuite au Nouveau. Si tu ne bois pas au premier, tu ne pourras pas t'abreuver au second. Bois au premier pour atténuer ta soif, au second pour l'étancher complètement...  Abreuve-toi à la coupe de l'Ancien Testament et du Nouveau, car dans les deux c'est le Christ que tu bois. Bois le Christ, car il est la vigne (Jn 15,1), il est le rocher qui a fait jaillir l'eau (1Co 10,3), il est la source de la vie (Ps 36,10). Bois le Christ, car il est « le fleuve dont le cours réjouit la cité de Dieu » (Ps 45,5), il est la paix (Ep 2,14), et « de son sein jaillissent des fleuves d'eau vive » (Jn 7,38). Bois le Christ pour t'abreuver du sang de ta rédemption et du Verbe de Dieu. L'Ancien Testament est sa parole, le Nouveau l'est aussi. On boit la Sainte Écriture et on la mange ; alors, dans les veines de l'esprit et dans la vie de l'âme, descend le Verbe éternel. « Ce n'est pas seulement de pain que vit l'homme, mais de toute parole de Dieu » (Dt 8,3;Mt 4,4). Abreuve-toi donc de ce Verbe, mais selon l'ordre qui convient. Bois-le d'abord dans l'Ancien Testament, et puis, sans tarder, dans le Nouveau.

      Il dit lui-même, comme s'il avait hâte : « Peuple qui marche dans les ténèbres, regarde cette grande lumière ; toi qui habites un pays de mort, une lumière se lève sur toi » (Is 9,2 LXX). Bois donc sans plus attendre, et une grande lumière t'éclairera ; non pas la lumière quotidienne du jour, du soleil ou de la lune, mais cette lumière qui repousse l'ombre de la mort. 

Commentaire du Psaume 1, 33 ; CSEL 64, 28-30 (trad. Orval)

separ ecrit biblio« Abraham a vu mon jour »

      Considérons la récompense qu'Abraham réclame au Seigneur. Il ne demande pas des richesses comme un avare, ni une longue vie comme celui qui craint la mort, ni la puissance, mais il demande un digne héritier de son travail : « Que me donneras-tu, dit-il ? Je m'en vais sans enfants » (Gn 15,2)… Agar a mis au monde un fils, Ismaël, mais Dieu lui dit : « Ce ne sera pas lui ton héritier, mais un autre issu de toi » (Gn 15,4). De quel autre parle-t-il ? Il ne s'agit pas d’Ismaël mais de saint Isaac... Mais dans le fils légitime Isaac, nous pouvons voir le véritable fils légitime, le Seigneur Jésus Christ qui, au début de l'évangile de saint Matthieu, est appelé fils d'Abraham (Mt 1,1). Il s'est montré vrai fils d'Abraham en faisant resplendir la descendance de son ancêtre ; c'est grâce à lui qu'Abraham a regardé vers le ciel et a pu voir sa postérité briller comme les étoiles (Gn 15,5). L'apôtre Paul dit: « Une étoile diffère en éclat d'une autre étoile ; il en est ainsi pour la résurrection des morts » (1Co 15, 41). En associant à sa résurrection les hommes que la mort gardait en terre, le Christ leur a donné part au royaume du ciel.

      La filiation d’Abraham s'est propagée uniquement par l'héritage de la foi, qui nous prépare au ciel, nous rapproche des anges, nous élève jusqu'aux étoiles. « Dieu dit : ‘ Telle sera ta descendance ’ et Abraham crut en Dieu » (Gn 15,6). Il a cru que le Christ par son incarnation serait son héritier. Pour te le faire savoir, le Seigneur a dit: « Abraham a vu mon jour et s'est réjoui ». Dieu l'a considéré comme juste parce qu'il n'a pas demandé d'explication mais a cru sans la moindre hésitation. Il est bon que la foi devance les explications, sinon nous aurions l'air d'en demander au Seigneur notre Dieu, comme à un homme. Quelle inconvenance de croire des hommes quand ils témoignent au sujet d'un autre, et de ne pas croire Dieu quand il parle de lui ! Imitons donc Abraham pour hériter le monde par la justification de la foi, qui l'a fait hériter de la terre. 

Abraham, livre I, 19-20 (trad. coll. Pères dans la foi 74, Migne 1999, p. 49)

separ ecrit biblio« Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons »

      « De ta miséricorde, Seigneur, la terre est remplie ; enseigne-moi tes volontés » (Ps 118,64). Comment la terre est-elle remplie de cette miséricorde du Seigneur sinon par la Passion de notre Seigneur Jésus Christ dont le psalmiste, qui la voyait de loin, célèbre en quelque sorte la promesse ?... Elle en est remplie, car la rémission des péchés a été donnée à tous. Le soleil a ordre de se lever sur tous, et c'est ce qui arrive chaque jour. C'est pour tous en effet que s'est levé au sens mystique le Soleil de Justice (Ml 3,20); il est venu pour tous, il a souffert pour tous, pour tous il est ressuscité. Et s'il a souffert, c'est bien pour « enlever le péché du monde » (Jn 1,29)...

      Mais si quelqu'un n'a pas foi dans le Christ, il se prive lui-même de ce bienfait universel. Si quelqu'un, en fermant ses fenêtres, empêche les rayons du soleil d'entrer, on ne peut pas dire que le soleil s'est levé pour tous, car cette personne s'est dérobée à sa chaleur. Pour ce qui est du soleil, il n'en est pas atteint ; pour celui qui manque de sagesse, il se prive de la grâce d'une lumière proposée à tous.

      Dieu se fait pédagogue ; il illumine l'esprit de chacun, y répandant la clarté de sa connaissance, à condition toutefois que tu ouvres la porte de ton coeur et que tu accueilles la clarté de la grâce céleste. Quand tu doutes, hâte-toi de chercher, car « celui qui cherche trouve et à celui qui frappe, on ouvrira » (Mt 7,8).

Sermon 8 sur le psaume 118 (trad. Eds. Soleil levant, p. 100s ; cf AELF)

separ ecrit biblio« Le coq ne chantera pas avant que tu m'aies renié trois fois »

      Pierre a renié une première fois et n'a pas pleuré, parce que le Seigneur ne l'avait pas regardé. Il a renié une seconde fois, et il n'a pas pleuré, parce que le Seigneur ne l'avait pas encore regardé. Il a renié une troisième fois, Jésus l'a regardé, et il a pleuré, très amèrement (Lc 22,62). Regarde-nous, Seigneur Jésus, pour que nous sachions pleurer notre péché. Cela montre que même la chute des saints peut être utile. Le reniement de Pierre ne m'a pas fait tort ; au contraire, à son repentir, j'ai gagné : j'ai appris à me garder d'un entourage infidèle...

      Pierre a donc pleuré, et très amèrement ; il a pleuré pour arriver à laver sa faute par des larmes. Vous aussi, si vous voulez obtenir le pardon, effacez votre faute par les larmes ; au moment même, sur l'heure, le Christ vous regarde. S'il vous survient quelque chute, lui, témoin présent à votre vie secrète, vous regarde pour vous rappeler et vous faire avouer votre erreur. Faites alors comme Pierre, qui dit ailleurs par trois fois : « Seigneur, tu sais que je t'aime » (Jn 21,15). Il a renié trois fois, trois fois aussi il confesse ; mais il a renié dans la nuit, et il confesse au grand jour.

      Tout cela est écrit pour nous faire comprendre que personne ne doit se vanter. Si Pierre est tombé pour avoir dit : « Même si d'autres viennent à trébucher, moi je ne tomberai pas » (Mt 26,33), quel autre serait en droit de compter sur soi-même ?... D'où est-ce que je te rappellerai, Pierre, pour m'apprendre tes pensées quand tu pleurais ? Du ciel où tu as déjà pris place parmi les choeurs des anges, ou encore du tombeau ? Car la mort, d'où le Seigneur est ressuscité, ne te répugne pas à ton tour. Enseigne-nous à quoi t'ont servi tes larmes. Mais tu l'as enseigné bien vite : car étant tombé avant de pleurer, tes larmes t'ont fait choisir pour conduire les autres, toi qui, d'abord, n'avais pas su te conduire toi-même.

Commentaire sur l'évangile de St Luc, 10, 89s (trad. cf SC 52, p. 186)

separ ecrit biblio« Si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre »

      Le Seigneur lui-même est un grain de moutarde... Si le Christ est un grain de moutarde, comment est-il le plus petit et comment grandit-il ? Ce n'est pas en sa nature, mais selon son apparence qu'il redevient grand. Vous voulez savoir comment il est le moindre ? « Nous l'avons vu, et il n'avait ni prestance ni beauté » (Is 53,2). Apprenez qu'il est le plus grand : « Il resplendit de beauté plus que les enfants des hommes » (Ps 44,3). En effet celui qui n'avait ni éclat ni beauté est devenu supérieur aux anges (Hé 1,4), dépassant toute la gloire des prophètes d'Israël... Il est la moindre de toutes les semences, parce qu'il n'est pas venu avec la royauté, ni avec les richesses, ni avec la sagesse de ce monde. Or soudain, comme un arbre, il a épanoui la cime élevée de sa puissance, si bien que nous disons : « Sous son ombre désirée je me suis assis » (Ct 2,3).

      Souvent, à mon avis, il paraissait à la fois arbre et graine. Il est graine quand on dit : « N'est-il pas le fils de Joseph le charpentier ? » (Mt 13,55). Mais au cours même de ces paroles il a soudain grandi...: « D'où lui vient, disaient-ils, cette sagesse ? » (v. 54). Il est donc graine en son apparence, arbre par sa sagesse. Dans la frondaison de ses branches pourront se reposer en sécurité l'oiseau de nuit en sa demeure, le passereau solitaire sur le toit (Ps 101,8), celui qui a été enlevé jusqu'au paradis (2Co 12,4), celui qui « sera enlevé dans les airs sur les nuées » (1Th 4,17). Là reposent également les puissances et les anges des cieux et tous ceux à qui leurs actions spirituelles ont permis de prendre leur vol. Saint Jean y a reposé quand il était appuyé sur la poitrine de Jésus (Jn 13,25)...

      Et nous « qui étions loin » (Ep 2,13), rassemblés du milieu des nations, longtemps ballottés dans le vide du monde par les tempêtes de l'esprit du mal, déployant les ailes des vertus nous dirigeons notre vol pour que cette ombre des saints nous abrite de la chaleur accablante de ce monde. Déjà nous reprenons vie dans la paix et la sécurité de ce séjour du moment que notre âme, courbée auparavant sous le poids des péchés, est « arrachée, comme le passereau, au filet des chasseurs » (Ps 123,7) et s'est transportée sur les branches et les montagnes du Seigneur (cf Ps 10,1). 

Commentaire sur l'évangile de St Luc, 7, 183s (trad. cf SC 52, p. 77)

separ ecrit biblio« Exaltons tous ensemble son nom » (Ps 33,4)

      Qu’en tous réside l’âme de Marie pour glorifier le Seigneur ; qu'en tous réside l'esprit de Marie pour exulter en Dieu. S'il n'y a physiquement qu'une seule Mère du Christ, par la foi le Christ est le fruit de tous, car toute âme reçoit le Verbe de Dieu, à condition de rester sans tache, préservée du mal et du péché, gardant la chasteté dans une pureté inaltérée. Toute âme donc qui parvient à cet état exalte le Seigneur, comme l'âme de Marie a exalté le Seigneur et comme son esprit a tressailli dans le Dieu Sauveur.

      Le Seigneur est en effet magnifié, ainsi que vous l'avez lu ailleurs : « Magnifiez le Seigneur avec moi » (Ps 33,4). Non que la parole humaine puisse ajouter quelque chose au Seigneur, mais parce qu'il grandit en nous. Car « le Christ est l'image de Dieu » (2Co 4,4), et alors l'âme qui fait quelque chose de juste et religieux magnifie cette image de Dieu, à la ressemblance de qui elle a été créée. Alors aussi, en la magnifiant, elle participe en quelque sorte à sa grandeur et s'en trouve élevée ; elle semble reproduire en elle cette image par les brillantes couleurs de ses bonnes oeuvres et la copier en quelque sorte par ses vertus.

Commentaire de St Luc, 2, 26-27 (trad. SC 45, p.83 rev.)

separ ecrit biblioAller vers les autres comme le Seigneur vient vers nous

      La modération est sans doute la plus belle des vertus… C'est à elle seule que l'Église, acquise au prix du sang du Seigneur, doit son expansion ; elle est à l'image du bienfait céleste de la rédemption universelle… De ce fait, celui qui s'applique à corriger les défauts de la faiblesse humaine doit supporter et en quelque sorte peser cette faiblesse sur ses propres épaules, et non pas la rejeter. Car on lit que le berger de l’Evangile a porté la brebis fatiguée, non qu'il l'a rejetée (Lc 15,5)… La modération, en effet, doit tempérer la justice. Autrement, comment quelqu’un pour qui tu montres du dégoût -- quelqu’un qui penserait être pour son médecin un objet de mépris et non de compassion -- comment pourrait-il venir vers toi pour être soigné ?

      C’est pourquoi le Seigneur Jésus a fait preuve de compassion envers nous. Son désir était de nous appeler à lui, et pas de nous faire fuir en nous effrayant. La douceur marque sa venue ; sa venue est marquée par l'humilité. Il a dit d’ailleurs : « Venez à moi, vous tous qui peinez, et je vous réconforterai ». Ainsi donc, le Seigneur Jésus réconforte, il n'exclut pas, il ne rejette pas. Et c'est à bon droit qu'il a choisi pour disciples des hommes qui, en fidèles interprètes de la volonté du Seigneur, rassembleraient le peuple de Dieu, au lieu de le repousser. 

La Pénitence, I, 1 (trad. SC 179, p.53 rev.)

separ ecrit biblio« Je suis venu jeter un feu sur la terre »

      « Je suis venu mettre le feu sur la terre, et comme je voudrais qu'il soit déjà allumé ». Le Seigneur nous veut vigilants, attendant à tout moment la venue du Sauveur... Mais puisque le profit est mince et faible le mérite quand c'est la crainte du supplice qui empêche de s'égarer et puisque c'est l'amour qui a une valeur supérieure, le Seigneur lui-même...enflamme notre désir d'acquérir Dieu lorsqu'il dit : « Je suis venu mettre le feu sur la terre ». Non pas certes le feu qui détruit, mais celui qui produit la volonté bonne, celui qui rend meilleurs les vases d'or de la maison du Seigneur en consumant le foin et la paille (1Co 3,12s), en dévorant toute la gangue du monde, amassée par le goût du plaisir terrestre, oeuvre de la chair qui doit périr.

      C'est ce feu divin qui brûlait les os des prophètes, comme le déclare Jérémie : « C'est devenu comme un feu ardent qui brûle dans mes os » (Jr 20,9). Car il y a un feu du Seigneur, dont il est dit : « Un feu brûlera devant lui » (Ps 96,3). Le Seigneur lui-même est un feu, dit-il, « qui brûle sans consumer » (Ex 3,2). Le feu du Seigneur est lumière éternelle ; à ce feu s'allument les lampes des croyants : « Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées » (Lc 12,35). C'est parce que les jours de cette vie étant encore nuit, une lampe est nécessaire. C'est ce feu que, selon le témoignage des disciples d'Emmaüs, le Seigneur avait lui-même mis en eux : « N'avions-nous pas le coeur brûlant, sur la route, tandis qu'il nous dévoilait les Ecritures ? » (Lc 24,32) Ils nous apprennent avec évidence quelle est l'action de ce feu, qui éclaire le fond du coeur de l'homme. C'est pour cela que le Seigneur viendra dans le feu (Is 66,15), pour consumer les vices au moment de la résurrection, combler par sa présence les désirs du chacun, et projeter sa lumière sur les mérites et les mystères.

Traité sur Saint Luc, 7, 131-132 (trad. SC 52 rev. Tournay)

 

Ambroise milanSaint Ambroise (v. 340-397), évêque de Milan et docteur de l'Église 

« Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu »

En quoi les jugements de Dieu sont-ils justes ? En ce sens que c'est par l'effort et les épreuves que l'on parvient à la récompense au ciel. De même que par le jugement des hommes la couronne d'un prix est attribuée aux athlètes qui combattent, de même la palme de la victoire est accordée par le jugement de Dieu aux chrétiens qui luttent (cf 1Co 9,25). « Je donnerai à celui qui est vainqueur de s'asseoir à ma droite », dit le Seigneur (Ap 3,21).

Comme l'argent est affiné par le feu, notre vie est éprouvée par le feu, afin que la force de notre vertu soit manifestée dans les combats... En effet, que faisons-nous de grand si nous louons Dieu dans le bien-être, quand rien de désagréable ne vient nous troubler ? Ce qui est admirable, c'est si tu loues le jugement de Dieu au milieu des difficultés et des vexations, si tu ne te révoltes pas dans la privation, si elle ne t'empêche pas de louer sa justice. Plus les épreuves sont grandes, plus la consolation qui t'est réservée sera riche. Cependant, pour ne pas tomber, plus tu te verras en butte à de rudes épreuves, plus tu dois prier le Verbe de Dieu de t'apporter des encouragements. 

Sermon10 sur le psaume 118

separ ecrit biblio« Marie se leva et partit en hâte pour la montagne »

      Il est normal que tous ceux qui veulent qu'on les croie donnent des raisons de croire. C'est pourquoi l'ange...a annoncé à Marie, la vierge, qu'une femme âgée et stérile devenait mère, montrant ainsi que Dieu peut faire tout ce qui lui plaît. Dès que Marie l'a appris, elle est partie vers les montagnes — non par manque de foi en la prophétie, ni par incertitude devant cette annonce, ni par doute..., mais dans l'allégresse de son désir, pour remplir un devoir religieux, dans l'empressement de la joie. Désormais remplie de Dieu, comment pouvait-elle ne pas s'élever en hâte vers les hauteurs ? Des raisonnements lents sont étrangers à la grâce de l'Esprit Saint.

      Jusque-là Marie vivait seule, retirée du monde extérieur : elle n'a pas été retenue par sa pudeur de partir en public, ni par les escarpements des montagnes de réaliser son dessein, ni par la longueur du chemin du service à rendre. Cette vierge se hâte vers les hauteurs, une vierge qui pense à servir et qui oublie sa peine ; la charité fait sa force...; elle quitte sa maison et elle part... Vous avez appris la délicatesse de Marie ; apprenez aussi son humilité. La cadette vient vers l'aînée..., ce qui est supérieur vient à ce qui est inférieure : Marie à Élisabeth, le Christ à Jean, comme plus tard le Seigneur viendra se faire baptiser par Jean pour consacrer le baptême. Et tout de suite se manifestent les bienfaits de l'arrivée de Marie et de la présence du Seigneur, car « dès qu'Élisabeth entendit la salutation de Marie, l'enfant tressaillit dans son sein et elle fut remplie de l'Esprit Saint »... Les deux femmes parlent de la grâce qui leur est faite ; les deux enfants réalisent cette grâce et entraînent leurs mères dans ce mystère de la miséricorde

Commentaire sur l'évangile de Luc, II,19s ; SC 45 (trad. SC, p. 81s rev.) 

separ ecrit biblio« Suis-moi » 

[Après la guérison du paralytique] vient ensuite l'appel du collecteur d'impôts aux mystères du Christ. Le Christ lui donne l'ordre de le suivre, non par une démarche physique de son corps, mais par le changement de son cœur. Et cet homme qui jusqu'alors tirait avec avidité son profit des marchandises, qui exploitait durement les fatigues et les dangers des matelots, quitte tout sur un mot d'appel. Lui qui prenait les biens des autres, il abandonne ses biens propres. Quittant son comptoir ignoble, il marche de toute son âme à la suite du Seigneur.

Et il prépare un grand festin : car celui qui reçoit le Christ dans sa demeure intérieure est rassasié de bien-être sans mesure, d'une joie surabondante. Quant au Seigneur, il entre volontiers chez lui, et il se met à la table préparée par l'amour de celui qui a cru.

Mais voici que s'allume la malveillance des incroyants..., et du coup la différence entre les disciples de la Loi et disciples de la grâce se révèle. S'en tenir à la Loi, c'est subir dans un cœur à jeun une faim sans remède ; accueillir le Verbe, la Parole de Dieu, dans l'intimité de son âme, c'est être renouvelé par l'abondance de la nourriture et de la source éternelles. C'est n'avoir plus jamais faim ni soif (Jn 6,35). 

Commentaire sur l'évangile de Luc, 5, 16 ; SC 45 (trad. cf SC, p. 188)

separ ecrit biblioLe bon Samaritain 

       « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho »... Jéricho est le symbole de ce monde où, après avoir été chassé du Paradis, c'est-à-dire de la Jérusalem céleste, Adam est descendu... C'est le changement non pas de lieu mais de conduite qui a fait son exil. Quel changement ! Cet Adam qui jouissait d'un bonheur sans inquiétude, dès qu'il s'est abaissé aux fautes de ce monde, a rencontré des larrons... Qui sont ces larrons, sinon des anges de la nuit et des ténèbres, qui se déguisent parfois en anges de lumière (2Co 11,14), mais qui ne peuvent pas y demeurer ? Ils commencent par nous dépouiller des vêtements de grâce spirituelle que nous avons reçus : c'est ainsi qu'ils font d'habitude pour nous blesser... Prends donc garde à ne pas te laisser dépouiller, comme Adam, privé de la protection du commandement de Dieu et dépourvu du vêtement de la foi. Voilà pourquoi il a reçu la blessure mortelle à laquelle tout le genre humain aurait succombé, si le Samaritain n'était descendu guérir ses blessures affreuses.

      Ce n'est pas n'importe qui, ce Samaritain : celui que le prêtre et le lévite avaient dédaigné, lui ne l'a pas dédaigné... Ce Samaritain descendait : « Qui est descendu du ciel, sinon celui qui est monté au ciel, le Fils de l'homme, qui est au ciel ? » (Jn 3,13) Voyant à demi mort cet homme que personne avant lui n'avait pu guérir..., il s'est approché de lui ; c'est-à-dire qu'en acceptant de souffrir avec nous, il s'est fait notre prochain et qu'en exerçant la miséricorde envers nous, il s'est fait notre voisin. 

Commentaire sur l'évangile de Luc, 7,73 ; SC 52 (trad. cf SC, p. 33)

separ ecrit biblioEnsemble, Marthe et Marie accueillent la Sagesse de Dieu (1Co 1,24) 

      La vertu n'a pas qu'un seul visage. L'exemple de Marthe et de Marie nous montre dans les œuvres de l'une le dévouement actif et chez l'autre l'attention religieuse du cœur à la parole de Dieu. Si cette attention est unie à une foi profonde, elle est préférable aux œuvres : « Marie a choisi la meilleure part qui ne lui sera pas enlevée ». Efforçons-nous donc, nous aussi, de posséder ce que personne ne pourra nous enlever, en prêtant une oreille non pas distraite, mais attentive ; car il arrive que même le grain de la parole venue du ciel soit emporté, s'il est semé le long du chemin (Lc 8, 5.12).

      Sois donc animé du désir de la sagesse, comme Marie : c'est là une œuvre plus grande, plus parfaite. Que les soucis du service ne t'empêchent pas d'accueillir la parole venue du ciel. Ne critique pas et ne juge pas oisifs ceux que tu verras occupés à acquérir la sagesse, car Salomon, cet homme paisible, l'a invitée chez lui pour qu'elle demeure avec lui (Sg 9,10). Pourtant il ne s'agit pas de reprocher à Marthe ses bons services : Marie a la préférence parce qu'elle a choisi une meilleure part. Jésus a de multiples richesses, et il les distribue largement ; la femme la plus sage a reconnu et a choisi ce qui est le plus important.

      Les apôtres aussi ont estimé qu'il était préférable de ne pas délaisser la parole de Dieu pour servir aux tables (Ac 6,2). Mais les deux choses sont des œuvres de sagesse : Étienne a été choisi comme serviteur, comme diacre, et il était rempli de sagesse (Ac 6,5.8)... En effet, le corps de l'Église est un, et si ses membres sont divers, ils ont besoin les uns des autres : « L'œil ne peut pas dire à la main : Je n'ai pas besoin de tes services, ni la tête dire aux pieds : Je n'ai pas besoin de vous » (1Co 12,21)... Si certains membres sont plus importants, les autres sont cependant nécessaires. La sagesse réside dans la tête, l'activité dans les mains.   

Commentaire sur l'évangile de Luc, 7, 85-86 ;  SC 52 (trad. SC p. 36 rev.)

separ ecrit biblio« Réveille-toi, toi qui dors ; relève-toi d’entre les morts » (Ep 5,14) 

      « J’irai trouver mon père, et je lui dirai : ‘ Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi. ’ » Tel est notre premier aveu, au Créateur, au maître de la miséricorde, au juge de la faute. Bien qu’il connaisse tout, Dieu attend l’expression de notre aveu ; car « la confession des lèvres obtient le salut » (Rm 10,10)…

      Voilà ce que se disait le fils cadet ; mais ce n’est pas assez de parler, si tu ne viens pas au Père. Où le chercher, où le trouver ? « Il se leva. » Lève-toi d’abord, toi qui jusqu’ici étais assis et endormi. Voilà ce que dit l’apôtre Paul : « Debout, toi qui dors, lève-toi d’entre les morts » (Ep 5,14)… Debout donc, cours à l’Église : là est le Père, là est le Fils, là est l’Esprit Saint. Celui qui t’entend parler dans le secret de ton âme vient à ta rencontre ; et quand tu es encore loin, il te voit et il accourt. Il voit dans ton cœur ; il accourt, pour que personne ne te retarde ; il t’embrasse aussi… Il se jette à ton cou pour te relever, toi qui gisais chargé de péchés, tourné vers la terre ; il te retourne vers le ciel pour que tu puisses y chercher ton Créateur. Le Christ se jette à ton cou, pour dégager ta nuque du joug de l’esclavage et y suspendre son joug de douceur… Il se jette à ton cou, lorsqu’il dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et je vous réconforterai ; prenez sur vous mon joug » (Mt 11,28). Telle est la manière dont il t’étreint, si tu te convertis.

      Et il fait apporter une robe, un anneau, des chaussures. La robe est le vêtement de la sagesse…, l’habillement spirituel et le vêtement des noces. L’anneau est-il autre chose que le sceau d’une foi sincère et l’empreinte de la vérité ? Quant aux chaussures, c’est la prédication de la Bonne Nouvelle. 

Commentaire de l’évangile de Luc, VII, 224s ; SC 52 (trad. SC p. 93s rev.)

separ ecrit biblio« Vous n'avez qu'un seul Maître..., le Christ » (Mt 23,8) 

  « Aucun serviteur ne peut servir deux maîtres. » Non pas qu'il y en ait deux : il n'y a qu'un seul Maître. Car même s'il y a des gens qui servent l'argent, en soi il ne possède aucun droit à être maître ; ce sont eux-mêmes qui se chargent du joug de cet esclavage. En effet, l’argent n’a aucun pouvoir juste, mais constitue un esclavage injuste. C’est pourquoi Jésus dit : « Faites-vous des amis avec l’argent trompeur », pour que, par notre générosité envers les pauvres, nous obtenions la faveur des anges et des saints.

Le gérant n'est pas critiqué : nous apprenons par là que nous ne sommes pas des maîtres, mais plutôt les gérants des richesses d'autrui. Bien qu'il ait fait une faute, il est loué, parce que, en remettant aux autres au nom de son maître, il s'est ménagé des appuis. Et Jésus a très bien parlé de « l’argent trompeur », parce que l'amour de l’argent tente nos penchants par ses séductions variées au point que nous acceptions d’en être les esclaves. C’est pourquoi il dit : « Si vous n’avez pas été dignes de confiance pour des biens étrangers, le vôtre, qui vous le donnera ? » Les richesses nous sont étrangères parce qu’elles sont en dehors de notre nature ; elles ne naissent pas avec nous, elles ne nous suivent pas dans la mort. Le Christ, au contraire, est à nous parce qu’il est la vie... Ne soyons donc pas les esclaves des biens extérieurs, parce que nous ne devons reconnaître comme Seigneur que le Christ.  

Commentaire sur l'évangile de Luc, 7, 244s ; SC 52 (trad. Véricel, L’Évangile commenté, p. 263 et SC, p. 98s)

separ ecrit biblio« Insiste pour faire entrer les gens afin que ma maison soit remplie » 

      Les invités s’excusent, alors que le Royaume n’est fermé à personne qui ne s’exclue lui-même par sa propre parole. Dans sa bonté, le Seigneur invite tout le monde, mais c’est notre lâcheté ou notre égarement qui nous écarte. Celui qui préfère acheter une ferme n’a pas sa place au Royaume : au temps de Noé, acheteurs et vendeurs ont été engloutis par le déluge (Lc 17,26-28)… De même celui qui s’excuse parce qu’il vient de se marier, car il est écrit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, à sa mère et à sa femme, il ne peut pas être mon disciple » (Lc 14,26)…        

      Ainsi, après le dédain orgueilleux des riches, le Christ s'est tourné vers les païens ; il fait entrer bons et méchants, pour faire grandir les bons, pour améliorer les dispositions des méchants... Il invite les pauvres, les infirmes, les aveugles, ce qui nous montre que l'infirmité physique n'écarte personne du Royaume..., ou bien que l'infirmité des péchés est guérie par la miséricorde du Seigneur...

      Il envoie donc chercher aux croisées des chemins, car « la Sagesse crie aux carrefours » (Pr 1,20). Il envoie sur les places, car il a fait dire aux pécheurs de quitter les voies larges pour rejoindre le chemin étroit qui conduit à la vie (Mt 7,13). Il envoie sur les routes et le long des haies, car ceux qui se hâtent vers les biens à venir, sans être retenus par les biens présents, engagés sur la voie de la bonne volonté, sont capables d'atteindre le Royaume des cieux, ainsi que ceux qui savent distinguer le mal du bien, comme les champs sont délimités par une haie, c'est-à dire ceux qui opposent le rempart de la foi aux tentations du péché. 

Commentaire sur l'évangile de Luc, 7, 200-203 ; SC 52 (trad. cf SC p. 84)

separ ecrit biblioLes trois paraboles de la miséricorde 

      Ce n'est pas sans raison que saint Luc nous a présenté à la suite trois paraboles : la brebis qui s'était égarée et a été retrouvée, la drachme qu'on avait égarée et qu'on a retrouvée, le fils prodigue qui était mort et qui est revenu à la vie, pour que, sollicités par ce triple remède, nous soignions nos blessures... Qui sont ce père, ce berger, cette femme? N'est-ce pas Dieu le Père, le Christ, l'Église ? Le Christ, qui a pris sur lui tes péchés, te porte en son corps ; l'Église te cherche ; le Père t'accueille. Comme un berger, il te rapporte ; comme une mère, elle te recherche ; comme un Père, il te revêt. D'abord la miséricorde, puis le secours, enfin la réconciliation.

      Chaque détail convient à chacun : le Rédempteur vient en aide, l'Église secourt, le Père réconcilie. La miséricorde de 1'œuvre divine est la même, mais la grâce varie selon nos mérites. La brebis fatiguée est ramenée par le berger, la drachme égarée est retrouvée, le fils revient sur ses pas vers son père, et revient pleinement repentant d'un égarement qu'il rejette...

      Réjouissons-nous donc de ce que cette brebis, qui s'était égarée en Adam, soit relevée dans le Christ. Les épaules du Christ, ce sont les bras de la croix : c'est là que j'ai déposé mes péchés, c'est sur le noble cou de ce gibet que j'ai reposé. 

Commentaire sur l'évangile de Luc, 7, 207-209 (trad. Véricel, L'Évangile commenté, p. 261 ; cf SC 54, p. 87)

separ ecrit biblio« Le jour du sabbat..., il enseignait en homme qui a autorité »

       C'est un jour du sabbat que le Seigneur Jésus commence à accomplir des guérisons, pour signifier que la nouvelle création commence au point où l'ancienne s'était arrêtée, et aussi pour marquer dès le début que le Fils de Dieu n'est pas soumis à la Loi mais supérieur à la Loi, qu'il ne détruit pas la Loi mais l'accomplit (Mt 5,17). Ce n'est pas par la Loi mais par le Verbe que le monde a été fait, comme nous le lisons : « Par la Parole du Seigneur les cieux ont été faits » (Ps 32,6). La Loi n'est donc pas détruite mais accomplie, afin de renouveler l'homme déchu. Voilà pourquoi l'apôtre Paul dit : « Débarrassez-vous de l'homme ancien ; revêtez l’homme nouveau, qui a été créé selon le Christ » (Col 3,9s). 

      Il est donc juste que le Seigneur commence le jour du sabbat, pour montrer qu'il est le Créateur…, continuant l'ouvrage qu'il avait commencé jadis lui-même. Comme l’ouvrier qui s'apprête à réparer une maison, il commence, non par les fondations, mais par les toits ; il commence à démolir ce qui est délabré... En délivrant le possédé, il commence par le moindre pour en venir au plus grand : même des hommes peuvent délivrer du démon — par la parole de Dieu, il est vrai — mais commander aux morts de ressusciter n'appartient qu'à la puissance de Dieu. 

Commentaire sur l’évangile de Luc, 4, 57 ; SC 45 (trad. SC p. 174)

separ ecrit biblioSon royaume est indivisible et éternel

 « Tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine. » Puisqu’on disait qu’il chassait les démons par Béelzéboul, prince des démons, Jésus voulait montrer par cette parole que son royaume est indivisible et éternel. C'est avec raison qu'il a aussi répondu à Pilate : « Mon royaume n'est pas de ce monde » (Jn 18,36). Donc, ceux qui ne mettent pas leur espoir dans le Christ, mais pensent que les démons sont chassés par le prince des démons, ceux-là, dit Jésus, n’appartiennent pas à un royaume éternel... Lorsque la foi est déchirée, le royaume divisé peut-il tenir ?… Si le royaume de l'Église durera éternellement, c’est parce que sa foi n’est pas divisée, son corps est unique : « Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tous et en tous » (Ep 4,5-6). 

Quelle folie sacrilège ! Le Fils de Dieu a pris chair pour écraser les esprits impurs et arracher son butin au prince du monde, il a donné aussi aux hommes le pouvoir de détruire l'esprit du mal (Lc 10,19)…, et voilà que certains appellent à leur aide la puissance du diable. Pourtant, [comme le dit Luc], c'est « le doigt de Dieu » (11,20) ou, comme le dit Matthieu, « l'Esprit de Dieu » (12,28) qui chasse les démons. On comprend par là que le Royaume de Dieu est indivisible comme un corps est indivisible puisque le Christ est la droite de Dieu et que l’Esprit semble être comparable à son doigt… « Dans le Christ habite corporellement la plénitude de la divinité » (Col 2,9). 

Commentaire sur l'évangile de Luc, 7, 91-92 ;  SC 52 (trad. SC p. 52 rev.)

separ ecrit biblio« Nous sommes héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ »

Dans cette lettre Ambroise répond aux questions que pose à Orontien le chapitre 8 de la lettre aux Romains.

D'après saint Paul, celui qui, par l'Esprit, fait mourir le comportement charnel, celui-là vivra. Ce n'est pas étonnant qu'il vive, puisqu'il devient fils de Dieu, ayant l'Esprit de Dieu. Il est fils de Dieu à tel point qu'il ne reçoit pas un esprit d'esclavage mais l'esprit des enfants d'adoption ; et à tel point que le Saint-Esprit de Dieu rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Ce témoignage est bien celui de l'Esprit Saint puisque c'est lui qui crie dans nos cœurs : Abba, Père , comme c'est écrit dans la lettre aux Galates. Mais ce qui témoigne hautement que nous sommes fils de Dieu, c'est que nous sommes héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ . Est héritier avec lui celui qui est glorifié avec lui ; et il est glorifié avec lui, celui qui, en souffrant pour lui, souffre avec lui.

Pour nous encourager à souffrir, saint Paul ajoute que tout ce que nous souffrons est peu de choses, sans proportion avec les biens à venir de cette grande récompense qui rétribuera nos labeurs : récompense qui se révélera en nous lorsque nous serons recréés à l'image de Dieu et que nous pourrons regarder sa gloire en face.

Pour mettre en valeur la grandeur de cette révélation à venir, l'Apôtre ajoute que la création elle-même attend cette révélation des fils de Dieu. Cette création est maintenant livrée malgré elle au pouvoir du néant ; mais elle est dans l'espérance. Car elle espère que le Christ l'aidera par sa grâce à se libérer de l'esclavage de la dégradation inévitable, et à recevoir la liberté glorieuse des fils de Dieu. Ainsi y aura-t-il une seule liberté, pour la création et pour les fils de Dieu, lorsque la gloire de ceux-ci se révélera. Mais maintenant, tant que cette révélation se fait désirer, toute la création gémit en attendant de partager la gloire de notre adoption et de notre rédemption. Elle enfante déjà cet esprit qui la sauve, et elle veut être délivrée de l'esclavage du néant. ~

Il est clair que les créatures qui gémissent en attendant l'adoption des fils ont en elles les premiers dons de l'Esprit. Cette adoption des fils, c'est la rédemption du corps tout entier, lorsque celui-ci, en qualité de fils adoptif de Dieu, verra en face ce bien éternel et divin. Il y a déjà adoption filiale dans l'Église du Seigneur lorsque l'Esprit s'écrie : Abba, Père , selon la lettre aux Galates. Mais cette adoption sera parfaite lorsque ceux qui seront admis à voir la face de Dieu ressusciteront tous dans l'immortalité, l'honneur et la gloire. Alors la condition humaine s'estimera vraiment rachetée. C'est pourquoi l'Apôtre ose dire : Nous avons été sauvés en espérance . L'espérance sauve en effet, comme la foi, dont il est dit : Ta foi t'a sauvé.

LETTRE DE SAINT AMBROISE À ORONTIEN

http://www.aelf.org/

 

 

Ambroise milanSaint Ambroise (v. 340-397), évêque de Milan et docteur de l'Église 

« Faites-vous des amis avec l'argent trompeur »

       « Abraham était assis à l'entrée de sa tente, nous dit l'Écriture, il y était assis au plus chaud du jour » (Gn 18,1). Les autres se reposaient ; lui guettait la venue d'hôtes éventuels. Il méritait bien que Dieu vienne à lui au chêne de Mambré, celui qui cherchait avec tant d'empressement à exercer l'hospitalité... 

      Oui, l'hospitalité est bonne, elle a sa récompense particulière : elle s'attire d'abord la gratitude des hommes ; elle reçoit aussi — ce qui est plus important — un salaire de la part de Dieu. Nous sommes tous, en cette terre d'exil, des hôtes de passage. Pour un temps, nous avons à loger sous un toit ; bientôt, il faudra en déloger. Prenons garde ! Si nous avons été durs ou négligents dans l'accueil des étrangers, une fois écoulé le cours de cette vie, les saints pourraient bien, à leur tour, refuser de nous accueillir. « Faites-vous des amis avec l'argent malhonnête, dit le Seigneur dans l'Évangile, afin qu'ils vous reçoivent dans les demeures éternelles »... 

      D'ailleurs, sais-tu si ce n'est pas Dieu que tu reçois, alors que tu penses n'avoir affaire qu'à des hommes ? Abraham accueille des voyageurs ; en réalité il reçoit chez lui Dieu et ses anges. Toi aussi, qui accueilles un étranger, c'est Dieu que tu reçois. Le Seigneur Jésus l'atteste dans l'Évangile : « J'étais un étranger et vous m'avez accueilli. Ce que vous avez fait à l'un de ces tout-petits, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25,35.40).

Sur Abraham, I, 5, 32-35 (trad. Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, vol. 1, Mediaspaul 1988, p. 63) 

separ ecrit biblio« Quand Jésus vit que Marie pleurait, et que les juifs venus avec elle pleuraient aussi, il fut bouleversé d’une émotion profonde » (Jn 11,33)

Pourquoi est-ce que je te pleurerais, mon frère qui m'aimais tant et qui m'a été enlevé…? Car je n'ai pas perdu mes relations avec toi ; elles ont complètement changé pour moi : jusqu'ici elles étaient inséparables du corps, maintenant elles sont indissociables des sentiments. Tu restes avec moi et tu y resteras toujours… L'apôtre Paul me rappelle et met une sorte de frein à mon chagrin par ces mots… : « Nous ne voulons pas, frères, vous laisser dans l'ignorance au sujet de ceux qui se sont endormis dans la mort, pour que vous ne soyez pas tristes comme les autres qui n'ont pas d'espérance » (1Th 4,13)… 

Mais tous les pleurs ne sont pas signe de manque de foi ou de faiblesse. La douleur naturelle est une chose, la tristesse de l'incroyance en est une autre… La douleur n'est pas seule à avoir des larmes : la joie a ses larmes, l'affection elle aussi fait venir les pleurs et la parole arrose le sol de larmes, et la prière, selon les mots du prophète, baigne de larmes notre lit (Ps 6,7). Quand on a enseveli les patriarches, leur peuple aussi a beaucoup pleuré sur lui-même. Les larmes sont donc des signes d'affection et non des incitations à la douleur. J'ai pleuré, je l'avoue, mais le Seigneur aussi a pleuré (Jn 11,35) ; lui a pleuré quelqu'un qui n'était pas de sa famille, moi un frère. Lui, en un seul homme, a pleuré tous les hommes ; moi je te pleurerai, mon frère, en tous les hommes. 

C'est avec notre sensibilité que le Christ a pleuré, non avec la sienne, car la divinité n'a pas de larmes… Il a pleuré en cet homme qui était « triste à en mourir » (Mt 26,38) ; il a pleuré en celui qui a été crucifié, qui est mort, qui a été enseveli ; il a pleuré en cet homme...né de la Vierge.

 Sur la mort de son frère, § 6 (trad. coll. Migne n°84, p. 225 rev.) 

separ ecrit biblioLes pleurs d'une mère

      La miséricorde de Dieu se laisse vite fléchir par les pleurs de cette mère. Elle est veuve ; les souffrances ou la mort de son fils unique l’ont brisée... Il me semble que cette veuve, entourée de la foule du peuple, est plus qu'une simple femme méritant par ses larmes la résurrection d'un fils, jeune et unique. Elle est l’image même de la Sainte Église qui, par ses larmes, au milieu du cortège funèbre et jusque dans le tombeau, obtient de rappeler à la vie le jeune peuple du monde... Car à la parole de Dieu les morts ressuscitent (Jn 5,28), ils retrouvent la voix et la mère recouvre son fils ; il est rappelé de la tombe, il est arraché au sépulcre. 

      Quelle est cette tombe pour vous, sinon votre mauvaise conduite ? Votre tombeau c’est le manque de foi... Le Christ vous libère de ce sépulcre ; vous sortirez du tombeau si vous écoutez la parole de Dieu. Et si votre péché est trop grave pour que les larmes de votre pénitence puissent le laver, qu'interviennent pour vous les pleurs de votre mère l’Église... Elle intercède pour chacun de ses enfants, comme pour autant de fils uniques. En effet, elle est pleine de compassion et éprouve une douleur spirituelle toute maternelle lorsqu'elle voit ses enfants entraînés à la mort par le péché.

 Commentaire sur l'évangile de Luc, V, 89 ; SC 45 (trad. SC, p. 214 rev.) 

separ ecrit biblioLe Rédempteur de tous 

Puisque le Christ a réconcilié le monde avec Dieu, lui-même, évidemment, n'a pas eu besoin de réconciliation. Pour quel péché aurait-il expié, en effet, lui qui n'a commis aucun péché ? Lorsque les Juifs réclamaient le didrachme qu'on versait à cause du péché, selon la loi, il avait dit à Pierre : Simon, les rois de la terre, de qui reçoivent-ils taxe et impôt : de leurs enfants ou des étrangers ? Pierre répondit : Des étrangers. Le Seigneur lui dit alors : Donc, les enfants n'y sont pas soumis. Mais pour ne pas les heurter, jette l'hameçon, saisis le premier poisson ; et, en lui ouvrant la bouche, tu trouveras un statère : prends-le et donne-le pour moi et pour toi . 

Il montre ainsi qu'il ne doit pas expier les péchés pour lui-même, parce qu'il n'était pas esclave du péché ; comme Fils de Dieu, il était libre de toute erreur. En effet, le fils libère, tandis que l'esclave est assujetti au péché. Donc celui qui est entièrement libre n'a pas à payer rançon pour sa vie, et son sang pouvait être une rançon surabondante pour racheter tous les péchés de l'univers. Il est normal qu'il libère les autres, celui qui ne doit rien pour lui-même. 

J'irai plus loin. Non seulement le Christ ne doit pas verser la rançon de sa propre rédemption ni expier pour son propre péché, mais encore, si tu considères n'importe quel homme, il est compréhensible que chacun d'eux ne doit pas expier pour lui-même. Car le Christ est l'expiation de tous, la rédemption de tous.

Quel homme pourra se racheter par son propre sang, alors que le Christ a versé son sang pour le rachat de tous ? Y a-t-il un seul homme dont le sang puisse être comparé à celui du Christ ? Ou y a-t-il un homme assez puissant pour fournir son expiation en surplus de celle qui a été offerte en sa propre personne par le Christ qui, à lui seul, a réconcilié le monde avec Dieu par son sang ? Y a-t-il une victime plus noble, un sacrifice plus éminent, un avocat meilleur que celui qui s'est fait supplication pour les péchés de tous et qui a donné sa vie en rédemption pour nous ? 

Il n'y a donc pas à chercher une expiation ou une rédemption individuelle, parce que le sang versé en rançon pour tous est celui du Christ. C'est par ce sang que le Seigneur Jésus nous a rachetés. lui qui, seul, nous a réconciliés avec le Père. Et il a accompli son labeur jusqu'au bout, car il a pris sur lui notre labeur, lui qui dit : Venez à moi, vous tous qui êtes accablés par le labeur, et je vous relèverai .

SERMON SUR LE PSAUME 48

separ ecrit biblioQue Dieu nous éclaire par la lumière de son visage 

Pourquoi détournes-tu ton visage ? Nous croyons que Dieu détourne son visage quand nous sommes dans l'affliction au point que les ténèbres recouvrent notre cœur et empêchent nos yeux de recevoir l'éclat de la vérité ! En effet, si Dieu veille sur notre intelligence et daigne visiter notre esprit, nous sommes certains que rien ne pourra nous plonger dans l'obscurité. Car le visage de l'homme est plus lumineux que les autres membres de son corps ; et, lorsque nous regardons quelqu'un, nous le découvrons s'il est inconnu, et nous le reconnaissons s'il est connu, parce qu'il ne peut échapper à notre regard. Or, combien plus le visage de Dieu éclaire-t-il celui qu'il regarde ?

La belle parole de l'Apôtre, qui est vraiment l'interprète du Christ, concerne cela comme le reste, pour éclairer vos esprits par une pensée et une sentence appropriées. Il affirme en effet : Dieu a dit : Que la lumière brille au milieu des ténèbres. Et c'est lui-même qui a brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire qui rayonne sur le visage du Christ . Nous venons d'apprendre quel endroit de notre être reçoit la lumière du Christ. Il est en effet le rayon éternel des cœurs, et le Père l'a envoyé sur la terre pour que nous soyons éclairés par son visage. C'est ainsi que nous pouvons contempler les réalités éternelles et célestes, alors que nous étions auparavant captifs de l'obscurité terrestre. 

Pourquoi parler du Christ, alors que l'Apôtre Pierre a dit à l'homme boiteux de naissance : Regarde-nous ? Il regarda Pierre et fut éclairé par la grâce de la foi. Car il n'aurait pas été guéri s'il n'avait pas cru.

Par conséquent, alors qu'il y avait une telle gloire chez les Apôtres, quand Zachée apprit le passage du Seigneur Jésus, il monta sur un arbre, parce que sa petite taille l'empêchait de le voir au milieu de la foule. Il vit le Christ et il trouva la lumière, il le vit, et lui, qui auparavant dérobait l'argent des autres, apporta le sien. ~

Pourquoi détournes-tu ton visage ? C'est-à-dire : Bien que tu détournes de nous ton visage, cependant, la lumière de ton visage, Seigneur, est imprimée en nous . Nous le gardons en nous et il resplendit dans notre cœur, car personne ne pourrait survivre si tu détournais ton visage.

SUR LE PSAUME 43

(Ce commentaire fut le dernier travail d'Ambroise, quelques semaines avant sa mort.) 

separ ecrit biblio« Il y avait là un homme dont la main droite était paralysée »

      La main qu'Adam avait étendue pour cueillir les fruits de l'arbre défendu, le Seigneur l'a imprégnée de la sève salutaire des bonnes oeuvres, afin que, desséchée par la faute, elle soit guérie par les bonnes oeuvres. À cette occasion, le Christ prend à partie ses adversaires, qui par leurs fausses interprétations violaient les préceptes de la Loi ; ils jugeaient que le jour du sabbat il fallait faire relâche même des bonnes oeuvres, alors que la Loi a préfiguré dans le présent l'aspect de l'avenir où à coup sûr c'est le mal qui ne travaillera plus, non le bien...

      Tu as donc entendu les paroles du Seigneur : « Étends ta main ». Voilà le remède pour tous. Et toi qui crois avoir la main saine, prends garde que l'avarice, prends garde que le sacrilège ne la paralyse. Étends-la souvent : étends-là vers ce pauvre qui t'implore, étends-là pour aider le prochain, pour porter secours à la veuve, pour arracher à l'injustice celui que tu vois soumis à une vexation imméritée ; étends-là vers Dieu pour tes péchés. C'est ainsi qu'on étend la main ; c'est ainsi qu'elle guérit. 

Commentaire sur l'évangile de Luc, V, 39 (trad. SC 45, p. 197 rev.)

separ ecrit biblioL'avènement du Christ

      « Il ne restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » Ces paroles étaient vraies du Temple construit par Salomon..., car tout ce que nos mains construisent succombe à l'usure ou au délabrement, est renversé par la violence ou détruit par le feu... Mais il existe aussi un temple en chacun de nous qui s'écroule si la foi fait défaut, et particulièrement si au nom du Christ on cherche faussement à s'emparer de certitudes intérieures. C'est peut-être cette interprétation qui est la plus utile pour nous. En effet, que me sert de savoir le jour du jugement ? A quoi me sert, ayant conscience de tant de péchés, de savoir que le Seigneur viendra un jour, s'il ne vient en mon âme, ne revient pas en mon esprit, si le Christ ne vit en moi, si le Christ ne parle en moi ? C'est donc à moi que le Christ doit venir, c'est pour moi que doit avoir lieu son avènement.

      Or le second avènement du Seigneur a lieu au déclin du monde, quand nous pouvons dire : « Pour moi le monde est crucifié, et moi pour le monde » (Ga 6,14)... Pour celui à qui le monde meurt, le Christ est éternel ; le temple est pour lui spirituel, la Loi spirituelle, la Pâque même spirituelle... Pour lui donc se réalise la présence de la sagesse, la présence de la vertu et de la justice, la présence de la rédemption, car le Christ est bien mort une seule fois pour les péchés du peuple, mais afin de racheter chaque jour les péchés du peuple. 

Commentaire de l'évangile de Luc, X, 6-8 (trad. SC 52, p. 158s, rev.)

separ ecrit biblio« Cette pauvre veuve a mis plus que tout le monde »

      Dans l'évangile de Luc, le Seigneur enseigne comme il convient d'être miséricordieux et généreux envers les pauvres, sans s'arrêter à la pensée de sa pauvreté ; car la générosité ne se calcule pas d'après l'abondance du patrimoine, mais d'après la disposition à donner. C'est pourquoi la parole du Seigneur fait préférer à tous cette veuve dont il est dit : « Cette veuve a donné plus que tous ». Au sens moral, le Seigneur apprend à tout le monde qu'il ne faut pas se laisser détourner de faire le bien par la honte de la pauvreté, et que les riches n'ont pas à se glorifier parce qu'ils semblent donner plus que les pauvres. Une petite pièce prise sur peu de bien l'emporte sur un trésor tiré de l'abondance ; on ne calcule pas ce qui est donné mais ce qui reste. Personne n'a donné davantage que celle qui n'a rien gardé pour elle...

      Cependant au sens mystique il ne faut pas oublier cette femme qui met deux pièces dans le tronc. Grande assurément cette femme, qui a mérité d'être préférée à tous par le jugement de Dieu ! Ne serait-ce pas elle qui a puisé dans sa foi les deux Testaments pour l'assistance des hommes ? Personne donc n'a fait davantage et aucun homme n'a pu égaler la grandeur de son don, puisqu'elle a uni la foi à la miséricorde. Toi aussi, qui que tu sois..., n'hésite pas à apporter au tronc deux pièces pleines de foi et de grâce.

Exhortation aux veuves, § 27s (trad. Solesmes 1980, p.118 rev.)

separ ecrit biblio« Pour lui ouvrir dès qu'il arrivera et frappera à la porte »

      Le Dieu Verbe secoue le paresseux et réveille le dormeur. En effet, celui qui vient frapper à la porte veut toujours entrer. Mais cela dépend de nous s'il n'entre pas toujours ou s'il ne demeure pas toujours. Que ta porte soit ouverte à celui qui vient ; ouvre ton âme, élargis les capacités de ton esprit, afin de découvrir les richesses de la simplicité, les trésors de la paix, la douceur de la grâce. Dilate ton coeur ; cours à la rencontre du soleil de la lumière éternelle qui « illumine tout homme » (Jn 1,9). Il est certain que cette lumière véritable brille pour tous ; mais si quelqu'un ferme ses fenêtres, il se privera lui-même de la lumière éternelle.

      Donc même le Christ reste dehors, si tu fermes la porte de ton âme. Certes, il pourrait entrer, mais il ne veut pas s'introduire de force, il ne veut pas contraindre ceux qui le refusent. Issu de la Vierge, sorti de son sein, il irradie tout l'univers, afin de resplendir pour tous. Ceux qui désirent recevoir la lumière qui brille d'un éclat perpétuel lui ouvrent ; aucune nuit ne viendra l'interrompre. En effet, le soleil que nous voyons chaque jour cède la place aux ténèbres de la nuit ; mais le Soleil de justice (Ml 3,20) ne connaît pas de couchant, car la Sagesse n'est pas vaincue par le mal. 

12e sermon sur le psaume 118 ; CSEL 62, 258 (trad. Solesmes, Lectionnaire, t. 3, p. 1033 rev.)

separ ecrit biblio« Tout homme qui aura quitté à cause de mon nom des maisons, des frères, des soeurs, un père, une mère...recevra beaucoup plus » (Mt 19,29)

      « Vous croyez que je suis venu apporter la paix sur terre ? Non, vous dis-je, mais la séparation. Car désormais dans la même maison cinq personnes seront divisées, trois prenant parti contre deux, et deux contre trois... » Dans presque tous les passages de l'Evangile le sens spirituel joue un rôle important ; mais dans ce passage surtout, pour ne pas être rebuté par la dureté d'une explication simpliste, il faut chercher dans la trame du sens la profondeur spirituelle... Comment dit-il lui-même : « Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix » (Jn 14,27) s'il est venu séparer les pères de leurs fils, les fils de leurs pères, en rompant leurs liens ? Comment peut-on être appelé « maudit si l'on n'honore pas son père » (Dt 27,16), et fervent si on le délaisse ?

      Si nous comprenons que la religion vient en premier lieu et la piété filiale en second, nous comprendrons que cette question s'éclaire ; il faut en effet faire passer l'humain après le divin. Car si on doit rendre des devoirs aux parents, combien plus au Père des parents, à qui on doit être reconnaissant pour nos parents ?... Il ne dit donc pas qu'il faut renoncer à ceux que nous aimons, mais préférer Dieu à tous. D'ailleurs on trouve dans un autre livre : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi » (Mt 10,37). Il t'est interdit non d'aimer tes parents, mais de les préférer à Dieu. Car les relations naturelles sont des bienfaits du Seigneur, et personne ne doit aimer les bienfaits reçus plus que Dieu, qui préserve les bienfaits qu'il donne. 

Commentaire sur l'évangile de Luc, 7, 134 (trad. cf. SC 52, p. 55s)

separ ecrit biblio« S'il meurt, il donne beaucoup de fruit »

      Lorsque saint Laurent a vu que l'on conduisait l'évêque Sixte au martyre, il s'est mis à pleurer. Ce n'était pas la souffrance de son évêque qui lui arrachait des larmes, mais le fait qu'il parte au martyre sans lui. C'est pourquoi il s'est mis à l'interpeller en ces termes : « Où vas-tu, Père, sans ton fils ? Vers quoi te hâtes-tu, prêtre saint, sans ton diacre ? Tu avais pourtant l'habitude de ne jamais offrir le sacrifice sans ministre !... Fais donc la preuve que tu as choisi un bon diacre : celui à qui tu as commis le ministère du sang du Seigneur, celui avec lequel tu partages les sacrements, refuserais-tu de communier avec lui dans le sacrifice du sang ? »...

      Le pape Sixte a répondu à Laurent : « Je ne t'oublie pas, mon fils, ni ne t'abandonne. Mais je te laisse des combats plus grands à soutenir. Je suis vieux et je ne peux soutenir qu'une lutte légère. Quant à toi, tu es jeune et il te reste un triomphe bien plus glorieux à obtenir contre le tyran. Tu viendras bientôt. Sèche tes larmes. Dans trois jours, tu me suivras... »

      Trois jours après, Laurent est arrêté. On lui demande d'amener les biens et les trésors de l'Eglise. Il promet d'obéir. Le lendemain, il revient avec des pauvres. On lui demande où étaient ces trésors qu'il devait amener. Il a montré les pauvres en disant : « Voilà les trésors de l'Église. Quels trésors meilleurs aurait le Christ, que ceux dont il a dit : ' Ce que vous aurez fait à l'un de ces petits, c'est à moi que vous l'avez fait ' » (Mt 25,40) ? Laurent a montré ces trésors-là et a été vainqueur car le persécuteur n'a eu aucune envie de les lui ôter. Mais dans sa rage, il l'a fait brûler vif.

Des Offices des ministres I,84 ; II,28 ; PL 16,84 (trad. Bouchet, Lectionnaire, p. 468)

separ ecrit biblio« Et Judas Iscariote, celui-là même qui le livra »

      « Le Christ appela ses disciples et en choisit douze » pour les envoyer, semeurs de la foi, propager le secours et le salut des hommes dans le monde entier. Remarquez ce plan divin : ce ne sont pas des sages, ni des riches, ni des nobles, mais des pécheurs et des publicains qu'il a choisis pour les envoyer, de crainte qu'ils ne semblent avoir été entraînés par l'habileté, rachetés par les richesses, attirés à sa grâce par le prestige du pouvoir et de la notoriété. Il a fait ainsi pour que la victoire vienne du bien-fondé de la vérité, et non pas du prestige du discours.

      Judas lui-même est choisi, non par mégarde mais en connaissance de cause. Quelle grandeur de cette vérité que même un serviteur ennemi ne peut pas affaiblir ! Quel trait de caractère du Seigneur, qui préfère compromettre à nos yeux son jugement que son amour ! Il s'était chargé de la faiblesse humaine et n'a pas refusé même cet aspect de la faiblesse humaine. Il a voulu l'abandon, il a voulu la trahison, il a voulu être livré par son apôtre, pour que toi, si un compagnon t'abandonne, si un compagnon te trahit, tu prennes avec calme cette erreur de jugement et la dilapidation de ta bonté. 

Commentaire sur l'évangile de Luc, V, 44-45 (trad. cf SC 45, p. 199)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 2021-07-04