Passioniste de Polynésie

Bx Marcel Callo

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Jeune ouvrier et martyr 
(1921-1945)

 Marcel est né à Rennes le 6 décembre 1921 ; il est le second d'une famille de neuf enfants. À douze ans, il entre en apprentissage dans l'imprimerie où il travaille comme typographe. Il adhère à la croisade eucharistique et entre chez les scouts. Il y restera jusqu'à son entrée à la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) où il tient à privilégier la vie spirituelle comme source de toute action, dans un monde ouvrier très déchristianisé. Devenu président de la section, il se dépense sans mesure pour assumer les responsabilités pratiques et surtout morales que cela implique.

 En 1943, Marcel perd sa sœur dans un bombardement et se voit réquisitionné pour le STO (Service du Travail Obligatoire) : malgré son déchirement (il vient de se fiancer), il accepte de partir, d'une part pour éviter des représailles sur sa famille, d'autre part dans une perspective missionnaire : là-bas également l'apostolat est urgent.

 Envoyé à Zella-Melhis, il travaille dans une usine de révolvers et loge dans un camp de 3000 ouvriers environ. Il surmonte une période de détresse et de découragement et organise peu à peu clandestinement la vie chrétienne du groupe. Ses activités le trahissent et il est arrêté le 19 avril 1944 parce que « trop catholique ». Transféré à la prison de Gotha avec les principaux dirigeants jocistes de Thuringe (ils seront douze), il est finalement envoyé successivement aux camps de concentration de Flossenburg (où fut pendu Dietrich Bonhoeffer) et de Mauthausen où il partage les effroyables souffrances de tous les déportés et pâtit avec eux de l'affolement des nazis devant les Alliés. Il travailla surtout à Gusen II, le pire des Kommandos.

 Souffrant terriblement de l'estomac, il meurt d'épuisement le 19 mars 1945, assisté par un camarade bouleversé devant son attitude, le colonel Tibodo qui témoigne : « J'ai connu Marcel Callo pendant quelques heures seulement, celles qui ont précédé sa mort en mars 1945, un mois et demi avant la libération. Je ne l'ai connu qu'aux dernières heures de sa vie : il est mort en quelque sorte dans mes bras. Cependant cela m'a suffit pour constater que ce garçon était de beaucoup au-dessus de la nature humaine ordinaire. (...) Si j'ai gardé son souvenir, alors que j'ai passé par plusieurs camps et que j'ai connu de nombreux prisonniers, c'est que Marcel Callo avait un regard vraiment surnaturel. Le témoignage que j'ai donné est au-dessous de la réalité : le regard était plutôt un regard d'espoir, l'espoir d'une vie nouvelle. (...) Ce me fut une révélation : son regard exprimait une conviction profonde qu'il partait vers le bonheur. C'était un acte de foi et d'espérance vers une vie meilleure. Je n'ai jamais vu chez un moribond un regard comme le sien ».

 Marcel Callo a été béatifié le dimanche 4 octobre 1987 par le Bx Jean-Paul II, à l'occasion du synode mondial des évêques sur la vocation et la mission des laïcs dans l'Église et dans le monde.

 Il est fêté, dans son diocèse de Rennes, le 19 avril, date où il fut arrêté à Zella-Melhis, et le 19 mars, dies natalis, par le Martyrologe Romain.


Résumé d'après le site officiel : http://www.marcelcallo.fr/pageBiographie

http://levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=saintfeast&localdate=20140319&id=2842&fd=0

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Bien cher Ami de l'Abbaye Saint-Joseph,Abbaye saint joseph de clairval 21150

Le camp de Zella-Melhis, en Thuringe, au coeur de l'Allemagne, héberge  de nombreux Français réquisitionnés pour le Service du Travail  Obligatoire, le S.T.O. Le 19 avril 1944, de bon matin, Marcel Callo, un jeune Breton, part, comme de coutume, à l'usine. Vers onze heures, il revient au baraquement. Joël, un camarade qui travaille de nuit, s'étonne de le voir revenir si tôt: «Alors Marcel, tu es malade ? – Je suis arrêté.» Un agent de la Gestapo entre aussitôt, fouille les affaires de Marcel et examine avec attention livres et papiers. Joël lui demande les raisons de cette arrestation. «Monsieur est beaucoup trop catholique», répond froidement le policier qui ordonne à Marcel de le suivre. Le jeune homme prend son chapelet, serre la main de Joël et lui recommande: «Tu écriras à mes parents et à ma fiancée que je suis arrêté.»

Né le 6 décembre 1921 à Rennes, Marcel est le second d'une famille de neuf enfants. Son père, Jean Callo, est un modeste ouvrier. Sa famille est pauvre de tous les biens d'ici-bas, mais riche de la foi. À la maison, Marcel, qui rend volontiers service, est d'un caractère gai et espiègle; son principal défaut est sans doute l'entêtement, mais il sait reconnaître ses torts. À l'école, on lui reproche son travail irrégulier; toutefois, dans l'ensemble, ses maîtres le trouvent appliqué, et tous sont touchés par sa droiture et son bon esprit. Dès l'âge de huit ans, Marcel s'engage dans la Croisade Eucharistique, où l'on transmet un véritable amour pour Jésus-Hostie. Il apprend à offrir ses journées au Coeur de Jésus pour le salut des âmes. Chaque matin, il sert une Messe, et il se confesse tous les quinze jours, prenant au sérieux la devise des «croisés»: «Prie, communie, sacrifie-toi, sois apôtre.»

Une page nouvelle

En 1933, Marcel intègre une troupe scoute, la  Ve Rennes. Le jour de sa promesse, le 18 juin 1934, une nouvelle page s'ouvre dans sa vie. L'idéal scout de loyauté, de courage, de service, de pureté, correspond à ses aspirations profondes; il applique avec ferveur la Loi scoute, sans oublier que le devoir du scout commence à la maison. Dès 1936, on lui confie la direction d'une patrouille. Marcel sera reconnaissant au scoutisme d'avoir contribué à former le meneur qu'il deviendra dans la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (J.O.C.).

«Le scoutisme, disait le vénérable Pie XII, donne au culte et au service de Dieu la place prépondérante qui leur est due dans la vie de l'homme, et par là-même, il dispose le jeune homme à découvrir dans chaque objet, dans tout ordre, dans toute beauté créée, leur vraie valeur, leur véritable splendeur à la lumière du soleil divin. Chercher, trouver, goûter, glorifier Dieu dans ses oeuvres... voilà ce qui constitue le fond du scoutisme» (10 septembre 1946).

Après avoir obtenu, en 1934, son certificat d'études, Marcel entre dans une imprimerie comme apprenti typographe. Il est fier de pouvoir, par son travail, aider financièrement ses parents; à cette époque, les allocations familiales n'existaient pas. Ses débuts à l'imprimerie s'avèrent difficiles. L'idéal chrétien de Marcel se heurte aux préoccupations malsaines des ouvriers qui se targuent d'initier les plus jeunes à leur vices. Quand leurs plaisanteries grivoises les secouent d'un rire stupide, il s'abstient de rire, mais il s'ouvre à sa mère qui rétablit la vérité. Sur ses conseils, Marcel prend l'habitude de tourner son coeur vers la Sainte Vierge. Il devient rapidement un ouvrier compétent, apprécié de son contremaître et des nouveaux apprentis qu'il soustrait habilement à l'influence perverse des anciens.

L'abbé Martinais, vicaire à l'église Saint-Aubin, déplore un manque d'idéal chrétien au sein de la section paroissiale de la J.O.C. Il se met en quête de garçons aptes à redresser la barre. Sur ses instances, après un combat intérieur, Marcel quitte à contrecoeur le scoutisme, en 1936, pour rejoindre la J.O.C. L'accueil est plus que froid; ces jeunes ouvriers viennent aux réunions pour se distraire, mais ils se méfient de l'Église et des «petits nouveaux», comme Marcel, en qui ils voient des complices du clergé. Marcel a vite compris que l'idéal de la J.O.C. est de rendre aux ouvriers le sens de la dignité de leur travail, qu'ils croient méprisé, et de leur rappeler qu'ils sont tous enfants de Dieu. Pour cela, il faut des apôtres fiers de leur appartenance au Christ, purs, joyeux et conquérants. Certains soirs, les discussions sont âpres. Marcel, qui est d'une nature entière, connaît ses premiers conflits de militant: cependant, il se fait respecter par son comportement. Parfois, certaines paroles ou certains agissements le révoltent, il n'hésite pas alors à exprimer sa colère, sans manquer pourtant de respect pour ses adversaires. Peu à peu, il apprend à maîtriser ses emportements, à les dompter, et quand il a dit tout ce qu'il avait à dire pour faire triompher la vérité, il retrouve rapidement la paix.

Président à dix-sept ans

Marcel est très fidèle au cercle d'études de la J.O.C.  qu'il suit avec beaucoup d'attention. Lui-même, de son côté, étudie la doctrine de l'Église. En 1938, l'équipe dirigeante de la section jociste de Saint-Aubin démissionne. Marcel a tellement gagné l'estime de tous que, malgré ses 17 ans, il est choisi comme président de la section. Il fera de celle-ci une équipe remarquable qui, par son dynamisme, exercera une influence heureuse sur la paroisse. Animé de la flamme apostolique, il veut que celle-ci se propage, et prend tous les moyens pour attirer des jeunes malheureux et désoeuvrés. Avec passion, Marcel diffuse auprès des jeunes jocistes la méthode de l'abbé Cardijn, le fondateur de la J.O.C. : «Apprendre à penser comme le Christ, à avoir la mentalité du Christ.» Pour Marcel, l'essentiel est bien de «vivre en Dieu vingt-quatre heures par jour». Le jociste, outre la Messe et la communion quotidiennes, s'engage à un quart d'heure de méditation chaque jour; il se réserve aussi, une fois par semaine, un temps de lecture spirituelle ainsi qu'une heure d'étude pour la formation générale.

Marcel prépare soigneusement les réunions de la section, l'organisation d'un jeu ou d'une randonnée à bicyclette. Il ne néglige rien pour que les jocistes trouvent au local une ambiance fraternelle. Les loisirs ont pour lui une grande importance car il y voit un excellent moyen pour entraîner les âmes; et c'est bien cela qui lui tient le plus à coeur. Son bon caractère l'aide beaucoup aussi à s'attirer des amitiés. Il rit, fait le clown, mais surtout il rayonne par la vie intérieure qui émane de sa personne. Les jeunes viennent de plus en plus nombreux; peu à peu, ils retrouvent le chemin de l'église. Ils ne sont plus des «moins que rien, les damnés de la terre», comme veulent leur faire croire certains de leurs camarades révolutionnaires, ils sont enfants de Dieu, et leur travail, qu'ils font en s'unissant au Christ, sauve le monde.

Dans son encyclique Laborem exercens, Jean-Paul II enseignait: «Tout travail, qu'il soit manuel ou intellectuel, est inévitablement lié à la peine. Le Livre de la Genèse exprime ce fait de manière vraiment pénétrante en opposant à la bénédiction originelle du travail, contenue dans le mystère même de la création et liée à l'élévation de l'homme comme image de Dieu, la malédiction que le péché porte avec lui... En supportant la peine du travail en union avec le Christ crucifié pour nous, l'homme collabore en quelque manière avec le Fils de Dieu à la Rédemption de l'humanité. Il se montre le véritable disciple de Jésus en portant à son tour la croix chaque jour dans l'activité qui est la sienne... Dans le travail de l'homme, le Chrétien retrouve une petite part de la croix du Christ et l'accepte dans l'esprit de rédemption avec lequel le Christ a accepté sa croix pour nous» (14 septembre 1981).

Les temps de prière et de réflexion spirituelle tiennent une grande place dans le mouvement, mais c'est toujours en lien étroit avec la vie quotidienne des ouvriers jocistes. Marcel explique: «Ce n'est pas possible d'arriver à la Messe les mains vides.» Un de ses camarades raconte: «Nous, on pensait que pour être bon chrétien, il fallait faire sa prière le matin et le soir, assister à la Messe du dimanche, et c'est tout. Sortis de là, il n'y avait pas grand-chose. Depuis que Marcel me l'a appris, je «n'assiste» plus à la Messe, j'essaie de participer, de ne pas venir les mains vides, d'offrir quelque chose de ma vie.» Marcel entraîne souvent ses camarades à visiter le Saint-Sacrement; son recueillement les impressionne. Dès 1939, il organise aussi une «chaîne de communions» pour demander la paix et pour les prisonniers.

L'étonnement des paroissiens

L'occupation allemande, à partir de l'été 1940, ne  décourage pas le zèle du jeune apôtre. Pendant le carême 1941, il fait tout, avec l'aide de ses jocistes, pour amener le plus possible de jeunes à une retraite de trois jours, qui a lieu à l'église Saint-Aubin. Les paroissiens sont bien étonnés de voir arriver tous ces garçons, dont beaucoup ne fréquentaient plus l'église. Marcel comprend que son efficacité de militant passe par une vie de prière, de véritable intimité avec Jésus : «Dieu est tout, nous rien. Sans le secours du Christ, seuls, nos efforts seraient vains.» Il mène une lutte serrée contre le péché: «Nous sommes souvent de mauvais instruments entre les mains de Dieu parce que nous avons de mauvaises habitudes, de mauvaises tendances. Le péché diminue notre vie spirituelle, nous abaisse, nous empêche d'être militants, de nous dévouer. C'est dans la mesure où nous mettrons le Christ en nous que nous travaillerons pour le bien de la communauté. Il faut que chaque jour je devienne un peu plus conforme au Christ.»

Mais bien vite, la J.O.C. est interdite par les  Allemands. Marcel camoufle soigneusement dossiers et papiers importants, et la section quitte son local pour devenir une «association sportive»! Les activités restent les mêmes; la clandestinité galvanise l'ardeur et le zèle des jeunes. C'est vraiment la J.O.C. des catacombes: les activités sont cachées, mais l'esprit est ardent, la solidarité sans limites et la prière plus fervente que jamais, comme au temps des premiers Chrétiens. C'est à cette époque que Marcel fait la connaissance de Marguerite, une jeune jociste. Par la suite, ils font le projet d'unir leurs existences et confient leur futur foyer à Notre-Dame. Les fiançailles officielles sont fixées à l'été 1943. L'avenir s'annonce radieux pour Marcel! Mais le 8 mars 1943, tout vacille... La ville de Rennes est bombardée par les Alliés. Marcel, comme beaucoup, quitte son travail pour porter secours aux victimes. Avec effroi, il découvre que le bâtiment où sa petite soeur Madeleine travaille est en ruine. Dès qu'on peut commencer à déblayer, Marcel se précipite et ne tarde pas à retrouver le corps de sa soeur. C'est lui qui va devoir annoncer la terrible nouvelle à ses parents. Il est accablé; comment surmonter un tel chagrin? Et pourtant, «si Dieu, dit-il à ses parents, nous a pris Madeleine, c'est qu'Il la jugeait prête pour le Ciel. Plus tard, aurait-elle été dans les mêmes dispositions? N'aurait-elle pas pu se perdre? La Providence sait mieux que nous ce qu'il nous faut.»

Drame de conscience

L'épreuve ne fait que commencer pour Marcel qui  porte dans sa poche un terrible secret: sa convocation pour le S.T.O. Une loi oblige les jeunes Français au Service du Travail Obligatoire, en Allemagne, pour remplacer les ouvriers et les agriculteurs allemands mobilisés dans l'armée. C'est un drame de conscience: Marcel doit-il quitter sa famille encore sous le choc du décès de Madeleine, sa fiancée Marguerite, chastement aimée, sa chère J.O.C., ou bien rester en prenant le maquis? Mais dans ce cas, il y aura sans doute des représailles sur sa famille, surtout sur Jean, son frère aîné, qui doit être ordonné prêtre en juin. «Ce n'est pas comme travailleur, dit-il aux siens, que je vais là-bas. Je pars comme missionnaire; il y a tellement à faire pour faire connaître le Christ.»

Le 19 mars 1943, Marcel est envoyé en Thuringe, à Zella-Melhis, où les Français travaillent, en usine, au montage de revolvers lance-fusées; il faut tenir debout dix heures par jour, dans une atmosphère pesante, avec des compagnons qui pensent surtout à mener une vie de débauche. Marcel se fait voler ses économies. Ces premières semaines en Allemagne sont pour lui un véritable calvaire. Aucun office religieux n'est autorisé! Il est hors de question de reconstituer ici la J.O.C., déjà interdite en France. Il n'y a pas d'église catholique dans cette région protestante. Un beau jour, cependant, l'horizon s'éclaire: il repère une petite salle où un prêtre allemand célèbre la Messe le dimanche. Il s'est brûlé un doigt sur une machine, il a mal aux dents, au ventre, mais le dimanche il pourra aller à la Messe. De plus, chaque fois qu'il le peut, Marcel va rendre visite au Saint-Sacrement et prier la Sainte Vierge. Là, il puise force et courage, et retrouve son zèle pour les âmes. «Ici, écrit-il à sa fiancée, il y a beaucoup de blessures morales à panser... Les deux mois qui ont suivi mon arrivée ont été extrêmement durs et pénibles. Je n'avais plus goût à rien, j'étais insensible, je sentais que je m'en allais petit à petit... Soudain le Christ me fit réagir... Il me dit de m'occuper de mes camarades, puis la joie de vivre me revint.» À son frère, ordonné prêtre le 29 juin, il écrit sa peine d'être si loin de lui en ce beau jour: «Cette douloureuse séparation m'aura fait comprendre un peu mieux la vie: c'est dans la souffrance que l'on devient meilleur.»

Peu à peu, Marcel entraîne ses camarades, le dimanche, et il espère que, d'ici quelque temps, tous iront à la Messe. Pour Pâques, il peut se réjouir: toute sa chambrée y est présente, à une exception près. Une fois par mois, le prêtre, à la demande de Marcel, célèbre une Messe pour les francophones avec des chants français. «Près de cent Français y assistaient. Et quel enthousiasme! Nous chantions tous d'une même voix. Mais ce qui m'a fait le plus plaisir, c'est de constater que nous avons réussi à amener des camarades qui n'avaient pas assisté à la Messe depuis des années.» Pour soutenir leur moral, il organise des activités sportives et artistiques (chants, musique et théâtre). Son influence s'étend de plus en plus. Les coeurs endurcis eux-mêmes le respectent et on vient volontiers lui demander conseil. Il est toujours prêt à rendre service, à écouter les confidences, à partager son colis alimentaire avec des camarades dans le besoin ou malades. Lui-même vit du souvenir de sa fiancée dont il parle souvent, ce qui désamorce les conversations grivoises de certains. Il suffit d'ailleurs qu'il arrive pour que le ton change, car sa seule présence impose le respect.

Un réseau clandestin

Dans les différents camps de travail, la J.O.C. a mis  sur pied une organisation clandestine. Les responsables cherchent toutes les occasions pour se rencontrer et s'entraider dans leur apostolat commun. Un vrai réseau de résistance spirituelle se constitue dans la Thuringe. Le Cardinal Suhard, archevêque de Paris, informé du zèle magnifique des jocistes, leur écrit pour les bénir et les remercier. De son côté, la Gestapo, qui les espionne, voit dans la J.O.C. un parti politique antinazi. En avril 1944, la police allemande démantèle le réseau jociste. Le 19, Marcel rejoint onze de ses amis, dont deux prêtres et deux séminaristes, dans les cachots de la Gestapo. Les uns après les autres, ils sont interrogés, menacés, molestés. On veut connaître leur plan d'action et les noms de leurs camarades. Le dimanche suivant, des différentes cellules, s'élèvent les voix des douze prisonniers qui chantent la Messe des Anges. Ils ont peur, faim et froid, mais ils sont profondément unis de coeur. À la fin d'avril, ils sont conduits à la prison de Gotha dans l'attente de leur jugement. Pendant la journée, ils s'en vont travailler avec les autres prisonniers dans une ferme voisine où ils mangent à leur faim. Le 16 juillet, au retour du travail, sur la route, un jociste remet discrètement à l'un d'entre eux des hosties consacrées: joie immense pour les prisonniers qui peuvent recevoir Celui pour lequel ils sont persécutés et qu'ils attendent depuis 88 jours!

On compte 180 lettres ou cartes postales écrites d'Allemagne par Marcel. La dernière, datée du 6 juillet 1944, révèle le fond de son âme. Après avoir exprimé sa peine de ne plus recevoir de nouvelles de sa famille, il écrit: «Heureusement, il est un Ami qui ne me quitte pas un seul instant et qui sait me soutenir dans les heures pénibles et accablantes. Avec Lui, l'on supporte tout. Combien je remercie le Christ de m'avoir tracé le chemin que je suis en ce moment. Quelles chic journées à Lui offrir!... Toutes mes souffrances, je les offre pour vous tous, mes bien chers parents, pour ma petite fiancée, pour Jean, afin que son ministère soit fécond; pour tous mes camarades. Oui, combien il est doux et réconfortant de souffrir pour ceux qu'on aime... Je m'efforce de devenir meilleur en me rapprochant de plus en plus de Dieu... Ma pensée va aussi vers la France. Nous souffrons de la voir dans l'état où elle est actuellement; nous tous qui avons souffert, nous la reconstruirons et nous saurons lui donner son vrai visage. Dieu, famille, patrie, trois mots qui se complètent et qu'on ne devrait jamais séparer. Si chaque individu voulait bâtir et s'appuyer sur ces trois bases, tout irait bien.»

Nuisible au régime

En août, à la suite d'un nouvel afflux de prisonniers,  les jocistes sont réunis dans une même cellule où ils ont la joie de prier et de chanter ensemble. Les gardiens appellent cette cellule «die Kirche», l'église. Le 25 septembre, on leur communique le verdict venu de Berlin: ils sont condamnés à la déportation en camp de concentration. Chacun doit signer son mandat d'internement ainsi libellé: «Par son action catholique auprès de ses camarades français, pendant son service du travail obligatoire en Allemagne, s'est rendu nuisible au régime nazi et au salut du peuple allemand.» Sur les douze, quatre seulement reviendront des camps de la mort, avec une santé délabrée.

Marcel quitte Gotha le 6 octobre pour rejoindre le camp de Mauthausen, en Autriche. Là souffrent 20 000 déportés: tortures, meurtres, maladies, les déciment dans la proportion de 90%. Ils doivent travailler dans des conditions très dures. Marcel est affecté au montage d'avions, dans une usine souterraine. On lui vole ses lunettes; ses yeux ne supportent plus la lumière éblouissante que renvoient les plaques d'aluminium et sont injectés de sang au point de le rendre, certains jours, presque aveugle. La moindre maladresse, qualifiée de sabotage, est sanctionnée par d'horribles coups de matraque que Marcel aura à endurer quatre fois. Amaigri, épuisé, maltraité, il subit tout sans que la haine ni même la rancune n'aient de prise sur lui; il n'insulte jamais ses bourreaux. Il ne cesse de donner des marques de sa charité et trouve le moyen de semer autour de lui des paroles de réconfort: «Confiance, dit-il, le Christ est avec nous... Faut pas se laisser aller, Dieu nous garde.» On est heureux auprès de lui. Sa foi et sa patience héroïques sont un véritable encouragement pour ses compagnons. Il prie avec ceux qui acceptent de s'unir à sa prière. Mais son épuisement physique est si grand que c'est lui, parfois, qui implore un secours: «Aidez-moi, je vous en prie, je n'en puis plus.» Il contracte la tuberculose et la dysenterie; un oedème aux jambes ainsi que la furonculose le font cruellement souffrir. C'est ainsi qu'il est transféré à l'infirmerie du camp. Là tout manque; la débâcle de l'armée allemande – nous sommes en mars 1945 – entraîne la pénurie d'aliments et de médicaments. Les malades sont abandonnés et vivent les uns sur les autres. Le 18 au soir, Marcel s'effondre. Le colonel Tibodo, un détenu français affecté à l'infirmerie, le transporte sur son grabat et s'étonne de sa patience. Marcel s'éteint doucement sous ses yeux, comme une lampe qui n'a plus d'huile: «Il n'avait qu'un regard, dit-il, un regard qui voyait autre chose, et exprimait une conviction profonde qu'il partait vers le Bonheur. C'était un acte de Foi et d'Espérance dans une vie meilleure. Je n'ai jamais vu nulle part chez aucun mourant – et j'en ai vu cependant des milliers – un regard comme le sien. Il avait le regard d'un saint. Ce me fut une révélation.» Âgé de 23 ans, Marcel s'est envolé pour le Ciel le 19 mars 1945, pour la fête de saint Joseph, patron de la bonne mort, que Madame Callo invoquait sans cesse pour son fils.

Lors de la béatification de Marcel Callo, le 4 octobre 1987, le Pape Jean-Paul II affirmait: Marcel «montre le rayonnement extraordinaire de ceux qui se laissent habiter par le Christ et se donnent à la libération intégrale de leurs frères». 

Dom Antoine Marie osb, abbé 

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Date de dernière mise à jour : 2021-07-05