Passioniste de Polynésie

Sainte Marie-Hermine de Jésus

Marieherminedejesus 1 biogrMartyre (? 1900)

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(Irma Grivot) responsable de la communauté des sept Franciscaines Missionnaires de Marie, martyres en Chine le 9 juillet 1900.

Elle fut béatifiée le 24 novembre 1946 et canonisée le 1er octobre 2000 avec les martyrs de Chine. 

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Marieherminedejesus 2Bien cher Ami de l'Abbaye Saint-Joseph,

Abbaye saint joseph de clairval 21150«Avec l'avènement de Jésus-Christ Sauveur, Dieu a voulu que l'Église fondée par Lui fût l'instrument du salut de toute l'humanité... Dieu veut le salut de tous par la connaissance de la vérité. Le salut se trouve dans la vérité. Ceux qui obéissent à la motion de l'Esprit de vérité sont déjà sur le chemin du salut; mais l'Église, à qui cette vérité a été confiée, doit aller à la rencontre de leur désir pour la leur apporter. C'est parce qu'elle croit au dessein universel de salut qu'elle doit être missionnaire» (Déclaration Dominus JesusDJ, Congrégation pour la Doctrine de la Foi, 6 août 2000, n. 22). Le désir d'annoncer le Christ jusqu'aux extrémités de la terre est à l'origine de la vocation missionnaire de Mère Marie-Hermine de Jésus Grivot et de ses six compagnes martyrisées en Chine, et canonisées par le Pape Jean-Paul II, le 1er octobre 2000.

Le 28 avril 1876, naît à Beaune, au diocèse de Dijon, une enfant qui reçoit au Baptême les prénoms de Louise, Emma, Émilie; on l'appelle familièrement Irma. La pauvreté règne chez ses parents, les époux Grivot; le père est ouvrier tonnelier. Irma, atteinte de pleurésie dès l'enfance, conservera toute sa vie une apparence chétive. Mais son âme est tournée vers Dieu et, au catéchisme, lorsqu'on l'interroge, elle répond avec clarté et précision. Lors de sa retraite de Communion, à l'âge de douze ans, elle entend parler du martyre de petits enfants. Les supplices endurés lui paraissent bien effrayants. Mais la pensée d'entrer aussitôt au Ciel, la joie de voir Dieu et de L'aimer sans crainte de Le perdre, l'enflamment d'enthousiasme et lui font désirer le martyre. Au Carmel de Beaune, on vénère une statue miraculeuse de Jésus enfant, appelé «le petit Roi de gloire et de grâce»; dans les grandes occasions, un prêtre la présente à baiser aux fidèles, qui obtiennent ainsi bien souvent des grâces. Irma confie à l'Enfant-Jésus son désir du martyre.

Simple, droite, intelligente, studieuse, d'un coeur affectueux, Irma poursuit ses études avec facilité jusqu'en 1893. Elle aspire à la vie religieuse, mais ses parents s'y opposent catégoriquement. Pour s'assurer une certaine indépendance par rapport à sa famille, elle s'emploie à donner des cours particuliers. Puis, persévérant dans son dessein de vie consacrée, elle vient, un soir de 1894, frapper à la porte de Religieuses adoratrices du Très Saint-Sacrement et dévouées aux Missions lointaines, les Franciscaines Missionnaires de Marie, à Vanves (près de Paris). Cette Communauté, récemment fondée par Hélène de Chappotin de Neuville, une Bretonne intrépide, qui a pris en religion le nom de Mère Marie de la Passion, sera approuvée définitivement en 1896, par le Pape Léon XIII. En 1904, quand Mère Marie de la Passion mourra, sa Communauté, atteignant les extrémités du monde, comptera plus de 3000 Religieuses, réparties en 86 maisons, hôpitaux, ateliers, léproseries. La fondatrice sera déclarée Bienheureuse par le Pape Jean-Paul II, le 20 octobre 2002.

Les Congrégations vouées aux Missions lointaines annoncent que Jésus, vrai Dieu et vrai homme, est l'unique médiateur entre Dieu et les hommes. De nos jours, certains affirment que le Mystère de Dieu «se manifesterait à l'humanité sous maintes formes et par maintes figures historiques: Jésus de Nazareth serait l'une d'entre elles» (DJ, 9). Pour remédier à cette mentalité relativiste très répandue, «il faut réaffirmer avant tout que la révélation de Jésus-Christ est définitive et complète. On doit en effet croire fermement que la révélation de la plénitude de la vérité divine est réalisée dans le mystère de Jésus-Christ, Fils de Dieu incarné» (DJ, 5).

Les siens n'acceptent pas

Irma a 18 ans. Ses traits sont fins, son menton volontaire, ses yeux doux, calmes et purs. Son seul désir: accomplir, adorer et bénir la volonté de Dieu. Discrète et effacée, elle passe inaperçue. En son pays natal, les siens n'acceptent toujours pas sa vocation et la douleur qu'elle en ressent lui arrache parfois d'abondantes larmes. La jeune fille est bientôt envoyée au Noviciat de la Congrégation, aux Châtelets, en Bretagne, non loin de Saint-Brieuc. On lui confie d'abord la charge du «probandat», sorte de petit-séminaire féminin, où les fillettes susceptibles d'une vocation future sont instruites et élevées avec le plus grand soin.

Si l'une de ses élèves se montre rebelle à ses conseils, elle tâche par mille attentions de ramener le coeur de la brebis errante. Parfois, on juge sa bonté excessive: «C'est le bon Dieu que je vois en cette enfant, répond-elle. Il faut bien supporter quelque chose pour gagner le Ciel... Si je vais en Chine un jour, les Chinois me feront bien autrement souffrir». Elle tient le journal de la maison. On y remarque ses qualités de précision et de clarté, ainsi que son amour du beau et l'élévation de sa pensée. Le 22 juillet 1894, Irma reçoit l'habit religieux, sous le nom de soeur Marie-Hermine de Jésus. Les armes de la Bretagne portent une hermine, animal qui, dit-on, préfère la mort à la perte de sa blancheur, avec cette devise: «Plutôt la mort que la souillure». Tel est aussi le programme de soeur Marie-Hermine de Jésus.

Pour accepter les plus grands sacrifices, elle commence par de petits renoncements, dans une vie humble et cachée. «Qu'est-ce que l'humilité? se demande-t-elle dans son journal. – La connaissance intime et vraie de soi-même et notre vie réglée sur elle». Soeur Marie-Hermine conserve le désir de partir en pays de Mission. Mais, à l'issue de son noviciat, elle est appelée à un autre genre de dévouement: les fonctions de comptabilité et de gestion des travaux à la maison de Vanves. Là, en effet, les Soeurs missionnaires, pauvres par vocation, tirent de divers ouvrages leurs moyens de subsistance et de développement: imprimerie, imagerie, reliure, maroquinerie, productions artistiques, etc. Le travail absorbant ne laisse pas de repos à soeur Marie-Hermine, mais quand on frappe à sa porte, on est invariablement accueilli par elle avec amabilité et douceur, si importune que soit l'interruption de son travail.

Une double adhésion

Lors de sa profession religieuse, le 8 septembre 1896, elle tressaille de bonheur et de crainte. La consécration de soeur Marie-Hermine à Dieu est fondée sur sa foi. «La foi est d'abord une adhésion personnelle de l'homme à Dieu; elle est en même temps, et inséparablement, l'assentiment libre à toute la vérité que Dieu a révélée. La foi par conséquent, don de Dieu et vertu surnaturelle infuse par Lui, comporte une double adhésion: à Dieu qui révèle et à la vérité qu'Il révèle, à cause de la confiance accordée à la personne qui affirme. C'est pour cela que nous ne devons croire en nul autre que Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit» (DJ, 7). Dans la ferveur de sa foi, soeur Marie-Hermine conserve le désir de donner sa vie pour Dieu. Par mode d'amusement, un jour, à la récréation, on tire à la courte paille pour savoir qui partira la première et qui sera la première martyre de l'Institut. Le sort tombe sur soeur Marie-Hermine, qui regarde sa paille avec un radieux sourire, se sentant confortée dans l'espoir de mourir pour son divin Époux et pour l'Église, qui est le Corps mystique du Christ.

Soeur Marie-Hermine ne doute pas que l'Église catholique soit l'Église fondée par Jésus-Christ. En effet, «le Seigneur Jésus, unique Sauveur, n'a pas simplement établi une communauté de disciples, mais Il a constitué l'Église comme mystère de salut: Il est Lui-même dans l'Église et l'Église est en Lui... Tout comme il existe un seul Christ, Il n'a qu'un seul Corps, une seule Épouse: une seule et unique Église catholique et apostolique... Les fidèles sont tenus de professer qu'il existe une continuité historique – fondée sur la succession apostolique – entre l'Église instituée par le Christ et l'Église catholique... Aussi n'est-il pas permis aux fidèles d'imaginer que l'Église du Christ soit simplement un ensemble – divisé certes, mais conservant encore quelque unité – d'Églises et de Communautés ecclésiales; et ils n'ont pas le droit de tenir que cette Église du Christ ne subsiste plus nulle part aujourd'hui de sorte qu'il faille la tenir seulement pour une fin à rechercher par toutes les Églises en commun» (DJ, 16, 17).

En 1898, le Père Fogolla, Franciscain, vicaire de l'évêque du Shanxi (Chine), demande à la Mère Générale des Franciscaines Missionnaires de Marie une fondation dans la capitale de son diocèse, Taï-Yuan-Fou. Soeur Marie-Hermine est pressentie par sa Supérieure Générale pour cette nouvelle fondation. «Sans hésitation aucune, lui écrit-elle, je vous réponds oui, Mère bien-aimée... C'est pour sauver les âmes en soignant leurs corps, que je suis entrée dans l'Institut». Peu après, soeur Marie-Hermine apprend sa nomination comme Supérieure de la fondation chinoise. Son humilité s'effraie de cette charge, mais elle accepte par obéissance.

Nécessité de l'Église

Pour sauver les âmes, Mère Marie-Hermine de Jésus veut les conduire à l'Église. On doit avant tout croire fermement que «l'Église en marche sur la terre est nécessaire au salut. Seul, en effet, le Christ est médiateur et voie de salut: or, Il nous devient présent en son Corps qui est l'Église; et en nous enseignant expressément la nécessité de la foi et du baptême (cf. Mc 16, 16; Jn 3, 5), c'est la nécessité de l'Église elle-même, dans laquelle les hommes entrent par la porte du baptême, qu'Il nous a confirmée en même temps. C'est pourquoi ceux qui refuseraient soit d'entrer dans l'Église catholique, soit d'y persévérer, alors qu'ils la sauraient fondée de Dieu par Jésus-Christ comme nécessaire, ceux-là ne pourraient pas être sauvés» (Vatican II, Lumen gentium, 14).

Cette vérité exclut radicalement la mentalité indifférentiste «qui porte à considérer que toutes les religions se valent... Les adeptes d'autres religions se trouvent dans une situation de grave indigence par rapport à ceux qui, dans l'Église, ont la plénitude des moyens de salut» (DJ, 21, 22). Les différentes traditions religieuses du monde contiennent, certes, des éléments de religiosité. Mais on ne peut ignorer que certains rites des autres religions naissent de superstitions et constituent un obstacle au salut (cf. DJ, 21). Toutefois, «ceux qui, sans qu'il y ait de leur faute, ignorent l'Évangile du Christ et son Église, mais cherchent pourtant Dieu d'un coeur sincère et s'efforcent, sous l'influence de sa grâce, d'agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, ceux-là peuvent arriver au salut éternel. À ceux mêmes qui, sans faute de leur part, ne sont pas encore parvenus à une connaissance expresse de Dieu, mais travaillent, non sans la grâce divine, à avoir une vie droite, la divine Providence ne refuse pas les secours nécessaires à leur salut. En effet, tout ce qui, chez eux, peut se trouver de bon et de vrai, l'Église le considère comme une préparation évangélique et comme un don de Celui qui illumine tout homme pour que, finalement, il ait la vie» (Vatican II, Lumen gentium, 16).

Le Père Fogolla, élevé à la dignité épiscopale par le Pape Léon XIII, annonce à Mère Marie-Hermine: «Vous devez vous attendre à porter de nombreuses croix: souffrances durant la traversée, souffrances sur la terre, par suite du manque absolu des choses les plus indispensables à la nature, enfin souffrances dans la Mission même, parmi les Chinoises habituées à leurs coutumes et dont le caractère laisse parfois à désirer». L'épreuve du départ pour la Chine est bien douloureuse. Madame Grivot n'accepte toujours pas la vocation de sa fille, et celle-ci écrit à une amie: «J'espère contre toute espérance. Peut-être le Bon Dieu me laisse-t-Il encore cette croix comme aiguillon à ma confiance. Qui sait si le salut des miens n'est pas lié à la fidélité de leur fille?»

Le Shanxi, province de la Chine du Nord, est un plateau immense. Le climat y est rigoureux et les récoltes tardives et insuffisantes. Une foule de superstitions se partagent l'empire chinois, et de nombreux martyrs ont versé leur sang pour son évangélisation. Une trentaine d'années avant l'arrivée des Franciscaines de Marie, dix Filles de la Charité ont été massacrées à Tien-Tsin.

«Que c'est bon...!»

Le 12 mars 1899, quatorze Franciscaines Missionnaires de Marie s'embarquent à Marseille pour la Chine. Mère Marie-Hermine et six de ses compagnes sont destinées à fonder la mission de Taï-Yuan-Fou, ville d'environ 300000 habitants. Ce sont: trois Françaises, deux Italiennes, une Belge et une Hollandaise. Aux escales, elles sont accueillies par des religieuses de diverses congrégations. «Que c'est bon, la charité mutuelle, surtout en mission!» note avec reconnaissance Mère Marie-Hermine. Elles arrivent à destination, le 4 mai 1899. La Résidence de Taï-Yuan-Fou est en fête: 200 orphelines, cinq ou six Pères Franciscains attendent les voyageuses. À peine arrivées, il leur faut d'urgence panser une pauvre petite Chinoise, dont la tête est recouverte d'une gale si affreuse que la plaie met l'os à nu. La suite est du même genre: tel enfant de huit ans, ayant eu la fièvre typhoïde, est resté cent jours sans être lavé, ni changé. Quotidiennement, on apporte à la résidence douze à quinze enfants abandonnés.

Tout proche du couvent provisoire des Franciscaines Missionnaires de Marie, se trouve l'orphelinat dirigé par des Religieuses autochtones. L'établissement manque d'organisation: ordre, hygiène et habitude du travail y font défaut. Les Religieuses chinoises manifestent une certaine défiance vis-à-vis des nouveaux usages qu'apportent les Franciscaines. Les aider à progresser est la tâche de Mère Marie-Hermine qui écrit: «Il faut opérer lentement, car elles tiennent à leurs idées et ne peuvent évidemment enseigner autre chose que les coutumes du pays». Les Franciscaines apprennent aux orphelines le tricotage, l'utilisation de la machine à coudre et la confection de la dentelle. Mais les nouvelles venues doivent payer leur tribut au climat du pays: elles sont bientôt atteintes de maladies. «Quoi qu'il arrive, écrit Mère Marie-Hermine, nous sommes toutes résignées au bon vouloir divin, abandonnées entre les mains du Maître; Lui seul dispose de notre vie... La croix de la vie missionnaire doit se supporter joyeusement».

La moitié de ma vie

Le 2 août 1899, pour la première fois, le Très Saint-Sacrement est exposé dans la chapelle de l'orphelinat. Mère Marie-Hermine affirme au Père Procureur de la Mission: «L'adoration du Saint-Sacrement est la moitié de ma vie; l'autre moitié consiste à faire aimer Jésus et à Lui gagner des âmes». Cependant, les orphelines ne répondent pas aux soins des Soeurs missionnaires: «Le premier pas que nous avions fait dans les oeuvres n'a pas été suivi, avoue tristement la Mère». Les Religieuses chinoises qui surveillent les enfants ne comprennent pas le bienfait du travail pour ces fillettes habituées à flâner tout le jour. Il faudra encore aux Soeurs beaucoup de patience et de diplomatie pour redresser la situation. Mais, après quelques mois d'humble labeur, ayant gagné les coeurs par leur douceur et leur fermeté, les Franciscaines prennent la direction complète de l'orphelinat et d'encourageants progrès se réalisent. Néanmoins, l'hôpital qu'on envisage de construire et de leur confier n'est toujours qu'à l'état de projet. «Il ne suffit pas de désirer le Ciel, soupire Mère Marie-Hermine, il faut surtout le gagner».

Au milieu de ses angoisses, un nouveau coup l'atteint: «Mon père est dangereusement malade, écrit-elle. Ah! Mon chagrin est moindre encore pour le corps que pour l'âme! Depuis longtemps, il ne pratique plus. Que va-t-il devenir? Recevra-t-il la grâce des derniers Sacrements?... Ma fidélité sera-t-elle suffisante pour toucher le Coeur du Souverain Juge? Dans mon tourment, j'ai recours à la Mère des Douleurs et j'ai pleine confiance en celle que l'on n'invoque jamais en vain».

Cependant le vingtième siècle s'ouvre sur la révolte et la famine. Le jeune empereur de Chine a tenté d'introduire dans son pays les progrès techniques de la civilisation européenne: écoles, chemins de fer, industrie, etc. Mais ces transformations indisposent le peuple, jaloux de sa tradition et de son indépendance. À cela s'ajoute une redoutable sécheresse qui entraîne la pénurie de nourriture. Les sociétés secrètes du pays exploitent le mécontentement. Parmi elles, la secte des Boxers (du mot anglais «box», coup) recrute des jeunes, garçons et filles, entre douze et quinze ans, fanatisés contre les Européens et les chrétiens. Une grande partie de l'empire se trouve en péril d'incendie, de pillage et de meurtre.

En avril 1900, avec l'aide des Boxers, un nouveau gouverneur (ou vice-roi), Yu-Hsien, soulève la population du Shanxi contre les chrétiens, dénoncés comme la cause de la famine. L'Évêque propose aux Religieuses de fuir. Mère Marie-Hermine répond en leur nom: «Pour l'amour de Dieu, ne nous empêchez pas de mourir avec vous. Si notre courage est trop faible pour résister à la cruauté des bourreaux, croyez que Dieu qui nous envoie l'épreuve nous donnera aussi la force d'en sortir victorieuses. Nous ne craignons ni la mort, ni les tourments dont nous menace la rage du vice-roi. Nous sommes venues ici pour y exercer la charité et verser, s'il le fallait, notre sang pour l'amour de Jésus-Christ. Aussi, les larmes aux yeux, nous vous conjurons de ne pas nous arracher la palme que la miséricorde divine nous tend du haut du Ciel».

Le 27 juin, un ultimatum du gouverneur défend aux chrétiens de se réunir en quelque lieu que ce soit pour prier. Le 5 juillet, le vice-roi promulgue un édit qui jette une lumière décisive sur les mobiles réels du carnage qui va se déclencher: «La religion chrétienne étant dissolue et cruelle, méprisant les esprits et tyrannisant les peuples, voici que les incendies et les massacres des Boxers sont imminents». La nuit suivante, Yu-Hsien fait transférer à la maison d'hospitalité mandarinale le groupe de ses victimes qui se compose de trente-trois personnes: Mgr Grassi, Vicaire Apostolique, Mgr Fogolla son coadjuteur, le Père Théodoric, le Père Élie, le Frère André Bauer, cinq séminaristes chinois, les sept Franciscaines Missionnaires de Marie, six orphelines, une veuve de soixante-six ans et neuf serviteurs de la Résidence. Les Religieuses et leurs orphelines doivent loger dans une chambre humide, malpropre, trop petite pour les contenir toutes. Mère Marie-Hermine anime et entraîne les prisonniers, qui se préparent au martyre.

Le plus étonnant

Trois jours plus tard, le 9, vers 16 heures, on entend au dehors des vociférations et des cris. Mgr Grassi donne à ses chrétiens une dernière absolution dans un grand calme. Les émeutiers, un moment décontenancés par ce calme, s'élancent, frappent leurs victimes, leur lient les mains derrière le dos et les conduisent sur le lieu d'exécution. Les religieuses, entraînées en fin de cortège, chantent le Te Deum, hymne d'adoration et de reconnaissance adressée à la Sainte Trinité. Arrivés au lieu de l'exécution, les martyrs doivent s'agenouiller. Plus de trois mille Boxers sont là. Le vice-roi paraît sur son trône de grand Juge. Il s'adresse avec colère à Mgr Fogolla: «Depuis combien de temps êtes-vous en Chine? – Depuis plus de trente ans. – Pourquoi avez-vous nui à mon peuple et dans quel but propagez-vous votre foi? – Nous n'avons nui à personne, mais fait du bien à beaucoup. Nous sommes venus ici pour sauver les âmes. – Ce n'est pas vrai! Vous nous avez fait beaucoup de mal, et je vous tuerai tous!» Il s'élance et, par deux fois, frappe l'Évêque en pleine poitrine, en criant aux soldats: «Tuez! Tuez!» Aussitôt chacun se rue vers les plus proches, coupant têtes et membres. Les sept Franciscaines meurent les dernières; elles prient et chantent. «Ce qu'il y a de plus étonnant, dit un témoin païen, c'est de voir ces «diablesses de chrétiennes» mourir en chantant!»

Le premier octobre 2000, le Pape Jean-Paul II a canonisé 120 martyrs de Chine, dont trente-trois missionnaires, hommes et femmes, au nombre desquelles figurent soeur Marie-Hermine de Jésus et ses six compagnes. «Ces martyrs sont un exemple de courage et de cohérence pour nous tous», a fait remarquer le Saint-Père. En effet, si nous ne sommes pas tous appelés à évangéliser les contrées lointaines, nous avons tous la mission de rendre témoignage à la vérité du Christ et de son Église autour de nous, par une vie sainte et une charité véritable envers notre prochain quel qu'il soit. Demandons à saint Joseph d'obtenir pour chacun d'entre nous cet esprit missionnaire à travers les actions ordinaires de la vie quotidienne, et de soutenir l'Église persécutée en Chine. 

 

Dom Antoine Marie osb, abbé

 

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Date de dernière mise à jour : 2018-02-14