Passioniste de Polynésie

Bse Ulrika Nisch

Ulrikanish1Sœur de la Charité de la Sainte-Croix (✝ 1919)

Franziska (Françoise) Nisch naît hors mariage en 1882, car on refuse à ses parents l’autorisation de se marier. Cela viendra plus tard. Elle voit le jour dans un petit village de Souabe Oberdorf-Mittelbiberach (Allemagne). La petite ‘Franzi’ est éduquée par sa grand-mère et sa marraine qui lui donnent l’affection qu’elle ne trouve pas auprès de son père. Celui-ci est dur avec elle, mais elle lui obéira toujours. À l’école, elle ne brille guère, un peu lourdaude, cassant facilement les choses, solitaire mais simple, pieuse et toujours aimable. Comme sa famille est pauvre, avec ses frères et sœurs plus jeunes, elle fait des à-côtés qu’on leur paye en nature : pain, œuf, fruit. Souffreteuse, elle manque souvent l’école et les résultats s’en ressentent.

Après son école primaire, elle est placée à douze ans en différents endroits et finalement comme bonne dans une famille à Rorschach en Suisse. Elle tombe malade de la tuberculose et elle est soignée à l’hôpital par les sœurs de la charité d’Ingenbohl avec une grande bonté. Si bien qu’elle choisit d’entrer chez elles. Elle est reçue à Hagne, leur maison provinciale allemande. Sœur Ulrika est son nom de religion. Elle travaille comme aide-cuisinière à Bühl, puis à Baden-Baden. Elle accepte tous les travaux, les humiliations, et elle souffre de maux de tête dont elle ne se plaint jamais. Parfois, ce sont les ténèbres dans la prière. « Ces pénibles expériences conduisent Sœur Ulrika à une sérénité du cœur qui lui permet de voir dans les plus petites choses la main paternelle de Dieu et d’accueillir de sa part chaque heure de sa vie avec une reconnaissance d’enfant. » (Jean-Paul II) Elle prie jour et nuit. Tout se transforme pour elle en prière. Elle jouit de visions mystiques. Auprès d’elle, les gens se sentent comme en paradis.

Tombant à nouveau malade de la tuberculose, on la ramène à la maison provinciale, à Hagne, où elle meurt à 31 ans en 1913. Quand on veut écrire sa vie, certaines personnes s’étonnent, car ils ne voient pas en quoi réside sa sainteté. D’ailleurs les titres des premières brochures sont éloquents : ‘‘La sainte de rien’’, ‘‘La sainte aux marmites’’, ‘‘La voix silencieuse’’. Mais les faits parlent d’eux-mêmes : sa tombe est toujours fleurie et de multiples témoignages font état de grâces obtenues. Notons en souriant que sœur Franciska sera béatifiée avant sa fondatrice, Mère Marie-Thérèse Scherer , une grande sainte pourtant.

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/hagiographie/fiches/f0293.htm

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Bien cher Ami de l'Abbaye Saint-Joseph,Abbaye saint joseph de clairval 21150
«Quel est le besoin primordial et ultime de notre chère et Sainte Église? demandait le Pape Paul VI... Ce besoin, †c'est l'Esprit Saint qui anime et sanctifie l'Église... Elle a besoin de l'Esprit Saint, en nous, en chacun de nous» (29 novembre 1972). Le Saint-Esprit est, en effet, notre Maître dans la vie spirituelle: quelquefois, il nous laisse simplement agir par nous-mêmes; nous sommes alors comme une embarcation qui avance à la rame. C'est l'Esprit Saint qui nous applique à l'action mais nous gardons la maîtrise, la conduite de notre vie. D'autres fois, Lui-même nous actionne par des inspirations correspondant à ses «dons»; nous ressemblons alors à un bateau qui avance à la voile: lorsque le vent souffle, on va plus vite avec moins de fatigue. Alors nous n'avons qu'à consentir à Son oeuvre qui se réalise sans grands efforts et plus parfaitement. L'action du Saint-Esprit par les «dons» est tout à fait remarquable dans la vie de la bienheureuse Ulrica Nisch, béatifiée par Jean-Paul II le 1er novembre 1987.

Françoise Nisch est née le 18 septembre 1882 à Oberdorf, village du sud-ouest de l'Allemagne. Ses parents l'ont conçue hors mariage, ce qui a peiné sa famille profondément chrétienne. Toutefois, elle est accueillie, et son baptême a lieu dès le lendemain de sa naissance. C'est à l'auberge où elle travaille que sa mère a rencontré un palefrenier dont elle s'est éprise. Les deux jeunes gens étant extrêmement pauvres, leurs parents ont refusé de consentir au mariage qu'ils voulaient contracter. Ainsi rebutés, ils se sont imaginé que la venue d'un enfant leur procurerait l'autorisation attendue. Mais ce n'est qu'un an après la naissance de Françoise qu'Ulrich et Clotilde Nisch peuvent se marier. Ils s'installent à Unterstadion, petit village proche du Danube. Ils auront quatorze enfants, dont cinq seulement atteindront l'âge adulte; Françoise est l'aînée. Peu après sa naissance, elle est confiée à sa grand-mère et à sa tante Gertrude, sa marraine, qui lui prodiguent beaucoup d'affection et une éducation chrétienne. À l'âge de six ans, Françoise revient chez ses parents, mais il lui est fort difficile de s'acclimater à son milieu familial. Très sévère, M. Nisch se montre parfois dur avec son aînée. Toutefois, celle-ci remplit consciencieusement ses devoirs et demeure pleine d'estime et de respect pour ses parents, puisant dès ce temps sa force dans la prière. Elle ressent un attrait spécial pour le tabernacle et l'image de Notre-Dame, dans la chapelle toute proche.

À l'école d'Unterstadion, Françoise obtient des résultats moyens; mais elle est très assidue au catéchisme. Après la classe, elle rentre à la maison pour contribuer autant que possible à l'entretien de la famille. «Françoise était vraiment bonne, dira une de ses compagnes. Elle était calme et un peu maladroite... Elle ne songeait pas à elle-même et ne se faisait remarquer en rien». Après cinq années d'école, la jeune fille retourne chez sa tante Gertrude qui a besoin d'aide pour la cuisine de l'auberge qu'elle tient avec son mari, et pour s'occuper de ses trois garçons.

Des récepteurs

Le 21 avril 1895, elle fait sa première Communion et, la même année, reçoit la Confirmation. Dès lors, les dons du Saint-Esprit, reçus déjà au Baptême en même temps que la grâce sanctifiante et les vertus infuses, déploient en elle toute leur énergie. Ces dons sont comme des récepteurs qui nous permettent de capter les inspirations du Saint-Esprit, comme les voiles permettent de capter le souffle du vent pour faire avancer le navire. Ainsi l'âme est-elle rendue apte à réaliser les oeuvres les plus parfaites de la vie chrétienne, constamment et sans peine, avec une joie tranquille, en dépit des sacrifices exigés et des difficultés rencontrées. Les dons ne sont pas des phénomènes extraordinaires; ils nous aident autant pour les plus menus détails que pour les actions les plus importantes de notre vie.

En 1898, Françoise se rend chez un oncle qui tient une épicerie à Sauggart. Rémunérée, elle pourra aider financièrement ses parents. Toutefois, la tâche dépasse ses forces: il lui faut s'occuper du commerce, du ménage, du soin des enfants encore en bas âge, auprès de sa tante qui est malade mentalement. Jour après jour, les critiques et les blâmes injustifiés déferlent sur elle. Au bout d'un an, elle quitte Sauggart et se rend à Biberach pour travailler dans une boulangerie-pâtisserie. Toute?fois, elle apprend que les servantes allemandes sont mieux rétribuées en Suisse que dans leur pays. Elle s'engage donc en octobre 1901 au service de la famille Morger à Rorschach, en Suisse, où elle s'occupe des quatre enfants.

En 1904, Françoise est atteinte d'un érésipèle facial si grave qu'on craint pour sa vie. À l'hôpital, elle fait la connaissance des Soeurs d'Ingenbohl. En 1844, le Père Théodose Florentini, Capucin, avait fondé, en Suisse, la Congrégation des Soeurs de la Croix pour se dévouer à l'enseignement et à l'assistance des pauvres. En 1856, une nouvelle branche de la Congrégation est établie, avec Mère Thérèse Scherer (béatifiée par le Pape Jean-Paul II, le 29 octobre 1995), pour le soin des malades: ce sont les Soeurs de Charité de la Sainte-Croix, qui s'établissent à Ingenbohl et se propagent bientôt dans différents pays. L'esprit de sacrifice, de prière et d'abandon à Dieu de ces Soeurs, impressionne Françoise au point de la décider à devenir religieuse. Le 17 octobre 1904, elle entre chez les Soeurs de la Croix, au couvent de Hegne, petite ville allemande des bords du lac de Constance. Elle est affectée au service de la cuisine. Ce travail est fatigant et il impose des sacrifices comme la privation fréquente, en semaine, de la Messe et de la communion, de la prière commune et de la récréation. Pour la deuxième partie de son postulat, elle est envoyée dans une autre maison, à Zell-Weierbach. Là, les religieuses ne sont que trois et la Supérieure, âgée et souffrante, a besoin d'une aide. Françoise la remplace à la cuisine, travaille à l'entretien de la maison qui reluit bientôt de propreté, et au soin des malades. Loin d'en souffrir, sa piété s'intensifie.

Le doux nom du Père

Françoise est soutenue par le don de piété: celui-ci nous aide à former au plus intime de nos âmes le doux nom du Père céleste, avec quelque chose de l'accent que mettait Jésus à le prononcer. Ce sens de la paternité divine nous porte ensuite à considérer les autres comme les enfants du même Père: dans nos rapports avec eux, nous apportons la même douceur, la même tendresse qu'avec le Père. La conscience d'être l'enfant du Père éloigne de Françoise toute anxiété, toute méfiance vis-à-vis de Dieu et de sa Providence. De plus, l'Esprit Saint lui enseigne à faire du travail une prière. Il ne s'agit pas d'un violent effort pour vouloir toujours penser à Dieu, ni d'une attitude affectée, mais d'une simple attention à la présence de Dieu, sans contrainte. Grâce au don de piété, Françoise saisit que le Christ est son Époux, et elle se sait unie très intimement à l'Esprit Saint. Elle nourrit aussi une grande dévotion envers la Sainte Vierge, saint Joseph, saint François d'Assise, ainsi que son ange gardien. Depuis son enfance, d'ailleurs, elle est favorisée d'un privilège spécial: la vue de son ange gardien. Dans son ingénuité, elle pense qu'il en est de même pour tout le monde. Lorsqu'elle s'apercevra de son erreur, elle en restera bouleversée plusieurs jours, craignant que cette grâce ne soit qu'une illusion.

Rappelée à Hegne pour y commencer son noviciat, elle prend l'habit religieux, le 24 avril 1905, avec le nom de Soeur Ulrica (d'après le prénom de son père, Ulrich; saint Ulrich fut évêque d'Augsbourg). Dès le lendemain, elle reprend son service en cuisine. Ce n'est pas ce dont elle avait rêvé; le travail est rude, mais elle sait s'adapter à cette situation. Lorsqu'on lui demande: «Comment parvenez-vous à supporter la chaleur du fourneau, à endurer les humiliations, à abattre tant de besogne?», elle répond invariablement: «Par amour pour le Sauveur; pour le Sauveur, on peut tout». Soeur Ulrica est parfois distraite et, de temps à autre, il lui arrive quelque mésaventure. Un soir qu'elle a préparé un rafraîchissement pour les soeurs qui peinent à la buanderie jusque tard dans la nuit, elle oublie de le leur apporter! Une autre fois, ayant promis à une novice de charger le fourneau à sa place, elle met le charbon non sur le feu mais dans le tiroir aux cendres! Cela lui attire de sévères réprimandes, mais elle conserve son calme. «On ose au moins lui dire quelque chose, remarque soeur Adama, la cuisinière en chef, elle ne s'en formalise pas».

Bienfaits de la vie de communauté

Soeur Ulrica fait sa profession religieuse le 24 avril 1907. Sous la conduite du Saint-Esprit, elle continue simplement et humblement, à mener la vie de communauté. Celle-ci est une protection contre les dangers d'une ascèse et d'une piété fallacieuses; sécurité spécialement nécessaire pour une âme, comme celle de soeur Ulrica, élevée à la vie mystique où elle risque de se fourvoyer dans l'égocentrisme. La vie commune vécue sérieusement empêche le repli sur soi: du matin au soir, l'obéissance à l'ordre établi, le renoncement à soi-même, à ses propres désirs, l'attention pleine d'égards aux vues, aux désirs et aux intérêts d'autrui, favorisent la Charité, dont l'Apôtre dit qu'elle est longanime, serviable; elle ne fanfaronne pas, ne se rengorge pas, elle ne fait rien d'inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s'irrite pas, ne tient pas compte du mal (1 Co 13, 4-5). Assidue à la prière commune, à la table commune et à la récréation, lorsque ses obligations ne la retiennent pas à la cuisine, soeur Ulrica n'est pas renfrognée. Elle sait rire de bon coeur avec les autres. Toutefois, son attrait intérieur demeure la contemplation: «Oui, écrit-elle dans ses notes intimes, même le Bréviaire, j'ai de la peine à le réciter. Je me sens toujours poussée à la quiétude dans l'amour». Elle se laisse guider par le don de sagesse qui illumine l'âme, lui donne de savourer les choses de Dieu dont elle goûte les infinies perfections: la vie trinitaire, la miséricorde, la justice, l'éternité, la simplicité, etc.

Au lendemain de sa profession, soeur Ulrica est envoyée à Bühl (Allemagne). Là, elle s'occupe de la cuisine de l'hôpital. Une servante têtue et intraitable, qui travaille aussi à la cuisine, cause aux religieuses des difficultés continuelles; il est vrai qu'elle est surchargée de travail. Contre toute attente, soeur Ulrica parvient à vivre en paix avec elle, sachant, suivant les occasions, céder ou prévenir sagement les difficultés; c'est un véritable soulagement pour la Supérieure. Soeur Ulrica sait, avec une sûreté étonnante, saisir le moment opportun, trouver le mot juste, faire ce qu'il faut, grâce au don de conseil. Celui-ci perfectionne la vertu de prudence et rend l'homme capable de voir juste, de discerner dans les cas particuliers ce qui est bien pour soi et pour les autres, et lui donne de s'y appliquer aussitôt, même pour les actes les plus ordinaires de la vie.

Interrogée un jour sur l'objet de sa méditation, soeur Ulrica répondit: «Les attributs de Dieu. Ce que j'aime le plus, c'est de contempler la simplicité divine». Le don d'intelligence, qui perfectionne la foi, lui fait pénétrer profondément les mystères de Dieu et le sens caché des paroles de l'Écriture. Elle perçoit notamment le sens profond du Saint-Sacrifice de la Messe qui est pour elle «la plus grande action de grâces, le sacrifice de supplication le plus élevé et le plus puissant, la plus grande joie et le plus grand bonheur». Elle «parlait des attributs divins d'une manière si sublime, relate une de ses soeurs, que, avec mon faible entendement humain, je ne saisissais pas, et j'étais dans l'étonnement: d'où cette soeur si simple tenait-elle une telle science?»

Une étonnante sérénité

Au mois d'octobre 1908, soeur Ulrica est transférée à la maison Saint-Vincent de Baden-Baden, dont soeur Bonaventure devient bientôt Supérieure. Capable, énergique, méticuleusement exacte, celle-ci fait volontiers sentir aux autres sa supériorité. À mesure qu'elle apprend à connaître la jeune soeur cuisinière, soeur Bonaventure se persuade de sa vertu peu commune. Soeur Ulrica travaille sous l'autorité d'une soeur qui manque de maîtrise de soi, se montre fréquemment rude pour les autres, et a même un certain penchant à l'alcoolisme. La simplicité de soeur Ulrica l'agace, et elle conçoit une certaine jalousie de la vénération que lui portent les jeunes filles employées à la cuisine. Un jour, son irritation atteint un paroxysme et la porte à humilier durement son aide. La jeune soeur garde le silence, mais ne peut retenir ses larmes. S'étant éclipsée discrètement pour se réfugier à la chapelle, elle revient peu après, les joues encore mouillées, mais le visage calme et souriant. Une soeur, témoin de l'incident, rapporte: «J'aurais bien grondé soeur Ulrica de se laisser ainsi traiter sans réagir. Moi, à ce moment-là, j'aurais été capable d'assommer la soeur». La Supérieure pourra dire: «Si soeur Ulrica n'avait pas reçu des grâces insignes, elle n'aurait pas pu soutenir ses grandes épreuves avec tant de sérénité». On peut remarquer chez soeur Ulrica l'influence du don de force. Celui-ci nous aide à accomplir parfaitement les oeuvres de la vie chrétienne malgré les nombreuses difficultés et les obstacles rencontrés. Il prémunit l'âme contre les mouvements désordonnés, les passions, l'inconstance et le caprice, lui assure la maîtrise de soi, la persévérance dans la ferme orientation vers le bien. Sans lui, on ne se tient pas à la hauteur d'une tâche difficile, ni d'une vie chrétienne parfaite, on ne sera jamais maître dans l'art de sacrifier volontiers son temps, sa santé, sa vie, par fidélité à sa vocation quelle qu'elle soit. Le don de force communique parfois une vigueur et une ténacité qui surpassent de loin les possibilités humaines, comme par exemple chez les martyrs.

Soeur Ulrica souffre de violents maux de tête et d'un catarrhe qui dégénère en une sinusite maxillaire purulente. Elle subit avec courage l'opération devenue nécessaire puis reprend tranquillement son travail. Elle est persuadée que si l'on se confie en Dieu et en son aide, on ne sera pas abandonné: «Défiance de soi-même et confiance en Dieu, c'est ce qu'il y a de mieux», dit-elle. Dans la lumière de la contemplation, elle saisit la valeur de l'humilité et de l'humiliation. Elle comprend clairement que les multiples occasions d'être blâmée ou grondée trouvent leur raison d'être la plus profonde dans une permission de Dieu; elles sont avant tout les moyens d'une union plus intime avec Jésus qui, Lui-même, a souffert les mépris.

De petites attentions

Paisible, joyeuse, soeur Ulrica maintient haut le moral de tous par d'amusantes répliques. Elle apprend de beaux cantiques aux jeunes filles dont elle a la charge à la cuisine, et parfois même danse avec elles. Son amour pour le prochain se manifeste notamment à l'égard d'une malheureuse employée, Gusti. Toute jeune, celle-ci a travaillé dans une auberge où elle a fait la connaissance d'un séducteur. Enceinte et abandonnée, torturée par l'angoisse et le désespoir, elle a mis au monde un enfant qu'elle a jeté dans un fossé. Condamnée à trois ans de prison, elle a bientôt obtenu la liberté surveillée grâce à sa bonne conduite. Les Soeurs de la Sainte Croix l'ont accueillie, mais l'entourage la surveille et la tient à distance. Au courant de ces faits, soeur Ulrica commence à s'occuper d'elle avec un soin tout particulier. L'entreprise est difficile, car la servante voue à tout le monde une haine implacable. Soeur Ulrica prie et offre à Dieu ses humiliations et ses souffrances quotidiennes pour la conversion de sa protégée. Peu à peu, grâce à de petites attentions, des sourires, des paroles de réconfort, Gusti change d'humeur et devient sociable. «Soeur Ulrica m'a donné une âme nouvelle», affirmera-t-elle. Gusti contractera un mariage heureux.

Soeur Ulrica exprime ainsi une de ses grandes souffrances: «Malgré les nombreuses grâces, toujours encore des défauts!» Il s'agit de manquements qui échappent au regard des autres, fautes de faiblesse, d'omission, de précipitation, dues à la fragilité humaine. Elle avoue à un prêtre: «Les rapports avec mes consoeurs deviennent de jour en jour plus difficiles. Je ne sais pas supporter grand-chose, surtout le matin. Si seulement personne ne disait mot... car je suis souvent si fâchée!» Elle note encore: «Je ne suis pas du tout contente de moi... comme je suis faible sur ce point (la gourmandise)!» Elle écrit cependant à une Soeur: «On peut et on doit pleurer ses péchés, mais on ne doit pas perdre courage et devenir craintive. Toute faute doit vous affermir dans l'humilité et vous être utile en vous faisant reconnaître de plus en plus votre néant». Soeur Ulrica est pénétrée du don de crainte de Dieu. Il s'agit de la crainte de déplaire à Dieu et de perdre son amour. C'est un vif sentiment de la sainteté de Dieu qui pénètre l'âme avec toutes ses facultés, et même le corps avec ses sens, suscitant en l'homme une haine efficace du péché. Soeur Ulrica implore la miséricorde pour tous les pécheurs: « Ô doux Coeur de Jésus, sauve-les! Guéris ton peuple! Si je pouvais leur faire connaître l'Amour, à tous, et leur faire sentir la soif brûlante de Jésus!»

« On va à la maison »

En 1912, soeur Ulrica devient très faible et rassemble toutes ses forces pour continuer son travail. Un examen médical révèle une tuberculose avancée. La malade ne paraît pas surprise: elle répond à sa Supérieure, qui lui reproche d'avoir gardé le silence sur son mal: «On va à la maison. Notre patrie est Là-Haut et non point ici-bas. Je meurs volontiers». Cette aspiration à la patrie céleste lui faisait dire: «On doit se soucier d'autant plus de la vie future, que la vie terrestre passe, et que celle-là demeure éternellement». Éclairée par le don de science, soeur Ulrica a pris conscience de la brièveté, de la petitesse des choses terrestres, de leur impuissance à contenter notre coeur avide du vrai bonheur. Elle a compris le peu de consistance de tout ce qui excite d'ordinaire l'ambition des hommes: l'argent, les honneurs, la science et même la santé. Toutefois, cette conviction, qui délivre de l'emprise excessive des créatures, est jointe, par le même don de science, à la capacité de voir dans les créatures la beauté, la bonté, la valeur que Dieu y a mises. Le don de science, en effet, donne une grande pureté de regard et montre dans les créatures un reflet de la bonté, de la sagesse, de la beauté et de la sainteté du Créateur; si faibles par elles-mêmes, les créatures deviennent ainsi un moyen de s'élever à Dieu. Pour soeur Bonaventure, la prière de soeur Ulrica ressemblait à celle de saint François qui voyait Dieu à travers toute la création.

Hospitalisée, soeur Ulrica est l'objet de soins très attentifs. À celles qui lui témoignent leur sympathie, elle répond en souriant: «Quand je serai en paradis, je prierai pour vous». Elle trouve même le moyen de plaisanter sur son nouvel état: «Maintenant je mène la belle vie, comme les clients qui font la cure ici: bien manger, me promener, dormir!» En septembre 1912, les médecins demandent son transfert à Hegne. Là, elle est privée de direction spirituelle, ce qui lui coûte beaucoup. «Je n'ai personne à qui parler de ma vie intérieure, écrit-elle à soeur Bonaventure. Maintenant, je n'ai plus de consolation, ni divine ni humaine, et c'est parfois très dur». Une autre souffrance est, pour elle, la tentation de croire que tout ce qu'elle a vécu avec le Seigneur n'était qu'une illusion venant de l'ennemi.

Ses derniers jours se passent dans une prière ininterrompue. Le chapelet ne quitte pas ses mains. Quand la toux la secoue, elle répète: «Tout pour mon Seigneur bien-aimé!» Le 8 mai 1913, au soir, une infirmière s'approche de son lit pour voir s'il lui manque quelque chose, lorsque, dans la chambre voisine, une autre soeur malade est prise d'une violente quinte de toux. «Allez d'abord chez cette soeur», murmure soeur Ulrica. Lorsque l'infirmière revient, soeur Ulrica a rendu le dernier soupir.

«La doctrine sur les dons du Saint-Esprit, disait le Pape Jean-Paul II, demeure un magistère de vie spirituelle très utile pour nous orienter vers un dialogue incessant avec l'Esprit Saint et à un abandon confiant et amoureux à sa direction... C'est pourquoi il est d'une importance fondamentale que nous soyons à l'unisson avec Lui» (3 avril 1991). Demandons à la bienheureuse Ulrica Nisch de nous obtenir une grande docilité à l'action du Saint-Esprit dans nos vies. Que Marie, la Reine de tous les saints, Mère et Refuge des pécheurs, nous obtienne cette grâce!

Cf. Le trésor dans le champ, par Angelo Montonati, BR> éd. Médiaspaul, Paris, 1989. 

Dom Antoine Marie osb, abbé

 

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Date de dernière mise à jour : 2021-07-04