Passioniste de Polynésie

ENSEIGNEMENT 3 Le pardon fraternel

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INTRODUCTION

Cet enseignement sur le pardon fraternel fait suite au premier du mois de juillet sur la Miséricorde de Dieu et le sacrement de réconciliation. En réalité, il en est la suite logique et les deux sont indissociables.

Parce que Dieu est Miséricordieux et qu’il nous pardonne inconditionnellement, nous devons à notre tour pardonner sans condition le prochain, qui qu’il soit. Si Dieu n’a pas mis de limites à sa Miséricorde, qui sommes-nous pour en mettre à l’égard de nos frères et sœurs en humanité ?

Dans la prière des baptisés, le Notre Père, cela est clairement exprimé :

« Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés »

C’est ce que nous demandons à chaque fois que nous prions le Notre-Père.

Le Youcat au numéro 524 nous rappelle cette indissociabilité du Pardon de Dieu et du pardon du prochain :

« Le pardon miséricordieux – celui que nous devons accorder aux autres et celui que nous demandons pour nous-mêmes – est indivisible. Si nous ne sommes pas nous-mêmes miséricordieux envers les autres, et que nous ne pardonnons pas, la miséricorde de Dieu ne pas pénétrer dans notre cœur. »

La demande que nous exprimons au Père dans le Notre Père est l’expression la plus directe de notre désir de répondre au commandement que Jésus nous a donné :

« Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Jean 15, 12

Alors :

« Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés »

Amour et Miséricorde sont synonymes dans ce cas.

Cet enseignement sera subdivisé comme suit :

  • Principale source scripturale
  • Définition du pardon
  • La puissance du Pardon
  •  

 

I.Principale source scripturale dans les évangiles

C’est dans l’évangile de Matthieu que se trouve la principale référence sur la question du pardon fraternel :

« Si ton frère a péché [contre toi], va et reprends-le seul à seul. S'il t'écoute, tu as gagné ton frère. Mais s'il ne t'écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l'affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins. S'il refuse de les écouter, dis-le à l'Eglise; et s'il refuse aussi d'écouter l'Eglise, qu'il soit à tes yeux comme le membre d'un autre peuple et le collecteur d'impôts. Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre aura été lié au ciel et tout ce que vous délierez sur la terre aura été délié au ciel.

Je vous dis encore que si deux d'entre vous s'accordent sur la terre pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père céleste. En effet, là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux. » 

Alors Pierre s'approcha de Jésus et lui dit : « Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu'il péchera contre moi ? Est-ce que ce sera jusqu'à 7 fois ?» Jésus lui dit : « Je ne te dis pas jusqu'à 7 fois, mais jusqu'à 70 fois 7 fois. » C'est pourquoi, le royaume des cieux ressemble à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. Quand il se mit à l'oeuvre, on lui en amena un qui devait 10'000 talents. Comme il n'avait pas de quoi payer, son maître ordonna de le vendre, lui, sa femme, ses enfants et tout ce qu'il avait, afin d'être remboursé de cette dette. Le serviteur se jeta par terre et se prosterna devant lui en disant : « Seigneur, prends patience envers moi et je te paierai tout.' Rempli de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit la dette.

 Une fois sorti, ce serviteur rencontra un de ses compagnons qui lui devait 100 pièces d'argent. Il l'attrapa à la gorge et se mit à l'étrangler en disant : 'Paie ce que tu me dois. Son compagnon tomba à ses pieds en le suppliant : « Prends patience envers moi et je te paierai. » Mais l'autre ne voulut pas et le fit jeter en prison jusqu'à ce qu'il ait payé ce qu'il devait. 

A la vue de ce qui était arrivé, ses compagnons furent profondément attristés, et ils allèrent raconter à leur maître tout ce qui s'était passé. Alors le maître fit appeler ce serviteur et lui dit : « Serviteur méchant, je t'avais remis en entier ta dette parce que tu m'en avais supplié. Ne devais-tu pas, toi aussi, avoir pitié de ton compagnon comme j'ai eu pitié de toi ? » Et son maître, irrité, le livra aux bourreaux jusqu'à ce qu'il ait payé tout ce qu'il devait.

C'est ainsi que mon Père céleste vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur. » Matthieu 18, 15-35

Comme il n’y a pas de pardon sans amour, ce passage de l’évangile de Matthieu trouve lui-même sa source dans le commandement de l’Amour que nous avons mentionné dans l’introduction :

« Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Jean 15, 12

 

II.Définition et nature du pardon

a)Définition

Pardonner : Donner par-dessus… l’offense, la faute commise, la blessure

Si l'on prend le dictionnaire, on y trouve la définition suivante :

  • Pardon : rémission d'une faute d'une offense,
  • Pardonner : renoncer à punir une faute, à se venger d'une offense ; avoir de l'indulgence pour excuser ; accepter sans dépit, sans jalousie.
  • Pardonner à quelqu'un : cesser d'entretenir à son égard de la rancune ou de l'hostilité pour ses fautes.

 

Cette dernière définition comprend deux aspects : pardonner à l'autre, pardonner à soi-même. Le pardon, par ailleurs, comprend trois volets différents :

  • le pardon demandé,
  • le pardon reçu, accepté,
  • le pardon accordé. Le pardon a donc de multiples facettes !

Pardonner : Donner par-dessus… l’offense, la faute commise, la blessure, etc.

Selon la nature de l’offense commise, il y a des pardons plus faciles que d’autres à donner. Cependant, d’une manière générale, pardonner n’est pas chose simple. Cela nécessite parfois un long travail sur soi, beaucoup de persévérance et du temps avant de pouvoir pardonner.

Il est bon ici de bien insister sur ce que le pardon n’est pas, pour mieux comprendre ce qu’il est :

Pardonner ne signifie pas excuser l'attitude de la personne qui a offenséce n'est pas non plus nier l'acte qui a été fait mais c'est bien plutôt passer outrePardonner nécessite beaucoup d'amour et une volonté de gracier la personne qui a commis la faute ; de lui remettre sa dette.

b)Pardonner, un acte divin

Notre nature humaine nous incline difficilement à pardonner une personne lorsqu'elle nous a blessé, que ce soit par une parole ou par un acte. Humainement nous éprouvons l'envie de nous venger ou bien nous gardons en nous ce qui a été dit ou fait et l'amertume alors grandit et la relation avec l'autre est rompue, l'animosité s'installe et les mauvaises pensées remplacent celles que Dieu met dans nos cœurs. Alors que faire pour éviter cela ? Il n'y a que l'intervention de Dieu dans nos vies par le Saint Esprit qui nous aidera à accorder le pardon de manière véritable comme le Seigneur le fait pour nous chaque fois que nous péchons.

Malgré toute notre bonne volonté, le cœur humain ne peut pas oublier et sans l'amour de Dieu en nous, sans l'onction du Saint Esprit, il est difficile de pardonner. 

La Bible nous dit : Matthieu 6.12 « Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés». Cette parole est toujours valable et immuable. Dieu attend de nous que nous pardonnions aux autres tout comme lui nous accorde son pardon, c'est-à-dire avec vérité et sans rien attendre en retour. Nous devons mettre tout notre cœur à regarder celui qui nous a offensé comme le Seigneur le ferait à notre place. Nous devons le voir avec un regard spirituel et un amour spirituel que seul Dieu peut nous donner par le Saint Esprit qui vit en nous.

Pardonner véritablement est donc bel et bien un acte divin.

c)Pourquoi pardonner ?

Il n’y a pas d’autre raison que l’Amour, et l’Amour de Dieu. C’est parce que Dieu nous a aimé et pardonné en premier qu’il nous commande de pardonner à ceux qui nous offenses.

L’évangile de saint Matthieu au chapitre 18, versets 15 à 35 est la meilleure réponse à la question du pourquoi pardonner.

Je le rappelle, Amour et Miséricorde sont synonymes et autant il n’y a pas d’amour sans pardon, autant il n’y a pas de pardon sans amour.

Ce n’est pas pour rien que Jésus nous a donné le commandement de l’Amour/

« Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Jean 15, 12

Un commandement n’est pas une option, mais bien une obligation, un devoir. Par conséquent, pardonner (le pardon fraternel) est bel et bien un devoir d’amour, qui doit s’appliquer sans compromis possible.

d)Quand pardonner ?

« Alors Pierre s'approcha de Jésus et lui dit : « Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu'il péchera contre moi ? Est-ce que ce sera jusqu'à 7 fois ?» Jésus lui dit : « Je ne te dis pas jusqu'à 7 fois, mais jusqu'à 70 fois 7 fois. »

Dans le langage biblique, 70 fois 7 fois, signifie indéfiniment. Je l’ai dit dans l’introduction : Dieu n’a mis aucune limite à sa Miséricorde (sauf celles que nous, nous lui mettons). Qui sommes donc pour en mettre vis-à-vis de nos frères et sœurs. 

Le commandement de l’amour est clair et sans compromis : il nous faut pardonner autant de fois que ce peut.

Quand nous avons du mal à pardonner à quelqu’un une offense, quelle qu’elle soit, souvenons-nous que nous avons-nous-mêmes été pardonnés en premier par Dieu.

e) Qui pardonner ?

Même réponse qu’au point précédent : il n’y a pas d’exclusion ni de limitation. L’Amour ne sélectionne pas. Dieu aime infiniment chaque être humain sans exception. Puisque, par notre baptême nous sommes enfants de Dieu, à nous aussi il nous est demandé d’aimer notre prochain sans exception aucune.  

f) Quoi pardonner ?

Autrement formulé : il y a-t-il des pardonnables et des impardonnables ?

La réponse est nette : NON ! Il n’existe pas d’impardonnables, sauf….

« C'est pourquoi je vous dis : tout péché et tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit ne sera point pardonné. Quiconque parlera contre le Fils de l'homme, il lui sera pardonné ; mais quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir (Mt 12, 31-32)3

Quel est donc ce péché contre l’Esprit Saint pour qu’il soit à ce point impardonnable ?

Le Catéchisme de l’Eglise catholique nous en donne une explication : « Il n’y a pas de limites à la miséricorde de Dieu, mais qui refuse délibérément d’accueillir la miséricorde de Dieu par le repentir rejette le pardon de ses péchés et le salut offert par l’Esprit Saint. Un tel endurcissement peut conduire à l’impénitence finale et à la perte éternelle. »

Une chose est sûre, du côté de l’humain, il n’y a aucun impardonnable.

III.Le pardon fraternel

Le terme fraternel parle de lui-même : c’est parce que nous sommes, par notre baptême, enfants d’un même Père que nous sommes frères et sœurs, donc en relation les uns avec les autres.

Nous sommes des êtres faits et créés pour la relation.

a)Les trois niveaux de la relation :

  • La relation à Dieu

De la qualité de ma relation à Dieu, dépend la qualité relationnelle des deux autres niveaux 

  • La relation à l’autre (le prochain)
  • La relation à soi-même

Le commandement de l’Amour dans sa version la plus complète, fait état de ces trois niveaux de la relation :

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force ; et ton prochain comme toi-même. » (Lc 10, 27)

b)Les trois niveaux du pardon

  • Le pardon de Dieu et la réconciliation avec Lui

Nous l’avions vu dans le premier enseignement sur la miséricorde de Dieu et le sacrement de réconciliation, le péché blesse ou brise tout d’abord la relation avec Dieu. Le sacrement de réconciliation la rétablit entièrement.

Nous n’insisterons pas davantage sur ce premier niveau dans le présent enseignement, vu qu’il a déjà été abordé.

  • Le pardon avec l’autre (ou le prochain)

Au même titre que pour le premier niveau, pour qu’il y ait pardon, il faut que la relation avec l’autre ait été blessée ou brisée. Cette blessure/cassure relationnelle résulte inévitablement d’un acte concret d’un sujet vers un autre.

  • Le pardon de soi-même

C’est incontestablement le moins évident des trois niveaux, mais son importance n’en n’est pas moindre.

c) Vivre le pardon avec l’autre

Nos relations humaines, quelles qu’elles soient, sont loin d’être simples. C’est d’ailleurs souvent sur ce terrain que nous sommes le plus fragiles et maladroits. C’est là également que nous faisons l’expérience, souvent navrante, de notre faiblesse, voire de notre incapacité à aimer véritablement notre prochain, comme Jésus nous le commande.

C’est aussi au cœur de nos relations humaines que nous sommes amenés à vivre l’expérience du pardon, et Dieu seul sait que c’est souvent très difficile, pour ne pas dire impossible dans certaines situations. Rappelons-nous ici que le pardon est d’abord un acte divin.

Il n’y a pas de meilleure école pour apprendre à aimer véritablement, comme Dieu aime, que nos relations humaines.

d) Les trois volets du pardon

  • Le pardon demandé*

C’est le premier mouvement, et incontestablement les plus difficile à faire pour celui qui a à demander pardon.

Il demande d’abord de l’humilité (reconnaître et prendre sa part de responsabilité dans l’offense, oser faire un premier pas, sans attendre que l’autre le fasse. Dans ce cas, les deux peuvent s’attendre très longtemps, voire toute leur vie.

C’est le premier pas qui demande le plus de courage et de volonté : on ne sait pas comment cette demande sera accueillie

  • Le pardon reçu et accepté

La personne à qui est faite la demande, l’accueille et l’accepte, mais ne se sent pas encore pleinement disposée à franchir le pas du pardon. Cette deuxième étape est toutefois une grande avancée dans le cheminement vers le pardon. A ce stade, le plus dur est en général passé.

  • Le pardon accordé

C’est la remise de dette de la parabole ce dessus. Les compteurs sont remis à zéro, et la personne peut recommencer à vivre normalement. C’est le lieu de la réconciliation et du rétablissement de la relation.

e)La puissance du pardon fraternel

Tous nous en avons fait l’expérience à un moment ou à un autre : le pardon est une véritable puissance de vie :

  • Il libère
  • Il guérit
  • Il rend la vie
  • Il sauve

 

f)Le pardon de soi

C’est le moins évident des trois niveaux, car il se joue souvent au niveau de l’inconscient.

Pourtant cette étape est tout à fait essentielle.

  • Comment puis-je aimer Dieu et l’autre si je me déteste ?
  • Je ne peux donner que ce que j’ai déjà reçu.

 

IV.Le pardon dans la vie communautaire

Il existe bien des façons de former une communauté de vie. Nous ne parlons pas ici seulement de la vie communautaire religieuse, mais bien de toutes les réalités qui peuvent mener des personnes (au moins deux) à vivre ensemble : le couple, la famille, le lieu de travail, etc.

Ces lieux de vies communes sont des lieux d’entrainement par excellence pour apprendre à aimer et pratiquer le pardon. Dans le cas présent, nous nous arrêterons sur le couple et la vie de famille, car ils sont à mon sens les plus représentatifs.

a)Le pardon et la vie de couple

  • Passer du temps ensemble
  • Se parler en vérité / dialoguer
  • Ne jamais accuser
  • Ne pas s’endormir sur des colères, des incompréhensions
  • Ne pas laisser les « grains de sables » s’accumuler
  • Se demander pardon chaque jour
  • Eviter le piège de la routine, de l’habitude

 

b)Le pardon et la vie de famille

  • Passer du temps ensemble (Gratuité)
  • Oser se parler en vérité
  • Ne pas s’endormir sur des colères, des incompréhensions
  • Ne pas laisser les « grains de sables » s’accumuler, qui risqueraient d’enrayer les mécanismes de la vie familiale
  • Oser se demander pardon

 

Quelle que soit la forme de vie communautaire qui est la nôtre, le pardon est essentiel. Il est un peut comme un ciment qui consolide peu à peu les relations.

V.Quelques écueils à éviter

  • Eviter l’accusation
  • Eviter l’interprétation (éviter de se faire des films)
  • Eviter la routine
  • Eviter les jugements hâtifs et sans fondement
  • Eviter d’enfermer l’autre dans ses faiblesses, ses défauts, son passé, etc.

 

VI.Quelques trucs à mettre en place

  • Se demander pardon sans tarder
  • Relativiser
  • Dialoguer/se parler, etc

 

P Olivier Mondon 
septembre 2020

Date de dernière mise à jour : 2020-09-16