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Clément d Alexandrie quelques écrits
Clément d Alexandrie (150-vers 215), théologien
Liste des lectures
Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger
Votre Père qui est aux cieux ne veut pas qu'un seul de ces petits soit perdu
La lumière est venue dans le monde
Demandez et vous recevrez : ainsi vous serez comblés de joie
Ils se sont convertis en réponse à la prédication de Jonas, et il y a ici bien plus que Jonas
Qui accueille en mon nom cet enfant, c’est moi qu'il accueille
Je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance
Le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent
Ecoute, mon peuple...; je t'adjure, moi ton Dieu
Celui qui agit selon la vérité vient à la lumière
La loi nouvelle inscrite dans le cœur des hommes
Le chant nouveau : « Anne proclamait les louanges de Dieu
« La sagesse de Dieu se révèle juste » : Dieu nous appelle à la conversion
Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu
Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ?
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Clément d Alexandrie (150-vers 215), théologien
« Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger »
Sauver est un acte de bonté. « La pitié du Seigneur est pour toute chair ; il fait des reproches, il forme, il enseigne, comme un berger le fait avec son troupeau. Il a pitié de ceux qui reçoivent sa formation et qui s'empressent de s'unir à lui » (Si 18,13s)...
Les gens en bonne santé n'ont pas besoin du médecin, tant qu'ils vont bien ; les malades au contraire recourent à son art. De la même manière, dans cette vie, nous sommes malades par nos désirs répréhensibles, par nos intempérances...et autres passions : nous avons besoin d'un Sauveur... Nous les malades, nous avons besoin du Sauveur ; égarés, nous avons besoin de celui qui nous guidera ; aveugles, de celui qui nous donnera la lumière ; assoiffés, de la source d'eau vive dont « ceux qui en boiront n'auront plus jamais soif » (Jn 4,14). Morts, nous avons besoin de la vie ; troupeau, du berger ; enfants, d'un éducateur : oui, toute l'humanité a besoin de Jésus...
« Je panserai celui qui est boiteux et je guérirai celui qui est accablé ; je convertirai l'égaré et je les ferai paître sur ma montagne sainte » (Ez 34,16). Telle est la promesse d'un bon berger. Fais-nous paître comme un troupeau, nous les tout-petits ; maître, donne-nous avec abondance ta pâture, qui est la justice ! Sois notre berger jusqu'à ta montagne sainte, jusqu'à l'Église qui s'élève, qui domine les nuages, qui touche aux cieux. « Et je serai, dit-il, leur berger et je serai près d'eux » (cf Ez 34)... « Je ne suis pas venu, dit-il, pour être servi mais pour servir. » C'est pourquoi l'Évangile nous le montre fatigué, lui qui se fatigue pour nous et qui promet « de donner son âme en rançon pour une multitude » (Jn 4,5; Mt 20,28).
Le Pédagogue, I, 9 ; SC 70 (trad. Brésard 2000 ans A, p. 136 rev.)
« Votre Père qui est aux cieux ne veut pas qu'un seul de ces petits soit perdu »
L'Écriture nous appelle tous des « enfants » ; lorsque nous nous mettons à suivre le Christ, nous recevons le nom de « tout-petits » (Mt 18,3; 19,13; Jn 21,5)... Qui donc est notre éducateur, notre pédagogue, à nous, les tout-petits ? Il s'appelle Jésus. Il se donne lui-même le nom de berger ; il se dit « le bon berger » (Jn 10,11). Il établit une comparaison entre les bergers qui guident leurs brebis et lui-même, le pédagogue qui dirige les petits enfants, le berger plein de sollicitude pour les tout-petits qui, dans leur simplicité, sont comparés à des brebis. « Et ils seront tous, dit-il, un seul troupeau, car il y aura un seul berger » (Jn 10,16). Notre pédagogue, c'est donc naturellement le Verbe, la Parole de Dieu, car il nous conduit vers le salut. C'est ce qu'il a dit clairement par la bouche du prophète Osée : « Je suis votre éducateur » (5,2 LXX).
Quant à sa pédagogie, c'est la religion : elle nous enseigne le service de Dieu, nous forme à la connaissance de la vérité, nous conduit droit au ciel... Le navigateur dirige le bateau avec l'intention de mener les passagers à bon port ; de même, notre pédagogue indique aux enfants de Dieu le mode de vie qui conduit au salut, en raison de sa sollicitude pour nous... Celui qui nous conduit donc, c'est le Dieu saint, Jésus, la Parole de Dieu, guide de l'humanité entière ; Dieu lui-même nous conduit, dans son amour pour nous... Pendant l'Exode, le Saint Esprit dit de lui : « Il a fourni tout le nécessaire à son peuple dans le désert, dans la soif ardente, dans les lieux arides ; il l'a entouré, il l'a éduqué, il l'a gardé comme la prunelle de son œil. Comme un aigle veille sur sa couvée, il a étendu ses ailes sur son peuple ; il l'a pris et l'a porté. Le Seigneur était seul à le conduire » (Dt 32,10-12).
Le Pédagogue, I, 53-56 ; SC 70 (trad. cf SC p. 207 et coll. Les Pères dans la foi, n° 44-45, p. 69)
« Celui qui donnera à boire à l'un de mes disciples, même un simple verre d'eau fraîche, ne perdra pas sa récompense » (Mt 10,42)... C'est le seul salaire qui ne perdra pas sa valeur un jour : « Faites-vous des amis avec le malhonnête argent, afin qu'au jour où vous disparaîtrez, ils vous reçoivent dans les demeures éternelles ». Les richesses dont nous disposons ne doivent pas ne servir qu'à nous ; avec des biens injustes on peut faire une œuvre juste et salutaire, et soulager l'un de ceux que le Père a destinés à ses demeures éternelles... Qu'elle est admirable, cette parole de l'apôtre Paul : « Dieu aime celui qui donne avec joie » (2Co 9,7), celui qui fait l'aumône de bon cœur, qui sème sans compter afin de moissonner aussi abondamment, et qui partage sans murmure, hésitation ou réticence... Et il est encore plus grand, ce mot que le Seigneur dit ailleurs : « Donne à quiconque te demande » (Lc 6,30)...
Réfléchis alors à la récompense magnifique promise à ta générosité : les demeures éternelles. Quel beau commerce ! Quelle affaire extraordinaire ! On achète l'immortalité pour de l'argent ; on échange les biens caducs de ce monde contre une demeure éternelle dans les cieux ! Si donc, vous les riches, vous avez de la sagesse, appliquez-vous à ce commerce... Pourquoi vous laissez fasciner par des diamants et des émeraudes, par des maisons que le feu dévore, que le temps écroule, qu'un tremblement de terre renverse ? N'aspirez qu'à vivre dans les cieux et à régner avec Dieu. Un homme, un pauvre, vous donnera ce royaume... D'ailleurs, le Seigneur n'a pas dit : « Donnez, soyez généreux et larges, secourez vos frères », mais « Faites-vous des amis ». L'amitié ne naît pas d'un seul don, mais d'une longue familiarité. Ni la foi, ni la charité, ni la patience ne sont l'œuvre d'un jour : « mais celui qui aura persévéré jusqu'au bout sera sauvé » (Mt 10,22).
Sermon « Quel riche peut être sauvé ? », § 31 (trad. coll. Icthus, t. 6, p. 45 rev.)
"Prions Dieu, non pas en des jours choisis, comme d'autres le font, mais continuellement pendant toute la vie et par tous les moyens. Ce n'est pas en un lieu déterminé, ni dans un sanctuaire choisi, ni non plus en des fêtes et des jours fixes, mais toute sa vie que le chrétien, en tout lieu, qu'il se trouve seul ou en compagnie de gens de même foi, honore Dieu, c'est-à-dire confesse sa gratitude pour la connaissance et son mode de vie.
Si la présence d'un homme de bien façonne celui qui le fréquente en l'améliorant sans cesse, par l'effet d'un sentiment de révérence et de respect, à plus forte raison celui qui est toujours en présence de Dieu par la connaissance, par la vie et par l'action de grâces, sans relâche, ne deviendra-t-il pas à chaque instant meilleur qu'il ne l'était à tous égards, dans ses oeuvres, ses paroles et ses dispositions ?
Passant donc notre vie entière comme une fête, convaincus que Dieu est présent absolument partout, nous cultivons les champs en célébrant des louanges, nous naviguons en chantant des hymnes, et nous nous conduisons dans toute notre vie selon les règles. Quant au chrétien, il jouit d'une intimité plus étroite avec Dieu, à la fois sérieux et joyeux en toutes circonstances, sérieux parce qu'il est tourné vers le divin, joyeux parce qu'il fait le compte des biens propres à l'humanité dont Dieu nous fait le don.
(Stromates, III, 7, 35, 1-7, Sources chrétiennes n° 428, pp. 129-131)
"Il ne faut pas rejeter les biens susceptibles d’aider notre prochain. La nature des possessions est d’être possédées. Celle des biens est de répandre le bien et Dieu a destiné ces derniers au bien-être des hommes. Les biens sont entre nos mains comme des outils, des instruments dont on tire bon emploi si on sait les manier."
(Clément d’Alexandrie, Homélie "Quel riche peut être sauvé ?" 14, in Riches et Pauvres dans l’Eglise ancienne,
"Lettres chrétiennes", Bernard Grasset, 1962, p. 33).
"Dieu, je le sais bien, nous a donné la permission d'user des choses, mais dans les limites du nécessaire et il a voulu que cet usage soit commun à tous. Il est inconvenant qu'un seul jouisse quand beaucoup manquent. Combien plus glorieux est-il de répandre les bienfaits sur beaucoup, plutôt que de mener une vie de riche ! Combien plus intelligent de dépenser en faveur des hommes que pour des pierres précieuses et de l'or ! Combien plus utile que des ornements inanimés, de posséder des amis qui ornent votre vie ! Et à qui serait-il aussi profitable d'avoir des terres que de faire plaisir aux autres ?..."
(Le Pédagogue, 1 II, 12)
« La lumière est venue dans le monde »
« Le commandement du Seigneur est limpide, il clarifie le regard » (Ps 18,9). Reçois le Christ, reçois la capacité de voir, reçois la lumière, afin de connaître Dieu et l’homme… Recevons la lumière afin de recevoir Dieu…, recevons la lumière et devenons les disciples du Seigneur…, chassons l’ignorance et les ténèbres qui voilent notre regard comme un brouillard, contemplons le Dieu véritable… Alors que nous étions ensevelis dans les ténèbres et prisonniers de l’ombre de la mort (Mt 4,16; Is 42,7), du ciel une lumière plus pure que le soleil, plus douce que la vie d’ici-bas, a resplendi pour nous. Cette lumière est la vie éternelle, et tout ce qui y participe a la vie. La nuit redoute cette lumière ; de peur, elle disparaît, et fait place au jour du Seigneur ; tout est devenu lumière sans déclin.
L’occident s’est changé en orient ; c’est « la création nouvelle » (Ga 6,15; Ap 21,1). Car le « Soleil de justice » (Ml 3,20), qui passe partout dans sa course, visite tout le genre humain sans distinction. Il imite son Père qui « fait lever son soleil sur tous les hommes » (Mt 5,45) et il répand sur tous la rosée de la vérité… En crucifiant la mort, il l’a transformée en vie ; il a arraché l’homme à la perdition et l’a fixé dans les cieux ; il a transplanté ce qui était périssable pour le rendre impérissable ; il a changé la terre en ciel…
Il donne la vie de Dieu aux hommes par son enseignement divin, en « mettant ses lois dans leur pensée et en les inscrivant dans leur cœur… : tous connaîtront Dieu, des plus petits jusqu’aux plus grands, et je pardonnerai leurs fautes, dit Dieu, je ne me rappellerai plus leurs péchés » (Jr 31,33s). Accueillons donc les lois de la vie, obéissons à l’enseignement de Dieu, apprenons à le connaître.
Exhortation aux Grecs, 11, 113 ; GCS 1, 79 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 300 rev.)
« Demandez et vous recevrez : ainsi vous serez comblés de joie »
Vénérer et honorer celui que nous croyons être le Verbe, notre Sauveur et notre chef, et par lui le Père, tel est notre devoir, et non pas à certains jours particuliers comme d'autres le font, mais continuellement, pendant toute la vie, et de toutes les manières. « Sept fois le jour j'ai chanté ta louange » (Ps 118,164) s'écrie le peuple élu... Ce n'est donc pas en un lieu déterminé, ni dans un temple choisi, ni à certaines fêtes ou à certains jours fixes, mais c'est durant toute la vie, en tous lieux, que le vrai spirituel honore Dieu, c'est-à-dire proclame son action de grâces de connaître la vraie vie.
La présence d'un homme de bien, par le respect qu'il inspire, rend toujours meilleurs ceux qui le fréquentent. Combien plus celui qui est continuellement en présence de Dieu par la connaissance, la manière de vivre et l'action de grâces n'en deviendrait-il pas chaque jour meilleur en tout : actions, paroles et dispositions ?... Vivant donc toute notre vie comme une fête, dans la certitude que Dieu est totalement présent partout, nous labourons en chantant, nous naviguons au son des hymnes, nous nous comportons à la manière de « citoyens des cieux » (Ph 3,20).
La prière est, si j'ose dire, un entretien intime avec Dieu. Même si nous murmurons doucement et que, sans remuer les lèvres, nous parlons en silence, nous crions intérieurement. Et Dieu prête constamment l'oreille à cette voix intérieure... Oui, le vrai spirituel prie durant toute sa vie, car prier est pour lui effort d'union à Dieu et il rejette tout ce qui est inutile parce qu'il est parvenu à cet état où il a déjà reçu, en quelque sorte, la perfection qui consiste à agir par amour... Toute sa vie est une liturgie sacrée.
Stromates 7,7 ; PG 9, 450s (trad. Orval)
« Ils se sont convertis en réponse à la prédication de Jonas, et il y a ici bien plus que Jonas »
Repentons-nous ; convertissons-nous de l'ignorance à la vraie connaissance, de la folie à la sagesse, de l'injustice à la justice, de l'impiété à Dieu. Nombreux sont les biens qui en découlent, comme Dieu le dit lui-même chez Isaïe : « L'héritage est à ceux qui servent le Seigneur » (54,17). Non pas l'or et l'argent, ni ce que ronge le ver et dérobe le voleur (Mt 6,19), mais le trésor inestimable du salut... C'est cet héritage que met en nos mains le testament éternel par lequel Dieu nous assure ses dons. Ce Père qui nous aime tendrement ne cesse de nous exhorter, de nous éduquer, de nous aimer, et de nous sauver. « Soyez justes », dit le Seigneur. « Vous tous qui avez soif, venez vers l'eau. Vous qui n'avez pas d'argent, venez ; achetez et buvez sans argent » (Is 55,1). Il nous invite au bain qui purifie, au salut, à l'illumination... Les saints du Seigneur hériteront de la gloire de Dieu et de sa puissance, « une gloire que l'oeil n'a pas vu, ni l'oreille entendue, qui n'est pas montée jusqu'au coeur de l'homme » (1Co 2,9)...
Vous avez cette promesse divine de la grâce, et d'autre part vous avez entendu les menaces du châtiment : ce sont les deux voies par lesquelles le Seigneur sauve... Pourquoi tardons-nous ? Pourquoi n'accueillons-nous pas son don en choisissant le meilleur ?... « Voici que j'ai placé devant vous, dit-il, la mort et la vie » (Dt 30,15). Le Seigneur essaie de te faire choisir la vie ; il te conseille comme un père...
A qui le Seigneur dira-t-il : « Le Royaume des cieux est à vous » (Mt 5,3) ? Il est à vous, si vous le désirez, quand vous aurez choisi en faveur de Dieu. Il est à vous, si vous voulez seulement croire et suivre l'essentiel du message, comme les Ninivites ont écouté le message du prophète et ont obtenu, grâce à leur repentir sincère, un beau salut, au lieu de la ruine qui les menaçait.
Protreptique, ch. 10 (trad. SC 2, p. 152s rev)
« Qui accueille en mon nom cet enfant, c’est moi qu'il accueille »
« Leurs petits enfants, dit l'Ecriture, seront portés sur les épaules et consolés sur les genoux. Comme un enfant que sa mère console, moi aussi je vous consolerai » (Is 66,12-13). La mère attire à elle ses petits enfants et nous, nous cherchons notre mère, l'Eglise. Tout être faible et tendre, dont la faiblesse a besoin de secours, est gracieux, doux, charmant ; Dieu ne refuse pas son secours à un être si jeune. Les parents vouent une tendresse particulière à leurs petits... De même, le Père de toute la création accueille ceux qui se réfugient auprès de lui, les régénère par l'Esprit et les adopte pour ses fils ; il connaît leur douceur et c'est eux seuls qu'il aime, secourt, défend ; c'est pourquoi il les nomme ses petits enfants (cf Jn 13,33)…
Le Saint Esprit, parlant par la bouche d'Isaïe, applique au Seigneur lui-même le terme de petit enfant : « Voici qu'un petit enfant nous est né, un fils nous a été donné… » (Is 9,5). Quel est donc ce petit enfant, ce nouveau-né, à l'image de qui nous sommes de petits enfants ? Par le même prophète, l'Esprit nous décrit sa grandeur : « Conseiller admirable, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix » (v. 6).
O le grand Dieu ! O l'enfant parfait ! Le Fils est dans le Père et le Père est dans le Fils. Pourrait-elle n'être pas parfaite, l'éducation que donne ce petit enfant ? Elle nous englobe tous pour nous guider, nous, ses petits enfants. Il a étendu sur nous les mains, et nous avons mis en elles toute notre foi. A ce petit enfant, Jean Baptiste rend témoignage lui aussi : « Voici, dit-il, l'agneau de Dieu » (Jn 1,29). Puisque l'Écriture nomme agneaux les tout petits enfants, il a appelé « agneau de Dieu » le Verbe Dieu qui pour nous s'est fait homme et a voulu être en tout semblable à nous, lui, le Fils de Dieu, le petit enfant du Père.
Le Pédagogue, I, 21-24 (trad. Migne 1991, p. 45)
Dans le sommeil il faut être prêt à se réveiller facilement. En effet l'Écriture dit : « Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. Soyez semblables à des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, afin de lui ouvrir dès qu'il arrivera et frappera » (Lc 12,35-36). Car un homme endormi ne sert à rien de plus que celui qui est mort. C'est pourquoi il faut se lever fréquemment pendant la nuit pour bénir Dieu.
Heureux ceux qui veillent pour lui ; ils se rendent pareils aux anges que nous appelons des « veilleurs ». Un homme endormi ne vaut rien, pas plus qu'un homme sans vie. Mais celui qui a la lumière est éveillé et les ténèbres n'ont pas de prise sur lui, ni le sommeil, tout comme les ténèbres. Il est donc éveillé à Dieu, celui qui a été illuminé, et celui-là vit, car « ce qui a été fait en lui c’était la vie » (Jn 1,4). « Heureux l'homme, dit la Sagesse, qui m'écoutera, et celui qui sera fidèle à mes voies, veillant à ma porte jour après jour et gardant le seuil de ma maison » (Pr 8,34).
Donc, « ne nous endormons pas comme le reste des hommes, mais restons éveillés et sobres », ainsi que le dit l'Écriture. « Car ceux qui dorment dorment la nuit, et ceux qui s'enivrent le font la nuit », c'est-à-dire dans l'obscurité de l'ignorance. « Mais nous puisque nous appartenons au jour, soyons sobres » (1Th 5,6-8). « Car vous tous vous êtes des fils de la lumière et du jour ; nous n'appartenons pas à la nuit ni aux ténèbres » (1Th 5,5).
Le Pédagogue, II, 9 (trad. cf. SC 108 et Migne 1991, p. 183)
« Je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance »
Malades, nous avons besoin du Sauveur ; égarés, de celui qui nous conduira ; assoiffés, de la source d'eau vive ; morts, nous avons besoin de la vie ; brebis, du berger ; enfants, de l’éducateur ; et toute l'humanité a besoin de Jésus…
Si vous le voulez, nous pouvons comprendre la suprême sagesse du très saint pasteur et éducateur, qui est le Tout-Puissant et le Verbe du Père, lorsqu'il se sert d’une allégorie et se dit le pasteur des brebis ; mais il est aussi l'éducateur des tout-petits. C'est ainsi qu’il s'adresse longuement aux anciens, par l'intermédiaire d'Ezéchiel, et qu'il leur donne l'exemple de sa sollicitude : « Je soignerai celui qui est boiteux, et je guérirai celui qui est accablé ; je ramènerai celui qui s'est égaré, et je les ferai paître sur ma montagne sainte » (Ez 34,16). Oui, maître, conduis-nous vers les gras pâturages de ta justice. Oui, toi notre éducateur, sois notre pasteur jusqu'à ta montagne sainte, jusqu'à l'Eglise qui s'élève au-dessus des nuages, qui touche aux cieux. « Et je serai leur pasteur, dit-il, et je serai près d'eux » (Ez 34,12). Il veut sauver ma chair en la revêtant de la tunique d'incorruptibilité... « Ils m'appelleront, dit-il, et je dirai : Me voici » (Is 58,9)...
Tel est notre éducateur ; il est bon avec justice. « Je ne suis pas venu pour être servi, dit-il, mais pour servir » (Mt 20,28). C'est pourquoi, dans l'Évangile, on nous le montre fatigué (Jn 4,5), lui qui se fatigue pour nous, et qui promet de « donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20,28). Il affirme que seul le bon pasteur agit ainsi. Quel donateur magnifique, qui donne pour nous ce qu'il a de plus grand : sa vie! Quel bienfaiteur, l'ami des hommes, qui a voulu être leur frère plutôt que leur Seigneur ! Et il a poussé la bonté jusqu'à mourir pour nous.
Le Pédagogue, 9,83s ; (trad. SC 70, p. 258 ; cf Delhougne, p.63)
Clément d Alexandrie (150-vers 215), théologien
« Je suis la lumière du monde »
Quand toi, Seigneur Jésus, tu me conduis à la lumière, et que je trouve Dieu grâce à toi, et que de toi je reçois le Père, je deviens ton cohéritier (Rm 8,17), puisque tu n'as pas rougi de m'avoir comme frère (He 2,11). Enlevons donc l'oubli de la vérité, enlevons l'ignorance ; et ayant dissipé les ténèbres qui nous enveloppent comme un nuage sur les yeux, contemplons le Dieu véritable, en proclamant : « Salut, lumière véritable ! »
Car la lumière s'est levée sur nous qui avons été plongés dans les ténèbres et enfermés dans l'ombre de la mort (Lc 1,79), lumière plus pure que le soleil, et plus belle que cette vie d'ici bas. Cette lumière est la vie éternelle, et ils vivent, tous ceux qui y participent. La nuit fuit la lumière et, se cachant par peur, cède au jour du Seigneur. La lumière qui ne peut être éteinte s'est répandue partout, et l'Occident a rejoint l'Orient. Voilà ce que signifie la « création nouvelle ». En effet, le soleil de justice (Ml 3,20) qui illumine toutes choses resplendit sur tout le genre humain, à l'exemple de son Père qui fait lever son soleil sur tous les hommes (Mt 5,45) et les arrose de la rosée de la vérité.
Stromates (trad. Ephata III, p. 1386 alt.)
« Tous ceux qui l'ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu »
Contemple les mystères de l'amour, alors tu verras « le sein du Père » que, seul, « le Fils unique nous a fait connaître », lui qui est Dieu (Jn 1,18). Dieu lui-même est amour (1Jn 4,8), et, à cause de cet amour, il s'est laissé voir par nous. Dans son être inexprimable, il est Père ; dans sa compassion pour nous, il est devenu Mère. En aimant, le Père se montre aussi féminin. La preuve éclatante en est celui qu'il engendre de lui-même. Et ce Fils, fruit de l'amour, est amour. A cause de cet amour, il est descendu lui-même. A cause de cet amour, il a revêtu notre humanité. A cause de cet amour, librement, il a souffert tout ce qui relève de la condition humaine. Ainsi, en se mettant à la mesure de notre faiblesse, à nous qu'il aimait, il nous a mis en retour à la mesure de sa force à lui. Sur le point de s'offrir en sacrifice et de se donner lui-même comme prix de la rédemption, il nous a laissé un testament nouveau : « Je vous donne mon amour » (cf Jn 13,34; 14,27). Quel est cet amour ? Quelle valeur a-t-il ? Pour chacun de nous, « il a livré sa vie » (1Jn 3,16), une vie plus précieuse que l'univers entier
Homélie « Quel riche peut être sauvé ? », 37 (trad. Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, t. 6, p. 130 rev.)
« Le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent »
Le rôle du Christ, notre Pédagogue, est, comme son nom l'indique, de conduire des enfants. Il reste à examiner de quels enfants veut parler l'Écriture, puis à leur donner leur Pédagogue. Les enfants, c'est nous. L'Écriture nous célèbre de bien des façons ; elle se sert d'images diverses pour nous désigner, colorant de mille tons la simplicité de la foi. Il est dit dans l'Évangile : « Le Seigneur s'arrêta sur le rivage et s'adressa à ses disciples –- ils pêchaient –- : ' Mes petits enfants, n'avez-vous pas de poisson ? ' » (Jn 21,4-5) C'étaient ses disciples qu'il appelait enfants. « On lui amena de petits enfants pour qu'il leur impose les mains et les bénisse. Comme ses disciples les repoussaient, Jésus dit : ' Laissez les petits enfants ; ne les empêchez pas de venir à moi, car le Royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent ' ». Le Seigneur lui-même éclaire le sens de cette parole en disant : « Si vous ne changez pas pour devenir semblables à ces petits enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Mt 18,3). Cela ne désigne pas la régénération, mais propose à notre imitation la simplicité des enfants... On peut vraiment les nommer des enfants, ceux qui ne connaissent que Dieu leur Père –- des nouveau-nés, simples et purs... Ce sont des êtres qui ont progressé dans le Verbe, qu'il invite à se détacher des préoccupations d'ici-bas pour écouter seulement leur Père, en imitant des petits enfants. C'est pourquoi il leur dit : « Ne vous inquiétez pas du lendemain ; à chaque jour suffit sa peine » (Mt 6,34). Voilà comment il nous exhorte à nous dégager des soucis d'ici-bas pour nous attacher seulement à notre Père. Celui qui pratique ce commandement est réellement un nouveau-né, un enfant pour Dieu et pour le monde, car celui-ci le considère comme ignorant tout et celui-là un objet de tendresse
Le Pédagogue, I, 12, 17 ; SC 70 (trad. coll. Pères dans la foi, n°44, 1991, p. 37s rev.)
« Ecoute, mon peuple...; je t'adjure, moi ton Dieu » (Ps 49,7)
« Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs comme aux jours dans le désert, où vos pères m'ont mis à l'épreuve... Jamais ils n'entreront dans mon repos » (Ps 94,7-11). La grâce de la promesse de Dieu est abondante, si aujourd'hui nous écoutons sa voix, car cet aujourd'hui s'étend à chaque jour nouveau aussi longtemps qu'on dira « aujourd'hui ». Cet aujourd'hui demeure jusqu'à la fin des temps, ainsi que la possibilité d'apprendre. A ce moment-là le véritable aujourd'hui, le jour sans fin de Dieu, se confondra avec l'éternité. Obéissons donc toujours à la voix du Verbe divin, la Parole de Dieu faite chair, car l'aujourd'hui de toujours est l'image de l'éternité et le jour est le symbole de la lumière ; or le Verbe est pour les hommes la lumière (Jn 1,9) dans laquelle nous voyons Dieu. Il est donc naturel que la grâce surabonde pour ceux qui ont cru et obéi, mais contre ceux qui ont été incrédules..., qui n'ont pas reconnu les voies du Seigneur..., il est naturel que Dieu soit irrité contre eux et qu'il les menace... Ainsi les Hébreux ont erré dans le désert ; ils ne sont pas entrés dans le lieu du repos à cause de leur incrédulité... Parce qu'il aime les hommes, le Seigneur les invite tous « à la connaissance de la vérité » (1Tm 2,4), et il leur envoie l'Esprit Saint, le Paraclet... Écoutez donc, vous qui êtes loin et vous qui êtes proches (Ep 2,17). Le Verbe ne se cache de personne. Il est notre lumière commune, il brille pour tous les hommes. Hâtons-nous donc vers le salut, vers la nouvelle naissance. Hâtons-nous de nous réunir nombreux dans un seul troupeau, dans l'unité de l'amour. Et cette multitude de voix..., obéissant à un seul maître, le Verbe, trouvera son repos en la Vérité même et pourra dire « Abba, Père » (Rm 8,15)
Protreptique, 9 ; PG 8, 195-201 (trad. SC 2, p. 143, cf Orval)
« Une seule chose te manque »
Il y a une richesse qui sème la mort partout où elle domine : libérez-vous-en et vous serez sauvés. Purifiez votre âme, rendez-la pauvre pour pouvoir entendre l'appel du Sauveur qui vous redit : « Viens et suis-moi ». Il est la voie où marche celui qui a le cœur pur : la grâce de Dieu ne se glisse pas dans une âme encombrée et déchirée par une multitude de possessions.
Celui qui regarde sa fortune, son or et son argent, ses maisons, comme des dons de Dieu, celui-là témoigne à Dieu sa reconnaissance en venant en aide aux pauvres avec ses biens. Il sait qu'il les possède plus pour ses frères que pour lui-même ; il reste maître de ses richesses au lieu d'en devenir esclave. Il ne les enferme pas en son âme, pas plus qu'il n'enserre sa vie en elles, mais il poursuit sans se lasser une œuvre toute divine. Et si un jour sa fortune vient à disparaître, il accepte sa ruine d'un cœur libre. Cet homme-là, Dieu le déclare bienheureux, il l'appelle « pauvre en esprit », héritier assuré du Royaume des Cieux (Mt 5,3)...
Il y a, à l'opposé, celui qui blottit sa richesse en son cœur, au lieu du Saint Esprit. Celui là garde en lui son argent ou ses terres ; il accumule sans fin sa fortune, et ne s'inquiète que d'amasser toujours davantage. Il ne lève jamais les yeux vers le ciel ; il s'embarrasse dans les pièges de ce monde, car il n'est que poussière et il retournera à la poussière (Gn 3,19). Comment peut-il éprouver le désir du Royaume, celui qui, au lieu du cœur, porte un champ ou une mine, lui que la mort surprendra fatalement au milieu de ses désirs déréglés ? « Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6,21).
Homélie « Quel riche peut être sauvé ? » (trad. cf coll. Icthus, t. 6, p. 34)
« Celui qui agit selon la vérité vient à la lumière »
À l'instant où nous sommes baptisés, nous sommes illuminés ; illuminés, nous devenons fils ; devenus fils, nous sommes rendus parfaits ; et rendus parfaits, nous recevons l'immortalité. « Je le dis, parole du Seigneur, vous êtes tous dieux et fils du Très-Haut ! » (Ps 81,6 ; cf Jn 10,34)
À cette action du baptême, on donne divers noms : on l'appelle grâce, illumination, bain, parachèvement. Bain, puisque nous y sommes purifiés de nos fautes ; grâce, puisque le châtiment dû pour nos péchés est levé ; illumination, puisque nous contemplons la sainte lumière de notre salut en laquelle nous pénétrons du regard les choses divines ; parachèvement, puisque rien ne manque. Que manquerait-il, en effet, à celui qui a connu Dieu ? Et comment pourrait-on appeler « grâce de Dieu » quelque chose qui ne serait pas parfait ? Car, étant lui-même parfait, Dieu ne saurait donner que des choses parfaites...
Le Pédagogue, 1,6 (trad. Brésard 2000 ans B )
La loi nouvelle inscrite dans le cœur des hommes
Nous avons les dix commandements, donnés par Moïse..., et tout ce que recommande la lecture des livres saints, dont ce qu'Isaïe nous a transmis : « Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez le mal devant mes yeux. Apprenez à faire le bien, recherchez ce qui est juste ; prenez la défense de l'opprimé, de la veuve, de l'orphelin. Venez et parlons ensemble, dit le Seigneur » (Is 1,16s)... Mais nous avons aussi les lois du Verbe, la Parole de Dieu, les paroles d'encouragement non écrites sur des tables de pierre par le doigt du Seigneur (Ex 24,12), mais inscrites dans le cœur des hommes (2Co 3,3)... Ces deux lois ont servi au Verbe pour la pédagogie de l'humanité, d'abord par la bouche de Moïse, ensuite par celle des apôtres...
Mais nous avons besoin d'un maître pour expliquer ces paroles saintes… ; c'est lui qui nous enseignera les paroles de Dieu. L'école, c'est notre Église ; notre unique Maître, c'est le Fiancé, volonté bonne d'un Père bon, sagesse originelle, sainteté de la connaissance. « C'est lui la victime offerte pour nos péchés », dit saint Jean (1Jn 2,2) ; c'est lui qui guérit nos corps et nos âmes, l'homme tout entier, lui Jésus qui est « la victime offerte non seulement pour nos péchés, mais pour ceux du monde tout entier. Et voici comment nous pouvons savoir que nous le connaissons : c'est en gardant ses commandements » (v. 3)… « Celui qui déclare demeurer en lui doit marcher dans la voie où lui, Jésus, a marché » (v. 6)
Nous qui sonnes les élèves de cette bienheureuse pédagogie, parachevons le beau visage de l'Église et accourons comme des petits enfants vers cette mère pleine de bonté. Écoutons le Verbe de Dieu ; glorifions la bienheureuse disposition qui nous guide par cet Enseignant et nous sanctifie comme enfants de Dieu. Nous serons citoyens du ciel si nous sommes les élèves de cet Enseignant sur la terre, et là-haut nous comprendrons tout ce qu'il nous a enseigné concernant le Père.
Le Pédagogue, III 89, 94, 98-99 (trad. cf SC 158, p. 171s et coll. Pères dans la foi n°44, Migne 1991, p. 294)
Le chant nouveau : « Anne proclamait les louanges de Dieu »
Comme le Verbe, la Parole de Dieu, était d'en haut, il était et il est le divin commencement de toutes choses. Mais maintenant qu'il a reçu comme nom Celui-qui-a-été-consacré, le nom de Christ, je l'appelle « un chant nouveau » (Ps 33, 144, 149, etc). Le Verbe nous faisait exister depuis longtemps, car il était en Dieu ; par lui notre existence est bonne. Ce Verbe vient d'apparaître aux hommes, lui Dieu et homme ; il est la cause pour nous de tous les biens. Ayant appris de lui à bien vivre, nous sommes introduits par lui dans la vie éternelle. Car selon l'apôtre du Seigneur « la grâce de Dieu s'est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous apprend à rejeter le péché et les passions d'ici-bas, pour vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux, en attendant la bienheureuse espérance, la manifestation de la gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur » (Tt 2,11-13).
Voilà le chant nouveau : la manifestation du Verbe qui était au commencement et qui vient de briller parmi nous... Car celui qui existait comme Sauveur depuis toujours vient d'apparaître, celui qui est Dieu est apparu comme maître, le Verbe par qui tout a été fait est apparu (Jn 1,10). Comme créateur, il donnait la vie au commencement ; maintenant, étant apparu comme maître, il enseigne à bien vivre, de façon à nous procurer un jour, en tant que Dieu, la vie éternelle. Ce n'est pas aujourd'hui la première fois qu'il nous a pris en pitié à cause de notre égarement : c'est dès le commencement.
.Protreptique 1,6-8 ; SC 2 (trad. SC p. 50-51 rev.)
« La sagesse de Dieu se révèle juste » : Dieu nous appelle à la conversion
Personne ne saurait être touché des exhortations des autres saints comme de celles du Seigneur lui-même, avec tout son amour pour les hommes, car il n'a pas d'autre préoccupation que celle de sauver l'homme. Il crie donc, pour presser les hommes de se sauver : « Le Royaume des cieux est proche » (Mc 1,15). Il cherche à convertir les hommes qui viennent à lui. De la même façon l'apôtre du Seigneur se fait...l'interprète de la voix de Dieu : « Le Seigneur est proche ; prenez garde que nous ne soyons surpris et trouvés vides » (cf Ph 4,5; 1Th 5,4)
Mais vous, ressentez-vous si peu de crainte, ou plutôt, êtes-vous assez incrédules pour ne pas croire ni au Seigneur lui-même ni à Paul, surtout quand il est enchâiné pour le Christ ? (Ph 1,13) « Goûtez et voyez combien le Seigneur est bon ! » (Ps 33,9) La foi vous introduira, l'expérience vous enseignera, l'Écriture, comme un pédagogue, vous guidera. Elle vous dit : « Écoutez-moi, mes petits, je vais vous apprendre la crainte du Seigneur », puis, quand déjà on croit, elle ajoute : « Quel est l'homme qui veut la vie, qui désire voir de beaux jours ? (Ps 33,12-13) -–C'est nous, dirons-nous, les adorateurs du bien, les émules des bons. —Écoutez donc, ' vous qui êtes loin ', écoutez, ' vous qui êtes près ' » (Is 57,19) Le Verbe ne s'est caché de personne ; c'est une lumière commune. Il brille pour tous les hommes ; il n'y a pas d'étranger pour lui.
Hâtons-nous donc vers le salut, vers la nouvelle naissance. Hâtons-nous, nous qui sommes le grand nombre, de nous réunir en un seul troupeau (Jn 10,16), poursuivons l'unité en suivant le seul Christ. Ainsi l'union de beaucoup de voix, quand leur dissonance et leur dispersion auront été soumises à l'harmonie divine, constituera finalement une seule symphonie. Et le chœur, obéissant à son maître, le Verbe, ne trouvera son repos qu'en la vérité même, quand il pourra dire : « Abba, Père » (Mc 14,36).
Le Protreptique, 9, 87-88 ; SC 2 (trad. SC p.146)
« Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu »
Les portes sont ouvertes à chaque personne qui se tourne sincèrement vers Dieu, de tout son cœur, et le Père reçoit avec joie un enfant qui se repent vraiment. Quel est le signe du vrai repentir ? Ne plus retomber dans les vieilles fautes et arracher de ton cœur, par leurs racines, les péchés qui te mettaient en danger de mort. Une fois qu'ils auront été effacés, Dieu reviendra habiter en toi. Car, comme dit l'Écriture, un pécheur qui se convertit et se repent procurera au Père et aux anges du ciel une joie immense et incomparable (Lc 15,10). Voilà pourquoi le Seigneur s'est écrié : « C'est la miséricorde que je désire, et non le sacrifice » (Os 6,6; Mt 9,13). « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse » (Ez 33,11) ; « Si vos péchés sont comme la laine écarlate, ils deviendront blancs comme la neige ; s'ils sont plus noirs que la nuit, je les laverai, si bien qu'ils deviendront comme la laine blanche » (Is 1,18).
Dieu seul, en effet, peut remettre les péchés et ne pas imputer les fautes, alors que le Seigneur Jésus nous exhorte à pardonner chaque jour à nos frères qui se repentent. Et si nous, qui sommes mauvais, nous savons donner de bonnes choses aux autres (Mt 7,11), combien plus « le Père plein de tendresse » (2Co 1,3) le fera-t-il ! Le Père de toute consolation, qui est bon, plein de compassion, de miséricorde et de patience par nature, attend ceux qui se convertissent. Et la conversion véritable suppose que l'on cesse de pécher et que l'on ne regarde plus en arrière... Regrettons amèrement donc nos fautes passées et prions le Père pour qu'il les oublie. Il peut, dans sa miséricorde, défaire ce qui a été fait et, par la rosée de l'Esprit, effacer nos méfaits passés.
Homélie « Quel riche sera sauvé ? », 39-40 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 141 rev.)
Lorsqu'on a demandé au Maître quel était le plus grand des commandements, il a répondu : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur et de toute ta force. Il n'est pas de plus grand commandement ». Je le crois, puisqu'il concerne l'être essentiel et premier, Dieu notre Père, par qui tout a été fait, tout demeure, et à qui reviendront tous ceux qui seront sauvés. C'est lui qui nous a aimés le premier, qui nous a fait naître ; il serait sacrilège de penser qu'il existe un être plus ancien et plus sage. Notre reconnaissance est infime comparée à ses immenses bienfaits, mais nous ne pouvons lui en offrir d'autre témoignage, lui qui est parfait et qui n'a besoin de rien. Aimons notre Père de toute notre force et de toute notre ferveur et nous acquerrons l'immortalité. Plus on aime Dieu, plus notre nature se mêle et se confond avec la sienne.
Le deuxième commandement, dit Jésus, ne le cède en rien au premier : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »... Lorsque le docteur de la Loi demande à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » (Lc 10,29), celui-ci ne lui répond pas par la définition juive du prochain -- le parent, le concitoyen, le prosélyte, l'homme qui vit sous la même loi ; mais il raconte l'histoire d'un voyageur qui descendait de Jérusalem à Jéricho. Blessé par des larrons..., cet homme a été soigné par un Samaritain, qui « s'est montré son prochain » (v. 36).
Et qui est davantage mon prochain que le Sauveur ? Qui nous a pris davantage en pitié lorsque les puissances des ténèbres nous avaient abandonnés et blessés de coups ?... Seul Jésus a su guérir nos plaies et extirper les maux enracinés en nos coeurs... C'est pourquoi nous devons l'aimer autant que Dieu. Et aimer le Christ Jésus c'est accomplir sa volonté et garder ses commandements.
Homélie « Quel riche peut être sauvé ? » (trad. coll. Icthus, vol. 6, p. 42 rev.)
« Bon maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? »
Ignorer Dieu, c'est mourir ; le connaître, vivre en lui, l'aimer, essayer de lui ressembler, voilà la seule vie. Si vous désirez la vie éternelle..., cherchez d'abord à le connaître même si « personne ne le connaît, si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler » (Mt 11,27). Après Dieu, connaissez la grandeur du Rédempteur et sa grâce inestimable ; « la Loi, dit l'apôtre Jean, a été donnée par Moïse, mais la grâce et la vérité nous ont été données par Jésus Christ » (1,17)... Si la Loi de Moïse pouvait nous donner la vie éternelle, pourquoi notre Sauveur serait-il venu au monde et aurait-il souffert pour nous depuis sa naissance jusqu'à la mort, parcourant toute une vie humaine ? Pourquoi le jeune homme qui accomplissait si fidèlement depuis sa jeunesse les commandements de la Loi, se serait-il jeté aux pieds d'un autre pour demander l'immortalité ?
Ce jeune homme observait toute la Loi, et s'y était attaché dès sa jeunesse... Mais il sent bien que s'il ne manque rien à sa vertu, la vie lui fait encore bien défaut. C'est pourquoi il vient la demander à celui qui seul peut l'accorder ; il est sûr d'être en règle avec la Loi, cependant il implore le Fils de Dieu... Les amarres de la Loi le défendaient mal du roulis ; inquiet, il quitte ce mouillage dangereux et vient jeter l'ancre au port du Sauveur.
Jésus ne lui reproche pas d'avoir manqué à la Loi, mais il se met à l'aimer, ému par cette application de bon élève. Toutefois il le déclare encore imparfait... : il est bon ouvrier de la Loi, mais paresseux pour la vie éternelle. La sainte Loi est comme un pédagogue qui achemine vers les commandements parfaits de Jésus (Ga 3,24) et vers sa grâce. Jésus est « l'aboutissement de la Loi pour que soit donné la justice à tous ceux qui croient en lui » (Rm 10,4).
Homélie « Quel riche peut être sauvé ? » (trad. coll. Icthus, t. 6, p. 28 rev.)
Clément d Alexandrie (150-vers 215), théologien
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Jean Baptiste nous invite au salut
N'est-il pas étrange, mes amis, que Dieu nous exhorte toujours à la vertu, et que nous, nous nous dérobions devant ce secours, que nous remettions le salut ? Est-ce que Jean aussi ne nous invite pas au salut, n'est-il pas tout entier une voix qui exhorte ? Demandons-lui donc : « Qui es-tu parmi les hommes, et d'où viens-tu ? » Il ne dira pas qu'il est Élie et il niera être le Christ, mais il confessera qu'il est une voix criant dans le désert (Jn 1,20s). Qui donc est Jean ? Pour prendre une image, qu'on me permette de dire : une voix du Verbe, de la Parole de Dieu, qui nous exhorte en criant dans le désert... : « Aplanissez les chemins du Seigneur » (Mc 1,3). Jean est un précurseur et sa voix est le précurseur de la Parole de Dieu, voix qui encourage et prédispose au salut, voix qui nous exhorte à chercher l'héritage du ciel.
Grâce à cette voix « la femme stérile et solitaire ne sera plus sans enfants » (Is 54,1). Cette grossesse, la voix d'un ange me l'a annoncée ; cette voix aussi était un précurseur du Seigneur, qui apportait la bonne nouvelle à la femme qui n'avait pas enfantée (Lc 1,19), ainsi que Jean à la solitude du désert. C'est donc par cette voix du Verbe que la femme stérile enfante dans la joie et que le désert porte des fruits. Ces deux voix, précurseurs du Seigneur, celle de l'ange et celle de Jean, me communiquent le salut caché en elles, en sorte qu'après la manifestation de ce Verbe, nous cueillions le fruit de la fécondité, la vie éternelle.
Protreptique, ch. 1 (trad. SC 2bis, p. 63 rev.)
« Les boiteux marchent »
« Nous étions autrefois des insensés, rebelles, égarés, esclaves de toutes sortes de plaisirs et de convoitises, vivant dans le mal et l'envie, odieux et nous haïssant les uns les autres, écrit l'apôtre Paul. Mais lorsque Dieu notre Sauveur a fait paraître sa bonté et son amour pour les hommes, il nous a sauvés... selon sa miséricorde » (Tt 3,3-5). Voyez la force du « chant nouveau » (Ps 149,1) du Verbe de Dieu : des pierres il a fait des hommes (Mt 3,9) ; ceux qui agissaient comme des bêtes sauvages, il les a transformés en hommes civilisés ; et ceux qui étaient morts, qui n'avaient pas part à la vie vraie et réelle, quand ils ont entendu ce chant, ils sont redevenu vivants.
Il a tout ordonné avec mesure..., pour faire du monde entier une symphonie... Ce descendant du musicien David qui existait avant David, le Verbe de Dieu, délaissant la harpe et la cithare (Ps 57,9), instruments sans âme, régla par l'Esprit Saint tout l'univers et tout particulièrement cet abrégé du monde qu'est l'homme, son corps et son âme. Il joue de cet instrument aux mille voix pour célébrer Dieu, et il chante lui-même en accord avec cet instrument humain... Le Seigneur, envoyant son souffle dans ce bel instrument qu'est l'homme (cf Gn 2,7), l'a fait à sa propre image ; mais il est lui aussi un instrument de Dieu, harmonieux, accordé et saint, Sagesse d'au-delà de ce monde et Parole d'en haut. Que veut-il donc cet instrument, le Verbe de Dieu, le Seigneur, et son chant nouveau ? Ouvrir les yeux des aveugles et les oreilles des sourds, conduire les estropiés ou les égarés à la justice, montrer Dieu aux hommes insensés, arrêter la corruption, vaincre la mort, réconcilier avec le Père des fils désobéissants...
Ce chant sauveur, ne croyez pas qu'il est nouveau comme un meuble ou une maison sont neufs, car il était « avant l'aurore » (Ps 109,3), et « au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu » (Jn 1,1).
Protreptique I, 4-7 (trad. SC 2, p. 38-39 rev)
« Aussitôt, la barque atteignit le rivage »
Prions le Verbe, la Parole de Dieu : Sois propice à tes petits enfants, Maître, Père, guide d'Israël, Fils et Père, un et deux à la fois, Seigneur ! Donne-nous, puisque nous suivons tes commandements, de parvenir à la pleine ressemblance de l'image (Gn 1,26), de comprendre selon nos forces le Dieu de bonté, le juge sans dureté. Accorde-nous tout toi-même : de vivre dans ta paix, d'être transportés dans ta cité, de traverser sans sombrer les tempêtes du péché ; d'être emportés sur des eaux paisibles par le Saint Esprit, par la Sagesse inexprimable. Accorde-nous de dire la nuit, le jour, jusqu'au dernier jour, nos louanges et nos actions de grâces à l'Unique –- Père et Fils, Fils et Père, Fils, Pédagogue (1Co 4,15) et Maître et en même temps au Saint Esprit.
Tout est à l'Unique, en qui est le tout, par qui tout est un, par qui est l'éternité, de qui nous sommes tous membres (1Co 12,27). À lui sont la gloire et les siècles ; tout au Bon, tout au Beau, tout au Sage, tout au Juste ! À lui la gloire maintenant et dans les siècles, amen !
Le Pédagogue, III, 12, 101 (trad. Migne 1991, p. 302 rev.)
Date de dernière mise à jour : 2017-12-15
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