Saint François Xavier (1506-1552), missionnaire jésuite
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Un grand missionnaire prêt à perdre sa vie
Ce pays… est très dangereux, car ses habitants, pleins de perfidie, mêlent souvent le poison à la nourriture et à la boisson. Voilà pourquoi il ne se trouve personne pour y aller s'occuper des chrétiens. Mais ceux-ci ont besoin d'un enseignement spirituel et de quelqu'un qui les baptise pour sauver leur âme ; c'est pourquoi je ressens l'obligation de perdre ma vie corporelle pour porter secours à la vie spirituelle du prochain… Je place mon espérance et ma confiance en Dieu notre Seigneur, avec le désir de me conformer, selon mes pauvres petits moyens, à la parole du Christ, notre Rédempteur et Seigneur : « Qui veut sauver sa vie, la perdra ; qui la perdra à cause de moi, la sauvegardera »…
Il est facile, bien sûr, ce comprendre les mots et le sens général de cette parole du Seigneur ; cependant quand on veut la mettre en pratique et se disposer à décider de perdre sa vie pour Dieu afin de la retrouver en lui, quand on s'expose aux périls où l'on pressent la probabilité d'y laisser sa vie..., tout devient si obscur que les mots, pourtant si clairs, viennent à s'obscurcir eux aussi. En pareil cas, me semble-t-il, seul arrive à comprendre celui — si savant soit-il — à qui Dieu notre Seigneur, dans son infinie miséricorde, daigne l'expliquer dans ses circonstances particulières. C'est alors que l'on reconnaît la condition de notre chair, c'est-à-dire combien elle est faible et infirme.
Lettre du 10 mai 1546 (trad. coll. Foi vivante Cerf, 1996, p. 58 rev.)
« Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups »
Nous courons deux dangers, au dire des gens du pays. Le premier est que l'homme qui nous conduit, après avoir reçu notre argent, ne nous laisse dans quelque île déserte ou ne nous jette à la mer, afin d'échapper au gouverneur de Canton. Le second est que, s'il nous mène à Canton et que nous arrivions en présence du gouverneur, celui-ci ne nous inflige de mauvais traitements ou ne nous jette en prison. Car notre démarche est inouïe. De nombreux décrets interdisent à quiconque l'accès de la Chine, et, sans une autorisation du roi, il est strictement défendu aux étrangers d'y pénétrer. En dehors de ces deux périls, il y en a beaucoup d'autres, et plus grands, ignorés des gens du pays. Il serait bien long de les décrire ; je ne laisserai pas cependant d'en citer quelques-uns. Le premier est de perdre espérance et confiance en la miséricorde de Dieu. C'est pour son amour et pour son service que nous allons faire connaître sa loi et Jésus Christ son Fils, notre Rédempteur et Seigneur. Il le sait bien, puisque c'est lui qui, dans sa sainte miséricorde, nous a communiqué ces désirs. Or, manquer de confiance en sa miséricorde et de son pouvoir au milieu des périls dans lesquels nous pouvons tomber pour son service est un danger incomparablement plus grand que les maux que peuvent nous susciter tous les ennemis de Dieu. En effet, si son plus grand service le demande, il nous gardera des dangers de cette vie, et sans la permission et autorisation de Dieu les démons et leurs ministres ne peuvent en rien nous nuire.
Lettre 131, 22 octobre 1552 (trad. La Colombe, 1953, p. 247-248)
Vivre en bon gérant des dons de Dieu
De ces régions [l'Inde et le Sri Lanka] je ne sais que vous écrire sinon ceci : si grandes sont les consolations communiquées par Dieu notre Seigneur à ceux qui vont parmi les païens pour les convertir à la foi du Christ, que, s'il est quelque joie en cette vie, c'est bien celle-ci. Souvent il m'arrive d'entendre dire à quelqu'un qui va au milieu de ces chrétiens : « Seigneur, ne me donnez pas tant de consolations en cette vie ! Mais puisque, dans votre bonté et miséricorde infinies, vous me les donnez, emmenez-moi dans votre sainte gloire ! Il y a en effet tant de peine à vivre sans vous voir, une fois que vous vous êtes montré ainsi à votre créature. » Ah, si ceux qui cherchent le savoir dans les études se donnaient autant de peine pour chercher ces consolations de l'apostolat qu'ils se donnent jour et nuit à la poursuite du savoir ! Si les joies que cherche un étudiant dans ce qu'il apprend, il les cherchait en faisant sentir à son prochain ce qui lui est nécessaire pour connaître et servir Dieu, combien il se trouverait plus consolé et mieux préparé à rendre compte de lui-même, lorsque le Christ reviendra et lui demandera : « Rends-moi compte de ta gestion »...
Je termine en demandant à Dieu notre Seigneur...qu'il nous rassemble dans sa sainte gloire. Et pour nous obtenir ce bienfait, prenons pour intercesseurs et avocats toutes les âmes saintes des régions où je me trouve... À toutes ces saintes âmes, je demande de nous obtenir de Dieu notre Seigneur, tout au long de ce temps qui reste de notre séparation, la grâce de sentir au fond de notre âme sa très sainte volonté et de l'accomplir parfaitement.
Lettre du 15/01/1544 (trad. Couturier, Cerf Foi vivante 1996, p. 34 rev.)
« Je te suivrai partout où tu iras » : un grand missionnaire devant les dangers
De nombreux décrets interdisent d'entrer en Chine... Mais en dehors des périls de la prison et de la maltraitance, il en existe d'autres, bien plus grands, qui passent inaperçus pour les gens du pays... En premier lieu, la perte de l'espoir et de la confiance en Dieu, quand c'est pour son amour et son service que nous allons faire connaître sa Loi et Jésus Christ son Fils, notre Rédempteur et Seigneur, comme il le sait bien. Puisque, par sa sainte miséricorde, il nous a communiqué ces désirs, manquer maintenant de confiance en sa miséricorde et son pouvoir, vu les périls que nous pouvons courir pour son service, est un péril incomparablement supérieur aux maux que peuvent nous causer tous les ennemis de Dieu. Si cela importe à son plus grand service, Dieu nous gardera de tous les périls de cette vie... C'est pourquoi, nous avons pour sécurité la parole du Seigneur : « Celui qui aime sa vie en ce monde la perdra, et celui qui la perdra pour Dieu la trouvera » (Jn 12,25). Et cette autre, semblable : « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas apte au Royaume de Dieu ».
Pour nous, considérant ces périls de l'âme, très supérieurs à ceux du corps, nous trouvons plus sûr et plus certain d'affronter les périls corporels... Ainsi, de quelque manière que ce soit, nous sommes déterminés à aller en Chine.
Lettre du 22/10/1552 (trad.Cerf 1996, p.160)
« Proclamer le règne de Dieu »
Depuis que je suis venu ici, je n'ai pas arrêté : je parcourais activement les villages, je baptisais tous les bébés qui ne l'avaient pas encore été... Quant aux enfants, ils ne me laissaient ni réciter l'office divin, ni manger ni me reposer tant que je ne leur avais pas enseigné une prière. Alors j'ai commencé à saisir que le Royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent (Mc 10,14). Ainsi, comme je ne pouvais pas sans impiété repousser une demande aussi pieuse, en commençant par la confession de foi au Père, au Fils et à l'Esprit Saint, je leur enseignais le Credo des Apôtres, le Pater Noster et l'Ave Maria. J'ai remarqué qu'ils étaient très doués ; s'il y avait quelqu'un pour les former à la foi chrétienne, je suis sûr qu'ils deviendraient de très bons chrétiens.
Dans ce pays, quantité de gens ne sont pas chrétiens uniquement parce qu'il n'y a personne aujourd'hui pour en faire des chrétiens. J'ai très souvent eu l'idée de parcourir toutes les universités d'Europe, et d'abord celle de Paris, pour crier partout d'une manière folle et pousser ceux qui ont plus de doctrine que de charité, en leur disant : « Hélas, quel nombre énorme d'âmes, exclu du ciel par votre faute, s'engouffre dans l'enfer ! »
De même qu'ils se consacrent aux belles-lettres, s'ils pouvaient seulement se consacrer aussi à cet apostolat, afin de pouvoir rendre compte à Dieu de leur doctrine et des talents qui leur ont été confiés ! Beaucoup d'entre eux, bouleversés par cette pensée, aidés par la méditation des choses divines, s'entraîneraient à écouter ce que le Seigneur dit en eux et, en rejetant leurs ambitions et leurs affaires humaines, ils se soumettraient tout entiers, définitivement, à la volonté et au décret de Dieu. Oui, ils crieraient du fond du cœur : « Seigneur, me voici ; que veux-tu que je fasse ? (Ac 9,10; 22,10) Envoie-moi n'importe où, où tu voudras, même jusque dans les Indes. »
Lettres 4 et 5 à Saint Ignace de Loyola (trad. bréviaire 03/12)