Saint Grégoire de Narek (v. 944-v. 1010), moine et poète arménien
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« Au lever du jour, Jésus était là, sur le rivage »
Dieu miséricordieux, très compatissant, ami des hommes (Sg 1,6)..., lorsque tu parles, rien n'est impossible, même ce qui paraît impossible à notre esprit : c'est toi qui donnes un fruit savoureux en échange des dures épines de cette vie...
Seigneur Christ, souffle de nos narines (Lm 4,20) et splendeur de notre beauté..., lumière et donateur de la lumière, tu ne prends pas plaisir au mal, tu ne veux la perdition de personne, tu ne souhaites jamais la mort (Ez 18,32). Tu n'es pas agité par le trouble, ni assujetti à la colère ; tu n'es pas intermittent en ton amour, ni changeant en ta compassion ; tu ne varies jamais dans ta bonté. Tu ne tournes pas le dos, tu ne détournes pas la face, mais tu es totalement lumière et volonté de salut. Quand tu veux pardonner, tu le peux ; quand tu veux guérir, tu es puissant ; quand tu veux vivifier, tu en es capable ; quand tu veux accorder ta grâce, tu es généreux ; quand tu veux rendre à la santé, tu es habile... Quand tu veux rénover tu es créateur ; quand tu veux ressusciter, tu es Dieu... Quand, avant même que nous le demandions, tu veux étendre la main, tu ne manques de rien... Si tu veux m'affermir, moi qui suis ébranlé, tu es rocher ; si tu veux me donner à boire, à moi l'assoiffé, tu es source ; si tu veux révéler ce qui est caché, tu es lumière...
Toi qui pour mon salut as combattu avec force..., tu as pris sur ton corps innocent toute la souffrance des châtiments que nous avions mérités, afin que, en devenant exemple, tu manifestes en acte la compassion que tu nous portes.
Le Livre de prières, n°66 (trad. SC 78, p. 411 rev.)
« Vous ne pourrez donc croire à moins d'avoir vu des signes et des prodiges ? »
« Celui qui invoquera le Nom du Seigneur,
celui-là sera sauvé » (Jl 3,5 ; Rm 10,13).
Quant à moi non seulement je l'invoque
mais avant tout je crois à sa grandeur.
Ce n'est pas pour ses présents
que je persévère dans mes supplications,
mais parce qu'il est la Vie véritable
et qu'en lui je respire ;
sans lui il n'y a ni mouvement ni progrès.
Ce n'est pas tant par les liens de l'espérance
que par les liens de l'amour que je suis attiré.
Ce n'est pas des dons,
mais du Donateur dont j'ai toujours la nostalgie.
Ce n'est pas à la gloire que j'aspire,
mais c'est le Seigneur glorifié que je veux embrasser.
Ce n'est pas la soif de la vie qui toujours je me consume,
mais le souvenir de celui qui donne la vie.
Ce n'est pas après le désir du bonheur que je soupire,
que du plus profond de mon cœur j'éclate en sanglots,
mais c'est par désir de celui qui le prépare.
Ce n'est pas le repos que je cherche,
mais c'est le visage de celui qui apaisera mon cœur suppliant.
Ce n'est pas pour le festin nuptial que je languis,
mais c'est du désir de l'Époux.
Dans l'attente certaine de sa puissance
malgré le fardeau de mes péchés,
je crois avec une espérance inébranlable
et en me confiant dans la main du Tout Puissant,
que non seulement j'obtiendrai le pardon
mais que je le verrai lui en personne,
grâce à sa miséricorde et à sa pitié
et, bien que je mérite parfaitement d'être proscrit,
que j'hériterai du ciel.
Le Livre de prières, 12,1 (trad. SC 78, p.102 rev.)
« Il se lava ; quand il revint, il voyait »
Dieu tout-puissant, Bienfaiteur, Créateur de l'univers,
écoute mes gémissements, moi qui suis en danger.
Délivre-moi de la crainte et de l'angoisse ;
libère-moi par ta force puissante, toi qui peux tout...
Seigneur Christ, coupe les mailles de mon filet par l'épée de ta croix victorieuse, l'arme de vie.
De tous côtés ce filet m'enveloppe, moi captif, pour me faire périr ;
conduis vers le repos mes pas chancelants et biaisants.
Guéris la fièvre de mon coeur qui étouffe.
Je suis coupable envers toi, ôte de moi le trouble, fruit de l'invention diabolique,
fais disparaître l'obscurité de mon âme angoissée...
Renouvelle en mon âme l'image de lumière de la gloire de ton nom, grand et puissant.
Intensifie l'éclat de ta grâce sur la beauté de mon visage
et sur l'effigie des yeux de mon esprit, moi qui suis né de terre (Gn 2,7).
Corrige en moi, rétablis plus fidèlement, l'image qui reflète la tienne (Gn 1,26).
Par une pureté lumineuse, fais disparaître mes ténèbres, pécheur que je suis.
Inonde mon âme de ta lumière divine, vivante, éternelle, céleste,
pour qu'en moi grandisse la ressemblance au Dieu Trinité.
Toi seul, ô Christ, es béni avec le Père
pour la louange de ton Esprit Saint
dans les siècles des siècles. Amen.
Livre de prières, n° 40 (trad. SC 78, p. 237 rev.)
« Afin d'être vraiment les enfants de votre Père..., car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons »
Nombreuses sont mes dettes et dépassant tout chiffre,
cependant elles ne sont pas si étonnantes que ta miséricorde.
Multiples sont mes péchés,
mais ils sont toujours moindres, comparés à ton pardon...
Que pourra faire un peu de ténèbres
à ta lumière divine ?
Comment une petite obscurité peut-elle rivaliser
avec tes rayons, toi qui es grand !
Comment la concupiscence de mon corps fragile
pourra-t-elle être mise en balance
avec la Passion de ta croix ?
Que peuvent paraître aux yeux de ta bonté, ô Tout-Puissant,
les péchés de tout l'univers ?
Voici qu'ils sont...comme une bulle d'eau
qui par la chute de ta pluie abondante,
disparaît aussitôt...
C'est toi qui donnes le soleil
aux méchants et aux bons,
et fais pleuvoir pour tous deux indistinctement.
Pour les uns la paix est grande à cause de l'attente de la récompense ;...
mais à ceux qui ont préféré la terre,
tu pardonnes par miséricorde :
tu leur donnes aussi un remède de vie avec les premiers ;
tu attends toujours leur retour à toi.
Livre de prières, n°74 (trad. SC 78, p. 389)
« Recevez l'Esprit Saint »
Tout-Puissant, Bienfaiteur, Ami des hommes, Dieu de tous,
Créateur des êtres visibles et invisibles,
toi qui sauves et raffermis,
qui prends soin et pacifies,
Esprit puissant du Père...,
tu partages le même trône, la même gloire,
la même action créatrice que le Père...
Par ton intermédiaire il nous a été révélé
la Trinité des Personnes en l'unité de nature de la Divinité ;
parmi ces Personnes toi aussi tu es reconnu être l'une d'elles,
toi l'incompréhensible...
Tu as été proclamé Esprit de Dieu par Moïse (Gn 1,2) :
en planant sur les eaux
avec une protection enveloppante, redoutable, pleine de sollicitude,
tu as déployé tes ailes en signe d'assistance compatissante en faveur des nouveau-nés,
et par là tu nous as révélé le mystère de la fontaine baptismale...
Tu as créé, ô Tout-Puissant en tant que Seigneur (cf. Credo)
toutes les natures de tout ce qui existe,
tous les êtres, à partir du néant.
Par toi sont renouvelés par la résurrection
tous les êtres créés par toi,
au moment qui est le dernier jour de la vie d'ici-bas
et le premier jour de la Terre des vivants.
Celui qui a même nature que toi,
Celui qui est consubstantiel au Père, le Fils premier-né,
a obéi à toi, dans notre nature, comme à son Père,
unissant sa volonté à la tienne.
Il t'a annoncé comme vrai Dieu,
égal et consubstantiel à son Père très-puissant...
et il a fermé la bouche de ceux qui te résistaient,
en tant qu'ils combattaient Dieu (cf. Mt 12,28),
alors qu'il a pardonné ce qui était contre lui.
Il est le Juste et l'Immaculé, le Sauveur de tous,
qui a été livré à cause de nos péchés
et est ressuscité pour notre justification (Rm 4,25).
À lui gloire par toi,
et à toi louange avec le Père tout-puissant,
dans les siècles des siècles.
Amen.
Le Livre de prières, n° 33 (trad. SC 78, p. 206)
« A l'instant même, elle se trouva toute droite, et elle rendait gloire à Dieu »
Il fut un temps où je n'étais pas, et tu m'as créé.
Je n'avais pas prié, et toi, tu m'as fait.
Je n'étais pas encore venu à la lumière, et tu m'as vu.
Je n'avais pas paru, et tu as eu pitié de moi.
Je ne t'avais pas invoqué, et tu as pris soin de moi.
Je n'avais pas fait un signe de la main, et tu m'as regardé.
Je n'avais pas supplié, et tu m'as fait miséricorde.
Je n'avais pas articulé un son, et tu m'as entendu.
Je n'avais pas soupiré, et tu as prêté l'oreille.
Tout en sachant ce qui allait m'arriver actuellement,
tu ne m'as pas dédaigné.
Ayant considéré avec tes yeux prévoyants
les fautes du pécheur que je suis,
tu m'as cependant façonné.
Et maintenant, moi que tu as créé,
moi que tu as sauvé,
moi qui a été l'objet de tant de sollicitude,
que la blessure du péché, suscité par l'Accusateur,
ne me perde pas pour toujours !...
Liée, paralysée,
courbée comme la femme qui souffrait,
mon âme malheureuse reste impuissante à se redresser.
Elle fixe la terre sous le poids du péché,
à cause des durs liens de Satan...
Penche-toi vers moi, seul Miséricordieux,
pauvre arbre pensant qui est tombé.
Moi qui suis desséché, fais-moi refleurir
en beauté et splendeur,
selon les paroles divines du saint prophète (Ez 17,22-24)...
Toi, seul Protecteur,
veuille jeter sur moi un regard
sorti de la sollicitude de ton amour indicible...
et de rien tu créeras en moi la lumière même. (cf Gn 1,3)
Le Livre de prières, n°18 (trad. SC 78, p. 123 rev.)
« Descends vite »
Je ne me suis pas élevé de cette terre misérable,
Comme Zachée le publicain,
Sur l'arbre élevé de la sagesse
Pour te contempler dans ta divinité.
La courte taille de l'homme spirituel en moi
N'a pas grandi par de bonnes œuvres :
Tout au contraire, elle a diminué sans cesse
Jusqu'à me faire retourner à boire du lait comme les enfants (cf 1Co 3,2).
En prenant la parabole à l'envers,
Je suis monté sur l'arbre de la sensualité
Par l'amour des choses de ce monde au goût agréable,
Comme un autre Zachée sur un autre figuier.
De là, grâce à ta parole puissante,
Fais-moi descendre en hâte comme lui ;
Viens loger dans la maison de mon âme,
Et, avec toi, le Père et le Saint Esprit.
Fais que ce corps qui a causé du tort à mon âme
Lui rende le quadruple en service
Et donne la moitié de ses biens
A mon libre arbitre appauvri,
Afin que selon ta parole de salut adressée à Zachée,
Je sois digne d'entendre ta voix moi aussi,
En étant moi aussi fils d'Abraham,
Suivant la foi de notre patriarche.
Jésus, Fils unique du Père, 668-673 ; SC 203 (trad. SC p. 169 rev.)
« Les scribes et les pharisiens se mirent à lui en vouloir terriblement et le harcelaient »
Avec une crainte mêlée d’allégresse, j’estime souhaitable de dire ici quelque chose des souffrances que tu as endurées pour moi, toi le Dieu de tous !
Debout au tribunal des hommes que tu avais créés,
dans une nature qui était la mienne,
tu n’as pas parlé, toi qui donnes la parole ;
tu n’as pas élevé la voix, toi qui crées la langue ;
tu n’as pas crié, toi qui ébranles la terre...
Tu n’as pas livré à la honte
celui qui te livrait aux tourments de la mort ;
tu n’as pas opposé de résistance lorsqu’on te liait,
et lorsqu’on te souffletait, tu ne t’es pas indigné.
Lorsqu’on crachait sur toi, tu n’as pas injurié,
et lorsqu’on te donnait des coups de poing,
tu n’as pas frémi.
Lorsqu’on se moquait de toi, tu ne t’es pas mis en colère,
et lorsqu’on te bafouait, tu n’as pas altéré ton visage (Is 50,7)…
Loin de te donner un instant de répit, toi la source de vie,
aussitôt ils t’ont préparé, pour le porter,
l’instrument de la mort.
Tu l’as reçu avec magnanimité,
tu l’as pris avec douceur,
tu l’as soulevé avec patience ;
tu t’es chargé, comme si tu étais un coupable,
du bois des douleurs !
Le Livre de prières, n°77 ; SC 78 (trad. SC p. 414 rev.)