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Guillaume de St Thierry quelques écrits
Guillaume de Saint Thierry (vers 1085-1148),
moine bénédictin puis cistercien
Liste des lectures
Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez
Il sortit et se retira dans un endroit désert
Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David
Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans ce monde
Tout joyeux, il la prend sur ses épaules
Tu l'as révélé aux tout-petits
Dieu dit : ' Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance '
Il y avait beaucoup de veuves en Israël
Que veux-tu que je fasse pour toi ?
.....
La maison fut remplie par l'odeur du parfum
Guillaume de Saint Thierry (vers 1085-1148),
moine bénédictin puis cistercien
« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez »
Pauvre de moi, ma conscience m'accuse sans cesse et la vérité ne peut pas m'excuser en disant : il n'a pas su ce qu'il faisait. Pardonne donc, Seigneur, au prix de ton précieux sang, tous les péchés où je suis tombé, consciemment ou inconsciemment... Oui, Seigneur, j'ai vraiment péché, et volontairement, et beaucoup. Après avoir reçu la connaissance de ta vérité, j'ai offensé l'Esprit de grâce ; pourtant, lors de mon baptême, il m'avait accordé gratuitement la rémission des péchés. Mais moi, après avoir reçu la connaissance de ta vérité, je suis revenu à mes péchés, « comme le chien à son vomissement » (2P 2,22 ; Pr 26,11).
Ô Fils de Dieu, t'ai-je foulé aux pieds en te reniant ? Pourtant je ne peux pas dire que Pierre, en te reniant, t'a foulé aux pieds, lui qui t'aimait si ardemment, même s'il t'a renié une première fois, une deuxième et une troisième fois... À moi aussi Satan a parfois réclamé ma foi pour la passer au crible comme du froment ; mais ta prière est descendue jusqu'à moi, de sorte que ma foi n'a jamais failli (Lc 22,31-32), elle ne t'a pas abandonné... Tu sais combien j'ai toujours voulu adhérer à la foi en toi ; toi donc, garde-moi dans cette volonté jusqu'au bout.
Toujours j'ai cru en toi..., toujours je t'ai aimé, même quand j'ai péché contre toi. Mes péchés, je les regrette, et à en mourir. Mais de mon amour, je n'ai aucun regret, sinon de ne pas t'avoir aimé autant que je l'aurais dû.
Oraisons méditatives, n° 5 (trad. cf. Pain de Cîteaux, 21 et SC 324, p. 99)
« Il sortit et se retira dans un endroit désert »
Toi qui es mon refuge et ma force, conduis-moi, comme jadis ton serviteur Moïse, au cœur de ton désert, là où flamboie le buisson sans qu'il se consume (Ex 3), là où l'âme..., envahie par le feu du Saint Esprit, devient ardente comme un séraphin brûlant, sans se consumer, mais en se purifiant...
Là où l'on ne peut demeurer et où l'on n'avance plus qu'après avoir dénoué les sandales des entraves charnelles..., là où celui qui est, sans doute ne se laisse pas voir tel qu'il est, mais où cependant on l'entend dire : « Je suis celui qui suis ! » Là, il faut bien encore se couvrir le visage pour ne pas regarder le Seigneur en face, mais on doit s'y exercer à prêter l'oreille, dans l'humilité de l'obéissance, pour entendre ce que le Seigneur son Dieu murmure en lui.
En attendant, Seigneur, « cache-moi dans le secret de ta tente » durant le jour mauvais ; « cache-moi dans le secret de ta face, loin de l'intrigue des langues » (Ps 26,5; 30,21). Car ton joug si doux et ton fardeau si léger (Mt 11,30), tu les as posés sur moi. Et quand tu me fais sentir la distance entre ton service et celui de ce monde, d'une voix tendre et douce tu me demandes s'il est plus agréable de te servir, toi le Dieu vivant, que les dieux étrangers (cf 2Ch 12,8). Alors, j'adore cette main qui pèse sur moi...et je te dis : « Ils m'ont assez longtemps dominé, les maîtres autres que toi ! Je veux t'appartenir à toi seul, j'accueille ton joug, ton fardeau ne me pèse pas : il me soulève ».
Oraisons méditatives, IV, 155 (trad. cf SC 324, p. 89)
« Il nous a aimés le premier »
Toi seul, tu es vraiment Seigneur, mon Dieu , toi pour qui dominer sur nous, c'est nous sauver, tandis que pour nous, te servir, ce n'est pas autre chose que d'être sauvés par toi. Comment donc en effet sommes-nous sauvés par toi, Seigneur, de qui vient le salut, et qui répands sur ton peuple ta bénédiction , si ce n'est en recevant de toi de t'aimer et d'être aimés par toi ? Et pour cela, Seigneur, tu as voulu que le Fils de ta droite, l'homme que tu as affermi, soit appelé Jésus, c'est-à-dire Sauveur. C'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés ; en dehors de lui il n'y a pas de salut . C'est lui qui nous a appris à l'aimer quand le premier il nous a aimés, et jusqu'à la mort de la croix. Par son amour et sa délections, il éveille en nous l'amour pour lui, lui qui le premier nous a aimés jusqu'à l'extrême. ~
Oui, il en est bien ainsi : tu nous as aimés le premier, pour que nous t'aimions. Non que tu aies besoin de notre amour ; c'est nous qui ne pouvions, sans t'aimer, devenir ce pour quoi tu nous as faits. C'est pourquoi, souvent, dans le passé, ayant parlé à nos pères par les prophètes, sous des formes fragmentaires et variées, dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, tu nous as parlé par le Fils, ton Verbe ; c'est par lui que les cieux ont été faits, et par le souffle de sa bouche tout l'univers . Parler par ton Fils, pour toi, ce n'est pas autre chose que de mettre en plein soleil, de faire voir avec éclat combien et comment tu nous as aimes, puisque tu n'as pas épargné ton propre Fils, mais tu l'as livré pour nous tous. Et lui aussi, il nous a aimés, et il s'est livré lui-même pour nous.
Telle est la Parole, le Verbe tout-puissant que tu nous adresses, Seigneur.Tandis que tout baignait dans le silence , c'est-à-dire au profond de l'erreur, il descendit des royales demeures , pour abattre durement l'erreur et doucement mettre en valeur l'amour. Et tout ce qu'il a fait, tout ce qu'il a dit sur terre, jusqu'aux opprobres, jusqu'aux crachats et aux gifles, jusqu'à la croix et au sépulcre, ce ne fut rien d'autre que ta parole par ton Fils, parole qui nous provoquait à l'amour, parole qui éveillait en nous l'amour pour toi.
Tu savais en effet, Dieu, créateur des âmes, que les âmes des fils des hommes ne peuvent être forcées à cette affection, mais qu'il faut les provoquer. Parce que là où il y a contrainte, il n'y a plus de liberté ; là où il n'y a pas de liberté, il n'y a pas de justice. Tu as voulu que nous t'aimions, car en justice nous ne pouvions être sauvés, sinon en t'aimant. Et nous ne pouvions t'aimer, à moins que cela ne vienne de toi. Donc, Seigneur, comme l'apôtre de ton amour le dit, le premier tu nous as aimés, et le premier tu aimes tous ceux qui t'aiment. Mais nous, nous t'aimons par l'amour ardent que tu as mis en nous. ~
Eh bien, ton amour, ta bonté, ô Dieu souverainement bon et souverain bien, c'est l'Esprit Saint, qui procède du Père et du Fils. Depuis le début de la création, il se tient au-dessus des eaux, c'est-à-dire des esprits fluctuants des fils des hommes : il s'offre à tous, il attire tout à soi : inspirant, aspirant, écartant ce qui est nuisible, pourvoyant de ce qui est utile, il unit Dieu à nous et nous à Dieu.
TRAITÉ DE LA CONTEMPLATION DE DIEU
« Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David »
Parfois, Seigneur, je te sens passer, tu ne t'arrêtes pas pour moi, tu me dépasses, mais je crie vers toi comme la Cananéenne. Vais-je donc encore oser m'approcher de toi ? Bien sûr, car les petits chiens chassés de la maison de leur maître continuent à revenir, et veillant à la garde de la maison, ils reçoivent leur pain chaque jour. Chassé, me voilà donc encore ; mis à la porte, je crie ; malmené, je supplie. Comme les petits chiens ne peuvent pas vivre loin des hommes, pas davantage mon âme loin de mon Dieu !
Ouvre-moi, Seigneur. Que j'arrive jusqu'à toi pour être inondé de ta lumière. Toi, tu habites dans les cieux, tu t'es caché dans les ténèbres, dans la nuée obscure. Comme dit le prophète : « Tu t'es enveloppé d'un nuage pour que la prière ne passe pas » (Lm 3,44). Je croupis sur la terre, le cœur comme dans un bourbier... Tes étoiles ne luisent plus pour moi, le soleil s'est obscurci, la lune ne donne plus sa lumière. J'entends bien chanter tes hauts faits dans les psaumes, les hymnes et les cantiques spirituels ; dans l'Évangile tes paroles et tes gestes resplendissent de lumière ; les exemples de tes serviteurs..., les menaces et les promesses de tes Écritures de vérité s'imposent à mes yeux et viennent frapper à la surdité de mes oreilles. Mais mon esprit s'est endurci ; j'ai appris à dormir face à la splendeur du soleil ; je me suis accoutumé à ne plus voir ce qui s'offre à moi ainsi...
Jusqu'à quand, Seigneur, jusqu'à quand tarderas-tu à déchirer tes cieux, à descendre pour venir secouer ma torpeur ? (Ps 12,2; Is 63,19) Que je ne sois plus ce que je suis..., que je me convertisse et que je revienne au moins vers le soir, comme un petit chien affamé. Je parcours ta cité ; elle pérégrine encore en partie sur terre, même si la majorité de ses habitants ont trouvé leur joie dans les cieux. Peut-être que j'y trouverai moi aussi ma demeure ?
Oraisons méditatives, n° 2 (trad. cf Pain de Cîteaux 21 et SC 324, p. 55)
« Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans ce monde »
Oui, tu nous as aimés le premier, pour que nous t'aimions. Tu n'as pas besoin de notre amour, mais nous ne pouvions parvenir à la fin que tu nous avais donnée qu'en t'aimant. C'est pourquoi, « ayant jadis parlé à nos pères par les prophètes, bien des fois et de bien des manières, en ces derniers jours tu nous as parlé par le Fils », ton Verbe (He 1,1). C'est par lui « que les cieux ont été faits, et par le souffle de sa bouche toute leur puissance » (Ps 32,6). Pour toi, parler par ton Fils ce n'est pas autre chose que de mettre en plein soleil, de faire voir avec éclat combien et comment tu nous as aimés, puisque tu n'as pas épargné ton propre Fils, mais l'as livré pour nous tous (Rm 8,32). Et lui aussi, il nous a aimés, et il s'est livré lui-même pour nous (Ga 2,20).
Telle est la Parole, le Verbe tout-puissant que tu nous adresses, Seigneur. Tandis que tout baignait dans le silence, c'est-à-dire au profond de l'erreur, il est descendu des demeures royales (Sg 18,14), pour abattre durement l'erreur et doucement mettre en valeur l'amour. Et tout ce qu'il a fait, tout ce qu'il a dit sur terre, jusqu'aux opprobres, jusqu'aux crachats et aux gifles, jusqu'à la croix et au sépulcre, ce n'était rien d'autre que ta parole par ton Fils, parole qui nous provoquait à l'amour, parole qui éveillait en nous l'amour pour toi.
Tu savais en effet, Dieu, Créateur des âmes, que les âmes des fils des hommes ne peuvent être forcées à cette affection, mais qu'il faut les provoquer. Parce que là où il y a contrainte, il n'y a plus de liberté; là où il n'y a pas de liberté, il n'y a pas de justice... Tu as voulu que nous t'aimions, car en justice nous ne pouvions être sauvés sinon en t'aimant. Et nous ne pouvions t'aimer à moins que cela ne vienne de toi. Donc, Seigneur, comme l'apôtre de ton amour le dit, tu nous as aimés le premier (1Jn 4,10), et le premier tu aimes tous ceux qui t'aiment. Mais nous, nous t'aimons par l'affection de l'amour que tu as mis en nous.
La Contemplation de Dieu, 10 (trad. AELF ; cf SC 61, p. 91s)
« Tout joyeux, il la prend sur ses épaules »
Pour mes mains, Seigneur, qui ont fait ce qu'elles ne devaient pas, tes mains ont été transpercées de clous, et tes pieds pour mes pieds. Pour les dérèglements de ma vue, tes yeux se sont endormis dans la mort, et tes oreilles pour ceux de mon ouïe. La lance du soldat a ouvert ton côté, pour que, par ta plaie, s'écoulent toutes les impuretés de mon cœur si longtemps enflammé et rongé de maladie. Pour finir, tu es mort pour que je vive ; tu as été enseveli afin que je ressuscite. Tel est le baiser de ta douceur, donné à ton Épouse ; c'est là l'étreinte de ton amour... Ce baiser, le larron l'a reçu sur la croix après sa confession ; Pierre l'a reçu quand son Seigneur l'a regardé alors qu'il le niait, et il est sorti pour pleurer. Beaucoup de ceux qui t'ont crucifié, convertis
à toi après ta Passion, ont fait alliance avec toi en ce baiser...; quand tu as embrassé les publicains et les pécheurs, tu es devenu leur ami et leur convive...
Seigneur, où emportes-tu ceux que tu embrasses et étreins, sinon jusqu'à ton cœur ? Ton cœur, Jésus, est cette douce manne de ta divinité, que tu gardes à l'intérieur, dans le vase d'or de ton âme qui dépasse toute connaissance. Bienheureux ceux que ton étreinte attire vers elle ! Bienheureux ceux qui, enfouis dans ces profondeurs, ont été cachés par toi dans le secret de ton cœur, ceux que tu portes sur tes épaules, à l'abri des troubles de cette vie. Bienheureux ceux qui n'ont d'autre espoir que dans la chaleur et la protection de tes ailes.
La force de tes épaules protège ceux que tu caches dans le fond de ton cœur. Là ils peuvent dormir tranquillement. Une douce attente les réjouit entre les murs de l'enclos d'une sainte conscience et de l'attente de la récompense que tu as promise. Leur faiblesse ne les fait pas défaillir, ni aucune inquiétude murmurer.
(Références bibliques : Jn 19,34; Lc 23,42; 22,61; Ac 2,41; Mt 9,10; He 9,4; Ps 30,21; 90,4; Lc 13,34; Ps 67,14)
Oraisons méditatives, n°8, 6 ; SC 324 (trad. cf SC p.139)
« Tu l'as révélé aux tout-petits »
Lorsque ta nature hésite devant les mystères trop profonds de la foi, dis sans crainte, non pour t'opposer, mais avec le désir d'obéir [comme Marie] : « Comment cela arrivera-t-il ? » (Lc 1,34) Que ta question soit une prière ; qu'elle soit amour, dévotion, humble désir ; qu'elle ne scrute pas avec hauteur la majesté divine, mais qu'elle cherche le salut dans les moyens de salut du Dieu de notre délivrance...
« Personne ne connaît les secrets de Dieu sinon l'Esprit de Dieu » (1Co 2,11). Hâte-toi donc de communier à l'Esprit Saint. Il est là dès qu'on l'invoque ; si on l'invoque, c'est qu'il est déjà présent. Dès que tu l'appelles, il vient ; il arrive dans l'abondance des bénédictions divines. C'est lui « le fleuve impétueux qui réjouit la cité de Dieu » (Ps 45,5). Lors de sa venue, s'il te trouve humble et sans inquiétude, mais tremblant à la parole de Dieu, il reposera sur toi (Lc 1,35) et te révélera ce que Dieu cache aux sages et aux prudents de ce monde. Alors commenceront à briller pour toi toutes ces vérités que la Sagesse (1Co 1,24) pouvait dire aux disciples alors qu'elle était sur terre, mais qu'ils ne pouvaient pas porter avant la venue de l'Esprit de vérité qui leur enseignerait la vérité toute entière (Jn 16,12-13).
Le Miroir de la foi ,6 ; PL 180, 384 ; SC 301 (trad. Orval et bréviaire Commun docteurs)
« Dieu dit : ' Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance ' » (Gn 1,26)
« Ô abîme de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses décrets sont insondables et incompréhensibles ses voies. Qui en effet a jamais connu la pensée du Seigneur ? Qui en a jamais été le conseiller ? » Tu as compassion, Seigneur, de qui tu veux ; tu as pitié de qui tu veux. Il ne s'agit pas donc de l'homme qui veut ou qui court, mais de toi, notre Dieu, qui fais miséricorde (Rm 11,33s; 9,15s).
Voici que le vase de poterie s'échappe de la main de celui qui l'a pétri...; il s'échappe de la main qui le tient et qui le porte... S'il lui arrivait de tomber de ta main, malheur à lui, parce qu'il se briserait...en mille morceaux, se réduirait à rien. Il le sait, et par ta grâce il ne tombe pas. Aie compassion, Seigneur, aie compassion : tu nous as façonnés, et nous sommes glaise (Jr 18,6; Gn 2,7). Jusqu'ici...nous restons fermes, jusqu'ici la main de ta force nous porte ; nous sommes suspendus à tes trois doigts, la foi, l'espérance et la charité, par lesquelles tu soutiens la masse de la terre, la solidité de la sainte Église. Aie compassion, tiens-nous ; que ta main ne nous laisse pas tomber. Plonge nos reins et notre cœur dans le feu de ton Esprit Saint (Ps 25,2) ; consolide ce que tu as façonné en nous, afin que nous ne nous désagrégions pas et ne soyons pas réduits à notre glaise, ou à rien du tout.
Pour toi, par toi, nous avons été créés, et vers toi nous sommes tournés. Tu nous as façonnés et formés, nous le reconnaissons ; nous adorons et invoquons ta sagesse à disposer, ta bonté et ta miséricorde à conserver. Parfais-nous, toi qui nous as faits ; parfais-nous jusqu'à la plénitude de ton image et ressemblance, selon laquelle tu nous a formés
Oraisons méditatives, 1, 1-5 ; SC 324 (trad. SC p. 41s rev.)
« Vous verrez les cieux ouverts »
S'il suffit de voir deux ou trois réunis en ton nom ici-bas pour te voir, toi, au milieu d'eux (Mt 18,20)..., que dire de ce lieu où tu as réuni tous les saints qui ont « scellé ton Alliance par leurs sacrifices » et qui sont devenus comme « les cieux qui annoncent ta justice » ? (Ps 49,5-6)
Ton disciple bien-aimé n'a pas été le seul à trouver le chemin qui monte aux cieux ; ce n'est pas à lui seul qu'on a montré une porte ouverte dans le ciel (Ap 4,1). En effet, tu l'as déclaré à tous de ta propre bouche : « Moi, je suis la porte. Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé » (Jn 10,9). C'est donc toi la porte, et, d'après ce que tu ajoutes, tu ouvres à tous ceux qui veulent entrer.
Mais à quoi nous sert de voir une porte ouverte dans le ciel, nous qui sommes sur la terre, si nous n'avons pas le moyen d'y monter ? Saint Paul nous donne la réponse : « Celui qui monte, c'est celui-là même qui est descendu » (Ep 4,9). Qui est-il ? L'Amour. En effet, Seigneur, c'est l'amour qui, de nos cœurs, monte vers toi parce que c'est l'amour qui, de toi, est descendu jusqu'à nous. Parce que tu nous as aimés, tu es descendu vers nous ; en t'aimant, nous pourrons monter jusqu'à toi. Toi qui as dit : « Je suis la porte », en ton nom, je t'en prie, ouvre-toi devant nous ! Nous verrons alors plus clairement de quelle demeure tu es la porte, et quand et à qui tu ouvres.
Oraisons méditatives, VI, 5-7 ; SC 324 (trad. cf SC p. 109s)
« Il nous a aimés le premier »
Toi seul, tu es vraiment Seigneur, mon Dieu, toi pour qui dominer sur nous, c'est nous sauver, tandis que pour nous, te servir, ce n'est pas autre chose que d'être sauvés par toi. Comment donc en effet sommes-nous sauvés par toi, Seigneur, de qui vient le salut, et qui répands sur ton peuple ta bénédiction , si ce n'est en recevant de toi de t'aimer et d'être aimés par toi ? Et pour cela, Seigneur, tu as voulu que le Fils de ta droite, l'homme que tu as affermi, soit appelé Jésus, c'est-à-dire Sauveur. C'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés ; en dehors de lui il n'y a pas de salut . C'est lui qui nous a appris à l'aimer quand le premier il nous a aimés, et jusqu'à la mort de la croix. Par son amour et sa délections, il éveille en nous l'amour pour lui, lui qui le premier nous a aimés jusqu'à l'extrême. ~
Oui, il en est bien ainsi : tu nous as aimés le premier, pour que nous t'aimions. Non que tu aies besoin de notre amour ; c'est nous qui ne pouvions, sans t'aimer, devenir ce pour quoi tu nous as faits. C'est pourquoi, souvent, dans le passé, ayant parlé à nos pères par les prophètes, sous des formes fragmentaires et variées, dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, tu nous as parlé par le Fils, ton Verbe ; c'est par lui que les cieux ont été faits, et par le souffle de sa bouche tout l'univers . Parler par ton Fils, pour toi, ce n'est pas autre chose que de mettre en plein soleil, de faire voir avec éclat combien et comment tu nous as aimés, puisque tu n'as pas épargné ton propre Fils, mais tu l'as livré pour nous tous. Et lui aussi, il nous a aimés, et il s'est livré lui-même pour nous.
Telle est la Parole, le Verbe tout-puissant que tu nous adresses, Seigneur. Tandis que tout baignait dans le silence , c'est-à-dire au profond de l'erreur, il descendit des royales demeures , pour abattre durement l'erreur et doucement mettre en valeur l'amour. Et tout ce qu'il a fait, tout ce qu'il a dit sur terre, jusqu'aux opprobres, jusqu'aux crachats et aux gifles, jusqu'à la croix et au sépulcre, ce ne fut rien d'autre que ta parole par ton Fils, parole qui nous provoquait à l'amour, parole qui éveillait en nous l'amour pour toi.
Tu savais en effet, Dieu, créateur des âmes, que les âmes des fils des hommes ne peuvent être forcées à cette affection, mais qu'il faut les provoquer. Parce que là où il y a contrainte, il n'y a plus de liberté ; là où il n'y a pas de liberté, il n'y a pas de justice. Tu as voulu que nous t'aimions, car en justice nous ne pouvions être sauvés, sinon en t'aimant. Et nous ne pouvions t'aimer, à moins que cela ne vienne de toi. Donc, Seigneur, comme l'apôtre de ton amour le dit, le premier tu nous as aimés, et le premier tu aimes tous ceux qui t'aiment. Mais nous, nous t'aimons par l'amour ardent que tu as mis en nous. ~
Eh bien, ton amour, ta bonté, ô Dieu souverainement bon et souverain bien, c'est l'Esprit Saint, qui procède du Père et du Fils. Depuis le début de la création, il se tient au-dessus des eaux, c'est-à-dire des esprits fluctuants des fils des hommes : il s'offre à tous, il attire tout à soi : inspirant, aspirant, écartant ce qui est nuisible, pourvoyant de ce qui est utile, il unit Dieu à nous et nous à Dieu.
TRAITÉ DE LA CONTEMPLATION DE DIEU
"Pour toi, âme fidèle, lorsque ta nature hésite devant les mystères trop profonds de la foi, dis sans crainte, non pour t’opposer, mais avec le désir d’obéir : Comment cela arrivera-t-il ? Que ta question soit une prière, qu’elle soit amour, piété, humble désir. Qu’elle ne scrute pas avec hauteur la majesté divine, mais cherche le salut dans les moyens de salut du Dieu de notre délivrance. Alors l’Ange du grand Conseil te répondra : Lorsque viendra le consolateur que je vous enverrai du Père, il rendra témoignage de moi et vous enseignera toutes choses : toute vérité vous viendra de l’Esprit de vérité. Qui donc connaît les secrets de l’homme, si ce n’est l’esprit de l’homme qui est en lui ? De même, nul ne connaît les secrets de Dieu, sinon l’Esprit de Dieu. Hâte-toi donc de communier à l’Esprit Saint. Il est là dès qu’on l’invoque ; si on l’invoque, c’est qu’il est déjà présent. Appelé, il vient ; il arrive dans l’abondance des bénédictions divines. C’est lui le fleuve impétueux qui réjouit la cité de Dieu. Lors de sa venue, s’il te trouve humble et sans inquiétude, mais tremblant à la parole de Dieu, il reposera sur toi et te révélera ce que Dieu cache aux sages et aux prudents de ce monde. Commenceront à briller pour toi toutes ces vérités que la Sagesse pouvait dire aux disciples alors qu’elle était sur terre, mais qu’ils ne pouvaient porter avant la venue de l’Esprit de vérité qui leur enseignerait toute vérité."
(Le miroir de la foi, 6)
« Il y avait beaucoup de veuves en Israël »
Mon âme misérable, Seigneur, est nue et transie ; elle désire être réchauffée par la chaleur de ton amour... Dans l'immensité du désert de mon coeur, je ne ramasse pas quelques branches comme la veuve de Sarepta, mais seulement ces brindilles, afin de me préparer de quoi manger, avec la poignée de farine et le vase d'huile, et puis en entrant dans la tente de ma demeure, je mourrai (1R 17,10s). Ou plutôt, je ne mourrai pas si vite ; non, Seigneur, je ne mourrai pas, mais je vivrai et je raconterai tes oeuvres (Ps 117,17).
Je me tiens donc dans ma solitude...et j'ouvre la bouche vers toi, Seigneur, et je cherche le souffle. Et quelquefois, Seigneur,...tu me mets quelque chose dans la bouche du coeur ; mais tu ne me permets pas de savoir ce que c'est. Sans doute, je goûte une saveur si douce, si suave, si réconfortante, que je ne recherche plus rien d'autre ; mais quand je la reçois, tu ne me permets pas de discerner ce que c'est... Quand je la reçois, je veux la retenir et la ruminer, la savourer, mais aussitôt elle passe...
Par expérience, j'apprends ce que tu dis de l'Esprit dans l'Evangile : « On ne sait d'où il vient ni où il va » (Jn 3,8). En effet, tout ce que j'ai pris soin de confier à ma mémoire, afin de pouvoir y revenir quand je voudrais et de le soumettre ainsi à ma volonté, tout cela je le trouve mort et insipide. J'entends ta parole : « L'Esprit souffle où il veut » et je découvre en moi qu'il souffle non pas quand je le veux, mais quand lui il le veut...
Vers toi donc, Seigneur, vers toi mes yeux sont tournés (Ps 122,1)... Combien de temps attendras-tu ? Combien de temps mon âme se traînera-t-elle après toi, misérable, anxieuse, à bout de souffle ? (Ps 12,2) Cache-moi, je t'en prie, dans le secret de ta face, loin des intrigues des hommes ; protège-moi dans ta tente, loin de la guerre des langues (Ps 30,21).
La Contemplation de Dieu, 12 (trad. SC 61, p.133 rev.)
« Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
« Venez ! Escaladons la montagne du Seigneur, montons à la maison du Dieu de Jacob, et il nous enseignera ses voies » (Is 2,3). Vous les intentions, désirs intenses, volonté et pensées, affections et toutes les énergies du coeur, venez, escaladons la montagne, gagnons le lieu où le Seigneur voit et se fait voir. Mais vous, soucis, sollicitudes et inquiétudes, labeurs et servitudes, attendez-nous ici...jusqu'à ce que, nous hâtant vers ce lieu, nous soyons de retour auprès de vous après avoir adoré (cf Gn 22,5). Car il nous faudra revenir, et hélas, trop vite.
Seigneur, Dieu de ma force, tourne-nous vers toi, « fais-nous revenir, montre-nous ta face et nous serons sauvés » (Ps 79,20). Mais, Seigneur, qu'il est prématuré, téméraire, présomptueux, contraire à la règle portée par la parole de ta vérité et de ta sagesse, de prétendre voir Dieu avec un coeur impur ! O bonté souveraine, bien suprême, vie des coeurs, lumière de nos yeux intérieurs, à cause de ta bonté, Seigneur, prends pitié.
La voilà, ma purification, ma confiance et ma justice : la contemplation de ta bonté, Seigneur si bon ! Toi, mon Dieu, tu dis à mon âme, comme tu sais le faire : « Ton salut, c'est moi » (Ps 34,3). Rabbouni, souverain maître et enseignant, toi le seul docteur capable de me faire voir ce que je désire voir, dis à ton mendiant aveugle : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Et tu sais bien, toi qui me donnes cette grâce…, avec quelle force mon coeur te crie : « Je t'ai cherché Seigneur ; je chercherai encore ton visage ! Ne détourne pas de moi ton visage » (Ps 26,8).
La Contemplation de Dieu, 1-2 (trad. Pain de Citeaux rev. ; cf SC 61)
Guillaume de Saint Thierry (vers 1085-1148),
moine bénédictin puis cistercien
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« La maison fut remplie par l'odeur du parfum »
Depuis mon enfance, je n'ai pas arrêté de pécher, et toi tu n'as pas cessé de me faire du bien... Cependant, Seigneur, que ton jugement se mue en miséricorde. Prends occasion du péché pour condamner le péché... Veuille trouver mon coeur digne du feu de ton parfait amour, que sa chaleur intense fasse sortir de moi et consume tout le venin du péché ! Qu'il mette à nu et noie dans les larmes de mes yeux toute l'infection de ma conscience. Que ta croix crucifie tout ce que la concupiscence de la chair, celle des yeux et l'orgueil de la vie ont gâté par l'effet de ma longue négligence. Seigneur, celui qui le voudra peut bien m'entendre et se moquer de ma confession : qu'il me regarde gisant avec la pécheresse aux pieds de ta miséricorde, les arrosant des larmes de mon coeur, versant sur eux le parfum d'une tendre dévotion (Lc 7,38). Que toutes mes ressources, si pauvres soient-elles, corps ou âme, soient versées pour acheter ce parfum qui te plaît. Je le répandrai sur ta tête, toi dont la tête est Dieu ; et sur tes pieds, toi dont la frange est notre nature infirme. Si le pharisien murmure, toi, mon Dieu, aie pitié de moi ! Si le voleur qui tient les cordons de la bourse en grince des dents, pourvu que je te fasse plaisir, je ne compte pas pour grand-chose de déplaire à qui que ce soit. Ô amour de mon coeur, que chaque jour, et même sans arrêt, je te verse ce parfum, car en le répandant sur toi, je le répands aussi sur moi... Donne-moi de te faire loyalement le don de tout ce que j'ai, de tout ce que je sais, de tout ce que je suis, de tout ce que je peux ! Que je ne me réserve rien ! Je suis là, aux pieds de ta miséricorde ; c'est là que je me tiendrai, que je pleurerai, jusqu'à ce que tu me fasses entendre ta douce voix, le jugement de ta bouche, la sentence de ta justice et de la mienne : « Ses nombreux péchés lui ont été pardonnés, parce qu'il a beaucoup aimé » (Lc 7,47).
Oraisons méditatives, n°5 (trad. O.E.I.L. 1985, p. 84 in Bourguet, L'Évangile médité, p. 198 rev.)
Date de dernière mise à jour : 2016-07-22
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