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Isaac de l'Etoile quelques écrits
Isaac de l'Étoile (?-v. 1171), moine cistercien
Liste des lectures
C'est dans l'Église que le Christ pardonne.
Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue
Heureux vous qui pleurez maintenant
Je me suis fait tout à tous. Je ne cherche pas mon propre intérêt,…
Premier-né d'une multitude de frères.
Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma soeur, ma mère
Qui peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ?
Porter les fardeaux les uns des autres
.....
Se repentir et croire à la parole de Dieu
Jésus se rendit dans la région de Tyr
Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui entendent la parole de Dieu, et qui la mettent en pratique
Envoyé aux brebis perdues d'Israël
L'envie : un blasphème contre l'Esprit Saint
Jésus se rendit dans la région de Tyr
Isaac de l'Étoile (?-v. 1171), moine cistercien
« Parcourant du regard ceux qui étaient assis autour de lui, Jésus dit : ' Voici ma mère et mes frères ' » (Mc 3,34)
La Vierge Marie occupe à bon droit la première place dans l'assemblée des justes, elle qui a engendré véritablement le premier d'entre eux tous. Le Christ en effet est « le premier-né d'un grand nombre de frères » (Rm 8,29)... C'est à juste titre que, dans les Écritures divinement inspirées, ce qui est dit en général de cette vierge mère qu'est l'Église s'applique en particulier à la Vierge Marie ; et ce qui est dit en particulier de la vierge mère qu'est Marie se comprend en général de l'Église vierge mère. Lorsqu'un texte parle de l'une ou de l'autre, il peut être appliqué presque sans distinction à l'une et à l'autre.
Chaque âme croyante est également, à sa manière, épouse du Verbe de Dieu, mère, fille et sœur du Christ, à la fois vierge et féconde. La Sagesse même de Dieu, le Verbe du Père, désigne à la fois l'Église au sens universel, Marie dans un sens très spécial et chaque âme croyante en particulier... L'Écriture dit : « Je demeurerai dans l'héritage du Seigneur » (Si 24,12). L'héritage du Seigneur, au sens universel, c'est l'Église, plus spécialement c'est Marie, et c'est l'âme de chaque croyant en particulier. En la demeure du sein de Marie, le Christ est resté neuf mois, en la demeure de la foi de l'Église, il restera jusqu'à la fin de ce monde, et dans la connaissance et l'amour de l'âme du croyant, pour les siècles des siècles.
Sermon 51 ; PL 194, 1862 (trad. Orval rev. ; cf SC 339 et bréviaire 2e sam. Avent)
C'est dans l'Église que le Christ pardonne.
Il y a deux choses qui reviennent à Dieu seul : l'honneur de recevoir la confession et le pouvoir de pardonner. Nous devons lui faire notre confession et attendre de lui le pardon. À Dieu seul il appartient, en effet, de pardonner les péchés ; c'est donc à lui seul qu'il faut les confesser. Mais le Tout-Puissant, le Très-Haut, ayant pris une épouse faible et insignifiante, fit de cette servante une reine. Celle qui était en retrait à ses pieds, il l'a placée à côté de lui ; car c'est de son côté qu'elle est sortie et c'est par là qu'il se l'est fiancée. Et de même que tout ce qui est au Père est au Fils et tout ce qui est au Fils est au Père de par leur unité de nature, de même l'Époux a donné tous ses biens à l'épouse et il a pris en charge tout ce qui appartient à l'épouse qu'il a unie à lui-même et aussi à son Père. Dans sa prière pour l'épouse, le Fils dit au Père : Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi. Qu'ils soient un en nous, eux aussi.
Aussi l'Époux, qui est un avec le Père et un avec l'épouse, a enlevé en celle-ci tout ce qu'il a trouvé chez elle d'étranger, le fixant à la croix où il a porté ses péchés sur le bois et les a détruits par le bois. Ce qui est naturel et propre à l'épouse, il l'a assumé et revêtu; ce qui lui est propre et divin, il l'a donné à l'épouse. Il a en effet supprimé le diabolique, assumé l'humain, donné le divin, si bien que tout est commun à l'épouse et à l’Époux. C'est pourquoi celui qui n'a pas commis le péché et dont la bouche était sans fourberie peut bien dire : Pitié pour moi, Seigneur, je suis sans force ; guéris mon âme, car j'ai péché contre toi. Il partage ainsi la faiblesse de l'épouse ainsi que son gémissement, et tout est commun à l'Époux et à l'épouse : l'honneur de recevoir la confession et le pouvoir de pardonner. C'est la raison de cette parole : Va te montrer au prêtre. ~
L'Église ne peut donc rien pardonner sans le Christ; et le Christ ne veut rien pardonner sans l'Église. L'Église ne peut rien pardonner sinon à celui qui se convertit, c'est-à-dire à celui que le Christ a d'abord touché. Le Christ ne veut pas accorder son pardon à celui qui méprise l'Église. ~ Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare donc pas. Ce mystère est grand, je veux dire qu'il s'applique au Christ et à l'Église.~ Garde-toi bien de séparer la tête du corps ; n'empêche pas le Christ d'exister tout entier ; car le Christ n'existe nulle part tout entier sans l'Église, ni l'Église sans le Christ. Le Christ total, intégral, c'est la tête et le corps. C'est lui qui dit : Personne ne monte au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est au ciel. C'est seulement cet homme-là qui pardonne les péchés.
SERMON
« Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue »
Quand le temps de la miséricorde est venu (Ps 101,14), le Bon Pasteur est descendu d'auprès du Père..., comme cela avait été promis de toute éternité. Il est venu chercher l'unique brebis qui s'était perdue. Pour elle promis depuis toujours, pour elle il a été envoyé dans le temps ; pour elle il est né et a été donné, éternellement prédestiné pour elle. Elle est unique, tirée à la fois des juifs et des nations..., présente en tous les peuples...; elle est unique dans son mystère, multiple dans les personnes, multiple par la chair selon la nature, unique par l'Esprit selon la grâce -- bref, une seule brebis et une foule innombrable...
Or ceux que ce berger reconnaît comme siens, « personne ne peut les lui arracher des mains » (Jn 10,28). Car on ne peut pas forcer la vraie puissance, tromper la sagesse, détruire la charité. C'est pourquoi il parle avec assurance, en disant...: « De ceux que tu m'as donnés, Père, je n'en ai pas perdu un seul » (Jn 18,9)...
Il a été envoyé comme vérité pour les abusés, comme route pour les égarés, comme vie pour ceux qui étaient morts, comme sagesse pour les insensés, comme remède pour les malades, comme rançon pour les captifs, et comme nourriture pour ceux qui mouraient de faim. Pour tous ceux-là, on peut dire qu'il a été envoyé « aux brebis perdues de la maison d'Israël » (Mt 15,24), pour qu'elles ne soient pas perdues à jamais. Il a été envoyé comme une âme dans un corps inerte, pour qu'à sa venue les membres se réchauffent et revivent d'une vie nouvelle, surnaturelle et divine : c'est la première résurrection (Ap 20,5). Il peut donc déclarer lui-même : « L'heure vient, et nous y sommes, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu et ceux qui l'auront entendue vivront » (Jn 5,25). Et il peut donc dire de ses brebis : « Elles entendront ma voix et elles me suivront » (Jn 10,4-5).
Sermon 35 ; 2ème dimanche de Carême (trad. SC 207, p. 259)
« Heureux vous qui pleurez maintenant »
« Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés » (Mt 5,5). Par cette parole le Seigneur veut nous faire comprendre que le chemin de la joie, c'est les pleurs. Par la désolation on va à la consolation ; c'est en perdant sa vie qu'on la trouve, en la rejetant qu'on la possède, en la haïssant qu'on l'aime, en la méprisant qu'on la garde (Mt 16,24s). Si tu veux te connaître toi-même et te maîtriser, entre en toi-même et ne te cherche pas au-dehors... Rentre en toi-même, pécheur, rentre là où tu es, en ton coeur... L'homme qui rentre en lui-même, ne se découvrira-t-il pas au loin, comme le fils prodigue, dans une région de dissemblance, dans une terre étrangère, où il s'assied et pleure au souvenir de son père et de sa patrie ? (Lc 15,17)...
« Adam, où es-tu ? » (Gn 3,9) Peut-être encore dans l'ombre pour ne pas te voir toi-même ; tu couds ensemble des feuilles de vanité pour couvrir ta honte, regardant ce qui est autour de toi et ce qui est à toi... Regarde au-dedans, regarde-toi... Rentre au-dedans de toi, pécheur, reviens à ton âme. Vois et pleure cette âme sujette à la vanité, à l'agitation et qui ne peut pas se libérer de sa captivité... Il est évident, frères, nous vivons en dehors de nous-mêmes, nous sommes oublieux de nous-mêmes, chaque fois que nous nous dissipons dans les balivernes ou les distractions, que nous nous régalons de futilités. Et c'est pourquoi la Sagesse a toujours à coeur d'inviter à la maison du repentir plutôt qu'à la maison de la bombance, c'est-à-dire de rappeler en lui-même l'homme qui était au-dehors de lui-même, en disant : « Bienheureux ceux qui pleurent » et dans un autre passage : « Malheur à vous qui riez maintenant ».
Mes frères, gémissons en présence du Seigneur dont la bonté porte à pardonner ; tournons-nous vers lui « dans le jeûne, les pleurs, le deuil sur nous-mêmes » (Jl 2,12) pour qu'un jour...ses consolations réjouissent nos âmes. Bienheureux en effet ceux qui pleurent, non parce qu'ils pleurent, mais parce qu'ils seront consolés. Les pleurs sont le chemin ; la consolation c'est la béatitude.
Sermon 2 pour la Toussaint, 13-20 (trad. Brésard, 2000 ans A, p. 84)
Je professe tout le respect dû à l'explication fidèle et pertinente qui voit dans la vigne [de la parabole chez Matthieu 20,15] l'Église universelle : la vigne représentant bien le Christ ; les rameaux, des chrétiens ; le fermier et propriétaire, le Père céleste ; le jour, le temps dans sa totalité ou la vie de l'homme ; les heures, les âges du monde ou de l'individu ; la place, l'activité agitée du monde, avide d'argent.
Personnellement cependant, j'aime considérer mon âme et aussi mon corps, c'est à dire ma personne tout entière, comme une vigne. Je ne dois pas la négliger, mais bien piocher et travailler pour qu'elle ne soit pas étouffée par d'autres rejetons ou par des racines étrangères, ni gênée par le foisonnement de ses pousses naturelles. Je dois l'émonder pour qu'elle ne pousse pas trop de bois, la tailler pour qu'elle porte plus de fruits. Je dois absolument l'entourer d'une haie pour qu'elle ne soit pas livrée au pillage des passants sur la route, et surtout pour que le sanglier de la forêt...ne la détruise pas (cf Ps 79,14). Je dois la cultiver avec le plus grand soin pour que le cep authentique de la vigne choisie ne dégénère pas, qu'il ne devienne pas une vigne étrangère, incapable de réjouir Dieu et les hommes (cf Ps 103,15) ou peut-être susceptible de les attrister. Je dois la protéger avec la plus grande vigilance pour que le fruit qui a coûté tant de travail et a été si longtemps attendu ne soit pas volé clandestinement par ceux qui, en secret, dévorent le pauvre (Ha 3,14), pour qu'il ne disparaisse pas soudainement dans une dévastation imprévue. C'est pourquoi le premier homme a reçu l'ordre de travailler et de garder le Paradis comme s'il était sa vigne (Gn 2,15).
Sermon 16, 1er pour le dimanche de la Septuagésime, §5-8 ; SC 130 (trad. cf SC p. 297)
« Je me suis fait tout à tous. Je ne cherche pas mon propre intérêt, mais celui de la multitude des hommes, afin qu'ils soient sauvés » (1Co 9,22; 10,33)
« Ce sont des hommes de miséricorde, dont les bienfaits ne tombent pas dans l'oubli ; les biens qu'ils ont laissés à leur postérité subsistent toujours » (liturgie latine; Si 44,10-11). Nous célébrons, bien aimés, le jour de naissance des apôtres Pierre et Paul ; et il convient...tout à fait que pareille mort soit appelée naissance, puisqu'elle engendre à la vie... Voilà où parviennent les saints : par cette mort qui donne la vie, ils quittent cette vie qui conduit à la mort, pour parvenir à cette vie vivifiante qui est en la main de Celui qui « a la vie en lui-même », le Père, comme le dit le Christ (Jn 5,26)...
Il y a trois sortes d'hommes miséricordieux. Les premiers donnent de leurs biens...en vue de suppléer par leur superflu à la pénurie d'autrui... Les seconds distribuent tous leurs biens, et pour eux dorénavant...tout se trouve en commun avec autrui... Quant aux troisièmes, non seulement ils dépensent tout, mais ils « se dépensent eux-mêmes tout entiers » (2Co 12,15) et ils se livrent en personne aux périls de la prison, de l'exil et de la mort, pour retirer les autres du péril où sont leurs âmes. Ils sont prodigues d'eux-mêmes, parce qu'ils sont avides des autres. Ils recevront la récompense de cette amour « dont il n'existe pas de plus grand : donner sa vie pour ceux qu'on aime » (Jn 15,13)... Tels sont ces glorieux princes de la terre et serviteurs du ciel dont aujourd'hui –- après de longues privations « de la faim et de la soif, du froid et de la nudité », de très dures fatigues et des dangers « de leurs compatriotes, des païens et des faux frères » (2Co 11,26-27) –- nous célébrons la mort magnifiquement victorieuse. A de tels hommes s'applique bien cette phrase : « Leurs bienfaits ne tombent pas dans l'oubli », parce qu'ils n'ont pas oublié la miséricorde... Oui, aux miséricordieux « la sort qui leur échoit est splendide, leur héritage magnifique » (Ps 15,6).
Sermon 49, 1er pour la fête des saints Pierre et Paul ; SC 339 (trad. cf SC p. 169s)
« Heureux les pauvres de cœur »
« Et s’étant assis, il ouvrit la bouche. » Comme je voudrais m’asseoir avec Jésus sur la montagne, m’asseoir à ses pieds et recevoir sa doctrine ! Dans la foule, il est debout, il marche, il agit, il se fatigue, on le presse, de sorte qu’il n’est guère possible, ni à lui ni à ses disciples, de manger le pain de la vie et de l’intelligence, de boire l’eau de la sagesse, qu’on boit dans le calme et que puisent ceux qui sont en paix, car le puits est profond…
Ouvrant donc la bouche pour s’adresser au cœur de Jérusalem, lui parlant au désert, c’est-à-dire sur la montagne, il dit : « Bienheureux les pauvres de cœur. » La Béatitude même parle du bonheur ; le Pauvre volontaire, de la pauvreté ; le Roi, du royaume ; le Doux, de la douceur ; le Consolateur, de la consolation ; le vrai Pain, du rassasiement ; la Miséricorde même, de la miséricorde ; la Pureté des cœurs, de la purification des cœurs ; la vraie Paix et le Fils par nature, de la pacification et de l’adoration filiale…
« Bienheureux les pauvres de cœur. » C’est très sagement...que d’abord il propose à tous ce que tous cherchent… Qui ne voudrait être heureux ? Pourquoi, dans l’humanité, les querelles, les luttes, les activités, les démarches, les vexations infligées ou subies ? N’est-ce pas pour arracher d’une manière ou d’une autre et comme on peut ce qui…semble devoir en quelque façon mener au bonheur ?... C’est pourquoi celui qui enseigne tous les hommes…commence par redresser ceux qui s’égarent…; celui qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie » commence ainsi : « Heureux les pauvres de cœur. »
(Références bibliques : Mc 6,31; Jn 6,35; Si 15,3; 38,24; Jn 4,11; Is 40,2; Os 2,16; Jn 14,16; 6,32; 14,6)
Sermon 1, pour la Toussaint ; SC 130 (trad. SC, p. 91 rev)
Premier-né d'une multitude de frères.
De même que la tête d'un homme et son corps constituent cet homme dans son unité, de même le Fils de la Vierge, avec les membres qu'il a élus, constitue un homme unique, et un seul Fils de Dieu. C'est le Christ total et complet, Tête et corps, dont parle l'Écriture. Oui, tous les membres ensemble forment un seul corps qui, avec sa Tête, constitue l'unique Fils de l'homme. Et lui, avec le Fils de Dieu, constitue l'unique Fils de Dieu, de même qu'avec Dieu il constitue un seul Dieu.
Ainsi le corps tout entier, avec sa Tête, est Fils de l'homme et Fils de Dieu, et Dieu par conséquent. D'où cette parole : Père, je veux que, de même que moi et toi nous sommes un, eux aussi soient un avec nous.
C'est pourquoi, conformément à cette affirmation fréquente de l'Écriture, le corps n'est pas sans la Tête, ni la Tête sans le corps. Pas plus que la Tête et le corps ne sont sans Dieu. Tel est le Christ total. ~ En conséquence, tous les membres forment un seul Dieu ; mais le Fils de Dieu est uni à Dieu par nature ; avec lui le Fils de l'homme est dans une unité de type personnel, tandis que son corps lui est uni sacramentellement. ~
Ainsi les membres croyants et spirituels du Christ peuvent dire en toute vérité qu'ils sont ce qu'il est lui-même, à savoir : Fils de Dieu, et Dieu. Mais ce qu'il est par nature, eux le sont comme membres associés ; ce qu'il est en plénitude, eux le sont par participation ; bref, s'il est Fils de Dieu par son origine, ses membres le sont ~ par adoption, selon cette parole de l'Apôtre : Vous avez reçu un Esprit de fils adoptifs, qui nous fait nous écrier : Abba, Père .
En même temps que cet Esprit, il leur a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu , afin que, selon l'enseignement du premier-né d'une multitude de frères , ils apprennent à dire : Notre Père qui es aux cieux . Il dit aussi, ailleurs : Je monte vers mon Père et votre Père . ~
Par cet Esprit, il est né du sein de la Vierge comme Fils de l'homme, et comme notre Tête ; par le même Esprit, nous renaissons pour notre part de la source baptismale comme fils de Dieu, comme son corps. Et de même que lui est né sans aucun péché, nous renaissons, nous, dans le pardon de tous nos péchés.
En effet, de même que dans son corps de chair, il a porté sur le bois tous les péchés de son corps tout entier, ainsi a-t-il donné au corps spirituel la grâce de la régénération, pour que ce corps ne se voie plus imputer aucun péché. L'Écriture le dit : Heureux l'homme à qui le Seigneur n'impute pas de péché . Cet homme heureux, c'est sans doute le Christ, car en tant qu'il est Tête du Christ, Dieu, il remet les péchés ; en tant qu'il est Tête du corps, homme unique, il n'a rien à se faire pardonner ; et en tant qu'il est le corps de la Tête, fait d'une multitude de membres, il ne se voit imputer aucun péché.
Il est juste en lui-même, et lui-même se rend juste. Il est l'unique Sauveur, l'unique sauvé. ~ Car dans son corps, sur le bois, il a porté le péché que par l'eau il a emporté loin de son corps. De deux manières, par le bois et par l'eau, il sauve, lui l'Agneau de Dieu qui porte les péchés du monde , parce qu'il les a pris sur lui ; prêtre et sacrifice, il est aussi Dieu ; en s'offrant lui-même à lui-même, il s'est réconcilié avec lui-même, comme avec le Père et l'Esprit Saint.
HOMÉLIE POUR L'ASCENSION
« Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma soeur, ma mère »
Le Fils de Dieu est le premier-né d'un grand nombre de frères (Rm 8,29) car, étant Fils unique par nature, il s'est associé par la grâce une multitude de frères qui ne font qu'un avec lui : « A tous ceux qui l'ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu » (Jn 1,12). Devenu fils d'homme, il a fait de la multitude des hommes des fils de Dieu. Il se les est associés, alors qu'il est unique par son amour et sa puissance. Les hommes, en eux-mêmes, par leur naissance selon la chair, sont une multitude ; mais par la seconde naissance, la naissance divine, ils ne sont avec lui qu'un seul. Le seul Christ, unique et total, c'est la tête et le corps (Col 1,18).
Et ce Christ unique est le Fils d'un seul Dieu dans le ciel et d'une seule mère sur
Homélie 51, pour l'Assomption ; PL 194, 1862 (trad. bréviaire)
« Qui peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? » (Mc 2,7)
Il y a deux choses qui reviennent à Dieu seul : l'honneur de recevoir la confession et le pouvoir de pardonner. Nous devons lui faire notre confession et attendre de lui le pardon. A Dieu seul il appartient, en effet, de pardonner les péchés ; c'est donc à lui seul qu'il faut les confesser. Mais le Tout-Puissant, le Très-Haut, ayant pris une épouse faible et insignifiante, a fait de cette servante une reine. Celle qui était en retrait à ses pieds, il l'a placée à côté de lui ; car c'est de son côté qu'elle est sortie et c'est par là qu'il se l'est fiancée (Gn 2,22;Jn 19,34). Et de même que tout ce qui est au Père est au Fils et tout ce qui est au Fils est au Père de par leur unité de nature (Jn 17,10), de même l'Époux a donné tous ses biens à l'épouse et il a pris en charge tout ce qui appartient à l'épouse qu'il a unie à lui-même et aussi à son Père…
C’est pourquoi l'Époux, qui est un avec le Père et un avec l'épouse, a enlevé en celle-ci tout ce qu'il a trouvé chez elle d'étranger, le fixant à la croix où il a porté ses péchés sur le bois et les a détruits par le bois. Ce qui est naturel et propre à l'épouse, il l'a assumé et revêtu ; ce qui lui est propre et divin, il l'a donné à l'épouse... Il partage ainsi la faiblesse de l'épouse ainsi que son gémissement, et tout est commun à l'Époux et à l'épouse : l'honneur de recevoir la confession et le pouvoir de pardonner. C'est la raison de cette parole : « Va te montrer au prêtre » (Mc 1,44).
Homélie 11 (trad. bréviaire ; cf Orval)
« Heureux les pauvres de coeur »
Tous les hommes sans exception désirent le bonheur,
La fausse sagesse de ce monde, qui est vraiment folie (1Co 3,19), se prononce sans comprendre ce qu'elle affirme ; elle déclare bienheureuse « la race étrangère, dont la main droite est remplie d'injustice, dont la bouche profère le mensonge » parce que « leurs greniers sont pleins et débordants, leurs brebis fécondes et leurs vaches grasses » (Ps 143,7-13). Mais toutes leurs richesses sont incertaines, leur paix n'est pas la paix (Jr 6,14), leur joie est stupide. Au contraire, la Sagesse de Dieu, le Fils par nature, la main droite du Père, la bouche qui dit la vérité, proclame bienheureux les pauvres, destinés à être rois, rois du Royaume éternel. Il semble dire : « Vous cherchez la béatitude, mais elle n'est pas où vous cherchez ; vous courez, mais hors du chemin. Voici le chemin qui conduit au bonheur : la pauvreté volontaire à cause de moi, tel est le chemin. Le Royaume des cieux en moi, voilà
Ne craignons pas, frères. Nous sommes pauvres ; écoutons le Pauvre recommander aux pauvres
Sermon 1, pour la Toussaint (trad. cf SC 130, p.93s)
« Porter les fardeaux les uns des autres »
Pourquoi sommes-nous si peu soucieux de chercher des occasions de salut les uns pour les autres, de façon à nous secourir davantage entre nous, là où nous voyons que ce serait plus nécessaire, et à porter mutuellement, en frères, nos fardeaux ? L'Apôtre nous y exhorte lorsqu'il dit : Portez les fardeaux les uns des autres et vous accomplirez ainsi a loi du Christ. Et ailleurs : Supportez-vous les uns les autres avec amour . C'est bien la loi même du Christ.
Lorsqu'en mon frère je perçois quelque chose d'incorrigible, par suite de difficultés ou d'infirmités physiques ou morales, pourquoi ne pas le supporter avec patience, pourquoi ne pas l'en consoler de tout cœur, selon la parole de l'Écriture : Leurs enfants seront portés sur les bras et consolés sur les genoux . Serait-ce qu'elle me manque, cette charité qui supporte tout, qui est patiente pour soutenir, indulgente pour aimer ? Telle est en tous cas la loi du Christ. Dans sa passion, il a vraiment porté nos souffrances et, dans sa miséricorde, il s'est chargé de nos douleurs , aimant ceux qu'il portait, portant ceux qu'il aimait. Celui qui, au contraire, se montre agressif envers son frère en difficulté, celui qui tend un piège à sa faiblesse, quelle qu'elle soit, se soumet à la loi du diable et l'accomplit. Soyons donc mutuellement compatissants et pleins d'amour fraternel, supportons les faiblesses et poursuivons les vices. ~
Tout genre de vie qui permet de s'adonner plus sincèrement à l'amour de Dieu et, pour lui, à l'amour du prochain — quels que soient l'habit ou les observances —, est aussi plus agréable à Dieu. La charité : c'est pour elle que tout doit se faire ou ne pas se faire, changer ou ne pas changer. La charité : c'est le principe par lequel il convient que tout soit dirigé. Il n'y a aucune faute dans ce qui, en toute vérité, se fait pour elle et selon son esprit. Daigne nous l'accorder celui à qui sans elle nous ne pouvons plaire et sans qui nous ne pouvons rien, lui qui vit et règne, car il est Dieu, pour les siècles sans fin. Amen.
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Isaac de l'Étoile (?-v. 1171), moine cistercien
.....
« Rentrant alors en lui-même, il se dit...: 'Ici je meurs de faim. Je vais retourner chez mon père' »
« Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés » (Mt 5,5). Par cette parole le Seigneur veut nous faire comprendre que le chemin de la joie, c'est les pleurs. Par la désolation on va à la consolation ; c'est en perdant sa vie qu'on la trouve, en la rejetant qu'on la possède, en la haïssant qu'on l'aime, en la méprisant qu'on la garde (cf Lc 9,23s). Si tu veux te connaître toi-même et te maîtriser, entre en toi-même et ne te cherche pas au-dehors... Rentre donc en toi-même, pécheur, rentre là où tu existes vraiment : en ton cœur. À l'extérieur, tu es un animal, à l'image du monde...; au-dedans, tu es un homme, à l'image de Dieu (Gn 1,26), et donc capable d'être déifié.
C'est pourquoi, frères, l'homme qui rentre en lui-même, ne se découvrira-t-il pas au loin, comme le fils prodigue, dans une région de dissemblance, dans une terre étrangère, où il s'assied et pleure au souvenir de son père et de sa patrie ?... « Adam, où es-tu ? » (Gn 3,9) Peut-être encore dans l'ombre pour ne pas te voir toi-même : tu couds ensemble des feuilles de vanité pour couvrir ta honte (Gn 3,7), regardant ce qui est autour de toi et ce qui est à toi, car tes yeux sont grand ouverts sur de telles choses. Mais regarde au-dedans, regarde-toi : c'est là que se trouve le plus grand sujet de honte...
Il est évident, frères : nous vivons en dehors de nous-mêmes... C'est pourquoi la Sagesse a toujours à cœur d'inviter à la maison du deuil plutôt qu'à la maison du banquet (Eccl 7,3), c'est-à-dire de rappeler en lui-même l'homme qui était au-dehors de lui-même, en disant : « Bienheureux ceux qui pleurent » et dans un autre passage : « Malheur à vous qui riez maintenant » (Lc 6,25)... Mes frères, gémissons en présence du Seigneur : que sa bonté le porte à nous pardonner... Bienheureux ceux qui pleurent, non parce qu'ils pleurent, mais parce qu'ils seront consolés. Les pleurs sont le chemin ; la consolation c'est la béatitude.
2ème sermon pour la Toussaint § 13-20 (trad. Brésard, 2000 ans A, p. 84)
Se repentir et croire à la parole de Dieu
Frères, c'est le moment de sortir, chacun de nous pour sa part, du lieu de notre péché. Sortons de notre Babylone pour rencontrer Dieu notre Sauveur, comme nous en avertit le prophète : « Sois prêt, Israël, pour aller à la rencontre du Seigneur, car il vient » (Am 4,12). Sortons de l'abîme de notre péché et acceptons de partir vers le Seigneur qui a assumé « une chair semblable à celle du péché » (Rm 8,3). Sortons de la volonté du péché et partons faire pénitence de nos péchés. Alors nous trouverons le Christ : lui-même a expié le péché qu'il n'avait absolument pas commis. Alors, celui qui sauve les pénitents nous accordera le salut... : « Il fait miséricorde à ceux qui se convertissent » (Si 12,3 Vulg).
Vous allez me dire : ... « Qui donc par lui-même peut sortir du péché ? » Oui, en vérité, le plus grand péché c'est l'amour du péché, le désir de pécher. Sors donc de ce désir..., hais le péché et te voilà sorti du péché. Si tu hais le péché, tu as rencontré le Christ là où il se trouve. A ceux qui haïssent le péché..., le Christ pardonne la faute en attendant d'ôter à la racine nos habitudes mauvaises.
Mais vous dites que même cela est beaucoup pour vous et que sans la grâce de Dieu il est impossible à l'homme de haïr son péché, de désirer la justice et de vouloir se repentir : « Que le Seigneur soit loué pour ses miséricordes, pour ses merveilles pour les fils des hommes ! » (Ps 106,8)... Seigneur, sauve-moi de la lâcheté d'esprit et de la tempête... Ô Seigneur à la main puissante, Jésus tout-puissant, tu as libéré ma raison du démon de l'ignorance et arraché ma volonté malade de la peste de ses convoitises, libère maintenant ma capacité d'agir afin qu'avec tes saints anges..., je puisse moi aussi « accomplir ta parole, attentif à tout ce que tu dis » (Ps 102,20).
1er Sermon pour le 2e dimanche de carême (trad. cf SC 207, p. 225s)
« Jésus se rendit dans la région de Tyr »
« Étant sorti, Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon » (Mt 15,21). Lorsque « le Verbe, la Parole de Dieu, s'est fait chair et a habité parmi nous » (Jn 1,14), il est sorti du Père pour venir dans le monde (Jn 16,28). « Lui qui était dans la condition de Dieu » est sorti de sa patrie pour « se dépouiller lui-même, prenant la condition d'esclave » (Ph 2,6-7), « notre condition humaine de pécheurs » (Rm 8,3), afin d'être trouvé par ceux qui sortent de leur propre territoire pour le trouver dans la région de Tyr et de Sidon... Qu'elle sorte donc, cette femme Cananéenne, de l'intérieur de son territoire (Mt 15,22), et qu'elle rencontre, à la frontière se son propre pays, le médecin qui vient de son plein gré, sorti par miséricorde de son territoire à lui. Avec bonté il se présente en territoire étranger, au malade qui n'aurait pas pu l'aborder s'il était resté dans le sien. Car en tant que Dieu bienheureux, juste et fort, il était en haut, et il était interdit à l'homme misérable d'y monter... Plein de compassion, il a donc réalisé ce qui convenait à la pitié : il est venu jusqu'au pécheur... Sortons donc, frères, sortons, chacun pour notre part, du lieu de notre propre injustice... Hais le péché, et te voilà sorti du péché. Tu hais le péché, et tu as rencontré le Christ là où il se trouve... Mais tu diras que cela même est beaucoup pour toi, et que sans la grâce de Dieu, il est impossible à l'homme de haïr le péché, de désirer la justice, de ne pas vouloir pécher et de vouloir se repentir. « Que le Seigneur soit loué pour sa miséricorde, et pour ses merveilles pour les fils des hommes ! » (Ps 106,8) En effet, si c'est par sa grâce qu'il s'est retiré visiblement dans la région de Tyr et de Sidon où la femme pouvait le rencontrer, c'est aussi par grâce qu'il a secrètement tiré cette femme de sa demeure la plus intérieure... Cette femme symbolise l'Église, prédestinée éternellement, appelée et justifiée dans le temps, destinée à la gloire à la fin des temps (Rm 8,30) : sans trêve elle prie pour sa fille, c'est-à-dire pour chacun des élus.
Sermon 33, 1er pour le 2ème dimanche de Carême (trad. cf SC 207, p. 221-227)
« Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui entendent la parole de Dieu, et qui la mettent en pratique »
« J'ai cherché le repos en toutes choses » dit la Sagesse de Dieu ; « et je demeurerai, dit-elle ensuite, dans l'héritage du Seigneur » (Si 24,7). L'héritage du Seigneur, dans sa totalité c'est l'Église, tout spécialement c'est Marie, et c'est l'âme de chaque fidèle en particulier... Le texte continue : « Alors le Créateur de l'univers m'a parlé et m'a commandé ; celui qui m'a créée m'a fait dresser ma tente. Il ma dit : ' Installe-toi en Jacob ' » (v. 8). Ayant en effet cherché partout le repos et ne l'ayant trouvé nulle part, la Sagesse de Dieu, son Verbe, s'est d'abord réservé comme son héritage le peuple juif, auquel par Moïse il a « parlé et commandé »... Et celui qui par cette seconde création a créé la Synagogue, la mère de l'Église, « s'est reposé dans sa tente », dans la tente de l'Alliance. Maintenant, dans l'Église, il repose dans le sacrement de son Corps. Et, comme il avait aussi cherché, pour ainsi dire, parmi toutes les femmes celle de qui il naîtrait, il s'est choisi tout spécialement Marie, qui depuis est appelée « bénie entre toutes les femmes » (Lc 1,28)... Le Christ, qui l'avait créée nouvelle créature (cf 2Co 5,17), est venu reposer en son sein. C'est également à chaque âme fidèle prédestinée au salut que cette Sagesse « commande et parle », quand elle veut et comme elle veut. Elle le fait soit intérieurement par l'intelligence naturelle, par laquelle elle « illumine tout homme venant en ce monde » (Jn 1,9) et par l'inspiration de la grâce...; soit au-dehors par la doctrine et par la création (cf Rm 1,20)... Et la Sagesse de Dieu, son Verbe, qui crée et forme ainsi cette âme « dans le Christ Jésus pour que nos actes soient vraiment bons » (Ep 2,10), vient reposer en sa conscience
Sermon 51, 25-27 ; PL 194, 1862 ; SC 339 (trad. SC p. 217 rev.)
« Envoyé aux brebis perdues d'Israël »
« Je n'ai été envoyé, déclare le Seigneur, qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël. » On peut le dire en bref...: il a été envoyé à celui à qui il a été promis. « C'est à Abraham, est-il dit, que les promesses ont été faites, et à sa descendance » (Ga 3,16). La promesse faite dans le temps est accomplie en son temps, et pour les juifs à partir des juifs, selon qu'il est écrit : « Le salut vient des juifs » (Jn 4,22). C'est à eux que le Christ, né d'eux dans la chair, a été envoyé à la fin des temps ; à eux qu'il avait été promis au commencement du temps, lui prédestiné avant tous les temps. Prédestiné pour les juifs et les païens, né des seuls juifs sans intermédiaire dans la chair, il a été présenté à sa naissance selon la chair à ceux à qui il avait été promis... Mais le nom « Israël » signifie « homme voyant Dieu » : il s'applique donc à bon droit à tout esprit raisonnable. De ce fait, on peut comprendre que « la maison d'Israël » embrasse aussi les anges, ces esprits prédestinés à la vision de Dieu... Tandis que ces quatre-vingt-dix-neuf brebis..., sur la montagne de la vision et de la délectation de leur pasteur, c'est-à-dire du Verbe de Dieu, marchent au large et se couchent sans crainte dans les gras pâturages toujours verdoyants (Ps 22,2), le bon Pasteur est descendu d'auprès du Père, quand « le temps de la miséricorde » (Ps 101,14) est venu. Il a été envoyé miséricordieusement dans le temps, lui qui...avait été promis de toute éternité ; il est venu chercher l'unique brebis qui s'était perdue (Lc 15,4s)... Le bon berger a donc été envoyé pour consolider ce qui était brisé, pour fortifier ce qui était faible (cf Ez 34,16). Ce qui était brisé et faible, c'était le libre arbitre de l'homme. Jadis, en voulant se hausser au-dessus de lui-même, il est tombé ; n'ayant pas la force de se soutenir, il s'est écrasé et brisé..., totalement incapable de se redresser. Consolidé enfin et réconforté par le Christ lui-même..., mais pas complètement vigoureux tant qu'il n'est pas placé avec les quatre-vingt-dix-neuf autres dans les gras pâturages, il est porté dans les bras du berger : « Il portera sur sa poitrine les agneaux, est-il écrit ; il portera les brebis mères » (Is 40,11).
Sermon 35, 3ème pour le 2ème dimanche de Carême ; SC 207 (trad. SC p. 257 rev.)
L'envie : un blasphème contre l'Esprit Saint
« C'est par Béelzéboul, prince des démons, qu'il chasse les démons »... Le propre des gens malfaisants et animés par l'envie est de fermer les yeux tant qu'ils le peuvent sur le mérite d'autrui et, lorsque vaincus par l'évidence ils ne le peuvent plus, de le déprécier ou de le dénaturer. Ainsi, quand la foule exulte de dévotion et s'émerveille à la vue des oeuvres du Christ, les scribes et les Pharisiens soit ferment les yeux à ce qu'ils savent être vrai, soit rabaissent ce qui est grand, soit dénaturent ce qui est bon. Une fois, par exemple, feignant d'être ignorants, ils ont dit à celui qui a fait tant de signes merveilleux : « Quel signe fais-tu pour que nous croyions en toi ? » (Jn 6,30) Ici, ne pouvant pas nier les faits avec impudence, ils les déprécient méchamment..., et ils les dénaturent en disant : « C'est par Béelzéboul, prince des démons qu'il chasse les démons ». Voilà, chers frères, ce blasphème contre l'Esprit qui lie ceux qu'il a saisis des chaînes d'une faute éternelle. Ce n'est pas que ce soit impossible au pénitent de recevoir le pardon de tout, s'il « produit des fruits qui expriment sa conversion » (Lc 3,8). Seulement, écrasé sous un tel poids de malice, il n'a pas la force d'aspirer à cette pénitence honorable qui mérite le pardon... Celui qui, percevant avec évidence chez son frère la grâce et l'opération du Saint Esprit..., ne craint pas de dénaturer et de calomnier et d'attribuer insolemment à l'esprit mauvais ce qu'il sait pertinemment être du Saint Esprit, celui-là est tellement abandonné par cet Esprit de grâce qu'il ne veut plus de la pénitence qui lui obtiendrait le pardon. Il est complètement obscurci, aveuglé par sa propre malice. Quoi de plus grave en effet que d'oser, par envie envers un frère qu'on a reçu l'ordre d'aimer comme soi-même (Mt 19,19), blasphémer la bonté de Dieu...et insulter sa majesté en voulant discréditer un homme ?
Sermon 39, 2-6 ; SC 207 (trad. SC, p. 321)
Envoyé aux brebis perdues
Le Christ est venu chercher l'unique brebis qui s'était perdue (Mt 18,12). C'est pour elle que le Bon Pasteur a été envoyé dans le temps, lui qui depuis toujours a été promis ; pour elle qu'il est né et a été donné. Elle est unique, tirée des juifs et des nations..., tirée de toutes les nations, unique dans le mystère, multiple dans les personnes, multiple par le corps selon la nature, unique par l'esprit selon la grâce, bref, une seule brebis et une foule innombrable. C'est pourquoi celui qui est venu chercher l'unique brebis a été envoyé « aux brebis perdues de la maison d'Israël » (Mt 15,24)... Or ce que le Berger reconnaît comme sien, « personne ne peut le lui arracher des mains. » (Jn 10,28) Car on ne peut pas forcer la puissance, tromper la sagesse, détruire la charité. C'est pourquoi il parle avec assurance, disant : « De ceux que tu m'as donnés, Père, je n'en ai perdu aucun. » (Jn 17,12)... Et il a donc été envoyé comme vérité pour les abusés, comme route pour les égarés, comme vie pour ceux qui étaient morts, comme sagesse pour ceux qui étaient des insensés, comme remède pour les malades, comme rançon pour les captifs, et comme nourriture pour ceux qui mouraient de faim. En leur personne à tous, on peut donc dire qu'il a été envoyé « aux brebis perdues de la maison d'Israël », pour qu'elles ne soient pas perdues à jamais
Sermon 35 (trad.cf SC 202,p.259)
Marie et l'Église.
Le Fils de Dieu est le premier-né d'un grand nombre de frères, car, étant Fils unique par nature, il s'est associé par la grâce une multitude de frères qui ne font qu'un avec lui : à tous ceux qui l'ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu . Devenu fils d'homme , il a fait de la multitude des hommes des fils de Dieu. Il se les est associés, alors qu'il est unique par son amour et sa puissance. Les hommes, en eux-mêmes, par leur naissance selon la chair, sont une multitude ; mais par la seconde naissance, la naissance divine, ils ne sont avec lui qu'un seul. Le seul Christ, unique et total, c'est la tête et le corps.
Et ce Christ unique est le Fils d'un seul Dieu dans le ciel et d'une seule mère sur la terre. Il y a beaucoup de fils, et il n'y a qu'un seul fils. Et de même que la tête et le corps sont un seul fils et plusieurs fils, de même Marie et l'Église sont une seule mère et plusieurs mères, une seule vierge et plusieurs vierges. L'une et l'autre sont mères ; l'une et l'autre, vierges. L'une et l'autre ont conçu du Saint-Esprit, sans attrait charnel. L'une et l'autre ont donné une progéniture à Dieu le Père, sans péché. L'une a engendré, sans aucun péché, une tête pour le corps; l'autre a fait naître, dans la rémission des péchés, un corps pour la tête. L'une et l'autre sont mères du Christ, mais aucune des deux ne l'enfante tout entier sans l'autre. Aussi c'est à juste titre que, dans les Écritures divinement inspirées, ce qui est dit en général de la vierge mère qu'est l'Église, s'applique en particulier à la Vierge Marie ; et ce qui est dit de la vierge mère qu'est Marie, en particulier, se comprend en général de la vierge mère qu'est l'Église. Et lorsqu'un texte parle de l'une ou de l'autre, il peut s'appliquer presque sans distinction et indifféremment à l'une et à l'autre.
De plus, chaque âme croyante est également, à sa manière propre, épouse du Verbe de Dieu, mère, fille et sœur du Christ, vierge et féconde. Ainsi donc c'est la Sagesse même de Dieu, le Verbe du Père, qui désigne à la fois l'Église au sens universel, Marie dans un sens très spécial et chaque âme croyante en particulier. C'est pourquoi l'Écriture dit : Je demeurerai dans l'héritage du Seigneur . L'héritage du Seigneur, dans sa totalité, c'est l'Église, c'est tout spécialement Marie, et c'est l'âme de chaque croyant en particulier. En la demeure du sein de Marie, le Christ est resté neuf mois ; en la demeure de la foi de l'Église, il restera jusqu'à la fin de ce monde ; et dans la connaissance et l'amour du croyant, pour les siècles des siècles.
SERMON D'ISAAC DE L'ÉTOILE POUR L'ASSOMPTION
« Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel »
Tout est commun entre l'Époux et son épouse, c'est-à dire entre le Christ et l'Église : l'honneur de recevoir la confession et le pouvoir de la rémission des péchés. C'est la raison de cette parole : « Va te montrer au prêtre » (Mt 8,4)... L'Église ne peut rien remettre sans le Christ ; et le Christ ne veut rien remettre sans l'Église. L'Église ne peut rien remettre sinon au pénitent, c'est-à-dire à celui que le Christ a d'abord touché ; et le Christ ne veut pas donner la rémission à ceux qui méprisent l'Église.
Le Christ, qui est tout-puissant, peut tout par lui-même : baptiser, consacrer l'eucharistie, ordonner, remettre les péchés, et le reste ; mais, puisqu'il est un Époux humble et fidèle, il ne veut rien faire sans son épouse. « Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas » (Mt 19,6) ; « Ce mystère est grand, je veux dire qu'il s'applique au Christ et à l'Église » (Ep 5,32)... Garde-toi donc de séparer la Tête du corps (Col 1,18), ce qui empêcherait le Christ d'exister tout entier. Car le Christ n'existe nulle part tout entier sans l'Église, tout comme l'Église n'existe nulle part tout entier sans le Christ. En effet, le Christ total, intégral, c'est la Tête et le corps.
Sermon 11, §11-14 ; PL 194, 1729 ; SC 130 (trad SC p. 243s rev.)
« Jésus se rendit dans la région de Tyr »
« Étant sorti, Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon » (Mt 15,21). Lorsque « le Verbe, la Parole de Dieu, s'est fait chair et a habité parmi nous » (Jn 1,14), il est sorti du Père pour venir dans le monde (Jn 16,28). « Lui qui était dans la condition de Dieu » est sorti de sa patrie pour « se dépouiller lui-même, prenant la condition d'esclave » (Ph 2,6-7), « notre condition humaine de pécheurs » (Rm 8,3), afin d'être trouvé par ceux qui sortent de leur propre territoire pour le trouver dans la région de Tyr et de Sidon... Qu'elle sorte donc, cette femme Cananéenne, de l'intérieur de son territoire (Mt 15,22), et qu'elle rencontre, à la frontière de son propre pays, le médecin qui vient de son plein gré, sorti par miséricorde de son territoire à lui. Avec bonté il se présente en territoire étranger, au malade qui n'aurait pas pu l'aborder s'il était resté dans le sien. Car en tant que Dieu bienheureux, juste et fort, il était en haut, et il était interdit à l'homme misérable d'y monter... Plein de compassion, il a donc réalisé ce qui convenait à la pitié : il est venu jusqu'au pécheur...
Sortons donc, frères, sortons, chacun pour notre part, du lieu de notre propre injustice... Hais le péché, et te voilà sorti du péché. Tu hais le péché, et tu as rencontré le Christ là où il se trouve... Mais tu diras que cela même est beaucoup pour toi, et que sans la grâce de Dieu, il est impossible à l'homme de haïr le péché, de désirer la justice, de ne pas vouloir pécher et de vouloir se repentir. « Que le Seigneur soit loué pour sa miséricorde, et pour ses merveilles pour les fils des hommes ! » (Ps 106,8) En effet, si c'est par sa grâce qu'il s'est retiré visiblement dans la région de Tyr et de Sidon où la femme pouvait le rencontrer, c'est aussi par grâce qu'il a secrètement tiré cette femme de sa demeure la plus intérieure...
Cette femme symbolise l'Église, prédestinée éternellement, appelée et justifiée dans le temps, destinée à la gloire à la fin des temps (Rm 8,30) : sans trêve elle prie pour sa fille, c'est-à-dire pour chacun des élus.
.Sermon 33, 1er pour le 2ème dimanche de Carême (trad. cf SC 207, p. 221-227)
« Portez les fardeaux les uns des autres ; ainsi vous accomplirez la loi du Christ » ; « Supportez-vous les uns les autres avec amour » (Ga 6,2; Ep 4,2) : c'est bien la Loi même du Christ. Lorsqu'en mon frère je perçois quelque chose d'incorrigible par suite de difficultés ou d'infirmités physiques ou morales, pourquoi ne pas le supporter avec patience, pourquoi ne pas l'en consoler de tout cœur, selon la parole de l'Écriture : « Leurs enfants seront portés sur les bras et consolés sur les genoux » ? (Is 66,12) Serait-ce qu'il me manque cette charité qui supporte tout, qui est patiente pour soutenir, indulgente pour aimer ? (cf 1Co 13,7) En tout cas telle est la loi du Christ : dans sa Passion, il a vraiment « pris sur lui nos souffrances », et dans sa miséricorde « s'est chargé de nos douleurs » (Is 53,4), aimant ceux qu'il portait, portant ceux qu'il aimait.
Celui qui, au contraire, se montre agressif envers son frère en difficulté, celui qui tend un piège à sa faiblesse, quelle qu'elle soit, se soumet de toute évidence à la loi du diable et l'accomplit. Soyons donc compatissants les uns pour les autres et pleins d'amour fraternel ; supportons les faiblesses et chassons les vices... Et vraiment, tout genre de vie qui permet de s'adonner plus sincèrement à l'amour de Dieu et, pour lui, à l'amour du prochain — que ce soit dans la vie religieuse ou la vie laïque — est agréable à Dieu.
Sermon 31 : PL 194,1792, SC 207 (trad. SC p. 203 rev. ; cf Orval)
Date de dernière mise à jour : 2018-03-02
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