Passioniste de Polynésie

HOMÉLIE SUR LA FIN DU MONDE ET SUR LE MARIAGE

Jacques de sarougHOMÉLIE SUR LA FIN DU MONDE ET SUR LE MARIAGE (1)

NOTE DU TRADUCTEUR

Dans le présent poème, Jacques de Saroug s'applique surtout à faire briller à nos yeux le côté mystique du Mariage. Sa thèse s'inspire à la fois de Moïse, de saint Paul et de la parabole des dix vierges qu'on lit dans l'Évangile. Ici, comme presque partout ailleurs, l'auteur n'échappe pas aux attractions de l'antithèse, qu'il sait provoquer avec l'habileté d'un virtuose. Après avoir simulé un dédain philosophique des plus profonds pour la pompe extérieure d'une noce terrestre, à laquelle il oppose les horreurs de la tombe, le poète mystique n'en relève pas moins, du fond de ses apparentes contradictions, l'inanité de cette pompe extérieure elle-même au rang d'un symbolisme saisissant. La beauté de ses vers tient tout entière dans sa passion des figures allégoriques. En soulignant, d'une part, la monogamie chrétienne, modelée sur l'union par excellence du Christ avec l'Église, et, d'autre part, la polygamie d'un Salomon encombré de ses mille concubines, le parallélisme de Jacques de Saroug confine aussi heureusement au sublime qu'à la raillerie la plus fine.

Au point de vue de l'étude des mœurs de l'Orient chrétien, il est intéressant de remarquer que la plupart des détails relatifs à la cérémonie nuptiale telle qu'elle se déroule encore de nos jours, à travers les rues des villages chrétiens de la Perse, correspondent exactement à ceux que Jacques de Saroug mentionne au ve siècle, à savoir :

1° Les cadeaux échangés entre les fiancés ;

2° Les danses et les trois instruments de musique qui les accompagnent, et que le syriaque désigne par les mots suivants :

 

(1) Voir édition chaldéenne de Bedjan, t. V, p. 873 à 886.

 

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(…) tàblà, tambour,  (…) qàrnà, trompette et (…) abbuba, flûte, dont les équivalents néosyriaques sont aujourd'hui :

(…), dàvula, tambour, zurná = en persan et en turc, sorte de hautbois à voix très sonore, en usage également chez les Algériens, qui l'appellent « zumár », instrument chantant ou chanterelle, et, enfin,  tutàg =  (…) en turc, ou simplement (…) tutagta, qui signifie flûte ou petite flûte (1);

3° Le port de bijoux par la mariée;

4° L'usage de faire accompagner le marié par un garçon d'honneur et par quelques amis intimes;

5° Le banquet de noce, largement ouvert à tout venant.

 

J. B.

 

(1) Par la forme comme par le son, tutagta est moins poétique que le (…) ou (…) nai ou néi (roseau ou flûte de roseau) des Persans; il ne peut être, non plus, comparé au sàbbiyba des bergers du Kurdistan. Si nous l'opposons à l'instrument désigné par le mot (…), c'est parce qu'il ne s'agit en l'occurrence ni d'un instrument de salon, comme le néi persan, ni d'une musette exclusivement champêtre comme le sabbiyba, mais simplement d'un pipeau tout à fait populaire et se jouant en toutes circonstances joyeuses. Il est de toute évidence que si nous avions à donner un équivalent moderne à ce que Jacques de Saroug, dans le distique ci-dessous, désigne par les deux termes synonymes syriaques (…) et (…), nous nous garderions bien de recourir à la trivialité d'une tutag :

(…)

(…)

 

Et, comme la flûte, il (S. Jean) chanta à la noce de la superbe (Église naissante) ;

C'est qu'il vibra par l'Esprit saint, comme le roseau sous le souffle (de l'artiste)!

(Homélie sur la Décollation de S. Jean-Baptiste; Bedjan, t. III, p. 669.)

 

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HOMÉLIE SUR LA FIN (DU MONDE) ET SUR LE MARIAGE

 

En contemplant l'éclat d'une noce éphémère,

Eclat d'emprunt tout simplement,

Je conçus ce discours, dont le plan se réfère

A celui de l'Avènement.

 

Étant convive un jour, la maison nuptiale

M'offrait sa joie et son festin,

Quand mon esprit, hanté par l'angoisse finale,

Éprouva le plus noir chagrin !

 

Je sortis escorter époux et mariée

S'avançant en procession,

Et la noce marcha, pompeuse, amplifiée

Par tout un peuple en action.

 

La trompette sonnait; la flûte, qui roucoule,

Y mêlait ses plus tendres sons ;

Et le tambour battant, son grand rythme à la foule

Communiquait de beaux frissons !

 

Les danses vont leur train : la jeunesse est en joie,

Y brille chaque adolescent;

Chaque parrain autour du marié tournoie.

Ce héros du jour ravissant !

 

Voici l'épouse en sa toilette magnifique :

Robe éclatante et fins bijoux!

Formant autour de lui large cordon sphérique,

Ses intimes vantent l'époux !

 

De l'affluence, en rang, par devant lui, la file

S'allonge et chante en son honneur ;

Le long de son trajet, on acclame, on jubile.

O joie ! ô délire ! ô bonheur !

 

***

 

En observant ces mœurs, curieuse et surprise,

Mon âme, à part elle, se dit :

Pourquoi ces bruits confus ? Pourquoi donc cette mise

En scène sans aucun profit ?

 

Pourquoi ce vain tourment, cet ennui qui nous jette

Dans la préoccupation?

Ce qu'on tient aujourd'hui, demain se rompt, s'émiette.

Comme une pure illusion!

 

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Qu'est-ce donc que ce luxe? A quoi bon la toilette?

Qui maître est-il de ses habits?

Peut-être seront-ils — et sur qui se les prête —

Bientôt en poussière réduits?

 

Hélas ! que peut tirer la pauvre mariée

De ses joyaux, de ses bijoux?

Suffit qu'elle s'alite : Sans qu'elle soit priée

Ni morte, on les lui reprend tous !

 

Quel bien reçoit l'époux du son de la trompette ?

Quel don propre et dûment acquis?

Au silence fatal de la tombe muette

N'est-il pas d'avance promis?

 

Jusqu'à quand dureront les chants, les mélopées,

Agitation des hâbleurs?

Demain viendra la mort et, par elle coupées,

Les chansons deviendront des pleurs !

 

La noce de l'époux est semblable au mirage :

Elle brille et s'évanouit;

Ne vous y trompez pas : n'est que fugace image

Cet hymen dont l'homme jouit !

 

La fraîcheur de l'épouse est une fleur ouverte :

Amis, ne vous y trompez pas;

Un malaise la fane et va sa grâce en perte

Même avant l'heure du trépas !

 

Malheureux, des défunts courez voir la dépouille,

Leur mélange informe observez !

La crypte du Schéol en est comble, elle en grouille :

A cette horrible fin rêvez !

 

***

 

La tombe en retient les statures et les âges,

Ages naguère si charmants !

Leurs corps en pourriture, en sombres étalages

En font de sinistres dormants !

 

Il est là des époux de qui la juste noce

N'assouvit jamais leurs amours:

Des épouses sur qui ferma la Mort féroce

Leurs plus frais nuptiaux séjours !

 

La ruine, au Schéol, des enfants les plus tendres

Ne se décrit point par leçon :

Allez voir leurs jolis traits tout réduits en cendres

Faites pour donner le frisson!

 

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Dedans ces gisements, il est des époux, certes.

Que n'eût égalés cet époux :

Les voici sur l'argile étendus tout inertes,

En leur propre néant dissous !

 

Il est là des brus et des jeunes mariées

Qui surpassèrent celle-ci :

Elles sont pour le ver en nids édifiées :

Seul le termite en a souci !

 

Là sont des belles, là, le nombre des charmantes

Reste rebelle à tout calcul :

Gîte, pâture, appâts des races dévorantes,

Elles sont aux vers un cumul !

 

Il est des femmes là, jadis éblouissantes,

Qui, pour toute gaze de choix,

Souffrent de l'araignée, ô sort fait d'épouvantes !

Les fils sur leur absent minois !

 

En fait de beaux atours, là couvre leur personne

Le termite, indiscret rôdeur!

En guise de parfums, leur couchette empoisonne

Du sol la méphitique odeur !

 

Il est des jeunes gens, au fond des cimetières,

A la fleur de l'âge enfouis :

Le simoun a flétri, sous ses bonds délétères,

Ces fronts à peine épanouis !

 

Il est là des époux qui de leur hyménée,

Hélas! ne jouirent jamais !

Des vierges il est là, poignante destinée !

Qui n'ont vu leurs « promis » aimés !

 

Que de femmes, au fond des couches sépulcrales,

Ayant la glaise pour coussin,

De qui les voluptés intimes, nuptiales

N'assouvirent jamais le sein!

 

Il en est qui, déjà, prêtes pour l'hyménée,

Allaient bientôt l'étreindre enfin;

L'heure fatale vint, heure trop tôt sonnée :

Adieu, noce, banquet, festin !

 

Que d'êtres, là, qui, forts d'une douce espérance,

Rêvaient à l'hymen souriant,

Quand la mort ébranla leur ferme confiance,

Soudain à sa loi les pliant!

 

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Que de promises là, combien de fiancées

Sur le point de beau-père avoir.

Emportèrent de leurs futurs et les pensées

Et les présents au tombeau noir !

 

Plus d'un gentilhomme et plus d'une demoiselle.

Dans l'attente de l'heureux jour,

Ont vu s'effondrer net, dans une mort cruelle,

L'espérance de leur amour!

 

Oh! que d'êtres de qui, pour leurs noces pompeuses,

Vibrèrent d'entrain les salons!

Les voici maintenant dans des tombes hideuses,

Aux lugubres corridors longs!

 

Que d'épouses ayant parements plus splendides

Que ceux par celle-ci portés,

Ont vu la Mort, de ses griffes trop homicides,

Tordre leurs seins désenchantés!

 

Il en est qui, jadis, furent d'or chamarrées

Plus que l'épouse en question ;

Elles sont maintenant noires, défigurées,

Tout en décomposition !

 

Plus d'une épouse, en sa jeunesse, à peine unie

A son jeune époux triomphant,

Dans la tombe emporta, par la double agonie,

Et ses charmes et son enfant !

 

Ainsi, bien qu'envié, ce monde nous échappe,

Nul n'y tenant le vrai bonheur !

Le charme de l'époux du jour est une attrape :

Amis, prenez garde à l'erreur!

 

***

 

Tels étaient les pensers mus au fond de mon âme

Durant ce banquet nuptial :

Et leur vive acuité, comme avec une lame,

Me suppliciait le moral !

 

De ces tristes pensers je sentais la morsure

Me tenailler atrocement,

Lorsqu'une intime idée, avec un gai murmure,

Vint m'interpeller vivement :

 

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« O toi, que nous avons admis à notre joie,

Hôte à cette noce invité,

Ne nous lasse pas tant!  Que ton chant, qui larmoie,

Ne gâte pas notre gaîté !

 

« Avec ceux qui sont gais sois gai, dit l'Écriture,

Et tu n'en seras amoindri :

Le jour d'après, tu peux, au gré de ta nature,

Être, hélas ! de larmes, nourri !

 

« Un temps pour rire; un temps pour répandre des larmes,

Dit l'adage de Salomon :

Ce jour, qui nous sourit, n'est point un jour d'alarmes

Ni jour de funèbre sermon !

 

« Convive de l'époux, à sa réjouissance

Prendre part, avec nous, tu dois :

Ce lieu n'est point un lieu de pleurs; en conséquence,

Ami, trouble-fête n'y sois ! »

 

***

 

Or, en moi, deux pensers puissants, contradictoires,

Se livraient un combat cruel :

L'Allégresse et l'Angoisse, avides de victoires,

Se mesuraient dans un duel !

 

Et, profitant du choc de ces grandes pensées,

Sur l'arène en plein mouvement,

Vint le Savoir cueillir, par ses hautes visées,

Lauriers, couronne, enseignement!

 

Ainsi, ne laissant point, là non plus, de sa verve

La source vainement couler,

La Science, dont l'œil scrutateur perce, observe

Toute chose, a voulu parler.

 

Et, pour la circonstance, elle sembla me dire,

Au sujet de ce que je vis :

« De tels événements la cause ne se tire

Du caprice des cas fortuits !

 

« L'homme, éphémère époux, tente de reproduire

De l'authentique Époux les traits:

Scrute bien ce principe et tu verras luire

Tout ce qu'il recèle d'attraits !

 

« Ne considère pas d'un œil distrait, vulgaire,

Cette noce au terrestre entrain :

C'est l'emblème ébauché de l'extraordinaire

Marche céleste de demain !

 

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« Elle fait songer à l'Avènement ultime,

Qui devra des cieux défiler,

Au son de la trompette, éclatant de la cime,

Pour venir la Terre ébranler !

 

« La clameur nuptiale incarne et représente

Mystiquement un autre trait ;

Raisonne sainement et vois quelle étonnante

Allusion gît dans ce fait !

 

« Un corps auguste, au fond, sur le Monde projette

Sa pénombre au reflet latent!

L'avant-coureur est là : que la Terre s'apprête

 A revoir celui qu'elle attend !

 

« Son sublime portrait ainsi s'ébauche en l'homme,

En diverses proportions :

C'est grâce à sa splendeur que des humains, en somme,

S'adjugent dominations.

 

« Sa puissance absolue a pour image nette

Le Droit de toute royauté ;

Les diadèmes sont, brillant sur chaque tète.

Une ombre de sa majesté !

 

« De son Signe parés, rois, empereurs, monarques

Régnent ainsi divinement,

Et c'est de par ses traits, si bien tu les remarques.

Qu'ont les juges commandement.

 

« Son droit de gracier l'apanage est des prêtres.

Comme des pontifes aussi ;

Et son Avènement, pour juger tous les êtres,

Triomphe en l'époux que voici !

 

« Lui, c'est l'Original qu'imitent les copies

Des exemplaires relatifs:

L'Archétype, c'est Lui : empires, satrapies

Ont par Lui leurs droits respectifs. »

 

***

 

Adam est l'image de Dieu,

Depuis qu'a le monde existence ;

De là provient son ardent vœu

D'imiter sa magnificence!

 

Paré de l'auguste portrait

Du Créateur, le pauvre hère

Voudrait être, dans chaque trait,

De Dieu l'imparfait exemplaire !

 

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Il se donne pour le fusain

Au linéament un peu gauche

Où de l'Avènement divin

Le dernier triomphe s'ébauche!

 

De maints modes l'Art y parait

De la créatrice Puissance,

Qui, pareille à l'aube, se met,

Dans l'œuvre humaine, en évidence !

 

***

 

Les épousailles vois de ce nain marié,

Son triomphe aussi considère :

Sache que l'apparat dont est gratifié

Cet homme n'est qu'un vol sommaire!

 

L'ombre du grand Époux le suit,

Ombre à l'ampleur étincelante;

Sa magnificence l'enchante,

Son faste l'orne et le conduit !

 

Image de l'Epoux-Messie

Sont, en leurs noces, les époux;

Par Lui béni, l'hymen de tous

Prend la Terre, en bénéficie !

 

C'est l'Époux authentique ayant, de par son sang,  

Épousé l'Église, sur Terre:

A la fin, il viendra, superbe, éblouissant,

Ceint de la gloire de son Père !

 

Auprès de cet Époux, le nom décoratif

D'c époux » est parure usurpée :

L'Époux par excellence, impair, définitif,

Doit surgir dans une épopée !

 

Seule sa noce aura le festin idéal,

D'où sera toute peine exclue :

Seul aura son hymen vrai banquet nuptial

Et du Beau la source absolue !

 

Seul, cet Époux possède en propre la beauté

Qui rien à désirer ne laisse :

Il viendra, rayonnant d'un charme illimité,

Emplir ses parrains d'allégresse !

 

Les toilettes seront, en cet unique Hymen,

Sans vétusté, sans nulle usure :

Là, point ne connaîtra flétrissure ou déclin

Des couronnes la beauté pure !

 

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Là, sonnera la trompe, ébranlant l'univers:

Là, résonnera la trompette :

Toute tombe sera mise alors à l'envers,

Chaque roche en plus d'une miette !

 

Et là, l'hymne entonné vibrera consolant

Du cruel deuil chaque victime ;

Là devra murmurer l'air exquis, ruisselant

Des cœurs pleins d'extase sublime !

 

Là, le vrai Beau doit poindre absolu, permanent,

Net d'ombre et de vicissitude,

Loin du beau terre à terre ayant, fatalement.

D'une fleur la décrépitude !

 

L'Epoux et l’Epousée... à savoir, à saisir :

Le Messie enfin et l'Église,

Faits pour très chastement s'unir :

Tel est le grand Problème et la grande devise

Où, Vérités de l'avenir,

Votre pur éclat se déguise !

 

***

 

Le mari s'unissant à sa femme, tous deux

Seront un, la chose est écrite ;

Dans Moïse, discret, ce point est lumineux

Dans saint Paul, apôtre d'élite.

 

Le symbolisme entier condensé sous le sceau

De la Bible en des traits sommaires,

En passant sous l'éclat du Testament Nouveau

A pris extensions plus claires.

 

L'incise : « Ils seront un » n'est écrite à propos

Ni de l'homme ni de la femme :

Ceux-ci ne sont pas un : ils sont l'image où, clos,

Se voile un autre Monogame !

 

Car si l'homme et la femme étaient nettement un,

Ils vivraient tous deux sans disputes;

Le désaccord, entre eux, ne serait pas commun

Ni fréquentes autant leurs luttes!

 

S'ils étaient un, jamais nulle division

Ne viendrait lui séparer d'elle ;

D'aucune intrigue, entre eux, la néfaste action

Ne mettrait noise ni querelle

 

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Ne tromperaient jamais les femmes leurs maris,

En violant leur juste pacte :

Les maris ne seraient, contre leurs femmes, pris

Jamais dans un infidèle acte !

 

Quand par son adultère, avec deux ou bien trois,

L'Epouse enfin se déshonore,

C'en est fait de cet un mystique : de ses droits

Le fond s'écroule et s'évapore !

 

Donc, ils ne sont pas un; mais quand dignes ils sont.

D'un Mystère ils font le symbole ;

Mais quand le vice vient flétrir leur double front,

Loin d'eux le Mystère s'envole !

 

Des femmes. Salomon en avait un millier ;

Or, dans ces mille, avec laquelle

Eût-il pu former corps entier

Ayant, comme chef, lui, puis, comme talon, elle?

 

S'ils étaient un, ce roi n'eût qu'une épouse pris

Et celle-ci lui fût unie;

Mais il fut polygame: voilà pourquoi je dis

Que telle unité, je la nie !

 

Le Mystère, d'ailleurs, loin de là s'arrêter,

Se mit tout aussitôt en fuite. Car la polygamie, inapte à refléter

Ses traits, l'horripile et l'irrite !

 

Quand l'épouse est unique et fidèle à l'époux,

Mystique est leur monogamie :

Sainte Eglise, seul est ton hymen, entre tous,

Avec Jésus net d'infamie !

 

***

 

Lumière des deux Testaments,

Moïse et Paul, scribes sagaces,

Qu'ont dit vos textes et préfaces

Du thème de mes arguments?

 

Bien que partis d'un même pôle,

Ne seriez-vous pas divergents?

Dévoilez-nous, à tour de rôle.

Vos écrits mêmes diligents !

 

D'après le Livre de Moïse,

L'homme et la femme ne font qu'un :

Or la thèse n'est point admise,

Nous l'avons prouvé pour chacun.

 

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De son coup d'œil apostolique,

Dans une auguste vision,

Paul a percé ce trait mystique

Défiant toute version :

 

C'est du Christ et de son Eglise

Que je parle, en disant ceci...

Sont tous deux un, et nulle crise

N'atteint leur fusion. — Ainsi :

 

Ni céleste hauteur, ni souterrain abîme,

Ni trépas, ni tragique mort,

Ni vie en action, ni glaive qui décime,

Ni même archangélique effort ;

 

Ni les esprits-pouvoirs, ni les Vertus très pures,

Pas plus les Dominations,

Ni les faits du présent, ni les choses futures

Aux complexes séductions ;

 

Ni tout autre univers ne saurait ma pensée

Retenir dans l'éloignement

De l'Époux à Qui s'est mon âme fiancée

Une bonne fois saintement!

 

En voilà d'abord un, puis une, et cette paire

D'êtres ne fait qu'un ; c'est écrit.

Christ et l'Église un sont : au fil du cimeterre

Passé, leur amour ne périt!

 

Sur sa croix, qu'on le raille! Elle est de Lui seul fière .

Pour Elle, Il est le Fils de Dieu!

Qu'on le pende à son Bois! Elle est superbe, altière :

Souffrir avec Lui, c'est son vœu!

 

« Oh! puissé-je n'avoir que Lui pour toute gloire,

Lui seul pour orgueil exclusif!

Mon honneur, c'est sa Croix, qui, pour d'autres déboire,

Est mon salut définitif! »

 

Telle est la fusion que rien ne peut dissoudre.

Qui, plus puissante que la mort,

Vient ainsi de Moïse expliquer et résoudre

Les mots « les deux sont un », dans leur juste rapport.

 

Au point par lui visé, Moïse, en sa parole,

S'est très nettement exprimé;

Dans son verbe concis, le mystique symbole

Reste, avec son sens, enfermé.

 

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Peut-être est-il, pour les gens charnels et profanes,

Subtil le trait que je poursuis :

Esprits initiés à ces sortes d'arcanes,

Vous, du moins, oyez mes avis!

 

Grand est ce mystère et, seule, une intelligence

Supérieure le comprend :

Des mots « les deux sont un », l'esprit, en l'occurrence,

Dans le sens concret ne s'entend.

 

Bien que l'expression parfaite de Moïse

S'énonce littéralement,

L'auteur y portraiture et le Christ et l'Église :

Tableau peint idéalement!

 

L'ensemble des Écrits mosaïques ne vise

Que Lui, que le Christ attendu,

Qui vint le symbolisme expliquer de Moïse :

Tout par Lui lucide est rendu !

 

Le grand prophète ombra d'un voile ce mystère

Au grand règne encor non venu,

Pour la mentalité trop obtuse et grossière

Du peuple, apparaître tout nu!

 

Mais l'Apôtre, en voyant l'époque enfin éclore,

En ôta le voile discret,

Afin que la beauté mystique à son aurore

Ne triomphât dans le secret !

 

C'est du Christ que je parle, Adam n'est pas en cause :

Mon regard ailleurs est tourné ;

Cette thèse, à propos de l'Église, s'impose :

Eve a son époux détrôné !

 

Sont seuls les vrais Époux, sont seuls Couple authentique,

Sont seuls Un dans leur fusion

Ceux dont l'amour sortit vainqueur de la tragique

Mort de la Crucifixion !

 

« Qui donc est, dit l'Époux, ma mère?

M'avoir d'autres frères, pourquoi?

N'ai-je pas mon Église chère,

Frères, sœurs, et mère pour moi? »

 

Donc, sa mère laissant, Il convole et pactise

Chastement avec sa Moitié : Ici, les deux sont un, et ton verbe, ô Moïse,

Reste ainsi textuel, entier!

 

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Au monde Il est venu l'Unique de son Père

Fiancer (par engagements

Scellés avec son sang, au sommet du Calvaire)

La Fille de ses sentiments !

 

Prenant humanité du sein net de souillure,

Il s'y joignit en vérité;

Du lien conjugal Il refit la nature,

Par sa neuve Nativité !

 

Son haut Parage entant sur la proscrite Race,

Le Grand s'est offert le Petit,

Si bien qu'auprès du Père, où la Droite est sa place,

L'Homme en l'Homme-Dieu resplendit!

 

Il en fit sa promise à même les entrailles

D'une Mère-Vierge, au front pur;

Par sa naissance, Il a béni ses épousailles

Avec le Genre humain obscur!

 

Tel est l'hymen dont parle, en son livre, Moïse,

Moïse, prophète éminent :

Paul est venu percer cette nue imprécise,

Grosse de ce Trait rayonnant!

 

Près de l'humanité (c'est-à-dire en Marie)

Progressait (1) la Divinité,

Pour que Maître et Servante — et le Livre le crie —

Fissent une seule unité !

 

Trop grand est ce mystère et son sens ne s'explique

Par aucune traduction,

Sont le Christ et l'Église un en esprit unique,

En scripturale version !

 

Paul a chaste Pucelle offert, comme promise

Véritable, au vrai Fiancé,

Qui s'est, pour le salut de cette Vierge exquise,

Tout dévoué, tout dépensé !

 

Voilà l'Hymen où sont Epoux et Mariée

En fusion, tous deux comme un;

Qu'auprès de lui, l'étreinte humaine est décriée!

Précaire bonheur pour chacun !

 

A donc le Fils du Roi choisi sa Fiancée

Et, vers les cieux, repris essor :

Elle attend qu'il revienne, en l'ultime poussée,

La ravir, la ravir encor!

 

(1) (…) qui signifie aussi « croissait, grandissait, se développait ».

 

80

 

***

 

Église, à toi des Fiancées

Modestes l'aimable pudeur!

Ton « Promis » aura des pensées

Jalouses si périt ta fleur!

 

Du Fiancé le jour approche :

Tout en toi sera contrôlé :

Reste le gage où rien ne cloche !

Sois l'honneur jamais ébranlé!

 

Les morts même, au jour de ta noce,

T'apporteront leur compliment :

Que ta perle onques ne se fausse !

Serre-la précieusement!

 

Garde-toi bien des apparences

Des filles aux odieux us,

Qui, dans l'hymen, pour jouissances,

Trouvent des cœurs par trop déçus !

 

Que la perfection t'emplisse ;

Que soit franche ta chasteté !

Qu'à lui seul, ton charme ennoblisse

Ton front net d'éclat emprunté !

 

Fuis les manières dérobées,

Les trompe-l'œil des faux dévots !

Car, en plein ta noce exhibées,

Elles n'auraient masques bien beaux.

 

Point ne compte être délivrée

Par extérieur affiché :

Le cœur seul, non la simagrée,

Sera par l'Époux recherché !

 

Ne sois nominale « Promise »

Pour ton sincère Fiancé !

Sois de tout cœur du Saint éprise,

Sois esprit dans le sien passé !

 

Grandiose est ton hyménée :

Qu'auguste aussi soit ta candeur

Des anges la foule étonnée

Doit magnifier ta splendeur !

 

Pour ta noce sans parallèle,

Tous les êtres de tous les lieux,

Sous la poussée universelle,

Se joindront aux Forces des cieux !

 

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L'imposante Fin, où la base

Des Univers s'ébranlera.

Sera ta noce où, dans l'extase

Suprême, l'Epoux te verra!

 

Lorsque, soudain, appel émouvant, péremptoire,

Résonnera cette clameur :

« L'Époux vient, le voici,

Il est ceint de sa gloire :

Humains, sortez lui faire honneur! »

 

Quand, prêt à s'arracher à l'étreinte du Père,

Lorsque déjà mis en chemin,

L'Unique descendra célébrer, sur la terre,

Avec l'Église, son Hymen,

 

Quelle secousse en la compacte

Troupe des régiments des cieux !

Quel jet d'éclat en cataracte

Par-devant l'Époux radieux!

 

Quel frisson au sein des Natures !

Dans chaque être, quel tremblement!

Gare au monde ! A ses impostures

Quelle fin et quel dénouement !

 

Prompts, de la Garnison du Père,

Les escadrons, semant l'éclair,

Pour nuptiale escorte faire,

Suivront l'Epoux unique, impair !

 

Les chœurs, au son de la trompette Angélique,

Le chanteront;

Entraînés par cette tempête,

Les Univers L'exalteront !

 

Dans l'azur, des Fils de lumière

Les légions, en vol plané,

Viendront tracer itinéraire

Au-devant du Sublime Aîné !

 

Cet immense bruit de sa Noce :

« Voici l'Epoux ! Sortez le voir ! »

Les morts mettra hors de leur fosse,

Pour, en chantant, Le recevoir !

 

***

 

Et de Notre-Seigneur l'une des paraboles

Prendra corps et réalité,

Tant les dix vierges, dont cinq sages et cinq folles,

Seront pure actualité !

 

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S'éveillera le Momie au son de la trompette.

Pour vite vers l'Epoux sortir :

Gare à qui n'aura pas sa lampe en main et prête!

Dans la nuit noire, il doit pâtir!

 

Au-devant de l'Epoux, sereine et triomphante

Des sages l'unanimité

Portera haut le jour de sa lampe éclatante,

Intense flambeau de clarté !

 

Qui veut que sa lampe alors brille

Doit son vase d'huile pourvoir!

Béni soit Qui les yeux dessille

De qui L'attend sans désespoir !

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/jacquesaroug/004.htm

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