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John Henry Newman quelques écrits
Bx John Henry Newman (1801-1890), théologien, fondateur de l'Oratoire en Angleterre
Liste des lectures
« Amen, je vous le dis : l’un de vous va me livrer »
« Il fallait qu’elle garde ce parfum pour le jour de mon ensevelissement »
« Pour entrer dans le Royaume des cieux..., il faut faire la volonté de mon Père »
Marthe lui dit : « Oui, Seigneur, je le crois »
« Sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la mort ne l'emportera pas sur elle »
« Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création »
« Laissez-les pousser ensemble jusqu'à la moisson »
« Celui qui vous écoute m'écoute ; celui qui vous rejette me rejette »
« Le jour où le Fils de l'homme se révèlera »
Se convertir aux appels répétés de Dieu
L'Esprit de vérité recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître
« Posant son regard sur lui, Jésus se mit à l'aimer »
Notre vie « désormais cachée avec le Christ en Dieu » (Col 3,3)
« Et le Verbe s’est fait chair »
« Nous avons tout quitté pour te suivre »
La faiblesse de la foi de Thomas, source de grâce pour l'Eglise
« Leurs anges dans les cieux voient sans cesse la face de mon Père »
La tradition et la volonté de Dieu
« Notre coeur n'était-il pas brûlant ? »
« Le règne de Dieu est au milieu de vous »
Fête de la dédicace d'une cathédrale, fête de l'Eglise
« Beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez »
« Il marche à leur tête, et elles le suivent »
« Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde »
Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez
Saint Luc, évangéliste, serviteur de la Parole
Martyrs incapables de confesser le nom de ton Fils et pourtant glorifiés par sa naissance
Restez éveillés et priez en tout temps
Mon Père...est toujours à l'œuvre, et moi aussi je suis à l'œuvre
-- Rabbi, quand es-tu arrivé ici ?... -- L'œuvre de Dieu c'est que vous croyiez
Cette nuit même, on te redemande ta vie
« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église »
« Si je pars, je vous enverrai le Paraclet, le Défenseur »
.......
Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde
Bx John Henry Newman (1801-1890), théologien, fondateur de l'Oratoire en Angleterre
« Amen, je vous le dis : l’un de vous va me livrer »
Lorsqu’il s’est séparé de sa mère, Jésus s’est choisi des amis humains — les douze apôtres — comme s’il avait désiré mettre en eux sa sympathie. Il les a choisis, dit-il, pour être « non pas des serviteurs, mais des amis » (Jn 15,15). Il en a fait ses confidents ; il leur a confié des choses qu’il n’a pas dites aux autres. C’était sa volonté de les favoriser, de leur montrer toute sa générosité, comme un père envers des enfants préférés. Par ce qu’il leur a révélé, il les a comblés plus que les rois, les prophètes, les sages de l’Ancienne Alliance. Il les a appelés « ses petits enfants » (Jn 13,33) ; pour leur conférer ses dons, il les a préférés « aux sages et aux savants » de ce monde (Mt 11,25). Il a manifesté sa joie et il les a loués de ce qu’ils sont restés avec lui dans ses épreuves (Lc 22,28), et comme signe de reconnaissance, il leur annonce qu’ils siégeront un jour sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël (v. 30). Il a trouvé un réconfort dans leur amitié à l’approche de son épreuve suprême.
Il les a rassemblés autour de lui à la dernière Cène, comme pour être soutenu par eux à cette heure solennelle. « J’ai désiré d’un grand désir, leur dit-il, manger cette Pâque avec vous avant de souffrir » (Lc 22,15). Il y avait donc entre le Maître et ses disciples un échange d’affection, une sympathie profonde. Mais c’était sa volonté que ses amis l’abandonnent, le laissent seul — une volonté vraiment digne d’adoration. L’un l’a trahi ; l’autre l’a renié ; le reste s’est enfui, le laissant aux mains de ses ennemis… Il a donc été seul quand il a foulé le pressoir. Oui, Jésus tout-puissant et bienheureux, envahi dans son âme par la pleine gloire de la nature divine, a voulu soumettre son âme à toutes les infirmités de notre nature. Comme il s’était réjoui de l’amitié des siens, il a accepté la désolation de leur abandon. Et quand il l’a voulu, il a choisi de se priver de la lumière de la présence de Dieu.
Méditations et Prières, Part III, 2, 2 « Our Lord refuses sympathy », § 15
« Il fallait qu’elle garde ce parfum pour le jour de mon ensevelissement »
« Quand Jésus arriva, il trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà… Alors Jésus pleura » (Jn 11,17.35). Pourquoi est-ce que notre Seigneur a pleuré devant la tombe de Lazare ?... Il a pleuré par compassion pour le deuil des autres…; il a vu la détresse du monde…
Hélas, d’autres pensées aussi ont provoqué ses larmes. Comment ce bienfait prodigieux en faveur des sœurs endeuillées allait-il être gagné ? À ses propres dépens… Le Christ allait apporter la vie aux morts par sa propre mort. Ses disciples avaient essayé de le dissuader de revenir en Judée, de peur qu’il n’y soit tué (Jn 11,8) ; leur crainte s’est réalisée. Il y est allé pour ressusciter Lazare, et la renommée de ce miracle a été la cause immédiate de son arrestation et de sa crucifixion (Jn 11,53). Il savait tout cela à l’avance… : il a vu la résurrection de Lazare, le repas chez Marthe, Lazare à table, la joie de tous côtés, Marie qui l’honorait pendant ce repas de fête en versant un parfum de grand prix sur ses pieds, les juifs qui venaient nombreux non seulement pour le voir mais pour voir Lazare aussi, son entrée triomphale à Jérusalem, la foule qui criait « Hosanna », les gens qui témoignaient de la résurrection de Lazare, les Grecs venus adorer Dieu pendant la Pâque qui voulaient absolument le voir, les enfants qui participaient à la joie générale — et puis les pharisiens qui complotaient contre lui, Judas qui le trahissait, ses amis qui l’abandonnaient, et la croix qui le recevait…
Il pressentait que Lazare revenait à la vie à cause de son propre sacrifice, qu’il descendait dans la tombe que Lazare quittait, que Lazare allait vivre et lui-même mourir. Les apparences allaient être renversées : on célébrerait la fête chez Marthe mais la dernière pâque de l’amertume serait uniquement la sienne. Et il savait qu’il acceptait ce renversement de son plein gré ; il était descendu du sein de son Père pour expier dans son sang les péchés de tous les hommes et ressusciter ainsi du tombeau tous les croyants.
Sermon « The Tears of Christ at the Grave of Lazarus », PPS, t. 3, n° 10
« Pour entrer dans le Royaume des cieux..., il faut faire la volonté de mon Père »
Année après année, le temps s'écoule silencieusement ; la venue du Christ se rapproche à chaque instant. Si seulement, comme il se rapproche de la terre, nous pouvions nous rapprocher du ciel ! Ô mes frères, priez-le pour qu'il vous donne le courage de le chercher en toute sincérité. Priez-le pour qu'il vous rende ardents... Priez-le pour qu'il vous donne ce que l'Écriture appelle « un cœur bon et honnête » ou « un cœur parfait » (Lc 8,15; Ps 100,2), et sans attendre, commencez maintenant à lui obéir de votre cœur le meilleur. L'obéissance la plus petite vaut mieux que pas d'obéissance du tout...
Vous devez chercher sa face (Ps 27,8) ; l'obéissance est la seule façon de le chercher. Tous vos devoirs d'état sont obéissance... Faire ce qu'il demande, c'est lui obéir, et lui obéir, c'est s'approcher de lui. Tout acte d'obéissance nous rapproche de lui qui n'est pas loin, malgré les apparences, mais très près derrière ce cadre matériel. La terre et le ciel ne sont qu'un voile entre lui et nous ; le jour viendra où il déchirera ce voile et se montrera à nous. Et alors, selon la façon dont nous l'avons attendu, il nous donnera la récompense. Si nous l'avons oublié, il ne nous reconnaîtra pas ; mais « heureux ces serviteurs que le maître en arrivant trouvera en train de veiller » (Lc 12,37)... Que tel soit la part de chacun d'entre nous ! Il est difficile d'y parvenir, mais il est affligeant d'échouer. La vie est brève, la mort est sûre, et le monde à venir est éternel.
Sermon « Watching », PPS vol. 4, n°22
Marthe lui dit : « Oui, Seigneur, je le crois »
Le Christ est venu pour ressusciter Lazare, mais l'éclat de ce miracle sera la cause immédiate de son arrestation et de sa crucifixion (Jn 11,46s)... Il sentait bien que Lazare revenait à la vie au prix de son propre sacrifice ; il se sentait lui-même descendre au tombeau d'où il allait faire sortir son ami ; il sentait que Lazare devait vivre et que lui-même devait mourir. Les apparences allaient se renverser : il y aurait un festin chez Marthe (Jn 12,1s), mais la dernière pâque de tristesse lui revenait à lui. Et Jésus savait qu'il acceptait totalement ce renversement : il était venu du sein de son Père pour racheter par son sang tout le péché des hommes et ainsi faire remonter tout croyant de sa tombe comme son ami Lazare -- les ramener à la vie, non pour un temps, mais pour toujours...
Face à l'ampleur de ce qu'il envisageait de faire dans cet unique acte de miséricorde, Jésus a dit à Marthe : « Je suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra ; et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais ». Faisons nôtre cette parole de réconfort, à la fois face à notre propre mort et à celle de nos amis : là où il y a foi en Christ, le Christ est là en personne. « Le crois-tu ? » demande-t-il à Marthe. Là où un cœur peut répondre comme Marthe : « Oui, je le crois », là le Christ se rend miséricordieusement présent. Bien qu'invisible, il se tient là, même devant un lit de mort ou une tombe, que ce soit nous-mêmes qui dépérissons ou ceux que nous aimons. Que son nom soit béni ! Rien ne peut nous enlever cette consolation. Par sa grâce, nous sommes aussi sûrs qu'il est là avec tout son amour que si nous le voyions. Après notre expérience de ce qui est arrivé à Lazare, nous ne douterons pas un instant qu'il est plein d'égards pour nous et qu'il se tient à nos côtés.
Sermon « The Tears of Christ at the Grave of Lazarus » PPS, vol. 3, n°10
« Sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la mort ne l'emportera pas sur elle »
C'était autrefois une source de perplexité pour les croyants, comme nous le lisons dans les psaumes et les prophètes, de voir que les méchants réussissaient là où les serviteurs de Dieu semblaient échouer. Il en est de même au temps de l'Évangile. Et pourtant l'Église a ce privilège spécial, que ne possède aucune autre religion, de savoir qu'ayant été fondée lors de la première venue du Christ, elle ne disparaîtra pas avant son retour.
Cependant, dans chaque génération, il semble qu'elle succombe et que ses ennemis triomphent. Le combat entre l'Église et le monde a ceci de particulier : il semble toujours que le monde l'emporte sur elle ; mais c'est elle, en fait, qui gagne. Ses ennemis triomphent constamment, la disant vaincue ; ses membres perdent souvent l'espoir. Mais l'Église demeure... Les royaumes se fondent et s'écroulent ; les nations s'étendent et se resserrent ; les dynasties commencent et finissent ; les princes naissent et meurent ; les coalitions, les partis, les ligues, les métiers, les corporations, les institutions, les philosophies, les sectes et les hérésies se font et se défont. Ils ont leur temps, mais l'Église est éternelle. Et cependant, en leur temps, ils paraissent avoir une grande importance...
En ce moment, beaucoup de choses mettent notre foi à l'épreuve. Nous ne voyons pas l'avenir ; nous ne voyons pas que ce qui semble réussir maintenant et se pavaner ne durera pas longtemps. Aujourd'hui, nous voyons des philosophies, des sectes et des clans s'étendre, florissants. L'Église paraît pauvre et impuissante... Prions Dieu, pour qu'il nous instruise : nous avons besoin d'être enseignés par lui, nous sommes bien aveugles. Une fois, quand les paroles du Christ les avaient mis à l'épreuve, les apôtres lui ont dit : « Augmente notre foi » (Lc 17,5). Venons à lui sincèrement : nous ne nous connaissons pas ; nous avons besoin de sa grâce. Quelle que soit la perplexité que le monde nous inspire..., venons à lui avec un esprit pur et sincère. Demandons-lui humblement de nous montrer ce que nous ne comprenons pas, de rabaisser notre cœur quand il s'obstine, et de nous donner de l'aimer et de lui obéir loyalement dans notre recherche.
Sermons on Subjects of the Day, n°6, « Faith and Experience », 2.4
« Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création »
« Redonnez de la vigueur aux mains défaillantes et aux genoux chancelants » (Hb 12,12; Is 35,3)... Pris par Barnabé et Paul lors de leur premier voyage apostolique, saint Marc les a abandonnés assez rapidement pour rentrer à Jérusalem (Ac 15,38). Or, dans la suite, il a été l'assistant de saint Pierre à Rome (1P 5,13). C'est là qu'il a composé son évangile, principalement d'après ce que cet apôtre lui avait raconté. Enfin, il a été envoyé par Pierre à Alexandrie en Égypte, où il a fondé une Église, l'une des plus strictes et des plus puissantes de ces temps des débuts... Celui donc qui a abandonné la cause de l'Évangile face aux premiers dangers s'est montré par la suite...un serviteur très résolu et fidèle de Dieu..., et l'instrument de ce changement paraît être saint Pierre, qui a su admirablement rétablir ce disciple timide et lâche.
Une leçon nous est donnée à travers cette histoire : par la grâce de Dieu, le plus faible peut devenir fort. Donc, il ne faut pas mettre notre confiance en nous-mêmes, ni jamais mépriser un frère qui fait preuve de faiblesse, ni jamais désespérer à son sujet, mais porter son fardeau (Ga 6,2) et l'aider à aller de l'avant... L'histoire de Moïse nous montre l'exemple d'un tempérament fier et impétueux que l'Esprit a dompté au point d'en faire un homme de douceur exceptionnelle... : « l'homme le plus humble que la terre ait porté » (Nb 12,3)... L'histoire de Marc démontre un cas de changement encore plus rare : le passage de la timidité à la hardiesse... Admirons donc chez saint Marc une transformation plus étonnante que celle de Moïse : « Grâce à la foi, de faible qu'il était, il a été rendu vigoureux » (cf He 11,34).
Sermon « Religious Cowardice » ; PPS, vol. 2, n°16
« Laissez-les pousser ensemble jusqu'à la moisson »
Il y a des scandales dans l'Église, des choses blâmables et honteuses ; aucun catholique ne pourra le nier. Elle a toujours encouru le reproche et la honte d'être la mère de fils indignes ; elle a des enfants qui sont bons, elle en a bien d'avantage qui sont mauvais... Dieu aurait pu instituer une Église qui soit pure ; mais il a prédit que l'ivraie semée par l'ennemi demeurerait avec le froment jusqu'à la moisson, à la fin du monde. Il a affirmé que son Église serait semblable à un filet de pêcheur « qui ramasse des poissons de toutes sortes » que l'on ne trie pas avant le soir (Mt 13,47s). Allant plus loin encore, il a déclaré que les mauvais et les imparfaits l'emporteraient de beaucoup sur les bons. « Il y a beaucoup d'appelés, a-t-il dit, mais peu d'élus » (Mt 22,14), et son apôtre dit « qu'il subsiste un reste, élu par grâce » (Rm 11,5). Il y a donc sans cesse, dans l'histoire et dans la vie des catholiques, largement de quoi faire le jeu des contradicteurs...
Mais nous ne baissons pas la tête de honte, pour cacher notre visage entre nos mains : nous levons nos mains et notre visage vers notre Rédempteur. « Comme les yeux des serviteurs vers la main de leur maître..., ainsi nos yeux vers le Seigneur notre Dieu, jusqu'à ce qu'il nous prenne en pitié » (Ps 122,2)... Nous en appelons à toi, juste juge, car c'est toi qui nous regarde. Nous ne faisons aucun cas des hommes, tant que nous t'avons, toi..., tant que nous avons ta présence en nos assemblées, ton témoignage et ton approbation en nos cœurs.
Sermons Preached on Various Occasions, n°9, 2.6
« Celui qui vous écoute m'écoute ; celui qui vous rejette me rejette »
L'Église est appelée le corps du Christ. Elle est maintenant ce qu'était son corps matériel lorsqu'il était visible sur terre. Elle est l'instrument de sa puissance divine. C'est d'elle que nous devons approcher pour obtenir de lui le bien. Et c'est elle qui, si quelqu'un l'insulte, fait naître sa colère. Mais qu'est-ce que l'Église, à vrai dire, sinon une entité humble qui provoque parfois l'insulte et l'impiété chez les hommes qui ne vivent pas de la foi ? Elle est un « vase d'argile » (2Co 4,7)...
Nous savons que les meilleurs de ses ministres sont imparfaits et faillibles, soumis aux tendances mauvaises comme tous leurs frères. Et pourtant c'est d'eux que le Christ a dit, en ne parlant pas seulement des apôtres mais des soixante-dix disciples (auxquels les ministres chrétiens sont sûrement égaux, quant à leurs charges) : « Celui qui vous écoute m'écoute, et celui qui vous méprise me méprise, et celui qui me méprise méprise Celui qui m'a envoyé ».
En plus, il a fait des pauvres, des faibles et des affligés les témoins et les agents de sa présence. Et là encore, il est naturel que la même tentation nous guette de les négliger et de les traiter avec irrévérence. Ce que le Christ était, ses disciples en ce monde le sont aussi, et de même que sa condition obscure et faible portait les hommes à l'insulter et à le maltraiter, ainsi les mêmes caractéristiques chez les témoins de sa présence portent les hommes à l'insulter maintenant... En tous temps donc le Christ est en ce monde -- mais non ostensiblement, pas plus maintenant qu'aux jours de sa vie corporelle.
Sermon « Christ hidden from the world », PPS vol. 4, n°16
« Le jour où le Fils de l'homme se révèlera »
Notre Seigneur et Sauveur a accepté de vivre dans un monde qui l'a désavoué ; il y a vécu pour mourir pour lui au moment fixé. Il y est venu comme le prêtre désigné pour offrir le sacrifice pour ceux qui ne prenaient part à aucun acte d'adoration... Il est mort, et il est ressuscité le troisième jour, Soleil de justice (Ml 3,20), montrant toute la splendeur qui avait été cachée par les nuages du matin. Il est ressuscité et est monté à la droite de Dieu, pour plaider par ses blessures sacrées en faveur de notre pardon, pour régner et conduire son peuple racheté, et pour déverser sur lui de son côté transpercé les plus grandes bénédictions. Il y est monté pour descendre au moment fixé et juger le monde qu'il a racheté... Il a élevé avec lui la nature humaine..., car un homme nous a rachetés, un homme a été exalté par-dessus toute créature, faisant un avec notre Créateur, et un homme jugera les hommes au dernier jour (Ac 17,31).
Cette terre est si privilégiée que notre juge ne sera pas un étranger, mais celui qui est notre semblable, qui soutiendra nos intérêts et sympathisera pleinement avec toutes nos imperfections. Lui qui nous a aimés jusqu'à mourir pour nous est miséricordieusement désigné pour fixer la mesure et la valeur finales de son propre ouvrage. Celui qui a appris par sa propre faiblesse à prendre la défense du faible, celui qui veut récolter tout le fruit de sa Passion, séparera le froment de la paille, en sorte qu'il ne tombera pas un grain à terre (cf Mt 3,12). Celui qui nous a fait participer à sa propre nature spirituelle, de qui nous avons tiré le sang vital de nos âmes, celui qui est notre frère, décidera de ses frères. En ce second avènement, puisse-t-il se souvenir de nous dans sa miséricorde et sa tendre pitié, lui, notre seul espoir, lui, notre seul salut !
Sermon « The Incarnation », PPS, vol. 2 n°3
Saint Jean Baptiste vivait séparé du monde, il était nazir (Lc 1,15; Nb 6,1), voué à Dieu. Il a quitté le monde et s'y est confronté..., l'appelant au repentir. Tous les habitants de Jérusalem venaient à lui au désert (Mc 3,5), et il les affrontait face à face. Mais en enseignant, il parlait de quelqu'un qui devait venir vers eux et leur parler d'une manière très différente. Quelqu'un qui ne se séparerait pas d'eux, ne se présenterait pas comme un être supérieur, mais comme leur frère, fait de la même chair et des mêmes os, un parmi beaucoup de frères, un parmi la multitude. Et effectivement il était déjà parmi eux : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas » (Jn 1,26)...
Enfin Jésus commence à se montrer et à « manifester sa gloire » (Jn 2,11) par des miracles. Mais où ? À un repas de noces. Et comment ? En multipliant le vin... Comparez tout cela à ce qu'il dit de lui-même : « Jean est venu, ne mangeant pas ni ne buvant. Le Fils de l'homme est venu ; il mange et il boit, et l'on dit : ' C'est un ivrogne ' ». On a pu haïr Jean, mais on le respectait ; Jésus, lui, était méprisé...
C'était, ô mon Seigneur, parce tu aimes tellement cette nature humaine que tu as créée. Tu ne nous aimes pas simplement comme tes créatures, l'œuvre de tes mains, mais en tant qu'êtres humains. Tu aimes tout, car tu as tout créé, mais tu aimes les hommes par-dessus tout. Comment est-ce possible, Seigneur ? Qu'y a-t-il en l'homme, plus que dans les autres créatures ? « Qu'est-ce que l'homme pour que tu prennes souci de lui ? » (Ps 8,5)... Tu n'as pas pris la nature des anges quand tu t'es manifesté pour notre salut, et tu n'as pas pris une nature humaine ou un rôle ou une charge au-dessus d'une vie humaine ordinaire –- ni nazir, ni prêtre ou lévite, ni moine, ni ermite. Tu es venu précisément et pleinement dans cette nature humaine que tu aimes tant..., cette chair qui a chuté en Adam, avec toutes nos infirmités, nos sentiments et nos affinités, excepté le péché
Meditations and Devotions, Part III, VII God with us 1
Se convertir aux appels répétés de Dieu
Mon Seigneur Jésus, toi dont l'amour pour moi a été assez grand pour te faire descendre du ciel afin de me sauver, cher Seigneur, montre-moi mon péché, montre-moi mon indignité, apprends-moi à m'en repentir sincèrement, pardonne-moi dans ta miséricorde. Je te demande, mon cher Sauveur, de reprendre possession de moi-même. Seule ta grâce peut le faire ; je ne peux pas me sauver moi-même ; je suis incapable de recouvrer ce que j'ai perdu. Sans toi, je ne peux pas me tourner vers toi, ni te plaire. Si je compte sur ma propre force, j'irai de mal en pis, je défaillirai complètement, je m'endurcirai dans la négligence. Je ferais mon centre de moi-même au lieu de le faire de toi. J'adorerai quelque idole, façonnée par moi-même, au lieu de t'adorer, toi le seul Dieu véritable, mon Créateur, si tu ne m'en empêches pas par ta grâce. Ô mon cher Seigneur, entends-moi ! J'ai assez vécu dans cet état flottant, indécis et médiocre ; je veux être ton fidèle serviteur, je veux ne plus pécher. Sois miséricordieux envers moi, fais qu'il me soit possible, par ta grâce, de devenir ce que je sais que je devrais être.
Meditations and Devotions, Part 3, IV: Sin, § 2
« Voici que je viens comme un voleur. Heureux celui qui veille et qui garde ses vêtements » dit le Seigneur (Ap 16,15)... Quand le Christ dit que sa venue est proche et pourtant qu'elle viendra subitement, de façon inattendue, il dit que pour nous cette attente paraitra longue... Comment se fait-il que le christianisme sans cesse défaille, et que pourtant il dure ? Dieu seul le sait, lui qui le veut ainsi, c'est un fait ; et il n'y a pas de paradoxe à affirmer que ce temps de l'Eglise a duré presque deux mille ans, qu'il peut durer encore longtemps, et que cependant il marche vers sa fin, qu'il peut même finir n'importe quel jour. Et le Seigneur veut que nous restions tournés de tout notre être vers l'imminence de son retour ; il s'agit de vivre comme si ce qui peut arriver n'importe quand doit arriver de nos jours.
Avant la venue du Christ, le temps se déroulait autrement : le Sauveur devait venir et apporter son achèvement ; la religion avançait vers cet achèvement. Les révélations se succédaient...; le temps était mesuré par la parole des prophètes, qui se succédaient... Le peuple de l'alliance ne devait pas l'attendre tout de suite, mais après le séjour en Canaan et la captivité en Egypte, après l'exode au désert, les juges et les rois, au bout des délais fixés pour l'introduire en ce monde. Ces délais fixés étaient reconnus, et les révélations successives comblaient ce temps d'attente.
Mais une fois le Christ venu, comme le Fils en sa propre maison, avec son Evangile parfait, rien ne reste à achever, sinon le rassemblement de ses saints. Aucune doctrine plus parfaite ne peut être dévoilé. La lumière et la vie des hommes est apparue ; Christ est mort et ressuscité. Plus rien ne reste à faire...; la fin des temps est donc arrivée. Aussi, bien qu'un certain intervalle doive intervenir entre le premier et le dernier avènement du Christ, désormais le temps ne compte plus... Il ne marche plus vers la fin, il la côtoie plutôt sans cesse, toujours aussi près d'elle que s'il tendait vers elle... Christ est donc toujours à nos portes, aussi proche aujourd'hui qu'il y a dix-huit siècles, et pas plus proche qu'alors, pas même plus proche que lorsqu'il viendra.
PPS, t. 6, n°17 « Waiting for Christ »
Bx John Henry Newman (1801-1890), théologien, fondateur de l'Oratoire en Angleterre
« L'Esprit de vérité recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître »
Au moment de quitter ses apôtres, comme ils étaient peinés, notre Seigneur les a consolés par la promesse d'un autre guide et enseignant, en qui ils pourraient mettre leur confiance et qui serait encore plus pour eux que ce qu'il avait été lui-même... Mais ce nouveau Consolateur miséricordieux, tout en apportant une plus grande grâce, ne pouvait pas cacher ou obscurcir ce qui avait précédé... Et en se manifestant, comment pourrait-il faire autre chose que manifester le Fils, lui qui ne fait qu'un avec le Fils, lui l'Esprit qui procède du Fils ? Comment aurait-il pu ne pas jeter une lumière nouvelle sur la compassion et les perfections de celui dont la mort en croix ouvrait à l'Esprit Saint un accès miséricordieux au cœur de l'homme ?...
Le Christ a dit explicitement à ses apôtres : « Il me glorifiera »... Comment l'Esprit rend-il gloire au Fils de Dieu ? Il révèle que celui qui se donnait pour le Fils de l'homme était le Fils unique du Père (Jn 1,18)... Notre Sauveur avait bien déclaré qu'il était le Fils de Dieu..., il avait dit tout ce qu'il faut nous dire, mais ses apôtres ne l'avaient pas compris. Même en confessant leur foi avec conviction sous l'action secrète de la grâce de Dieu, ils ne comprenaient pas encore tout ce qu'ils affirmaient...
Les paroles de notre Sauveur demeurent mais attendent quelque temps leur éclaircissement ; c'est bien ce qu'il réservait pour l'heure de la venue de celui qu'il devait envoyer. C'est l'Esprit qui mettrait en pleine lumière sa personne et ses paroles... Apparemment, ce n'est qu'après sa résurrection et surtout après son ascension, lorsque l'Esprit Saint est descendu, que les apôtres ont compris qui avait été avec eux.
Sermon « Christ Manifested in Remembrance », PPS t. 4, n°17
« Posant son regard sur lui, Jésus se mit à l'aimer »
Dieu te regarde, qui que tu sois. Et il « t'appelle par ton nom » (Jn 10,3). Il te voit et te comprend, lui qui t'a fait. Tout ce qu'il y a en toi, il le sait : tous tes sentiments, tes pensées, tes inclinations, tes goûts, ta force et ta faiblesse... Ce n'est pas seulement que tu fais partie de sa création, lui qui a souci même des moineaux (Mt 10,29) ; tu es un homme racheté et sanctifié, son fils adoptif, jouissant d'une part de cette gloire et de cette bénédiction qui découlent éternellement de lui sur le Fils unique.
Tu as été choisi pour être sien... Tu es un de ceux pour qui le Christ a offert au Père sa dernière prière et y a mis le sceau de son sang précieux. Quelle pensée que celle-là, pensée presque trop grande pour notre foi ! Quand nous y réfléchissons, comment ne pas réagir comme Sara qui a ri d'émerveillement et de confusion (Gn 18,12). « Qu'est-ce que l'homme », que sommes-nous, que! suis-je, pour que le Fils de Dieu « ait de moi un si grand souci ? » (Ps 8,5) Que suis-je...pour qu'il m'ait refait à neuf..., et pour qu'il ait fait de mon coeur sa demeure ?
PPS III, n° 9
Notre vie « désormais cachée avec le Christ en Dieu » (Col 3,3)
Le Christ, qui avait promis de rendre tous ses disciples un en Dieu avec lui, qui avait promis que nous serions en Dieu et Dieu en nous, a réalisé cette promesse. D’une façon mystérieuse il a accompli pour nous cette grande oeuvre, ce privilège stupéfiant. Il semble que ce soit en montant vers le Père qu'il l’a fait, que son ascension corporelle est sa descente spirituelle, que son assomption de notre nature jusqu'à Dieu est en même temps la descente de Dieu jusqu’à nous. On pourrait dire qu’il nous a vraiment, quoique dans le sens caché, emportés jusqu’à Dieu et qu’il a amené Dieu jusqu'à nous, selon le point de vue que nous adoptons.
Ainsi donc lorsque saint Paul dit que « notre vie est cachée avec le Christ en Dieu » (Col 3,3), nous pouvons comprendre qu'il veut dire par là que notre principe d’existence n'est plus un principe mortel et terrestre, tel que celui d'Adam après la chute, mais que nous sommes baptisés et cachés de nouveau dans la gloire de Dieu, dans cette lumière pure de sa présence que nous avons perdue lors de la chute d’Adam. Nous sommes créés à nouveau, transformés, spiritualisés, glorifiés dans la nature divine. Par le Christ nous recevons, comme par un canal, la vraie présence de Dieu, au dedans de nous et au dehors ; nous sommes imprégnés de sainteté et d'immortalité.
Et c’est là notre justification : notre montée par le Christ jusqu’à Dieu ou la descente de Dieu par le Christ jusqu'à nous, nous pouvons le dire d’une façon ou de l’autre… Nous sommes en lui, il est en nous ; le Christ est « l’unique Médiateur » (1Tm 2,5), « la Voie, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6), joignant la terre avec le ciel. Et c'est là notre vraie justification -- pas seulement le pardon ou la faveur, pas seulement une sanctification intérieure --...mais l'habitation en nous de notre Seigneur glorifié. Tel est le grand don de Dieu.
Lectures on Justification, n° 9,9
Le coeur de chaque chrétien devrait représenter en miniature l'Église catholique, puisque le même Esprit fait de l'Église tout entière aussi bien que de chacun de ses membres le Temple de Dieu (1Co 3,16). Comme il fait l'unité de l'Église qui, laissée à elle-même, se diviserait en de nombreux partis, ainsi il rend l'âme une, en dépit de ses divers goûts et facultés, de ses tendances contradictoires. De même qu'il donne la paix à la multitude des nations qui sont de par leur nature en discorde les unes avec les autres, de même il soumet l'âme à une gérance ordonnée et il établit la raison et la conscience comme souverains sur les aspects inférieurs de notre nature... Et soyons bien assurés que ces deux opérations de notre divin Consolateur dépendent l'une de l'autre. Tant que les chrétiens ne rechercheront pas l'unité et la paix intérieures en leur propre coeur, jamais l'Église elle-même ne sera dans la paix et l'unité au sein de ce monde qui les entoure. Et de façon à peu près semblable, tandis que l’Eglise à travers le monde est dans cet état de désordre lamentable que nous constatons, il n'est aucun pays en particulier, simple portion de cette Église, qui ne soit nécessairement lui-même dans un état de grande confusion religieuse.
C'est là une chose à laquelle il nous faut bien songer à l'heure actuelle, car elle tempérera nos espoirs et dissipera nos illusions ; nous ne pouvons pas espérer la paix chez nous si nous sommes en guerre au-dehors.
Sermons on Subjects of the Day, n° 10 (trad. AELF)
« Et le Verbe s’est fait chair »
Le Verbe était dès l’origine, le Fils Unique de Dieu. Avant que les mondes soient créés, avant même que soit le temps, il était, dans le sein du Père éternel, Dieu de Dieu et Lumière de Lumière, suprêmement béni dans la connaissance qu'il avait du Père et dans la connaissance que le Père avait de lui, recevant de lui toute perfection divine mais toujours un avec celui qui l'avait engendré. Comme il est dit au début de l’Evangile : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu »…
Il aurait pu en vérité, lorsque l'homme est tombé, demeurer dans la gloire qu'il avait avec le Père. Mais cet amour insondable qui s'était montré à l'origine de notre création, insatisfait de voir son oeuvre gâtée, l’a fait descendre du sein de son Père pour accomplir sa volonté et réparer le mal dont le péché était cause. Avec une indulgence admirable, il est venu, non plus revêtu de puissance, mais de faiblesse, sous la forme d'un serviteur, sous l'apparence de l’homme déchu qu'il avait dessein de relever. Ainsi il s'est humilié, souffrant toutes les infirmités de notre nature, semblable à notre chair pécheresse, pareil au pécheur à l'exception du péché, pur de toute faute mais soumis à toute tentation, et à la fin « obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur la croix » (Ph 2,8)...
Ainsi le Fils de Dieu est devenu le Fils de l'homme -- mortel, mais non pécheur ; héritier de nos infirmités, non de notre faute ; rejeton de l'ancienne race, mais « commencement de la nouvelle création de Dieu » (cf Ap 3,14). Marie, sa mère,…a donné une nature créée à celui qui était son Créateur. Ainsi il est venu en ce monde, non pas sur les nuées du ciel, mais né ici-bas, né d'une femme ; lui, fils de Marie, et elle, mère de Dieu... Il était vraiment Dieu et homme, mais une seule personne…, un seul Christ.
PPS, t. 2, n° 3
L'Ecriture inspirée nous l'a dit : « Ta miséricorde s'étend à tous, parce que tout t'est possible, parce que tu oublies les péchés des hommes dès qu'ils se tournent vers toi. Tu aimes tout ce qui existe ; tu ne prends en aversion rien de ce que tu as fait... Tu épargnes tous les êtres parce qu'ils sont à toi, Maître qui aimes la vie » (Sg 11,23s). Voilà ce qui le fait descendre du ciel et lui donne le nom de Jésus...: « Tu lui donneras le nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1,21). C'est son grand amour pour les hommes, sa compassion pour les pécheurs, voilà ce qui le fait descendre du ciel.
Pourquoi donc consentir à voiler sa gloire dans un corps mortel s'il ne désirait ardemment sauver ceux qui se sont égarés, qui ont perdu tout espoir de salut ? Il le dit lui-même : « Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19,10). Plutôt que de nous laisser périr, il a fait tout ce qu'un Dieu tout-puissant peut faire selon tous ses divins attributs : il s'est donné lui-même. Et il nous aime tous de telle sorte qu'il veut donner sa vie pour chacun de nous, aussi absolument, aussi pleinement, que s'il n'y avait qu'un seul homme à sauver. Il est notre meilleur ami..., le seul véritable ami, et il déploie tous les moyens possibles pour obtenir que nous l'aimions en retour. Il ne nous refuse rien, si nous consentons à l'aimer...
O mon Seigneur et mon Sauveur, dans tes bras je suis en sûreté. Si tu me gardes, je n'ai plus rien à craindre ; mais si tu m'abandonnes, je n'ai plus rien à espérer. Je ne sais rien de ce qui m'arrivera d'ici ma mort, je ne sais rien de l'avenir, mais je me confie à toi... Je m'en repose totalement sur toi, parce que tu sais ce qui est bon pour moi, et moi je ne le sais pas.
Twelve Meditations and Intercessions for Good Friday, 9-10
« Nous avons tout quitté pour te suivre »
Nous ne sommes pas appelés une fois seulement, mais bien des fois; tout le long de notre vie, Christ nous appelle. Il nous a appelés d'abord par le baptême, mais plus tard aussi ; que nous obéissions ou non à sa voix, il nous appelle encore en sa miséricorde. Si nous manquons à nos promesses baptismales, il nous appelle à nous repentir. Si nous nous efforçons de répondre à notre vocation, il nous appelle toujours plus avant, de grâce en grâce, de sainteté en sainteté, tant que la vie nous est laissée pour cela.
Abraham a été appelé à quitter sa maison et son pays (Gn 12,1), Pierre ses filets (Mt 4,18), Matthieu son emploi (Mt 9,9), Elisée sa ferme (1R 19,19), Nathanaël sa retraite (Jn 1,47). Sans cesse, tous nous sommes appelés, d'une chose à l'autre, toujours plus loin, n'ayant pas de lieu de repos, mais montant vers notre repos éternel, et n'obéissant à un appel intérieur que pour être prêts à en entendre un autre.
Christ nous appelle sans cesse, pour nous justifier sans cesse ; sans cesse, de plus en plus, il veut nous sanctifier et nous glorifier. Nous devons le comprendre, mais nous sommes lents à nous rendre compte de cette grande vérité, que Christ marche en quelque sorte parmi nous, et que de sa main, de ses yeux, de sa voix, il nous fait signe de le suivre. Nous ne saisissons pas que son appel est quelque chose qui a lieu en ce moment même. Nous pensons qu'elle a eu lieu au temps des apôtres ; mais nous n'y croyons pas, nous ne l'attendons pas vraiment pour nous-mêmes.
PPS, vol. 8, n° 2 « Divine Calls »
La faiblesse de la foi de Thomas, source de grâce pour l'Eglise
Il ne faut pas croire que saint Thomas était très différent des autres apôtres. Tous, plus ou moins, ils ont perdu confiance dans les promesses du Christ quand ils l’ont vu emmené pour être crucifié. Quand il a été mis au tombeau, leur espérance a été ensevelie avec lui, et quand on leur a apporté la nouvelle qu’il était ressuscité, aucun n'y a cru. Quand il leur est apparu, « il leur reprocha leur incrédulité et leur endurcissement » (Mc 16,14)… Thomas a été convaincu en dernier, parce qu’il a vu le Christ en dernier. Par contre, il est certain que ce n’était pas un disciple réservé et froid : auparavant, il avait exprimé le désir de partager le danger de son Maître et de souffrir avec lui…: « Allons-y nous aussi, pour mourir avec lui ! » (Jn 11,16) C’est à cause de Thomas que les apôtres ont risqué leur vie avec leur Maître.
Saint Thomas aimait donc son Maître, comme un vrai apôtre, et s’est mis à son service. Mais quand il l’a vu crucifié, il a faibli en sa foi pour un temps, comme les autres…et plus que les autres. Il s’était isolé, refusant le témoignage non d’une seule personne, mais des dix autres, de Marie Madeleine et des autres femmes… Il lui fallait, semble-t-il, une preuve visible de ce qui est invisible, un signe infaillible venu de ciel, comme l’échelle des anges de Jacob (Gn 28,12), pour calmer son angoisse en lui montrant le but du chemin au moment de se mettre en route. Un désir secret de certitude l’habitait et ce désir s’est réveillé à la nouvelle de la résurrection du Christ.
Notre Sauveur consent à sa faiblesse, répond a son désir, mais lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». C’est ainsi que tous ses disciples le servent, même dans leur faiblesse, pour qu’il la transforme en paroles d’enseignement et de réconfort pour son Eglise.
PPS, vol. 2, n° 2, « Faith without Sight »
« Voyant les foules, il eut pitié d'elles, parce qu'elles étaient fatiguées et abattues comme des brebis sans berger »
Regardez autour de vous, mes frères... : pourquoi y a-t-il tant de changements et de luttes, tant de partis et de sectes, tant de credo ? Parce que les hommes sont insatisfaits et inquiets. Et pourquoi inquiets, chacun avec son psaume, sa doctrine, sa langue, sa révélation, son interprétation ? Ils sont inquiets parce qu'ils n'ont pas trouvé...; tout cela ne les a pas encore amenés à la présence du Christ qui est « la plénitude de la joie et le bonheur éternel » (Ps 15,11).
S'ils avaient été nourris du pain de la vie (Jn 6,35) et goûté au rayon de miel, leurs yeux seraient devenus clairs, comme ceux de Jonathan (1Sm 14,27) et ils auraient reconnu le Sauveur des hommes. Mais n'ayant pas saisi ces choses invisibles, ils doivent encore chercher, et ils sont à la merci des rumeurs au loin...
Spectacle attristant : le peuple du Christ erre sur les collines « comme des brebis sans berger ». Au lieu de le chercher dans les lieux qu'il a toujours fréquentés et dans la demeure qu'il a établie, ils s'affairent en des projets humains, suivent des guides étrangers et se laissent captiver par des opinions nouvelles, deviennent le jouet du hasard ou de l'humeur du moment et la victime de leur volonté propre. Ils sont pleins d'anxiété, de perplexité, de jalousie et d'alarme, « ballottés et emportés par tout vent de la doctrine, par la ruse des hommes et de leur astuce à se fourvoyer dans l'erreur » (Ep 4,14). Tout cela parce qu'ils ne cherchent pas le « Corps unique, l'Esprit unique, l'unique espérance de leur appel, l'unique Seigneur, la foi unique, le baptême unique, le Dieu unique et Père de tous » (Ep 4,5-6) pour y « trouver le repos de leurs âmes » (Mt 11,29).
Sermon « Invisible Presence of Christ », Sermons on Subjects of the Day, n°21
« Leurs anges dans les cieux voient sans cesse la face de mon Père »
Les anges s'occupent activement de nous dans l’Église ; on nous dit « qu'ils sont les serviteurs envoyés pour exercer leur ministère en faveur de ceux qui doivent être les héritiers du salut » (He 1,14). Il n'y a pas de chrétien si humble qui n'ait des anges pour le servir, s'il vit par la foi et par l'amour. Quoiqu'ils soient si grands, si glorieux, si purs, si merveilleux que leur vue seule nous jetterait à terre, comme cela est arrivé au prophète Daniel (10,9)…, pourtant ils sont des « serviteurs comme nous » (Ap 19,10) et nos compagnons de travail. Ils veillent sur nous ; ils défendent jusqu'au plus humble d'entre nous, si nous sommes au Christ.
Qu'ils fassent partie de notre monde invisible, cela ressort de la vision qu'a eue le patriarche Jacob (Gn 28,10s)… Comme il pensait peu qu'il y avait quelque chose de merveilleux là où il s'était couché pour dormir ! C'était un endroit comme tous les autres, un lieu solitaire et incommode…; et pourtant, combien la réalité était différente ! Jacob ne voyait que le monde visible ; il ne voyait pas le monde invisible, et pourtant le monde invisible était là. Il était là, bien que Jacob n’ait pas réalisé tout de suite sa présence mais qu'elle ait dû lui être révélée de façon surnaturelle. Il l’a vu dans son sommeil : « une échelle dont le pied était appuyé sur la terre, et dont le haut touchait le ciel ; des anges de Dieu montaient et descendaient le long de l'échelle ; et le Seigneur se tenait au sommet ».
Il s’agissait de l'autre monde : des gens en parlent comme s'il n'existait pas maintenant mais seulement après la mort. Non, il existe maintenant, même si nous ne le voyons pas ; il est parmi nous, autour de nous. C’est ce qui a été montré à Jacob : des anges étaient autour de lui, même s’il ne le savait pas. Et ce que Jacob a vu dans son sommeil, d'autres aussi l'ont vu...et entendu, comme les bergers de Noël. Ces esprits bienheureux louent Dieu jour et nuit, et nous, dans notre état, nous pouvons les imiter.
Sermon « The Invisible World », PPS, t. 4, n°13
La tradition et la volonté de Dieu
Peu importe la façon dont nous apprenons à connaître la volonté de Dieu, que ce soit par l'Écriture, par la tradition apostolique, ou par ce que saint Paul appelle la « nature » (cf Rm 1,20), pourvu que nous soyons sûrs que c'est bien sa volonté. En réalité, Dieu nous révèle le contenu de la foi par l'inspiration, parce que c'est de l'ordre surnaturel. Mais il nous révèle les questions pratiques du devoir moral par notre propre conscience et notre raison divinement guidée.
Les questions de pure forme, il nous les révèle par la tradition de l'Église, par l'usage qui nous les fait mettre en pratique, bien qu'elles ne relèvent pas de l'Écriture. Ceci pour répondre à la question que nous pouvons nous poser nous-mêmes : « Pourquoi donc observer des rites et des formes que l'Écriture ne prescrit pas ? » L'Écriture nous transmet ce qu'il faut croire, ce vers quoi il faut tendre, ce que nous devons maintenir. Mais elle ne dit pas la façon concrète de le faire. Puisque nous ne pouvons le faire que de telle ou telle façon précise, nous sommes bien forcés d'ajouter quelque chose à ce que nous dit l'Écriture. Elle nous recommande par exemple de nous réunir pour la prière et elle lie son efficacité...à l'union des cœurs. Mais comme elle n'indique pas le moment ni le lieu de la prière, l'Église doit compléter ce que l'Écriture s'est contentée de prescrire de façon générale...
On peut dire que la Bible nous donne l'esprit de notre religion ; l'Église, elle, doit façonner le corps où cet esprit s'incarne... La religion n'existe pas de façon abstraite... Les gens qui essaient d'adorer Dieu d'une manière (disent-ils) « purement spirituelle » finissent en fait par ne plus l'adorer du tout... L'Écriture donc nous donne l'esprit de notre dévotion, et l'Église son corps. Et comme nous ne pouvons pas voir l'esprit d'un homme sans l'intermédiaire de son corps, ainsi nous ne pouvons pas comprendre l'objet de notre foi sans sa forme extérieure.
Sermon « Ceremonies of the Church » ; PPS, vol. 2, n°7
La terre que nous voyons ne nous satisfait pas. Ce n'est qu'un commencement ; ce n'est qu'une promesse d'un au-delà ; même dans sa plus grande joie, quand elle se couvre de toutes ses fleurs, et qu'elle montre tous ses trésors cachés de la manière la plus attirante, même alors, cela ne nous suffit pas. Nous savons qu'il y a en elle beaucoup plus de choses que nous n'en voyons. Un monde de saints et d'anges, un monde glorieux, le palais de Dieu, la montagne du Seigneur Sabaoth, la Jérusalem céleste, le trône de Dieu et du Christ : toutes ces merveilles éternelles, très précieuses, mystérieuses et incompréhensibles, se cachent derrière ce que nous voyons. Ce que nous voyons n'est que l'écorce extérieure d'un royaume éternel, et c'est sur ce royaume que nous fixons les yeux de notre foi.
Montre-toi, Seigneur, comme au temps de ta Nativité, où les anges ont visité les bergers ; que ta gloire s'épanouisse comme les fleurs et le feuillage s'épanouissent sur les arbres. Par ta grande puissance, transforme le monde visible en ce monde plus divin que nous ne voyons pas encore. Que ce que nous voyons soit transformé en ce que nous croyons. Si brillants que soient le soleil, le ciel, et les nuages, si verdoyants que soient les feuilles et les champs, si doux que soit le chant des oiseaux, nous savons que tout n'est pas là, et que nous ne voulons pas prendre la partie pour le tout. Ces choses procèdent d'un centre d'amour et de bonté qui est Dieu lui-même, mais elles ne sont pas sa plénitude. Elles parlent du ciel, mais elles ne sont pas le ciel. Elles ne sont en quelque sorte que des rayons égarés, un faible reflet de son image ; elles ne sont que des miettes qui tombent de la table.
« The Invisible World » PPS, t. 4, n°13 (trad. AELF rev.)
Bx John Henry Newman (1801-1890), théologien, fondateur de l'Oratoire en Angleterre
« Quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret »
Ceux qui cherchent le Dieu invisible le cherchent dans leur cœur et dans leurs pensées secrètes, non dans des paroles bruyantes, comme s’il était loin d’eux. Ils ont l’habitude de se retirer là où aucun œil humain ne les voit ; là, humbles et pleins de foi, ils peuvent rencontrer celui qui se tient « près de leur sentier, près de leur lit, et qui voit toutes leurs démarches ». Et Dieu, « qui sonde les cœurs » (Rm 9,27), les récompensera au grand jour. La prière faite dans le secret, selon la volonté de Dieu, est conservée comme un trésor dans son Livre de Vie (Ps 68,29). Peut-être que cette prière a demandé une réponse ici-bas et ne l’a pas trouvée ? Peut-être que celui qui l’a formulée l’a même oubliée, et que le monde ne l’a jamais connue ? Mais Dieu, lui, s’en souvient toujours ; et au dernier jour, quand les livres seront ouverts (Dn 7,10; Ap 20,12), cette prière sera dévoilée et récompensée devant le monde entier…
Nous savons bien que nous sommes tenus d’être, en un certain sens, en prière et méditation tout au long du jour (Lc 18,1) ; mais…devons-nous prier à certaines heures du jour d’une manière déterminée ?... Même si des heures et des formules précises ne sont pas absolument nécessaires pour la prière privée, elles sont d’une grande aide, ou plutôt elles nous sont commandées par notre Seigneur quand il dit : « Toi, quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison… » Même notre Sauveur avait des moments privilégiés de communion avec Dieu. Ses pensées étaient bien un service divin continuellement offert à son Père, mais nous lisons qu’il « est monté dans la montagne, à l’écart, pour prier » et qu’il « a passé toute la nuit à prier Dieu » (Mt 14,23; Lc 6,12).
Il faut insister sur ce devoir de respecter des moments précis de prière privée, parce qu’au milieu des soucis et des tensions de la vie, nous avons souvent tendance à les négliger, et ce devoir est bien plus important qu’on ne le pense d’habitude, même parmi ceux qui l’accomplissent.
Sermon « Times of Private Prayer », PPS, t. 1, n° 19
"Votre vie même révèle le Christ sans que vous le vouliez. Vous n'y pouvez rien. Vos paroles et vos actions montreront à la longue où se trouve votre trésor, et aussi votre coeur. De l'abondance de ce coeur jailliront des paroles "pleines de sel". Moïse redescendant de la montagne, ne savait pas que la peau de son visage rayonnait [Ex 34, 29] à la suite de son entretien avec Dieu. Mais, quand Aaron et tous les enfants d'Israël virent Moïse, voici que la peau de son visage rayonnait ; et ils n'osèrent l'approcher [v. 30-31]. Qui peut mesurer le pouvoir de nos paroles quand elles tombent au moment opportun ? Combien de fois sont-elles recueillies et entretenues fidèlement en pensée par telle ou telle personne, et portent-elles des fruits, alors que nous les avons oubliées ? Et combien de fois nos bonnes oeuvres en suscitent-elles d'autres, par émulation, pour une bonne cause, sans que nous nous en doutions, mais alors que cela est perçu par les anges ?"
(John Henry Newman : Sermons paroissiaux, I La vie chrétienne, Cerf Paris, 1993, p.168, sq.)
http://peresdeleglise.free.fr/auteurscontemporains/newman1.htm
« Notre coeur n'était-il pas brûlant ? »
Frères, réalisons ce qu'ont été les apparitions du Christ à ses disciples après sa résurrection. Elles ont d'autant plus d'importance qu'elles nous montrent qu'une communion de ce genre avec le Christ reste encore possible ; c'est ce genre de contact avec le Christ qui nous est donné actuellement. Dans cette période de quarante jours qui suivit la résurrection, Jésus a inauguré sa nouvelle relation avec l'Église, sa relation actuelle avec nous, le genre de présence qu'il a voulu manifester comme assurée.
Après sa résurrection, comment le Christ était-il présent à son Église ? Il allait et venait librement ; rien ne s'opposait à sa venue, pas même les portes fermées. Mais lui présent, ses disciples ne réalisaient pas d'évidence qu'il était là... Les disciples d'Emmaüs n'eurent conscience de sa présence qu'après coup, en se rappelant quelle influence il avait exercée sur eux : « Notre coeur n'était-il pas brûlant ? »...
Remarquons bien à quel moment leurs yeux s'ouvrirent...: à la fraction du pain. Telle est en effet la disposition actuelle de l'évangile. Si on reçoit la grâce de saisir la présence du Christ, on ne le reconnaît que plus tard ; ce n'est plus désormais que par la foi qu'on saisit sa présence. A la place de sa présence sensible, il laisse le mémorial de sa rédemption ; il se rend présent dans le sacrement. Quand s'est-il manifesté ? Lorsque, pour ainsi dire, il fait passer les siens d'une vision sans vraie connaissance à une authentique connaissance dans l'invisible de la foi.
PPS 6, 10
« Le règne de Dieu est au milieu de vous »
Est-il difficile à la foi d'admettre les paroles de l'Ecriture concernant nos relations avec un monde qui nous est supérieur ?... Ce monde spirituel est présent, quoique invisible ; il est présent et non pas futur, non pas distant. Il n'est pas au-dessus du ciel, il n'est pas par-delà la tombe ; il est maintenant et ici : « Le royaume de Dieu est parmi nous ». C'est de cela que parle saint Paul : « Nous regardons non pas les choses visibles, mais les invisibles, car les choses visibles n'ont qu'un temps, mais les choses invisibles sont éternelles » (2Co 4,18)...
Tel est le royaume caché de Dieu ; et de même qu'il est maintenant caché, ainsi sera-t-il révélé au moment voulu. Les hommes croient être les seigneurs du monde et pouvoir en faire ce qu'ils veulent. Ils croient en être les propriétaires et détenir un pouvoir sur son cours... Mais ce monde est habité par les humbles du Christ qu'ils méprisent et par ses anges en qui ils ne croient pas. A la fin ce sont eux qui en prendront possession, quand ils seront manifestés. Maintenant « toutes choses », en apparence, « continuent comme elles étaient depuis le commencement de la création » et les railleurs demandent : « Où est la promesse de sa venue ? » (2P 3,4) Mais au temps marqué, il y aura une « manifestation des enfants de Dieu » et les saints cachés « resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père » (Rm 8,19; Mt 13,43).
Quand les anges sont apparus aux bergers, ce fut une apparition soudaine : « Soudain, il y eut avec l'ange une troupe céleste innombrable » (Lc 2,13). Auparavant, la nuit ressemblait à tout autre nuit -- les bergers veillaient sur leurs troupeaux ; ils observaient le cours de la nuit : les étoiles suivaient leur course ; il était minuit ; ils ne pensaient pas du tout à une chose pareille lorsque l'ange est apparu. Telles sont la puissance et la force cachées dans les choses visibles. Elles sont manifestées quand Dieu le veut.
Sermon « The Invisible World », PPS vol. 4, n°13
Fête de la dédicace d'une cathédrale, fête de l'Eglise
Une cathédrale est-elle le fruit d'un désir passager ou quelque chose qu'on puisse réaliser à volonté ? ... A coup sûr, les églises dont nous héritons ne sont pas une simple affaire de capitaux, ni une pure création du génie ; elles sont le fruit du martyre, de hauts faits et de souffrances. Leurs fondations sont très profondes ; elles reposent sur la prédication des apôtres, sur la confession de la foi par les saints, et sur les premières conquêtes de l'Evangile dans notre pays. Tout ce qui est si noble dans leur architecture, qui captive l'œil et va au cœur, n'est pas le pur effet de l'imagination des hommes, c'est un don de Dieu, c'est une œuvre spirituelle.
La croix est toujours plantée dans le risque et dans la souffrance, arrosée de larmes et de sang. Nulle part elle ne prend racine et ne porte de fruit si sa prédication n'est accompagnée de renoncement. Les détenteurs du pouvoir peuvent porter un décret, favoriser une religion, mais ils ne peuvent pas la planter, ils ne peuvent que l'imposer. Seule l'Eglise peut planter l'Eglise. Personne d'autre que les saints, des hommes mortifiés, prédicateurs de la droiture, confesseurs de la vérité, ne peut créer une vraie maison pour la vérité.
C'est pourquoi les temples de Dieu sont aussi les monuments de ses saints... Leur simplicité, leur grandeur, leur solidité, leur grâce et leur beauté ne font que rappeler la patience et la pureté, le courage et la douceur, la charité et la foi de ceux qui, eux, n'ont adoré Dieu que dans les montagnes et les déserts ; ils ont peiné, mais non en vain, puisque d'autres ont hérité des fruits de leur peine (cf Jn 4,38). A la longue, en effet, leur parole a porté fruit ; elle s'est faite Eglise, cette cathédrale où la Parole vit depuis si longtemps... Heureux ceux qui entrent dans ce lien de communion avec les saints du passé et avec l'Eglise universelle... Heureux ceux qui, en entrant dans cette église, pénètrent de cœur dans le ciel.
PPS, vol 6, n° 19
Une fois seulement par an, mais une fois pourtant, le monde que nous voyons fait éclater ses puissances cachées et se révèle lui-même en quelque sorte. Alors, les feuilles paraissent, les arbres fruitiers et les fleurs s'épanouissent, l'herbe et le blé poussent. Il y a un élan soudain et un éclatement de la vie cachée que Dieu a placée dans le monde matériel. Eh bien ! ceci nous est comme un exemple de ce que le monde peut faire au commandement de Dieu. Cette terre...éclatera un jour en un monde nouveau de lumière et de gloire dans lequel nous verrons les saints et les anges. Qui penserait, sans l'expérience qu'il a eue des printemps précédents, qui pourrait concevoir deux ou trois mois à l'avance que la face de la nature qui semblait morte puisse devenir si splendide et si variée ?...
Il en est de même pour ce printemps éternel qu'attendent tous les chrétiens ; il viendra quoiqu'il tarde. Attendons-le, car « il viendra sûrement, et il ne tardera pas » (Hé 10,37). C'est pourquoi nous disons chaque jour : « Que ton règne vienne ! » Ce qui veut dire : « Montre-toi, Seigneur ; toi qui es assis au milieu des chérubins, montre-toi, manifeste-toi. Réveille ta puissance, viens nous délivrer » (cf Ps 79,2-3).
« The Invisible World » PPS, IV, 13 (trad. AELF)
« Beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez »
Le partage profond des sentiments peut être appelé une loi éternelle, car elle est signifiée, ou plutôt accomplie de façon primordiale, dans l'amour mutuel et indicible de la Trinité. Dieu, infiniment un, a toujours été aussi trois. Depuis toujours, il se réjouit dans son Fils et son Esprit, et eux en lui... Quand le Fils a pris chair, il a vécu pendant trente ans avec Marie et Joseph, formant ainsi une image de la Trinité sur la terre...
Mais il convenait que celui qui allait être le véritable Grand Prêtre et exercer ce ministère envers toute la race humaine soit libre des liens des sentiments. Ainsi, autrefois, on avait dit que Melchisédech était sans père et sans mère (He 7,3)... Quitter sa mère, comme il le lui signifie à Cana (Jn 2,4), est donc le premier pas solennel vers l'accomplissement du salut du monde... Jésus a renoncé non seulement à Marie et à Joseph, mais aussi à ses amis secrets. Quand son temps est arrivé, il a dû y renoncer.
Mais nous pouvons supposer qu'il était en communion avec les saints patriarches qui avaient préparé et prophétisé sa venue. Dans une occasion solennelle, on l'a vu s'entretenir toute la nuit avec Moise et Elie au sujet de sa Passion. Quel champ de pensée nous est ainsi ouvert sur la personne de Jésus, dont nous savons si peu de chose ! Quand il passait des nuits entières en prière..., qui pouvait mieux soutenir le Seigneur et lui rendre de la force que la « foule admirable » des prophètes dont il était le modèle et l'accomplissement ? Alors il pouvait s'entretenir avec Abraham « qui avait vu son jour » (Jn 8,56), et avec Moise..., ou avec David et Jérémie, qui l'avaient préfiguré tout particulièrement, ou avec ceux qui avaient le plus parlé de lui, comme Isaïe et Daniel. Là il trouvait un fond de grande sympathie. Quand il est monté à Jérusalem pour souffrir, tous les saints prêtres de l'ancienne alliance ont dû venir invisiblement à sa rencontre, eux qui avaient offert des sacrifices préfigurant le sien.
Méditations and Devotions : Part III, 2, 2 « Our Lord refuses sympathy »
Tel est le Royaume caché de Dieu : de même qu'il est maintenant caché, ainsi sera-t-il révélé au moment voulu. Les hommes croient être les maîtres du monde et pouvoir faire ce qu'ils veulent... Actuellement, en apparence « tout reste pareil depuis le commencement », et les railleurs demandent : « Où est donc la promesse de sa venue ? » (2P 3,4) Mais au temps marqué, il y aura une « manifestation des enfants de Dieu », et les saints cachés « resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père » (Rm 8,19; Mt 13,43).
Quand les anges sont apparus aux bergers, ce fut une apparition soudaine... La nuit semblait pareille à toute autre nuit, comme la nuit où Jacob a eu sa vision semblait pareille à tout autre nuit (Gn 28,11s). Les bergers veillaient sur leurs troupeaux, ils regardaient la nuit s'écouler, les étoiles suivaient leur course, c'était minuit ; ils ne pensaient pas à pareille chose quand l'ange leur est apparu. Telles sont la puissance et la vertu cachées dans le visible ; elles sont manifestées quand Dieu le veut...
Qui pourrait concevoir deux ou trois mois avant le printemps que la face de la nature qui semblait morte puisse redevenir si splendide et si variée ?... Il en est de même pour ce printemps éternel qu'attendent tous les chrétiens ; il viendra, même s'il tarde. Attendons-le, car « il viendra sûrement, il ne tardera pas à venir » (He 10,37). C'est pourquoi nous disons chaque jour : « Que ton Règne vienne », ce qui veut dire : « Seigneur, montre-toi, manifeste-toi, toi qui es assis au milieu des chérubins. Resplendis ; réveille ta vaillance et viens à notre secours » (Ps 79,2-3). La terre que nous voyons ne nous satisfait pas ; elle n'est qu'un commencement, elle n'est qu'une promesse d'un au-delà. Même dans sa plus grande splendeur, couverte de toutes ses fleurs, quand elle montre de la façon la plus saisissante ce qu'elle cache, cela ne nous suffit pas. Nous savons qu'il y a en elle plus de choses que nous n'en voyons... Ce que nous voyons n'est que l'écorce extérieure d'un royaume éternel. C'est sur ce royaume que nous fixons les yeux de notre foi.
Sermon « The Invisible World » PPS, vol. 4, n°13
Dieu te regarde, qui que tu sois. Il « t'appelle par ton nom ». Il te voit et il te comprend, lui qui t'a fait. Tout ce qu'il y a en toi, il le sait : tous tes sentiments et tes pensées propres, tes inclinations, tes goûts, ta force et ta faiblesse. Il te voit dans tes jours de joie comme dans tes jours de peine ; il partage tes espoirs et tes tentations ; il prend à cœur toutes tes angoisses et tes souvenirs, tous les élans et tous les découragements de ton esprit ; il a compté tes cheveux... Il t'entoure de ses bras et te soutient ; il t'élève et te repose. Il contemple ton visage, dans le sourire ou les pleurs, dans la santé ou la maladie. Il regarde tes mains et tes pieds avec tendresse, il entend ta voix, le battement de ton cœur et jusqu'à ton souffle...
Tu es un être humain racheté et sanctifié, son enfant adoptif ; il t'a fait le don d'une part de cette gloire et de cette bénédiction qui découlent éternellement du Père sur le Fils unique. Tu as été choisi pour être sien... Qu'est-ce que l'homme, que sommes-nous, que suis-je, pour que le Fils de Dieu ait de moi un si grand souci ? Que suis-je pour qu'il m'ait...élevé à la nature d'un ange, transformé la substance originelle de mon âme, m'ait refait — moi qui suis un pécheur depuis ma jeunesse — et pour qu'il ait fait de mon cœur sa demeure, de moi son temple ?
(Références bibliques : Jn 10,3; Mt 10,30; Ps 8,5; cf Gn 8,21, Ps 50,7; 1Co 3,16)
Sermon « A Particular Providence as Revealed in the Gospel » PPS vol. 3, n°9
« Voici le jour que le Seigneur a fait : soyons dans la joie et dans l'allégresse » (Ps 117,24)... En tant que chrétiens nous sommes nés pour le Royaume de Dieu depuis notre plus tendre enfance..., mais, tout en ayant conscience de cette vérité et y croyant totalement, nous avons beaucoup de difficulté à saisir ce privilège et passons de longues années à le comprendre. Personne, bien sûr, ne le comprend pleinement... Et même en ce grand jour, ce jour parmi les jours, où le Christ est ressuscité des morts..., nous voici comme des petits enfants...à qui il manque des yeux pour voir et un cœur pour comprendre qui nous sommes vraiment...
Voici le jour de Pâques — répétons-le-nous encore et encore, avec un profond respect et une grande joie. Comme les enfants disent : « Voici le printemps » ou « Voici la mer », pour essayer d'en saisir l'idée..., disons : « Voici le jour parmi les jours, le jour royal (Ap 1,10 grec), le jour du Seigneur. Voici le jour où le Christ est ressuscité des morts, le jour qui nous apporte le salut ». C'est le jour qui nous rend plus grands que nous ne pouvons le comprendre. C'est le jour de notre repos, notre vrai sabbat ; le Christ est entré en son repos (He 4), et nous avec lui. Ce jour nous conduit, en préfiguration, à travers la tombe et les portes de la mort jusqu'au temps du répit dans le sein d'Abraham (Ac 3,20; Lc 16,22).
Nous en avons assez de la fatigue, de la morosité, de la lassitude, de la tristesse et du remords. Nous en avons assez de ce monde éprouvant. Nous en avons assez de ses bruits et de son vacarme ; sa meilleure musique, ce n'est que du bruit. Mais maintenant le silence règne, et c'est un silence qui parle... : telle est notre béatitude désormais. C'est le commencement de jours calmes et sereins, et le Christ s'y fait entendre, de sa « voix douce et tranquille » (1R 19,12), parce que le monde ne parle plus. Dépouillons-nous seulement du monde, et nous revêtirons le Christ (Ep 4,22; Rm 13,14)... Puissions-nous, en nous dévêtant ainsi, nous revêtir de choses invisibles et impérissables ! Puissions-nous grandir en grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur, saison après saison, année après année, jusqu'à ce qu'il nous prenne avec lui...dans le Royaume de son Père et notre Père, de son Dieu et notre Dieu (Jn 20,17).
Sermon « The Difficulty of Realizing Sacred Privileges », PPS, t. 6, n°8
« Il marche à leur tête, et elles le suivent »
« Voyant les foules, Jésus eut pitié d'elles parce qu'elles étaient fatiguées et abattues comme des brebis sans berger » (Mt 9,36)... Les brebis ont été dispersées parce qu'il n'y avait pas de berger... Ainsi en était-il dans le monde entier quand le Christ est venu dans sa miséricorde infinie « pour rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52). Et si pour un moment ils ont été à nouveau laissés sans guide, lorsque dans sa lutte contre l'ennemi le bon berger a donné sa vie pour ses brebis — selon la prophétie : « Frappez le berger, et les brebis seront dispersées » (Za 13,7) — bientôt cependant, il est ressuscité d'entre les morts pour vivre à jamais, selon cette autre prophétie : « Celui qui a dispersé Israël le rassemblera comme un berger son troupeau » (Jr 31,10).
Comme il le dit lui-même dans la parabole qu'il nous propose, « il appelle ses propres brebis par leur nom et les mène dehors, et il marche devant elles, et les brebis le suivent car elles connaissent sa voix ». Ainsi, le jour de sa résurrection, comme Marie pleurait, il l'a appelée par son nom (Jn 20,16), et elle s'est retournée et a reconnu par l'oreille celui qu'elle n'avait pas reconnu par la vue. De même, il a dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? », et il a ajouté : « Suis-moi » (Jn 21,15.19). Et de même, lui et son ange ont dit aux femmes : « Il vous précède en Galilée » ; « Allez dire à mes frères qu'ils doivent se rendre en Galilée, et là ils me verront » (Mt 28,7.10). Depuis ce temps-là le bon pasteur, qui a pris la place de ses brebis et qui est mort pour qu'elles puissent vivre à jamais, les précède et elles « suivent l'Agneau partout où il va » (Ap 14,4).
Sermon « The Shepherd of Our Souls », PPS, t. 8, n° 16
« Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde »
Le retour du Christ à son Père est à la fois source de peine, parce qu'il implique son absence, et source de joie, parce qu'il implique sa présence. De la doctrine de sa Résurrection et de son Ascension jaillissent ces paradoxes chrétiens souvent mentionnés dans l'Écriture : nous sommes dans l'affliction, mais sans cesser de nous réjouir, « comme n'ayant rien et possédant tout » (2Co 6,10).
Telle est en effet notre condition présente : nous avons perdu le Christ et nous l'avons trouvé ; nous ne le voyons pas et pourtant nous le discernons. Nous étreignons ses pieds (Mt 28,9), mais il nous dit : « Ne me retiens pas » (Jn 20,17). Comment cela ? C'est que nous avons perdu la perception sensible et consciente de sa personne ; nous ne pouvons pas le regarder, l'entendre, parler avec lui, le suivre de lieu en lieu ; mais nous jouissons spirituellement, immatériellement, intérieurement, mentalement et réellement de sa vue et de sa possession : une possession plus réelle et présente que celle dont les apôtres jouissaient aux jours de sa chair, justement parce qu'elle est spirituelle, justement parce qu'elle est invisible.
Nous savons que dans ce monde plus un objet est proche de nous, moins nous pouvons le percevoir et le comprendre. Le Christ est venu si près de nous dans l'Église chrétienne, si je puis dire, que nous ne pouvons pas le fixer du regard ou le distinguer. Il entre en nous, et prend possession de l'héritage qu'il s'est acquis. Il ne se présente pas à nous, mais il nous prend avec lui. Il fait de nous ses membres... Nous ne le voyons pas ; nous ne connaissons sa présence que par la foi, parce qu'il est au-dessus de nous et en nous. Ainsi, nous sommes dans la peine, parce qu'inconscients de sa présence..., et nous nous réjouissons parce que nous savons que nous le possédons : « Sans le voir, vous l'aimez ; sans le voir encore vous croyez en lui ; et vous tressaillez d'une joie inexprimable qui vous transfigure, car vous allez obtenir votre salut, l'aboutissement de votre foi » (1P 1,8-9).
Sermon « The Spiritual Presence of Christ in the Church », PPS, t. 6, n°10
Bx John Henry Newman (1801-1890), théologien, fondateur de l'Oratoire en Angleterre
« C'est le Seigneur ! »
Nous sommes lents à nous rendre compte de cette grande et sublime vérité que le Christ marche encore, en quelque sorte, au milieu de nous, et de sa main, de son regard ou de sa voix, nous fait signe de le suivre. Nous ne comprenons pas que cet appel du Christ est une chose qui se réalise tous les jours, aujourd'hui comme autrefois. Nous en sommes à croire que c'était bon au temps des apôtres, mais aujourd'hui nous n'y croyons plus à notre égard, nous ne sommes pas attentifs à le rechercher à notre sujet. Nous n'avons plus des yeux pour voir le Maître — bien différents en cela de l'apôtre bien-aimé qui a reconnu le Christ, même quand tous les autres disciples ne le reconnaissaient pas. Il était là, cependant, debout sur le rivage ; c'était après sa résurrection, quand il ordonnait de jeter le filet dans la mer ; c'est alors que le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C'est le Seigneur ! »
Ce que je veux dire, c'est que les hommes qui mènent une vie de croyant aperçoivent de temps en temps des vérités qu'ils n'avaient pas encore vues, ou sur lesquelles leur attention n'avait jamais été appelée. Et tout d'un coup, elles se dressent devant eux comme un appel irrésistible. Or, il s'agit de vérités qui engagent notre devoir, qui prennent la valeur de préceptes, et qui demandent l'obéissance. C'est de cette façon, ou par d'autres encore, que le Christ nous appelle maintenant. Il n'y a rien de miraculeux ou d'extraordinaire dans cette façon de faire. Il agit par l'intermédiaire de nos facultés naturelles et au moyen des circonstances mêmes de la vie.
PPS vol. 8, n°2 (trad. Saleilles, 1906, p. 97-98 rev)
« Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez »
Pendant des siècles, avant que Jésus ne vienne sur terre, tous les prophètes, l'un après l'autre, étaient à leur poste, au sommet de la tour ; tous l'attendaient et guettaient sa venue à travers l'obscurité de la nuit. Ils veillaient sans cesse pour surprendre la première lueur de l'aurore... : « Dieu, toi mon Dieu, je te cherche dès l'aurore. Mon âme a soif de toi, dans une terre desséchée, épuisée, sans eau » (Ps 62,2)... « Ah, si tu déchirais les cieux et descendais ! Les montagnes fondraient en ta présence, comme sous l'action du feu... Depuis l'origine du monde l'œil n'a rien pu voir, mon Dieu, des merveilles que tu as préparées pour ceux qui sont attachés à toi dans l'attente » (Is 64,1 ;1Co 2,9).
Cependant si jamais des hommes ont eu le droit de s'attacher à ce monde et de ne pas s'en désintéresser, c'étaient bien ces serviteurs de Dieu ; la terre leur avait été donnée en partage, et d'après les promesses mêmes du Très-Haut, elle devait être leur récompense. Mais notre récompense à nous concerne le monde à venir... Et eux aussi, ces grands serviteurs de Dieu, ont dépassé le don terrestre de Dieu, malgré sa valeur, pour s'attacher à des promesses plus belles encore ; ils ont sacrifié ce dont ils avaient la possession pour cette espérance. Ils ne se contentaient de rien de moins que la plénitude de leur Créateur ; ils cherchaient à voir la face de leur Libérateur. Et s'il faut que pour cela la terre se brise, que les cieux se déchirent, que les éléments du monde viennent à se dissoudre pour qu'il apparaisse enfin, que tout croule, plutôt que de continuer à vivre sans lui ! Telle était l'intensité du désir des adorateurs de Dieu en Israël, qui attendaient ce qui devait venir... Leur persévérance prouve qu'il y avait quelque chose à attendre.
Les apôtres aussi, une fois leur Maître venu et reparti, ne sont pas restés en deçà des prophètes dans l'acuité de leur perception et dans l'ardeur de leurs aspirations. Le miracle de l'attente dans la persévérance a continué.
« Waiting for Christ », Sermons Preached on Various Occasions, n°3
Saint Luc, évangéliste, serviteur de la Parole (Lc 1,2)
Bonne est toute parole du Christ, elle a sa mission et son but, elle ne tombe pas à terre. Il est impossible qu'il ait jamais prononcé de paroles éphémères, lui, le Verbe de Dieu, exprimant selon son bon plaisir les conseils profonds et la volonté sainte du Dieu invisible. Toute parole du Christ est bonne. Même si ses propos nous avaient été transmis par des gens ordinaires, nous pouvons être sûrs que rien de ce qui nous a été conservé — qu'il s'agisse de paroles à un disciple ou à un contradicteur, ou bien d'avertissements, d'avis, de réprimandes, de réconfort, de persuasion ou de condamnation — rien de tout cela n'a une signification purement accidentelle, une portée limitée ou partielle...
Au contraire, toutes les paroles sacrées du Christ, bien que revêtues d'un habillement temporaire et ordonnées à un but immédiat, difficiles de ce fait à dégager de ce qu'il y a en elles de momentané et de contingent, n'en gardent pas moins toute leur force à chaque siècle. Demeurant dans l'Église, elles sont destinées à durer pour toujours dans les cieux (cf Mt 24,35) ; elles se prolongent jusque dans l'éternité. Elles sont notre règle sainte, juste et bonne, la « lampe pour nos pieds, lumière sur notre route » (Ps 118,105), aussi pleinement et aussi intimement pour notre temps que lorsqu'elles ont été d'abord prononcées.
Cela aurait été vrai même si un simple soin humain avait recueilli ces miettes de la table du Christ. Mais nous avons une assurance beaucoup plus grande, parce que nous les recevons non pas des hommes mais de Dieu (1Th 2,13). L'Esprit Saint, qui est venu glorifier le Christ et donner aux évangélistes l'inspiration d'écrire, n'a pas tracé pour nous un Évangile stérile. Loué soit-il d'avoir choisi et sauvegardé pour nous les paroles qui devaient être particulièrement utiles dans les temps à venir, les paroles pouvant servir de loi à l'Église, pour la foi, la morale et la discipline. Non pas une loi écrite sur des tables de pierre (Ex 24,12), mais une loi de foi et d'amour, de l'esprit non de la lettre (Rm 7,6), une loi pour des cœurs généreux qui acceptent de « vivre de toute parole », si modeste et si humble soit-elle, « qui sort de la bouche de Dieu » (Dt 8,3 ; Mt 4,4).
PPS, vol. 3 no. 22 : « The Good Part of Mary »,
« Je te suivrai »
Jésus a renoncé d'abord à Marie et à Joseph, ainsi qu'à ses amis secrets dont il avait la sympathie ; quand le temps est arrivé, il a dû y renoncer... Demeurons quelques instants près de Marie, avant de suivre la marche de son Fils, notre Seigneur. Il est arrivé à Jésus de refuser à quelqu'un qui voulait le suivre la permission de prendre congé des siens. Et telle a été, à ce qu'il semble, sa manière d'agir avec sa mère...
Ô Marie, nous pensons à ta... douleur de mère : celle-ci, causée par le départ de ton fils, n'est-elle pas l'une des plus grandes ?... Comment as-tu supporté cette première séparation et passé ces premiers jours, loin de lui ?... Comment as-tu pu vivre les trois longues années de son ministère ? Une fois, vers le début, tu as essayé de l'approcher (Mc 3,31) ; après on n'entend plus parler de toi avant de te trouver debout au pied de sa croix.
Meditations and Devotions, Part III, 2,2 « Our Lord refuses sympathy »
« Mes yeux ont vu ton salut »
Aujourd'hui nous est rappelée l'action silencieuse de la Providence de Dieu. Elle accomplit tranquillement dans le cours du temps des événements prévus depuis longtemps ; en même temps, les visites du Seigneur demeurent soudaines et mystérieuses. Considérez ce qui se passe ici…
Ici, rien d'extraordinaire ni d'impressionnant. Nous savons ce que le monde pense des gens comme les parents de cet enfant, si pauvres, et ces deux vieillards : on les regarde sans intérêt et on passe. Pourtant il s'agit là de la réalisation solennelle d'une prophétie ancienne et prodigieuse. L'enfant qu'on porte sur les bras, c'est le Sauveur du monde, l'héritier authentique, qui vient sous les traits d'un inconnu visiter sa propre maison. L'Écriture avait dit : « Soudain il entrera dans son Temple, le Seigneur que vous cherchez. Qui pourra soutenir le jour de sa venue ?... » (Ml 3,2), et voilà qu'il vient en prendre possession. En plus, le vieillard qui prend l'enfant dans ses bras est comblé des dons de l'Esprit… : joie, action de grâce, espérance, mélangées mystérieusement de crainte, d'effroi et de douleur. Anne aussi…devient prophétesse, et ces témoins auxquels elle s'adresse sont l'authentique Israël qui attend avec foi la rédemption du monde selon les promesses… : « La gloire à venir de ce Temple dépassera celle de l'ancien », avait annoncé un autre prophète (Ag 2,9). La voilà, cette gloire : un petit enfant avec ses parents, deux vieillards et une assemblée sans nom et sans suite. « La venue du Royaume de Dieu ne vient pas de manière visible » (Lc 17,20).
Telle a toujours été la manière de Dieu en ses visites... : le silence, la soudaineté, la surprise au regard du monde, malgré des prédictions connues de tous, celles dont l'Église véritable saisit le sens et attend l'accomplissement... Il ne peut en être autrement. Les avertissements de Dieu sont clairs, mais le monde continue sa course ; engagés dans leurs activités, les hommes ne savent pas discerner le sens de l'histoire... À toute époque le monde reste profane et aveugle ; Dieu cache sa Providence, mais la réalise jour après jour.
Sermon « Secrecy and Suddenness of Divine Visitations » PPS t. 2, n° 10
« Martyrs incapables de confesser le nom de ton Fils et pourtant glorifiés par sa naissance » (Postcommunion)
Il est bien juste que nous célébrions la mort de ces Saints Innocents, car elle était sainte. Quand les événements nous rapprochent du Christ, quand nous souffrons pour le Christ, c'est sûrement un privilège inexprimable –- quelle que soit la souffrance, même si sur le moment nous ne sommes pas conscients de souffrir pour lui. Les petits enfants que Jésus a pris dans ses bras ne pouvaient pas non plus comprendre sur le moment de quelle admirable condescendance ils étaient l'objet, mais cette bénédiction du Seigneur n'était-elle pas un réel privilège ? Pareillement, ce massacre des enfants de Bethléem tient lieu pour eux de sacrement ; c'était le gage de l'amour du Fils de Dieu envers ceux qui ont subi cette souffrance. Tous ceux qui l'ont approché ont souffert plus ou moins, du fait même de ce contact, comme si émanait de lui une force secrète qui purifie et qui sanctifie les âmes à travers les peines de ce monde. Tel a été le cas des Saints Innocents.
Vraiment, la présence même de Jésus tient lieu de sacrement : tous ses actes, tous ses regards, toutes ses paroles communiquent la grâce à ceux qui acceptent de les recevoir — et combien plus à ceux qui acceptent de devenir ses disciples. Dès les débuts de l'Église donc, un tel martyre a été considéré comme une forme du baptême, un vrai baptême de sang, qui a la même efficacité sacramentelle que l'eau qui régénère. Nous sommes donc invités à considérer ces petits enfants comme des martyrs et à profiter du témoignage de leur innocence.
Sermon « The Mind of Little Children » ; PPS II,6
« Restez éveillés et priez en tout temps »
« Veillez ! », nous dit Jésus avec insistance... Nous n'avons pas seulement à croire, mais à veiller ; pas simplement à aimer, mais à veiller ; pas uniquement à obéir, mais à veiller. À veiller pour quoi ? Pour ce suprême événement : la venue du Christ... Il semble bien y avoir là un appel spécial, un devoir dont l'idée ne nous serait jamais venue à l'esprit autrement.
Nous avons une idée générale de ce que veut dire croire, aimer et obéir, mais qu'est-ce donc que veiller ?... Celui-là veille dans l'attente du Christ, qui garde l'esprit sensible, ouvert, sur le qui-vive, qui reste vif, éveillé, plein de zèle à le chercher et à l'honorer. Il désire trouver le Christ dans tout ce qui arrive... Et celui-là veille avec le Christ (Mt 26,38) qui, tout en regardant l'avenir, regarde aussi le passé, contemplant ce que son Sauveur a acquis pour lui et n'oubliant pas ce que le Christ a souffert pour lui. Il veille avec le Christ celui qui remémore et renouvelle en sa propre personne la croix et à l'agonie du Christ, qui porte joyeusement la tunique que le Christ a portée jusqu'à la croix et qu'il a laissée après son Ascension.
Souvent dans les épîtres, les écrivains inspirés expriment leur désir du second avènement, mais ils n'oublient jamais le premier : la crucifixion et la résurrection... Ainsi saint Paul invite les Corinthiens à attendre la venue du Seigneur Jésus Christ(1Co 1,7-8) et ne manque pas de leur dire de « toujours porter dans notre corps la mort du Seigneur, pour que la vie du Christ Jésus se manifeste en nous » (2Co 4,10)... La pensée de ce qu'est le Christ aujourd'hui ne doit pas effacer le souvenir de ce qu'il a été pour nous... Ainsi dans la sainte communion nous voyons en même temps la mort et la résurrection du Christ ; nous nous souvenons de l'une, nous nous réjouissons de l'autre. Nous nous offrons nous-mêmes et recevons une bénédiction.
Veiller, c'est donc vivre détaché de ce qui est présent, vivre dans l'invisible, vivre dans la pensée du Christ tel qu'il est venu une première fois et tel qu'il doit venir, désirer son deuxième avènement à partir de notre souvenir aimant et reconnaissant du premier.
Sermon « Watching », PPS vol. 4, n°22
« Mon Père...est toujours à l'œuvre, et moi aussi je suis à l'œuvre »
Si nous observons la conduite du Sauveur pendant sa vie mortelle, nous voyons qu'il faisait exprès de voiler la connaissance de son identité de Fils de Dieu qu'il révélait pourtant en même temps. Il semble qu'il ait voulu qu'on puisse en jouir, mais non pas sur le moment — comme si ses paroles devaient demeurer valables déjà mais aussi devaient attendre un certain temps pour recevoir leur éclaircissement, comme si elles devaient attendre sa venue, qui doit mettre en pleine lumière à la fois le Christ et ses paroles... Il était parmi ses disciples « comme celui qui sert » (Lc 22,27). Apparemment ce n'était qu'après sa résurrection et surtout après son ascension, lorsque l'Esprit Saint est descendu, que les apôtres ont compris qui avait été avec eux...
À maintes reprises dans l'Écriture comme dans le monde, nous ne discernons pas la présence de Dieu au moment même où elle est avec nous, mais seulement après, quand nous regardons en arrière, constatant alors ce qui s'est passé autrefois... Quelle providence merveilleuse, qui se fait si silencieuse tout en étant si efficace, si constante, et surtout si infaillible ! Voilà ce qui est complètement déroutant pour le pouvoir de Satan ; il est incapable de discerner la main de Dieu à l'œuvre dans le déroulement des événements...; ses moyens multiples ne servent à rien devant le silence majestueux et serein, le calme imperturbable et saint qui règne dans la providence de Dieu...
La main de Dieu veille toujours sur les siens et il les conduit par un chemin qu'ils ignorent. Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est de croire ; ce qu'ils ne voient pas maintenant ils le verront plus tard. Et par cette foi, ils collaborent aux intentions de Dieu.
.Sermon « Christ Manifested in Remembrance », PPS t. 4, n°17
«-- Rabbi, quand es-tu arrivé ici ?... -- L'œuvre de Dieu c'est que vous croyiez »
Le Christ a refusé de rendre témoignage à lui-même, de dire qui il était et d'où il venait ; il a été parmi ses contemporains « comme celui qui sert » (Lc 22,27). Apparemment, ce n'était qu'après sa résurrection, et surtout après son ascension, quand l'Esprit Saint est descendu, que les apôtres ont compris qui avait été avec eux. Quand tout était fini ils l'ont su, mais non sur le moment. Or nous voyons ici, je crois, la manifestation d'un principe général qui se présente à nous souvent, à la fois dans l'Écriture et dans le monde : c'est que nous ne discernons pas la présence de Dieu au moment où elle est avec nous, mais seulement après, quand nous reportons nos regards vers ce qui s'est passé et qui n'est plus...
Des événements nous arrivent, agréables ou pénibles ; nous n'en connaissons pas sur le moment la signification ; nous ne voyons pas en eux la main de Dieu. Si nous avons bien la foi, nous confessons ce que nous ne voyons pas, et nous prenons tout ce qui nous arrive comme venant de lui. Mais, que nous l'acceptions ou non dans un esprit de foi, il n'y a certainement pas d'autre moyen de l'accepter. Nous ne voyons rien. Nous ne voyons pas pourquoi telle chose arrive, ou à quoi elle tend. Un jour, Jacob s'est écrié : « Tout est contre moi ! » (Gn 42,36) ; certainement il semblait bien que ce soit ainsi... Et pourtant tous ses malheurs devaient tourner à bien. Considérez son fils Joseph, vendu par ses frères, emmené en Égypte, emprisonné, les fers entrant même dans son âme, et qui attendait que le Seigneur jette sur lui un regard de bienveillance. Plusieurs fois le texte sacré dit : « Le Seigneur était avec Joseph »... Après coup, il a compris ce qui sur le moment était si mystérieux, et il dit à ses frères : « Dieu m'a envoyé en avant de vous pour sauver vos vies. Ce n'est pas vous qui m'avez envoyé ici, c'est Dieu » (Gn 45,7).
Merveilleuse providence, si silencieuse et pourtant si efficace, si constante et infaillible ! C'est ce qui déjoue le pouvoir de Satan ; il ne peut pas discerner la main de Dieu à l'œuvre dans le cours des événements.
PPS IV,17 « Christ Manifested in Remembrance »
« Cette nuit même, on te redemande ta vie »
« Prenez garde, veillez : car vous ne savez pas quand viendra le moment » (Mc 13,33). Considérons cette question très sérieuse, qui nous regarde tous de près : que veut dire veiller en l'attente du Christ ? « Veillez, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra, le soir ou à minuit, au chant du coq ou au matin. Il peut arriver à l'improviste et vous trouver endormis… Je vous le dis à tous : veillez ! » (v. 35s)…
Beaucoup d'hommes se moquent de la religion ouvertement…, mais considérons ceux qui sont plus sobres et consciencieux : ils ont de bonnes qualités et pratiquent la religion dans un certain sens et jusqu'à un certain degré, mais ils ne veillent pas… Ils ne comprennent pas qu'ils sont appelés à être « étrangers et voyageurs sur la terre » (He 11,13), et que leur lot terrestre et leurs biens terrestres sont une sorte d'accident de leur existence, et qu'en fait ils ne possèdent rien... Il n'y a aucun doute que beaucoup de membres de l'Église vivent ainsi et ne seraient pas, ne pourraient pas être, prêts à accueillir aussitôt le Seigneur à sa venue...
Quelle prise de conscience émouvante et grave pour nous que de savoir que lui-même a attiré notre attention sur ce danger précis…, le danger de laisser l'attention de ses disciples se détourner de lui, pour n'importe quelle raison. Il les prémunit contre toutes les agitations, toutes les attirances de ce monde, les prévient que le monde ne sera pas prêt quand il viendra ; il les supplie avec tendresse de ne pas lier partie avec ce monde. Il les prévient par les exemples de l'homme riche à qui on demande compte de son âme pendant la nuit, du serviteur qui mangeait et buvait (Lc 12,45), des jeunes filles insensées (Mt 25,2)… Le cortège de l'Époux passe majestueusement, les anges sont là, les justes rendus parfaits sont là, les petits enfants, les saints docteurs, les saints vêtus de blanc, les martyrs lavés de leur sang… : son Épouse s'est préparée, elle s'est faite belle (Ap 19,7), mais beaucoup d'entre nous dorment encore.
Sermon « Watching », PPS, t. 4, n° 22, passim
« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église »
Le ministère de Pierre demeure toujours dans l’Église…en la personne de ceux qui lui ont succédé ; il faut comprendre que la bénédiction du Seigneur prononcée d’abord sur lui descend aussi sur le moindre de ses serviteurs qui « gardent ce qui leur a été confié » (1Tm 6,20). Pierre les représente et les symbolise tous.
« Heureux es-tu, Simon, fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église et la puissance de la mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux… » Promesse sacrée et glorieuse ! Serait-il possible qu'elle s'épuise tout entière en la personne de Pierre, quelque grand que soit ce noble apôtre ? Est-elle insérée dans « l'Évangile éternel » (Ap 14,6) pour témoigner simplement en faveur de quelqu'un qui a disparu depuis longtemps ?
D'ailleurs est-ce que généralement la Parole inspirée de Dieu exalte les personnes ? La richesse de cette bénédiction du Christ ne résiste-t-elle pas à toute interprétation minimaliste qu'on pourrait en donner ? Ne déborde-t-elle pas, quoi que nous fassions, jusqu'à ce que notre manque de foi soit vaincu par la bonté de celui qui s'est engagé ainsi ? Bref, n’est-ce pas un ensemble de préjugés qui empêche tant de gens d'accueillir cette promesse du Christ faite à Pierre selon la plénitude de la grâce qui l'a accompagnée ?... Si les promesses faites aux apôtres par le Christ ne s'accomplissent pas dans l'Église tout au long de sa durée, comment l'efficacité des sacrements s'étendrait-elle au-delà de l'âge de ses débuts ?
Sermon « The Christian Ministry », PPS, vol. 2, n°25
« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église »« Si je pars, je vous enverrai le Paraclet, le Défenseur »
Le Christ est vraiment avec nous maintenant, quelle qu'en soit la manière. Il le dit lui-même : « Je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde » (Mt 28,20)... Vous pourriez être conduits à donner cette explication : « Le Christ est revenu, mais en esprit ; c'est son Esprit qui est venu à sa place, et quand il est dit que le Christ est avec nous, cela signifie seulement que son Esprit est avec nous. » Personne, certes, ne peut nier...que le Saint Esprit est venu ; mais pourquoi est-il venu ? Pour suppléer à l'absence du Christ ou pour accomplir sa présence ? Assurément, pour le rendre présent. N'imaginons pas un moment que Dieu le Saint Esprit puisse venir de telle sorte que Dieu le Fils demeure au loin. Non, il n'est pas venu afin que le Christ ne vienne pas, mais bien plutôt afin que le Christ puisse venir dans sa venue. Par le Saint Esprit nous entrons en communion avec le Père et le Fils... Saint Paul écrit : « En Christ nous sommes intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu dans l'Esprit »..., et « Qu'il vous donne la puissance par son Esprit, pour rendre fort l'homme intérieur, afin que le Christ habite dans vos cœurs par la foi » (Ep 2,22; 3,16s). Le Saint Esprit suscite et la foi accueille l'habitation du Christ dans le cœur. Ainsi donc, l'Esprit ne prend pas la place du Christ dans l'âme, il assure cette place au Christ...
Le Saint Esprit, donc, daigne venir à nous afin que par sa venue le Christ puisse venir à nous, non matériellement ou visiblement, mais en entrant en nous. Et c'est ainsi qu'il est à la fois présent et absent : absent en ce qu'il a quitté la terre, présent en ce qu'il n'a pas quitté l'âme fidèle. Comme il le dit lui-même : « Le monde ne me verra plus, mais vous me verrez » (Jn 14,19).
Sermon « The Spiritual Presence of Christ in the Church », PPS, t. 6, n°10
Bx John Henry Newman (1801-1890), théologien, fondateur de l'Oratoire en Angleterre
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« Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde »
Commencez dès maintenant, en ce saint temps de Pâques, votre résurrection avec le Christ. Voyez comme il vous tend la main ! Il ressuscite ; ressuscitez avec lui ! Sortez du tombeau du vieil Adam, abandonnez vos préoccupations, les jalousies, les soucis, les ambitions du monde, l'esclavage de l'habitude, le tumulte des passions, les fascinations de la chair, l'esprit froid, terre à terre et calculateur, la légèreté, l'égoïsme, la mollesse, la vanité et les manies de grandeur. Efforcez-vous désormais de faire ce qui vous paraît difficile, mais qui ne devrait pas, ne doit pas être négligé : veillez, priez et méditez...
Montrez que votre cœur, vos aspirations et toute votre vie sont avec votre Dieu. Réservez chaque jour un peu de temps pour aller à sa rencontre... Je ne vous demande pas de quitter le monde, ni d'abandonner vos devoirs sur cette terre, mais de reprendre possession de votre temps. Ne consacrez pas des heures entières aux loisirs ou à la vie en société, alors que vous ne consacrez que quelques instants au Christ. Ne priez pas uniquement quand vous êtes fatigués et au bord du sommeil ; n'oubliez pas complètement de le louer ou d'intercéder pour le monde et pour l'Église. Conduisez-vous selon les paroles des Saintes Écritures : « Recherchez les réalités d'en-haut ». Montrez votre appartenance au Christ, car votre cœur « est ressuscité avec lui » et « votre vie est cachée en lui » (Col 3,1-3).
PPS, vol. 6, n°15 « Rising with Christ »
Date de dernière mise à jour : 2018-05-12
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