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José Maria Escriva de Balaguer quelques écrits
Saint José Maria Escriva de Balaguer (1902-1975), prêtre, fondateur
Liste des lectures
Désormais ce sont des hommes que tu prendras
Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ?
Mettre notre lampe sur le lampadaire
Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement
Ceux qui marchaient en tête l'interpellaient pour le faire taire. Mais lui criait de plus belle
Travailler de ses mains, de façon à pouvoir faire le bien
Jusqu'à ce que toute la pâte ait levé
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Saint José Maria Escriva de Balaguer (1902-1975), prêtre, fondateur
« Désormais ce sont des hommes que tu prendras »
« Voici : je vais envoyer quantité de pêcheurs, oracle du Seigneur, qui les pêcheront » (Jr 16,16). Il nous précise ainsi notre grande mission : la pêche. On dit ou on écrit parfois que le monde est comme une mer. Il y a du vrai dans cette comparaison. Dans la vie humaine, comme dans la mer, il existe des périodes de calme et de tempête, de tranquillité et de vents violents. Les hommes se trouvent fréquemment dans des eaux amères, parmi de grandes vagues ; ils avancent au milieu des orages, tristes navigateurs, même quand ils semblent joyeux, voire exubérants : leurs éclats de rire cherchent à dissimuler leur découragement, leur déception, leur vie sans charité ni compréhension. Ils se dévorent les uns les autres, comme les poissons.
Faire en sorte que tous les hommes entrent, de plein gré, dans les filets divins et s'aiment les uns les autres, voilà la tâche des enfants de Dieu. Si nous sommes chrétiens, nous devons nous transformer en ces pêcheurs que décrit le prophète Jérémie à l'aide d'une métaphore que Jésus Christ a également employée à plusieurs reprises : « Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d'homme », dit-il à Pierre et à André.
Nous allons accompagner le Christ dans cette pêche divine. Jésus est « au bord du lac de Génésareth et les gens se bousculent autour de lui, désireux d'écouter la parole de Dieu » (Lc 5,1). Comme aujourd'hui ! Ne le voyez-vous pas ?
Homélie in Amigos de Dios (trad. Amis de Dieu, Le Laurier 2000, p.318)
« Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ? »
Le Christ nous presse (cf 2Co 5,14) : chacun de vous doit être non seulement apôtre, mais apôtre d'apôtres, qui entraîne les autres, qui les incite à faire connaître Jésus Christ eux aussi. Certains se demanderont peut-être comment, de quelle manière, ils peuvent communiquer cette connaissance du Christ aux autres. Je vous répondrai : avec naturel, avec simplicité, en vivant exactement comme vous le faites au milieu du monde, adonnés que vous êtes à votre travail professionnel et au soin de votre famille... La vie ordinaire peut être sainte et remplie de Dieu ; le Seigneur nous appelle à sanctifier nos tâches habituelles, parce que là aussi réside la perfection chrétienne. Pensons-y..., en contemplant la vie de Notre Dame.
N'oublions pas que la presque totalité des journées que Marie a passées sur cette terre se sont déroulées d'une manière bien semblable aux journées de millions d'autres femmes, consacrées elles aussi à leur famille, à l'éducation de leurs enfants, aux tâches du foyer à mener à bien. De tout cela, Marie sanctifie jusqu'au plus petit détail, à ce que beaucoup considèrent à tort comme insignifiant et sans valeur : le travail de chaque jour, les attentions à l'égard des personnes aimées, les conversations ou les visites de parents ou d'amis. Vie ordinaire bénie, qui peut être tellement pleine d'amour pour Dieu !
Car voilà ce qui explique la vie de Marie : son amour. Un amour poussé à l'extrême, jusqu'à l'oubli total de soi, toute contente qu'elle était de se trouver à sa place, là où Dieu la voulait, dans l'accomplissement total de la volonté divine. C'est pourquoi le plus petit de ses gestes n'est jamais banal, mais apparaît, au contraire, comme plein de signification. Marie, notre Mère, est pour nous un exemple et un chemin. Il nous appartient d'essayer d'être comme elle, dans les circonstances précises où Dieu a voulu que nous vivions.
Homélie du 04/05/1957 in Es Cristo que pasa (trad. Quand le Christ passe, Le Laurier 1989, p. 264)
Mettre notre lampe sur le lampadaire
« Le Christ, écrit un Père de l'Église [Saint Jean Chrsostome], nous a laissés en ce monde pour que nous soyons comme des lampes...; pour que nous agissions comme un levain...; pour que nous soyons une semence ; pour que nous portions du fruit. Si notre vie avait un tel éclat, nous n'aurions pas besoin d'ouvrir la bouche. Les mots seraient de trop, si nous pouvions montrer nos œuvres. Il n'y aurait pas un seul païen, si nous étions vraiment chrétiens. »
Nous devons éviter l'erreur de croire que l'apostolat se réduit au témoignage de quelques pratiques pieuses. Nous sommes, toi et moi, des chrétiens, mais en même temps et sans solution de continuité, nous sommes des citoyens et des travailleurs aux obligations bien précises, que nous devons accomplir d'une façon exemplaire, si nous voulons nous sanctifier pour de bon. C'est Jésus Christ qui nous presse : « Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l'on n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire, où elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Ainsi votre lumière doit-elle briller aux yeux des hommes pour que, voyant vos bonnes œuvres, ils en rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,14-16).
Le travail professionnel, quel qu'il soit, devient une lampe qui éclaire vos collègues et vos amis. C'est pourquoi j'ai l'habitude de répéter...: que m'importe que l'on me dise d'un tel qu'il est un bon fils, un bon chrétien, s'il est un piètre cordonnier ! S'il ne s'efforce pas de bien apprendre son métier, et de l'exercer avec soin, il ne pourra ni le sanctifier, ni l'offrir au Seigneur. Et la sanctification du travail de tous les jours est, pour ainsi dire, la charnière de la véritable spiritualité pour nous tous qui, plongés dans les réalités temporelles, sommes décidés à fréquenter Dieu.
Homélie in Amigos de Dios (trad. Amis de Dieu, Laurier 2000, p. 90)
« Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10,8)
Quand Jésus est sorti en mer avec ses disciples, il ne pensait pas seulement à cette pêche. C'est pourquoi...il répond à Pierre : « Sois sans crainte ; désormais ce sont des hommes que tu prendras ». Et, à cette nouvelle pêche, l'efficacité divine ne fera pas non plus défaut : les apôtres seront les instruments de grands prodiges, malgré leur misère personnelle.
Nous aussi, si nous luttons tous les jours pour atteindre la sainteté dans notre vie ordinaire, chacun dans sa propre condition au milieu du monde et dans l'exercice de sa profession, j'ose affirmer que le Seigneur fera de nous des instruments capables de réaliser des miracles, et des plus extraordinaires, si besoin est. Nous donnerons la lumière aux aveugles. Qui ne pourrait raconter mille exemples de la façon dont un aveugle presque de naissance recouvre la vue et reçoit toute la splendeur de la lumière du Christ ? Un autre était sourd et un autre muet, qui ne pouvaient entendre ou articuler un seul mot en tant qu'enfants de Dieu...: ils entendent et ils s'expriment comme de vrais hommes... « Au nom de Jésus », les apôtres restituent ses forces à un infirme incapable de tout acte utile...: « Au nom du Seigneur, lève-toi et marche ! » (Ac 3,6) Un autre, un mort, qui sentait déjà, a entendu la voix de Dieu, comme lors du miracle du fils de la veuve de Naïm : « Jeune homme, je te l'ordonne, lève-toi » (Lc 7,14; Ac 9,40).
Nous ferons des miracles comme le Christ, des miracles comme les premiers apôtres. Ces prodiges se sont peut-être réalisés en toi, en moi : peut-être étions nous aveugles, ou sourds, ou infirmes, ou sentions-nous la mort, quand la Parole de Dieu nous a arrachés à notre prostration. Si nous aimons le Christ, si nous le suivons pour de bon, si c'est lui seul que nous cherchons, et non pas nous-mêmes, en son nom nous pourrons transmettre gratuitement ce que nous avons reçu gratuitement.
Homélie in Amigos de Dios (trad. Amis de Dieu, Laurier 2000, p. 320 rev.)
« Priez sans cesse » ordonne l'apôtre Paul (1Th 5,17). Rappelant ce précepte, Clément d'Alexandrie écrit : « Il nous est commandé de louer et d'honorer le Verbe, dont nous savons qu'il est le Sauveur et le Roi, et par lui, le Père, non pas en des jours choisis, comme d'autres le font, mais constamment tout au long de notre vie, et de toutes les façons possibles ».
Au milieu des occupations de la journée, à l'instant de vaincre la tendance à l'égoïsme, lorsque nous éprouvons la joie de l'amitié envers les autres hommes, dans tous ces moments-là, le chrétien doit retrouver Dieu. Par le Christ et dans l'Esprit Saint, le chrétien accède à l'intimité de Dieu le Père, et il parcourt son chemin en cherchant ce royaume qui, bien que n'étant pas de ce monde (Jn 18,36), se prépare et commence dans ce monde.
Il faut fréquenter le Christ, dans la Parole et dans le Pain, dans l'eucharistie et dans la prière. Et le fréquenter comme on fréquente un ami, un être réel et vivant comme l'est le Christ, puisqu'il est ressuscité... Le Christ, le Christ ressuscité, c'est le compagnon, c'est l'Ami. Un compagnon qui ne se laisse voir que dans la pénombre, mais dont la réalité remplit toute notre vie et nous fait désirer sa compagnie définitive. « L'Esprit et l'Épouse disent : Viens ! Que celui qui écoute dise : Viens ! Et que l'homme assoiffé s'approche, que l'homme de désir reçoive l'eau de la vie, gratuitement... Le garant de ces révélations l'affirme : Oui, mon retour est proche ! Oh oui, viens, Seigneur Jésus ! » (Ap 22,17.20)
Homélie du 26/03/67 in Es Cristo que pasa (trad. Quand le Christ passe, Le Laurier 1989, p. 209)
« Ceux qui marchaient en tête l'interpellaient pour le faire taire. Mais lui criait de plus belle »
Entendant le grand bruit que faisait la foule, l'aveugle a demandé : Que se passe-t-il ? On lui a répondu : C'est Jésus de Nazareth. Aussitôt son âme a été embrasée d'une foi dans le Christ si vive qu'il s'est mis à crier : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! » Toi que voilà arrêté au bord du chemin de la vie, qui est si courte, n'as-tu pas envie de crier, toi aussi ? toi qui manques de lumières, qui as besoin de nouvelles grâces pour te décider à rechercher la sainteté. Ne ressens-tu pas un besoin irrésistible de crier : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi » ? Une belle prière courte et fervente, à répéter souvent !
Je vous conseille de méditer lentement les instants qui précèdent ce miracle, afin de bien graver dans votre esprit cette idée si claire : quelle différence entre le Cœur miséricordieux de Jésus et nos pauvres cœurs ! Cette pensée vous aidera toujours, et plus particulièrement à l'heure de l'épreuve, de la tentation, à l'heure aussi où il faut répondre généreusement aux humbles exigences de la vie quotidienne, à l'heure de l'héroïsme. Car « beaucoup rabrouaient cet aveugle pour lui imposer silence ». Toi aussi, quand tu as senti que Jésus passait près de toi, ton cœur a battu plus fort et tu t'es mis à crier, en proie à une agitation profonde. Mais alors tes amis, tes habitudes, ton confort, ton milieu t'ont conseillé de te taire, de ne pas crier : « Pourquoi appeler Jésus ? Ne le dérange pas ! »
Cet aveugle malheureux, lui, ne les écoute pas. Il crie au contraire encore plus fort : « Fils de David, aie pitié de moi ! » Le Seigneur, qui l'avait entendu dès le début, le laisse persévérer dans sa prière. Il en va de même pour toi. Jésus perçoit instantanément l'appel de notre âme, mais il attend. Il veut que nous soyons bien convaincus que nous avons besoin de lui. Il veut que nous le suppliions, avec obstination, comme cet aveugle au bord du chemin. Comme le dit Saint Jean Chrysostome : « Imitons-le. Même si Dieu ne nous accorde pas à l'instant ce que nous lui demandons, même si la multitude essaie de nous détourner de notre prière, ne cessons pas de l'implorer ».
Homélie in Amigos de Dios (trad. Amis de Dieu, Laurier 2000, p. 241 rev.)
« Travailler de ses mains, de façon à pouvoir faire le bien » (Ep 4,28)
Il convient de ne pas oublier que la dignité du travail se fonde sur l'amour... L'homme ne peut se limiter à faire des choses, à fabriquer des objets. Le travail naît de l'amour, manifeste l'amour et s'ordonne à l'amour. Nous reconnaissons Dieu, non seulement dans le spectacle que nous offre la nature, mais aussi dans l'expérience de notre travail et de notre effort. Le travail est ainsi prière, action de grâces, parce que nous savons que c'est Dieu qui nous a placés sur terre, nous savons qu'il nous aime et que nous sommes les héritiers de ses promesses. Il est juste qu'il nous dise : « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu » (1Co 10,31).
Le travail professionnel est aussi apostolat, occasion de se donner aux autres hommes pour leur révéler le Christ et les mener vers Dieu le Père, ce qui n'est qu'une conséquence de la charité que le Saint Esprit répand dans nos âmes. Parmi les indications que Paul donne aux Éphésiens, sur la manière dont le changement de leur conversion doit se manifester..., nous trouvons celle-ci : « Que celui qui volait ne vole plus ; qu'il prenne plutôt la peine de travailler de ses mains, de façon à pouvoir faire le bien en secourant les nécessiteux » (Ep 4,28). Les hommes ont besoin du pain de la terre pour se nourrir, mais aussi du pain du ciel pour illuminer et réchauffer leur cœur. Dans votre travail, dans les initiatives qui en découlent, dans vos conversations, dans vos relations, vous pouvez et vous devez réaliser ce précepte.
Si nous travaillons dans cet esprit, notre vie, malgré toutes les limitations propres à la condition terrestre, sera une anticipation de la gloire au ciel, de cette communion avec Dieu et avec les saints où régneront seulement l'amour, la générosité, la fidélité, l'amitié et la joie. Vous trouverez, dans vos occupations professionnelles ordinaires, le matériau réel, consistant et solide, qui vous permettra de réaliser toute votre vie chrétienne, et d'actualiser la grâce qui nous vient du Christ.
Homélie du 19/03/63 in Es Cristo que pasa (trad. Quand le Christ passe, Le Laurier 1989, p. 98)
« N'est-il pas le charpentier ? »
Joseph a aimé Jésus comme un père son fils, et il a pris soin de lui, en lui donnant ce qu'il avait de meilleur. Joseph s'est occupé de cet enfant comme il lui avait été ordonné et a fait de Jésus un artisan en lui transmettant son métier. C'est pourquoi les voisins de Nazareth parlaient de Jésus en l'appelant indistinctement « charpentier » ou « le fils du charpentier » (Mt 13,55)...
Jésus devait ressembler à Joseph, par les traits de son caractère, par sa façon de travailler et de parler. Son réalisme, son esprit d'observation, sa manière de s'asseoir à table et de partager le pain, son goût pour exposer la doctrine d'une manière concrète, en prenant pour exemple les choses de la vie ordinaire, reflètent ce qu'ont été l'enfance et la jeunesse de Jésus, ce qu'ont été par conséquent ses rapports avec Joseph. Quelle profondeur dans ce mystère ! Ce Jésus qui est un homme, qui parle avec l'accent d'une région déterminée d'Israël, qui ressemble à un artisan nommé Joseph, est bien le Fils de Dieu. Et qui peut apprendre quelque chose à Dieu ? Cependant il est vraiment homme, et sa vie est normale : un enfant d'abord, un jeune homme ensuite, qui aide dans l'atelier de Joseph, et enfin un homme mûr, dans la plénitude de l'âge : « Jésus grandissait en sagesse et en grâce devant Dieu et devant les hommes » (Lc 2,52).
Joseph a été, sur le plan humain, le maître de Jésus. Il l'a entouré, jour après jour, d'une affection délicate ; il a pris soin de lui avec une abnégation joyeuse. N'est-ce pas là une bonne raison pour considérer cet homme juste (Mt 1,19), ce saint patriarche, en qui culmine la foi de l'Ancienne Alliance, comme un maître de vie intérieure ?
Homélie du 19/03/63 in Es Cristo que pasa (trad. Quand le Christ passe, Laurier 1989, p. 106)
« Jusqu'à ce que toute la pâte ait levé »
J'ai envie de rappeler la grandeur divine de l'accomplissement fidèle des obligations habituelles de chaque jour, faite des luttes qui remplissent le Seigneur de joie et qu'il est seul à connaître avec chacun de nous. Soyez-en convaincus, vous n'aurez habituellement pas à réaliser de prouesses éblouissantes, notamment parce que d'ordinaire l'occasion ne s'en présente pas. En revanche, les occasions ne vous manqueront pas de prouver votre amour de Jésus Christ dans les petites choses, dans ce qui est normal...
Lorsque nous méditons les paroles de notre Seigneur « pour eux je me consacre moi-même, afin qu'ils soient, eux aussi, consacrés en vérité » (Jn 17,19), nous percevons clairement notre unique but : la sanctification, autrement dit le devoir que nous avons d'être saints pour sanctifier. En même temps la tentation subtile nous assaille peut-être de penser que bien peu d'entre nous se sont décidés à répondre à cette invitation divine, sans compter que nous constatons que nous ne sommes que des instruments bien quelconques (cf Lc 17,10). Nous sommes peu nombreux, il est vrai, au regard du reste de l'humanité, et nous ne valons rien par nous-mêmes. Mais l'affirmation du Maître a l'accent de l'autorité : le chrétien est lumière, sel, ferment du monde, et « un peu de levain fait fermenter toute la pâte » (Mt 5,13-14; Ga 5,9).
Homélie in Amigos de Dios (trad. Amis de Dieu, Laurier 2000, p. 30)
« Voici que le semeur est sorti pour semer. » La scène est d'actualité. Aujourd'hui le semeur divin sème encore sa semence à la volée. L'oeuvre de salut continue de se réaliser, et le Seigneur veut se servir de nous ; il désire que nous, les chrétiens, nous ouvrions à son amour tous les chemins de la terre ; il nous invite à propager son message divin, par la doctrine et par l'exemple, jusqu'aux confins du monde. Il nous demande, à nous, citoyens de la société qu'est l'Eglise, et citoyens de la société civile, d'être chacun un autre Christ dans l'accomplissement fidèle de ses devoirs, en sanctifiant son travail professionnel et les obligations de son état.
Si nous considérons ce monde qui nous entoure, et que nous aimons parce qu'il est l'oeuvre de Dieu, nous y verrons se réaliser la parabole : la parole de Jésus est féconde, elle suscite en de nombreuses âmes la soif de se donner et d'être fidèles. La vie et le comportement de ceux qui servent Dieu ont modifié l'histoire, et même beaucoup de ceux qui ne connaissent pas le Seigneur sont mus, peut-être sans le savoir, par des idéaux dont l'origine se trouve dans le christianisme.
Nous voyons aussi qu'une partie de la semence tombe dans la terre stérile, ou parmi les épines et les broussailles ; qu'il y a des coeurs qui se ferment à la lumière de la foi. Si les idéaux de paix, de réconciliation, de fraternité sont acceptés et proclamés, ils sont trop souvent démentis par les faits. Quelques-uns s'acharnent en vain à bâillonner la voix de Dieu, en ayant recours, pour empêcher sa diffusion, soit à la force brutale, soit à une arme moins bruyante mais peut-être plus cruelle parce qu'elle insensibilise l'esprit : l'indifférence.
Es Cristo que pasa (trad. Quand le Christ passe, Le Laurier 1989, p.269)
Les deux disciples se rendaient à Emmaüs. Leur allure était normale, comme celle de tant d'autres personnes qui passaient dans ces parages. Et c'est là, avec naturel, que Jésus leur apparaît et qu'il marche avec eux, engageant une conversation qui leur fait oublier leur fatigue… Jésus sur le chemin. Seigneur, tu es toujours grand ! Mais tu m'émeus quand tu condescends à nous suivre, à nous chercher dans notre va-et-vient quotidien. Seigneur, accorde-nous la simplicité d'esprit ; donne-nous un regard pur, une intelligence claire pour pouvoir te comprendre lorsque tu viens sans aucune marque extérieure de ta gloire.
À leur arrivée au bourg, le trajet s'achève et les deux disciples qui, sans s'en rendre compte, ont été blessés au plus profond de leur coeur par la parole et par l'amour de Dieu fait homme, regrettent qu'il s'en aille. Car Jésus prend congé d'eux en « faisant semblant d'aller plus loin ». Il ne s'impose jamais, notre Seigneur. Une fois que nous avons entrevu la pureté de l'amour qu'il a mis dans notre âme, il veut que nous l'appelions librement. Nous devons le retenir de force et le prier : « Reste avec nous, car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme, il commence à faire nuit ».
Nous sommes ainsi : toujours peu audacieux, par manque de sincérité peut-être, ou par pudeur. Nous pensons au fond : Reste avec nous, parce que les ténèbres entourent notre âme, et toi seul es la lumière, toi seul peux calmer cette soif qui nous consume… Et Jésus reste avec nous. Nos yeux s'ouvrent comme ceux de Cléophas et de son compagnon, quand le Christ rompt le pain ; et bien qu'il disparaisse à nouveau de notre vue, nous serons nous aussi capables de nous remettre en route -- il commence à faire nuit -- pour parler de lui aux autres, parce qu'autant de joie ne tient pas dans un seul coeur.
Chemin d'Emmaüs. Notre Dieu a rempli ce nom de douceur. Et Emmaüs, c'est le monde entier, parce que le Seigneur a ouvert les chemins divins de la terre.
Homélie in Amigos de Dios (trad. Amis de Dieu, Laurier 2000, p. 366)
« Seigneur, voici ta pièce d'or, je l'avais mise de côté dans un linge. » À quoi cet homme s'occupera-t-il ensuite puisqu'il a abandonné son instrument de travail ? En irresponsable, il a opté pour la solution commode de ne rendre que ce qu'il a reçu. Il se consacrera à tuer le temps : les minutes, les heures, les jours, les mois, les années, la vie ! Les autres se donnent beaucoup de mal, négocient, se préoccupent noblement de rendre à leur maître davantage que ce qu'ils ont reçu, le fruit légitime, parce que la recommandation a été très concrète : « Faites-les fructifier jusqu'à ce que je vienne » ; chargez-vous de ce travail pour obtenir un profit jusqu'à ce que votre maître revienne. Lui, en revanche, il n'en fait rien ; cet homme gâche son existence.
Comme il est dommage de ne vivre que pour tuer son temps, ce trésor de Dieu ! Rien ne saurait excuser un tel comportement. Saint Jean Chrysostome écrit : « Que personne ne dise : je ne dispose que d'un talent, je ne peux rien obtenir. Avec un seul talent tu peux aussi agir de façon méritoire ». Triste chose que de ne pas tirer parti, un véritable rendement, de toutes les capacités, petites ou grandes, que Dieu accorde à l'homme pour qu'il se consacre à servir les âmes et la société ! Lorsque, par égoïsme, le chrétien se retranche, qu'il se cache, qu'il se désintéresse, en un mot lorsqu'il tue son temps, il risque fort de tuer son ciel. Celui qui aime Dieu ne se borne pas seulement à mettre tout ce qu'il possède, tout ce qu'il est, au service du Christ : il se donne lui-même.
Homélie in Amigos de Dios (trad. Amis de Dieu, Le Laurier 2000, p. 74)
Saint José Maria Escriva de Balaguer (1902-1975), prêtre, fondateur
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« Elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison »
Remplir le monde de lumière, être sel et lumière, c'est ainsi que le Seigneur a décrit la mission de ses disciples. Porter jusqu'aux derniers confins de la terre la bonne nouvelle de l'amour de Dieu. C'est à cela que tous les chrétiens doivent consacrer leur vie, d'une manière ou d'une autre... La grâce de la foi ne nous a pas été conférée pour rester cachée, mais bien au contraire, pour briller devant les hommes...
Certains se demanderont peut-être comment ils peuvent communiquer cette connaissance du Christ aux autres. Je vous répondrai : avec naturel, avec simplicité, en vivant exactement comme vous le faites au milieu du monde, adonnés que vous êtes à votre travail professionnel et au soin de votre famille, en prenant part à toutes les aspirations nobles des hommes, en respectant la légitime liberté de chacun... La vie ordinaire peut être sainte et remplie de Dieu, le Seigneur nous appelle à sanctifier nos tâches habituelles, parce que là aussi réside la perfection chrétienne.
N'oublions pas que la presque totalité des journées que Marie a passées sur cette terre se sont déroulées d'une manière bien semblable aux journées de millions d'autres femmes, consacrées elles aussi à leur famille, à l'éducation de leurs enfants, aux tâches du foyer. De tout cela, Marie sanctifie jusqu'au plus petit détail, à ce que beaucoup considèrent à tort comme insignifiant et sans valeur... Vie ordinaire bénie, qui peut être tellement pleine d'amour de Dieu ! Car voilà ce qui explique la vie de Marie : son amour, poussé jusqu'à l'oubli de soi, toute contente qu'elle était de se trouver à sa place, là où Dieu la voulait. C'est pourquoi le plus petit de ses gestes n'est jamais banal, mais apparaît, au contraire, comme plein de signification... Il nous appartient d'essayer d'être comme elle, dans les circonstances précises où Dieu a voulu que nous vivions.
Homélie du 4/5/57 in Es Cristo que pasa § 148 (trad. Quand le Christ passe, Le Laurier 1989, p. 264)
« Faites-le fructifier »
« Seigneur, voici ta pièce d'or, je l'avais mise de côté dans un linge. » À quoi cet homme s'occupera-t-il ensuite puisqu'il a abandonné son instrument de travail ? En irresponsable, il a opté pour la solution commode de ne rendre que ce qu'il a reçu. Il se consacrera à tuer le temps : les minutes, les heures, les jours, les mois, les années, la vie ! Les autres se donnent beaucoup de mal, négocient, se préoccupent noblement de rendre à leur maître davantage que ce qu'ils ont reçu, le fruit légitime, parce que la recommandation a été très concrète : « Faites-les fructifier jusqu'à ce que je vienne » ; chargez-vous de ce travail pour obtenir un profit jusqu'à ce que votre maître revienne. Lui, en revanche, il n'en fait rien ; cet homme gâche son existence.
Comme il est dommage de ne vivre que pour tuer son temps, ce trésor de Dieu ! Rien ne saurait excuser un tel comportement. Saint Jean Chrysostome écrit : « Que personne ne dise : je ne dispose que d'un talent, je ne peux rien obtenir. Avec un seul talent tu peux aussi agir de façon méritoire ». Triste chose que de ne pas tirer parti, un véritable rendement, de toutes les capacités, petites ou grandes, que Dieu accorde à l'homme pour qu'il se consacre à servir les âmes et la société ! Lorsque, par égoïsme, le chrétien se retranche, qu'il se cache, qu'il se désintéresse, en un mot lorsqu'il tue son temps, il risque fort de tuer son ciel. Celui qui aime Dieu ne se borne pas seulement à mettre tout ce qu'il possède, tout ce qu'il est, au service du Christ : il se donne lui-même.
Homélie in Amigos de Dios (trad. Amis de Dieu, Le Laurier 2000, p. 74)
Bâtir une tour
J'aimais monter à l'une des tours de la cathédrale de Burgos [avec des jeunes] et leur faire contempler de près l'arête du toit, véritable dentelle de pierre, fruit d'un labeur patient, coûteux. Au cours de ces conversations, je leur faisais remarquer que d'en bas l'on n'apercevait pas cette merveille ; et…je faisais ce commentaire : voilà le travail de Dieu, l'œuvre de Dieu ! Achever son travail personnel à la perfection, avec la beauté et la splendeur de ces dentelles de pierre délicates. Ils comprenaient alors, devant cette réalité qui parlait d'elle-même, que tout cela était prière, magnifique dialogue avec le Seigneur. Ceux qui ont usé leurs forces à cette tâche, savaient parfaitement que leur effort ne pourrait pas être apprécié à partir des rues de la ville : il était uniquement pour Dieu…
Nous sommes convaincus que Dieu se trouve partout. Alors nous cultivons les champs en louant le Seigneur, nous sillonnons les mers et exerçons tous les autres métiers en chantant ses miséricordes. Nous demeurons ainsi unis à Dieu à tout instant... Mais n'allez pas oublier que vous vivez aussi en présence des hommes, et qu'ils attendent de vous — de toi ! — un témoignage chrétien.
Voilà pourquoi, dans notre occupation professionnelle, dans ce qui est humain, nous devons agir de telle sorte que si quelqu'un qui nous connaît et nous aime nous voit travailler, nous n'ayons pas à en rougir, et que nous ne lui donnions pas de raison d'en avoir honte… Il ne vous arrivera pas ce qui est arrivé au personnage d'une parabole qui avait décidé d'élever une tour : Après avoir posé les fondations et se trouvant ensuite incapable d'achever, tous ceux qui le voyaient se mettaient à se moquer de lui, en disant : « Voilà un homme qui a commencé de bâtir et a été incapable d'achever ! » Je vous assure que si vous ne perdez pas le point de vue surnaturel, vous couronnerez votre travail, vous terminerez votre cathédrale.
Homélie 01/02/1960 in Amigos de Dios, ch. 4, pts. 65-66 (trad. Amis de Dieu, Le Laurier 2000, p. 96)
Date de dernière mise à jour : 2017-02-04
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