Julien de Vézelay (v. 1080-v. 1160), moine bénédictin
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« Tu as fait resplendir cette nuit des clartés de la vraie lumière » (Prière d’ouverture de la messe)
« Un silence paisible enveloppait toute chose, et la nuit était au milieu de son cours rapide. Alors ta Parole toute-puissante, Seigneur, est venue de ton trône royal » (Sg 18,14-15). Ce texte de l'Écriture désigne le temps très saint où la Parole toute-puissante de Dieu est venue jusqu'à nous pour nous parler de notre salut. Partant du secret le plus intime du Père, elle est descendue dans le sein d'une mère… La Parole de Dieu vient donc à nous de son trône royal ; elle s'abaisse pour nous élever ; elle s'appauvrit pour nous enrichir ; elle se fait homme pour nous diviniser.
Cette Parole avait dit : Que le monde soit, et le monde a été fait ; elle avait dit : Que l'homme soit, et l'homme a été fait. Mais ce qu'elle avait créé, la Parole ne l'a pas recréé aussi facilement. Elle a créé par son commandement, mais elle a recréé par sa mort. Elle a créé en commandant, mais elle a recréé en souffrant. « Vous m'avez donné bien de la peine », dit-elle (cf Ml 2,17). L’univers, dans toute sa complexité, ne m'a donné aucune peine pour l'organiser et le gouverner, car « je déploie ma vigueur d'un bout du monde à l'autre et je gouverne l'univers avec douceur » (Sg 8,1). Seul l'homme, violateur de ma loi, m'a donné de la peine, avec ses péchés. C'est pourquoi, venant du trône céleste, je n'ai pas refusé de me renfermer dans le sein d'une vierge et de m'unir en une seule personne avec l'humanité déchue. Dès ma naissance on m'enveloppe de langes, on me couche dans une mangeoire parce qu'il n'y a pas de place à l'auberge pour le Créateur du monde…
Toutes choses étaient plongées au milieu du silence, c'est-à-dire entre les prophètes qui ne parlaient plus et les apôtres qui parleront plus tard… Que la parole du Seigneur vienne encore maintenant vers ceux qui font silence. Ecoutons ce que le Seigneur nous dit au fond de nous-mêmes. Que les mouvements et les cris malencontreux de notre chair se taisent, que les images désordonnées de notre spectacle intérieur fassent silence, pour que nos oreilles attentives écoutent librement ce que dit l’Esprit, pour qu’elles écoutent la voix qui est au-dessus du firmament.
1er sermon pour Noël (trad. SC 192, p. 45s ; cf Delhougne, Le Pères commentent)
« Femme, ta foi est grande »
« Il n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens. » La femme s'empare du mot et dit : « Oui, Seigneur ! » Comme si elle disait : ...« Moi, je ne demande qu'une petite miette de la table et de la main du maître généreux qui ' donne la nourriture à toute chair ' (Ps 135,25). Tu régales les juifs comme des fils ; c'est pourquoi, je t'en supplie, ne refuse pas une miette à ta petite chienne cananéenne ! »
Jésus lui dit : « O femme, ta foi est grande ! » Il reproche à Pierre son peu de foi (Mt 14,31) ; il admire cette femme pour la grandeur de la sienne. Elle a vraiment une grande foi, puisqu'elle proclame que le Verbe fait chair est le fils de David, et puisque, sûre de la puissance divine, elle a confiance en son pouvoir de rendre la santé à sa fille absente, et cela, d'un seul acte de volonté.
Toi aussi, si ta foi est grande, si elle est cette foi vivante de laquelle vit le juste (Rm 1,17), et non une foi morte à laquelle manque son âme, c'est-à-dire la charité, toi aussi non seulement tu obtiendras la guérison complète de ta fille, c'est-à-dire de ton âme, mais « tu auras pouvoir de déplacer les montagnes » (Mt 17,20).
Sermon 17 (trad. SC 193, p. 373)
« Le Verbe était la vraie Lumière »
« Un silence paisible enveloppait toute chose, et la nuit était au milieu de son cours rapide. Alors ta Parole toute-puissante, Seigneur, est venue de ton trône royal » (Sg 18,14-15). Ce texte de l’Écriture désigne le temps très saint où la Parole toute-puissante de Dieu est venue jusqu’à nous pour nous parler de notre salut. Partant du secret le plus intime du Père, elle est descendue dans le sein d’une mère...
« Au milieu de la nuit » : tout était plongé dans le silence « médian » — entre les prophètes qui ne lançaient plus leur appel et les apôtres qui allaient le faire… Quel merveilleux avènement, dans ce silence médian, pour un « médiateur entre Dieu et les hommes » (1Tm 2,5)…, qui se rend mortel pour sauver les mortels, et qui sauvera les morts par sa mort ! Dans son rôle de médiateur, « il a accompli le salut au milieu de la terre » (Ps 73,12) : il est mort sur une croix, « élevé de terre » (Jn 12,32), entre ciel et terre, symbole de la réconciliation entre le ciel et la terre…
« Alors que la nuit était au milieu de sa course. » Quelle est cette nuit ? Peut-être désigne-t-elle cette période où, depuis l’origine du monde jusqu’à la fin des temps, les enfants d’Adam vivent dans cette Egypte enténébrée, dans les ténèbres épaisses de leur ignorance et totalement incapables de se voir les uns les autres (Ex 10,21s). En effet, peut-on voir les autres quand on ne voit pas leur cœur ? Profitant de ces ténèbres qui recouvrent tous les cœurs, le mensonge et la tromperie s’installent… C’est au milieu de cette nuit, parmi « ceux qui étaient assis dans les ténèbres » (Lc 1,79; Is 42,7), qu’est venue « la vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde ». C’est elle qui chassera vraiment toutes les ténèbres lorsqu’elle « mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres et fera paraître les pensées cachées des cœurs » (1Co 4,5).
1er Sermon pour Noël ; SC 192 (trad. cf SC p. 45-55)