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Julienne de Norwich quelques écrits
Julienne de Norwich (1342-après 1416), recluse anglaise
Liste des lectures
Je suis venu appeler…les pécheurs, pour qu’ils se convertissent
Viens au secours de mon peu de foi
Est-ce que tu vois quelque chose ?
Bien avant l’aube…, Jésus alla dans un endroit désert, et là il priait
Tous ceux qui souffraient de quelque mal se précipitaient sur lui pour le toucher
Combien de fois j'ai voulu rassembler tes enfants
Face à la miséricorde de Dieu, reconnaître pleinement notre péché
Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux
Frappez, la porte vous sera ouverte
Et il aura en héritage la vie éternelle
Entre dans la joie de ton maître
......
Prendre place au festin dans le royaume de Dieu
Ne vous souciez pas de demain : demain se souciera de lui-même
Il fait lever le soleil sur les méchants et sur les bons
Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple
Julienne de Norwich (1342-après 1416), recluse anglaise
« Je suis venu appeler…les pécheurs, pour qu’ils se convertissent »
Dieu m’a montré un seigneur assis solennellement dans la paix et le repos ; avec douceur il a envoyé son serviteur accomplir sa volonté. Le serviteur a couru en grande hâte, par amour ; mais voilà qu’il est tombé dans un ravin et s’est blessé gravement… Dans ce serviteur, Dieu m’a montré le mal et l’aveuglement provoqués par la chute d’Adam ; et dans ce même serviteur la sagesse et la bonté du Fils de Dieu. Dans le seigneur, Dieu m’a montré sa compassion et sa pitié pour le malheur d’Adam, et dans ce même seigneur la haute noblesse et la gloire infinie à laquelle l’humanité est élevée par la Passion et la mort du Fils de Dieu. C’est pourquoi notre Seigneur se réjouit beaucoup de sa propre chute [dans ce monde et dans sa Passion], à cause de l’exaltation et de la plénitude de bonheur auxquelles parvient le genre humain, surpassant certainement celui que nous aurions eu si Adam n’était pas tombé…
Ainsi nous avons une raison de nous affliger, car notre péché est la cause des souffrances du Christ, et nous avons constamment une raison de nous réjouir, car c’est son amour infini qui l’a fait souffrir… S’il arrive que par aveuglement et faiblesse nous tombions, alors relevons-nous promptement, sous le doux toucher de la grâce. De toute notre volonté corrigeons-nous en suivant l’enseignement de la sainte Église, selon la gravité du péché. Avançons vers Dieu dans l’amour ; ne nous laissons jamais aller au désespoir, mais ne soyons pas trop téméraires, comme si cela n’avait pas d’importance. Reconnaissons franchement notre faiblesse, sachant que, à moins que la grâce ne nous garde, nous ne tiendrons pas le temps d’un clin d’œil…
Il est légitime que notre Seigneur désire que nous nous accusions et que nous reconnaissions, loyalement et en vérité, notre chute et tout le mal qui s’ensuit, conscients que nous ne pourrons jamais les réparer. Il veut en même temps que nous reconnaissions, loyalement et en vérité, l’amour éternel qu’il a pour nous et l’abondance de sa miséricorde. Voir et connaître l’un et l’autre ensemble par sa grâce, voilà l’humble confession que notre Seigneur attend de nous et qui est son œuvre dans notre âme.
Révélations de l'amour divin, ch. 51-52
« Viens au secours de mon peu de foi »
Je l’ai vu en vérité : Dieu fait toute chose, si petite soit-elle. Rien n’arrive par chance ou hasard, mais tout est ordonné par la sagesse prévoyante de Dieu. Si l’homme y voit la chance ou le hasard, c’est à cause de notre aveuglement ou vue courte. Ces choses que Dieu, en sa sagesse, a prévues de toute éternité et qu’il conduit sans cesse parfaitement et glorieusement jusqu’à leur fin la meilleure, surviennent pour nous à l’improviste, et nous disons dans notre aveuglement ou avec notre courte vue qu’il y a là hasard ou accident. Mais il n’en est pas ainsi aux yeux du Seigneur Dieu. Nous devons donc reconnaître que tout ce qui est fait est bien fait, puisque c’est Dieu qui fait tout… Plus tard, Dieu m’a montré le péché dans sa nudité, ainsi que la façon dont il met à l’œuvre sa miséricorde et sa grâce…
J’ai vu parfaitement que Dieu ne change jamais ses desseins en quoi que ce soit et qu’il ne les changera jamais durant toute l’éternité. Il n’y a rien que, dans sa disposition parfaite des choses, il ne connaisse de toute éternité… Rien ne fera défaut à cet égard, car c’est dans la plénitude de sa bonté qu’il a créé toutes choses. C’est pourquoi la sainte Trinité est à jamais pleinement satisfaite de ses œuvres. Dieu me l’a montré pour mon plus grand bonheur : « Vois ! Je suis Dieu. Vois ! Je suis en toute chose. Vois ! Je fais toute chose ! Vois ! Je ne retire jamais ma main de mes œuvres, et jamais je ne la retirerai dans les siècles des siècles. Vois ! Je conduis toute chose à la fin que je lui ai assignée de toute éternité, avec la même puissance, la même sagesse, le même amour que lorsque je t’ai créée. Qu’est-ce qui pourrait tourner mal ? »
Révélations de l'amour divin, ch. 11
« Est-ce que tu vois quelque chose ? »
J’ai vu que Dieu se réjouit d’être notre père, Dieu se réjouit d’être notre mère, Dieu se réjouit d’être notre véritable époux et d’avoir notre âme pour épouse bien-aimée. Le Christ se réjouit d’être notre frère, Jésus se réjouit d’être notre Sauveur…
Durant le temps de notre existence, nous qui allons être sauvés, nous connaissons un mélange étonnant de bien et de mal. Nous avons en nous notre Seigneur Jésus Christ ressuscité, et nous avons en nous la misère et la malice de la chute et de la mort d’Adam…Par la chute d’Adam nous sommes si brisés que, par le péché et par diverses souffrances, nous avons le sentiment d’être dans les ténèbres ; aveugles, nous pouvons à peine éprouver le moindre réconfort. Mais par notre volonté, notre désir, nous demeurons en Dieu et croyons avec confiance en sa miséricorde et en sa grâce ; c’est ainsi qu’il œuvre en nous. Par sa bonté il ouvre l’œil de notre entendement, qui nous fait voir parfois plus, parfois moins, suivant la capacité qu’il nous donne. Tantôt il nous élève, tantôt il permet que nous tombions.
Ce mélange est si déroutant qu’il nous est difficile de savoir, pour ce qui est de nous-mêmes ou de nos semblables dans le Christ, sur quel chemin nous sommes, tellement ce que nous ressentons est changeant. Mais ce qui compte c’est de dire un saint « oui » à Dieu quand nous le sentons, voulant être vraiment avec lui, de tout notre cœur, de toute notre âme, de toutes nos forces (Mc 12,30) ; alors nous haïssons et méprisons notre impulsion au mal… Nous demeurons dans cet enchevêtrement tous les jours de notre vie.
Révélations de l'amour divin, ch. 52
« Bien avant l’aube…, Jésus alla dans un endroit désert, et là il priait »
La prière unit l’âme à Dieu. Même si notre âme est toujours semblable à Dieu par sa nature, restaurée qu’elle est par la grâce, de fait elle lui est souvent dissemblable par suite du péché. La prière témoigne alors que l’âme devrait vouloir ce que Dieu veut ; elle réconforte la conscience ; elle rend apte à recevoir la grâce. Dieu nous enseigne ainsi à prier avec une confiance ferme que nous recevrons ce pour quoi nous prions ; car il nous regarde avec amour et veut nous associer à sa volonté et à son action bienfaisantes. Il nous incite donc à prier pour ce qu’il lui plaît de faire…; il semble nous dire : « Qu’est-ce qui pourrait me plaire davantage que de me supplier avec ferveur, sagesse et insistance afin d’accomplir mes desseins ? » Par la prière donc, l’âme s’accorde avec Dieu.
Mais lorsque par sa grâce et sa courtoisie, notre Seigneur se révèle à notre âme, alors nous obtenons ce que nous désirons. À ce moment-là, nous ne voyons plus ce que nous pourrions demander d’autre. Tout notre désir, toute notre force sont fixés entièrement en lui pour le contempler. C’est une haute prière, impossible à sonder, il me semble. Tout l’objet de notre prière est d’être uni, par la vision et par la contemplation, à celui que nous prions, avec une joie merveilleuse et une crainte respectueuse, dans une si grande douceur et délice que nous ne pouvons plus prier en ces moments que comme il nous conduit. Je le sais, plus Dieu se révèle à l’âme, plus elle a soif de lui, par sa grâce. Mais lorsque nous ne le voyons pas, alors nous ressentons le besoin et l’urgence de prier Jésus, à cause de notre faiblesse et de notre incapacité.
Révélations de l'amour divin, ch. 43
« Tous ceux qui souffraient de quelque mal se précipitaient sur lui pour le toucher »
Aussi longtemps que nous vivrons, quand en notre folie nous tournons notre regard vers ce qui est réprouvé, notre Seigneur Dieu nous touche avec tendresse et nous appelle avec une grande joie, en disant en notre âme : « Laisse là ce que tu aimes, mon enfant très cher. Tourne-toi vers moi ; je suis tout ce que tu veux. Réjouis-toi dans ton sauveur et dans ton salut. » Je suis sûre que l’âme perspicace par la grâce verra et sentira que notre Seigneur opère ainsi en nous. Car si cette œuvre concerne l’humanité en général, tout homme en particulier n’en est pas exclu…
Qui plus est, Dieu a éclairé spécialement mon intelligence et m’a enseigné sur la façon dont il opère les miracles : « On sait que j’ai accompli déjà ici-bas beaucoup de miracles, éclatants et merveilleux, glorieux et grands. Ce que j’ai fait alors, je le fais encore continuellement, et je le ferai dans les temps à venir. » Nous savons que tout miracle est précédé par des souffrances, des angoisses, des tribulations. C’est pour que nous prenions conscience de notre faiblesse et des sottises que nous commettons à cause de notre péché et, par là, pour que nous devenions humbles et criions à Dieu, implorant son secours et sa grâce. Les miracles surgissent ensuite ; ils proviennent de la haute puissance, sagesse et bonté de Dieu et révèlent sa force et les joies du ciel, autant que cela est possible en cette vie passagère. Ainsi notre foi se fortifie et notre espérance grandit dans l’amour. Voilà pourquoi il plaît à Dieu d’être connu et glorifié par des miracles. Il veut que nous ne soyons pas accablés par la tristesse et les tempêtes qui s’abattent sur nous ; il en est toujours ainsi avant les miracles !
Révélations de l'amour divin, ch. 36
« Combien de fois j'ai voulu rassembler tes enfants »
La soif spirituelle du Christ aura une fin. Voici sa soif : son désir intense d'amour envers nous qui durera jusqu'à ce que nous en soyons témoins au jugement dernier. Car les élus qui seront la joie et le bonheur de Jésus durant toute l'éternité sont encore en partie ici-bas, et, après nous, il y en aura d'autres jusqu'à ce dernier jour. Sa soif ardente est de nous posséder tous en lui, pour son grand bonheur –- c'est ce qu'il me semble, du moins...
En tant que Dieu, il est la béatitude parfaite, bonheur infini qui ne saurait être augmenté ni diminué... Mais la foi nous enseigne que, par son humanité, il a voulu subir sa Passion, souffrir toutes sortes de douleurs et mourir par amour pour nous et pour notre bonheur éternel... En tant qu'il est notre Tête, le Christ est glorifié et il ne saurait plus souffrir ; mais puisqu'il est aussi le Corps qui unit tous ses membres (Ep 1,23), il n'est pas encore complètement glorieux et impassible. C'est pourquoi il éprouve toujours ce désir et cette soif qu'il ressentait sur la croix (Jn 19,28) et qui étaient en lui de toute éternité, il me semble. Et ainsi en est-il maintenant et en sera-t-il jusqu'à ce que la dernière âme sauvée soit entrée en cette béatitude.
Oui, aussi véritablement qu'il y a en Dieu la miséricorde et la pitié, il y a en lui cette soif et ce désir. En vertu de ce désir qui est dans le Christ, nous aussi nous le désirons : sans cela aucune âme ne parvient au Ciel. Ce désir et cette soif procèdent, il me semble, de la bonté infinie de Dieu, comme sa miséricorde...; et cette soif persistera en lui, tant que nous serons dans le besoin, nous attirant à sa béatitude.
Révélations de l'amour divin, ch. 31
Il m'est venu à l'esprit comment nous prions d'habitude, comment par ignorance et manque d'expérience de l'amour, nous recourons à de multiples demandes. J'ai compris en vérité que Dieu est plus glorifié et prend plus de plaisir quand nous le prions par simple confiance en sa bonté... Tous les moyens que nous mettons en œuvre pour prier, c'est trop peu ; ce n'est pas rendre pleinement gloire à Dieu. Car tout est inclus en sa bonté ; absolument rien n'y fait défaut...
La prière la plus haute c'est la connaissance de la bonté de Dieu, qui s'abaisse jusqu'à nos besoins les plus bas. C'est elle, l'étincelle de notre âme ; elle la vivifie ; elle la fait croître en grâce et en vertu. Elle est l'attribut divin le plus proche de notre pauvre nature, le plus prompt en grâce. C'est cette grâce même que notre âme cherche et cherchera toujours, jusqu'à ce que nous connaissions vraiment que notre Dieu nous a tous enclos en lui...
Lui, le Très-Haut, aime notre âme si précieusement qu'un tel amour dépasse la connaissance de toute créature ; aucune créature ne peut savoir avec quelle intensité, quelle douceur, quelle tendresse notre créateur nous aime. Cependant nous pouvons, avec sa grâce et son secours, contempler spirituellement, dans l'émerveillement continuel, cet amour haut, débordant, sans mesure, que notre Seigneur a pour nous en sa bonté. Et c'est pourquoi nous pouvons demander avec une humble confiance tout ce que nous voulons, car notre volonté naturelle est de posséder Dieu et le bon vouloir de Dieu est de nous posséder. Jamais nous ne cesserons de vouloir et de désirer ainsi, jusqu'à ce que nous possédions Dieu dans la plénitude de la joie.
Révélations de l'amour divin, ch. 6 (trad. cf Cerf 1992, p. 53)
Face à la miséricorde de Dieu, reconnaître pleinement notre péché
Dieu lui-même est justice par excellence. Toutes ses œuvres sont justes, ordonnées qu'elles sont de toute éternité par sa haute puissance, sa haute sagesse, sa haute bonté. De même qu'il a tout réglé pour le mieux, de même il œuvre sans cesse et conduit chaque chose à sa fin... La miséricorde est l'œuvre de la bonté de Dieu ; elle continuera à œuvrer aussi longtemps qu'il sera permis au péché de tourmenter les âmes justes. Lorsque cette permission sera retirée...tout sera établi dans la justice, pour y demeurer éternellement.
Dieu permet que nous tombions. Mais par sa puissance et sa sagesse, il nous garde. Par sa miséricorde et sa grâce, il nous élève à une joie infiniment plus grande. Ainsi veut-il être connu et aimé dans la justice et dans la miséricorde, maintenant et à jamais... Moi, je ne ferai rien d'autre que pécher. Mais mon péché n'empêchera pas Dieu d'opérer. La contemplation de son œuvre est joie céleste pour l'âme qui est pénétrée de crainte et qui désire toujours plus amoureusement accomplir la volonté de Dieu avec l'aide de la grâce.
Cette œuvre commencera ici-bas. Elle sera glorieuse pour Dieu et d'un énorme avantage pour tous ceux qui l'aiment sur terre. A notre arrivée au ciel, nous en serons témoins dans une joie merveilleuse. Cette œuvre se poursuivra jusqu'au dernier jour. La gloire et la béatitude qui en découleront subsisteront au ciel, devant Dieu et tous ses saints, à tout jamais... Là sera la plus haute joie : voir que Dieu lui-même en est l'auteur. L'homme, lui, n'est autre que pécheur. Il me semblait que notre bon Seigneur me disait : « Vois donc ! N'y a-t-il pas là matière à humilité ? N'y a-t-il pas là matière à aimer ? N'y a-t-il pas là matière à te connaître toi-même ? N'y a-t-il pas là matière à te réjouir en moi ? Alors, par amour pour moi, réjouis-toi en moi. Rien ne peut me plaire davantage ».
Révélations de l'amour divin, ch. 35-36 (trad. Cerf 1992, p. 124s rev.)
« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux »
A mes yeux, la miséricorde [de Dieu], c'est l'amour qui œuvre avec douceur et plénitude de grâce, dans une compassion surabondante. Elle est à l'œuvre pour nous garder ; elle est à l'œuvre pour que toutes choses tournent pour notre bien. Elle permet, par amour, que nous défaillions, dans une certaine mesure. Autant nous défaillons, autant de fois nous tombons ; autant nous tombons, autant nous mourons... Cependant, l'œil doux de la pitié et de l'amour ne se détache jamais de nous ; l'œuvre de la miséricorde ne cesse pas.
J'ai vu quel est le propre de la miséricorde et j'ai vu quel est le propre de la grâce : ce sont deux aspects de l'œuvre d'un seul amour. La miséricorde est un attribut de compassion, provenant de la tendresse maternelle ; la grâce est un attribut de gloire, provenant de la puissance royale du Seigneur dans le même amour. La miséricorde œuvre pour garder, supporter, vivifier, et guérir : en tout cela elle est tendresse d'amour. La grâce fait œuvre pour élever et récompenser, infiniment au-delà de ce que méritent notre désir et notre labeur ; elle répand et manifeste la largesse que Dieu, notre souverain Seigneur, nous prodigue en sa merveilleuse courtoisie. Tout cela vient de l'abondance de son amour. Car la grâce change notre défaillance terrible en une consolation abondante et sans fin, la grâce change notre chute honteuse en un relèvement sublime et glorieux, la grâce change notre triste mourir en une vie sainte et bienheureuse.
Je l'ai vu en vérité : chaque fois que notre perversité nous conduit ici-bas à la douleur, la honte et l'affliction, au ciel la grâce, au contraire, nous conduit au réconfort, la gloire et la félicité. Et avec une telle surabondance qu'en arrivant là-haut pour y recevoir la récompense que la grâce y a préparée pour nous, nous remercierons et bénirons notre Seigneur, nous réjouissant sans fin d'avoir souffert de telles adversités. Et cet amour bienheureux sera de telle nature que nous connaîtrons en Dieu des choses que nous n'aurions jamais pu connaître sans être passés par ces épreuves.
Révélations de l'amour divin, ch. 48
« Frappez, la porte vous sera ouverte »
Notre Seigneur m'a fait une révélation sur la prière. J'ai vu qu'elle repose sur deux conditions : la rectitude et une confiance ferme. Très souvent, notre confiance n'est pas totale. Nous ne sommes pas sûrs que Dieu nous écoute, car nous pensons que nous en sommes indignes et d'ailleurs nous ne ressentons rien. Nous sommes souvent aussi secs et stériles après notre prière qu'avant. Notre faiblesse vient de ce sentiment de notre sottise, comme je l'ai moi-même éprouvé. Tout cela, notre Seigneur me l'a présenté soudain à l'esprit et m'a dit : « Je suis l'origine de ta supplication. D'abord, c'est moi qui veux te faire ce don, puis je fais en sorte que toi tu le veuilles aussi. Je t'incite à implorer, et tu implores : comment alors serait-il possible que tu n'obtiennes pas ce que tu demandes ? » Notre bon Seigneur m'a donné ainsi un grand réconfort... Lorsqu'il a dit : « Et tu implores », il m'a montré le grand plaisir que lui cause notre supplication et la récompense infinie qu'il nous accordera en réponse à notre prière. Quand il a déclaré : « Comment serait-il possible que tu n'obtiennes pas ? », il en parle comme d'une impossibilité, car il est complètement impossible que nous ne recevions pas la grâce et la miséricorde lorsque nous les demandons. En effet, tout ce que notre Seigneur nous fait implorer, il l'a ordonné pour nous de toute éternité. Par là, nous pouvons voir que ce n'est pas notre supplication qui est la cause de la bonté qu'il nous témoigne... : « J'en suis l'origine »... La prière est un acte délibéré, vrai et persévérant de notre âme, qui s'unit et s'attache à la volonté de notre Seigneur, par l'opération douce et secrète du Saint Esprit. Notre Seigneur lui-même reçoit d'abord notre prière, me semble-t-il ; il la prend avec une grande reconnaissance et une grande joie, et il l'emporte en plein ciel et la dépose dans un trésor où elle ne périra jamais. Elle est là devant Dieu et tous ses saints, continuellement reçue, continuellement nous aidant dans nos besoins. Et quand nous entrerons dans la béatitude, elle nous sera rendue, contribuant à notre joie, avec des remerciements infinis et glorieux de la part de Dieu.
Révélations de l'amour divin, ch. 41
« Et il aura en héritage la vie éternelle »
Le Christ est notre voie (Jn 14,6). Il nous conduit avec sécurité dans ses préceptes ; dans son corps il nous porte au ciel avec puissance. J'ai vu qu'ayant en lui nous tous qu'il sauvera, avec dévotion il fait don de nous à son Père céleste, don que le Père reçoit avec une grande reconnaissance et qu'il remet courtoisement à son Fils Jésus Christ. Ce don et ce geste sont joie pour le Père, félicité pour le Fils et réjouissance pour le Saint Esprit. Parmi tout ce que nous pouvons faire, il n'est rien qui soit plus agréable à notre Seigneur que de nous voir nous réjouir en cette joie qu'a la Trinité pour notre salut...
Quoi que nous ressentions — joie ou tristesse, fortune ou infortune — Dieu veut que nous comprenions et croyions que nous sommes plus véritablement au ciel que sur terre. Notre foi vient de l'amour naturel que Dieu a déposé dans notre âme, de la claire lumière de notre raison et de l'intelligence inébranlable que nous recevons de Dieu, depuis le premier instant où nous avons été créés. Lorsque notre âme est insufflée dans notre corps rendu sensible, la miséricorde et la grâce commencent leur œuvre en prenant soin de nous et en nous gardant avec pitié et amour. Par cette opération le Saint Esprit forme en notre foi l'espérance de retourner à notre substance supérieure, à la puissance du Christ, développée et amenée à sa plénitude par le Saint Esprit... Car à l'instant même où notre âme est créée sensible, elle devient la cité de Dieu, préparée pour lui de toute éternité (He 11,16; Ap 21,2-3). Dans cette cité il vient ; jamais il ne la quittera, car jamais Dieu n'est hors de l'âme ; il y demeurera dans la béatitude à tout jamais.
Révélations de l'amour divin, ch. 55
« Entre dans la joie de ton maître »
Notre Seigneur m'a dit : « Je te remercie pour ton labeur, surtout au temps de ta jeunesse. » Mon entendement a été élevé jusqu'au ciel, et j'ai vu notre Seigneur comme un maître en sa propre maison, ayant appelé à un banquet solennel tous ses chers serviteurs et amis. J'ai vu qu'il ne s'attribuait aucune place en sa demeure ; il y régnait partout en roi. Il l'emplissait de joie et d'allégresse, ne cessant personnellement de contenter et consoler ses très chers amis, en toute intimité et courtoisie, par une merveilleuse mélodie d'amour perpétuel qui émanait de son bel et bienheureux visage. Visage glorieux de la divinité qui emplit les cieux de joie et d'allégresse.
Dieu m'a montré trois degrés de béatitude au ciel pour toute âme qui l'aura servi volontiers de quelque façon sur terre. Le premier : le remerciement de gloire qu'elle recevra de notre Seigneur Dieu quand elle sera délivrée de ses peines. Ce remerciement est si élevé et si glorieux qu'elle se sentira comblée, comme s'il n'y avait pas d'autre béatitude. Car à mon sens toutes les peines et labeurs de tous les hommes vivants seraient encore insuffisants pour mériter le remerciement qu'un seul recevra pour avoir servi Dieu avec bonne volonté.
Le second : toutes les créatures bénies qui peuplent le ciel verront ce remerciement glorieux, car à toutes il fait connaître les services qui lui ont été rendus... Un roi, s'il remercie ses sujets, leur rend un grand honneur, mais s'il le fait savoir à tout le royaume, l'honneur est considérablement plus grand. Le troisième : ce remerciement sera aussi nouveau et réjouissant dans l'éternité qu'à l'instant où l'âme le recevra. Il m'a été révélé avec une grande simplicité et douceur que l'âge de chacun sera connu au ciel. Chacun sera récompensé pour les œuvres qu'il aura faites et pour leur durée. Très particulièrement, ceux qui, volontiers et librement, auront offert à Dieu leur jeunesse seront récompensés sans mesure et remerciés de manière merveilleuse.
Révélations de l'amour divin, ch. 14
Julienne de Norwich (1342-après 1416), recluse anglaise
......
Prendre place au festin dans le royaume de Dieu
[Quand le pécheur reconnaît sa faute], la grâce divine fait naître une si grande contrition, compassion et vraie soif de Dieu, que le pécheur, soudain délivré du péché et de la peine, est relevé… La contrition nous purifie, la compassion nous prépare, la vraie soif de Dieu nous rend dignes. Selon ma façon de comprendre, voilà les trois moyens par lesquels toutes les âmes vont au ciel, c'est-à-dire celles qui ont péché sur terre et qui seront sauvées. Car toute âme pécheresse doit être guérie par ces trois remèdes. Même guérie, ses blessures demeurent devant Dieu, non plus en tant que blessures, mais en tant que signes glorieux. En contrepartie de notre punition ici-bas par la souffrance et par la pénitence, au ciel nous serons récompensés par l'amour bienveillant de notre Seigneur... Il considère le péché de ceux qui l'aiment comme une tristesse et une souffrance, mais, à cause de son amour, pas comme condamnable. La récompense que nous recevrons ne sera pas minime, mais éminente, honorable, glorieuse ; et ainsi la honte sera changée en gloire et en joie.
Car en sa bienveillance, notre Seigneur ne veut pas que ses serviteurs désespèrent par suite de leurs chutes fréquentes et pitoyables ; nos chutes ne l'empêchent pas de nous aimer… Il veut que nous sachions qu'il est le fondement de toute notre vie dans l'amour et, plus encore, qu'il est notre protecteur éternel, nous défendant avec puissance contre tous les ennemis qui s'acharnent furieusement sur nous. Et, hélas, nous avons grandement besoin de lui puisque nous leur donnons souvent prise sur nous par nos chutes.
Révélations de l'amour divin, ch. 39
Le péché est le fouet le plus cinglant qui puisse frapper toute âme élue. Il brise chacun, homme ou femme, l'abaissant tellement à ses propres yeux qu'il croit ne plus mériter que de tomber en enfer, jusqu'au moment où, touché par le Saint Esprit, il est saisi de contrition et voit son amertume se changer en espérance dans la miséricorde divine. Alors ses blessures commencent à guérir et son âme à vivre, dès qu'il se tourne vers la vie de la sainte Église. Le Saint Esprit le conduit à la confession, pour y avouer de plein gré ses péchés, en toute nudité et franchise, avec une grande tristesse et la honte d'avoir souillé la belle image de Dieu. Il reçoit sa pénitence pour chaque péché de la part de son confesseur, ainsi qu'il est établi dans la sainte Église par l'enseignement du Saint Esprit. Et cette humilité plaît grandement à Dieu…
Notre Seigneur nous garde avec un très grand soin, même quand nous nous croyons presque abandonnés, rejetés, à cause de nos péchés et voyons que nous l'avons mérité. L'humilité que nous acquérons par là nous relève bien haut aux yeux de Dieu. La grâce divine fait naître une si grande contrition, compassion et vraie soif de Dieu, que le pécheur, soudain délivré du péché et de la peine, est élevé jusqu'à la béatitude, à l'égal des grands saints.
Révélations de l'amour divin, ch. 39
« Ne vous souciez pas de demain : demain se souciera de lui-même »
Je m’émerveillais beaucoup : malgré notre sottise et notre aveuglement ici-bas, notre Seigneur en sa courtoisie nous regarde sans cesse avec bienveillance et avec joie. Le plus grand plaisir que nous puissions lui faire, c’est d’en être convaincus vraiment et avec intelligence, et de nous en réjouir avec lui et en lui. Car, de même que nous serons à tout jamais dans la béatitude de Dieu, le louant et le remerciant, de même nous sommes depuis toujours dans sa prévoyance : en son dessein éternel, il nous a aimés et connus avant l’origine des temps.
C’était avec cet amour sans commencement qu’il nous a créés, c’est par ce même amour qu’il nous garde : il ne permet jamais que nous soyons blessés au point d’en perdre notre béatitude. C’est pourquoi, au temps du jugement, quand nous serons tous élevés jusqu’au ciel, nous verrons clairement en Dieu les secrets qui maintenant nous sont cachés. Alors personne ne sera tenté de dire : « Seigneur, s’il en avait été autrement, alors cela aurait été parfait. » Nous dirons tous d’une seule voix : « Seigneur, béni sois-tu ! Il en est ainsi, et tout est bien. Nous voyons en vérité que tout est accompli selon l’ordre que tu as voulu avant le commencement de toutes choses. »
Révélations de l'amour divin, ch 85 (trad. Cerf 1992, p. 266 rev.)
« Il fait lever le soleil sur les méchants et sur les bons »
Tout tournera en bien : la plénitude de la joie, c’est de voir Dieu en tout. Par la même puissance, sagesse et amour bénis avec lesquels il a créé toute chose, il conduit tout continuellement au même but et il ramènera tout à lui. Quand le temps sera venu, nous verrons cela… Tout ce que fait notre Seigneur est juste ; tout ce qu’il permet contribue à son dessein — le bien et le mal. Car tout ce qui est bon, c’est l’œuvre de notre Seigneur ; ce qui est mal, il le permet. Je ne dis pas que le mal est valable ; mais je dis que ce que permet notre Seigneur contribue à son dessein. Ainsi, sa bonté sera connue à tout jamais, ainsi que les merveilles de son humilité et de sa douceur, dans cette œuvre de miséricorde et de grâce…
Dieu lui-même est droiture par excellence ; toutes ses œuvres sont justes, ordonnées qu’elles sont de toute éternité par sa haute puissance, sa haute sagesse, sa haute bonté. De même qu’il a tout établi pour le mieux, de même il œuvre sans cesse avec droiture et conduit chaque chose à sa fin… Nous sommes gardés merveilleusement et à jamais dans cette droiture, plus que toute autre créature.
Et la miséricorde est une œuvre qui provient de la bonté de Dieu ; elle continuera aussi longtemps qu’il sera permis au péché de tourmenter les âmes justes… Dieu permet que nous tombions ; mais il nous garde par sa puissance et sa sagesse. Par sa miséricorde et sa grâce, il nous élève à une joie infiniment plus grande. Ainsi veut-il être connu et aimé dans la droiture et dans la miséricorde, maintenant et à jamais.
Révélations de l'amour divin, ch. 35
« Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple »
Notre bon Seigneur m’a dit une fois : « Toutes choses finiront bien » ; une autre fois, il a dit : « Tu le verras toi-même : tout tournera en bien. » En ces deux paroles, mon âme a compris…qu’il veut que nous sachions qu’il prête attention non seulement aux choses nobles et grandes, mais aussi à celles qui sont humbles, petites, peu élevées, simples. C’est ce qu’il signifie lorsqu’il dit : « Toute chose, quelle qu’elle soit, finira bien. »
Il veut que nous comprenions que même la chose la plus minime ne sera pas oubliée. Et il veut que nous comprenions que beaucoup d’actions sont si mauvaises à nos yeux et causent de si grands maux qu’il nous paraît impossible qu’elles aient jamais une bonne fin. Et donc nous nous affligeons et nous nous lamentons tellement que nous ne trouvons plus la paix dans la bienheureuse contemplation de Dieu, comme nous le devrions. Car ici-bas nous raisonnons de façon si aveugle, si basse, si simpliste qu’il nous est impossible de connaître la haute et merveilleuse sagesse, puissance et bonté de la bienheureuse Trinité… C’est comme si Dieu disait : « Prenez garde maintenant de croire et de me faire confiance, et à la fin vous verrez tout dans la vérité et donc la plénitude de la joie »…
Il y a une œuvre que la très sainte Trinité accomplira au dernier jour, d’après ce que je vois. Quand cette œuvre sera faite et comment elle sera faite, nulle créature en dessous du Christ ne le sait et ne le saura avant son accomplissement… Si Dieu veut nous faire savoir qu’il fera cette œuvre, c’est pour que nous soyons plus à l’aise, plus paisibles dans l’amour, que nous cessions de fixer notre regard sur toutes les tempêtes qui nous empêchent de nous réjouir en lui vraiment. Telle est la grande œuvre ordonnée par notre Seigneur de toute éternité, trésor profondément caché en son sein béni et connu de lui seul. Par cette œuvre, il fera en sorte que tout finisse bien, car de même que la très sainte Trinité a créé toutes choses de rien, de même elle rendra bonnes toutes choses qui ne le sont pas.
Révélations de l'amour divin, ch. 32
Date de dernière mise à jour : 2021-07-04
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