Saint Proclus de Constantinople
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« Lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils ; il est né d’une femme » (Ga 4,4)
Que la nature tressaille de joie et qu'exulte tout le genre humain, puisque les femmes sont elles aussi à l'honneur. Que l'humanité danse en choeur...: « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20). La sainte Mère de Dieu nous a réunis ici, la Vierge Marie, trésor très pur de la virginité, paradis spirituel du second Adam, lieu de l'union des natures, lieu d’échange où notre salut a été conclu, chambre nuptiale en laquelle le Christ a épousé notre chair. Elle est ce buisson spirituel que le feu de l'enfantement d'un Dieu n'a pas brûlé, le nuage léger qui a porté celui qui trône sur les chérubins, la toison très pure qui a reçu la rosée céleste… Marie, servante et mère, vierge, ciel, pont unique entre Dieu et les hommes, métier à tisser de l'incarnation sur lequel la tunique de l'union des natures s'est trouvée admirablement confectionnée : le Saint Esprit en a été le tisserand.
Dans sa bonté, Dieu n'a pas dédaigné naître d'une femme, même si celui qui devait en être formé était lui-même la vie. Mais si la mère n'était pas restée vierge, cet enfantement n'aurait rien d'étonnant ; c'est tout simplement un homme qui serait né. Mais puisqu’elle est demeurée vierge même après l’enfantement, comment ne pourrait-il pas s'agir de Dieu et d'un mystère inexprimable ? Il est né d'une manière ineffable, sans souillure, lui qui plus tard entrera sans obstacle, toute portes closes, et devant qui Thomas s'écriera en contemplant l’union de ses deux natures : « Mon Seigneur et mon Dieu » (Jn 20,28).
Par amour pour nous, celui qui par nature est incapable de souffrir s'est exposé à de nombreuses souffrances. Le Christ n'est pas du tout devenu Dieu peu à peu ; absolument pas ! Mais étant Dieu, sa miséricorde l'a poussé à devenir homme, comme la foi nous l'enseigne. Nous ne prêchons pas un homme devenu Dieu, mais nous proclamons Dieu fait chair. Il s’est donné pour mère sa servante, lui qui par sa nature ne connaît pas de mère et qui s’est incarné dans le temps sans père.
Sermon n° 1 ; PG 65, 682 (trad. cf Solesmes, Lectionnaire, t. 1, p. 625)
« Jour d'allégresse et de joie » (Ps 117,24)
Quelle belle fête de Pâques ! Et quelle belle assemblée ! Ce jour contient tant de mystères, anciens et nouveaux ! En cette semaine de fête ou plutôt d'allégresse, par toute la terre les hommes se réjouissent, et même les puissances du ciel se joignent à nous pour célébrer dans la joie la résurrection du Seigneur. Exultent les anges et les archanges, qui attendent que le roi des cieux, le Christ notre Dieu, revienne vainqueur de la terre ; exultent les choeurs des saints, qui proclament « celui qui s'est levé avant l'aurore » (Ps 109,3), le Christ. La terre exulte : le sang d'un Dieu l'a lavée. La mer exulte : les pas du Seigneur l'ont honorée. Que tout homme, rené de l'eau et de l'Esprit Saint, exulte ; qu'Adam, le premier homme, délivré de l'ancienne malédiction, exulte...
Non seulement la résurrection du Christ a instauré ce jour de fête, mais encore elle nous procure, au lieu de la souffrance, le salut, au lieu de la mort, l'immortalité, au lieu des blessures, la guérison, au lieu de la déchéance, la résurrection. Autrefois, le mystère de la Pâque s'accomplissait en Égypte selon les rites donnés par la Loi ; le sacrifice de l'agneau n'était qu'un signe. Mais aujourd'hui nous célébrons, selon l'Évangile, une pâque spirituelle, qui est le jour de la résurrection. Là, on immolait un agneau du troupeau...; ici, c'est le Christ en personne qui s'offre en agneau de Dieu. Là, une bête de la bergerie ; ici, non pas un agneau, mais le bon pasteur lui-même, qui donne sa vie pour ses brebis (Jn 10,11)... Là, les Hébreux traversent la mer Rouge et entonnent en l'honneur de leur défenseur un hymne de victoire : « Célébrons le Seigneur ; il s'est couvert de gloire » (Ex 15,1). Ici, ceux qui ont été jugés dignes du baptême chantent en leur coeur l'hymne de la victoire : « Un seul saint, un seul Dieu, Jésus Christ, dans la gloire du Dieu Père. Amen ». « Le Seigneur règne, vêtu de majesté », s'écrie le prophète (Ps 92,1). Les Hébreux traversent la mer Rouge et mangent la manne dans le désert. Aujourd'hui, en sortant des fonts baptismaux, on mange le pain qui descend du ciel (Jn 6,51).
Sermon 14 ; PG 65, 796 (trad. coll. Icthus, vol. 10, p. 149 rev.)
« Béni soit celui qui vient, lui, notre Roi »
Le jour présent, mes bien-aimés, est de la plus grande importance. Il demande de nous un très grand désir, un immense empressement, un vif allant pour nous porter à la rencontre du Roi des Cieux. Paul, le messager de la bonne nouvelle, nous disait : « Le Seigneur est proche, n'ayez aucun souci » (Ph 4,5-6)...
Allumons donc les lampes de la foi : comme les cinq vierges sages (Mt 25,1s), remplissons-les de l'huile de la miséricorde envers les pauvres ; accueillons le Christ bien éveillés, et chantons-le, les palmes de justice à la main. Embrassons-le en répandant sur lui le parfum de Marie (Jn 12,3). Écoutons le chant de la résurrection ; que nos voix s'élèvent, dignes de la majesté divine, et clamons avec le peuple ce cri qui s'échappe de la foule : « Hosanna dans les hauteurs. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le Roi d'Israël ». Il est bien de dire : « Celui qui vient », car il vient sans cesse, jamais il ne nous manque : « Le Seigneur est proche de tous ceux qui l'invoquent en vérité » (Ps 144,18). « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. »
Le Roi doux et pacifique se tient à notre porte. Celui qui trône dans les cieux sur les chérubins est assis ici-bas sur le petit d'une ânesse. Préparons les maisons de nos âmes, débarrassons-les de ces toiles d'araignée que sont les mésententes fraternelles ; qu'on ne trouve pas chez nous la poussière des médisances. Répandons à flots l'eau de l'amour, et apaisons tous les heurts que soulève l'animosité ; puis parsemons le vestibule de nos lèvres des fleurs de la piété. Avec le peuple poussons alors ce cri qui jaillit de la foule : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le Roi d'Israël ».
Sermon 9, pour le jour des Rameaux ; PG 65, 772 (trad. Brésard, 2000 ans, année C, p. 108)
« Nous voulons voir Jésus »
A Jérusalem la foule criait : « Hosanna dans les hauteurs. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le Roi d'Israël » (cf Mc 11,10). Il est bien de dire « celui qui vient », car il vient sans cesse, jamais il ne nous manque : « Le Seigneur est proche de tous ceux qui l'invoquent en vérité. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (Ps 144,18; 117,26). Le Roi doux et pacifique se tient à notre porte... Les soldats ici-bas, les anges dans les cieux, les mortels et les immortels...criaient : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le Roi d'Israël ». Mais les pharisiens se tenaient à l'écart (Jn 12,19), et les prêtres en étaient outrés. Ces voix qui chantaient la louange de Dieu retentissaient sans arrêt : la création en était toute joyeuse...
C'est pourquoi, ce jour-là, quelques Grecs, poussés par cette acclamation magnifique à honorer Dieu avec ferveur, se sont approchés d'un apôtre nommé Philippe et lui ont dit : « Nous voulons voir Jésus ». Regarde : c'est toute la foule qui remplit la charge de héraut et incite ces Grecs à se convertir. Aussitôt, ceux-ci s'adressent aux disciples du Christ : « Nous voulons voir Jésus ». Ces païens imitent Zachée ; ils ne montent pas dans un sycomore [pour voir Jésus], mais ils se hâtent de s'élever dans la connaissance de Dieu (Lc 19,3). « Nous voulons voir Jésus » : non pas tant contempler son visage, mais porter sa croix. Car Jésus, qui voyait leur désir, a annoncé sans ambages à ceux qui se trouvaient là : « L'heure vient où le Fils de l'homme sera glorifié », appelant gloire la conversion des païens.
Et il donnait à la croix le nom de « gloire ». Car depuis ce jour jusqu'à maintenant, la croix est glorifiée ; c'est la croix, en effet, qui maintenant encore consacre les rois, pare les prêtres, garde les vierges, affermit les ascètes, resserre les liens des époux, fortifie les veuves. C'est la croix qui féconde l'Église, illumine les peuples, garde le désert, ouvre le paradis.
Sermon pour le jour des Rameaux ; PG 65, 772 (trad. Brésard, 2000 ans C, p. 108 rev.)
« Lumière de lumière, ô Christ, tu es apparu aujourd'hui »...
Le Christ s'est manifesté au monde, il a restauré ce monde livré au chaos, il lui a rendu sa splendeur. Il a endossé le péché du monde et il a terrassé l'ennemi du monde. Il a sanctifié les sources des eaux et il a illuminé les âmes des hommes. Aux miracles il a joint des miracles plus grands encore.
Aujourd'hui, en effet, la terre et la mer se sont partagé la grâce du Sauveur et le monde entier a été comblé de joie ; et la fête d'aujourd'hui montre un surcroît de merveilles par rapport à la fête précédente.
Car dans celle-ci la terre se réjouissait de la naissance du Sauveur, parce qu'elle tenait couché dans la crèche le Seigneur de l'univers ; mais aujourd'hui, avec la fête des Théophanies, c'est la mer qui se réjouit hautement ; elle se réjouit de ce que, par l'intermédiaire du Jourdain, elle a reçu la bénédiction qui la sanctifie.
La fête précédente nous montrait un pauvre nourrisson qui manifestait notre pauvreté. La fête d'aujourd'hui nous le fait voir dans sa perfection, elle nous suggère qu'il est l'Être parfait, issu de l'Être parfait. ~ Alors, pour les Mages, le Roi était revêtu de la pourpre de son corps. Aujourd'hui, au Baptême, celui qui est la Source, est enveloppé par l'eau du fleuve.
Allons, regardez ces merveilles incroyables : le Soleil de justice qui se baigne dans le Jourdain, le Feu qui se plonge dans l'eau, Dieu qui est sanctifié par un homme !
Aujourd'hui, toute la création éclate en louanges et s'écrie : Béni soit, au nom du Seigneur, celui qui vient ! Béni soit celui qui vient en tout temps, car ce n'est pas aujourd'hui son premier avènement.
Et qui est-il ? Dis-le-nous clairement, bienheureux David : Le Seigneur est le Dieu qui nous illumine . Le prophète David n'est pas le seul à nous le dire ; l'Apôtre Paul y ajoute son témoignage lorsqu'il proclame : La grâce de Dieu s'est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous instruit. Elle ne s'est pas manifestée pour le salut de certains hommes, mais pour le salut de tous. Car c'est à tous, Juifs aussi bien que Grecs, qu'elle accorde le salut par le baptême, qu'elle offre le baptême comme un bienfait universel.
Allons, regardez ce stupéfiant déluge, bien supérieur à celui du temps de Noé. Alors l'eau du déluge fit mourir le genre humain ; aujourd'hui, l'eau du baptême, par la puissance de celui qui a été baptisé, ramène les morts à la vie. ~ Alors une colombe, portant dans son bec un rameau d'olivier, a préfiguré la bonne odeur du Christ. Aujourd'hui le Saint-Esprit, en survenant sous l'apparence d'une colombe, nous montre combien le Seigneur est miséricordieux.
SERMON POUR LE BAPTÊME DU CHRIST