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Augustin quelques écrits
Liste des lectures
Vous me connaissez et vous ne me connaissez pas
Dans le Christ, c'est nous qui sommes tentés.
La passion du Christ est celle de tout son Corps.
Je connaîtrai comme je suis connu
Le Christ nous appelle à voir la lumière sur nous-mêmes
La récompense, c'est la vie éternelle
« Sur le rivage...on ramasse ce qui est bon »
« Il faut qu’il grandisse et que moi je diminue » (Jn 3,30)
« Faites-vous des trésors dans le ciel »
Aimer Dieu, son prochain et soi-même
« Sois le pasteur de mes brebis »
« Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres »
« Quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu »
« Une femme appelée Marthe reçut Jésus dans sa maison »
« L'homme qui donne aux pauvres à pleines mains demeure juste pour toujours » (Ps 111,9)
« Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi »
« Il leur dit une parabole pour montrer qu'il faut prier sans cesse »
« Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis »
« Tous les prophètes, ainsi que la Loi, ont parlé jusqu’à Jean » (Mt 11,13)
« Ce peuple m'honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi »
Comment le Christ se forme en nous.
« Vous n'êtes plus sous la Loi, mais sous la grâce »
« Et Dieu dit : ' Que la lumière soit ' » (Gn 1,3)
« Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi »
« Voici que nous montons à Jérusalem »
« Dans un endroit désert, il priait »
« Aujourd'hui, le salut est arrivé pour cette maison »
Enfin répondre à l'appel de Dieu de se convertir
Demander pardon et pardonner aux autres
« Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création »
« Son heure n’était pas encore venue »
« Est-ce que tu veux retrouver la santé ? »
« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos »
« Comme il était encore loin, son père l’aperçut »
« Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir »
« Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras »
« Seigneur, tu sais tout ; tu sais bien que je t'aime »
« Jésus l'emmena à l'écart, loin de la foule, et lui mit les doigts dans les oreilles »
« Je parle ainsi, en ce monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés
« Celui qui vient du ciel rend témoignage de ce qu'il a vu et entendu »
L'évêque, comme tout chrétien, « serviteur de tous »
Pierre et Jean, de l'action à la contemplation.
« L'heure vient où les morts vont entendre la voix du Fils de Dieu »
La vraie richesse et la vraie pauvreté
Tous ceux qui touchèrent la frange de son manteau étaient sauvés
Vous n'êtes plus sous la Loi, mais sous la grâce
Le persécuteur transformé en prédicateur
Jusqu'à ce que vienne l'achèvement
Le double commandement de l'amour
Je suis la voix qui crie à travers le désert
Vous me connaissez et vous ne me connaissez pas
« Jésus, qui enseignait dans le Temple, s'écria : ' Vous me connaissez et vous savez d'où je suis. Pourtant je ne suis pas venu de moi-même, mais celui qui m'a envoyé dit la vérité et lui, vous ne le connaissez pas. ' » Ce qui revient à dire : « Vous me connaissez et vous ne me connaissez pas », ou bien encore : « Vous savez d'où je suis et vous ne le savez pas. Vous savez d'où je suis : Jésus de Nazareth ; vous connaissez aussi ma famille. » La seule chose qui leur était cachée en ce domaine, c'était sa naissance virginale... Ils connaissaient de Jésus tout ce qui avait rapport à la nature humaine : son apparence, sa patrie, sa famille et le lieu de sa naissance. Le Seigneur avait donc raison de leur dire : « Vous me connaissez et vous savez d'où je suis », selon la chair et l'apparence humaine qu'il avait assumées.
Tandis que selon la divinité, dit-il, « je ne suis pas venu de moi-même, et celui qui m'a envoyé et qui dit la vérité, vous ne le connaissez pas. » Or, si vous voulez le connaître, croyez en celui qu'il a envoyé et vous le connaîtrez. Car « personne n'a jamais vu Dieu, sinon le Fils unique qui est dans le sein du Père : lui l'a fait connaître » (Jn 1,18). Et encore : « Personne ne connaît le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler » (Lc 10,22)... « Moi, je le connais » : demandez–moi donc de vous le faire connaître... « Je viens d'auprès de lui, et c'est lui qui m'a envoyé. » Magnifique affirmation d'une double vérité... : le Fils vient du Père, et tout ce qu'est le Fils, il le tient de celui dont il est Fils. C'est pourquoi nous disons que le Seigneur Jésus est « Dieu né de Dieu » (Credo), tandis que nous appelons le Père...simplement Dieu. Nous disons aussi que le Seigneur Jésus est « Lumière née de la Lumière », tandis que nous appelons le Père...simplement Lumière. Voilà ce que signifient ces paroles : « Je viens d'auprès de lui. »
Sermons sur l'évangile de Jean, n°31, 3-4 ; CCL 36, 294-295
Jésus, Lumière et Chemin
Le Seigneur a dit brièvement : Moi, je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie. Ces paroles contiennent d'une part un ordre, d'autre part une promesse. Faisons donc ce qu'il a ordonné pour ne pas désirer avec imprudence ce qu'il a promis. Qu'il ne nous dise pas, au jugement : « As-tu fait ce que j'ai commandé, pour que tu réclames ce que j'ai promis ? — Qu'as-tu donc ordonné, Seigneur, notre Dieu ? » Il te le dit : « Suis-moi. » Tu as demandé un conseil de vie. De quelle vie, sinon celle dont il est dit : En toi est la source de vie ? ~ Obéissons donc maintenant, suivons le Seigneur ; brisons les entraves qui nous empêchent de le suivre. Et qui est capable de défaire de tels nœuds sans être aidé par Celui dont il est dit : Tu as brisé mes chaînes ? Celui dont un autre psaume dit : Le Seigneur délie les enchaînés, le Seigneur redresse les accablés .
Ces hommes délivrés et redressés, que vont-ils suivre, sinon cette lumière qui leur dit : Moi, je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres . Car le Seigneur éclaire les aveugles . Soyons donc éclairés, mes frères, en recevant un remède pour les yeux, celui de la foi. Car Jésus a commencé par oindre l'aveugle de naissance avec de la terre et sa salive. Nous-mêmes, du fait d'Adam, nous sommes des aveugles de naissance et nous avons besoin du Christ pour voir clair. Il a mélangé de la salive et de la terre : Le Verbe s'est fait chair, et il a établi sa demeure parmi nous . Il a mélangé la salive et la terre, de là cette prophétie : La vérité germera de la terre ; et lui-même a dit : Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie .
Nous jouirons pleinement de la Vérité, lorsque nous verrons face à face, car nous en avons la promesse. Qui oserait espérer ce que Dieu n'aurait pas daigné promettre ou donner ?
Nous verrons face à face. L'Apôtre dit : Notre connaissance est partielle. Nous voyons actuellement une image obscure dans un miroir ; alors nous verrons face à face. Et saint Jean, dans sa lettre : Bien-aimés, dès maintenant nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. Nous le savons, lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu'il est . Voilà la grande promesse !
Si tu aimes, tu dois suivre. « J'aime, dis-tu, mais par où dois-je suivre ? » Suppose que le Seigneur ton Dieu ait dit : « Moi, je suis la vérité et la vie. » Parce que tu désires la vérité, parce que tu convoites la vie, tu chercherais le chemin pour y parvenir, et tu te dirais : « C'est une belle chose que la vérité, une grande chose que la vie, si je savais comment y parvenir ! » Tu cherches par où ? Tu l'as entendu qui disait en premier lieu : Moi, je suis le Chemin . Avant de te dire « pour où », il a commencé par te dire « par où ». Moi, je suis le Chemin . Le Chemin pour où ? — La Vérité et la Vie . Il t'a dit d'abord par où aller, il t'a dit ensuite où aller. Moi, je suis le Chemin, moi, je suis la Vérité, moi, je suis la Vie. Lui qui demeure auprès du Père, il est la Vérité et la Vie ; en revêtant notre chair, il est devenu le Chemin.
On ne te dit pas : « Donne-toi du mal, cherche le chemin pour parvenir à la vérité et à la vie. » On ne te dit pas cela. Lève-toi, paresseux ; le Chemin en personne vient vers toi, et il t'a éveillé de ton sommeil, si du moins il t'a éveillé : Lève-toi et marche !
Peut-être essaies-tu de marcher, et tu ne peux pas parce que tu as les pieds malades. Pourquoi as-tu les pieds malades ? Peut-être que la cupidité les a forcés à courir dans des terrains accidentés. Mais le Verbe de Dieu a guéri aussi les boiteux. « Eh bien, dis-tu, j'ai les pieds en bon état, mais c'est le chemin que je ne vois pas. » Il a éclairé aussi les aveugles.
COMMENTAIRE DE SAINT AUGUSTIN SUR L'ÉVANGILE DE JEAN
Arrive une femme . Elle représente l'Église ; l'Église qui n'était pas encore justifiée, mais déjà appelée à la justification. Car c'est de cela qu'il est question. Elle arrive sans savoir, elle trouve Jésus, et la conversation s'engage.
Voyons comment, voyons pourquoi arrive une femme de Samarie qui venait puiser de l'eau. Les Samaritains n'appartenaient pas au peuple des Juifs, car à l'origine ils étaient des étrangers. ~ C'est un symbole de la réalité qu'arrive de chez les étrangers cette femme qui était l'image de l'Église, car l'Église devait venir aussi des nations païennes, être étrangère à la descendance des Juifs.
Écoutons-la donc : en elle, c'est nous qui parlons ! Reconnaissons-nous en elle et, en elle, rendons grâce à Dieu pour nous. Elle était la figure, non la vérité ; car elle-même a présenté d'abord la figure, et la vérité est venue. Car elle a cru en celui qui, en elle, nous présentait cette préfiguration. Donc, elle venait puiser de l'eau, tout simplement, comme font ordinairement des hommes ou des femmes.
Jésus lui dit : Donne-moi à boire. (En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter de quoi manger). La Samaritaine lui dit : Comment, toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? En effet, les Juifs ne veulent rien avoir en commun avec les Samaritains.
Vous voyez que c'étaient bien des étrangers : les Juifs n'employaient jamais leurs récipients. Et, parce que cette femme avait emporté une cruche pour puiser l'eau, elle s'étonne de ce qu'un Juif lui demande à boire, ce qui n'était pas la coutume des Juifs. Mais celui qui cherchait à boire avait soif de la foi de cette femme.
Écoute enfin quel est celui qui demande à boire. Jésus lui répondit : Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit : Donne-moi à boire, c'est toi qui lui aurais demandé, et il t'aurait donné de l'eau vive . Il demande à boire, et il promet à boire. Il est dans le besoin, comme celui qui va recevoir, et il est dans l'abondance, comme celui qui va combler. Si tu savais le don de Dieu , dit-il. Le don de Dieu, c'est l'Esprit Saint. Mais Jésus parle encore à cette femme de façon cachée et peu à peu il entre dans son cœur. Peut-être l'instruit-il déjà. Qu'y a-t-il de plus doux et de plus bienveillant que cette invitation : Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit : Donne-moi a boire, c'est peut-être toi qui demanderais, et il te donnerait de l'eau vive . ~
Quelle eau va-t-il lui donner, sinon cette eau dont il est dit : En toi est la source de vie ? Comment auraient-ils soif, ceux qui seront enivrés par les richesses de ta maison ?
Il promettait donc la nourriture substantielle et le rassasiement de l'Esprit Saint, mais la femme ne comprenait pas encore. Et, parce qu'elle ne comprenait pas, que répondait-elle ? La femme lui dit : Seigneur, donne-la moi, cette eau : que je n'aie plus soif, et que je n'aie plus à venir ici pour puiser . Sa pauvreté l'obligeait à peiner, et sa faiblesse refusait cette peine. Elle aurait dû entendre cette parole : Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos ! Jésus lui disait cela pour qu'elle cesse de peiner. Mais elle ne comprenait pas encore.
COMMENTAIRE DE SAINT AUGUSTIN SUR L'ÉVANGILE DE JEAN
« Dieu regarde le cœur » (1S 16,7)
Est-ce que ce pauvre a été reçu par les anges à cause du seul mérite de sa pauvreté ? Et le riche a-t-il été livré aux tourments par la seule faute de sa richesse ? Non : comprenons-le bien, c’est l’humilité qui a été honorée dans le pauvre, et l’orgueil condamné dans le riche.
Voici, en bref, la preuve que ce ne sont pas les richesses mais l’orgueil qui a valu au riche son châtiment. Le pauvre a donc été porté dans le sein d’Abraham ; mais l’Écriture dit d’Abraham qu’il avait beaucoup d’or et d’argent et qu’il était riche sur terre (Gn 13,2). Si tout riche est envoyé dans les tourments, comment Abraham a-t-il pu devancer le pauvre pour le recevoir dans son sein ? C’est qu’Abraham, au milieu de ses richesses, était pauvre, humble, respectueux et obéissant à tous les ordres de Dieu. Il tenait ses richesses pour si peu de choses que, lorsque Dieu le lui a demandé, il a accepté d’offrir en sacrifice son fils à qui il destinait ces richesses (Gn 22,4).
Apprenez donc à être pauvres et dans le besoin, soit que vous possédiez quelque chose en ce monde, soit que vous ne possédiez rien. Car on trouve des mendiants remplis d’orgueil et des riches qui confessent leurs péchés. « Dieu résiste aux orgueilleux », qu’ils soient couverts de soie ou de haillons, « mais il donne sa grâce aux humbles » (Jc 4,6), qu’ils possèdent ou non les biens de ce monde. Dieu regarde l’intérieur ; c’est là qu’il pèse, là qu’il examine.
Les Discours sur les psaumes, Ps 85 ; CCL 39, 1178 (trad. Orval rev.)
Le psalmiste dit : « Tout mon désir est devant toi » (Ps 37,10). Non pas devant les hommes, qui ne peuvent pas voir le cœur ; si tout ton désir est devant le Père, lui « qui voit l’invisible, il te le revaudra » (Mt 6,4). Car ton désir, c’est ta prière : si le désir est continuel, la prière est continuelle. Ce n’est pas pour rien que l’apôtre Paul a dit : « Priez sans relâche » (1Th 5,17). Peut-il le dire parce que, sans relâche, nous fléchissons le genou, nous prosternons notre corps, ou nous élevons les mains ? Si nous disons que c’est là notre prière, je ne crois pas que nous puissions le faire sans relâche.
Il y a une autre prière, intérieure, qui est sans relâche : c’est le désir. Que tu te livres à n’importe quelle autre occupation, si tu désires ce repos du sabbat, tu ne cesses pas de prier. Si tu ne veux pas cesser de prier, ne cesse pas de désirer… Tu ne te tairas que si tu cesses d’aimer. Quels sont ceux qui se sont tus ? Ceux dont il est dit : « À cause de l’ampleur du mal, la charité de beaucoup se refroidira » (Mt 24,12). La charité qui se refroidit, c’est le cœur qui se tait ; la charité qui brûle, c’est le cœur qui crie. Si la charité « dure toujours » (1Co 13,8), tu cries toujours ; si tu cries toujours, tu désires toujours ; si tu désires, c’est au repos que tu penses.
« Tout mon désir est devant toi…, et mon soupir ne t’est pas caché »… S’il y a désir, il y a gémissement ; il ne parvient pas toujours aux oreilles des hommes, mais il ne cesse jamais de frapper les oreilles de Dieu.
Les Discours sur les psaumes, Ps 37 (trad. bréviaire 3e ven. Avent)
Dans le Christ, c'est nous qui sommes tentés.
Entends ma plainte, Seigneur, écoute ma prière . Qui donc parle ? Il semble que ce soit un seul homme. Regarde si c'est un seul : Des extrémités de la terre, je crie vers toi, parce que mon cœur est angoissé . Il n'est donc plus un seul désormais ; mais il est un seul parce que le Christ est unique, et pourtant nous sommes tous ses membres. Car, est-ce qu'un seul homme crie des extrémités de la terre ? Ce qui crie des extrémités de la terre ne peut être que cet héritage au sujet duquel le Père a entendu cette parole : Demande, et je te donne les nations en héritage, les extrémités de la terre pour domaine .
Ce domaine du Christ, cet héritage du Christ, ce corps du Christ, cette unique Église du Christ, cette unité que nous sommes, c'est elle qui crie des extrémités de la terre . Mais que crie-t-elle ? Ce que j'ai dit tout à l'heure : Entends ma plainte, Seigneur, écoute ma prière ; des extrémités de la terre, je crie vers toi . J'ai crié cela vers toi des extrémités de la terre , c'est-à-dire de partout.
Mais pourquoi ai-je crié cela ? Parce que mon cœur est angoissé . Le corps du Christ montre qu'il est, à travers toutes les nations, sur toute la terre, non pas dans une grande gloire, mais dans une grande épreuve.
Dans son voyage ici-bas, notre vie ne peut pas échapper à l'épreuve de la tentation, car notre progrès se réalise par notre épreuve ; personne ne se connaît soi-même sans avoir été éprouvé, ne peut être couronné sans avoir vaincu, ne peut vaincre sans avoir combattu, et ne peut combattre s'il n'a pas rencontré l'ennemi et les tentations.
Il est donc angoissé, celui qui crie des extrémités de la terre, mais il n'est pas abandonné. Car le Christ a voulu nous préfigurer, nous qui sommes son corps, dans lequel il est mort, est ressuscité et monté au ciel ; c'est ainsi que la Tête a pénétré la première là où les membres sont certains de pouvoir la suivre.
Il nous a donc transfigurés en lui, quand il a voulu être tenté par Satan. On lisait tout à l'heure dans l'évangile que le Seigneur Jésus Christ, au désert, était tenté par le diable. Parfaitement ! Le Christ était tenté par le diable ! Dans le Christ, c'est toi qui étais tenté, parce que le Christ tenait de toi sa chair, pour te donner le salut ; tenait de toi la mort, pour te donner la vie ; tenait de toi les outrages, pour te donner les honneurs ; donc il tenait de toi la tentation, pour te donner la victoire.
Si c'est en lui que nous sommes tentés, c'est en lui que nous dominons le diable. Tu remarques que le Christ a été tenté, et tu ne remarques pas qu'il a vaincu ? Reconnais que c'est toi qui es tenté en lui ; et alors reconnais que c'est toi qui es vainqueur en lui. Il pouvait écarter de lui le diable ; mais, s'il n'avait pas été tenté, il ne t'aurait pas enseigné, à toi qui dois être soumis à la tentation, comment on remporte la victoire.
HOMÉLIE DE SAINT AUGUSTIN SUR LE PSAUME 60
La passion du Christ est celle de tout son Corps.
Seigneur, j'ai crié vers toi, écoute-moi ! Nous pouvons tous dire cela. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Christ total qui le dit. Mais cela est dit davantage au nom de son corps ; car, lorsqu'il était ici-bas, il a prié en portant notre chair, et c'est au nom de son corps qu'il a prié son Père. Tandis qu'il priait, de grosses gouttes de sang sortaient de tout son corps. C'est ce qui est écrit dans l'Évangile : Jésus priait avec plus d'insistance et il eut une sueur de sang . Ce sang qui jaillit de tout le corps, n'est-ce pas la souffrance des martyrs, qui appartient à toute l'Église ? Seigneur, je crie vers toi, écoute-moi ! Entends la voix de ma prière quand je crierai vers toi . Tu croyais avoir fini de crier, quand tu disais : Seigneur, j ai crié vers toi . Tu as crié, mais ne t'apaise pas encore. Si la détresse est finie, c'en est fini de crier ; mais si la détresse de l'Église et du corps du Christ se maintient jusqu'à la fin du monde, il ne faut pas dire seulement : J'ai crié vers toi, écoute-moi , mais aussi : Entends la voix de ma prière quand je crierai vers toi.
Que ma prière, devant toi, s'élève comme un encens, et mes mains, comme le sacrifice du soir . Tout chrétien reconnaît que cela s'entend habituellement de son chef en personne. En effet, tandis que le jour déclinait, vers le soir, le Seigneur sur la croix donna sa vie pour la reprendre ; il ne l'a pas perdue contre sa volonté.
Cependant, nous sommes représentés là aussi. Qu'est-ce qui a été cloué au gibet, sinon ce que le Seigneur a reçu de nous ? Et comment peut-il se faire que Dieu le Père délaisse et abandonne son Fils unique, qui n'est avec lui qu'un seul Dieu ? Cependant, en fixant notre faible nature sur la croix, puisque, selon l'Apôtre, l'homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec lui , c'est par la voix de cet homme qui est en nous qu'il a crié : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?
Voilà donc ce qui est le sacrifice du soir : la passion du Seigneur, la croix du Seigneur, l'oblation de la victime de notre salut, l'holocauste agréé par Dieu. Ce sacrifice du soir, il en a fait, par sa résurrection, l'offrande du matin. La prière qui s'élève, dans sa pureté, du cœur fidèle, est comme l'encens qui monte de l'autel. Rien n'est plus délectable que ce parfum du Seigneur, et tous ceux qui croient doivent en être imprégnés.
Donc, l'homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec lui . Telles sont les paroles de l'Apôtre. Et il ajoute : pour que ce corps du péché soit réduit à l'impuissance, et qu'ainsi nous ne soyons plus esclaves du péché.
HOMÉLIE DE SAINT AUGUSTIN SUR LE PSAUME 140
« Je connaîtrai comme je suis connu ».
Je te connaîtrai , ô toi qui me connais, je te connaîtrai comme je suis connu de toi . Tu es la vie de mon âme ; pénètre donc en elle, modèle-la à ton image qu'elle soit sans tache ni ride pour que tu l'habites et la possèdes entièrement. Telle est mon espérance, voilà pourquoi je parle, et cette espérance fait ma joie, quand ma joie est saine. Quant aux autres biens de cette vie, plus on les pleure, moins ils méritent d'être pleurés ; moins on pleure sur eux, plus ils méritent d'être pleurés.
Voici que tu as aimé la vérité , puisque celui qui fait la vérité vient à la lumière . Je veux donc la faire devant toi, dans mon cœur, par cette « confession », et devant de nombreux témoins par ce livre.
Du reste, Seigneur, le gouffre de la conscience humaine est à découvert devant tes yeux : qu'est-ce qui pourrait donc demeurer caché en moi, même si je ne voulais pas te le confesser ? C'est toi que je cacherais à moi-même, sans pouvoir me cacher à toi. Et maintenant, si mon gémissement témoigne que je me déplais, c'est toi qui m'illumines, qui me plais, que j'aime et que je désire ; de sorte que j'ai honte de moi, je me rejette moi-même pour te préférer ; je ne veux plaire ni à tes yeux ni aux miens, sinon pour toi.
Je suis donc à découvert devant toi, Seigneur, quel que je sois. Et je t'ai dit le fruit que je recherche en te faisant ma confession. Je ne la fais pas avec des sons et des paroles sensibles, mais avec ces paroles de l'âme, cette clameur de la pensée qui atteignent ton oreille. Quand je suis mauvais, ma confession envers toi consiste dans le déplaisir que je me donne ; lorsque je suis bon, la confession que je t'adresse consiste à ne pas m'attribuer ce bien, puisque c'est toi, Seigneur, qui bénis le juste ; mais auparavant, c'est toi qui en avais fait un homme juste, alors qu'il était un impie . Ainsi ma confession, telle que je la fais devant toi, mon Dieu, est silencieuse et ne l'est pas. Elle est silencieuse quant aux paroles, mais elle crie du fond du cœur. ~
C'est toi, Seigneur, qui me juges. Certes, personne, parmi les hommes, ne sait ce qu'il y a dans l'homme, sinon l'esprit de l'homme qui est en lui . Cependant, il y a dans l'homme quelque chose que l'esprit de l'homme lui-même, qui est en lui, ne sait pas. Mais toi, Seigneur, tu sais tout de lui, puisque tu l'as créé. Quant à moi, bien que, devant ton regard, je me méprise et me juge terre et poussière, je sais pourtant de toi quelque chose que j'ignore de moi-même. Nous voyons actuellement une image obscure dans un miroir et non pas encore face à face . C'est pourquoi, tandis que je suis en exil loin de toi , je suis plus près de moi que de toi. Cependant, je sais que nulle violence ne peut t'atteindre, tandis que, pour moi, j'ignore à quelles tentations je suis capable de résister ou non. Mais voici mon espérance : Tu es fidèle et tu ne permets pas que nous soyons tentés au-delà de nos forces. Avec la tentation, tu nous donnes aussi le moyen d'en sortir et la force de la supporter .
Je vais donc confesser ce que je sais de moi, je vais confesser aussi ce que je ne sais pas de moi. Ce que je sais de moi, je le sais à ta lumière ; et ce que je ne sais pas de moi, je l'ignorerai jusqu'à ce que mon obscurité devienne la lumière de midi sous ton regard.
DES CONFESSIONS DE SAINT AUGUSTIN
Le désir élargit notre cœur.
Quelle est la promesse qui nous a été faite ? Nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu'il est . La parole s'est exprimée comme elle a pu ; le reste, c'est au cœur de le comprendre. Alors que saint Jean lui-même s'exprime, comme il peut par rapport à Celui qui est, que pourrions-nous dire, nous qui sommes si loin d'égaler ses mérites ?
Revenons donc à cette onction du Christ, revenons à cette onction qui nous enseigne intérieurement ce que nous ne pouvons pas exprimer ; et puisque vous ne pouvez pas voir maintenant, que votre activité se contente de désirer. Toute la vie du vrai chrétien est un saint désir. Sans doute, ce que tu désires, tu ne le vois pas encore : mais en le désirant tu deviens capable d'être comblé lorsque viendra ce que tu dois voir.
Supposons que tu veuilles remplir une sorte de poche et que tu saches les grandes dimensions de ce qu'on va te donner, tu élargis cette poche, que ce soit un sac, une outre, ou n'importe quoi de ce genre. Tu sais l'importance de ce que tu vas y mettre, et tu vois que la poche est trop resserrée : en l'élargissant, tu augmentes sa capacité. C'est ainsi que Dieu, en faisant attendre, élargit le désir ; en faisant désirer, il élargit l'âme ; en l'élargissant, il augmente sa capacité de recevoir.
Nous devons donc désirer, mes frères, parce que nous allons être comblés. Voyez saint Paul, élargissant son désir pour être capable de recevoir ce qui doit venir. Il dit en effet : Certes, je ne suis pas encore arrivé, je ne suis pas encore parfait. ~ Frères, je ne pense pas avoir déjà saisi le Christ.
Que fais-tu alors en cette vie, si tu ne l'as pas encore saisi ? — Une seule chose compte : Oubliant ce qui est en arrière et tendu vers l'avant, je suis mon élan vers le triomphe auquel je suis appelé de là-haut . Il dit qu'il est tendu et qu'il suit son élan. Il se sentait incapable de saisir ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce que le cœur de l'homme n'a pu concevoir .
Voilà notre vie : nous exercer en désirant. Le saint désir nous exerce d'autant plus que nous avons détaché nos désirs de l'amour du monde. Nous l'avons déjà dit à l'occasion : vide ce qui doit être rempli. Ce qui doit être rempli par le bien, il faut en vider le mal.
Suppose que Dieu veut te remplir de miel : si tu es rempli de vinaigre, où mettras-tu ce miel ? Il faut répandre le contenu du vase il faut nettoyer le vase lui-même il faut le nettoyer à force de travailler, à force de frotter, pour qu'il soit capable de recevoir autre chose.
Parlons de miel, d'or ou de vin : nous pouvons désigner de n'importe quel nom ce qui est indicible, mais son vrai nom est Dieu. Et quand nous disons « Dieu », que disons nous ? Ce mot désigne tout ce que nous attendons. Tout ce que nous pouvons dire est en dessous de la réalité ; élargissons-nous, en nous portant vers lui, afin qu'il nous comble, quand il viendra. Nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est.
SERMON DE SAINT AUGUSTIN SUR LA 1ère LETTRE DE JEAN
L'évangile qui vient d’être lu nous invite a chercher quelle est cette moisson dont le Seigneur nous dit : « La moisson est abondante, les ouvriers peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson ». C’est alors qu'il a envoyé, en plus des douze disciples qu'il a appelé apôtres (« envoyés »), soixante-douze autres personnes. Tous, comme on le voit d'après ses propres paroles, il les a envoyés travailler à une moisson déjà préparée. A quelle moisson ? Ils n'allaient pas moissonner chez les païens, où rien n'avait été semé. Il faut donc penser que la moisson avait lieu au milieu des juifs ; c'est pour moissonner là qu'est venu le maître de
Le Seigneur n'a-t-il pas déclaré à ses disciples : « Vous dites que l'été est encore loin. Levez les yeux et regardez les champs, ils sont blancs pour la moisson » (Jn 4,35). Il a dit encore : « D'autres ont pris de la peine, et vous, vous profitez de leurs travaux » (v. 38). Abraham, Isaac, Jacob, Moïse et les prophètes ont pris de la peine ; ils ont peiné pour semer le grain. A son avènement, le Seigneur a trouvé la moisson mûre, et il a envoyé les moissonneurs avec la faux de l'Evangile.
Sermon 101 ; PL 38, 605s (trad. Luc commenté, DDB 1987, p. 73 et Delhougne p. 417)
Le Christ nous appelle à voir la lumière sur nous-même
Averti par mes lectures à faire un retour sur moi-même, je suis entré dans le fond de mon coeur, sous ta conduite. Je l’ai pu parce que tu t’es fait mon soutien. J'y suis entré, et j’ai vu, de je ne sais quel oeil, plus haut que ma pensée, une lumière immuable. Ce n'était pas la lumière ordinaire que perçoivent les yeux du corps, ni une lumière du même genre mais plus puissante, plus éclatante, remplissant tout de son immensité. Non, ce n'était pas cela, mais une lumière différente, très différente de tout cela.
Elle n'était pas non plus au-dessus de ma pensée comme l'huile surnage au-dessus de l'eau, ni comme le ciel s'étend au-dessus de
Quand j’ai commencé à te connaître, tu m’as élevé vers toi pour me montrer que j'avais encore bien des choses à comprendre et combien j'en étais encore incapable. Tu m'as fait voir la faiblesse de mes regards, en lançant sur moi ta splendeur, et j'ai frémi d'amour et d'effroi. J’ai découvert que j’étais loin de toi, dans la région de la dissemblance, et ta voix me venait, comme des hauteurs : « Je suis le pain des grands ; grandis, et tu me mangeras. Et ce n'est pas toi qui me changeras en toi, comme cela se passe pour la nourriture de ta chair ; mais toi, tu seras changé en moi ».
Confessions, VII, 10
La récompense, c'est la vie éternelle
Les justes venus au monde au début, comme Abel et Noé, ont été, pour ainsi dire, appelés à la première heure, et ils obtiendront le bonheur de la résurrection en même temps que nous. D'autres justes venus après eux, Abraham, Isaac, Jacob et tous ceux qui vivaient à leur époque, ont été appelés à la troisième heure, et ils obtiendront le bonheur de la résurrection en même temps que nous. Il en ira de même pour ces autres justes Moïse, Aaron et tous ceux qui ont été appelés avec eux à la sixième heure ; puis les suivants, les saints prophètes, appelés à la neuvième heure, goûteront le même bonheur que nous.
À la fin du monde, les chrétiens, qui sont comme appelés à la onzième heure, recevront avec eux le bonheur de
Quand il s'agira de recevoir la récompense, nous serons tous à égalité, les premiers comme s'ils étaient les derniers, et les derniers comme s'ils étaient les premiers. Parce que la pièce d'argent, c'est la vie éternelle.
Sermon 87,1.4-6 ; PL 38, 530-533
« Sur le rivage...on ramasse ce qui est bon »
« Il jugera le monde avec justice, et les peuples selon sa vérité. » (Ps 95,13) Quelle justice et quelle vérité ? Il rassemblera auprès de lui ses élus (Mc 13,27) ; les autres, il les séparera, car il mettra ceux-ci à sa droite, et ceux-là à sa gauche (Mt 25,33). Qu'y aura-t-il de plus juste, de plus vrai que cela ? Ils n'attendront pas du juge la miséricorde, ceux qui n'ont pas voulu exercer la miséricorde avant la venue du juge. Ceux qui ont voulu exercer la miséricorde seront jugés avec miséricorde (Lc 6,37). Car il dira à ceux qu'il aura mis à sa droite : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la création du monde ». Et il leur attribue des actes de miséricorde : « J'avais faim, et vous m'avez donné à manger ; j'avais soif, et vous m'avez donné à boire », et toute la suite (Mt 25,31s)...
Parce que tu es injuste, le juge ne sera pas juste ? Parce qu'il t'arrive de mentir, la vérité ne sera pas véridique ? Si tu veux rencontrer un juge miséricordieux, sois miséricordieux avant qu'il vienne. Pardonne, si l'on t'a offensé ; donne les biens que tu possèdes en abondance... Donnes ce que tu tiens de lui : « Que possèdes-tu que tu n'aies reçu ? » (1Co 4,7) Voilà les sacrifices qui sont très agréables à Dieu : miséricorde, humilité, reconnaissance, paix, charité. Si c'est cela que nous apportons, nous attendrons avec assurance l'avènement du juge, lui qui « jugera le monde avec justice, et les peuples selon sa vérité ».
Discours sur le Psaume 95, 14-15 (trad. bréviaire)
« Des jours viendront où l’Epoux leur sera enlevé ; alors ils jeûneront. » Puisque l'Epoux nous a été enlevé, c'est pour nous le temps de la tristesse et des pleurs. Cet Epoux « est plus beau que tous les enfants des hommes ; la grâce est répandue sur ses lèvres » (Ps 44,3) et pourtant, sous la main de ses bourreaux, il a perdu tout éclat, toute beauté, et il a été retranché de la terre des vivants (Is 53,2.8). Or notre deuil est juste si nous brûlons du désir de le voir. Heureux ceux qui, avant sa Passion, ont pu jouir de sa présence, l’interroger comme ils le voulaient et l’écouter comme il se devait… Quant à nous, nous voyons maintenant l’accomplissement de ce qu’il a dit : « Le temps viendra où vous désirerez voir un des jours du Fils de l’homme, et vous ne le verrez pas » (Lc 17,22)…
Qui ne dirait pas avec le roi prophète : « Mes larmes sont devenues ma nourriture jour et nuit, pendant qu'on me dit sans cesse : ‘ Où est ton Dieu ? ’ » (Ps 41,4) Nous croyons en lui sans doute, assis déjà à la droite du Père, mais tant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons loin de lui (2Co 5,6), et nous ne pouvons pas le montrer à ceux qui doutent de son existence, et même qui la nient en disant : « Où est ton Dieu ? »…
« Encore un peu de temps, disait le Seigneur à ses disciples, et vous ne me verrez plus, et encore un peu de temps et vous me verrez » (Jn 16,19). Maintenant, c’est l'heure dont il a dit : « Vous serez dans la tristesse, mais le monde sera dans la joie… Mais, ajoute-t-il, je vous verrai de nouveau et votre coeur se réjouira, et nul ne vous enlèvera votre joie » (v. 20). L’espérance que nous donne ainsi celui qui est fidèle dans ses promesses ne nous laisse pas, dès maintenant, sans quelque joie -- jusqu'à ce que vienne la joie surabondante du jour où nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est (1Jn 3,2)… « Une femme qui enfante, dit notre Seigneur, est dans la peine, parce que son heure est venue. Mais, quand l’enfant est né, elle éprouve une grande joie, parce qu'un être humain est venu dans le monde » (Jn 16,21). C'est cette joie que personne ne pourra nous enlever, et dont nous serons comblés lorsque nous passerons de la conception présente de la foi à la lumière éternelle. Jeûnons donc maintenant, et prions, puisque nous sommes encore au jour de l’enfantement.
Sermon 210 (trad. En Calcat rev.)
« Il faut qu’il grandisse et que moi je diminue » (Jn 3,30)
La naissance de Jean et celle de Jésus, puis leurs Passions, ont marqué leur différence. Car Jean naît lorsque le jour commence à diminuer ; le Christ, lorsque le jour se met à croître. La diminution du jour pour l'un est le symbole de sa mort violente. Son accroissement pour l'autre, l'exaltation de la croix.
Il y a aussi un sens secret que le Seigneur révèle…par rapport à ce mot de Jean sur Jésus Christ : « Il faut qu'il croisse et que moi je diminue ». Toute la justice humaine…avait été consommée en Jean ; de lui la Vérité disait : « Parmi les enfants des femmes, il n'en est point surgi de plus grand que Jean Baptiste » (Mt 11,11). Nul homme, donc, n'aurait pu le dépasser ; mais il n'était qu'un homme. Or, en notre grâce chrétienne, on nous demande de ne pas nous glorifier dans l'homme, mais « si quelqu'un se glorifie, qu'il se glorifie dans le Seigneur » (2Co 10,17) : homme, en son Dieu ; serviteur, en son maître. C’est pour cette raison que Jean s'écrie : « Il faut qu'il croisse et que moi je diminue. » Bien sûr Dieu n'est ni diminué ni augmenté en soi, mais chez les hommes, au fur et à mesure que progresse la vraie ferveur, la grâce divine croît et la puissance humaine diminue, jusqu'à ce que parvienne à son achèvement la demeure de Dieu, qui est en tous les membres du Christ, et où toute tyrannie, toute autorité, toute puissance sont mortes, et où Dieu est tout en tous (Col 3,11).
Jean l'évangéliste dit : « Il y avait la vraie lumière, qui éclaire tout homme venant en ce monde » (1,9) ; Jean-Baptiste, lui, dit : « Nous avons tous reçu de sa plénitude » (Jn 1,16). Lorsque la lumière, qui est en elle-même toujours totale, s'accroît néanmoins en celui qui en est illuminé, celui-là est diminué en lui-même lorsque s'abolit en lui ce qui était sans Dieu. Car l'homme, sans Dieu, ne peut rien que pécher, et sa puissance humaine diminue lorsque triomphe la grâce divine, destructrice du péché. La faiblesse de la créature cède à la puissance du Créateur et la vanité de nos affections égoïstes s'effondre devant l'universel amour, tandis que Jean Baptiste du fond de notre détresse, nous crie la miséricorde de Jésus Christ : « Il faut que lui grandisse et que moi je diminue ».
Sermon pour la naissance de Jean Baptiste ; Mai 109 ; PLS II, 497 (trad. Quéré in L’Année en fêtes, Migne 2000, p. 507 rev.)
« Faites-vous des trésors dans le ciel »
Toi, qu'es-tu ? riche ou pauvre ? Beaucoup me disent : je suis pauvre, et ils disent vrai. Je vois des pauvres qui possèdent quelque chose ; j'en vois qui sont complètement indigents. Mais en voici un chez qui abondent l'or et l'argent -- oh ! s'il savait combien il est pauvre ! Il le reconnaîtra s'il regarde le pauvre qui est près de lui. D'ailleurs quelle que soit ton opulence, toi qui es riche, tu n'es qu'un mendiant à la porte de Dieu.
Voici l'heure de la prière… Tu fais des demandes ; la demande n’est-elle pas un aveu de ta pauvreté ? En effet, tu dis : « Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour ». Toi donc qui demandes ton pain quotidien, es-tu riche ou pauvre ? Et pourtant le Christ ne craint pas de te dire : « Donne-moi ce que je t'ai donné. De fait, qu'as-tu apporté en venant en ce monde ? Tout ce que tu as trouvé dans la création, c'est moi qui l'ai créé. Tu n'as rien apporté, tu n'emporteras rien. Pourquoi ne me donnes-tu pas de ce qui est mien ? Tu es dans l'abondance et le pauvre dans le besoin, mais remontez au commencement de votre existence : tous deux vous êtes nés complètement nus. Même toi, tu es né nu. Ensuite tu as trouvé ici-bas de grands biens ; mais aurais-tu par hasard apporté quelque chose avec toi ? Je demande donc ce que j'ai donné ; donne et je te rendrai.
« Tu m'as eu pour bienfaiteur ; rends-moi ton débiteur, à un taux élevé… Tu me donnes peu, je te rendrai beaucoup. Tu me donnes les biens de ce monde, je te rendrai les trésors du ciel. Tu me donnes des richesses temporelles, je t'établirai sur des possessions éternelles. Je te rendrai à toi, quand j’aurai pris possession de toi ».
Sermon 123
Aimer Dieu, son prochain et soi-même
Celui qui n’aime pas son frère n’est pas dans l'amour, et celui qui n'est pas dans l'amour n’est pas en Dieu, car « Dieu est amour » (1Jn 4,8).
En outre, celui qui n'est pas en Dieu n'est pas dans la lumière, car « Dieu est lumière, il n'y a pas de ténèbres en lui » (1Jn 1,5). Celui donc qui n'est pas dans la lumière, quoi d'étonnant qu'il ne voie pas la lumière, autrement dit, qu'il ne voie pas Dieu, puisqu'il est dans les ténèbres ? Il voit son frère d'une vue humaine, qui ne permet pas de voir Dieu. Mais si ce frère qu'il voit d'une vue humaine, il l'aimait d'un amour spirituel, il verrait Dieu qui est l’amour même, de cette vue intérieure qui permet de le voir…
Qu'il ne soit plus question de savoir combien de charité nous devons à notre frère, combien à Dieu : incomparablement plus à Dieu qu'à nous, autant à nos frères qu'à nous-mêmes ; or nous nous aimons d'autant plus nous-mêmes que nous aimons Dieu davantage. C'est donc d'une seule et même charité que nous aimons Dieu et le prochain, mais nous aimons Dieu pour lui-même, nous et le prochain pour Dieu.
De Trinitate, 8,12 ; PL 42, 958 (trad. Orval)
« Sois le pasteur de mes brebis »
Le Seigneur demande à Pierre s'il l'aime, ce qu'il savait déjà ; et il le lui demande non pas une fois, mais deux et même trois. Et chaque fois Pierre répond qu'il l'aime ; et chaque fois Jésus lui confie le soin de faire paître ses brebis. A son triple reniement répond ici une triple affirmation d'amour. Il faut que sa langue serve son amour, comme elle a servi sa peur ; il faut que sa parole témoigne aussi clairement devant la vie qu'elle l'a fait devant
Il devient évident que ceux qui s'occupent des brebis du Christ avec l'intention d'en faire leurs brebis plutôt que celles du Christ ont de l'affection pour eux au lieu d'en avoir pour le Christ. C'est le désir de la gloire, de la domination ou du profit qui les conduit, et non le désir aimant d'obéir, de secourir et de plaire à Dieu. Cette parole trois fois répétée par le Christ condamne ceux que l'apôtre Paul gémit de voir chercher leurs intérêts plutôt que ceux de Jésus Christ (Ph 2,21). Que signifient, en effet, ces paroles : « M'aimes-tu ? Pais mes brebis » ? C'est comme s'il disait : Si tu m'aimes, ne t'occupe pas de toi, mais de mes brebis ; regarde-les non comme les tiennes, mais comme les miennes ; en elles, cherche ma gloire, et non la tienne ; mon pouvoir, et non le tien ; mes intérêts, et non les tiens... Ne nous préoccupons donc pas de nous-mêmes; aimons le Seigneur et, en nous occupant de ses brebis, recherchons l'intérêt du Seigneur sans nous inquiéter du nôtre.
Sermons sur saint Jean, 122, 2-4 ; 123, 5 (Véricel, L'Evangile commenté, p. 350-351)
« Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres »
« Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres »… Celui qui écoute ce commandement, ou plutôt qui y obéit, est renouvelé non par n'importe quel amour mais par celui que le Seigneur a précisé en ajoutant, afin de le distinguer de l’affection purement naturelle : « Comme je vous ai aimés »... « Tous les membres du corps ont souci les uns des autres. Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est à l'honneur, tous les membres se réjouissent avec lui » (1Co 12,25-26). Ils entendent, en effet, et ils observent cette parole : « Je vous donne un commandement nouveau, c'est de vous aimer les uns les autres », non pas comme font les débauchés, ni ceux qui s'aiment simplement parce qu'ils ont une même nature, mais comme s'aiment ceux qui sont tous « des dieux » (Jn 10,35) et « les fils du Très-Haut » (Lc 6,35), pour devenir ainsi les frères de son Fils unique. Ceux-là s'aiment les uns les autres parce que lui-même les a aimés, pour les conduire à la fin qui les comblera, là où leur désir pourra se rassasier de tous les biens. En effet, tous les désirs seront comblés lorsque Dieu sera « tout en tous » (1Co 15,28)…
Celui qui aime son prochain d’un amour pur et spirituel, qu’aimera-t-il en lui si ce n’est Dieu ? C’est cet amour que le Seigneur veut séparer de l’affection purement naturelle lorsqu’il ajoute : « Comme je vous ai aimés ». Qu’est-ce qu’il a aimé en nous, si ce n’est Dieu ? Non pas Dieu tel que nous le possédons déjà mais tel qu’il veut que nous le possédions là où « Dieu sera tout en tous ». Le médecin aime ses malades à cause de la santé qu’il veut leur donner, non à cause de la maladie. « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ». C'est pour cela qu'il nous a aimés : afin qu'à notre tour nous nous aimions les uns les autres.
Homélies sur St Jean, n° 65 (trad. cf. bréviaire)
« Quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu »
Nathanaël était assis sous un figuier, comme à l'ombre de
Est-ce nous, en effet, qui avons cherché Jésus Christ les premiers ? N'est-ce pas lui au contraire qui nous a cherchés le premier ? Est-ce nous, pauvres malades, qui sommes venus au-devant du médecin ? N'est-ce pas plutôt le médecin qui est venu trouver les malades ? Est-ce que la brebis ne s'était pas égarée avant que le pasteur, laissant les quatre-vingt-dix-neuf autres, se soit mis à sa recherche, l'ait trouvée et rapportée plein de joie sur ses épaules ? (Lc 15,4). La pièce d’argent n’était-elle pas perdue avant que la femme allume une lampe et la cherche dans toute sa maison jusqu'à ce qu'elle l'ait trouvée ? (Lc 15,8)… Notre pasteur a retrouvé sa brebis, mais il a commencé par la chercher ; comme cette femme, il a retrouvé sa pièce d’argent, mais seulement après l'avoir cherchée. Nous avons donc été cherchés, et c'est seulement après avoir été trouvés que nous pouvons parler ; loin de nous donc tout sentiment d'orgueil. Nous étions perdus sans retour, si Dieu ne nous avait pas cherchés pour nous retrouver.
Sermons sur St Jean, n° 7
« Une femme appelée Marthe reçut Jésus dans sa maison »
« Tout ce que vous avez fait pour l'un de ces petits qui sont à moi, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25,40)... Voilà pour toi, Marthe, une parole apaisante. Tu es bénie dans ton service, et tu auras comme récompense le repos que tu désires. Maintenant tu es occupée par mille soins : tu donnes la nourriture nécessaire à la vie mortelle des hommes, même s'il s'agit des saints. Mais lorsque tu seras parvenue dans la patrie qui est au bout de notre route, trouveras-tu des étrangers à recevoir, des affamés à qui donner à manger, des assoiffés à qui donner à boire, des malades à visiter, des querelleurs à réconcilier, des morts à ensevelir ? Il n'y aura plus rien de tout cela.
Qu'est-ce que nous y trouverons ? Là-haut tu trouveras ce que Marie a choisi, car là-haut nous serons nourris sans devoir donner à manger. Là-haut s'accomplira parfaitement ce que Marie a choisi ici-bas quand elle ne ramassait que les miettes qui tombaient de l'abondance de la table du Verbe de Dieu. Veux-tu savoir ce qu'il y aura là-haut ? Le Seigneur le dit quand il parle de ses serviteurs : « En vérité, je vous le dis : le maître les fera s'asseoir à table, et passant de l'un à l'autre, il les servira » (Lc 12,37).
Sermon 103, 1.5 ; PL 38, 613 (trad. cf bréviaire 29/07)
« L'homme qui donne aux pauvres à pleines mains demeure juste pour toujours » (Ps 111,9)
Saint Laurent était diacre à Rome. Les persécuteurs de l'Église lui demandaient de livrer les trésors de l'Église ; c'est pour obtenir un vrai trésor dans le ciel qu'il a souffert des tourments dont on ne peut entendre le récit sans horreur : il a été étendu sur un gril sur un feu... Cependant, il a triomphé de toutes les douleurs physiques par la force extraordinaire qu'il puisait dans sa charité et dans le secours de Celui qui le rendait inébranlable : « C'est Dieu qui nous a faits, il nous a créés en Jésus Christ, pour que nos actes soient vraiment bons, conformes à la voie que Dieu a tracée pour nous et que nous devons suivre » (Ep 2,10).
Voici ce qui a provoqué la colère des persécuteurs... Laurent a dit : « Faites venir avec moi des chariots sur lesquels je puisse vous apporter les trésors de l'Église. » On lui a donné des chariots ; il les a chargés de pauvres et les a fait revenir, en disant : « Voici les trésors de l'Église. »
Rien n'est plus vrai, mes frères ; dans les besoins des pauvres se trouvent les grandes richesses des chrétiens, si nous comprenons bien comment faire fructifier ce que nous possédons. Les pauvres sont toujours devant nous ; si nous leur confions nos trésors, nous ne les perdrons pas.
Sermon 302, pour la fête de saint Laurent
« Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi »
Nous trouvons dans l’Évangile trois morts ressuscités visiblement par le Seigneur, mais des milliers invisiblement… La fille du chef de la synagogue (Mc 5,22s), le fils de la veuve de Naïm et Lazare (Jn 11)…sont le symbole des trois sortes de pécheurs que le Christ ressuscite aujourd’hui encore. La jeune fille était encore dans la maison de son père…; le fils de la veuve de Naïm n’était plus dans la maison de sa mère, mais pas encore dans le tombeau…; Lazare était enseveli…
Il y a donc des gens dont le péché reste dans le cœur, mais qui ne l’ont pas commis en acte… Ils ont consenti au péché, le mort est à l’intérieur de l’âme, il n’est pas encore transporté au-dehors. Or, il arrive souvent…que des hommes fassent cette expérience en eux-mêmes : après avoir entendu la parole de Dieu, le Seigneur semble leur dire : « Lève-toi. » Ils condamnent le consentement qu’ils ont donné au mal, et ils reprennent souffle pour vivre dans le salut et la justice… D’autres, après le consentement, vont jusqu’à l’acte ; ils transportent le mort qui était caché dans le secret de leur demeure et l’exposent devant tous. Faut-il désespérer d’eux ? Le Sauveur n’a-t-il pas dit à ce jeune homme : « Je te l’ordonne, lève-toi » ? Ne l’a-t-il pas rendu à sa mère ? Il en est ainsi de celui qui a agi de la sorte : s’il est touché et remué par la parole de vérité, il ressuscite à la voix du Christ, il est rendu à la vie. Il a pu faire un pas de plus dans la voie du péché, mais il n’a pas pu périr pour toujours.
Quant à ceux qui s’enchaînent dans des habitudes mauvaises au point de leur ôter même la vue du mal qu’ils commettent, ils entreprennent de défendre leurs actes mauvais, ils s’irritent quand on les leur reproche… Ceux-là, écrasés sous le poids de l’habitude du péché, sont comme ensevelis dans le tombeau… Cette pierre placée sur le sépulcre, c’est la force tyrannique de l’habitude qui accable l’âme et ne lui permet ni de se lever ni de respirer…
Écoutons donc, frères très chers, et faisons en sorte que ceux qui vivent, vivent, et que ceux qui sont morts, revivent… Que tous ces morts fassent pénitence… Que ceux qui vivent, conservent cette vie, et que ceux qui sont morts se hâtent de ressusciter.
Sermon 98 (trad. Brésard, 2000 ans C, p. 172 rev.)
« Il leur dit une parabole pour montrer qu'il faut prier sans cesse »
« Tout mon désir est devant toi » (Ps 37,10)... Ton désir, c'est ta prière ; si ton désir est continuel, ta prière est continuelle aussi. Ce n'est pas pour rien que l'apôtre Paul a dit : « Priez sans relâche » (1Th 5,17). Peut-il le dire parce que, sans relâche, nous fléchissons le genou, nous prosternons notre corps, ou nous élevons les mains vers Dieu ? Si nous disons que nous ne prions qu'à ces conditions, je ne crois pas que nous puissions le faire sans relâche.
Mais il y a une autre prière, intérieure, qui est sans relâche : c'est le désir. Que tu te livres à n'importe quelle occupation, si tu désires ce repos de sabbat dont nous parlons, tu pries sans cesse. Si tu ne veux pas cesser de prier, ne cesse pas de désirer.
Ton désir est continuel ? Alors ton cri est continuel. Tu ne te tairas que si tu cesses d'aimer. Quels sont ceux qui se sont tus ? Ce sont ceux dont il est dit : « À cause de l'ampleur du mal, la charité de beaucoup se refroidira » (Mt 24,12). La charité qui se refroidit, c'est le cœur qui se tait ; la charité qui brûle, c'est le cœur qui crie. Si ta charité subsiste sans cesse, tu cries sans cesse ; si tu cries sans cesse, c'est parce que tu désires toujours ; si tu es rempli de ce désir, c'est que tu penses au repos éternel.
Les Discours sur les psaumes, Ps 37, 14
« Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis »
« Tends l'oreille, Seigneur, écoute-moi car je suis pauvre et indigent » (Ps 85,1). Il ne tend pas l'oreille vers le riche, mais vers le pauvre et l'indigent, vers celui qui est humble et confesse ses fautes, vers celui qui implore la miséricorde, non vers celui qui est rassasié, qui s'élève, qui se vante comme s'il ne lui manquait rien, et qui va dire : « Je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme ce publicain. » Car ce pharisien riche exaltait ses mérites ; le pauvre publicain confessait ses péchés...
Tous ceux qui refusent l'orgueil sont pauvres devant Dieu et nous savons qu'il tend son oreille vers les pauvres et les indigents. Ils ont reconnu que leur espoir ne peut pas reposer sur l'or ni sur l'argent ni sur ces biens qu'ils possèdent en abondance, pour un temps... Quand quelqu'un méprise en lui-même tout ce dont l'orgueil sait si bien se gonfler, c'est un pauvre de Dieu. Dieu incline vers lui son oreille car il sait les souffrances de son cœur...
Apprenez donc à être pauvres et indigents, que vous ayez ou non quelque chose en ce monde. On peut trouver un mendiant orgueilleux et un riche pénétré du sentiment de sa misère. « Dieu se refuse aux orgueilleux », qu'ils soient vêtus de soie ou couverts de haillons ; « il donne sa grâce aux humbles » (Jc 4,6; Pr 3,34), qu'ils possèdent des biens de ce monde ou qu'ils n'en possèdent pas. Dieu considère le dedans : c'est là qu'il pèse, là qu'il examine. Tu ne vois pas la balance de Dieu ; tes sentiments, tes projets, tes pensées, voilà ce qu'il met dans le plateau... S'il y a autour de toi ou en toi quelque chose qui te pousse à la suffisance, rejette-le. Que Dieu soit toute ton assurance. Sois pauvre de lui, afin qu'il te remplisse de lui-même.
Les Discours sur les psaumes, Ps 85, 2-3 (trad. Perret, Cerf 1982, p. 129s rev.)
« Tous les prophètes, ainsi que la Loi, ont parlé jusqu’à Jean » (Mt 11,13)
Dieu a fixé un temps pour ses promesses, et un temps pour accomplir ce qu’il avait promis. Le temps des promesses était le temps des prophètes, jusqu’à Jean Baptiste ; à partir de lui et jusqu’à la fin, c’est le temps d’accomplir ce qui a été promis. Il est fidèle, Dieu qui s’est fait notre débiteur, non en recevant quelque chose de nous, mais en nous promettant de si grandes choses. C’était peu de promettre : il a voulu encore s’engager par écrit, en dressant avec nous comme un contrat de ses promesses ; ainsi, lorsqu’il commencerait à s’acquitter de ses promesses, nous pourrions considérer dans l’Écriture l’ordre où devait se réaliser ce qu’il a promis. C’est pourquoi le temps de la prophétie, comme nous l’avons dit souvent, était la prédiction des promesses.
Il a promis le salut éternel, la vie bienheureuse sans fin avec les anges, et l’héritage qui ne peut pas se flétrir (1P 1,4), la gloire éternelle, la douceur de son visage, la demeure de sa sainteté dans les cieux, et par la résurrection des morts, désormais aucune crainte de mourir. Telle est sa promesse, comme le but vers lequel se porte tout notre élan, et quand nous y serons parvenus, nous n’aurons plus rien à rechercher, plus rien à exiger.
Et le plan selon lequel nous parviendrons à ce but final, il nous l’a montré par ses promesses et ses annonces. En effet, il a promis aux hommes la divinité, aux mortels l’immortalité, aux pécheurs la justification, aux humiliés la glorification.
Les Discours sur les psaumes, Ps 109 (trad. bréviaire 2e merc. Avent ; cf Brésard, 2000 ans C, p. 16)
Vraiment, mes frères, ce que Dieu promettait paraissait incroyable aux hommes : qu’à partir de cet état mortel où ils sont corruptibles, méprisables, faibles, poussière et cendre, ils deviendraient égaux aux anges de Dieu ! C’est pourquoi Dieu ne s’est pas contenté de faire avec les hommes le contrat de l’Écriture, pour qu’ils croient, mais il a établi un médiateur garant de sa foi : non pas un prince, un ange ou un archange, mais son Fils unique. Ainsi devait-il montrer et donner par son Fils lui-même le chemin par lequel il nous conduirait à cette fin qu’il nous a promise. Mais pour Dieu c’était trop peu de chose que son Fils nous montre le chemin : il a fait de lui le chemin (Jn 14,6) par lequel tu irais sous sa direction, le chemin que tu suivrais…
Que nous étions loin de lui ! Lui si haut et nous si bas ! Nous étions malades, sans espoir de guérison. Un médecin a été envoyé, mais le malade ne l’a pas reconnu, « car s’ils l’avaient connu, ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire » (1Co 2,8). Mais la mort du médecin a été le remède du malade ; le médecin était venu le visiter et il est mort pour le guérir. Il a fait comprendre à ceux qui ont cru en lui qu’il était Dieu et homme : Dieu qui nous a créés, homme qui nous a recréés. Une chose se voyait en lui, une autre était cachée ; et ce qui était caché l’emportait de beaucoup sur ce qui se voyait… Le malade a été guéri par ce qui était visible, pour devenir capable de voir pleinement plus tard. Cette vision ultime, Dieu la différait en la cachant, il ne la refusait pas.
Les Discours sur les psaumes, Ps 109
« Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons contemplé de nos yeux, et que nos mains ont touché, c'est le Verbe de la vie » (1Jn 1,1). Y a-t-il quelqu'un qui touche de ses mains le Verbe de la vie, sinon parce que « le Verbe s'est fait chair et qu'il a établi sa demeure parmi nous » ? (Jn 1,14) Or, ce Verbe qui s'est fait chair pour être touché de nos mains a commencé d'être chair dans le sein de la Vierge Marie. Mais il n'a pas alors commencé d'être le Verbe, car il était « depuis le commencement », dit saint Jean. Voyez comme sa lettre confirme son évangile, où vous avez entendu lire : « Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était avec Dieu. »
Peut-être que certains comprennent le « Verbe de la vie » comme une formule quelconque pour désigner le Christ, et non pas précisément le corps du Christ, que les mains ont touché. Mais voyez la suite : « Oui, la vie s'est manifestée. » Le Christ est donc le Verbe de la vie. Et comment cette vie s'est-elle manifestée ? Car, même si elle était dès le commencement, elle ne s'était pas manifestée aux hommes : elle s'était manifestée aux anges, qui la voyaient et qui s'en nourrissaient comme de leur pain. C'est ce que dit l'Écriture : « L'homme a mangé le pain des anges » (Ps 77,25).
Donc, la Vie elle-même s'est manifestée dans la chair : elle a été placée en pleine manifestation afin qu'une réalité visible seulement par le cœur puisse être visible aussi aux yeux, afin de guérir les cœurs. Car seul le cœur voit le Verbe, la chair ne le voit pas. Nous étions capables de voir la chair mais pas le Verbe. Le Verbe s’est fait chair…pour guérir en nous ce qui nous rend capables de voir le Verbe… « Nous portons témoignage, dit saint Jean, nous vous annonçons cette vie éternelle qui était auprès du Père et qui s'est manifestée à nous » (1Jn 1,2).
Commentaire sur la première lettre de Jean,1,1 (trad. bréviaire 27/12 rev.)
« Il faut que lui, il grandisse et que moi, je diminue. » En Jean la justice humaine avait trouvé le sommet que l’homme pouvait atteindre. La Vérité elle-même (Jn 14,6) disait : « Parmi les hommes, il n’en a pas existé de plus grand que Jean Baptiste » (Mt 11,11) ; aucun homme donc n’aurait pu le dépasser. Mais il était seulement homme, alors que Jésus Christ était homme et Dieu. Et puisque selon la grâce chrétienne on nous demande…de ne pas nous glorifier dans nous-mêmes, mais « si quelqu’un se glorifie, qu’il se glorifie dans le Seigneur » (2Co 10,17)…, pour cette raison Jean s’écrie : « Il faut qu’il grandisse et que moi, je diminue. » Bien sûr en lui-même Dieu n’est ni diminué ni augmenté. Mais dans les hommes, au fur et à mesure que progresse la vraie vie spirituelle, la grâce divine grandit et la puissance humaine diminue, jusqu’à ce que le temple de Dieu, qui est formé de tous les membres du corps du Christ (1Co 3,16), arrive à sa perfection, que toute tyrannie, toute autorité, toute puissance soient mortes, et que Dieu soit « tout en tous » (Col 1,16; 1Co 15,28)…
« Le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tout homme venant dans ce monde…; tous nous avons reçu de sa plénitude » (Jn 1,9.16). En elle-même la lumière est toujours totale ; elle s’accroît pourtant en celui qui est illuminé, et il est diminué lorsque ce qui était sans Dieu en lui est détruit. Car sans Dieu l’homme ne peut que pécher, et ce pouvoir humain diminue lorsque la grâce divine triomphe et détruit le péché. La faiblesse de la créature cède à la puissance du créateur et la vanité de notre égoïsme s’effondre devant l’amour qui remplit l’univers. Du fond de notre détresse Jean Baptiste acclame la miséricorde du Christ : « Il faut que lui grandisse et que moi, je diminue. »
Sermon pour la naissance de Jean Baptiste ; PLS 2, 447 (cf coll. Icthus, t. 8, p. 48)
« Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l'écouter : ce serait vous faire illusion » (Jc 1,22)
Ne vous faites pas d'illusion, frères, si vous êtes venus avec empressement écouter la parole sans l'intention de mettre en pratique ce que vous entendez. Pensez-y bien : s'il est bon d'écouter la parole, il est bien meilleur encore de la mettre en pratique. Si tu ne l'écoutes pas, si tu ne fais pas ce que tu as entendu, tu ne bâtis rien. Si tu l'écoutes et ne la mets pas en pratique, tu construis une ruine... « Celui qui entend mes paroles et les met en pratique est semblable à un homme prudent qui bâtit sa maison sur le roc »... : écouter et mettre en pratique, c'est construire sur le roc...
« Celui qui entend mes paroles, continue le Seigneur, et ne les met pas en pratique est semblable à un homme insensé qui bâtit sa maison. » Lui aussi donc bâtit, mais que construit-il ? Il construit sa maison, mais parce qu'il ne met pas en pratique ce qu'il entend, il a beau entendre, il construit sur le sable. Ainsi donc, écouter sans pratiquer, c'est bâtir sur le sable ; écouter et mettre en pratique, c'est bâtir sur le roc ; refuser d'écouter, c'est bâtir ni sur le roc, ni sur le sable...
Quelqu'un dira peut-être : « À quoi bon écouter ?... Puisque je bâtirai une ruine si j'écoute sans mettre en pratique, n'est-il pas plus sûr de ne pas écouter ? »... En ce monde, la pluie, les vents, les torrents ne cessent pas. Tu ne bâtis pas de peur qu'ils ne viennent et ne te renversent ?... Si tu t'obstines à ne rien écouter, tu seras sans abri du tout : la pluie viendra, les torrents se précipiteront ; seras-tu en sécurité ?... Réfléchis donc bien... : il est mal de ne pas écouter, il est mal d'écouter sans agir, il s'ensuit qu'il faut écouter et mettre en pratique. Soyez des gens qui mettent la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l'écouter ; ce serait vous faire illusion.
Sermon 179, 8-9 ; PL 38, 970
« Ce peuple m'honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi »
« La Loi de l'Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus t'a affranchi de la Loi du péché et de la mort » (Rm 8,2)… Saint Paul dit que la Loi de Moïse a été donnée pour démontrer notre faiblesse, et non seulement la démontrer, mais pour l’augmenter, et nous forcer ainsi à chercher le médecin… : « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 3,20; 5,20)… Pourquoi est-ce que la première Loi, écrite par le doigt de Dieu (Ex 31,18), n’a pas donné ce secours si nécessaire de la grâce ? Parce qu’elle était écrite sur des tables de pierre, et non sur des tables de chair, qui sont nos cœurs (2Co 3,3)…
C'est l'Esprit Saint qui écrit non sur la pierre mais dans le cœur ; « la Loi de l'Esprit de vie », écrite dans le cœur et non sur la pierre, cette Loi de l'Esprit de vie qui est en Jésus Christ en qui la Pâque a été célébrée en toute vérité (1Co 5,7-8), vous a délivrés de la loi du péché et de la mort. Voulez-vous une preuve de la différence évidente et certaine qui sépare l’Ancien Testament du Nouveau ?... Écoutez ce que le Seigneur a dit par la bouche d’un prophète… : « Je graverai mes lois jusque dans leurs entrailles, et je l’écrirai dans leurs cœurs » (Jr 31,33). Si donc la Loi de Dieu est écrite dans ton cœur, elle ne produit pas la peur [comme au Sinaï], mais elle répand dans ton âme une douceur secrète.
Sermon 155, 6
Comment le Christ se forme en nous.
L'Apôtre dit : Comportez-vous comme moi , car étant Juif de naissance, je méprise maintenant les réalités charnelles par un jugement spirituel. Puisque je suis comme vous , c'est-à-dire puisque je suis homme. Puis, avec beaucoup d'à-propos et de tact, il leur rappelle sa charité, pour qu'ils ne le prennent pas pour leur ennemi. Il dit en effet :
Frères, je vous en prie, vous ne m'avez fait aucun tort , comme s'il disait : Ne croyez pas que je veuille vous en faire. ~
Il dit dans la même intention : Mes petits enfants , afin qu'ils l'imitent comme un père. Que j'enfante à nouveau, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous . Ici il parle plutôt en s'identifiant à la mère Église, car il dit ailleurs encore : J'ai été au milieu de vous plein de douceur comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons .
Le Christ est formé par la foi chez le croyant, chez l'homme intérieur, appelé à la liberté de la grâce, doux et humble de cœur, et qui ne se vante pas des mérites de ses actions, car ils sont nuls. Cependant, la grâce fait commencer en lui un peu de mérite, afin que le Christ puisse l'appeler un « petit », c'est-à-dire lui-même, lui qui a dit : Ce que vous avez fait à l'un de ces petits, c'est à moi que vous l'avez fait . En effet, le Christ est formé en celui qui prend la forme du Christ ; or, on prend la forme du Christ lorsqu'on s'unit au Christ par l'amour spirituel.
C'est en l'imitant que l'on s'identifie au Christ, autant que la marche de chacun le lui permet. Car celui qui déclare demeurer dans le Christ , dit saint Jean, doit marcher lui-même dans la voie où il a marché .
Mais les hommes sont conçus par leurs mères pour être formés et, c'est lorsqu'ils sont formés qu'ils sont enfantés pour naître. On peut donc être troublé par la parole rappelée plus haut : Vous que j'enfante à nouveau, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous . Mais nous devons comprendre que l'enfantement désigne ici les angoisses et les inquiétudes dans lesquelles il les a enfantés pour qu'ils naissent dans le Christ. Et il les enfante à nouveau à cause des dangers de déviation dont il les voit agités. Le souci causé à leur sujet par de telles inquiétudes, souci à cause duquel il emploie la comparaison de l'enfantement, ce souci pourra durer jusqu'à ce qu 'ils parviennent à l'état d'adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude, pour qu'ils ne soient plus ballottés à tout vent de doctrine.
Ce n'est donc pas en vue du début de leur foi, par lequel ils étaient déjà nés, mais en vue de leur force et de leur perfection qu'il a dit : Vous que j'enfante à nouveau jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous . Il souligne cet enfantement avec d'autres mots dans un autre passage : Ma préoccupation quotidienne, c'est le souci de toutes les Églises. Qui est faible sans que je sois faible ? Qui est sur le point de tomber sans que je brûle ?
COMMENTAIRE DE SAINT AUGUSTIN SUR LA LETTRE AUX GALATES
« Vous n'êtes plus sous la Loi, mais sous la grâce »
L'Apôtre écrit aux Galates afin de leur faire comprendre que la grâce a pour effet de les soustraire à la Loi. En effet, alors qu'on leur avait annoncé la grâce de l'Évangile, il y eut des hommes venus de la circoncision, quoique portant le nom de chrétiens, qui ne saisissaient pas encore l'efficacité bienfaisante de la grâce, et qui voulaient demeurer sous les obligations de la Loi. Cette Loi, Dieu l'avait imposée aux serviteurs non pas de la justice, mais du péché ; c'est-à-dire qu'il donnait une loi juste aux hommes injustes pour signaler leurs péchés, non pour les enlever.
En effet, les péchés ne sont enlevés que par la grâce de la foi agissant par la charité . Ces judaïsants voulaient soumettre aux obligations de la Loi les Galates déjà établis sous le régime de la grâce. Ils affirmaient que l'Évangile ne leur servirait de rien s'ils ne se faisaient pas circoncire et s'ils n'acceptaient pas les autres observances charnelles de la religion judaïque.
C'est pourquoi les Galates commençaient à suspecter l'Apôtre Paul, qui leur avait prêché l'Évangile, comme n'observant pas la discipline des autres Apôtres, qui obligeaient les païens à vivre selon la manière juive. L'Apôtre Pierre avait reculé devant le scandale suscité par de tels hommes, et il avait été conduit à simuler, comme s'il avait pensé lui aussi que l'Évangile ne servirait de rien aux païens, s'ils n'accomplissaient pas les obligations de la Loi. L'Apôtre Paul le détourne de cette simulation, comme il le dit dans cette lettre justement. Le même problème est abordé dans la lettre aux Romains. Cependant il semble que quelque chose intervient alors, qui règle cette dispute et apaise ce litige soulevé entre les croyants venus du judaïsme et les croyants originaires du paganisme. ~
Mais, dans la lettre aux Galates, Paul écrit à ceux qui avaient déjà été ébranlés par l'autorité des hommes venus du judaïsme, qui les contraignaient aux observances légales. Car les Galates avaient commencé à faire confiance aux judaïsants, comme si Paul n'avait pas prêché la vérité en refusant de les faire circoncire. Et c'est pourquoi il commence ainsi son exposé : Je trouve vraiment étonnant que vous abandonniez si vite celui qui vous a appelés à la gloire du Christ, et que vous passiez à un autre Évangile.
Par cette entrée en matière, il a brièvement présenté le problème en cause. Déjà, dans la salutation où il se dit Apôtre envoyé non par les hommes ni par un intermédiaire humain, — affirmation qu'on ne trouve dans aucune autre lettre —, il montre suffisamment que ses contradicteurs ne viennent pas de Dieu, mais des hommes. Il montre aussi qu'il ne doit pas être considéré comme inférieur aux autres Apôtres en ce qui concerne l'autorité du témoignage évangélique. Car il sait qu'il est Apôtre envoyé non par les hommes ou par un intermédiaire humain, mais par Jésus Christ et Dieu le Père .
COMMENTAIRE DE SAINT AUGUSTIN SUR LA LETTRE AUX GALATES
« Et Dieu dit : ' Que la lumière soit ' » (Gn 1,3)
« Voici le jour que fit le Seigneur » (Ps 117,24). Rappelez-vous l'état du monde à l'origine : « Les ténèbres étaient sur l'abîme et l'Esprit de Dieu planait sur les eaux. Et Dieu dit : Que la lumière soit ! et la lumière fut. Et Dieu sépara la lumière des ténèbres et il appela
Thomas n'était-il pas un homme, un des disciples, un homme de la foule pour ainsi dire ? Ses frères lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ». Et lui : « Si je ne touche pas, si je ne mets pas mon doigt dans son côté, je ne croirai pas ». Les évangélistes t'apportent la nouvelle, et toi tu ne crois pas ? Le monde a cru et un disciple n'a pas cru ?... Il n'était pas encore devenu ce jour qu'a fait le Seigneur ; les ténèbres étaient encore sur l'abîme, dans les profondeurs du coeur humain, qui était ténèbres. Que vienne donc celui qui est le point du jour, qu'il vienne et qu'il dise avec patience, avec douceur, sans colère, lui qui guérit : « Viens. Viens, touche ceci et crois. Tu as déclaré : ' Si je ne touche pas, si je ne mets pas mon doigt, je ne croirai pas '. Viens, touche, mets ton doigt et ne sois plus incrédule, mais fidèle. Je connaissais tes blessures, j'ai gardé pour toi ma cicatrice ».
En approchant sa main, le disciple peut pleinement compléter sa foi. Quelle est, en effet, la plénitude de la foi ? De ne pas croire que le Christ est seulement homme, de ne pas croire non plus que le Christ est seulement Dieu, mais de croire qu'il est homme et Dieu... Ainsi le disciple auquel son Sauveur donnait à toucher les membres de son corps et ses cicatrices s'écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Il a touché l'homme, il a reconnu Dieu. Il a touché la chair, il s'est tourné vers la Parole, car « la Parole s'est faite chair et elle a habité parmi nous » (Jn 1,14). La Parole a souffert que sa chair soit suspendue au bois... ; la Parole a souffert que sa chair soit mise au tombeau. La Parole a ressuscité sa chair, l'a montrée aux yeux de ses disciples, s'est prêtée à être touchée de leurs mains. Ils touchent, ils crient : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Voici le Jour que fit le Seigneur.
Sermon 258 (trad. SC 116, p. 347s)
« A la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : ‘ C’est vraiment lui le grand Prophète, celui qui vient dans le monde ’ »
Gouverner l'univers est en vérité un miracle plus grand que de rassasier cinq mille hommes avec cinq pains. Personne toutefois ne s'en étonne, alors que l'on s'extasie devant un miracle de moindre importance parce qu'il sort de l'ordinaire. Qui, en effet, nourrit aujourd'hui encore l'univers sinon celui qui, avec quelques grains, crée les moissons ? Le Christ a donc fait ce que Dieu fait. Usant de son pouvoir de multiplier les moissons a partir de quelques grains, il a multiplié cinq pains dans ses mains. Car la puissance se trouvait entre les mains du Christ, et ces cinq pains étaient comme des semences que le Créateur de la terre multipliait sans même les confier à la terre.
Cette oeuvre a donc été placée sous nos sens pour élever notre esprit… Il nous est ainsi devenu possible d'admirer « le Dieu invisible en considérant ses oeuvres visibles » (Rm 1,20). Après avoir été éveillés à la foi et purifiés par elle, nous pouvons même désirer voir sans les yeux du corps l'Etre invisible que nous connaissons à partir du visible… En effet, Jésus a fait ce miracle pour qu'il soit vu de ceux qui se trouvaient là, et ils l'ont mis par écrit pour que nous en ayons connaissance. Ce que les yeux ont fait pour eux, la foi le fait pour nous. Aussi bien, nous reconnaissons en notre âme ce que nos yeux n’ont pas pu voir et nous avons reçu un plus bel éloge, puisque c'est de nous qu'il a été dit : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29).
Sermons sur saint Jean, 24, 1.6.7 ; CCL 36, 244 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 272)
« Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi »
Tout homme est débiteur de Dieu et tout homme a son frère pour débiteur. En effet, qui n'aurait pas de dette envers Dieu sinon celui en qui il ne se trouve pas de péché ? Et qui n'aurait pas son frère pour débiteur sinon celui que personne n'a jamais offensé ? Tout homme est donc à la foi débiteur et créancier... Un mendiant te demande l'aumône et toi tu es le mendiant de Dieu, car nous sommes tous, quand nous le prions, les mendiants de Dieu. Nous nous tenons ou plutôt nous nous prosternons devant la porte de notre Père de famille (cf Lc 11,5s) ; nous le supplions en nous lamentant, désireux de recevoir de lui une grâce, et cette grâce, c'est Dieu lui-même. Que te demande le mendiant ? Du pain. Et toi, que demandes-tu à Dieu si ce n'est le Christ, qui a dit : « Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel » (Jn 6,51). Vous voulez être pardonnés ? Pardonnez. « Remettez, et il vous sera remis ». Vous voulez recevoir ? « Donnez, et l'on vous donnera » (Lc 6,37)...
Nous devons donc être prêts à pardonner toutes les fautes que l'on commet contre nous si nous voulons que Dieu nous pardonne. Oui vraiment, si nous considérons nos péchés et passons en revue les fautes que nous avons commises, je ne sais pas si nous pourrions nous endormir sans sentir peser tout le poids de notre dette. Voilà pourquoi chaque jour nous présentons à Dieu nos demandes, chaque jour nos prières frappent à ses oreilles, chaque jour nous nous prosternons en disant : « Remets-nous nos dettes comme nous les avons remises nous-mêmes à ceux qui nous devaient ». Quelles dettes veux-tu te faire remettre ? Toutes, ou une partie ? Tu vas répondre : Toutes. Fais donc de même pour ton débiteur.
Sermon 83
« Voici que nous montons à Jérusalem »
Dans les « Psaumes des montées » le psalmiste aspire à Jérusalem et il dit qu'il veut monter. Où monter ? Désire-t-il atteindre le soleil, la lune, les étoiles ? Non. Dans le ciel se trouve la Jérusalem éternelle, là où habitent les anges, nos concitoyens (He 12,22). Sur cette terre nous sommes en exil, loin d'eux. Sur la route de l'exil, nous poussons des soupirs ; dans la cité, nous tressaillerons d'allégresse.
Au cours de notre voyage, nous trouvons des compagnons qui ont déjà vu cette cité et qui nous encouragent à y courir. Ils ont arraché au psalmiste un cri d'allégresse : « J'ai tressailli de joie quand on m'a dit : Allons à la maison du Seigneur » (Ps 121,1)... « Nous irons à la maison du Seigneur » : courons donc, courons, puisque nous arriverons à la maison du Seigneur. Courons sans nous lasser ; là-bas il n'y a pas de lassitude. Courons à la maison du Seigneur et tressaillons d'allégresse avec ceux qui nous ont appelés, qui les premiers ont contemplé notre patrie. Ils crient de loin à ceux qui les suivent : « Nous irons dans la maison du Seigneur ; marchez, courez ! » Les apôtres ont vu cette maison et nous appellent : « Courez, marchez, suivez-nous ! Nous irons dans la maison du Seigneur ! »
Et que répond chacun de nous ? « Je me réjouis en ceux qui m'ont dit : Nous irons dans la maison du Seigneur ». Je me suis réjoui dans les prophètes, je me suis réjoui dans les apôtres, car tous ils nous ont dit : « Nous allons à la maison du Seigneur ».
Discours sur le psaume 121
« Dans un endroit désert, il priait »
Dieu n'aurait pas pu faire aux hommes un plus grand don que son Verbe, sa Parole, par qui il a créé toutes choses. Il l'a fait leur chef, c'est-à-dire leur tête, et d'eux il fait ses membres (Ep 5,23.30), pour que lui il soit à
Il prie pour nous comme notre prêtre, il prie en nous comme notre chef, la tête du corps, il est prié par nous comme notre Dieu. Reconnaissons donc nos paroles en lui et ses paroles en nous... Il n'a pas hésité à s'unir à nous. Toute la création lui est assujettie parce que toute la création a été faite par lui : « Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Par lui, tout s'est fait et rien de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui » (Jn 1,1s)... Mais par la suite, si dans les Ecritures nous entendons la voix du même Christ gémissant, priant, confessant, n'hésitons pas à lui attribuer ces paroles. Que nous contemplions celui « qui était dans la condition de Dieu » prendre « la condition de serviteur, se faire semblable aux hommes et s'abaisser, en devenant obéissant jusqu'à mourir » (Ph 2,6s). Que nous l'entendions, suspendu sur la croix, faire sienne la prière d'un psaume... Nous prions le Christ donc dans sa condition de Dieu, et lui il prie dans sa condition de serviteur ; d'un côté, le Créateur, de l'autre, un homme uni à la création, formant un seul homme avec nous -- la tête et le corps. Nous le prions donc, et nous prions par lui et en lui.
Discours sur le psaume 85, CCL 30, 1176
Est-ce une chose étonnante que le Seigneur ait changé le nom de Simon, le remplaçant par Pierre ? (Jn 1,42) « Pierre » veut dire « roc » ; le nom de Pierre est donc le symbole de l’Eglise. Qui est en sûreté, sinon celui qui construit sur le roc ? Et que dit le Seigneur lui-même ? « Tout homme qui écoute les paroles que je dis et les met en pratique est comparable à un homme avisé qui a bâti sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison et elle n'a pas croulé : c'est qu'elle avait été fondée sur le roc...»
Que sert d'entrer dans l'Eglise à celui qui veut bâtir sur le sable ? Il écoute la parole de Dieu mais ne la met pas en pratique ; il bâtit, mais sur le sable. S'il n'écoutait pas, il ne bâtirait pas ; il écoute, donc il bâtit. Mais sur quel fondement ? S'il écoute la parole de Dieu et la met en pratique, c'est sur le roc ; s'il écoute et ne met pas en pratique, c'est sur le sable. On peut construire donc de deux manières bien différentes… Si tu te contentes d’écouter sans mettre en pratique, tu construis une ruine… Si au contraire tu n’écoutes pas, tu restes sans abri, et tu seras entraîné par le torrent des tribulations…
Soyez-en donc bien certains, mes frères : celui qui écoute la parole sans agir en conséquence ne bâtit pas sur le roc ; il n'a aucun rapport avec ce grand nom de Pierre auquel le Seigneur a donné tant d'importance.
Sermons sur saint Jean, n° 7 (trad. Véricel, L’Evangile commenté, p. 79 rev.)
« Aujourd'hui, le salut est arrivé pour cette maison »
A l'approche des fêtes de Pâques nous disons sans hésiter : « C'est demain la Passion du Seigneur » et cependant il y a bien des années que le Seigneur a subi sa Passion, qui a eu lieu une fois pour toutes (He 9,26). Ce dimanche aussi, nous avons raison de dire : « C'est aujourd'hui que le Seigneur est ressuscité » ; or il y a bien des années écoulées depuis que le Christ est ressuscité. Pourquoi donc personne ne vient-il nous reprocher cet « aujourd'hui » comme un mensonge ?
N'est-ce pas parce que nous disons « aujourd'hui » car ce jour représente le retour, dans le cycle du temps, du jour où a eu lieu l'événement que nous commémorons ? Nous avons raison de dire « aujourd'hui » : en effet, aujourd'hui s'accomplit par la célébration du mystère l'événement qui a eu lieu il y a déjà longtemps. Le Christ a été immolé en lui-même une fois pour toutes et pourtant, aujourd'hui il est immolé dans le mystère que nous célébrons, non seulement à chaque fête pascale, mais tous les jours, pour tous les peuples. Ce n'est donc pas mentir que d'affirmer : « Aujourd'hui, le Christ est immolé ». Car, si les sacrements que nous accomplissons n'avaient pas une véritable ressemblance avec la réalité dont ils sont le signe, ils ne seraient pas du tout des sacrements. Mais c'est justement cette ressemblance qui permet de les désigner du nom même de la réalité dont ils sont le signe. Ainsi le sacrement du corps du Christ que nous célébrons est en quelque manière le corps du Christ ; le mystère du sang du Christ que nous accomplissons, c'est le sang du Christ. Le mystère sacramentel de la foi, c'est la réalité que l'on croit.
Lettre 98, 9
Frères, examinez avec soin vos demeures intérieures, ouvrez les yeux et considérez votre capital d'amour, et puis augmentez la somme que vous aurez découvert en vous-mêmes. Veillez sur ce trésor afin d'être riches intérieurement. On dit chers les biens qui ont un grand prix et avec raison... Mais quoi de plus cher que l'amour, mes frères ? A votre avis, quel en est le prix ? Et comment le payer ? Le prix d'une terre, celui du blé, c'est ton argent ; le prix d'une perle, c'est ton or ; mais le prix de ton amour, c'est toi-même. Si tu veux acheter un champ, un bijou, une bête, tu cherches les fonds nécessaires, tu regardes autour de toi. Mais si tu désires posséder l'amour, ne cherche que toi-même, c'est toi-même qu'il faut trouver.
Que crains-tu en te donnant ? De te perdre ? Au contraire c'est en refusant de te donner que tu te perds. L'Amour lui-même s'exprime par la bouche de la Sagesse et apaise d'un mot le désarroi où te jetait cette parole : « Donne-toi toi-même ! » Si quelqu'un voulait te vendre un terrain, il te dirait : « Donne-moi ton argent » ou pour autre chose : « Donne-moi ta monnaie ». Ecoute ce que te dit l'Amour, par la bouche de la Sagesse : « Mon enfant, donne-moi ton coeur » (Pr 23,26). Ton coeur était mal quand il était à toi, quand il était en toi ; tu étais la proie de futilités, voire de passions mauvaises. Ote-le de là ! Où le porter ? Où l'offrir ? « Mon fils, donne-moi ton coeur ! » dit
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée » (Mt 22,37)... Celui qui t'a créé te veut tout entier.
Sermon 34 : sur le Ps 149
Enfin répondre à l'appel de Dieu de se convertir
Elles me retenaient, mes vieilles idées amies, ces bagatelles de bagatelles, ces vanités de vanités ! A petits coups elles me tiraient par ma robe de chair et murmuraient à mi-voix : « Tu nous congédies ? Fini pour jamais ! A partir du moment qui vient nous ne serons plus avec toi, il ne te sera plus permis de faire ceci, de faire cela. » Oh ! ce qu'elles suggéraient, mon Dieu !... J'hésitais à me débarrasser d'elles, à bondir où j'étais appelé ; l'habitude me disait, tyrannique : « Crois-tu que tu pourras vivre sans elles ? » Mais déjà sa voix était molle, car du côté où je tournais mon visage et où je tremblais de passer, la chaste dignité de la continence m'invitait noblement et gracieusement à venir sans plus balancer, me montrant une foule de bons exemples :...« C'est le Seigneur leur Dieu qui m'a donnée à eux. Pourquoi t'appuyer sur toi-même alors que tu ne te tiens pas debout ? Jette-toi en lui, n'aie pas peur. Il ne va pas se dérober pour que tu tombes. Jette-toi sans crainte ; il te recevra et te guérira »...
Cette dispute dans mon coeur n'était qu'une lutte de moi-même contre moi-même... Quand mon regard avait enfin tiré du fond de mon coeur toutes mes misères, il s'est levé une grosse tempête de larmes. Pour laisser crever l'orage, je me suis levé et suis sorti... Sans trop savoir comment, je me suis étendu sous un figuier, je lâchais complètement mes larmes, elles ont jailli à flots, sacrifice digne de toi, mon Dieu. Et je t'ai dit sans retenue : « Et toi, Seigneur, jusques à quand ? Jusques à quand seras-tu irrité ? Ne garde pas le souvenir de nos vieilles iniquités » (Ps 6,4;78,5)... Je poussais des cris pitoyables : « Dans combien de temps ? Combien de temps ? Demain, toujours demain. Pourquoi pas tout de suite ? »...
Et voici que j'entendais une voix venant d'une maison voisine, voix d'enfant ou de jeune fille, qui chantait et répétait : « Prends et lis ! Prends et lis ! » A l'instant, je me suis repris et cherchais à me rappeler si c'était le refrain habituel d'un jeu d'enfant ; rien de tel ne me venait en mémoire. Refoulant mes larmes, je me suis levé dans l'idée que le ciel m'ordonnait d'ouvrir le livre de l'apôtre Paul et de lire le premier passage sur lequel je tomberais... Je suis rentré en hâte et j'ai pris le livre et j'ai lu ce que j'ai vu en premier : « Non, pas de ripailles et de soûleries, pas de coucheries et d'impudicités, pas de disputes et de jalousies, mais revêtez-vous du Seigneur Jésus Christ. Ne cherchez plus à contenter la chair dans ses convoitises » (Rm 13,13s). Ce n'était pas la peine d'en lire davantage ; je n'en avais plus besoin. Ces lignes à peine achevées, une lumière de sécurité s'est déversée dans mon coeur et toutes les ténèbres de mon incertitude ont été dissipées.
Les Confessions, livre 8
Demander pardon et pardonner aux autres
« Toutes les voies du Seigneur sont amour et vérité pour qui veille à son alliance et à ses lois » (Ps 24,10). Ce que dit ce psaume de l'amour et de la vérité est de première importance... Il parle de l'amour, car Dieu ne regarde pas nos mérites mais sa bonté, en vue de nous pardonner nos péchés et de nous promettre la vie éternelle. Il parle aussi de la vérité, parce que Dieu ne manque jamais de tenir ses promesses. Reconnaissons ce modèle divin et imitons Dieu qui nous a manifesté son amour et sa vérité... Comme lui, accomplissons en ce monde des oeuvres pleines d'amour et de vérité. Soyons bons envers les faibles, les pauvres et même envers nos ennemis.
Vivons dans la vérité en évitant de faire le mal. Ne multiplions pas les péchés, car celui qui présume de la bonté de Dieu, laisse s'introduire en lui la volonté de rendre Dieu injuste. Il se figure que, même s'il s'obstine dans ses péchés et refuse de s'en repentir, Dieu viendra quand même lui donner une place parmi ses fidèles serviteurs. Mais serait-il juste que Dieu te mette à la même place que ceux qui ont renoncé à leurs péchés, alors que tu persévères dans les tiens ?... Pourquoi donc veux-tu le plier à ta volonté ? Soumets-toi plutôt à la sienne.
Le psalmiste dit justement à ce propos : « Qui recherchera la miséricorde et la vérité du Seigneur auprès de lui ? » (Ps 60,8 Vlg)... Pourquoi dire « auprès de lui » ? Beaucoup cherchent à s'instruire de l'amour du Seigneur et de sa vérité dans les Livres saints. Mais une fois qu'ils y sont parvenus, ils vivent pour eux, non pour lui. Ils recherchent leurs propres intérêts, non ceux de Jésus Christ. Ils prêchent l'amour et la vérité et ne les pratiquent pas. Quant à celui qui aime Dieu et le Christ, lorsqu'il prêche la vérité et l'amour divins, il les recherche pour Dieu et non dans son propre intérêt. Il ne prêche pas pour en retirer des avantages matériels, mais pour le bien des membres du Christ, c'est-à-dire de ses fidèles. Il leur distribue ce qu'il a appris en esprit de vérité, « de sorte que celui qui vit n'ait plus sa vie centrée sur lui-même, mais sur celui qui est mort pour tous » (2Co 5,15). « Qui cherchera la miséricorde et la vérité du Seigneur ? »
Discours sur les psaumes, Ps 60,9 ; CCL 39,771 (trad. cf. Delhougne, Les Pères commentent, p. 400))
« Proclamez
Vous avez entendu ce que dit le Seigneur à ses disciples après
« Ainsi, mon Dieu, les fils des hommes à l'ombre de tes ailes ont abri…, au torrent de tes délices tu les abreuves, car en toi est la source de vie » (Ps 35,8s). Jésus Christ est la source de
Sermon 233 ; PL 38, 1112 (trad. Bouchet, Lectionnaire, p. 332)
« Son heure n’était pas encore venue »
« La fête juive des Tentes approchait. Les frères de Jésus lui dirent : Ne reste pas ici, va en Judée, pour que tes disciples là-bas voient les oeuvres que tu fais… Jésus leur dit : Mon temps n'est pas encore venu, tandis que pour vous le temps est toujours bon » (Jn 7,2-6)... Jésus répond ainsi à ceux qui lui conseillaient de rechercher la gloire : « le temps de ma gloire n'est pas encore venu ». Voyez la profondeur de cette pensée : ils le poussent à rechercher la gloire, mais lui veut que l'humiliation précède l'élévation ; c’est par l’humilité qu’il veut se frayer un chemin à
Ayons donc le coeur droit ; le temps de notre gloire n’est pas encore arrivé. Ecoutons dire à ceux qui aiment ce monde, comme les frères du Seigneur : « Votre temps est toujours bon, le nôtre n'est pas encore venu ». Osons le dire, nous aussi. Nous qui sommes le Corps de notre Seigneur Jésus Christ, nous qui sommes ses membres, nous qui le reconnaissons avec joie comme notre chef, redisons ces paroles, puisque c'est pour nous qu'il a daigné les dire le premier. Quand ceux qui aiment le monde insultent notre foi, disons-leur : « Votre temps est toujours bon, le nôtre n'est pas encore venu. » L'apôtre Paul, en effet, nous a dit : « Vous êtes morts, et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu ». Quand viendra notre temps ? « Quand le Christ, notre vie, apparaîtra, alors vous apparaîtrez, vous aussi, avec lui dans la gloire » (Col 3,3).
« Notre vie est cachée en Dieu avec le Christ ». On pourrait bien dire pendant l'hiver : cet arbre est mort, par exemple un figuier, un poirier ou tout autre arbre fruitier ; pendant tout l'hiver, il semble privé de vie. Mais l'été sert de preuve et permet de juger s'il est vivant. Notre été à nous, c'est la révélation du Christ. Dieu viendra manifestement, notre Dieu ne se taira pas.
Sermons sur Saint Jean, n° 28
« Dieu vit tout ce qu'il avait fait : c'était très bon... Et il se reposa, le septième jour, de toute l'oeuvre qu'il avait faite » (Gn 1,31-2,2). Nous voyons que les oeuvres de Dieu sont bonnes, et nous verrons son repos après nos oeuvres si elles sont bonnes. C'est en signe de ce repos qu'il a prescrit au peuple des Hébreux l'observance du sabbat. Mais ils le pratiquaient d'une manière si matérielle qu'ils incriminaient notre Seigneur quand ils le voyaient opérer notre salut ce jour-là. Cela leur a valu cette réponse parfaitement juste : « Mon Père, jusqu'à maintenant, est toujours à l'oeuvre, et moi aussi je suis à l'oeuvre » (Jn 5,17), non seulement en gouvernant toute la création avec lui, mais encore en opérant notre salut.
Mais quand la grâce a été révélée, les fidèles ont été relevés de l'observance du sabbat qui consistait dans le repos d'un jour. Maintenant, par la grâce, le chrétien observe un sabbat perpétuel, si tout ce qu'il fait de bon il le fait dans l'espoir du repos à venir et s'il ne se glorifie pas de ses bonnes oeuvres comme si elles étaient son propre bien et pas quelque chose qu'il a reçu. En agissant ainsi et en recevant et regardant le sacrement du baptême comme un sabbat, c'est-à-dire comme le repos du Seigneur dans son tombeau (Rm 6,4), il se repose de ses oeuvres anciennes, marche dans les sentiers d'une vie nouvelle, et reconnaît que Dieu agit en lui, Dieu qui tout à la fois agit en lui en tant qu'il gouverne ses créatures comme il faut, et se repose, en tant qu'il a en lui la tranquillité éternelle.
Dieu ne s'est pas fatigué en créant, ni reposé en cessant de créer ; mais par le langage de
Sur la Genèse au sens littéral, IV, 13-14
« Est-ce que tu veux retrouver la santé ? »
Les miracles du Christ sont des symboles des différentes circonstances de notre salut éternel…; cette piscine est le symbole du don précieux que nous fait le Verbe du Seigneur. En peu de mots, cette eau, c’est le peuple juif ; les cinq portiques, c’est la Loi écrite par Moïse en cinq livres. Cette eau était donc entourée par cinq portiques, comme le peuple par la Loi qui le contenait. L'eau qui s'agitait et se troublait, c'est la Passion du Sauveur au milieu de ce peuple. Celui qui descendait dans cette eau était guéri, mais un seul, pour figurer l'unité. Ceux qui ne peuvent pas supporter qu'on leur parle de la Passion du Christ sont des orgueilleux ; ils ne veulent pas descendre et ne sont pas guéris. « Quoi, dit cet homme hautain, croire qu'un Dieu s'est incarné, qu'un Dieu est né d'une femme, qu'un Dieu a été crucifié, flagellé, qu'il a été couvert de plaies, qu'il est mort et a été enseveli ? Non, jamais je ne croirais à ces humiliations d'un Dieu, elles sont indignes de lui ».
Laissez parler ici votre coeur plutôt que votre tête. Les humiliations d'un Dieu paraissent indignes aux arrogants, c’est pourquoi ils sont bien éloignés de
Par son incarnation, notre Seigneur Jésus Christ a donc rendu l'espérance à notre chair. Il a pris les fruits trop connus et si communs de cette terre, la naissance et
Sermon 124
« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos »
« Tu es grand, Seigneur, et très digne de louange » (Ps 144,3). « Ta puissance est grande, et ta sagesse, infinie » (Ps 146,5), et pourtant l'homme veut te louer, l'homme qui n'est qu'une petite parcelle de ta création, l'homme qui porte partout avec lui sa mortalité, qui porte avec lui le témoignage de son péché et qui reconnaît que « tu t'opposes aux orgueilleux » (Jc 4,6). Cependant, parcelle quelconque de ta création, l'homme veut te louer. C'est toi qui le pousses à chercher sa joie dans ta louange, parce que tu nous as faits pour toi, et notre coeur est sans repos jusqu'à ce qu'il se repose en toi...
« Ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent » (Ps 21,27). Ceux qui le cherchent le trouveront, et ceux qui le trouvent le loueront. Que je te cherche donc, Seigneur, en t'invoquant, et que je t'invoque, en croyant en toi ! Car tu nous as été révélé par
Qui me donnera de me reposer en toi ? Qui me donnera que tu viennes dans mon coeur, que tu l'enivres afin que j'oublie mes maux et que je puisse t'étreindre, toi mon unique bien ? Qui es-tu pour moi ? Prends pitié de moi, pour que je puisse parler. Que suis-je à tes yeux, pour que tu m'ordonnes de t'aimer ?... Dans ta miséricorde, Seigneur mon Dieu, dis-moi ce que tu es pour moi. « Dis à mon âme : C'est moi ton salut » (Ps 34,3). Dis-le ; que je l'entende. Voici que l'oreille de mon coeur est à l'écoute devant toi, Seigneur, fais qu'elle t'entende, et « dis à mon âme : C'est moi ton salut ». Je veux accourir vers cette parole et te saisir enfin.
Confessions, I, 1-5 (trad. cf bréviaire)
« Comme il était encore loin, son père l’aperçut »
« De loin tu as compris mes pensées, tu as découvert mon sentier, tu as prévu tous mes chemins » (Ps 138,2-3). Pendant que je suis encore voyageur, avant mon arrivée dans la patrie, tu as compris ma pensée. Songez au fils cadet, parti au loin... L'aîné n'était pas parti au loin, il travaillait aux champs et il symbolisait les saints qui, sous la Loi, observaient les pratiques et les préceptes de la Loi.
Mais le genre humain, qui s'était égaré dans le culte des idoles, était « parti au loin ». Rien, en effet, n'est aussi loin de celui qui t'a créé que cette image modelée par toi-même, pour toi. Le fils cadet partit donc dans une région lointaine, emportant avec lui sa part d'héritage et, comme nous l'apprend l'Evangile, il
Dieu sévit contre nos passions, où que nous allions, si loin que nous puissions nous éloigner. Donc, comme un fuyard qu'on arrête, le fils dit : « Tu as découvert mon sentier, et tu as prévu tous mes chemins ». Mon chemin, si long soit-il, n’a pas pu m’éloigner de ton regard. J’avais beaucoup marché, mais tu étais là où je suis arrivé. Avant même que j'y sois entré, avant même que j'y aie marché, tu l’as vu d'avance. Et tu as permis que je suive mes chemins dans la peine, pour que, si je ne voulais plus peiner, je revienne dans tes chemins… Je confesse ma faute devant toi: j'ai suivi mon propre sentier, je me suis éloigné de toi ; je t'ai quitté, toi auprès de qui j'étais bien; et pour mon bien, il a été mauvais pour moi d'avoir été sans toi. Car, si je m'étais trouvé bien sans toi, je n'aurais peut-être pas voulu revenir à toi.
Homélies sur les psaumes, Ps 138, 5-6; CCL 40, 1992-1993 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 347)
« Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir »
En venant ici d'un autre pays, le Christ n'a pu trouver que ce qu'il y a ici en abondance : peines, douleurs et mort. Voilà ce que tu as ici, voilà ce qu'il y a ici en abondance. Il a mangé avec toi ce qui se trouvait en abondance dans la pauvre maison de ton malheur. Il y a bu du vinaigre, il y a goûté du fiel (Jn 19,29), voilà ce qu'il a trouvé dans ta pauvre maison.
Mais il t'a invité à sa table magnifique, à sa table du ciel, à sa table des anges où il est lui-même le pain (Jn 6,34). Descendant chez toi et trouvant le malheur dans ta pauvre maison, il n'a pas dédaigné de s'asseoir à ta table, telle qu'elle était, et il t'a promis
Et ce qu'il a réalisé est encore plus incroyable : il nous a donné en gage sa propre mort. C'est comme s'il nous disait: « Je vous invite à ma vie, là où personne ne meurt, là où se trouve le vrai bonheur, là où la nourriture ne se corrompt pas, là où elle restaure, ne fait jamais défaut et comble tout. Voyez où je vous invite. Au pays des anges, à l'amitié du Père et de l'Esprit Saint, à un repas d'éternité, à mon amitié fraternelle. Enfin, je vous invite à moi-même, je vous invite à ma propre vie. Vous ne voulez pas croire que je vous donnerai ma vie ? Prenez ma mort comme témoin. »
Sermon 231
« Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras »
Qu'elle est grande la bonté du Christ ! Pierre a été pêcheur, et maintenant un orateur mérite un grand éloge s'il est capable de comprendre ce pêcheur. Voilà pourquoi l'apôtre Paul dit en s'adressant aux premiers chrétiens : « Frères, vous qui avez été appelés par Dieu, regardez bien : parmi vous il n'y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion les sages... Ce qui est d'origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n'est rien, voilà ce que Dieu a choisi pour détruire ce qui est quelque chose » (1Co 1,26-28).
Car si le Christ avait choisi en premier lieu un orateur, l'orateur aurait pu dire : « J'ai été choisi pour mon éloquence ». S'il avait choisi un sénateur, le sénateur aurait pu dire : « J'ai été choisi à cause de mon rang ». Enfin, s'il avait choisi un empereur, l'empereur aurait pu dire : « J'ai été choisi en raison de mon pouvoir ». Que ces gens-là se taisent, qu'ils attendent un peu, qu'ils se tiennent tranquilles. Ils ne seront pas oubliés ni rejetés ; qu'ils attendent un peu, parce qu'ils pourraient se glorifier de ce qu'ils sont en eux-mêmes.
« Donne-moi, dit le Christ, ce pêcheur, donne-moi cet homme simple et sans instruction, donne-moi celui avec qui le sénateur ne daigne pas parler, même quand il lui achète un poisson. Oui, donne-moi cet homme. Lorsque je l'aurai rempli, on verra clairement que c'est moi seul qui agis. Certes, j'accomplirai aussi mon oeuvre dans le sénateur, l'orateur et l'empereur..., mais mon action sera plus évidente dans le pêcheur. Le sénateur, l'orateur et l'empereur peuvent se glorifier de ce qu'ils sont : le pêcheur, uniquement du Christ. Que le pêcheur vienne leur enseigner l'humilité qui procure le salut. Que le pêcheur passe en premier. »
Sermon 43, 5-6 ; CCL 41, 510-511 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 396 rev.)
« Seigneur, tu sais tout ; tu sais bien que je t'aime »
Voici que le Seigneur, après sa résurrection, apparaît de nouveau à ses disciples. Il interroge l'apôtre Pierre, il oblige celui-ci à confesser son amour, alors qu'il l'avait renié trois fois par peur. Le Christ est ressuscité selon la chair, et Pierre selon l'esprit. Comme le Christ était mort en souffrant, Pierre est mort en reniant. Le Seigneur Christ était ressuscité d'entre les morts, et il a ressuscité Pierre grâce à l'amour que celui-ci lui portait. Il a interrogé l'amour de celui qui se déclarait ouvertement maintenant, et il lui a confié son troupeau.
Qu'est-ce donc que Pierre apportait au Christ du fait qu'il aimait le Christ ? Si le Christ t'aime, c'est profit pour toi, non pour le Christ. Si tu aimes le Christ, c'est encore profit pour toi, non pour lui. Cependant le Seigneur Christ, voulant nous montrer comment les hommes doivent prouver qu'ils l'aiment, nous le révèle clairement : en aimant ses brebis.
« Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? --Je t'aime. --Sois le pasteur de mes brebis. » Et cela une fois, deux fois, trois fois. Pierre ne dit rien que son amour. Le Seigneur ne lui demande rien d'autre que de l'aimer ; il ne lui confie rien d'autre que ses brebis. Aimons-nous donc les uns les autres, et nous aimerons le Christ.
Sermon Guelferbytanus 16, 1; PLS 2, 579 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 363)
« Jésus l'emmena à l'écart, loin de la foule, et lui mit les doigts dans les oreilles »
« Dieu te guérit de toute maladie. » (Ps 102,3) Toutes tes maladies seront guéries, ne crains pas. Tu diras qu'elles sont grandes ; mais le médecin est plus grand. Pour un médecin tout-puissant, il n'y a pas de maladie incurable. Laisse-toi simplement soigner, ne repousse pas sa main ; il sait ce qu'il a à faire. Ne te réjouis pas seulement lorsqu'il agit avec douceur mais supporte-le aussi quand il taille. Accepte la douleur du remède en pensant à la santé qu'il va te rendre.
Voyez, mes frères, tout ce que supportent les hommes dans leur maladies physiques pour prolonger leur vie de quelques jours... Toi du moins, tu ne souffres pas pour un résultat douteux : celui qui t'a promis la santé ne peut pas se tromper. Pourquoi est-ce que les médecins se trompent parfois ? Parce qu'ils n'ont pas créé ce corps qu'ils soignent. Mais Dieu a fait ton corps, Dieu a fait ton âme. Il sait comment recréer ce qu'il a créé ; il sait comment reformer ce qu'il a formé. Tu n'as qu'à t'abandonner entre ses mains de médecin... Supporte donc ses mains, ô âme, qui « le bénis et qui n'oublies aucun de ses bienfaits : il te guérit de toutes tes maladies » (Ps 102,2-3).
Celui qui t'avait fait pour n'être jamais malade si tu avais voulu garder ses préceptes, ne te guérira-t-il pas ? Celui qui a fait les anges et qui, en te recréant, te rendra égal aux anges, ne te guérira-t-il pas ? Celui qui a fait le ciel et la terre ne te guérira-t-il pas, après t'avoir fait à son image ? (Gn 1,26) Il te guérira, mais il faut que tu consentes à être guéri. Il guérit parfaitement tout malade, mais il ne le guérit pas malgré lui... Ta santé, c'est le Christ.
Discours sur les psaumes, Ps 102,5-6 ; PL 37, 1319
« Je parle ainsi, en ce monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés »
Ayant dit à son Père : « Désormais, je ne suis plus dans le monde…; moi, je viens vers toi » (Jn 17,11), notre Seigneur recommande à son Père ceux qui allaient être privés de sa présence physique : « Père saint, garde en ton nom ceux que tu m'as donnés ». En tant qu’homme Jésus prie Dieu pour les disciples qu'il a reçus de Dieu. Mais attention à la suite : « Pour qu'ils soient un comme nous ». Il ne dit pas : Pour qu'ils soient un avec nous, ou : Pour que nous ne soyons, eux et nous, qu'une seule chose, comme nous sommes un, mais il dit : « Pour qu'ils soient un comme nous ». Qu'ils soient un dans leur nature, comme nous sommes un dans
« Et maintenant que je viens à toi, je dis ces choses dans ce monde, pour qu'ils aient en eux ma joie en sa plénitude ». Il n'avait pas encore quitté le monde, il y était toujours, mais puisqu'il allait bientôt le quitter, il n'y était pour ainsi dire déjà plus. Mais quelle est cette joie dont il veut que ses disciples soient comblés ? Il l'a déjà expliqué plus haut, quand il a dit : « Pour qu'ils soient un comme nous ». Cette joie qui est la sienne et qu'il leur a donnée, il leur en prédit l’accomplissement parfait, et c'est pour cela qu'il en parle « dans le monde ». Cette joie, c'est la paix et le bonheur du monde à venir ; pour l'obtenir, il nous faut vivre dans ce monde-ci dans la modération, la justice et la piété.
Sermons sur saint Jean, n° 107
« Si la Loi appelle ceux à qui la parole de Dieu s'adresse des dieux, pourquoi dites-vous à celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde : Tu blasphèmes ! parce que j'ai dit : Je suis le Fils de Dieu ? » De fait, si Dieu a parlé aux hommes pour qu'ils soient appelés des dieux, comment la Parole de Dieu, le Verbe qui est en Dieu, ne serait-il pas Dieu ? Si les hommes, parce que Dieu leur parle, sont rendus participants de sa nature et deviennent des dieux, comment cette Parole, par où leur vient ce don, ne serait-elle pas Dieu ?... Toi, tu t'approches de la Lumière, et tu la reçois, et tu comptes parmi les enfants de Dieu ; si tu t'en éloignes, tu deviens obscur, et tu comptes parmi les fils des ténèbres (cf 1Th 5,5)...
« Croyez les œuvres. Ainsi vous reconnaîtrez et vous croirez que le Père est en moi et moi dans le Père. » Le Fils de Dieu ne dit pas « le Père est en moi et moi dans le Père » dans le sens où les hommes peuvent le dire. En effet, si nos pensées sont bonnes, nous sommes en Dieu ; si notre vie est sainte, Dieu est en nous. Lorsque nous participons à sa grâce et que nous sommes éclairés par sa lumière, nous sommes en lui et lui en nous. Mais...reconnais ce qui est propre au Seigneur et ce qui est un don fait à son serviteur. Ce qui est propre au Seigneur c'est l'égalité avec le Père ; le don accordé au serviteur, c'est de participer au Sauveur.
« Ils cherchaient donc à le saisir. » Si seulement ils l'avaient saisi — mais par la foi et l'intelligence, et non pour le tourmenter et le faire mourir ! En ce moment où je vous parle..., tous, vous et moi, nous voulons saisir le Christ. Saisir, qu'est-ce à dire ? Vous avez saisi quand vous avez compris. Mais les ennemis du Christ cherchaient autre chose. Vous avez saisi pour posséder, eux voulaient le saisir pour s'en débarrasser. Et parce qu'ils voulaient le saisir ainsi, que fait Jésus ? « Il échappa de leurs mains. » Ils n'ont pas pu le saisir, parce qu'ils n'avaient pas les mains de la foi... Nous saisissons vraiment le Christ si notre esprit saisit le Verbe.
Sermons sur l'évangile de Jean, n°48, 9-11 ; CCSL 36, 417
« Celui qui vient du ciel rend témoignage de ce qu'il a vu et entendu »
Supposons qu'en quelqu'un se taisent les agitations de la chair, que se taisent toutes les illusions de la terre, des eaux, de l'air, et même les cieux. Supposons que l'âme elle-même fasse silence et se dépasse en ne pensant plus à soi : silence des songes et silence des rêveries de l'imagination. Supposons qu'en quelqu'un toute langue, tout signe passager, fasse silence, que tout se taise — car pour qui peut l'entendre, toutes choses disent : « Nous ne nous sommes pas faites nous-mêmes ; notre Créateur c'est celui qui demeure éternellement » (cf Ps 99,3.5). Supposons donc que, cela dit, toute chose fasse silence, dressant l'oreille vers son Créateur, et que lui seul parle, non par ses œuvres mais par lui-même, nous faisant entendre sa Parole sans une langue de chair ou la voix d'un ange ou le fracas d'une nuée (Ex 19,16) ou le clair-obscur d'une parabole. Si lui-même, que nous aimons dans ces choses, se faisait entendre sans elles...et si notre pensée atteignait la Sagesse éternelle qui demeure au-dessus de tout..., ne serait-ce pas alors l'accomplissement de cette parole : « Entre dans la joie de ton Maître » ? (Mt 25,21)
Les Confessions, IX, 10
L'évêque, comme tout chrétien, « serviteur de tous »
Celui qui est à la tête du peuple doit d'abord comprendre qu'il est le serviteur de tous. Qu'il ne dédaigne pas ce service..., puisque le Seigneur des seigneurs (1Tm 6,15) n'a pas dédaigné de se mettre à notre service.
C'est l'impureté de la chair qui avait insinué chez les disciples du Christ comme un désir de la grandeur ; la fumée de l'orgueil leur montait aux yeux. Nous lisons en effet : « Une dispute s'éleva entre eux pour savoir qui était le plus grand » (Lc 22,24). Mais le Seigneur médecin était là ; il a réprimé leur enflure... Il leur a montré dans un enfant l'exemple de l'humilité... Car c'est un grand mal que l'orgueil, le premier mal, l'origine de tout péché...
C'est pourquoi l'apôtre Paul recommande, parmi les autres vertus des responsables de l'Église, l'humilité (cf 1Tm 3,6)... Quand le Seigneur parlait à ses apôtres pour les affermir dans l'humilité, il leur dit, en leur proposant l'exemple de l'enfant : « Qui veut être le plus grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur » (Mt 20,26)... C'est en évêque que je vous parle et mes avertissements me font craindre moi-même... Le Christ est venu « non pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mc 10,45). Voilà comment il a servi, voilà quels serviteurs il nous ordonne d'être. Il a donné sa vie, il nous a rachetés. Qui de nous peut racheter quelqu'un ? Nous avons été rachetés de la mort par sa mort, par son sang. Nous qui étions étendus à terre, nous avons été relevés par son humilité. Mais nous aussi, nous devons apporter notre petite part pour ses membres, puisque nous avons été faits ses membres. Il est la tête, nous sommes le corps (Ep 1,22). Et l'apôtre Jean nous exhorte à l'imiter : « Le Christ a donné sa vie pour nous ; nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères » (1Jn 3,16).
Sermon pour le sacre d'un évêque, Guelferbytanus n°32 ; PLS 2, 637 (trad. coll. Pères dans la foi, n°46, p. 93 rev.)
Pierre et Jean, de l'action à la contemplation.
L'Église connaît deux vies préconisées et recommandées par Dieu. L'une est dans la foi, l'autre dans la vision ; l'une dans le pèlerinage du temps, l'autre dans la demeure de l'éternité ; l'une dans le labeur, l'autre dans le repos ; l'une sur le chemin, l'autre dans la patrie ; l'une dans l'effort de l'action, l'autre dans la récompense de la contemplation... La première est représentée par l'apôtre Pierre, la seconde par Jean. La première se déroule entièrement ici-bas jusqu'à la fin du monde, et alors elle prendra fin. La seconde ne trouvera sa plénitude qu'après la fin du monde ; dans le monde à venir elle n'aura pas de fin.
C'est pourquoi Jésus dit à Pierre : « Suis-moi », et à propos de Jean : « Je veux qu'il demeure ainsi jusqu'à mon retour. Que t'importe ? Toi, suis-moi »... Que ton action me suive, parfaite et modelée sur l'exemple de ma Passion ; que la contemplation commencée demeure jusqu'à mon retour : je la rendrai parfaite quand je reviendrai. Car elle suit le Christ, cette ferveur endurante qui tient bon jusqu'à la mort ; et elle demeure jusqu'au retour du Christ, cette connaissance qui sera manifestée alors en plénitude. Ici, au pays des mortels, il faut endurer les maux de ce monde ; là, nous contemplerons les biens du Seigneur au pays des vivants (Ps 26,13)...
Que personne donc ne sépare l'un de l'autre ces deux apôtres glorieux ; car ils étaient tous deux dans ce que Pierre symbolise et ils seront tous deux dans ce que Jean représente.
Sermons sur l'évangile de Jean, n°124, 5-7 ; CCL 36, 685 (trad. Orval rev.)
L'Église considère la naissance de Jean comme particulièrement sacrée : on ne trouve aucun des saints qui nous ont précédés dont nous célébrions solennellement la naissance. Nous ne célébrons que celle de Jean et celle du Christ. Ce ne peut être sans motif ; et si peut-être nous n'y voyons pas très clair en raison de la noblesse d'un tel mystère, nous le méditerons cependant de façon fructueuse et profonde.
Jean naît d'une vieille femme stérile ; le Christ naît d'une jeune fille vierge. ~ La naissance de Jean rencontre l'incrédulité, et son père devient muet ; Marie croit à celle du Christ, et elle le conçoit par la foi. ~ Nous vous avons proposé d'en chercher la raison, nous vous avons annonce que nous allions y réfléchir. Mais c'était un simple préambule, et si nous ne sommes pas capables de scruter les replis d'un si grand mystère, faute de capacité ou de temps, vous serez mieux instruits par celui qui parle en vous, même en notre absence, celui à qui vous pensez avec affection, celui que vous avez accueilli dans votre cœur, celui dont vous êtes devenus les temples. ~
Jean apparaît donc comme une frontière placée entre les deux testaments, l'ancien et le nouveau. Qu'il forme une sorte de frontière, le Seigneur lui-même l'atteste lorsqu'il dit : La Loi et les Prophètes vont jusqu'à Jean . Il est donc un personnage de l'antiquité et le héraut de la nouveauté. Parce qu'il représente l'antiquité, il naît de deux vieillards ; parce qu'il représente la nouveauté, il se révèle prophète dans les entrailles de sa mère. En effet, avant sa naissance, lorsque Marie s'approcha, il bondit dans le sein de sa mère. Là déjà il était désigné pour sa mission, désigné avant d'être né. Il apparaît déjà comme le précurseur du Christ, avant que celui-ci puisse le voir. Ces choses-là sont divines et elles dépassent la capacité de la faiblesse humaine. Enfin a lieu sa naissance, il reçoit son nom, son père retrouve la parole. Il faut rattacher ces événements à leur symbolisme profond. ~
Zacharie se tait et perd la parole jusqu'à la naissance de Jean, précurseur du Seigneur, qui lui rend la parole. Que signifie le silence de Zacharie sinon que la prophétie a disparu, et qu'avant l'annonce du Christ, elle est comme cachée et close ? Elle s'ouvre à son avènement, elle devient claire pour l'arrivée de celui qui était prophétisé. La parole rendue à Zacharie à la naissance de Jean correspond au voile déchiré à la mort de Jésus sur la croix. Si Jean s'était annoncé lui-même, la bouche de Zacharie ne se serait pas rouverte. La parole lui est rendue à cause de la naissance de celui qui est la voix ; car on demandait à Jean qui annonçait déjà le Seigneur : Toi, qui es-tu ? Et il répondit : Je suis la voix qui crie dans le désert . La voix, c'est Jean, tandis que le Seigneur est la Parole : Au commencement était le Verbe . Jean, c'est la voix pour un temps ; le Christ, c'est le Verbe au commencement, c'est le Verbe éternel.
HOMÉLIE DE S. AUGUSTIN POUR LA NATIVITÉ DE JEAN BAPTISTE
« L'heure vient où les morts vont entendre la voix du Fils de Dieu »
« Éveille-toi, toi qui dors ; lève-toi d'entre les morts ! et Christ t'illuminera » (Ep 5,14). Comprends bien de quels morts il s'agit quand tu entends dire : « Lève-toi d'entre les morts ! » Souvent, même des morts visibles, on dit qu'ils dorment ; et vraiment, ils dorment tous pour celui qui peut les éveiller. Un mort est bien mort pour toi : tu as beau le frapper, le secouer, il ne se réveille pas. Mais pour le Christ il n'était qu'endormi celui à qui il a commandé : « Lève-toi ! » et aussitôt, il s'est levé (Lc 7,14). Il est facile de réveiller un dormeur de son lit ; plus facilement encore, le Christ réveille un mort enseveli...
« Voilà quatre jours qu'il est mort ; il sent déjà mauvais » (Jn 11,39). Mais vient le Seigneur à qui tout est facile. Devant la voix du Sauveur il n'y a pas de liens qui tiennent ; les puissances du séjour des morts tremblent et Lazare apparaît vivant... Pour la volonté vivifiante du Christ, même ceux qui sont morts depuis longtemps ne font que dormir.
Mais Lazare sorti du tombeau était encore incapable de marcher. Donc le Seigneur ordonna à ses disciples : « Déliez-le et laissez-le aller ». Christ l'avait ressuscité ; eux le délivraient de ses liens. Voyez la part du Seigneur pour ramener quelqu'un à la vie : esclave de l'habitude, il entend les exhortations de la Parole divine... Vivement admonestés, les pécheurs rentrent en eux-mêmes ; ils commencent a réviser leur vie et à sentir le poids des chaînes de leurs mauvaises habitudes. Ils décident de changer de vie : les voilà ressuscités ! Mais, bien que vivants, ils ne peuvent pas encore marcher ; il faut que leurs liens soient dégagés ; c'est le rôle des apôtres : « Ce que vous délierez sur terre le sera dans le ciel » (Mt 18,18).
Sermon 97
Il a tout donné pour toi
Jésus fatigué par la route s'assit sur la margelle du puits ; c'était environ la sixième heure. Là commencent les mystères ; ce n'est pas sans raison que Jésus est fatigué, lui la Force de Dieu... C'est pour toi que Jésus s'est fatigué en chemin. Nous trouvons Jésus, qui est la force même ; nous trouvons Jésus qui est faible ; Jésus fort et faible. Fort parce que « Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu »... Veux-tu voir la force de Dieu ? « Tout a été fait par lui et sans lui rien n'a été fait » (Jn 1,1-2), et il a tout fait sans peine. Qui de plus fort que celui qui a fait tout l'univers sans effort ? Veux-tu connaître sa faiblesse ? « Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous » (Jn 1,14).
La force du Christ t'a créé ; la faiblesse du Christ t'a recréé. La force du Christ a donné l'existence à ce qui n'était pas ; la faiblesse du Christ a fait que ce qui était ne périsse pas. Il nous a créés par sa force, il nous a recherchés par sa faiblesse. C'est par sa faiblesse qu'il nourrit ceux qui sont faibles, comme la poule nourrit ses petits : « Combien de fois, dit-il à Jérusalem, ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et tu ne l'as pas voulu ? » (Lc 13,34)...
Telle est l'image de la faiblesse de Jésus fatigué de la route. Sa route c'est la chair qu'il a prise pour nous. Quel autre chemin prendrait-il, celui qui est partout, qui est partout présent ? Où va-t-il et d'où vient-il, sinon habiter parmi nous et pour cela il a pris chair ? En effet, il a daigné venir à nous pour se manifester dans la forme de serviteur, et le chemin qu'il a choisi, c'est de prendre notre chair. C'est pourquoi « la fatigue du chemin » n'est rien d'autre que la faiblesse de la chair. Jésus est faible dans sa chair, mais toi, ne te laisse pas aller à la faiblesse. Toi, sois fort dans sa faiblesse à lui. Parce que « ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes » (1Co 1,25). La faiblesse du Christ est notre force.
Sermons sur l'évangile de Jean, n°15, 6-7 (trad. AELF rev.)
Quand je dis que Dieu n'incline pas son oreille vers le riche, n'allez pas en déduire, mes frères, que Dieu n'exauce pas ceux qui possèdent or et argent, domestiques et domaines. S'ils sont nés dans cet état et occupent ce rang dans la société, qu'ils se souviennent de cette parole de l'apôtre Paul : « Recommande aux riches de ce monde de ne pas céder à l'orgueil » (1Tm 6,17). Ceux qui ne cèdent pas à l'orgueil sont pauvres devant Dieu, qui incline son oreille vers les pauvres et les nécessiteux (Ps 85,1). Ils savent, en effet, que leur espérance n'est pas dans l'or ou l'argent ni dans ces choses dont on les voit regorger pour un temps. Il suffit que les richesses ne causent pas leur perte et que, si elles ne peuvent rien pour leur salut, elles n'y soient du moins pas un obstacle... Quand donc un homme méprise tout ce qui sert d'aliment à son orgueil, il est un pauvre de Dieu ; et Dieu incline vers lui son oreille, car il sait le tourment de son cœur.
Sans doute, frères, ce pauvre Lazare couvert d'ulcères, qui gisait à la porte du riche, a été porté par les anges dans le sein d'Abraham ; voilà ce que nous lisons et croyons. Quant au riche qui était vêtu de pourpre et de lin fin et festoyait splendidement chaque jour, il a été précipité dans les tourments de l'enfer. Est-ce vraiment le mérite de son indigence qui a valu au pauvre d'être emporté par les anges ? Et le riche a-t-il été livré aux tourments par la faute de son opulence ? Il faut le reconnaître : en ce pauvre c'est l'humilité qui a été honorée, et ce qui a été puni dans le riche, c'est l'orgueil.
Les Discours sur les psaumes, Ps 85, 3 ; CCL 39, 1178 (trad. Orval)
« Tous ceux qui touchèrent la frange de son manteau étaient sauvés »
Tout homme veut être heureux ; il n'est personne qui ne le veuille, et si fortement qu'il le désire avant tout. Bien mieux : tout ce qu'il veut en plus de cela, il ne le veut que pour cela. Les hommes suivent des passions différentes, tel celle-ci, tel autre celle-là ; il y a aussi bien des manières de gagner sa vie dans le monde : chacun choisit sa profession et s'y exerce. Mais qu'on s'engage dans tel ou tel genre de vie, tous les hommes agissent en cette vie pour être heureux... Qu'est-ce donc que cette vie capable de rendre heureux que tous souhaitent mais que tous n'ont pas ? Cherchons-la...
Si je demande à quelqu'un : « Veux-tu vivre ? », personne ne sera tenté de me répondre : « Je ne veux pas »... De même si je demande : « Veux-tu vivre en bonne santé ? », personne ne me répondra : « Je ne veux pas ». La santé est un bien précieux aux yeux du riche, et pour le pauvre elle est souvent le seul bien qu'il possède... Tous sont d'accord pour aimer la vie et la santé. Or, lorsque l'homme jouit de la vie et de la santé, peut-il se contenter de cela ?...
Un jeune homme riche a demandé au Seigneur : « Bon maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? » (Mc 10,17) Il craignait de mourir et il était contraint de mourir... Il savait qu'une vie de douleurs et de tourments n'est pas une vie, qu'on devait plutôt lui donner le nom de mort... Seule la vie éternelle peut être heureuse. Santé et vie d'ici bas ne l'assurent pas, vous craignez trop de les perdre : appelez cela « toujours craindre » et non « toujours vivre »... Si notre vie n'est pas éternelle, si elle ne comble pas éternellement nos désirs, elle ne peut pas être heureuse, elle n'est plus même une vie... Lorsque nous serons entrés dans cette vie-là, nous serons certains d'y demeurer toujours. Nous aurons la certitude de posséder éternellement la vraie vie, sans aucune crainte, car nous serons dans ce Royaume dont il est dit : « Et son règne n'aura pas de fin » (Lc 1,33).
Sermon 306, passim
« Vous n'êtes plus sous la Loi, mais sous la grâce »
L'Apôtre écrit aux Galates afin de leur faire comprendre que la grâce a pour effet de les soustraire à la Loi. En effet, alors qu'on leur avait annoncé la grâce de l'Évangile, il y eut des hommes venus de la circoncision, quoique portant le nom de chrétiens, qui ne saisissaient pas encore l'efficacité bienfaisante de la grâce, et qui voulaient demeurer sous les obligations de la Loi. Cette Loi, Dieu l'avait imposée aux serviteurs non pas de la justice, mais du péché ; c'est-à-dire qu'il donnait une loi juste aux hommes injustes pour signaler leurs péchés, non pour les enlever.
En effet, les péchés ne sont enlevés que par la grâce de la foi agissant par la charité. Ces judaïsants voulaient soumettre aux obligations de la Loi les Galates déjà établis sous le régime de la grâce. Ils affirmaient que l'Évangile ne leur servirait de rien s'ils ne se faisaient pas circoncire et s'ils n'acceptaient pas les autres observances charnelles de la religion judaïque.
C'est pourquoi les Galates commençaient à suspecter l'Apôtre Paul, qui leur avait prêché l'Évangile, comme n'observant pas la discipline des autres Apôtres, qui obligeaient les païens à vivre selon la manière juive. L'Apôtre Pierre avait reculé devant le scandale suscité par de tels hommes, et il avait été conduit à simuler, comme s'il avait pensé lui aussi que l'Évangile ne servirait de rien aux païens, s'ils n'accomplissaient pas les obligations de la Loi. L'Apôtre Paul le détourne de cette simulation, comme il le dit dans cette lettre justement. Le même problème est abordé dans la lettre aux Romains. Cependant il semble que quelque chose intervient alors, qui règle cette dispute et apaise ce litige soulevé entre les croyants venus du judaïsme et les croyants originaires du paganisme. ~
Mais, dans la lettre aux Galates, Paul écrit à ceux qui avaient déjà été ébranlés par l'autorité des hommes venus du judaïsme, qui les contraignaient aux observances légales. Car les Galates avaient commencé à faire confiance aux judaïsants, comme si Paul n'avait pas prêché la vérité en refusant de les faire circoncire. Et c'est pourquoi il commence ainsi son exposé : Je trouve vraiment étonnant que vous abandonniez si vite celui qui vous a appelés à la gloire du Christ, et que vous passiez à un autre Évangile.
Par cette entrée en matière, il a brièvement présenté le problème en cause. Déjà, dans la salutation où il se dit Apôtre envoyé non par les hommes ni par un intermédiaire humain, — affirmation qu'on ne trouve dans aucune autre lettre —, il montre suffisamment que ses contradicteurs ne viennent pas de Dieu, mais des hommes. Il montre aussi qu'il ne doit pas être considéré comme inférieur aux autres Apôtres en ce qui concerne l'autorité du témoignage évangélique. Car il sait qu'il est Apôtre envoyé non par les hommes ou par un intermédiaire humain, mais par Jésus Christ et Dieu le Père.
COMMENTAIRE SUR LA LETTRE AUX GALATES
Le persécuteur transformé en prédicateur
Du haut du ciel la voix du Christ a renversé Saul : il a reçu l'ordre de ne plus poursuivre ses persécutions, et il est tombé la face contre terre. Il fallait qu'il soit d'abord terrassé, et ensuite relevé ; d'abord frappé, puis guéri. Car le Christ n'aurait jamais vécu en lui, si Saul n'était pas mort à son ancienne vie de péché. Ainsi renversé à terre, qu'est-ce qu'il entend ? « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Il est dur pour toi de regimber contre l'aiguillon » (Ac 26,14). Et lui de répondre : « Qui es-tu, Seigneur ? » Alors la voix d'en haut continue : « Je suis Jésus de Nazareth que tu persécutes ». Les membres sont encore sur la terre, c'est la tête qui crie du haut du ciel ; elle ne dit pas : « Pourquoi persécutes-tu mes serviteurs ? » mais « Pourquoi me persécutes-tu ? »
Et Paul, qui mettait toute son ardeur à persécuter, se dispose déjà à obéir : « Que veux-tu que je fasse ? » Déjà le persécuteur est transformé en prédicateur, le loup se change en brebis, l'ennemi en défenseur. Paul apprend ce qu'il doit faire : s'il est devenu aveugle, si la lumière du monde lui est soustraite pour un temps, c'est pour faire briller dans son cœur la lumière intérieure. La lumière est enlevée au persécuteur pour être rendue au prédicateur ; au moment même où il ne voyait plus rien de ce monde, il a vu Jésus. C'est un symbole pour les croyants : ceux qui croient en Christ doivent fixer sur lui le regard de leur âme, sans tenir compte des choses extérieures...
Saul est donc conduit à Ananie ; le loup ravageur est amené à la brebis. Mais le Pasteur, qui conduit tout du haut des cieux la rassure... : « Sois sans inquiétude. Je lui ferai découvrir tout ce qu'il lui faudra souffrir pour mon nom » (Ac 9,16). Quelle merveille ! Le loup est amené captif à la brebis... L'Agneau, qui est mort pour les brebis, leur apprend à ne plus craindre.
Sermon 279
« Jusqu'à ce que vienne l'achèvement »
Qui donc, parmi les hommes, connaît tous les trésors de sagesse et de science cachés dans le Christ, et enfouis dans la pauvreté de sa chair ? Car lui qui est riche est devenu pauvre à cause de nous, pour que nous devenions riches par sa pauvreté . Puisqu'il venait pour endosser la condition mortelle et pour terrasser la mort elle-même, il s'est infiltré dans l'état de pauvre ; mais lui qui nous a promis des richesses lointaines n'a pas réellement perdu celles dont il s'est éloigné.
Comme ils sont surabondants, ses bienfaits ! Il les tient en réserve pour ceux qui le craignent, il en comble ceux qui espèrent en lui !
Car notre connaissance est partielle, jusqu'à ce que vienne l'achèvement.Afin que nous devenions capables de le saisir, celui qui est égal au Père comme ayant la nature de Dieu est devenu semblable à nous en prenant la nature du serviteur, et il nous recrée à la ressemblance de Dieu. Devenu fils d'homme, l'unique Fils de Dieu transforme de nombreux hommes en fils de Dieu. Et après avoir nourri les serviteurs par sa nature visible de serviteur, il les rend libres pour qu'ils puissent contempler la nature de Dieu.
Car nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. Nous le savons, lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu'il est . En quoi consistent, en effet, ces trésors de sagesse et de science, ces richesses divines ? Tout ce que nous savons, c'est qu'ils nous suffisent pleinement. Et cette surabondance de ses bienfaits ? Tout ce que nous savons, c'est qu'elle nous rassasie. Montre-nous le Père , donc, et cela nous suffit .
Et dans les psaumes, l'un d'entre nous, l'un de ceux qui sont en nous ou parlent de nous, dit au Seigneur : Je serai rassasié lorsque se manifestera ta gloire . Lui-même et le Père ne sont qu' un, et celui qui le voit voit aussi le Père. Donc le Seigneur de l'univers, c'est lui, le Roi de gloire. Nous faisant revenir, il nous montrera son visage ; nous serons sauvés , nous serons rassasiés, et cela nous suffira.
En attendant que réellement il nous montre ce qui nous suffit, en attendant de boire à cette source de vie et d'être rassasiés, tandis que nous progressons par la foi en voyageant loin de lui, tandis que nous avons faim et soif de la justice, et que nous désirons d'une ardeur inexprimable contempler la beauté de la nature divine, célébrons avec ferveur le jour de sa naissance, où il prend la nature de serviteur.
Puisque nous ne pouvons pas encore contempler sa génération par le Père dès l'aurore , célébrons sa naissance d'une vierge, aux heures de la nuit. Puisque nous ne saisissons pas encore que son nom existait avant le soleil , reconnaissons qu'il a posé sa tente dans le soleil . Puisque notre regard ne découvre pas encore le Fils unique demeurant en son Père, souvenons-nous de l’Époux sortant de la chambre nuptiale . Puisque nous ne sommes pas encore capables de savourer le banquet de notre Père reconnaissons la crèche de notre Seigneur Jésus Christ.
SERMON DE SAINT AUGUSTIN POUR NOËL
Le double commandement de l'amour
Voici que vient le Seigneur en personne, maître de charité, rempli de charité. Comme il avait été prédit de lui, il donne brièvement sa parole sur la terre , et il montre que la Loi et les prophètes se résument dans les deux préceptes de la charité. ~
Rappelez-vous avec moi, mes frères, quels sont ces deux préceptes. Car ils doivent être bien connus, et ne pas venir seulement à notre esprit de temps en temps, quand nous nous en souvenons ; ils ne doivent jamais s'effacer de vos cœurs. Songez toujours qu'il faut absolument aimer Dieu et le prochain : Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton Esprit, et ton prochain comme toi-même.
Il faut toujours y penser, le méditer, le retenir, l'accomplir. L'amour de Dieu est premier dans l'ordre des préceptes ; l'amour du prochain est premier dans l'ordre de la pratique. Car celui qui t'a prescrit cet amour en deux préceptes ne t'a pas recommandé le prochain d'abord, et Dieu ensuite ; mais Dieu d'abord, et le prochain ensuite.
Quant à toi, parce que tu ne vois pas encore Dieu, c'est en aimant le prochain que tu mérites de voir Dieu ; en aimant le prochain, tu purifies ton regard pour voir Dieu. C'est ce que saint Jean dit de façon évidente : Si tu n'aimes pas ton frère, que tu vois, comment pourrais-tu aimer Dieu, que tu ne vois pas ?
Voici que l'on te dit : Aime Dieu. Si tu me dis : Montre-moi celui que je dois aimer, que répondrai-je, sinon ce que dit saint Jean : Dieu, personne ne l'a jamais vu ? Mais ne t'imagine pas que tu es absolument exclu de la vie de Dieu ! Saint Jean nous dit : Dieu est amour, et celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu . Aime donc le prochain, regarde en toi d'où te vient cet amour du prochain ; là tu verras Dieu, dans la mesure où cela te sera possible.
Mets-toi donc à aimer le prochain. Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne méprise pas ton semblable. ~
En agissant ainsi, qu'obtiendras-tu ? Alors ta lumière jaillira comme l'aurore . La lumière, c'est ton Dieu. C'est une aurore, parce que son avènement se produira pour toi après la nuit de ce monde. Car cette lumière-là ne se lève pas, ne se couche pas : elle demeure toujours.
En aimant le prochain, en prenant soin de ton prochain, tu es en route. Où cela, si ce n'est vers le Seigneur Dieu, vers celui que tu dois aimer de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit ? Car nous ne sommes pas arrivés jusqu'au Seigneur, mais nous avons le prochain avec nous. Porte donc celui avec qui tu marches, pour parvenir à celui avec qui tu désires demeurer.
HOMÉLIE DE SAINT AUGUSTIN SUR L'ÉVANGILE DE JEAN
« Je suis la voix qui crie à travers le désert »
Jean était la voix, mais « au commencement était la Parole » (Jn 1,1). Jean, une voix pour un temps ; le Christ, la Parole dès le commencement, la Parole éternelle. Enlève la parole, qu'est-ce que la voix ? Là où il n'y a rien à comprendre, c'est un bruit vide. La voix sans la parole frappe l'oreille, elle n'édifie pas le cœur. Cependant, découvrons comment les choses s'enchaînent dans notre cœur qu'il s'agit d'édifier. Si je pense à ce que je dois dire, la parole est déjà dans mon cœur ; mais lorsque je veux te parler, je cherche comment faire passer dans ton cœur ce qui est déjà dans le mien. Si je cherche donc comment la parole qui est déjà dans mon cœur pourra te rejoindre et s'établir dans ton cœur, je me sers de la voix, et c'est avec cette voix que je te parle : le son de la voix conduit jusqu'à toi l'idée contenue dans la parole. Alors, il est vrai, le son s'évanouit ; mais la parole que le son a conduite jusqu'à toi est désormais dans ton cœur sans avoir quitté le mien.
Lorsque la parole est passée jusqu'à toi, n'est-ce pas le son qui semble dire, comme Jean Baptiste : « Lui, il faut qu'il grandisse ; et moi, que je diminue » ? (Jn 3,30) Le son de la voix a retenti pour accomplir son service, et il a disparu comme en disant : « Moi, j'ai la joie en plénitude » (v. 29). Retenons donc la Parole ; ne laissons pas partir la Parole conçue au plus profond de notre cœur.
Sermon 293, pour la nativité de saint Jean Baptiste (trad. bréviaire 3e dim. Avent)
La vie s’est manifestée dans la chair
Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons contemplé de nos yeux, et que nos mains ont touché, c’est le Verbe de la vie . Y a-t-il quelqu’un qui touche de ses mains le Verbe de la vie, sinon parce que le Verbe s’est fait chair et qu’il a établi sa demeure parmi nous ?
Or, ce Verbe qui s’est fait chair pour être touché de nos mains, il a commencé d’être chair dans le sein de la Vierge Marie. Mais il n’a pas alors commencé d’être le Verbe, car il était depuis le commencement , dit saint Jean. Voyez comme sa Lettre confirme son Évangile, où naguère vous avez entendu lire : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu .
Peut-être que certains entendent le Verbe de la vie comme une formule quelconque pour désigner le Christ, et non pas précisément le corps du Christ, que les mains ont touché. Mais voyez la suite : Oui, la vie s’est manifestée . Le Christ est donc le Verbe de la vie.
Et comment cette vie s’est-elle manifestée ? Car, si elle était dès le commencement, elle ne s’était pas manifestée aux hommes : elle s’était manifestée aux Anges, qui la voyaient et qui s’en nourrissaient comme de leur pain. C’est ce que dit l’Écriture : L’homme a mangé le pain des Anges .
Donc, la Vie elle-même s’est manifestée dans la chair : elle a été placée, en effet, en état de manifestation pour qu’une réalité visible seulement par le cœur pût être aussi visible aux yeux, afin de guérir les cœurs. C’est par le cœur seul qu’on voit le Verbe, tandis que la chair est vue aussi par les yeux. C’est la chair qui nous permettait de voir le Verbe. Le Verbe s’est fait chair, une chair que nous puissions voir, afin que soit guéri en nous ce qui pourrait voir le Verbe. ~
Nous portons témoignage , dit saint Jean : nous vous annonçons cette vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée en nous , c’est-à-dire qui s’est manifestée parmi nous ; on dirait plus clairement : qui s’est manifestée à nous.
Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons . Que votre charité soit attentive : Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons . Eux, ils ont vu le Seigneur lui-même présent dans la chair, ils ont entendu les paroles tombant de sa bouche et ils nous les ont annoncées. Mais nous, si nous avons entendu, nous n’avons pas vu.
Sommes-nous donc moins favorisés que ceux qui ont vu et entendu ? En ce cas, pourquoi ajoute-t-il : pour que, vous aussi, vous soyez en communion avec nous ? Eux ont vu ; nous, nous n’avons pas vu ; et pourtant nous sommes en communion avec eux, parce que nous avons une foi commune. ~
Et notre communion est avec Dieu le Père et Jésus Christ son Fils. Et c’est nous qui écrivons cela , ajoute saint Jean, pour que vous ayez la plénitude de la joie . Cette plénitude de la joie, il la fait consister précisément dans la communion, dans l’amour, dans l’unité.
COMMENTAIRE DE S. AUGUSTIN SUR LA 1 ère LETTRE DE JEAN
Éveille-toi
Homme, éveille-toi : pour toi, Dieu s’est fait homme. Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera . Pour toi, je le répète, Dieu s’est fait homme.
Tu serais mort pour l’éternité, s’il n’était né dans le temps. Tu n’aurais jamais été libéré de la chair du péché, s’il n’avait pris la ressemblance du péché. Tu serais victime d’une misère sans fin, s’il ne t’avait fait cette miséricorde. Tu n’aurais pas retrouvé la vie, s’il n’avait pas rejoint ta mort. Tu aurais succombé, s’il n’était allé à ton secours. Tu aurais péri, s’il n’était pas venu.
Célébrons dans la joie l’avènement de notre salut et de notre rédemption. Célébrons le jour de fête où, venant du grand jour de l’éternité, un grand jour éternel s’introduit dans notre jour temporel et si bref.
C’est lui qui est devenu pour nous justice, sanctification, rédemption . Ainsi, comme il est écrit : Celui qui veut se glorifier, qu’il mette sa gloire dans le Seigneur . ~ Donc, la Vérité a germé de la terre : le Christ, qui a dit : Moi, je suis la Vérité , est né de la Vierge. Et du ciel s’est penchée la justice , parce que, lorsque l’homme croit en celui qui vient de naître, il reçoit la justice, non pas de lui-même, mais de Dieu.
La Vérité a germé de la terre , parce que le Verbe s’est fait chair. Et du ciel s’est penchée la justice , parce que les présents les meilleurs, les dons parfaits, proviennent tous d’en haut .
La Vérité a germé de la terre : la chair est née de Marie. Et du ciel s’est penchée la justice , parce qu’ un homme ne peut rien s’attribuer , sinon ce qui lui est donné du Ciel .~
Nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu parce que justice et paix se sont embrassées . Par notre Seigneur Jésus Christ : car la Vérité a germé de la terre . C’est lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ; et nous mettons notre fierté dans l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu . Paul ne dit pas : « à notre gloire » ; mais à la gloire de Dieu parce que la justice n’est pas sortie de nous mais s’est penchée du ciel . Donc, celui qui cherche la gloire, qu’il mette sa gloire non en lui, mais dans le Seigneur .
De là vient que la louange angélique pour le Seigneur né de la Vierge a été :Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes comblés de sa bienveillance .
En effet, d’où vient la paix sur la terre , sinon de ce que la Vérité a germé de la terre , autrement dit, que le Christ est né de la chair ? Et c’est lui qui est notre paix : des deux, il a fait une seule réalité , pour que nous soyons des hommes pleins de bienveillance, tendrement attachés les uns aux autres par le lien de l’unité.
En ce jour de grâce, réjouissons-nous, pour trouver notre gloire dans le témoignage de notre conscience ; alors, ce n’est pas en nous, mais en Dieu que nous mettrons notre gloire. C’est pour cela qu’il est dit : Ma gloire, tu tiens haute ma tête . Dieu pouvait-il faire briller sur nous une grâce plus grande que celle-ci : son Fils unique, il en fait un fils d’homme et, en retour, il transforme des fils d’hommes en fils de Dieu ?
Cherche où est le mérite, où est le motif, où est la justice, et vois si tu découvres autre chose que la grâce.
SERMON DE SAINT AUGUSTIN POUR NOËL
Tous disaient : Que sera donc cet enfant ?
Quelle sera la gloire du juge, si la gloire du héraut est si grande ? Quel sera celui qui doit venir comme la voie (Jn 14,6), si tel est celui qui prépare la voie ? (Mt 3,3)... L'Église considère la naissance de Jean comme particulièrement sacrée ; on ne trouve aucun des saints qui nous ont précédés dont nous célébrons solennellement la naissance, nous ne célébrons que celle de Jean et celle du Christ... Jean naît d'une vieille femme stérile ; le Christ naît d'une jeune fille vierge. L'âge des parents n'était plus favorable à la naissance de Jean ; la naissance du Christ a lieu sans l'union des sexes. L'un est prédit par un ange ; l'autre conçu par la voix de l'ange... La naissance de Jean rencontre l'incrédulité, et son père devient muet ; Marie croit à celle du Christ, et elle le conçoit par la foi...
Jean apparaît donc comme une frontière placée entre les deux Testaments, l'Ancien et le Nouveau. Qu'il forme une sorte de frontière, le Seigneur lui-même l'atteste lorsqu'il dit : « La Loi et les prophètes ont duré jusqu'à Jean » (Lc 16,16). Jean représente donc à la fois ce qui est ancien, comme ce qui est nouveau. Parce qu'il représente les temps anciens, il naît de deux vieillards ; parce qu'il représente les temps nouveaux, il se révèle prophète dès le sein de sa mère (Lc 1,41)... Il apparaît déjà comme le précurseur du Christ, avant même qu'ils se voient. Ces choses-là sont divines et elles dépassent la capacité de la faiblesse humaine.
Enfin sa naissance a lieu, il reçoit son nom, et la langue de son père est déliée. Il faut rattacher ces événements à le
Sermon 293, 6ème pour la Nativité de Jean Baptiste, 1 (trad. cf bréviaire 24/06)
Date de dernière mise à jour : 2017-03-21
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