1953 ND de Syracuse / Les larmes de la Vierge
LES LARMES DE LA VIERGE MARIE À SYRACUSE : SIGNE DE LA TENDRESSE DE DIEU ENVERS L’HUMANITÉ
À Syracuse (Italie), en mémoire des larmes de Notre Dame jaillies du 29 août au 1er septembre 1953 d’un bas-relief de plâtre peint représentant son Cœur Immaculé, un majestueux sanctuaire a été bâti au cœur de la ville. Le couple de jeunes mariés propriétaire de l’image ainsi que les habitants de la ville entière ont été des protagonistes de cet événement. Ce « signe », reconnu très rapidement par l’Église, dépasse le temps et les distances, transmettant jusqu’à aujourd’hui un message éloquent : la tendresse de Dieu envers l’humanité.
Rosaria RicciardoCollaboratrice de la revue Madonna delle Lacrime [Madone des Larmes]
L’événement. Le matin du 29 août 1953, jour de l’octave de la fête du Cœur Immaculé de Marie, chez les jeunes mariés Angelo Iannuso et Antonina Giusto, habitant au n° 11 de la via degli Orti di San Giorgio dans la banlieue de Syracuse (Sicile, Italie), le bas-relief de plâtre peint représentant le Cœur Immaculé de Marie et placé à la tête du lit des époux Iannuso, commence à répandre des larmes, tandis qu’Antonina, malade et alitée, vit une grossesse difficile. Vingt ans avant les larmes de Notre-Dame d’Akita (Japon), un objet pieux de la Vierge est en pleurs. Le phénomène se répète 58 fois, à intervalles plus ou moins réguliers, pendant quatre jours (29-30-31 août et 1er septembre), aussi bien dans la maison qu’au dehors, où l’image est installée en exposition. Des milliers de personnes voient, touchent, recueillent et goûtent ces larmes. Ce prodige est pris en photo et en vidéo. Pendant le deuxième jour des lacrymations, le 30 août, un cinéaste amateur, Nicola Guarino, capture en 300 photogrammes la formation et l’écoulement des larmes. Sur mandat de la curie du diocèse, le matin du 1er septembre, une commission d’enquête constituée d’experts du laboratoire provincial d’hygiène se rend chez la famille Iannuso et prélève plus d’un centimètre cube du liquide qui jaillit des yeux de l’image. Les résultats des analyses chimiques au microscope révèlent que le liquide a une « composition analogue aux sécrétions lacrymales humaines », il présente des traces de protéines et d’urates, les mêmes substances qui composent nos larmes. Une fois l’analyse terminée, à 11h40, le phénomène de la lacrymation se termine. Nous sommes le quatrième jour.
Témoins guéris et convertis. Le tribunal ecclésiastique de Syracuse, institué pour l’occasion, rassemble les dépositions de 188 témoins. Le 7 octobre 1953, on institue une commission médicale pour analyser les témoignages relatifs à environ 300 guérisons prodigieuses signalées jusqu’à mi-novembre. Il est particulièrement intéressant de souligner les guérisons d’Antonina Giusto Iannuso (toxémie gravidique), d’Enza Mondcada (paralysie du bras droit) et d’Anna Gaudioso Vassallo (épithéliome du rectum). Les guérisons se produisent suite à l’invocation de « Notre Dame des Larmes » et après avoir posé du coton imbibé des larmes jaillies du tableau sur la partie malade du corps. En plus de guérisons physiques, les lacrymations produisent aussi des guérisons spirituelles : la plus connue est celle de Michele Cassola, membre de la Commission qui a analysé les larmes, qui ne croyait pas au moment de l’enquête, mais qui a ouvert son cœur à la foi après vingt ans de lutte intérieure.
La voix de l’Église. Le verdict du Magistère est immédiat. Le 8 septembre 1953, l’archevêque de Syracuse, Mgr Ettore Baranzini, constate l’authenticité du phénomène. Trois mois plus tard, le 12 décembre, l’Episcopat sicilien confirme par la voix du cardinal Ernesto Ruffini : « On ne peut pas douter de la réalité des lacrymations » ; et ils souhaitent « la construction d’un sanctuaire qui puisse perpétuer la mémoire de ce prodige ».
Le sanctuaire. Le sanctuaire représente la première réponse concrète de l’Église et de la ville de Syracuse. Dans un premier temps, on expose le petit bas-relief pour la dévotion des fidèles dans une « église-tente » située à Piazza Euripide, proche de la maison des lacrymations. Plus tard, il est placé dans un sanctuaire nouveau et moderne. Construit en plusieurs étapes, il se compose de deux églises indépendantes : la crypte, achevée en 1968, et la basilique supérieure, terminée en 1994 et dédiée par saint Jean-Paul II le 6 novembre de la même année. Œuvre des architectes français Michel Andrault et Pierre Parat, sa forme suggère la transposition plastique de l’idée de l’humanité qui s’élève vers Dieu. Le toit en béton armé rappelle en effet une immense robe de 74 mètres de haut, évasée vers le bas (80 mètres de diamètre à la base). Ce lieu qui vise à garder la mémoire du prodige et qui abrite le tableau en question est le lieu de très nombreux pèlerinages locaux, nationaux et internationaux.
Le reliquaire. Le 8 mai 1954, le précieux reliquaire qui conserve dans une ampoule les larmes restantes après l’enquête scientifique est scellé. Réalisé par l’artiste Biagio Poidimani, il contient aussi des mouchoirs ainsi que des boules de coton utilisées pour sécher le visage du tableau et le tube dans lequel les larmes analysées ont été recueillies. Ce reliquaire voyage parfois dans d’autres diocèses en Italie ou ailleurs pour des missions mariales de courte durée.
Les papes et les larmes de Marie. Les discours officiels traitant de l’événement de Syracuse sont nombreux. Les paroles les plus éloquentes sont tirées des discours des papes Pie XII, Jean-Paul II, Benoît XVI et François. Ce sont des paroles radieuses prononcées dans des contextes historiques différents mais qui n'ont jamais cessé de répandre leur lumière pour éclairer les nouveaux défis du temps qui vient.
- Le 17 octobre 1954, à peine un an après les événements, Pie XII est le premier Pape à se prononcer sur les faits de Syracuse à l'occasion du Congrès marial de Sicile.
- De Jean-Paul II, on compte dix-huit discours à ce sujet. Certains d'entre eux ont été prononcés lors de sa visite pastorale à Syracuse les 5 et 6 novembre 1994 pour la dédicace du sanctuaire à la Vierge des Larmes. Jeune évêque, Karol Wojtyla fut pèlerin à Syracuse et célébra l'Eucharistie au pied de l’image prodigieuse. Devenu Pape, il s’arrêta deux fois prier face au reliquaire des larmes de Marie.
- De Benoît XVI, on conserve une seule mais précieuse référence aux lacrymations de Syracuse, paroles écrites quand il n'était pas encore le souverain pontife de l’Église Romaine, mais le cardinal Joseph Ratzinger. Ses mots sont préservés dans l'un de ses livres écrit à la mémoire de son prédécesseur.
- Pendant le pontificat du Pape François on se rappelle de trois interventions sur la Vierge des Larmes de Syracuse : l’Angélus place Saint-Pierre à l'occasion du 60e anniversaire des lacrymations (1er septembre 2013) ; le discours dans la Basilique Saint-Pierre, en présence du reliquaire, à l'occasion de la Veillée de prière « Pour essuyer les larmes », pour le Jubilé de la Miséricorde (5 mai 2016) et la Méditation matinale en la chapelle de la Maison Sainte-Marthe pendant la célébration de l’Eucharistie en présence du reliquaire (25 mai 2018).
Le message des larmes. « Les hommes, comprendront-ils le mystérieux langage de ces larmes ? », se demande Pie XII dans un message historique diffusé à la radio le 17 octobre 1954. Dans le sermon pour la dédicace du sanctuaire à la Vierge, Jean-Paul II affirme en 1994 : « Les larmes de Marie appartiennent à l'ordre des signes. » « Signe » qui, tout en restant mystérieux, permet de voir le Cœur de Marie et celui de Dieu, exprime les larmes de l'Église, qui résume celles de l'humanité entière et parle au cœur de chacun.
1. Les larmes sont le « signe » de la présence de la Mère : elles révèlent le visage de Marie comme Mère de l’humanité. Bien qu'elle soit bienheureuse dans les cieux, fidèle à son devoir reçu sous la croix (Jean XIX, 26-27), Marie ne reste pas insensible, mais participe dans son intégralité, corps et âme, à l'histoire de ses enfants (Pie XII). Les larmes sont, en effet, le langage du corps quand il n'y a plus de mots. Marie, comme dans ses autres manifestations extraordinaires dans l'histoire (La Salette 1846, Lourdes 1858, Fatima 1917), invite ses enfants à vivre les Évangiles, elle les invite à la prière et à la conversion, elle continue de répéter : « Faites ce que Jésus vous dira » (Jean II, 5) mais elle le fait en utilisant un langage plus éloquent et universel. Les larmes, donc, « témoignent la présence de la Mère dans l'Église et dans le monde » (saint Jean-Paul II).
2. Les larmes sont un « signe » qui nous parle de Dieu : elles révèlent le cœur de Dieu. Marie, entourée et immergée dans le mystère du Dieu trinitaire dès l’Annonciation (elle écoute le message de Dieu porté par l’Ange, est remplie de l’Esprit Saint et accueille son Fils en son sein), en devient l’icône, la transparence, le miroir. Ce rapport de proximité produit un rapport de ressemblance. Les larmes de Marie révèlent l’amour de Dieu, si tendre et enveloppant comme celui d’une mère : « signe éloquent de la Miséricorde divine »(saint Jean-Paul II) ; « À travers Marie, le Seigneur nous fait sentir sa tendresse ! »(Pape François). Les larmes de Marie révèlent la tristesse du cœur de Dieu qui n’est pas aimé : « Ce sont des larmes de douleur pour tous ceux qui refusent l'amour de Dieu » (saint Jean-Paul II).
3. Les larmes sont le « signe » qui résume les pleurs de l’humanité : Marie est une créature comme nous, elle fait partie de notre humanité. Identifiée dans les Évangiles avec les pauvres, les petits, les exclus, elle est l’image et le porte-parole de tous ceux qui pleurent. Ses larmes sont signe de compassion et de partage. Marie peut bien dire, avec l’apôtre Paul : « Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent ; pleurez avec ceux qui pleurent » (Romains XII, 15). « La Madone des Larmes symbolise toutes les larmes des innocents auxquelles personne ne sait donner consolation » (Cardinal Joseph Ratzinger).
Quel engagement pour nous après la découverte de ce « signe » ? Si on doit interpréter chaque signe à la lumière d’« aujourd’hui » et sur la base de la Parole de Dieu, en analysant les modalités que Dieu a choisies pour cette manifestation, on peut reconnaître les pages des Évangiles qu’il veut nous rappeler.
a. Famille et vie. Marie se manifeste à Syracuse en choisissant une famille qui attend d’accueillir une nouvelle vie (leur enfant) et qui répond aux larmes d’une mère qui était prête à perdre sa vie pour donner la vie : les pleurs de Marie sont donc un appel à défendre l’unité de la famille et la dignité de chaque être humain dès sa conception jusqu’à sa fin naturelle. « Ce sont des larmes de douleur pour les familles désunies ou en difficulté, […] pour la violence qui fait encore couler tant de sang » (saint Jean-Paul II). À la lumière des larmes de la Mère, on peut voir la famille comme le « sein maternel » qui, à travers la douleur de l’accouchement crée une nouvelle façon de vivre dans l’Église et dans le monde (Jean XVI, 21).
b. Pauvretés anciennes et nouvelles. Un tableau très modeste, une famille modeste, une maison pauvre, une rue pauvre d’une banlieue pauvre : Dieu a utilisé ces instruments si pauvres pour nous rappeler son style et sa proximité(Matthieu XI, 25). Notre Dame des Larmes nous rappelle que c’est chez le « pauvre » qu’on peut rencontrer Dieu (Philippiens II, 7 ; 1 Corinthiens I, 27) et en même temps, elle nous invite à lutter à côté du pauvre contre la misère : « Ce sont des larmes de douleur […] pour la jeunesse assiégée par la civilisation de consommation et souvent désorientée » (Jean-Paul II).
c. Œcuménisme et dialogue interreligieux. Marie pleure près du cœur de la ville, une ville qui fut dès l’Antiquité un carrefour de cultures et de religions différentes, et elle pleure dans une maison qui se trouve juste à côté d’une église chrétienne mais non catholique. Étant sûrement des larmes de douleur pour les divisions parmi les chrétiens, les larmes de Marie sont encore plus un appel de la Mère à collaborer au dessein de Dieu, qui veut regrouper l’humanité entière, aujourd’hui si éparpillée, dans une seule famille, sans aucune distinction de classe sociale, de race, de foi (Jean XIX, 25-27 ; Luc XIII, 34). Ce « signe », situé au cœur de la ville, évoque la nécessité de marcher tous ensemble, croyants et non-croyants, comme citoyens coresponsables du bien commun et prêts à faire face aux défis du monde (la faim, la pauvreté, la guerre) : « Ce sont des larmes de douleur […] pour les incompréhensions et les haines qui creusent des fossés profonds entre les hommes et entre les peuples » (saint Jean-Paul II).
Signe de tendresse et d’espérance. Ce « signe » est une invitation à demander pour nous-mêmes « le don des larmes », pour « que nous puissions pleurer : pour nos péchés et pour de nombreuses catastrophes qui font souffrir le peuple de Dieu et les enfants de Dieu », comme le soulignait le pape François dans son homélie à la Maison Sainte-Marthe en présence du reliquaire ; nous avons aussi la certitude que les larmes de Marie sont un signe de la tendresse de Dieu : « À travers Marie, le Seigneur nous fait sentir sa tendresse ! » dit encore le pape François à l’occasion du 60e anniversaire des lacrymations. Les larmes de Marie ne sont donc pas un mauvais présage de catastrophes apocalyptiques, mais plutôt un grand don, signe d’espérance, signe de la présence de Dieu dans l’histoire, signe de l’amour de Dieu, maternellement proche de chaque être humain, le seul capable de tirer joie et espérance de la douleur. En présence du reliquaire dans la Basilique de Saint Pierre à Rome, le pape François nous rappelle que : « Près de toute croix il y a toujours la Mère de Jésus. De son manteau, elle essuie nos larmes. De sa main, elle nous aide à nous relever et nous accompagne sur le chemin de l’espérance. »
Compléments
Les conditions d’apparition du « signe » de Notre-Dame des larmes.
Le 21 mars 1953, a lieu le mariage des époux Iannuso. Cinq mois plus tard, au petit matin du 29 août, Antonina Giusto, 20 ans, femme au foyer, enceinte de son premier enfant et malade de toxémie gravidique, est la première à s’apercevoir des pleurs de la Sainte Vierge. Angelo Iannuso, 27 ans, ouvrier agricole, assiste au phénomène seulement à 17 heures, en rentrant du travail. Les larmes proviennent d’un bas-relief de plâtre pur de Brisighella (Forlì, Italie), mesurant 28 cm sur 23, modelé par le sculpteur Amilcare Santini et produit massivement par la société ILPA de Bagni di Lucca, en Toscane. Ce bas-relief a été donné comme cadeau de noces aux époux Iannuso à l’occasion de leur mariage. Aujourd’hui, la maison où se produisit le prodige est une petite chapelle, nommée « Oratorio » (Oratoire) et destinée aussi aux célébrations liturgiques.
Homélie du pape saint Jean-Paul II pour la dédicace du sanctuaire de Notre-Dame des Larmes (6 novembre 1994).
1. Dominus flevit (Le Seigneur pleura, cf. Luc XIX, 41). Il existe un lieu à Jérusalem, sur les pentes du Mont des Oliviers, où, selon la tradition, le Christ a pleuré sur la ville de Jérusalem. Dans ces larmes du Fils de l’Homme se trouve quasiment un lointain écho d’autres pleurs, dont parle la première lecture extraite du livre de Néhémie. Après le retour de la captivité à Babylone, les Israélites s’activèrent à reconstruire le Temple. Pourtant, ils écoutèrent d’abord les paroles des Saintes Écritures et du prêtre Esdras, qui bénit ensuite le peuple avec le livre de la Loi. Alors tous fondirent en larmes. Nous lisons en effet que le gouverneur Néhémie et le prêtre Esdras dirent à tous les gens présents : « Ce jour est consacré au Seigneur votre Dieu ! Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas ! [...] Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart ! » (Néhémie VIII, 9-10). Ainsi,les pleurs des Israélites étaient des pleurs de joie pour le Temple récupéré et pour la liberté retrouvée.
2. Les larmes du Christ sur les pentes du Mont des Oliviers, en revanche, ne furent pas des pleurs de joie. En effet, Jésus s’exclama : « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu ! Voici que votre temple vous est laissé : il est désert. » (Matthieu XXIII, 37-38). Un peu plus tard sur le chemin du Calvaire, Jésus dira des paroles similaires en rencontrant les femmes de Jérusalem en pleurs. Dans les larmes de Jésus sur Jérusalem se trouve l’expression de son amour pour la Cité sainte, en même temps que sa douleur à propos de son avenir proche, qu’Il prédit : la Cité sera conquise et le Temple détruit, les jeunes seront soumis au même sacrifice que le sien, celui de la mort sur la croix. « Alors on dira aux montagnes : “Tombez sur nous”, et aux collines : “Cachez-nous.” Car si l’on traite ainsi l’arbre vert, que deviendra l’arbre sec ? » (Luc XXIII, 30-31).
3. Nous savons que Jésus a pleuré, une autre fois, auprès de la tombe de Lazare. « Les Juifs disaient : “Voyez comme il l’aimait !” Mais certains d’entre eux dirent : “Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ?” » (Jean XI, 36-37). Alors Jésus, manifestant de nouveau une profonde émotion, se rendit au tombeau, ordonna d’enlever la pierre et, ayant levé les yeux vers le Père, cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » (cf. Jean XI, 43).
4. L’Évangile nous parle encore de l’émotion de Jésus quand Il exulta dans l’Esprit-Saint. « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. » (Luc X, 21). Jésus se réjouit de la paternité divine, Il est dans l’allégresse car Il lui a été donné de révéler cette paternité et Il est dans une joie infinie à cause du rayonnement particulier de cette paternité sur les pauvres. L’évangéliste Luc définit tout cela comme une jubilation dans l’Esprit-Saint. Une jubilation qui pousse Jésus à se révéler encore davantage : « Tout m’a été remis par mon Père. Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père ; et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. » (Luc X, 22, cf. Jean-Paul II, encyclique Dominum et vivificantem du 18 mai 1986, n°20)
5. Dans le cénacle, Jésus prédit aux Apôtres leurs futurs pleurs : « Amen, amen, je vous le dis : vous allez pleurer et vous lamenter, tandis que le monde se réjouira ; vous serez dans la peine, mais votre peine se changera en joie. » Et il ajoute : « La femme qui enfante est dans la peine parce que son heure est arrivée. Mais, quand l’enfant est né, elle ne se souvient plus de sa souffrance, tout heureuse qu’un être humain soit venu au monde. » (Jean XVI, 20-21) Ainsi, le Christ parle de la souffrance et de la joie de l’Église, de ses larmes et de son bonheur, en utilisant l’image d’une femme qui donne la vie.
6. Les récits évangéliques ne se souviennent jamais des pleurs de la Vierge Marie. Nous n’entendons jamais sa plainte, ni dans la nuit de Bethléem, quand fut venu pour elle le temps de mettre au monde le Fils de l’Homme, ni même au Golgotha, quand elle se tenait debout au pied de la Croix. Il ne nous est pas non plus donné de connaître ses larmes de joie, quand le Christ ressuscita. Même si les Saintes Écritures ne mentionnent pas ces pleurs, l’intuition de la foi joue toutefois en faveur de leur existence. Marie qui pleure de tristesse et de joie est l’expression de l’Église, qui est dans l’allégresse pendant la nuit de Noël, qui souffre le Vendredi saint au pied de la Croix et qui se réjouit de nouveau à l’aube de la Résurrection. Elle est l’Épouse de l’Agneau, comme nous l’a présentée la seconde lecture issue du livre de l’Apocalypse (cf. XXI, 9). 7. Les larmes de Marie figurent dans les apparitions par lesquelles, de temps en temps, Elle accompagne l’Église dans son chemin sur les routes du monde. Marie a pleuré à La Salette, au milieu du siècle dernier, avant les apparitions de Lourdes, dans une période pendant laquelle le christianisme en France rencontrait une hostilité croissante. Elle a pleuré encore, ici, à Syracuse, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il est justement possible de comprendre ces larmes par rapport à un arrière-plan d’événements aussi tragiques que l’énorme hécatombe provoquée par le conflit, l’extermination des fils et des filles d’Israël et la menace pour l’Europe qui provenait de l’Est, du communisme ouvertement athée. C’est dans cette période aussi qu’a pleuré l’image de la Vierge de Czestochowa à Lublin : fait peu connu en dehors de la Pologne. En revanche, la nouvelle de l’événement de Syracuse s’est beaucoup répandue et nombreux ont été les pèlerins qui sont venus ici. Le cardinal Stefan Wyszynski est même venu ici en pèlerinage en 1957, après son emprisonnement. Moi-même, alors jeune évêque, je suis venu ici pendant le Concile et j’ai pu célébrer la sainte messe le jour de la commémoration de tous les Fidèles défunts. Les larmes de la Sainte Vierge appartiennent à l’ordre des signes : elles témoignent de la présence de la Mère dans l’Église et dans le monde. Une mère pleure quand elle voit ses fils menacés d’un mal quelconque, spirituel ou physique. Marie pleure en participant aux larmes du Christ sur Jérusalem, devant le tombeau de Lazare ou sur le chemin de la Croix. […]
11. Sanctuaire de Notre-Dame des Larmes, tu as surgi pour rappeler à l’Église les pleurs de Marie. Rappelle-toi aussi les pleurs de Pierre, auquel le Christ a confié les clés du Royaume des cieux pour le bien de tous les fidèles. Que ces clés puissent servir à lier et à délier, pour la rédemption de toute misère humaine. Ici, entre ces murs accueillants, viennent tous ceux qui sont oppressés par la conscience de leur péché et qui expérimentent la richesse de la miséricorde de Dieu et de son pardon ! Que les larmes de la Mère les conduisent ici. Ce sont des larmes de douleur pour ceux qui refusent l’amour de Dieu, pour les familles désagrégées ou en difficulté, pour la jeunesse assiégée par la société de consommation et souvent désorientée, pour la violence que tant de sang fait encore endurer, pour les incompréhensions et les haines qui creusent des fossés profonds entre les hommes et entre les peuples. Ce sont des larmes de prière : prière de la Mère qui donne de la force à toutes les autres prières, et se lèvent aussi des suppliques pour tous ceux qui ne prient pas parce qu’ils sont distraits par mille autres centres d’intérêt ou parce qu’ils demeurent obstinément fermés à l’appel de Dieu. Ce sont des larmes d’espérance, qui font fondre la dureté des cœurs et les ouvrent à la rencontre avec le Christ rédempteur, source de lumière et de paix pour les gens seuls, pour les familles, pour la société toute entière.
(D’après http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/it/homilies/1994/documents/hf_jp-ii_hom_19941106_santuario-siracusa.html, traduction Alain Vignal)
Le cardinal Joseph Ratzinger, devenu Benoît XVI et Notre Dame des Larmes
« Je n’oublierai jamais la façon dont il (NDLR : Jean-Paul II) nous parla de la grande messe du Synode d’Afrique, duquel il se réjouissait, à l’époque de son hospitalisation suite à sa chute dans la salle de bain qui lui avait causé la fracture de hanche. Précédemment, il avait rendu visite à « Notre Dame de Larmes » à Syracuse et il commença à nous parler en débutant précisément avec cette rencontre. Aucun sermon qu’il aurait pu nous adresser en bonne santé pouvait nous toucher plus que ses mots à cette occasion. La Madone des Larmes symbolise toutes les larmes des innocents auxquels personne ne sait pas donner consolation. Combien de larmes ont été répandues en Afrique durant ces dernières années : comme au Rwanda, au Mozambique, au Nigeria, en Guinée-Bissau et dans plusieurs autres pays. En sa propre souffrance, le Pape parlait pour les souffrants du monde entier, et d’une façon totalement inattendue, avec un sens des réalités vraiment bouleversant, il avait pris part aux souffrances de l’Afrique, en devenant ainsi le messager fiable de la compassion divine, capable de lancer un appel extrêmement puissant à la compassion humaine. »
(J. RATZINGER, Jean-Paul II. Vingt ans dans l’histoire, éditions San Paolo, Cinisello Balsamo 1998, p. 26 ou J. RATZINGER BENOÎT XVI, Jean-Paul II, mon prédécesseur bien-aimé, éditions S. Paolo, 2007, p. 27.)
NB : Le Cardinal Ratzinger rappelle la période de l’hospitalisation de Jean-Paul II au centre hospitalier « Agostino Gemelli » de Rome (mai 1994) à cause de la fracture du fémur, ainsi que les mots que le Pape en souffrance a adressé à ses collaborateurs à cette occasion. Du 16 au 20 mai 1994, le Reliquaire s’arrête dans la chambre du Pape à l’hôpital Gemelli.
Sources documentaires
Concernant l’histoire des lacrymations de Syracuse :
- Musumeci Ottavio, Ha pianto la Madonna a Siracusa [La Madone a pleuré à Syracuse], éditions TipoLitografia Tarantello, 2003 (réimpression de 1954).
- Magnano Pasquale, Arcano Linguaggio 1. Storia e riflessioni sulla lacrimazione della Madonna a Siracusa [Obscure langage 1. Histoire et réflexions sur les lacrimations de la Madone à Syracuse], Ed. ASCA, Syracuse 2003.
- Bruno Giuseppe, Storia semplice del pianto della Madonna a Siracusa [Simple histoire des pleurs de la Madone à Syracuse], éditions Marchese, Syracuse 1998.
Concernant les études sur la lacrymation :
- Plusieurs auteurs, Comprenderanno gli uomini l’arcano linguaggio di quelle lacrime [Les hommes comprendront-ils le mystérieux langage de ces larmes]. Actes de la première semaine d’études mariales à Syracuse, 19-24 juin 1978, éditions Marchese, Syracuse 1979.
- Plusieurs auteurs, La venerazione a Maria nella tradizione cristiana della Sicilia orientale [La vénération de Marie dans la tradition chrétienne de la Sicile orientale]. Actes de la semaine d’études mariales, Syracuse, 5-8 octobre 1988, éditions Galatea, Acireale 1989.
- Candido Dionisio-Siringo Antonino-Vidau Enrico (éd.), Lacrime nel cuore della città [Larmes au cœur de la ville]. Actes des trois Congrès préparatoires et du XIIIème Dialogue internationale de mariologie à l’occasion du 50ème anniversaire des larmes de Marie, Syracuse, 29 septembre - 2 octobre 2003, Ed. AMI, Rome 2007.
- Greco Giuseppe (éd.), Il pianto di Maria. La lacrimazione a Siracusa tra storia e fede [Le pleur de Marie. La lacrymation à Syracuse entre histoire et foi], éditions Città Nuova, Rome 2003.
- Ricciardo Rosaria, Le lacrime di Maria a Siracusa: epifania del «dolore di Dio» [Les larmes de Marie à Syracuse : épiphanie de la « douleur de Dieu »], dans Nuova Umanità, septembre-octobre 2003, 149, n° 5, p. 547-575.
- Ricciardo Rosaria, Pianto di Maria e dolore di Dio. L’evento di Siracusa [Pleur de Marie et douleur de Dieu. L’évènement de Syracuse], éditions San Paolo, Cinisello Balsamo 2004.
- Ricciardo Rosaria, Siracusa, lacrime di Maria [Syracuse, les larmes de Marie], dans De Fiores Stefano-Ferrari Schiefer Valeria-Perrella M. Salvatore (éd.), Mariologia [Mariologie], éditions San Paolo, Cinisello Balsamo (MI), p. 1104-1113.
- Vanzan Piersandro, “Perché piangi, Maria?” [« Pourquoi pleurez-vous, Marie ? »], dans Civiltà Cattolica, septembre 2004, 155, n° 3, p. 498-506.
Pour les textes officiels du Magistère de l’Église :
www.vatican.va
https://www.notrehistoireavecmarie.com//fr/esc/les-larmes-de-la-vierge-marie-a-syracuse-signe-de-la-tendresse-de-dieu-envers-lhumanite/?utm_source=Une+minute+avec+Marie+%28fr%29&utm_campaign=a8efe10a2f-NHM_2017_N86&utm_medium=email&utm_term=0_a9c0165f22-a8efe10a2f-107225017
Date de dernière mise à jour : 2018-08-25
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