15 août : l'Assomption
Sermon de 1660 pour la fête de l'Assomption
Mais pourrai-je vous dire comment a fini ce miracle, et de quelle sorte il est arrivé que l'amour ait donné le coup de la mort ? Est-ce quelque désir plus enflammé, est-ce quelque mouvement plus actif, est-ce quelque transport plus violent, qui est venu détacher cette âme ? S'il m'est permis, chrétiens, de vous dire ce que je pense, j'attribue ce dernier effet, non point à des mouvements extraordinaires, mais à la seule perfection de l'amour de la Sainte Vierge. Car comme ce divin amour régnait dans son coeur sans aucun obstacle et occupait toutes ses pensées, il allait de jour en jour s'augmentant par son action, se perfectionnant par ses désirs, se multipliant par soi-même ; de sorte qu'il vint, s'étendant toujours, à une telle perfection, que la terre n'était plus capable de le contenir. Va, mon fils, disait ce roi grec ; étends bien loin tes conquêtes ; mon royaume est trop petit pour te renfermer. O amour de la Sainte Vierge, ta perfection est trop éminente ; tu ne peux plus tenir dans un corps mortel ; ton feu pousse des flammes trop vives pour être couvert sous cette cendre. Va briller dans l'éternité ; va brûler devant la face de Dieu ; va t'étendre dans son sein immense, qui seul est capable de te contenir. Alors la divine Vierge rendit sans peine et sans violence sa sainte et bienheureuse âme entre les mains de son Fils. Il ne fut pas nécessaire que son amour s'efforçât par des mouvements extraordinaires. Comme la plus légère secousse détache de l'arbre un fruit déjà mur, ainsi fut cueillie cette âme bénite pour être tout d'un coup transportée au ciel ; ainsi mourut la divine Vierge par un élan de l'amour divin et son âme fut portée au ciel par une nuée de désirs sacrés. Et c'est ce qui fait dire aux saints anges : Qui est celle-ci qui s'élève comme la fumée odoriférante d'une composition de myrrhe et d'encens ? (Cantique des cantiques III 6). Belle et excellente comparaison qui nous explique admirablement la manière de cette mort heureuse et tranquille.
Bossuet
Pie XI, pape, pour perpétuelle mémoire
Les Pontifes romains Nos prédécesseurs ont toujours, au cours des siècles, comblé des marques particulières de leur paternelle affection la France, justement appelée Fille aînée de l'Eglise. Notre prédécesseur de sainte mémoire, le pape Benoît XV, qui eut profondément à coeur le bien spirituel de la France, a pensé à donner à cette nation, noble entre toutes, un gage spécial de sa bienveillance.
En effet, lorsque, récemment, Nos Vénérables Frères les cardinaux, archevêques et évêques de France, d'un consentement unanime, lui eurent transmis par Notre Vénérable Frère Stanislas Touchet, évêque d'Orléans, des supplications ardentes et ferventes pour qu'il daignât proclamer patronne principale de la nation française la bienheureuse Vierge Marie reçue au ciel, et seconde patronne céleste sainte Jeanne, pucelle d'Orléans, Notre prédécesseur fut d'avis de répondre avec bienveillance à ces pieuses requêtes. Empêché par la mort, il ne put réaliser le dessein qu'il avait conçu. Mais à Nous, qui venons d'être élevé par la grâce divine sur la Chaire sublime du Prince des apôtres, il Nous est doux et agréable de remplir le voeu de notre très regretté prédécesseur et, par Notre autorité suprême, de décréter ce qui pourra devenir pour la France une cause de bien, de prospérité et de bonheur.
Il est certain, selon un ancien adage, que le royaume de France a été appelé le royaume de Marie, et cela à juste titre. Car, depuis les premiers siècles de l'Eglise jusqu'à notre temps, Irénée et Eucher de Lyon, Hilaire de Poitiers, Anselme, qui, de France, passa en Angleterre comme archevêque, Bernard de Clairvaux, François de Sales, et nombre d'autres saints docteurs, ont célébré Marie et contribué à promouvoir et amplifier à travers la France le culte de la Vierge Mère de Dieu. A Paris, dans la très célèbre Université de Sorbonne, il est historiquement prouvé que dès le XIII° siècle la Vierge a été proclamée conçue sans péché.
Même les monuments sacrés attestent d'éclatante manière l'antique dévotion du peuple à l'égard de la Vierge : trente-quatre églises cathédrales jouissent du titre de la Vierge Mère de Dieu, parmi lesquelles on aime à rappeler comme les plus célèbres, celles qui s'élèvent à Reims, à Paris, à Amiens, à Chartres, à Coutances et à Rouen. L'immense affluence des fidèles accourant de loin chaque année, même de notre temps, aux sanctuaires de Marie, montre clairement ce que peut dans le peuple la piété envers la Mère de Dieu et plusieurs fois par an la basilique de Lourdes, si vaste qu'elle soit, paraît incapable de contenir les foules innombrables des pèlerins.
La Vierge en personne, trésorière de Dieu de toutes les grâces, a semblé, par des apparitions répétées, approuver et confirmer la dévotion du peuple français.
Bien plus, les principaux et les chefs de la nation se sont fait gloire longtemps d'affirmer et de défendre cette dévotion envers la Vierge.
Converti à la vraie foi du Christ, Clovis s'empresse, sur les ruines d'un temple druidique, de poser les fondements de l'Eglise Notre-Dame, qu'acheva son fils Childebert.
Plusieurs temples sont dédiés à Marie par Charlemagne. Les ducs de Normandie proclament Marie Reine de la nation. Le roi saint Louis récite dévotement chaque jour l'office de la Vierge. Louis XI, pour l'accomplissement d'un voeu, édifie à Cléry un temple à Notre-Dame. Enfin, Louis XIII consacre le royaume de France à Marie et ordonne que chaque année, en la fête de l'Assomption de la Vierge, on célèbre dans toutes les diocèses de France de solennelles fonctions : et ces pompes solennelles, Nous n'ignorons pas qu'elles continuent de se dérouler chaque année.
En ce qui concerne la Pucelle d'Orléans que Notre prédécesseur a élevée aux suprêmes honneurs des saints, personne ne peut mettre en doute que ce soit sous les auspices de la Vierge qu'elle ait reçu et rempli la mission de sauver la France ; car d'abord, c'est sous le patronage de Notre-Dame de Bermont, puis sous celui de la Vierge d'Orléans, enfin de la Vierge de Reims, qu'elle entreprit d'un coeur viril une si grande oeuvre, qu'elle demeura sans peur en face des épées dégainées et sans tache au milieu de la licence des camps, qu'elle délivra sa patrie du suprême péril et rétablit le sort de la France. C'est après avoir reçu le conseil de ses voix célestes qu'elle ajouta sur son glorieux étendard le nom de Marie à celui de Jésus, vrai Roi de France. Montée sur le bûcher, c'est en murmurant au milieu des flammes en un cri suprême, les noms de Jésus et de Marie, qu'elle s'envola au ciel. Ayant donc éprouvé le secours évident de la Pucelle d'Orléans, que la France reçoive la faveur de cette seconde patronne céleste : c'est ce que réclament le clergé et le peuple, ce qui fut déjà agréable à Notre prédécesseur et qui Nous plaît à Nous-mêmes.
C'est pourquoi, après avoir pris les conseils de nos Vénérables Frères les cardinaux de la Sainte Eglise Romaine préposés aux Rites, motu proprio, de science certaine et après mûre délibération, dans la plénitude de Notre pouvoir apostolique, par la force des présentes et à perpétuité, Nous déclarons et confirmons que la Vierge Marie Mère de Dieu, sous le titre de son Assomption dans le ciel, a été régulièrement choisie comme principale patronne de toute la France auprès de Dieu, avec tous les privilèges et les honneurs que comportent ce noble titre et cette dignité.
De plus, écoutant les voeux pressants des évêques, du clergé et des fidèles des diocèses et des missions de la France, Nous déclarons avec la plus grande joie et établissons l'illustre Pucelle d'Orléans, admirée et vénérée spécialement par tous les catholiques de la France comme l'héroïne de la religion et de la patrie, sainte Jeanne d'Arc, vierge, patronne secondaire de la France, choisie par le plein suffrage du peuple, et cela encore d'après Notre suprême autorité apostolique, concédant également tous les honneurs et privilèges que comporte selon le droit ce titre de seconde patronne.
En conséquence, nous prions Dieu, auteur de tous biens, que, par l'intercession de ces deux célestes patronnes, la Mère de Dieu élevée au ciel et sainte Jeanne d'Arc, vierge, ainsi que des autres saints patrons des lieux et titulaires des églises, tant des diocèses que des missions, la France catholique, ses espérances tendues vers la vraie liberté et son antique dignité, soit vraiment la fille première-née de l'Eglise Romaine ; qu'elle échauffe, garde, développe par la pensée, l'action, l'amour, ses antiques et glorieuses traditions pour le bien de la religion et de la patrie.
Nous concédons ces privilèges, décidant que les présentes Lettres soient et demeurent toujours fermes, valides et efficaces, qu'elles obtiennent et gardent leurs effets pleins et entiers, qu'elles soient, maintenant et dans l'avenir, pour toute la nation française, le gage le plus large des secours célestes ; qu'ainsi il en faut juger définitivement, et que soit tenu pour vain dès maintenant et de nul effet pour l'avenir tout ce qui porterait atteinte à ces décisions, du fait de quelque autorité que ce soit, sciemment ou inconsciemment. Nonobstant toutes choses contraires.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, sous l'anneau du Pécheur,
le 2 du mois de mars de l'année 1922,
de Notre Pontificat la première année.
Déclaration du Roi par laquelle Sa Majesté déclare
qu’elle a pris la Très Sainte et Glorieuse Vierge
pour protectrice spéciale de son royaume
(10 février 1638)
Louis, par la grâce de Dieu,
roi de France et de Navarre,
à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut.
Dieu qui élève les rois au trône de leur grandeur, non content de nous avoir donné l'esprit qu'il départ à tous les princes de la terre pour la conduite de leurs peuples, a voulu prendre un soin si spécial et de notre personne et de notre état, que nous ne pouvons considérer le bonheur du cours de notre règne, sans y voir autant d'effets merveilleux de sa bonté, que d'accidents qui nous pouvaient perdre.
Lorsque nous sommes entré au gouvernement de cette couronne, la faiblesse de notre âge donna sujet à quelques mauvais esprits d'en troubler la tranquillité ; mais cette main divine soutint avec tant de force la justice de notre cause que l'on vit en même temps la naissance et la fin de ces pemicieux desseins. En divers autres temps, l’artifice des hommes et la malice du diable ayant suscité et fomenté des divisions non moins dangereuses pour notre couronne que préjudiciables au repos de notre maison, il lui a plu en détourner le mal avec autant de douceur que de justice.
La rebellion de l'hérésie ayant aussi formé un parti dans l'Etat, qui n'avait d'autre but que de partager notre autorité, il s'est servi de nous pour en abattre l'orgueil, et a permis que nous ayons relevé ses saints autels en tous les lieux où la violence de cet injuste parti en avait ôté les marques.
Quand nous avons entrepris la protection de nos alliés, il a donné des succès si heureux à nos armes, qu’à la vue de toute l'Europe, contre l'espérance de tout le monde, nous les avons rétablis en la possession de leurs états dont ils avaient été dépouillés.
Si les plus grandes forces des ennemis de cette couronne, se sont ralliées pour conspirer sa ruine, il a confondu leurs ambitieux desseins pour faire voir à toutes les nations que, comme sa providence a fondé cet Etat, sa bonté le conserve et sa puissance le défend.
Tant de grâces si évidentes font que pour n'en différer pas la reconnaissance, sans attendre la paix, qui nous viendra sans doute de la même main dont nous les avons reçues, et que nous désirons avec ardeur pour en faire sentir les fruits aux peuples qui nous sont commis, nous avons cru être obligés, nous prosternant aux pieds de sa majesté divine que nous adorons en trois personnes, à ceux de la Sainte Vierge et de la sacrée croix, où nous vénérons l’accomplissement des mystères de notre Rédemption par la vie et la mort du fils de Dieu en notre chair, de nous consacrer à la grandeur de Dieu par son fils rabaissé jusqu’à nous, et à ce fils par sa mère élevée jusqu'a lui ; en la protection de laquelle nous mettons particulièrement notre personne, notre Etat, notre couronne et tous nos sujets pour obtenir par ce moyen celle de la Sainte-Trinité, par son intercession et de toute la cour céleste par son autorité et exemple, nos mains n’étant pas assez pures pour présenter nos offrandes à la pureté même, nous croyons que celles qui ont été dignes de le porter, les rendront hosties agréables et c'est chose bien raisonnable qu'ayant été médiatrice de ces bienfaits, elle le soit de nos actions de grâces.
A ces causes, nous avons déclaré et déclarons que prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre Etat, notre couronne et nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer une sainte conduite et de défendre avec tant de soin ce royaume contre l'effort de tous ses ennemis, que, soit qu’il souffre du fléau de la guerre ou jouisse de la douceur de la paix que nous demandons à Dieu de tout notre cœur, il ne sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire. Et afin que la posterité ne puisse manquer à suivre nos volontés en ce sujet, pour monument et marque immortelle de la consécration présente que nous faisons, nous ferons construire de nouveau le grand autel de la cathédrale de Paris avec une image de la Vierge qui tienne dans ses bras celle de son précieux Fils descendu de la Croix , et où nous serons représenté aux pieds du Fils et de la Mère comme leur offrant notre couronne et notre sceptre.
Nous admonestons le sieur Archevêque de Paris et néanmoins lui enjoignons que tous les ans le jour et fête de l’Assomption, il fasse faire commémoration de notre présente déclaration à la grand'messe qui se dira en son église cathédrale, et qu'après les vêpres du dit jour, il soit fait une procession en la dite église à laquelle assisteront toutes les compagnies souveraines et le corps de ville, avec pareille cérémonie que celle qui s'observe aux processions générales les plus solennelles ; ce que nous voulons aussi être fait en toutes les églises tant paroissiales que celles des monastères de la dite ville et faubourg, et en toutes les villes, bourgs et villages du dit diocèse de Paris.
Exhortons pareillement tous les archevêques et évêques de notre royaume et néamnoins leur enjoignons de faire célébrer la même solennité en leurs églises épiscopales et autres églises de leur diocèse ; entendant qu’à la dite cérémonie les cours de Parlement et autres compagnies souveraines et les principaux offciers de la ville y soient présents ; et d'autant qu'il y a plusieurs épiscopales qui ne sont pas dédiées à la Vierge, nous exhortons les dits archevêques et évêques en ce cas de lui dédier la principale chapelle des dites églises pour y être fait la dite cérémonie et d'y élever un autel avec un ornement convenable à une action si célèbre et d'amonester tous nos peuples d’avoir une dévotion particulière à la Vierge, d'implorer en ce jour sa protection afin que sous une si puissante patronne notre royaume soit à couvert de toutes les entreprises de ses ennemis, qu'il jouisse largement d'une bonne paix ; que Dieu y soit servi et révéré si saintement à la dernière fin pour laquelle nous avons été créés ; car tel est notre bon plaisir. Donné à Saint-Germain-en-Laye, le dixième jour de février, l'an de grâce mil six cent trente-huit, et de notre règne le vingt-huit.
Constitution apostolique « Munificentissimus Deus » définissant le dogme de l’Assomption
1er novembre 1950
... Alors, puisque l'Eglise universelle, en laquelle vit l'Esprit de vérité, cet Esprit qui la dirige infailliblement pour parfaire la connaissance des véntés révélées, a manifesté de multiples façons sa foi au cours des siècles, et puisque les évêques du monde entier, d'un sentiment presque unanime, demandent que soit définie, comme dogme de foi divine et catholique, la vérité de l'Assomption au ciel de la Bienheureuse Vierge Marie - vérité qui s'appuie sur les Saintes Lettres et ancrée profondément dans l'âme des fidèles, approuvée depuis la plus haute antiquité par le culte de l'Eglise, en parfait accord avec les autres vérités révélées, démontrée et expliquée par l'étude, la science et la sagesse des théologiens - nous pensons que le moment, fixé par le dessein de Dieu dans sa Providence, est maintenant arrivé où nous devons déclarer solennellement cet insigne privilège de la Vierge Marie.
Nous, qui avons confié Notre pontificat au patronage particulier de la Très Sainte Vierge, vers qui Nous Nous réfugions en tant de vicissitudes des plus tristes réalités, Nous qui avons consacré à son Cœur Immaculé le genre humain tout entier en une cérémonie publique, et qui avons éprouvé souvent sa très puissante assistance, Nous avons une entière confiance que cette proclamation et définition solennelle de son Assomption apportera un profit non négligeable à la société humaine, car elle tournera à la gloire de la Très Sainte Trinité à laquelle la Vierge Mère de Dieu est unie par des liens tout particuliers. Il faut, en effet, espérer que tous les fidèles seront portés à une piété plus grande envers leur céleste Mère ; que les âmes de tous ceux qui se glorifient du nom de chrétiens, seront poussées au désir de participer à l'unité du Corps mystique de Jésus-Christ et d'augmenter leur amour envers Celle qui, à l'égard de tous les membres de cet auguste corps, garde un cœur maternel. Et il faut également espérer que ceux qui méditent les glorieux exemples de Marie se persuaderont de plus en plus de quelle grande valeur est la vie humaine si elle est entièrement vouée à l'accomplissement de la volonté du Père céleste et au bien à procurer au prochain ; que, alors que les inventions du « matérialisme » et la corruption des mœurs qui en découle menacent de submerger l'existence de la vertu et, en excitant les guerres, de perdre les vies humaines, sera manifesté le plus clairement possible, en pleine lumière, aux yeux de tous, à quel but sublime sont destinés notre âme et notre corps ; et enfin que la foi de l'Assomption céleste de Marie dans son corps rendra plus ferme notre foi en notre propre résurrection, et la rendra plus active.
Ce Nous est une très grande joie que cet événement solennel arrive, par un dessein de la Providence de Dieu, alors que l'Année Sainte suit son cours, car ainsi nous pouvons, pendant la célébration du très grand Jubilé, orner le front de la Vierge Mère de Dieu de ce brillant joyau et laisser un souvenir plus durable que l'airain de Notre piété très ardente envers la Mère de Dieu.
C’est pourquoi, après avoir adressé à Dieu d'incessantes et suppliantes prières, et invoqué les lumières de l'Esprit de vérité, pour la gloire du Dieu Tout-Puissant, qui prodigua sa particulière bienveillance à la vierge Marie, pour l'honneur de son Fils, Roi immortel des siècles et vainqueur de la mort et du péché, pour accroître la gloire de son auguste Mère et pour la joie et l’exultation de l'Eglise tout entière, par l'autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux apôtres Pierre et Paul, et par la Nôtre, Nous proclamons, déclarons et définissons que c'est un dogme divinement révélé que Marie, l'Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste.
Pie XII
Catéchisme de l’Eglise Catholique
Première partie, deuxième section, paragraphe VI
Marie : Mère du Christ, Mère de l’Eglise
Après avoir parlé du rôle de la Vierge Marie dans le mystère du Christ et de l'Esprit, il convient de considérer maintenant sa place dans le mystère de l'Eglise. « En effet, la Vierge Marie (...) est reconnue et honorée comme la véritable Mère de Dieu et du Rédempteur (...). Elle est aussi vraiment Mère des membres [du Christ] (...) ayant coopéré par sa charité à la naissance dans l'Eglise des fidèles qui sont les membres de ce Chef.[1] » « ... Marie Mère du Christ, Mère de l'Eglise. »
I. La maternité de Marie envers l'Eglise
Toute unie à son Fils...
Le rôle de Marie envers l'Eglise est inséparable de son union au Christ, elle en découle directement. « Cette union de Marie avec son Fils dans l'œuvre du salut est manifeste dès l'heure de la conception virginale du Christ, jusqu'à sa mort.[3]» Elle est particulièrement manifeste à l'heure de sa passion :
La bienheureuse Vierge avança dans son pèlerinage de foi, gardant fidèlement l'union avec son Fils jusqu'à la Croix où, non sans un dessein divin, elle était deLout, souffrant cruellement avec son Fils unique, associée d'un cœur maternel à son sacrifice, donnant à l'immolation de la victime, née de sa chair, le consentement de son amour, pour être enfin, par le même Christ Jésus mourant sur la Croix, donnée comme sa Mère au disciple par ces mots: « Femme, voici ton fils » (évangile selon saint Jean, XIX 26-27)[4].
Après l'Ascension de son Fils, Marie a « assisté de ses prières l'Eglise naissante.[5] » Réunie avec les apôtres et quelques femmes, « on voit Marie appelant elle aussi de ses prières le don de l'Esprit qui, à l'Annonciation, l'avait déjà elle-même prise sous son ombre.[6] »
... aussi dans son Assomption...
« Enfin la Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l'univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs, victorieux du péché et de la mort.[7] » L'Assomption de la Sainte Vierge est une participation singulière à la Résurrection de son Fils et une anticipation de la résurrection des autres chrétiens :
Dans ton enfantement tu as gardé la virginité, dans ta dormition tu n'as pas quitté le monde, ô Mère de Dieu : tu as rejoint la source de la Vie toi qui conçus le Dieu vivant et qui, par tes prières, délivreras nos âmes de la mort.[8]
[1] Vatican II : « Lumen gentium », n° 53 ; saint Augustin : « De sancta virginitate », VI.
[2] Paul VI : discours du 21 novembre 1964.
[3] Vatican II : « Lumen gentium », n° 57.
[4] Vatican II : « Lumen gentium », n° 58.
[5] Vatican II : « Lumen gentium », n° 69 .
[6] Vatican II : « Lumen gentium », n° 59 .
[7] Vatican II : « Lumen gentium », n° 59 . Pie XII : Constitution apostolique « Munificentissimus Deus », 1er novembre 1950.
[8] Liturgie byzantine : Tropaire de la fête de la Dormition.
Seigneur, ayez pitié de nous | Seigneur, ayez pitié de nous |
O Christ, ayez pitié de nous | O Christ, ayez pitié de nous |
Seigneur, ayez pitié de nous | Seigneur, ayez pitié de nous |
Père du Ciel qui êtes Dieu, | ayez pitié de nous |
Fils, Rédempteur du monde qui êtes Dieu, | ayez pitié de nous |
Saint-Esprit qui êtes Dieu, | ayez pitié de nous |
Sainte Trinité qui êtes un seul Dieu, | ayez pitié de nous |
Sainte Mère de Dieu, | priez pour nous |
Sainte Marie, Vierge très-sainte, | priez pour nous |
Sainte Marie, Vierge très-digne, | priez pour nous |
Sainte Marie, Vierge très-pure, | priez pour nous |
Sainte Marie, Vierge très-illustre, | priez pour nous |
Sainte Marie, Vierge très-glorieuse, | priez pour nous |
Sainte Marie, Vierge très-précieuse, | priez pour nous |
Sainte Marie, Vierge très-juste, | priez pour nous |
Sainte Marie, Mère de la miséricorde, | priez pour nous |
Sainte Marie, Mère de la prudence, | priez pour nous |
Sainte Marie, Mère de l'obéissance, | priez pour nous |
Sainte Marie, Mère de la grâce, | priez pour nous |
Sainte Marie, Mère de la pureté, | priez pour nous |
Sainte Marie, Mère de la confiance, | priez pour nous |
Sainte Marie, Mère de la patience, | priez pour nous |
Sainte Marie, Reine des cieux, | priez pour nous |
Sainte Marie, Reine des Anges, | priez pour nous |
Sainte Marie, Reine des Patriarches, | priez pour nous |
Sainte Marie, Reine des Apôtres, | priez pour nous |
Sainte Marie, Reine des Martyrs, | priez pour nous |
Sainte Marie, Reine de tous les saints, | priez pour nous |
Sainte Marie, source de l'humilité, | priez pour nous |
Sainte Marie, source de la piété, | priez pour nous |
Sainte Marie, source de la charité, | priez pour nous |
Sainte Marie, source de la grandeur, | priez pour nous |
Sainte Marie, source de la bonté, | priez pour nous |
Sainte Marie, source de la vérité, | priez pour nous |
Sainte Marie, source de la consolation, | priez pour nous |
Sainte Marie, source du salut, | priez pour nous |
Sainte Marie, source de la réparation, | priez pour nous |
Sainte Marie, source de la douceur, | priez pour nous |
Sainte Marie, source de la béatitude, | priez pour nous |
Sainte Marie, source de la beauté, | priez pour nous |
Sainte Marie, source de la perfection, | priez pour nous |
Sainte Marie, plus élevée que les cieux, | priez pour nous |
Sainte Marie, placée au-dessus des puissances, | priez pour nous |
Sainte Marie, plus estimable qu'une pierre précieuse, | priez pour nous |
Sainte Marie, plus belle que la lune, | priez pour nous |
Sainte Marie, plus précieuse qu'un trésor, | priez pour nous |
Sainte Marie, plus brillante que les étoiles, | priez pour nous |
Sainte Marie, qui êtes au-dessus de tout éloge, | priez pour nous |
Sainte Marie, fleur de la véritable sagesse, | priez pour nous |
Sainte Marie, fleur de la véritable science, | priez pour nous |
Sainte Marie, fleur de la véritable indulgence, | priez pour nous |
Sainte Marie, fleur de la véritable excellence, | priez pour nous |
Sainte Marie, fleur de la véritable justice, | priez pour nous |
Sainte Marie, fleur de la véritable milice, | priez pour nous |
Sainte Marie, fleur de la véritable joie, | priez pour nous |
Sainte Marie, pierre la plus précieuse du ciel, | priez pour nous |
Sainte Marie, qui êtes sans tache, | priez pour nous |
Sainte Marie, porte du paradis, | priez pour nous |
Sainte Marie, route du bon conseil, | priez pour nous |
Sainte Marie, avocate des pécheurs, | priez pour nous |
Sainte Marie, élevée au-dessus de toutes les créatures, | priez pour nous |
Sainte Marie, pendant toute l'éternité, | priez pour nous |
Priez pour nous, sainte Mère de Dieu.
Afin que nous soyons dignes des promesses du Christ.
Seigneur, protégez vos serviteurs, en leur accordant les bienfaits de la paix, et faites que, pleins de confiance en la protection de la bienheureuse vierge Marie, ils soient à l'abri des attaques de tous leurs ennemis. Par Jésus-Christ, notre Seigneur. - Amen.
http://missel.free.fr/Sanctoral/08/15.php
Marie : l'humanité accueillie par Dieu
Solennité de l'Assomption -15 Août 2014
Mgr Francesco Follo
ROME, 13 août 2014 (Zenit.org) - Ap 11,19a; 12,1-6a.10ab; Ps 44; 1 Co 15,20-27a; Lc 1, 39-56
1) Le but de la pèlerine du Ciel
Le Don (Marie) par lequel Dieu nous a donné son Fils ne pouvait se corrompre. Le Temple vivant qui avait accueilli en premier le Corps du Christ ne pouvait devenir poussière. L’Assomption1 de la Vierge éclaire de façon limpide la phrase qui souvent se répète à partir de Saint-Irénée de Lyon (IIe siècle) : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme puisse devenir Dieu ».
Que signifie : « devenir Dieu? ». Cela veut dire : devenir un vivant dont la vie n’a pas des limites parce qu’elle est pour toujours libérée du péché et de la mort.
Avant de réfléchir sur la scène de l’Evangile de la Messe d’aujourd’hui qui représente la Visitation de Marie à sa cousine Elisabeth dont le fils exulte de joie en percevant la présence du Fils de Dieu dans le ventre maternel , je m’arrête sur l’image (en grec : icône) de la Vierge Mère tenant dans ses bras le Bambin divin qu’elle soutien et protège. Marie, au nom de toute l’humanité, accueille Dieu d’une façon si tendre et familière qu'elle appuie son visage sur celui de Jésus. Ce Jésus, à la fin de la vie terrestre de sa Mère, fait une chose analogue. Si nous contemplons l’icône de la Dormition (c’est par cette désignation que les églises orientales célèbrent l’Assomption) de Marie, nous voyons que dans ce cas, c’est Lui qui accueille sa Mère : Dieu accueille l’humanité.
Regardons le tableau :
La Vierge Marie est morte. Jésus s’approche de son corps revêtu d’une robe noire, noir crysalide. Son Fils ressuscité qui prend dans ses bras l’âme de sa Mère, représentée comme une enfant qui achève sa naissance dans le Règne du Ciel. Dans certaines icônes, Jésus approche son visage de celui de cette femme-enfant. Contemplons cette assomption dans laquelle le divin accueille l’humain. Et c’est une grande fête. A ce propos, Saint-Anselme d’Aoste affirme que le Rédempteur voulut monter au ciel avant sa mère non seulement pour lui préparer un trône digne d’elle dans son palais royal, mais aussi pour rendre son entrée au ciel plus triomphale et plus glorieuse, en la recevant Lui-même avec tous les anges et les bienheureux du paradis.
La fête de l’Assomption nous rappelle notre destin de vie pleine dans la communion avec Dieu. Marie prise au ciel, dans l’âme et dans le corps est le mystère de notre foi qui nous montre que, nous aussi, comme Marie, sommes destinés à resurgir un jour dans l'âme et dans le corps, et tout notre être, toute notre histoire, nos relations d'amour vécues à travers le coeur et les gestes de notre corps, trouveront leur plénitude et leur accomplissement dans l’Amour de Dieu. Rien de notre histoire ne sera perdu, rien ne sera vécu sans une signification, aucun de tous ces gestes de fidélité, d’amour, d’humilité, de justice faits avec notre âme et notre corps ne seront vains.
2) La Route
Le fête de l’Assomption de Marie ne nous parle pas seulement du but mais aussi du chemin à accomplir pour nous, pèlerins, sur l’exemple de la Mère céleste, qui fut une pèlerine du Ciel tous les jours de sa vie sur terre.
Aujourd’hui nous célébrons la fête de l’Assomption de Marie, l’entrée au ciel de celle qui a cru, aux côtés de son fils, en anticipant le destin qui attend chaque homme. Marie nous précède dans l’accueil de cette Parole qui génère le Fils en nous, mais nous précède aussi dans l’espoir de la résurrection, dans l’assomption de toute l’humanité dans la vie de Dieu.
Pour nous faire comprendre ce mystère, la liturgie d’aujourd’hui nous emmène au début de cette histoire, dans laquelle le Ciel est descendu sur la terre et est devenu petit germe de vie dans le ventre d’une simple femme venant d’un petit village. Elle nous propose le passage de l’Evangile qui raconte la visite de la Mère du Messie à Elisabeth. La Mère de Dieu, après avoir reçu par l’Ange l’annonce de sa maternité, se rend promptement et amoureusement chez Elisabeth, personne âgée de sa famille, pour partager sa joie avec quelqu’un qui vivait la même situation. La raison de la fête est donc la joie d'être aimé par un Amour fécond.
Essayons d’imaginer la scène de la rencontre dans la maison de Zacharie. On pourrait dire que les protagonistes sont deux femmes qui se rencontrent, deux femmes enceintes, une âgée, vieille de dizaines de siècles d’attente - le Baptiste représente même plus de 2000 ans d’attente, il représente toute l’humanité qui attend le Sauveur promis depuis la nuit des temps. Une femme, donc, qui porte en elle, l’attente ancienne de l’humanité. L’autre, une jeune femme qui porte en elle l’Attendu de l’humanité, qui porte en elle la nouveauté, la vie nouvelle. La plus âgée porte le désir, la jeune le Désiré. Une porte la faim, l’autre la nourriture. Et la rencontre devient événement.
Je pense qu’il est juste affirmer que cette rencontre n’arrive pas tant entre Marie et Elisabeth, qu’entre les deux enfants qui sont dans le ventre de leur maman et qui sont dans la joie.
Marie exulte dans le Magnificat, son chant de joie : tous les siècles l’appelleront bienheureuse. Elle sera toujours à côté du Seigneur en corps et âme, parce qu’elle a collaboré avec lui à l’oeuvre de la rédemption.
Marie est Mère de Dieu parce qu’elle a cru en Sa parole et a accepté Sa proposition. Son bonheur vaut pour chacun de nous qui agissons comme elle qu'aujourd’hui nous célébrons, en retrouvrant le sens profond de la reconnaissance au Seigneur pour Sa Présence, pour Sa visite parmi nous.
3) Visitation de la Mère de la Vie
La visite de Marie à Elisabeth permit la visite de Jésus à Jean le Baptiste.
Ce ne fut donc pas une visite de courtoisie, ni une visite d'aide humanitaire à une personne âgée. Ce fut un geste d’humble charité. Elle démontra que Dieu est réellement descendu pour visiter et racheter l’humanité entière.
Au début de la narration de la visitation de Marie à Elisabeth, il y a un mot auquel nous ne donnons pas trop d’importance : « empressement » : « Ces jours-là (après l’annonciation) Marie se leva et alla ‘avec empressement’ vers la région montagneuse, dans une ville de Judée » (Lc 1,39).
Pourquoi, au lieu de méditer les paroles de l’Ange Gabriel et attendre chez elle, la Vierge Mère va « rapidement » chez sa cousine âgée, finalement enceinte ? Parce qu’elle était poussée par la charité du Christ. « Rapidement » ne veut pas dire qu’elle s’est mise à courir sur la route qui va à Ain Karim, le petit village à côté de Jérusalem où Elisabeth habitait. Cela veut dire qu’aucun retard ne peut ni ne doit exister entre la conception de Jésus en elle et la présence de Jésus parmi les hommes.
Nous devons faire la même chose. Si nous devons faire naître Jésus en nous, comme Marie l’a fait, nous devons laisser fleurir l’Esprit en nous, en partant... sans retard : chaque grâce est une mission. Chaque vocation est une mission de porter avec empressement la présence du Christ dans le monde.
Cette vocation est vécue, par les vierges consacrées dans le monde, à partir de leur totale adhésion au Christ et de leur communion avec lui : « Voulez vous être consacrées au Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu et le reconnaître comme votre époux? Oui nous le voulons » (Rite de consécration des vierges n.17). Cela implique que la plénitude de la virginité doit être donnée par le sens de la maternité. Elles sont réellement des vierges et épouses lorsqu’elles commencent à se sentir Mères, lorsque leur zèle pour sauver les âmes et les porter à Dieu les pousse à mettre à disposition de l’Eglise et de l’humanité toutes leurs ressources et à consommer leur existence avec empressement. Alors, elles donnent la vie, en servant la Vie (le Christ) comme le suggère la prière du Rite de consécration des Vierges au n. 18: « Prions Dieu Notre Père, son fils notre Seigneur, afin que l’Esprit diffuse sa grâce en abondance sur celles qu’Il a choisi de consacrer à son service ».
Lecture patristique
Saint Bernard de Clairvaux
DEUXIÈME SERMON POUR L'ASSOMPTION DE LA VIERGE MARIE.
Il faut nettoyer, orner et meubler la maison.
1. Jésus entra dans une bourgade et une femme nommée Marthe le reçut dans sa maison (Luc. X, 88). " Il me semble que je ne puis mieux faire, en entendant ces mots, que de m'écrier avec le Prophète : " O Israël, que la maison de Dieu est grande, et que ses possessions sont étendues (Baruch. III, 24) ! " Le sont-elles assez, en effet, pour qu'au prix d'elles l'immensité de cette terre ne soit qu'une petite bourgade ? Sa patrie et le pays qu'il habite sont-ils assez grands pour que l'Évangéliste, en parlant de l'arrivée du Sauveur de ce monde, dise : il est entré dans une petite bourgade? A moins que par ce mot bourgade, il faille entendre autre chose que les foyers du fort armé du prince, de ce monde, dont un plus fort armé vient enlever tous les meubles. Hâtons-nous, mes frères, d'entrer dans ce vaste séjour du bonheur, là où la place de l'un ne prend point sur celle de l'autre, et où nous pourrons comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur. Ne désespérons point d'y arriver, quand nous voyons celui qui habité dans les cieux, et qui en est le créateur, ne pas dédaigner d'entrer dans l'étroit séjour de notre petite bourgade.
2. Mais, que dis-je, entrer dans notre petite bourgade ? Il est même descendu dans l'étroite hôtellerie que lui offre le sein d'une vierge; n'est-il pas dit, en effet, que " une femme le reçut dans sa maison. " Oh ! heureuse la femme qui reçoit non pas les espions venus à Jéricho, mais bien le vaillant, spoliateur, de ce sot ennemi qui est un vrai Jéricho, puisqu'il change comme la lune. Ce ne sont pas les envoyés de Jésus, fils de Marie, qu'elle héberge chez elle, mais c'est le vrai Jésus, fils de Dieu. Oui, heureuse celle dont la maison où elle reçut le Seigneur, s'est trouvée nettoyée, mais point vide de tout. En effet, qui pourrait dire vide, la demeure que l'Ange appelle pleine de grâces ? Que dis-je ? pleine de grâces ? qu'il salue comme allant voir le Saint-Esprit même survenir en elle ? Or, pourquoi surviendra-t-il en elle, sinon pour l’emplir et la suremplir ? Pourquoi encore ? sinon, pour que déjà remplie par le Saint-Esprit qui était venu en elle, elle en fût suremplie, elle en débordât sur nous. Plaise à Dieu que ces parfums, c'est-à-dire, les dons de sa grâce, découlent d'elle en nous, et que nous recevions tous de cette plénitude! Elle est notre médiatrice, c’est par elle que nous avons reçu ,votre miséricorde, ô mon Dieu ; enfin, c'est par elle que nous recevons le Seigneur Jésus dans nos maisons. Car, nous avons tous notre castel et notre maison, et la Sagesse frappe à la porte de chacun de nous; pour entrer chez celui qui lui ouvrira et soupera avec lui. Un proverbe que tout le monde a à la bouche, et qui se trouve encore plus dans le coeur, dit : Celui qui garde son. corps, garde un bon castel ; mais ce n'est pas le proverbe du Sage, le sien serait plutôt celui-ci : " Appliquez-vous à la garde de votre coeur, parce qu'il est la source de la vie (Prov. IV, 23). "
3. Toutefois. disons aussi avec la foule : Celui qui garde son corps. garde un bon castel; seulement voyons quelle garde il faut mettre à ce castel. Peut-on dire que l'âme a bien gardé le castel de son corps, lors qu'elle a laissé ses membres conspirer, si je puis parler ainsi, et en livrer la; possession à son ennemi? Il y en a qui ont fait une alliance avec la mort, et un pacte avec l'enfer (Isa. XXVIII, 12) " Mon ami, est-il dit, après s'être engraissé, oui, une fois engraissé, plein d'embonpoint et florissant de santé, s'est révolté (Deut. XXXII, 15). " Voilà e genre de garde que louent les pécheurs dans les désirs de leur chair. Que vous ensemble, mes, frères, devons-nous sur ce chapitre, être de l'avis de la multitude? Non, non, adressons-nous plutôt à Paul, le brave général de notre milice spirituelle. Dites-nous donc, ô Apôtre, comment vous avez gardé votre castel? " Moi, dit-il si je cours, ce, n'et point au hasard. si je combats, ce n'est point contre l'air que je dirige mes coups ; mais je traite rudement mon corps st le réduis en servitude, de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois, moi-même réprouvé (I Cor. 26). " Ailleurs, il dit : " Que le péché ne règne point dans votre corps mortel; et ne vous fasse point obéir à ses désirs déréglés (Rom. VI, 12) ." Voilà la bonne garde à faire, et heureuse l'âme qui garde si bien son corps que jamais l'ennemi ne le tienne en son pouvoir. Il fut un temps où cet impie tenait mon castel sous son tyrannique empire, et commandait en maître, à tous mes membres . On peut se rendre compte du mal qu'il fait alors par la désolation et le dénuement qui, y règnent maintenant. Hélas! il n'y a laissé debout ni le mur de la continence, ni le contrefort de la patience. Il en a ravagé les vignes, saccagé les moissons, arraché les arbres; il n'est pas jusqu'à mes yeux qui n'aient porte la désolation dans mon âme. Si même le Seigneur n'était à mon secours, il s'en faudrait de peu que je ne fusse en enfer, je parle, de cet enfer inférieur, où il n'y a plus de place pour la confession et d'où il n'est donné à personne de sortir
4. D'ailleurs, dès lors même, ni la prison, ni l'enfer ne lui manquaient à mon âme pécheresse; car à peine :victime de cette conjuration de cette trahison détestable, elle se trouva, chez elle-même dans une véritable prison. et livrée aux gens de sa maison pour être torturée. Elle eut pour prison sa propre conscience, peur bourreaux sa raison et sa mémoire, et ils s'acquittèrent de leur emploi pitié, avec rigueur, avec cruauté même ; mais pourtant avec moins de cruauté que les lions rugissants prêts à la dévorer, auxquels elle allait être livrée (Eccli. LI, 4 ). Aussi, béni soit le Seigneur qui ne m'a point laissé en proie à leurs dents (Psal. CXXIII, 4). Oui béni le Seigneur qu i m'a visité et racheté (Luc, I, 68). En effet, au moment où le malin avait hâte de jeter mon âme dans l'enfer inférieur, et de livrer mon castel aux flammes éternelles pour l'y consumer, afin que mes membres reçussent la récompense de leur parjure, un plus fort que lui survint. Jésus entra dans mon castel, garrotta le fort armé et s'empara de ses meubles, pour faire des vases d'honneur, de ceux qu'il consacrait à l'ignominie, il brisa ses portes d'airain, rompit ses gonds de fer, arracha son prisonnier du fond de son cachot, et le tira des ombres de la mort. Or, c'est dans la confession que se fit cette sortie de prison; voilà, en effet, l'instrument qui servit en même temps à nettoyer et à parer son cachot; bientôt les joncs verdoyants des institutions régulières, rendirent à sa prison l'aspect d'une demeure habitable. Dès lors, cette femme a sa maison, elle a un endroit pour recevoir celui à qui elle est redevable de si grands bienfaits. D'ailleurs, malheur à elle, si elle ne le retient pas chez elle, si elle ne le force point à demeurer avec elle, quand le soir approche. Car celui qui en a été chassé reviendra, il la retrouvera sans doute nettoyée et parée, mais vide.
5. Et, en effet, il ne restera qu'une maison vide à l'âme qui aura négligé d'en faire une habitation digne du Seigneur. Mais vous me demanderez peut-être comment il peut se faire qu'une maison purifiée par la confession de ses anciens péchés, ornée par l'observation des pratiques régulières, peut encore être considérée comme indigne de devenir le séjour de la grâce et de recevoir le Sauveur. Il en est pourtant ainsi, n'en doutez point, tant qu'elle n'est nettoyée qu'au dehors et n'est pas couverte, comme je le disais, de joncs verdoyants, mais toute pleine de boue à l'intérieur. Qui pense qu'on peut recevoir le Seigneur dans des sépulcres blanchis, qui semblent beaux quand on ne les voit que par dehors, mais qui sont tout pleins au dedans de corruption et de pourriture ? Supposons, en effet, que, attiré par de beaux dehors, il y mette le pied et condescende à faire faire à sa grâce une première visite dans cette âme, ne reculera-t-il point à l'instant indigné, ne se retirera-t-il point en criant : j'ai mis le pied dans une boue profonde où il n'y a point un seul endroit solide (Psal. LXVIII, 5) ? Car les apparences de la vertu sans la réalité ne sont que des accidents sans la substance. Or les légères apparences d'une vie qui est toute extérieure, ne sauraient offrir un terrain solide au pied de celui qui entre partout et va fixer sa demeure au plus profond du coeur. Si l'esprit de discipline ne peut habiter dans un corps manifestement soumis au péché, non-seulement il se détourne de celui qui y est soumis en feignant de ne point l'être, mais encore il le fuit, il s'en éloigne. Or, est-ce autre chose qu'une feinte abominable que de ne raser le péché qu'à l'extérieur, en en laissant subsister les racines au dedans? Soyez certain qu'il y pullulera de plus belle, et que le malin qui avait été chassé de cette maison, dont il avait fait sa demeure, y reviendra avec sept esprits pires que lui, en la retrouvant nettoyée, mais vide. C'est le chien qui retourne à son vomissement, elle est plus repoussante qu'elle ne l'était auparavant, car celui qui, après avoir obtenu le pardon de ses fautes, retombe dans les mêmes horreurs que précédemment, comme le sanglier retourne à sa bauge fangeuse, devient vingt fois fils de l’enfer.
6. Voulez-vous voir une maison nettoyée, ornée, mais vide? Jetez les yeux sur cet homme qui a confessé ses fautes, renoncé à ses péchés extérieurs qui le faisaient juger, et qui maintenant ne travaille que du corps aux oeuvres prescrites, parce que le coeur sec n'agit plus que par une sorte d'habitude, absolument comme la génisse d'Éphraïm, qui aime à fouler le grain. Il n'omet pas un seul iota de la loi, il n'en passe pas un point, il ne néglige pas la moindre des pratiques extérieures, mais s'il ne peut se résoudre à boire un moucheron, il avale un chameau. Au fond du coeur, il est esclave de sa propre volonté, rongé par l'avarice, avide de gloire, plein d'ambition, il cultive tous ces vices ensemble, ou, au moins, il en nourrit quelques uns : en cela l’iniquité se ment à elle-même, mais Dieu ne saurait en être la dupe. En effet, il arrive quelquefois des hommes qui se déguisent si bien, qu'ils se séduisent eux-mêmes, et ne remarquent point qu'ils ont un ver au coeur qui les ronge. Les dehors sont sauvés, et ils croient que par là tout est sauvé pour eux. Comme dit le Prophète : " Des étrangers ont dévoré toute leur force, et ils ne s'en sont pas même aperçus (Osée, VII, 9). " Ils disent : Je suis riche, je n'ai besoin de rien, tandis qu'ils sont pauvres, dans le malheur et la misère (Apoc. III, l7). En effet, à la première occasion, on voit la plaie, cachée sous l'ulcère, s'enflammer, et l'arbre coupé jusqu'à la racine, mais non point arraché, repousser toute une forêt de rejetons. Pour échapper à ce péril, il faut mettre la cognée à la racine de l’arbre, non à ses rameaux. Qu'on ne trouve donc point en nous rien que des pratiques corporelles, elles ne valent que bien peu, mais qu'on y trouve la piété qui est utile à tout, et les pratiques spirituelles.
7. L'Évangéliste continue : " Une femme nommée Marthe le reçut dans sa demeure; elle avait une soeur du nom de Marie. " Elles sont soeurs, elles doivent donc habiter ensemble, l'une s'occupera des détail du ménage, l'autre sera toute entière aux paroles du Seigneur. Marthe se chargea de parer la maison, et Marie de l'emplir; en effet, elle vaque au Seigneur, pour que le Seigneur ne laisse point sa demeure vacante. Mais qui se chargera du nettoyage? Car il faut que la maison où le Sauveur est reçu, s'il s'en trouve une quelque part, soit nettoyée, ornée et qu'elle ne soit point vide. Confions donc, si vous le voulez, le soin de la nettoyer à Lazare, car son titre de frère lui permet d'y demeurer avec ses soeurs. Or je parle de ce même Lazare qui est en terre depuis quatre jours, qui déjà sent mauvais, mais que la voix puissante de Jésus-Christ ressuscite d'entre les morts. Que le Sauveur entre donc dans cette maison, qu'il en fasse souvent sa demeure, car Lazare la nettoie, Marthe l'orne, et Marie la remplit en s'adonnant à la méditation de l'esprit.
8. Mais on me demandera, peut-être avec curiosité, pourquoi dans notre Évangile il n'est pas parlé de Lazare; je pense que ce n'est pas sans une raison qui a du rapport avec ce que j'ai, dit, plus haut. Le Saint-Esprit, voulant faire comprendre qu'il s'agissait d'une habitation virginale, ne fit aucune mention de la pénitence qui nécessairement ne vient qu'après le mal. Il s'en faut bien, en effet, qu'on puisse dire que cette maison ait été souillée en quoi que ce soit, et ait eu besoin que Lazare y passât le balai. Supposez qu'elle eût contracté de ses parents la faute originelle, tout au moins la piété chrétienne ne nous permet pas de croire qu'elle fût moins sanctifiée que Jérémie dans le sein maternel, et moins remplie du Saint-Esprit que saint Jean, dès le ventre de sa mère : en effet, s'il en était autrement, si elle n'avait été sainte en naissant, on ne ferait point une fête du jour où elle vint au monde (a). Enfin, quand on sait, à n'en point douter, que Marie a été purifiée par la grâce toute seule, de la faute originelle que, maintenant la grâce ne lave que dans les eaux du baptême, et que la pierre de la circoncision enlevait seule autrefois, s'il faut croire, comme il y a piété à le faire, que Marie ne commit jamais un seul péché actuel, il s'en suit nécessairement qu'elle ne connut jamais non plus le repentir. Que Lazare se trouve là où il y a des consciences qui ont besoin de se laver de leurs oeuvres de mort; qu'il se trouve parmi les blessés qui dorment dans leur sépulcre, il ne peut y avoir que Marthe et Marie dans la demeure de la Vierge (Luc. I, 56), de celle qui alla rendre ses devoirs à sa parente Élisabeth, déjà vieille et grosse de trois mois environ, de celle qui méditait en son cœur tout ce qu'elle entendait dire de son fils (Luc. I, 19).
9. Il ne faut pas voir une difficulté dans ce qu'il est dit que la femme qui reçut le Seigneur s’appelle Marthe, au lieu de Marie, puisque dans notre grande Marie on retrouve en même temps l’occupation de Marthe, et le calme repos de Marie. Toute la beauté de la fille du roi est à l’intérieur, ce qui n'empêche point qu'elle ne soit, au dehors, parée de vêtements de toutes sortes, (Psal. XLIV, 10). Elle n'est point du nombre des vierges folles, c'est une vierge prudente, qui a sa lampe et de l’huile dans son vase (Matt. XXV, 12). Auriez-vous oublié la parabole de l’Évangile, qui nous représente les vierges folles exclues de la salle des noces? Leur demeure était pure; puisqu’elles étaient vierges, elle était ornée, puisque toutes, sages et folles avaient préparées leurs lampes, mais elles étaient vides, puisqu'elles avaient point d'huile dans leur vase. Or, c’est à cause de cela que l’Époux n'a voulu ni être reçu par elles dans leurs maisons, ni les recevoir elles-mêmes dans la salle de ses noces. Il n’en fut pas ainsi de la femme forte qui a écrasé la tête du serpent, car, entre autres éloges qui sont faits d'elle, il est dit : " Sa lampe ne s’éteindra point pendant la nuit (Prov., XXXI, 18). " C’est une allusion aux vierges folles qui, au milieu de la nuit, ou au moment où l'Époux arrivait, se plaignent, mais bien tard et disent : " Nos lampes se sont éteintes (Matt, XXV, 8). " La glorieuse Vierge Marie s’estdonc avancée avec sa lampe allumée, et fut, pour les anges eux-mêmes, un tel sujet d'étonnement, qu'ils s'écriaient : " Qu’elle est celle qui s’avance comme l’aurore à son lever, belle comme la lune, et éclatante comme le soleil (Cant. VI, ,9) ? " En effet, ils voyaient briller plus que les autres celle que Jésus-Christ, son fils et Notre Seigneur, avait remplie de l'huile de sa grâce, bien plus que toutes ses compagnes.
1 Le dogme de l’Assomption fut proclamé par le Pape Pie XII, le 1er novembre 1950, Année Sainte, à travers la Constitution apostolique Munificentissimus Deus. Mais ce qu’elle vient de définir était déjà présent en la foi de l’Eglise (“sensus fidelium”), notamment en la foi populaire, depuis le 4ème siècle, quand un Père de l’Eglise, Epiphane de Salamine, chercha à répondre à la question sur la destinée finale de Marie. En effet on se posait la question de savoir si Marie, étant totalement exempte du péché – compte tenu que l’un des effets du péché originel est la mort – eût également dû être assujettie à la mort comme tous les autres êtres humains. Pour cette raison au 6ème siècle l’Evêque de Livias (près de Jéricho) affirma dans une homélie: « il était opportun que le corps qui avait porté et gardé en soi le Fils de Dieu, après avoir été sur terre, eût été accueilli glorieusement au ciel avec l’âme ».
Entre-temps l’Eglise commençait à célébrer les fêtes mariales. Et en effet la première de celles-ci fut exactement celle qui est à l’origine de la fête contemporaine de l’Assomption: le 15 août 453, à Jérusalem une église était dédiée à la mort de Marie avec le nom suggestif de « Dormition ». Ceci devait s’expliquer par le fait que Marie, au terme de sa vie, n’était pas vraiment morte, mais elle s’était comme endormie. C’est pour cela qu’en la tradition orientale la mort de Marie est appelée « dormitio » (= endormissement) ou « transitus » (=passage).
Plus tard au 7èmesiècle l’Evêque Modeste de Jérusalem annonçait dans ses homélies que « Marie avait été prise par le Seigneur des Seigneurs de la Gloire », et il exaltait le trépas glorieux de la Mère de Dieu, « que le Fils avait pris dans le tombeau et appelée à soi d’une façon qui était connue seulement à lui ».
Date de dernière mise à jour : 2020-08-14
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