Passioniste de Polynésie

Jacques de Saroug quelques écrits

Jacques de sarougJacques de Saroug (vers 449-521), moine et évêque syrien

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« Tous deux ne feront plus qu'un »

« Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance », dit Dieu (Gn 1,26). Un simple commandement avait fait surgir les autres êtres de la création : « Que la lumière soit ! » ou « Qu'il y ait un firmament ! » Cette fois, Dieu ne dit pas : « Qu'il y ait des hommes », mais il dit : « Faisons l'homme ». En effet, il estimait convenable que soit façonnée de ses propres mains cette image de lui-même, supérieure à toutes les autres créatures. Cette œuvre lui était particulièrement proche ; il l'aimait d'un grand amour... Adam est à l'image de Dieu parce qu'il porte l'effigie du Fils Unique...

D'une certaine manière, Adam a été créé à la fois simple et double ; Ève se trouvait cachée en lui. Avant même qu'ils n'existent, l'humanité était destinée au mariage, qui les ramènerait, homme et femme, à un seul corps, comme au commencement. Aucune querelle, aucune discorde, ne devait s'élever entre eux. Ils auraient une même pensée, une seule volonté... Le Seigneur a formé Adam de poussière et d'eau ; Ève, il l'a tirée de la chair, des os et du sang d'Adam (Gn 2,21). Le profond sommeil du premier homme anticipait les mystères de la crucifixion. L'ouverture du côté, c'était le coup de lance porté au Fils Unique ; le sommeil, la mort sur la croix ; le sang et l'eau, la fécondité du baptême (Jn 19,34)... Mais l'eau et le sang qui ont coulé du côté du Sauveur sont à l'origine du monde de l'Esprit...

Adam n'a pas souffert du prélèvement fait dans sa chair ; ce qui lui avait été dérobé lui a été rendu, transfiguré par la beauté. Le souffle des vents, le murmure des arbres, le chant des oiseaux appelaient les fiancés : « Levez-vous, vous avez assez dormi ! La fête nuptiale vous attend ! »... Adam vit Ève à ses côtés, celle qui était sa chair et ses os, sa fille, sa sœur, son épouse. Ils se sont levés, enveloppés d'un vêtement de lumière, dans le jour qui leur souriait. Ils étaient au Paradis.

Hexaméron ; Homélie pour le sixième jour (trad. Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, Médiaspaul 1988, vol.1, p.27)

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« Je me lèverai et je rentrerai chez mon père »

      Je reviendrai à la maison de mon Père comme le prodigue, et je serai accueilli. Comme il a fait, lui, ainsi je ferai : ne m'exaucera-t-il pas ? A ta porte, Père miséricordieux, voici que je frappe ; ouvre-moi, que j'entre, de peur que je me perde et m'éloigne et périsse ! Tu m'as fait ton héritier, et moi, j'ai délaissé mon héritage et dissipé mes biens ; que je sois désormais comme un mercenaire et comme un serviteur.

      Comme du publicain, aie pitié de moi et je vivrai par ta grâce ! Comme à la pécheresse, remets-moi mes péchés, ô Fils de Dieu. Comme Pierre, tire-moi aussi du milieu des flots. Comme pour le larron, aie pitié de ma bassesse et souviens-toi de moi ! Comme la brebis qui s'est égarée, cherche-moi, Seigneur, et tu me trouveras ; et sur tes épaules amène-moi, Seigneur, à la maison de ton Père.

      Comme à l'aveugle, ouvre-moi les yeux, que je voie ta lumière ! Comme au sourd, ouvre-moi les oreilles, que j'entende ta voix. Comme pour le paralytique, guéris mon infirmité, que je loue ton nom. Comme le lépreux, par ton hysope purifie-moi de mes souillures (cf Ps 50,9). Comme la jeune enfant, fille de Jaïre, fais-moi vivre, ô notre Seigneur. Comme la belle-mère de Pierre, guéris-moi, car je suis malade. Comme le jeune enfant, fils de la veuve, remets-moi sur pied. Comme Lazare, appelle-moi de ta propre voix et délie mes bandelettes. Car je suis mort par le péché, comme d'une maladie ; relève-moi de ma ruine, que je loue ton nom ! Je t'en prie, Maître de la terre et du ciel, viens à mon aide et montre-moi ton chemin, que j'aille vers toi. Amène-moi vers toi, Fils du Très-Bon, et mets le comble à ta miséricorde. J'irai vers toi et là je me rassasierai dans l'allégresse. 

Poème (trad. P. Grelot, 1960 ; cf Orval)

separ ecrit biblioSe convertir et revenir au Seigneur

      Je reviendrai à la maison de mon Père comme le prodigue (Lc 15,18), et je serai accueilli. Comme il a fait, lui, ainsi ferai-je : ne m'exaucera-t-il pas ?... Car je suis mort par le péché, comme d'une maladie ; relève-moi de ma ruine, que je loue ton nom ! Je t'en prie, Maître de la terre et du ciel, viens à mon aide et montre-moi ton chemin, que j'aille vers toi. Amène-moi vers toi, Fils du Très-Bon, et mets le comble à ta miséricorde. J'irai vers toi et là je me rassasierai, dans l'allégresse. Le froment de vie, mouds-le pour moi en cette heure où je suis épuisé.

      Je suis parti à ta recherche et le Mauvais m'a épié comme un voleur (cf Lc 10,30). Il m'a lié et enchaîné dans les plaisirs du monde mauvais ; il m'a incarcéré dans ses plaisirs et m'a fermé la porte au nez ; et personne qui me libère pour que je parte à ta recherche, ô bon Seigneur !... Je désire, Seigneur, être à toi et marcher avec toi. Voici que je médite sur tes commandements, nuit et jour (Ps 1,2). Donne-moi ce que je demande et accueille mes prières, ô miséricordieux ! Ne tranche pas, Seigneur, l'espoir de ton serviteur, car il t'attend. 

Poème (trad. P. Grelot ; cf Orval)

separ ecrit biblio« Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils »

      Dans ses desseins mystérieux, le Père avait préparé une Épouse pour son Fils unique et il la lui avait présentée sous les images de la prophétie... Moïse a écrit dans son livre que « l'homme quitterait son père et sa mère pour s'attacher à sa femme de sorte que les deux ne fassent réellement plus qu'un » (Gn 2,24). Le prophète Moïse nous a parlé en ces termes de l'homme et de la femme pour annoncer le Christ et son Église. Avec l'œil perçant du prophète, il a contemplé le Christ devenant un avec l'Église grâce au mystère de l'eau : il a vu le Christ attirer à lui l'Église dès le sein virginal, et l'Église attirer à elle le Christ dans l'eau du baptême. L'Époux et l'Épouse ont été ainsi totalement unis d'une manière mystique ; voilà pourquoi Moïse, le visage voilé (Ex 34,33), a contemplé le Christ et l'Église ; il a appelé l'un « homme » et l'autre « femme », pour éviter de montrer aux Hébreux la réalité dans toute sa clarté... Le voile devait encore recouvrir ce mystère pour un temps ; personne ne connaissait la signification de cette grande image ; on ignorait ce qu'elle représentait.

      Après la célébration de leurs noces, Paul est venu. Il a vu le voile étendu sur leur splendeur, et l'a soulevé pour révéler le Christ et son Épouse au monde entier. Il a montré que c'était bien eux que Moïse avait décrits dans sa vision prophétique. Exultant d'une joie divine, l'apôtre a proclamé : « Ce mystère est grand » (Ep 5,32). Il a révélé ce que représentait cette image voilée que le prophète appelait l'homme et la femme : « Je le sais, dit-il, c'est le Christ et son Église qui ne sont plus deux mais un seul » (Ep 5,31 ). 

Homélie sur le voile de Moïse (trad. Guéranger rev. ; cf Delhougne, p. 295)

 separ ecrit biblio« Venez au repas de noce »

      Les femmes ne sont pas aussi étroitement unies à leurs maris que l'Eglise au Fils de Dieu. Quel autre époux que notre Seigneur est jamais mort pour son épouse, et quelle épouse a jamais choisi comme époux un crucifié ? Qui a jamais donné son sang en présent à son épouse, sinon celui qui est mort sur la croix et a scellé son union nuptiale par ses blessures ? Qui a-t-on jamais vu mort, gisant au banquet de ses noces, avec, à son côté, son épouse qui l'étreint pour être consolée ? A quelle autre fête, à quel autre banquet, a-t-on distribué aux convives, sous la forme du pain, le corps de l'époux ?

      La mort sépare les épouses de leurs maris, mais ici elle unit l'Epouse à son Bien-aimé. Il est mort sur la croix, a laissé son corps à sa glorieuse Epouse, et maintenant, à sa table, chaque jour, elle le prend en nourriture… Elle s'en nourrit sous la forme du pain qu'elle mange et sous la forme du vin qu'elle boit, afin que le monde reconnaisse qu'ils ne sont plus deux, mais un seul. 

Homélie sur le voile de Moïse (trad. Guéranger/Delhougne)

separ ecrit biblio« C'est de moi qu'il a parlé dans l'Ecriture »

      « Le visage de Moïse rayonnait parce qu'il avait parlé avec Dieu. Aaron et tous les Israëlites le virent...et avaient peur de l'approcher... Quand Moïse eut fini de leur parler, il mit un voile sur son visage » (Ex 34,29s). L'éclat dont resplendissait le visage de Moïse, c'était le Christ qui brillait en lui ; mais il a été caché aux yeux des Hébreux ; ils ne l'ont pas vu... Tout l'Ancien Testament se présente à nous voilé, comme Moïse, le symbole de toute prophétie. Derrière ce voile, étendu sur les livres des prophètes, apparaît le Christ, auguste juge, siégeant sur son trône de gloire...

      Si Moïse était voilé, quel autre prophète aurait pu se découvrir la face ? A sa suite, tous voilèrent donc leurs discours. Simultanément, ils annonçaient et voilaient ; ils présentaient leur message, et en même temps le recouvraient d'un voile... C'est parce que Jésus brillait dans leurs livres qu'un voile le dérobait aux yeux, voile qui proclame à tout l'univers que les paroles des Saintes Écritures ont un sens caché...

      Notre Seigneur a soulevé ce voile lorsqu'il a expliqué les mystères à l'univers entier. Par sa venue, le Fils de Dieu a découvert le visage de Moïse voilé jusqu'alors, paroles inintelligibles. La nouvelle alliance est venue éclairer l'ancienne ; le monde peut enfin saisir ces paroles que plus rien ne recouvre. Le Seigneur, notre Soleil, s'est levé sur le monde et a illuminé toute créature ; mystère, énigmes sont enfin éclaircis. Le voile qui recouvrait les livres a été soulevé et le monde contemple le Fils de Dieu à visage découvert.

Homélie sur le voile de Moïse (trad., La Vie Spirituelle, t. 91 1954, p. 143-145 ; cf Lire la Bible, coll. Migne n° 66)

separ ecrit biblio« Dieu sépara la lumière et les ténèbres » (Gn 1,4)

      Pendant que les anges, dans l'étonnement, n'osaient rien demander, l'ordre de Dieu a retenti : « Que la lumière soit ! » (Gn 1,3) Et la lumière a chassé les ténèbres...  Ce fut le dimanche, le premier des jours, le premier-né d'entre ses frères, le jour porteur de mystères et de symboles. Dieu avait créé deux jumeaux qui ne se ressemblaient en rien : la nuit tout obscure, et le jour si clair. La nuit était l'aînée, mais le jour l’a chassée et a pris sa place.

      Ce premier jour, ce fondement de la création, ne s'est pas écoulé heure après heure ; la lumière ne s’est pas levée à l'Orient, pour se coucher à l'Occident... Elle n’a subi aucun changement, mais elle fut, selon ce qui est écrit : « Et la lumière fut ». Un jour est né ainsi, formé de nuit et de lumière ; le soir et le matin se sont succédés... Alors Dieu a retiré le premier jour et il a appelé le deuxième. Il a placé les soirs et les matins sur leurs gonds pour que tourne le grand portail qui, chaque jour, s'ouvre et se ferme.

Hexaméron : Homélies pour le premier et le deuxième jour (trad. Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, Médiaspaul 1988, vol.1, p.14)

 

Date de dernière mise à jour : 2017-02-24