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Baudouin de Ford quelques écrits
Baudouin de Ford (?-v. 1190), abbé cistercien, puis évêque
Liste des lectures
Vivante est la parole de Dieu et efficace
Ils se mirent à lui en vouloir terriblement et ils le harcelaient
Heureux celui qui participera au repas dans le Royaume de Dieu
Je crois à la communion des saints
Les scribes et les pharisiens se mirent à lui en vouloir terriblement
Sa parole était pleine d'autorité
Forte est la mort… Fort est l'amour
Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde
Seigneur, enlève mon cœur de pierre
......
Le Seigneur discerne les pensées et les intentions du cœur.
Vous purifiez l'extérieur... Celui qui a fait l'extérieur n'a-t-il pas fait aussi l'intérieur ?
Le Seigneur fera germer la justice
Quelle est cette parole ? Il commande avec autorité et puissance
C'est mon Père qui vous donne le vrai pain descendu du ciel
L'homme crut à la parole que Jésus lui avait dite
Prenant les sept pains et rendant grâce, il les rompit
Le sabbat a été fait pour l'homme
Jésus l'interpella vivement : Silence ! Sors de cet homme
Baudouin de Ford (?-v. 1190), abbé cistercien, puis évêque
«Vivante est la parole de Dieu et efficace».
Vivante est la parole de Dieu, efficace, et plus acérée qu'une épée à deux tranchants. La puissance et la sagesse que renferme la parole de Dieu se manifestent dans ce passage à ceux qui cherchent le Christ, lui-même :Verbe, puissance et sagesse de Dieu. Le Verbe, de même éternité que le Père, et avec lui dès le principe, s'est révélé aux Apôtres à l'époque fixée par lui. Ensuite les Apôtres l'ont annoncé au monde, et la foi des peuples croyants l'a reçu en toute humilité. Il est donc le Verbe auprès du Père, le Verbe en la bouche des Apôtres, le Verbe en nos coeurs.
Et cette parole de Dieu est vivante, puisque le Père lui a donné d'avoir en elle la vie, comme le Père a la vie en lui-même. Aussi n'est-elle pas seulement une parole vivante, mais elle est la vie. C'est ainsi que le Christ se présente lui-même : Je suis le chemin, la vérité et la vie . Puisqu'il est vivant, puisqu'il est la vie elle-même, il est également force de vie : Comme le Père ressuscite les morts et donne la vie, de même le Fils donne la vie à qui il veut. Donateur de vie, il l'est assurément quand il appelle un mort et le fait sortir du tombeau en lui disant: Lazare, vient dehors!
Quand on prêche cette Parole, elle donne par cette prédication, à la parole extérieurement audible, la puissance même de sa parole intérieurement perçue. Dès lors, les morts ressuscitent et ce témoignage fait surgir de nouveaux fils d'Abraham. Elle est donc vivante, cette Parole, vivante dans le coeur du Père, vivante sur les lèvres du prédicateur, et vivante dans les coeurs, remplis de foi et d'amour. Et puisque c'est une Parole vivante, nul doute qu'elle ne soit aussi efficace.
Elle agit dans la création du monde, dans son gouvernement et dans sa rédemption. Où trouver plus grande efficacité? puissance plus éclatante? Qui dira les merveilles du Seigneur? Qui fera entendre toute sa gloire? L'efficacité de la Parole se manifeste dans ses oeuvres, elle se manifeste aussi dans la prédication. Car elle ne revient jamais sans effet, mais elle est source de progrès en toute créature à laquelle elle est envoyée.
La Parole est donc efficace, et plus pénétrante qu'une épée à deux tranchants, quand elle est reçue avec foi et amour. En effet, qu'y a-t-il d'impossible pour celui qui croit? Et qu'y a-t-il de rigoureux pour celui qui aime? Quand s'élève la voix du Verbe, elle s'enfonce dans le coeur comme des flèches de combat qui déchirent, comme des clous fichés profondément , et elle pénètre si loin qu'elle atteint le fond le plus secret. Oui, cette Parole pénètre plus loin qu'une épée à deux tranchants, car il n'est pas de puissance ni de force qui puisse porter de coups aussi sensibles, et l'esprit humain ne peut concevoir de pointe aussi subtile et pénétrante. Toute la sagesse humaine, toute la délicatesse du savoir naturel sont loin d'atteindre son acuité.
HOMÉLIE SUR LA LETTRE AUX HÉBREUX
Vers le sabbat en plénitude
Moïse a dit : « Le repos du sabbat sera consacré au Seigneur. » Le Seigneur aime le repos ; il aime se reposer en nous, et qu'ainsi nous nous reposions en lui. Mais il y a un repos du temps à venir dont il est écrit : « Désormais, dit l'Esprit, qu'ils se reposent de leurs travaux. » Et il y a un repos du temps présent, dont le prophète dit : « Cessez de faire le mal. »
On parvient au repos du temps futur par les six œuvres de miséricorde qui sont énumérées dans l'Évangile à l'endroit où il est dit : « J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger », etc.… Car « il y a six jours pendant lesquels il faut travailler » ; ensuite vient la nuit, c'est-à-dire la mort, où « nul ne peut travailler ». Après ces six jours, c'est le sabbat : lorsque toutes les bonnes œuvres sont consommées, c'est le repos des âmes.
(Références bibliques : Ex 31,15; Ap 14,13; Is 1,16; Mt 25,35s; Lc 13,14; Jn 9,4)
Le Sacrement de l'autel, 3, 2 ; SC 94 (trad. SC p. 517)
« Ils se mirent à lui en vouloir terriblement et ils le harcelaient »
« Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique » (Jn 3,16). Ce Fils unique « a été offert », non parce que ses ennemis ont prévalu, mais « parce que lui-même l'a voulu » (Is 53,10-11). « Il a aimé les siens ; il les a aimés jusqu'à la fin » (Jn 13,1). La fin, c'est la mort acceptée pour ceux qu'il aime ; voilà la fin de toute perfection, la fin de l'amour parfait, car « il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13).
Cet amour du Christ a été plus puissant dans la mort du Christ que la haine de ses ennemis ; la haine a pu faire seulement ce que l'amour lui permettait. Judas, ou les ennemis du Christ, l'ont livré à la mort, par une haine méchante. Le Père a livré son Fils, et le Fils s'est livré lui-même par amour (Rm 8,32; Ga 2,20). L'amour n'est cependant pas coupable de trahison ; il est innocent, même quand le Christ en meurt. Car seul l'amour peut faire impunément ce qui lui plaît. Seul l'amour peut contraindre Dieu et comme lui commander. C'est lui qui l'a fait descendre du ciel et l'a mis en croix, lui qui a répandu le sang du Christ pour la rémission des péchés, en un acte aussi innocent que salutaire. Toute notre action de grâce pour le salut du monde est donc due à l'amour. Et il nous presse, par une logique contraignante, d'aimer le Christ autant que d'autres ont pu le haïr.
Le Sacrement de l'autel, II, 1 ; SC 93 (trad. SC, p.171 rev.)
« Heureux celui qui participera au repas dans le Royaume de Dieu »
Le psalmiste dit : « Le pain fortifie le coeur de l'homme et le vin réjouit le coeur de l'homme » (Ps 103,15). Pour ceux qui croient en lui, le Christ est nourriture et breuvage, pain et vin. Il est pain, lorsqu'il nous donne force et fermeté, selon cette parole de Pierre : « Quand vous aurez un peu souffert, le Dieu de toute grâce, qui vous a appelés à sa gloire éternelle dans le Christ, vous rétablira et vous donnera force et fermeté » (1P 5,10). Il est breuvage et vin lorsqu'il réjouit, selon le mot du psalmiste : « Réjouis l'âme de ton serviteur, car j'élève mon âme vers toi, Seigneur » (Ps 85,4).
Tout ce qui en nous est fort, solide, ferme, allègre et joyeux pour accomplir les commandements de Dieu, supporter les maux, agir dans l'obéissance, défendre la justice, tout cela est force de ce pain ou joie de ce vin. Heureux ceux dont l'action est forte et joyeuse ! Et puisque personne ne le peut de soi-même, heureux ceux qui désirent avidement s'attacher à ce qui est juste et honnête et être en toutes choses fortifiés et réjouis par celui qui dit : « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice » (Mt 5,6). Si le Christ est dès maintenant pain et breuvage pour la force et la joie des justes, combien plus le sera-t-il dans la vie future, quand il se donnera aux justes sans mesure ?
Le Sacrement de l'autel, II,3 ; PL 204, 691 (trad. Orval ; cf SC 93, p.255 )
« Je crois à la communion des saints »
Frères bien-aimés, veillons avec soin à tout ce qui touche à notre vie commune, « conservant l'unité de l'esprit dans le lien de la paix » par « la grâce de notre Seigneur Jésus Christ et l'amour de Dieu et la communion du Saint Esprit » (Ep 4,3; 2Co 13,13). De l'amour de Dieu procède l'unité de l'esprit ; de la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, le lien de la paix ; de la communion du Saint Esprit, cette communion qui est nécessaire à ceux qui vivent en commun...
« Je crois, Seigneur, en l'Esprit Saint, en la sainte Église catholique, en la communion des saints » (Credo). Là est mon espérance, là est ma confiance, là est toute ma sécurité dans la confession de ma foi... S'il m'est donné, Seigneur, de « t'aimer et d'aimer mon prochain » (Mt 22,37-39), bien que mes mérites soient de peu, mon espérance s'élève bien au-dessus. J'ai confiance que par la communion de la charité, les mérites des saints me seront utiles et qu'ainsi la communion des saints suppléera à mon insuffisance et à mon imperfection... La charité dilate notre espérance jusqu'à la communion des saints, dans la communion des récompenses. Mais celle-ci concerne les temps futurs : c'est la communion de la gloire qui sera révélée en nous.
Il y a donc trois communions : la communion de la nature, à laquelle s'est ajoutée la communion de la faute...; la communion de la grâce ; et enfin celle de la gloire. Par la communion de la grâce, la communion de la nature commence d'être rétablie et celle de la faute est exclue ; mais par la communion de la gloire, celle de la nature sera réparée en perfection et la colère de Dieu sera tout à fait exclue, lorsque « Dieu essuiera toute larme des yeux » des saints (Is 25,8; Ap 21,4). Alors tous les saints auront comme « un seul cœur et une seule âme » ; et « toutes choses leur seront communes », car Dieu sera « tout en tous » (Ac 4,32; 1Co 15,28). Pour que nous parvenions à cette communion et que nous nous rassemblions dans l'un, « que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, et l'amour de Dieu, et la communion du Saint Esprit soit toujours avec nous tous. Amen ».
Traité de la vie cénobitique ; PL 204, 544s (trad. Lubac, Catholicisme, p. 308 rev.)
« Les scribes et les pharisiens se mirent à lui en vouloir terriblement »
Ceux qui ont versé le sang du Christ ne l'ont pas fait pour effacer les péchés du monde... Mais inconsciemment ils ont servi le plan du salut. Le salut du monde, qui s'ensuivait, ne tenait ni à leur puissance, ni à leur volonté, ni à leur intention, ni à leur acte, mais est venu de la puissance, de la volonté, de l'intention, de l'acte de Dieu. Dans cette effusion de sang, en effet, la haine des persécuteurs n'était pas seule à l'œuvre, mais aussi l'amour du Sauveur. La haine a fait son œuvre de haine, l'amour a fait son œuvre d'amour. Ce n'est pas la haine, mais l'amour qui a réalisé le salut.
En versant le sang du Christ, la haine s'est déversée elle-même, « pour que soient révélées les pensées d'un grand nombre de cœurs » (Lc 2,35). L'amour, lui aussi, en répandant le sang du Christ, se répandait lui-même, pour que l'homme sache combien Dieu l'aimait : « au point de ne pas épargner son propre Fils » (Rm 8,32). « Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique » (Jn 3,16).
Ce Fils unique a été offert, non parce que ses ennemis ont prévalu, mais parce que lui-même l'a voulu. « Il a aimé les siens, il les a aimés jusqu'à la fin » (Jn 13,1). La fin, c'est la mort acceptée pour ceux qu'il aime : voilà la fin de toute perfection, la fin de l'amour parfait. « Car il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime » (Jn 15,13).
Le Sacrement de l'autel, II,1 ; SC 93 (trad. SC, p.169)
« Sa parole était pleine d'autorité »
« La Parole de Dieu est vivante et efficace, plus affilée qu'un glaive à deux tranchants » (He 4,12). Toute la grandeur, la force et la sagesse de la Parole de Dieu, voilà ce que par ces mots l'apôtre montre à ceux qui cherchent le Christ, Parole, force et sagesse de Dieu. Cette Parole était au commencement auprès du Père, éternelle avec lui (Jn 1,1). Elle a été révélée en son temps aux apôtres, annoncée par eux et reçue humblement par le peuple des croyants...
Elle est vivante cette Parole à qui le Père a donné d'avoir la vie en elle-même, comme lui la possède en lui-même (Jn 5,26). Ainsi elle est non seulement vivante, mais elle est la vie, comme il est écrit : « Je suis la voie, la vérité, la vie » (Jn 14,6). Et puisqu'elle est la vie, elle est vivante et vivifiante, car « tout comme le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, ainsi le Fils donne la vie à qui il veut » (Jn 5,21). Elle est vivifiante lorsqu'elle appelle Lazare hors du tombeau et lui dit : « Sors ! » (Jn 11,43) Lorsque cette Parole est proclamée, la voix qui la prononce résonne à l'extérieur avec une force qui, perçue à l'intérieur, fait revivre les morts, et en éveillant la foi, suscite de vrais fils à Abraham (Mt 3,9). Oui, elle est vivante cette Parole, vivante dans le cœur du Père, dans la bouche de celui qui la proclame, dans le cœur de celui qui croit et qui aime.
Homélie 6, sur He 4,12 ; PL 204, 451-453 (trad. Orval ; cf bréviaire 30e ven)
Je suis le pain de vie
"Je suis le pain de vie. Qui vient à moi n'aura plus faim, qui croit en moi n'aura plus jamais soif [Jn 6, 35]. La Sagesse dit pourtant : Ceux qui me mangent auront encore faim, ceux qui me boivent auront encore soif [Si 24, 21]. Le Christ, Sagesse de Dieu, n'est pas dès maintenant mangé jusqu'au rassasiement de notre désir, mais seulement dans une mesure qu'il excite notre désir de rassasiement, et plus nous goûtons sa douceur, plus notre désir s'irrite. C'est pourquoi ceux qui le mangent auront encore faim, jusqu'à ce que vienne le rassasiement. Mais, lorsque leur désir aura été comblé par les biens célestes, ils n'auront plus ni faim ni soif.
Cette parole : Ceux qui me mangent auront encore faim, peut aussi s'entendre du monde futur, car il y a dans ce rassasiement éternel une sorte de faim, qui ne vient pas du besoin mais du bonheur. Les convives y désirent toujours manger ; jamais ils ne souffrent de la faim, et cependant jamais ils ne se lassent d'être rassasiés. Ainsi, alors même qu'on le tient, on le cherche selon qu'il est écrit : Cherchez son visage toujours [Ps 104, 4]. Oui, on le cherche toujours, celui qu'on aime pour le posséder toujours."
(Le sacrement de l'autel, II, 3 ; SC 93, p.253).
Forte est la mort… Fort est l'amour
Forte est la mort, puisqu'elle peut nous enlever le don de la vie. Fort est l'amour, puisqu'il peut nous ramener à un meilleur usage de la vie.
Forte est la mort, puisqu'elle a le pouvoir de nous dépouiller de notre corps. Fort est l'amour, puisqu'il a le pouvoir d'arracher à la mort ce qu'elle nous a pris, et de nous le restituer.
Forte est la mort : aucun homme ne peut lui résister. Fort est l'amour, au point de pouvoir triompher d'elle, de briser son aiguillon, de mater ses efforts, de changer sa victoire en défaite. Tout cela se réalisera lorsque la mort sera insultée et s'entendra dire : Où est-il, mort, ton aiguillon ? Où est-elle, mort, ta victoire?
L'amour est fort comme la mort , car l'amour du Christ est la mort de la mort. C'est pourquoi il dit : Je suis ta mort, ô mort; enfer, je serai ta morsure . De même, l'amour dont nous aimons le Christ est fort, lui aussi, comme la mort, puisqu'il constitue à sa manière une mort : une mort où prend fin la vie ancienne, où les vices sont abolis, et abandonnées, les œuvres mortes.
De fait, cet amour que nous avons pour le Christ représente une certaine réciprocité ; même s'il est loin d'égaler celui du Christ pour nous, il est à l'image et à la ressemblance du sien. Le Christ en effet nous a aimés le premier , et par l'exemple d'amour qu'il nous a proposé, il s'est fait pour nous un sceau afin que nous devenions conformes à son image, en nous débarrassant de l'image de l'homme terrestre, et en prenant sur nous l'image de l'homme céleste. Comme il nous a aimés, aimons-le, nous aussi. En ceci, en effet, il nous a laissé un modèle pour que nous suivions ses traces.
C'est pourquoi il nous dit : Pose-moi comme un sceau sur ton cœur , comme s'il disait : « Aime-moi à la manière dont je t'aime : Garde-moi dans ton esprit, dans ta mémoire, dans ton désir, ton soupir, ton gémissement, tes sanglots. Souviens-toi, homme, avec quelle qualité je t'ai créé : de combien je t'ai préféré aux autres créatures, de quelle dignité je t'ai ennobli, de quelle gloire et de quel honneur je t'ai couronné et comment je t'ai fait de peu inférieur aux anges, comment j'ai tout placé sous tes pieds. Souviens-toi non seulement de tout ce que j'ai fait pour toi, mais encore de ce que j'ai supporté de ta part, en fait de peine et de mépris. Et vois si tu n'es pas injuste à mon égard en ne m'aimant pas. Qui en effet t'a aimé comme moi ? Qui t'a créé, sinon moi ? Qui t'a racheté, sinon moi ? » ~
Seigneur, enlève de moi ce cœur de pierre, ce cœur figé, ce cœur incirconcis. Et donne-moi un cœur nouveau, un cœur de chair, un cœur pur. Toi qui purifies le cœur et qui aimes le cœur pur, possède mon cœur et habite en lui ; contiens-le et remplis-le, toi qui dépasses tout ce que je suis et qui m'es plus intérieur et intime que moi-même. Toi, le modèle de la beauté et le sceau de la sainteté, scelle mon cœur dans ton image, scelle mon cœur sous ta miséricorde, Dieu de mon cœur, Dieu, ma part à jamais
(Homélie 10 sur le Cantique, 8, 6)
Vivante est la parole de Dieu
"Vivante est la parole de Dieu, efficace, et plus acérée qu'une épée à deux tranchants. [...] La Parole est donc efficace, et plus pénétrante qu'une épée à deux tranchants, quand elle est reçue avec foi et amour. En effet, qu'y a-t-il d'impossible pour celui qui croit ? Et qu'y a-t-il de rigoureux pour celui qui aime ? Quand s'élève la voix du Verbe, elle s'enfonce dans le cœur comme des flèches de combat qui déchirent, comme des clous fichés profondément, et elle pénètre si loin qu'elle atteint le fond le plus secret. Oui, cette Parole pénètre plus loin qu'une épée à deux tranchants, car il n'est pas de puissance ni de force qui puisse porter de coups aussi sensibles, et l'esprit humain ne peut concevoir de pointe aussi subtile et pénétrante. Toute la sagesse humaine, toute la délicatesse du savoir naturel sont loin d'atteindre son acuité."
(Homélie sur la Lettre aux Hébreux, citée in Livre des jours, Office romain des lectures, Le Cerf - Desclée de Brouwer - Desclée - Mame, p. 1207).
« Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde »
Le Christ est « pain de la vie » pour ceux qui croient en lui : croire en Christ c’est manger le pain de vie, c’est posséder en soi le Christ, c’est posséder la vie éternelle…
« Je suis le pain de la vie, dit-il ; vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts » (Jn 6,48s). Par là il faut comprendre la mort spirituelle. Pourquoi sont-ils morts ? Parce qu’ils croyaient ce qu’ils voyaient ; ils ne comprenaient pas ce qu’ils ne voyaient pas… Moïse a mangé la manne, Aaron l’a mangée et bien d’autres aussi qui ont plu à Dieu et qui ne sont pas morts. Pourquoi ne sont-ils pas morts ? Parce qu’ils ont compris spirituellement, ils ont eu faim spirituellement, ils ont goûté spirituellement la manne pour être rassasiés spirituellement. « Voici le pain qui descend du ciel : celui qui en mange ne mourra pas » (v. 50).
Ce pain, c’est-à-dire le Christ lui-même qui parlait ainsi…, a été préfiguré par la manne, mais il peut plus que la manne. Car par elle-même la manne ne pouvait pas empêcher de mourir spirituellement… Mais les justes ont vu dans la manne le Christ, ils ont cru en sa venue, et le Christ, dont la manne était le symbole, donne à tous ceux qui croient en lui de ne pas mourir spirituellement. C’est pourquoi il dit : « C’est ici le pain descendu du ciel ; celui qui en mange ne mourra pas. » Ici sur la terre, ici maintenant, devant vos yeux, vos yeux de chair, ici se trouve « le pain descendu du ciel ». « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel » (v. 51). Le « pain de la vie » de tout à l’heure est appelé maintenant « pain vivant ». Pain vivant, parce qu’il possède en lui-même la vie qui demeure et parce qu’il peut délivrer de la mort spirituelle et donner la vie. D’abord il a dit : « Celui qui en mange ne mourra pas » ; maintenant il parle en clair de la vie qu’il donne : « Celui qui mange ce pain vivra éternellement » (v. 58).
Le Sacrement de l’autel II, 3 ; SC 93 (trad. SC p. 261 rev.)
Seigneur, enlève mon cœur de pierre
À nous d'aimer le Christ comme il nous a aimés. Il nous a laissé son exemple pour que nous suivions ses traces (1P 2,21). C'est pourquoi il dit : « Pose-moi comme un sceau sur ton cœur » (Ct 8,6), ce qui revient à dire : « Aime-moi comme je t'aime. Porte-moi en ton esprit, en ta mémoire, en ton désir, en tes soupirs, en tes gémissements, en tes sanglots. Rappelle-toi, homme, en quel état je t'ai créé, combien je t'ai élevé au-dessus des autres créatures, de quelle dignité je t'ai ennobli, comment je t'ai couronné de gloire et d'honneur, comment je t'ai placé peu au-dessous des anges et comment j'ai tout mis sous tes pieds (Ps 8). Rappelle-toi non seulement tout ce que j'ai fait pour toi mais quelles épreuves et quelles humiliations j'ai souffertes pour toi... Et toi, si tu m'aimes, montre-le ; aime, non de parole et de langue, mais en acte et en vérité... Pose-moi comme un sceau sur ton cœur et aime-moi de toutes tes forces »...
Seigneur, enlève mon cœur de pierre, ce cœur dur...; donne-moi un cœur nouveau, un cœur de chair, un cœur pur (Ez 36,26). Toi qui purifies les cœurs, toi qui aimes les cœurs purs, prends possession de mon cœur, et viens y habiter.
Traité 10 ; PL 204, 515-516 (trad. Orval)
Baudouin de Ford (?-v. 1190), abbé cistercien, puis évêque
.......
Le Seigneur discerne les pensées et les intentions du cœur.
Le Seigneur connaît les pensées et les intentions de notre cœur. Nul doute que lui, en effet, les connaisse toutes, mais nous, nous connaissons seulement celles qu'il nous rend manifestes par la grâce du discernement. Car l'esprit de l'homme ne sait pas toujours ce qui est en lui, et même lorsqu'il s'agit de ses pensées, qu'elles soient voulues ou non, il s'en fait une idée qui ne correspond pas toujours à la réalité. Même celles qui se présentent avec évidence au regard de son esprit, il ne les discerne pas avec précision, tant son regard est obscurci.
Il arrive souvent, en effet, pour une raison humaine ou qui relève du Tentateur, qu'on soit lancé par sa propre pensée dans ce qui n'est que l'apparence de la piété, et qui, aux yeux de Dieu, ne mérite nullement la récompense promise à la vertu. C'est qu'en effet certaines choses peuvent prendre l'aspect de vertus véritables, comme d'ailleurs de vices, et tromper les yeux du cœur. Par leurs séductions propres, elles peuvent troubler la vue de notre intelligence au point de lui faire prendre souvent pour du bien des réalités mauvaises en fait, et inversement de lui faire discerner du mal là où, en fait, il n'y en a pas. C'est là un aspect de notre misère et de notre ignorance, qu'il nous faut beaucoup déplorer et grandement redouter.
Il est écrit à ce sujet : Il est des voies qui paraissent droites à l'homme, mais qui débouchent sur l'enfer. C'est pour nous garder de ce danger que saint Jean nous exhorte en disant : Éprouvez les esprits, pour voir s'ils viennent de Dieu. Mais qui peut vérifier si les esprits viennent de Dieu, à moins d'avoir reçu de Dieu le discernement des esprits, et de pouvoir ainsi examiner avec précision et sans se tromper les pensées, les affections et les intentions de l'esprit ? Ce discernement est à la source de toutes les vertus et chacun en a besoin, soit pour conduire les autres, soit pour se diriger et s'amender soi-même.
Droite est notre idée de ce qu'il faut faire, quand elle est guidée par la volonté de Dieu; pure et bonne est notre intention, quand elle se dirige vers Dieu en toute simplicité. L'ensemble de notre vie en ce corps et de chacun de nos actes sera pénétré de lumière à condition que notre œil soit simple. Cet œil simple est vraiment tel, quand, à travers une réflexion droite, il voit ce qu'il faut faire, et quand, dans une intention pure, il passe à l'acte, simplement, et se garde de toute duplicité. La pensée droite n'accepte pas l'erreur, intention purifiée exclut le faux-semblant. Tel est le vrai discernement, en qui se rejoignent la droiture de la pensée et la pureté de l'intention.
Ainsi, tout doit se faire à la lumière du discernement, comme en Dieu, et sous le regard de Dieu.
HOMÉLIE DE BAUDOUIN DE FORD
Vous purifiez l'extérieur... Celui qui a fait l'extérieur n'a-t-il pas fait aussi l'intérieur ?
Le Seigneur connaît les pensées et les intentions de notre cœur. Nul doute que lui, en effet, les connaisse toutes, mais nous, nous connaissons seulement celles qu'il nous rend manifestes par la grâce du discernement. Car l'esprit de l'homme ne sait pas toujours ce qui est en lui, et même lorsqu'il s'agit de ses pensées, qu'elles soient voulues ou non, il s'en fait une idée qui ne correspond pas toujours à la réalité. Même celles qui se présentent avec évidence au regard de son esprit, il ne les discerne pas avec précision, tant son regard est obscurci.
Il arrive souvent, en effet, pour une raison humaine ou qui relève du Tentateur, qu'on soit lancé par sa propre pensée dans ce qui n'est que l'apparence de la piété, et qui, aux yeux de Dieu, ne mérite nullement la récompense promise à la vertu. C'est qu'en effet certaines choses peuvent prendre l'aspect de vertus véritables, comme d'ailleurs de vices, et tromper les yeux du cœur. Par leurs séductions, elles peuvent troubler la vue de notre intelligence au point de lui faire prendre souvent pour du bien des réalités mauvaises en fait, et inversement de lui faire discerner du mal là où, en fait, il n'y en a pas. C'est là un aspect de notre misère et de notre ignorance, qu'il nous faut beaucoup déplorer et grandement redouter...
Qui peut vérifier si les esprits viennent de Dieu, à moins d'avoir reçu de Dieu le discernement des esprits ? ... Ce discernement est à la source de toutes les vertus.
Homélie 6, sur la lettre aux Hébreux, 4,12 ; PL 204, 466 (trad. bréviaire, 9e vendredi ordinaire)
« Le Seigneur fera germer la justice »
À la salutation de l’ange, par laquelle nous saluons chaque jour la bienheureuse Vierge Marie avec ferveur, nous ajoutons habituellement : et béni le fruit de ton sein . Cette phrase, Élisabeth, après la salutation de Marie, l’a ajoutée, comme pour reprendre la fin de la salutation de l’ange : Tu es bénie entre les femmes, et béni le fruit de ton sein . C’est le fruit dont parle Isaïe : En ce jour-là, le germe du Seigneur s’élèvera en splendeur et en gloire comme le fruit très élevé de la terre . Quel est ce fruit, sinon le Saint d’Israël, lui-même semence d’Abraham, germe du Seigneur et fleur qui s’élève de la racine de Jessé, fruit de vie, auquel nous avons eu part ?
Oui, il est béni : béni dans sa semence et dans son germe, béni dans sa fleur et dans le fruit qu’il donne, béni enfin dans l’action de grâce et la confession de la louange. Le Christ, semence d’Abraham, est issu de la semence de David, selon la chair. ~
Seul parmi tous les hommes, il se trouve accompli en tout bien, ~ car l’Esprit lui a été donné sans mesure afin qu’à lui seul il puisse accomplir toute justice. ~ Sa justice en effet suffit à toutes les nations du monde, selon cette parole de l’Écriture : Comme une terre porte son germe et comme un jardin fait germer sa semence, ainsi le Seigneur Dieu fera germer la justice et la louange, devant toutes les nations . Le voici, ce germe de justice, qui a grandi dans la bénédiction et qui s’embellit d’une fleur de gloire. Mais de quelle gloire ? D’une gloire telle qu’on ne peut en imaginer de plus haute ; mieux : telle qu’on ne peut l’imaginer d’aucune manière. Une fleur en effet s’élève de la racine de Jessé. Jusqu’où s’élève-t-elle ? Jusqu’au sommet de tout, car Jésus Christ est dans la gloire de Dieu le Père. Sa splendeur est élevée au-dessus des cieux, pour que le germe du Seigneur s’élève en splendeur et en gloire, et que le fruit de la terre atteigne toute sa hauteur.
Mais quel fruit nous est destiné dans ce fruit ? Quel fruit, sinon celui de la bénédiction apporté par ce fruit béni ? En effet, de cette semence, de ce germe, puis de cette fleur est sorti un fruit de bénédiction qui parvient jusqu’à nous. Il se manifeste d’abord comme une semence par la grâce du pardon ; puis comme un germe par le développement en nous de la justice ; enfin comme une fleur, à travers l’espérance et l’acquisition de la gloire. Béni de Dieu, ce fruit est aussi béni en Dieu, autrement dit, il a pour but que Dieu soit glorifié en lui. Et pour nous aussi, il est béni. C’est qu’en effet, par la promesse qu’il a faite à Abraham, Dieu lui a donné la bénédiction pour toutes les nations.
SERMON "SUR LA SALUTATION A MARIE"
« Quelle est cette parole ? Il commande avec autorité et puissance »
« La Parole de Dieu est vivante et efficace, plus affilée qu'un glaive à deux tranchants » (Hé 4,12)... Elle agit dans la création du monde, dans la conduite du monde et dans sa rédemption. Qu'y a-t-il en effet de plus efficace et de plus fort ? « Qui pourrait dire sa puissance et célébrer toutes ses louanges ? » (Ps 105,2)
L'efficacité de la Parole se manifeste dans ses œuvres ; elle se manifeste aussi dans la prédication. Elle ne revient pas à Dieu sans avoir produit son effet, mais elle profite à tous ceux à qui elle est envoyée (Is 55,11). Elle est « efficace et plus affilée qu'un glaive à deux tranchants » quand elle est reçue avec foi et avec amour. Qu'y a-t-il d'impossible à celui qui croit, de difficile à celui qui aime ? Lorsque les mots de Dieu retentissent, ils transpercent le cœur du croyant « comme les flèches aiguës d'un guerrier » (Ps 119,4). Elles y entrent comme des dards et se fixent dans ses profondeurs les plus intimes. Oui, cette Parole est plus affilée qu'un glaive à deux tranchants, car elle est plus incisive que toute autre force ou puissance, plus subtile que toute finesse du génie humain, plus aiguisée que toute la pénétration savante de la parole humaine.
Homélie 6, sur He 4,12 ; PL 204, 451-453 (trad. Orval rev. ; cf bréviaire 30e ven.)
« C'est mon Père qui vous donne le vrai pain descendu du ciel »
Dieu, dont la nature est bonté, dont la substance est amour, dont toute la vie est bienveillance, voulant nous montrer la douceur de sa nature et la tendresse qu'il a pour ses enfants, a envoyé dans le monde son Fils, le pain des anges (Ps 77,25), « à cause de l'amour extrême dont il nous a aimés » (Ép 2,4). « Car Dieu a aimé le monde au point de donner son Fils unique » (Jn 3,16).
Telle est la manne véritable que le Seigneur a fait pleuvoir pour qu'on la mange... ; c'est ce que Dieu, dans sa bonté, a préparé pour ses pauvres (Ps 67,9s). Car le Christ, descendu pour tous les hommes et jusqu'au niveau de chacun, attire tout à lui par sa bonté indicible ; il ne rejette personne et admet tous les hommes à la pénitence. Il a pour tous ceux qui le reçoivent le goût le plus délicieux. Lui seul suffit à combler tous les désirs..., et il s'adapte de manière différente aux uns et aux autres, selon les tendances, les désirs et les appétits de chacun...
Chacun goûte en lui une saveur différente... Car il n'a pas la même saveur pour le pénitent et le commençant, pour celui qui avance et celui qui touche au but. Il n'a pas le même goût dans la vie active et dans la vie contemplative, ni pour celui qui use de ce monde et pour celui qui n'en use pas, pour le célibataire et l'homme marié, pour celui qui jeûne et fait une distinction entre les jours et pour celui qui les estime tous semblables (Rm 14,5)... Cette manne a une douce saveur parce qu'elle délivre des soucis, guérit les maladies, adoucit les épreuves, seconde les efforts et affermit l'espérance... Ceux qui l'ont goûté « ont encore faim » (Eccl 24,29) ; ceux qui ont faim seront rassasiés.
Le Sacrement de l'autel III, 2 ; PL 204, 768-769 (trad. Orval ; cf SC 94, p.565)
« Moi, je suis le pain de vie »
Le Christ dit : « Qui vient à moi n'aura plus faim, qui croit en moi n'aura plus soif »... Et le psalmiste dit : « Le pain raffermit le coeur de l'homme » et « le vin réjouit le coeur de l'homme » (103,15). Pour ceux qui croient en lui, le Christ est nourriture et breuvage, pain et vin. Pain qui fortifie et raffermit..., breuvage et vin qui réjouit... Tout ce qui en nous est fort et solide, joyeux et allègre pour accomplir les commandements de Dieu, supporter la souffrance, exécuter l'obéissance et défendre la justice, tout cela est force de ce pain et joie de ce vin. Bienheureux ceux qui agissent fortement et joyeusement ! Et comme personne ne le peut de lui-même, bienheureux ceux qui désirent avidement pratiquer ce qui est juste et honnête, et être en toutes choses fortifiés et réjouis par celui qui a dit : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice » (Mt 5,6). Si le Christ est le pain et le breuvage qui assurent maintenant la force et la joie des justes, combien plus le sera-t-il au ciel, quand il se donnera aux justes sans mesure ? Remarquons-le, dans les paroles du Christ..., cette nourriture qui demeure pour la vie éternelle est appelée pain du ciel, vrai pain, pain de Dieu, pain de vie... Pain de Dieu pour le distinguer du pain qui est fait et préparé par le boulanger...; pain de vie, pour le distinguer de ce pain périssable qui n'est pas la vie et ne la donne pas, mais la conserve à peine, difficilement et pour un temps. Celui-là au contraire est la vie, donne la vie, conserve une vie qui ne doit rien à la mort.
Le Sacrement de l'autel, II, 3 (trad. SC 93, p.255s.)
« L'homme crut à la parole que Jésus lui avait dite »
« La Parole de Dieu est vivante et efficace, plus affilée qu'un glaive à deux tranchants. » (He 4,12) Par ces mots l'apôtre montre à ceux qui cherchent le Christ -- Parole, Force et Sagesse de Dieu -- tout ce qu'il y a de force, tout ce qu'il y a de sagesse dans la Parole de Dieu. Cette Parole était au commencement auprès du Père, éternelle avec lui (Jn 1,1). Elle a été révélée en son temps aux apôtres, annoncée par eux et reçue humblement dans la foi par le peuple des croyants. Il y a donc une Parole dans le Père, une Parole dans la bouche des apôtres, et une Parole dans le coeur des croyants. La Parole dans la bouche est l'expression de la Parole qui est dans le Père ; elle est l'expression aussi de la Parole qui est dans le coeur de l'homme. Lorsque l'on comprend la Parole, ou qu'on la croit, ou qu'on l'aime, la Parole dans le coeur de l'homme devient intelligence de la Parole, ou la foi en la Parole, ou l'amour de la Parole. Lorsque ces trois se rassemblent en un seul coeur, tout à la fois on comprend, on croit et on aime le Christ, Parole de Dieu, Parole du Père... Le Christ habite en cette personne par la foi, et par une admirable condescendance, il descend du coeur du Père dans le coeur de l'homme... Cette Parole de Dieu...est vivante : le Père lui a donné d'avoir la vie en elle-même, comme lui a la vie en lui-même (Jn 5,26). C'est pourquoi elle est non seulement vivante, mais elle est Vie, comme il est écrit : « Je suis la Voie, la Vérité, la Vie » (Jn 14,6). Et puisqu'elle est Vie, elle est vivante pour être vivifiante, car « tout comme le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, ainsi le Fils donne la vie à qui il veut » (Jn 5,21).
Homélie 6, sur He 4,12 (trad. Brésard, 2000 ans B, p. 244 rev.)
« Prenant les sept pains et rendant grâce, il les rompit »
Jésus a rompu le pain. S'il n'avait pas rompu le pain, comment les miettes seraient-elles venues jusqu'à nous ? Mais il l'a brisé et il l'a distribué ; « il l'a dispersé et donné aux pauvres » (Ps 111,9 Vulg). Il l'a brisé par grâce, pour briser la colère du Père et la sienne. Dieu l'avait dit : il nous aurait brisés, si son Unique, « son élu, ne s'était pas tenu devant lui, debout sur la brèche, pour détourner sa colère » (Ps 105,23). Il s'est tenu devant Dieu et il l'a apaisé ; par sa force indéfectible, il s'est tenu debout, non brisé. Mais lui-même, volontairement, il a brisé, a offert sa chair, rompue par la souffrance. C'est là qu'il a « brisé la puissance de l'arc » (Ps 75,4), « brisé les têtes du dragon » (Ps 73,14), tous nos ennemis, dans sa colère. Là, il a brisé en quelque sorte les tables de la première alliance, pour que nous ne soyons plus sous la Loi. Là, il a brisé le joug de notre captivité. Il a brisé tout ce qui nous brisait, pour réparer en nous tout ce qui était brisé, et pour « renvoyer libres ceux qui étaient opprimés » (Is 58,6). En effet, nous étions « captifs de la misère et des chaînes » (Ps 106,10). Bon Jésus, aujourd'hui encore, bien que tu aies brisé la colère, brisé le pain pour nous, pauvres mendiants, nous avons encore faim... Romps donc chaque jour ce pain pour ceux qui ont faim. Car aujourd'hui et tous les jours nous recueillons quelques miettes, et chaque jour nous avons de nouveau besoin de notre pain quotidien. « Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour. » (Lc 11,3) Si tu ne le donnes, qui le donnera ? Dans notre dénuement et notre besoin, il n'y a personne pour nous rompre le pain, personne pour nous nourrir, personne pour nous refaire, personne que toi, ô notre Dieu. En toute consolation que tu nous envoies, nous recueillons les miettes de ce pain que tu nous romps et nous goûtons « combien est douce ta miséricorde » (Ps 108,21 Vulg)
Le Sacrement de l'autel, II,1 (trad. SC 93, p. 131s rev.)
« Le sabbat a été fait pour l'homme »
Ce qui fait la vraie béatitude, c'est le saint repos et le saint assouvissement dont le sabbat et la manne sont les symboles. Après avoir donné à son peuple repos et rassasiement avec le sabbat et la manne, préfigurant la vraie béatitude qu'il donnera à ceux qui obéissent, le Seigneur lui reproche sa désobéissance qui peut lui faire perdre les biens les plus désirables : « Jusqu'à quand refuserez-vous de garder mes commandements et ma Loi ? » (Ex 16,28)... Après cette interrogation du Seigneur, Moïse invite ses frères à considérer les bienfaits de Dieu : « Prenez garde que le Seigneur vous a donné le sabbat, et double part de la manne le sixième jour, pour que vous consentiez à le servir. » Cet avertissement signifie que Dieu donnera à ses élus le repos de leur labeur, et les consolations de la vie présente aussi bien que la vie future.
Mais, en outre, deux vies nous sont suggérées dans ce passage : la vie active, dans laquelle il faut maintenant travailler, et la vie contemplative pour laquelle on travaille, dans laquelle on vaquera uniquement à la contemplation de Dieu. La vie contemplative, bien qu'elle appartienne surtout au monde à venir, doit cependant être représentée dès cette vie par le saint repos du sabbat. Au sujet de ce repos, Moïse ajoute : « Que chacun reste chez soi ; personne ne doit sortir le jour du sabbat. » Autrement dit : Que chacun se repose dans sa maison et ne sorte pour aucun travail le jour du sabbat. Ceci nous apprend qu'au temps de la contemplation nous devons rester chez nous, ne pas sortir par des désirs défendus, mais ramasser toute notre intention « par la pureté du cœur » [comme le dit saint Benoît], pour penser à Dieu seul et n'aimer que lui.
Le Sacrement de l'autel, 3, 2 ; SC 93 (trad. SC p. 523 rev.)
« Jésus l'interpella vivement : Silence ! Sors de cet homme »
« La Parole de Dieu est vivante et efficace, plus incisive qu'un glaive à deux tranchants » (He 4,12). Toute la grandeur, la force et la sagesse de la Parole de Dieu, voilà ce que l'apôtre montre par ces mots à ceux qui cherchent le Christ, lui qui est la parole, la puissance et la sagesse de Dieu (1Co 1,24)… Quand on proclame cette Parole, la voix qui la prononce donne à une parole extérieurement audible la puissance de sa Parole intérieurement perçue. Dès lors, les morts ressuscitent (Lc 7,22) et ce témoignage fait surgir de nouveaux enfants d'Abraham (Mt 3,9). Elle est donc vivante, cette Parole. Vivante dans le cœur du Père, vivante sur les lèvres du prédicateur, et vivante dans les cœurs remplis de foi et d'amour. Et puisque c'est une Parole vivante, nul doute qu'elle ne soit aussi efficace.
Elle agit avec efficacité dans la création du monde, dans son gouvernement et dans sa rédemption. Qu'est-ce qui pourrait être plus efficace ou plus fort ? « Qui dira les prouesses du Seigneur ? Qui fera entendre toute sa gloire ? » (Ps 105,2) L'efficacité de cette Parole se manifeste dans ses œuvres ; elle se manifeste aussi dans la prédication. Car elle ne revient jamais sans effet, mais elle profite à tous ceux à qui elle est envoyée (Is 55,11).
La Parole est donc efficace, et plus pénétrante qu'une épée à deux tranchants, quand elle est reçue avec foi et amour. En effet, qu'est-ce ce qui serait impossible pour celui qui croit ? (Mc 9,23) Et qu'est-ce ce qui serait difficile pour celui qui aime ?
.Homélie 6, sur He 4,12 ; PL 204, 451 ; (trad. cf Orval et bréviaire 30e vendr)
Date de dernière mise à jour : 2017-10-18
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