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Cyprien quelques écrits
Saint Cyprien (v. 200-258), évêque de Carthage et martyr
Liste des lectures
Lorsque le Fils de l'homme reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?
L'accomplissement de la Loi : l'amour en acte
La prière que le Fils nous a enseignée
Va d'abord te réconcilier avec ton frère
Celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra
Le serviteur n'est pas au-dessus de son maître
« Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir » : imiter la patience de Dieu
Le Royaume des cieux est tout proche
Si vous demandez quelque chose à mon Père en invoquant mon nom, il vous le donnera
Donne-nous aujourd'hui notre pain
Jean Baptiste, martyr pour la vérité
Moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant
Que ton règne vienne. Que ta volonté soit faite
Notre prière est publique et communautaire
Celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra
« Le publicain...n'osait même pas lever les yeux vers le ciel »
Que votre paix vienne sur elle
Pardonne-nous comme nous pardonnons
Vous donc, priez ainsi : Notre Père
Tout royaume divisé devient un désert
Ce que nous ne voyons pas, nous l'espérons...
Notre cité, à nous, est dans les cieux
Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu
......
Va d'abord te réconcilier avec ton frère
Cyprien à Corneille son frère.
Bien avant l'aube Jésus se leva et sortit dans un endroit désert. Là, il priait
C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie
Comme des brebis au milieu des loups
« Maintenant...tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix »
Saint Cyprien (v. 200-258), évêque de Carthage et martyr
Lorsque le Fils de l'homme reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?
"Le Seigneur pensant à notre époque déclare dans son Evangile : Lorsque le Fils de l'homme reviendra, trouvera-t-il, croyez-vous, la foi sur la terre ? [Lc 18, 8]. Nous voyons se réaliser ce qu'il a prédit. Crainte de Dieu, loi de la justice, amour, bienfaisance, on n'est plus fidèle en rien. Personne ne pense à la crainte de ce qui doit advenir, personne ne réfléchit au jour du Seigneur.
Réveillons-nous dans toute la mesure du possible, frères bien-aimés et, après avoir chassé le sommeil où nous tenait notre vieille indolence, restons éveillés pour observer et appliquer les prescriptions du Seigneur. Soyons conformes à ce qu'il nous a lui-même prescrit en ces termes : Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées, soyez pareils à des gens qui attendent leur seigneur à son retour de noces pour lui ouvrir lorsqu'il viendra frapper à la porte. Bienheureux ces serviteurs qu'à son arrivée leur seigneur trouvera en train de veiller [Lc 12, 35-37]".
(L'unité de l'Eglise 26-27, SC 500, pp. 247-249).
"Si nous nous adressons au Père avec la prière du Fils, apprise de lui, nous serons plus aisément entendus. Quelle autre prière peut être spirituelle sinon celle que le Christ nous a donnée, car c'est grâce à lui que nous avons reçu l'Esprit ? Quelle prière vraie en présence du Père, sinon celle que le Fils, qui est la vérité, a proférée ?
[...] Prions donc, frères, bien-aimés, comme Dieu, notre maître nous l'a enseigné. Implorer Dieu, avec les paroles qui viennent de lui est une prière qui lui est bienvenue et familière. Que le Père reconnaisse la voix de son Fils quand nous lui adressons notre demande. Que celui qui habite notre coeur soit également notre voix ! Il est auprès du Père notre avocat, pour nos péchés, quand, pécheurs, nous lui demandons le pardon de nos fautes. Utilisons les mots mêmes de notre avocat, car il a dit : "Tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l'accordera (Jn 16, 23). Combien plus efficace encore sera notre prière au nom du Christ, sinous prions avec sa propre prière !"
(La prière du Seigneur, 2-3 ; voir La prière en Afrique chrétienne, DDB, Paris, 1982, p. 42).
"Jusqu’où va la bienveillance du Seigneur, jusqu’où s’étend l’abondance de sa complaisance et de sa bonté, pour qu’il ait voulu que nous prononcions sous le regard de Dieu une prière qui nous fait donner à Dieu le nom de père, et que, comme le Christ est fils de Dieu, nous aussi nous soyons appelés fils de Dieu !"
(La prière du Seigneur, 11).
"Vous craignez que votre revenu ne vienne à manquer si vous secourez généreusement les pauvres. Mais ne savez-vous pas, misérables, que tandis que vous craignez que vos biens ne vous manquent, votre santé et votre vie peuvent être en péril ? Vous vous préoccupez de ce que vos richesses ne diminuent pas, sans prendre garde que vous vous diminuez vous-mêmes en aimant plus l’argent que votre âme... "
(Des bonnes oeuvres et de l’aumône, 9-10)
L'accomplissement de la Loi : l'amour en acte
Revêtir le nom du Christ sans suivre la voie du Christ, n'est-ce pas trahir le nom divin et abandonner le chemin du salut ? Car le Seigneur lui-même enseigne et déclare que l'homme qui garde ses commandements entrera dans la vie (Mt 19,17), que celui qui écoute ses paroles et les met en pratique est un sage (Mt 7,24) et que celui qui les enseigne et y conforme ses actes sera appelé grand dans le Royaume des cieux. Toute prédication bonne et salutaire, affirme-t-il, ne profitera au prédicateur que si la parole qui sort de sa bouche se traduit ensuite en actes.
Or, y a-t-il un commandement que le Seigneur ait enseigné plus souvent à ses disciples que celui de nous aimer les uns les autres du même amour dont il a lui-même aimé ses disciples ? (Jn 13,34; 15,12) Trouvera-t-on, parmi ses conseils qui conduisent au salut et parmi ses préceptes divins, un commandement plus important à garder et à observer ? Mais comment celui que la jalousie a rendu incapable d'agir comme un homme de paix et de cœur pourra-t-il garder la paix ou l'amour du Seigneur ?
Voilà pourquoi l'apôtre Paul aussi a proclamé les mérites de la paix et de la charité. Il a affirmé avec force que ni la foi ni les aumônes, ni même les souffrances du confesseur de la foi et du martyr ne lui serviraient de rien, s'il ne respectait pas les liens de la charité (1Co 13,1-3).
La Jalousie et l'envie, 12-15; CSEL 3, 427-430 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 99)
La prière que le Fils nous a enseignée.
Les préceptes de l'Évangile, frères bien-aimés, ne sont pas autre chose que les enseignements du Maître divin. Ce sont les fondements sur lesquels bâtir l'espérance, les appuis pour consolider la foi, les aliments pour réconforter le cœur, les orientations pour diriger le voyage, les sauvegardes pour obtenir le salut. Car, en formant sur la terre les esprits dociles des croyants, ils les conduisent au Royaume des cieux.
Dieu a voulu que beaucoup de choses soient entendues par l'intermédiaire des prophètes. Mais combien plus important est le message du Fils ! Le Verbe de Dieu, qui parlait jadis chez les prophètes, affirme maintenant de sa propre voix. Il ne demande plus qu'on prépare la route à celui qui vient ; c'est lui-même qui vient, qui nous ouvre et nous montre la route. C'est ainsi qu'après avoir été errants comme des indigents et des aveugles dans les ténèbres de la mort, nous sommes éclairés par la lumière de la grâce et nous gardons le chemin de la vie avec le Seigneur pour guide et pour chef.
Entre bien d'autres avertissements bienfaisants et commandements divins par lesquels il a pourvu au salut de son peuple, il lui a donné le modèle de l'oraison ; c'est lui-même qui nous a enseigné ce que nous devons demander dans la prière. Celui qui nous a fait vivre nous a enseigné aussi à prier, avec cette bonté qui l'a poussé à nous accorder tant d'autres bienfaits. Ainsi lorsque nous parlons au Père avec la prière que le Fils nous a enseignée, nous sommes plus facilement écoutés.
Déjà il avait annoncé que l'heure était venue où les vrais adorateurs adoreraient le Père en esprit et vérité. Il a réalisé ce qu'il avait jadis promis : ayant reçu l'Esprit et la vérité par la sanctification qui vient de lui, nous pourrions, grâce à son enseignement aussi, adorer selon la vérité et l'Esprit.
Quelle prière peut être plus spirituelle que celle-là, puisqu'elle nous a été donnée par le Christ, lui qui nous a envoyé l'Esprit Saint ? Quelle prière peut être plus vraie que celle-là, puisqu'elle est sortie de la bouche du Fils qui est la Vérité ? Prier autrement qu'il l'a enseigné ne serait pas seulement de l'ignorance mais un péché, comme lui-même l'affirmait quand il disait aux pharisiens : Vous rejetez le commandement de Dieu pour établir votre tradition.
Priez donc, frères bien-aimés, comme notre Maître divin nous a enseigné à le faire. Implorer Dieu par ses propres paroles, c'est lui adresser une prière qu'il trouve aimable et filiale, c'est faire parvenir à ses oreilles la prière du Christ. Que le Père reconnaisse les paroles de son Fils lorsque nous prions. Celui qui habite au fond de notre cœur, qu'il soit aussi dans notre voix. Et puisqu'il est auprès du Père l'avocat qui intercède pour nos péchés, lorsque les pécheurs que nous sommes demandent pardon pour leurs fautes, prononçons les paroles de notre avocat qui a dit : Tout ce que vous demanderez au Père en mon Nom, il vous l'accordera. Or, nous obtiendrons plus efficacement ce que nous demandons au nom du Christ, si nous le demandons avec sa propre prière.
TRAITÉ DE SAINT CYPRIEN SUR LA PRIÈRE DU SEIGNEUR
« Que ton nom soit sanctifié »
Nous devons nous rappeler, frères bien-aimés, lorsque nous appelons Dieu notre Père, que nous devons nous comporter en enfants de Dieu… Nous devons être comme les temples de Dieu (1Co 3,16), pour que les hommes puissent voir que Dieu habite en nous ; nos actes ne doivent pas être indignes de l’Esprit… L’apôtre Paul a déclaré dans sa lettre : « Vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car le Seigneur a payé le prix de votre rachat. Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps » (1Co 6,19).
Nous prions : « Que ton nom soit sanctifié. » Ce n’est pas parce que nous souhaitons que Dieu soit sanctifié par nos prières, mais parce que nous demandons au Seigneur que son nom soit sanctifié en nous. Par qui Dieu pourrait-il être sanctifié, puisque c’est lui qui sanctifie ? Il a dit lui-même : « Soyez saints parce que je suis saint » (Lv 20,26). C’est pourquoi nous demandons instamment, puisque nous avons été sanctifiés par le baptême, de persévérer dans ce que nous avons commencé d’être. Et nous prions pour cela chaque jour.
La Prière du Seigneur, 11-12 (trad. cf bréviaire 11e mar. rev.)
Quelle grande patience que celle de Dieu !... Il fait naître le jour et se lever la lumière du soleil à la fois sur les bons et sur les méchants (Mt 5,45) ; il arrose la terre de ses pluies, et personne n'est exclu de ses bienfaits, si bien que l'eau est accordée indistinctement aux justes et aux injustes. Nous le voyons agir avec une égale patience envers les coupables et les innocents, les fidèles et les impies, ceux qui rendent grâce et les ingrats. Pour eux tous, les temps obéissent aux ordres de Dieu, les éléments se mettent à leur service, les vents soufflent, les sources jaillissent, les moissons croissent en abondance, le raisin mûrit, les arbres regorgent de fruits, les forêts verdissent et les prés se couvrent de fleurs... Bien qu'il ait le pouvoir de la vengeance, il préfère patienter longtemps et il attend et diffère avec bonté pour que, s'il était possible, la malice s'atténue avec le temps et que l'homme...se tourne enfin vers Dieu, selon ce qu'il nous dit lui-même en ces termes : « Je ne veux pas la mort de celui qui meurt, mais plutôt qu'il revienne à moi et vive » (Éz 33,11). Et encore : « Revenez à moi, revenez au Seigneur votre Dieu, car il est miséricordieux, bon, patient et très compatissant » (Jl 2,13)...
Or Jésus nous dit : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,48). Par ces paroles il nous montre que, fils de Dieu et régénérés par une naissance céleste, nous atteignons le sommet de la perfection lorsque la patience de Dieu le Père demeure en nous et que la ressemblance divine, perdue par le péché d'Adam, se manifeste et brille dans nos actes. Quelle gloire de ressembler à Dieu, quel grand bonheur que d'avoir cette vertu digne des louanges divines !
Du bienfait de la patience, 3-5 ; PL 4, 624-625 (trad. Orval)
« Va d'abord te réconcilier avec ton frère »
« La mesure avec laquelle vous mesurez servira pour vous mesurer » (Mt 7,2). Le serviteur à qui le maître avait remis toutes ses dettes mais qui n'a pas voulu agir de même à l'égard d'un de ses compagnons, est jeté en prison. Il n'a pas voulu pardonner à son compagnon, et il perd le pardon déjà acquis de son maître (Mt 18,23s). Dans ses préceptes, le Christ enseigne cette vérité avec une vigueur sévère. « Quand vous êtes debout pour prier, pardonnez si vous avez quelque chose contre quelqu'un, afin que votre Père, qui est dans les cieux, vous remette aussi vos péchés » (Mc 11,25).
Dieu a ordonné que nous soyons en paix et en bon accord, que nous vivions unanimes dans sa maison. Il veut que, une fois régénérés, nous sauvegardions la condition où nous a mis cette seconde naissance. Puisque nous sommes enfants de Dieu, il veut que nous demeurions dans la paix de Dieu et, puisque nous avons reçu un même Esprit, que nous vivions dans l'unité du cœur et des pensées. C'est ainsi que Dieu ne reçoit pas le sacrifice de ceux qui vivent dans la dissension. Il ordonne que l'on s'éloigne de l'autel pour se réconcilier d'abord avec son frère, afin que Dieu puisse agréer des prières présentées dans la paix. La plus belle offrande que l'on puisse faire à Dieu c'est notre paix, c'est l'entente fraternelle, c'est le peuple rassemblé par cette unité qui existe entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
La Prière du Seigneur, 23 (trad. Hamman DDB 1982, p.56 rev.)
« Celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra » (Jn 11, 25)
Nous ne devons pas pleurer nos frères que l'appel du Seigneur a retirés de ce monde, puisque nous savons qu'ils ne sont pas perdus mais partis avant nous : ils nous ont quittés comme des voyageurs, des navigateurs, pour nous précéder. Nous devons donc les envier au lieu de les pleurer, et ne pas nous vêtir ici-bas de sombres vêtements alors qu'ils ont revêtu là-haut des robes blanches. Ne donnons pas aux païens l'occasion de nous reprocher avec raison de nous lamenter sur ceux que nous déclarons vivants auprès de Dieu, comme s'ils étaient anéantis et perdus. Nous trahissons notre espérance et notre foi si ce que nous disons paraît feinte et mensonge. Il ne sert à rien d'affirmer son courage en parole et d'en détruire la vérité par les faits.
Lorsque nous mourons, nous passons par la mort à l'immortalité ; et la vie éternelle ne peut être donnée que si nous sortons de ce monde. Ce n'est pas là un point final mais un passage. Au terme de notre voyage dans le temps, c'est notre passage dans l'éternité. Qui ne se hâterait vers un plus grand bien ? Qui ne désirerait être changé et transformé à l'image du Christ ?
Notre patrie, c'est le ciel... Là un grand nombre d'êtres chers nous attend, une immense foule de parents, de frères et de fils nous désire ; assurés désormais de leur salut, ils pensent au nôtre... Hâtons-nous d'arriver à eux, souhaitons ardemment d'être vite auprès d'eux et d'être vite auprès du Christ.
Traité sur la mort, PL 4,596s (trad. Orval)
C'est à notre temps que songeait le Seigneur quand il a dit : « Le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » (Lc 18,8) Nous voyons cette prophétie se réaliser. La crainte de Dieu, la loi de la justice, la charité, les bonnes oeuvres, on n’y croit plus… Tout ce que craindrait notre conscience, si elle y croyait, elle ne le craint pas, parce qu'elle n’y croit pas. Car si elle y croyait, elle serait vigilante ; et si elle était vigilante, elle se sauverait.
Réveillons-nous donc, frères très chers, autant que nous en sommes capables. Secouons le sommeil de notre inertie. Veillons à observer et à pratiquer les préceptes du Seigneur. Soyons tels qu'il nous a prescrit d'être, quand il a dit : « Restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces pour lui ouvrir dès qu'il arrivera et frappera à
Oui, restons en tenue de service, de peur que, quand viendra le jour du départ, il ne nous trouve embarrassés et empêtrés. Que notre lumière brille et rayonne de bonnes oeuvres, qu'elle nous achemine de la nuit de ce monde à la lumière et à la charité éternelles. Attendons avec soin et prudence l'arrivée soudaine du Seigneur, afin que, lorsqu'il frappera à la porte, notre foi soit en éveil pour recevoir du Seigneur la récompense de sa vigilance. Si nous observons ces commandements, si nous retenons ces avertissements et ces préceptes, les ruses trompeuses de l’Accusateur ne pourront pas nous accabler pendant notre sommeil. Mais reconnus serviteurs vigilants, nous régnerons avec le Christ triomphant.
De l’unité, 26-27 (trad. cf DDB 1979, p. 49 et AELF)
« Le serviteur n'est pas au-dessus de son maître »
L’apôtre Jean écrit : « Celui qui dit qu'il demeure dans le Christ doit marcher lui-même dans la voie où lui, Jésus, a marché » (1Jn 2,6) ; et saint Paul : « Nous sommes enfants de Dieu ; puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers, héritiers avec le Christ, si nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire » (Rm 8,16s)… Frères très chers, imitons Abel le juste qui a inauguré le martyre en subissant le premier la mort pour la justice (Gn 4,8)...; imitons les trois jeunes gens, Ananias, Azarias, Misaël, qui…ont vaincu un roi par la vaillance de leur foi (Dn 3)… Les prophètes à qui l'Esprit Saint avait donné la connaissance de l'avenir et les apôtres que le Seigneur avait choisis, est-ce que ces justes ne nous apprennent pas, en se laissant mettre à mort, à mourir à notre tour pour la justice ?
La naissance du Christ a été marquée aussitôt par le martyre des enfants de moins de deux ans, à cause de son nom ; incapables de combattre, ils ont réussi à conquérir la couronne. Pour que ce soit bien clair que ceux que l’on tue pour le Christ sont innocents, des enfants innocents ont été mis à mort pour son nom… Combien il serait grave pour un serviteur portant le nom de chrétien de ne pas vouloir souffrir quand son maître, le Christ, a souffert le premier…! Le Fils de Dieu a souffert pour faire de nous des enfants de Dieu, et les enfants des hommes ne veulent pas souffrir pour continuer d'être enfants de Dieu…? Le maître du monde nous le rappelle : « Si le monde a de la haine contre vous, souvenez-vous qu'il en a eu contre moi d'abord. Si vous apparteniez au monde, le monde vous aimerait, car vous seriez à lui. Mais vous n’appartenez pas au monde, puisque je vous ai choisis et tirés du monde… Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite : Le serviteur n'est pas au-dessus de son maître » (Jn 15,18-20)…
Lorsque nous soutenons le combat de la foi, Dieu nous regarde, ses anges nous regardent, le Christ nous regarde. Quelle gloire, quelle chance d’avoir Dieu comme président de l’épreuve et le Christ pour juge lorsque nous sommes couronnés ! Armons-nous donc, frères très chers, de toutes nos forces, préparons-nous à la lutte avec une âme sans tache, une foi entière, un courage généreux.
Lettre 58
Saint Cyprien (v. 200-258), évêque de Carthage et martyr
« Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir » : imiter la patience de Dieu
Frères bien-aimés, Jésus Christ, notre Seigneur et Dieu, ne s'est pas contenté d'enseigner la patience par des paroles ; il l'a aussi montrée par ses actes... A l'heure de la Passion et de la croix, que de sarcasmes outrageants entendus avec patience, que de moqueries injurieuses endurées, au point de recevoir des crachats, lui qui de sa propre salive avait ouvert les yeux d'un aveugle (Jn 9,6)...; de se voir couronné d'épines, lui qui couronne les martyrs de fleurs éternelles ; frappé au visage avec la paume des mains, lui qui décerne les palmes véritables aux vainqueurs ; dépouillé de son vêtement, lui qui revêt les autres de l'immortalité ; nourri de fiel, lui qui donne une nourriture céleste ; abreuvé de vinaigre, lui qui fait boire à la coupe du salut. Lui l'innocent, lui le juste, ou plutôt lui l'innocence et la justice mêmes, est mis au rang des criminels ; de faux témoignages écrasent la Vérité ; on juge celui qui doit juger ; la Parole de Dieu est conduite au sacrifice en se taisant. Puis, alors que les astres s'éclipsent, que les éléments se troublent, que la terre tremble..., il ne parle pas, ne bouge pas, ne révèle pas sa majesté. Jusqu'à la fin il supporte tout avec une constance inépuisable pour que la patience pleine et parfaite trouve son achèvement dans le Christ.
Après quoi, il accueille encore ses meurtriers, s'ils se convertissent et reviennent à lui (cf Ac 3,19); grâce à sa patience..., il ne ferme son Eglise à personne. Ces adversaires, les blasphémateurs, les ennemis éternels de son nom, il ne les admet pas seulement au pardon s'ils se repentent de leur faute, mais aussi à la récompense du Royaume des cieux. Que pourrait-on citer de plus patient, de plus bienveillant ? Celui-là même qui a versé le sang du Christ est vivifié par le sang du Christ. Telle est la patience du Christ, et si elle n'était pas aussi grande, l'Eglise ne posséderait pas l'apôtre Paul.
Les Bienfaits de la patience, 7 (trad. SC 291, p. 199 rev.
« Le Royaume des cieux est tout proche »
« Que ton règne vienne » (Mt 6,10). Nous demandons que le règne de Dieu se réalise pour nous, dans le sens où nous implorons que son nom soit sanctifié en nous. En effet, quand est-ce que Dieu ne règne pas ? Et quand a commencé ce qui en lui a toujours existé et ne cessera jamais ? Nous demandons donc que vienne notre règne, celui que Dieu nous a promis, celui que le Christ nous a obtenu par sa Passion et son sang. Ainsi, après avoir été des esclaves en ce monde, nous serons des rois, lorsque le Christ sera souverain, comme lui-même nous le promet lorsqu'il dit : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la création du monde » (Mt 25,34).
Mais il est possible, frères bien-aimés, que le Christ en personne soit ce règne de Dieu, dont nous désirons chaque jour la venue, dont nous souhaitons que l'avènement se présente bientôt à nous. Car, de même qu'il « est la résurrection » (Jn 11,25), puisque nous ressuscitons en lui, on peut comprendre de même qu'il est le règne de Dieu, puisque c'est en lui que nous régnerons
La prière du Seigneur, 94 (trad. bréviaire)
« Donne-nous notre pain quotidien. » Ces paroles peuvent s'entendre au sens spirituel ou au sens littéral : dans le dessein de Dieu, les deux interprétations doivent contribuer à notre salut.
Notre pain de vie c'est le Christ, et ce pain n'est pas à tout le monde, mais il est à nous. Comme nous disons « notre Père », parce qu'il est le Père de ceux qui ont la foi, ainsi nous appelons le Christ « notre pain », parce qu'il est le pain de ceux qui forment son corps. Pour obtenir ce pain, nous prions tous les jours ; nous ne voudrions pas...à cause d'une faute grave...nous priver du pain du ciel, nous séparer du corps du Christ, lui qui a proclamé : « Je suis le pain vivant descendu du ciel : si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. Et le pain que je donnerai c'est ma chair pour la vie du monde » (Jn 6,51)... Le Seigneur nous a mis en garde : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme, et ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous » (Jn 6,53). Nous demandons donc tous les jours de recevoir notre pain, c'est-à-dire le Christ, pour demeurer et vivre dans le Christ, et ne point nous écarter de sa grâce et de son corps.
Nous pouvons aussi comprendre cette demande de la façon suivante : nous avons renoncé au monde ; par la grâce de la foi nous avons rejeté ses richesses et ses séductions ; nous demandons simplement la nourriture... Celui qui commence à être le disciple du Christ et renonce à tout selon la parole du Maître (Lc 14,33), doit demander la nourriture de chaque jour et ne pas se préoccuper à longue échéance. Le Seigneur a dit : « Ne vous inquiétez pas pour demain ; demain s'inquiètera de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine » (Mt 6,34). Le disciple demande donc avec raison sa nourriture du jour, puisqu'on lui interdit de se préoccuper du lendemain.
La Prière du Seigneur, 18 (trad. Hamman, DDB 1982, p. 52 rev. ; cf bréviaire)
« Si vous demandez quelque chose à mon Père en invoquant mon nom, il vous le donnera »
« Ne permets pas que nous entrions en tentation » (Mt 6,13)... Quand nous prions pour ne pas entrer en tentation, nous nous souvenons de notre faiblesse, afin que personne ne se regarde avec complaisance, que personne ne s'élève avec insolence, que personne ne s'attribue la gloire de sa fidélité ou de son épreuve, alors que le Seigneur lui-même nous enseigne l'humilité quand il dit : « Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation. L'esprit est ardent mais la chair est faible » (Mc 14,38). Si nous faisons profession d'humilité d'abord, nous rendons à Dieu tout ce que nous demandons avec crainte et révérence, et nous pouvons être assurés que sa bonté nous l'accordera.
Cette prière s'achève avec une conclusion qui ramasse brièvement toutes les demandes. À la fin nous disons : « Mais délivre-nous du mal ». Nous comprenons par là ce que l'ennemi peut machiner contre nous en ce monde, mais nous sommes assurés d'avoir un appui puissant si Dieu nous délivre, s'il accorde son secours à ceux qui l'implorent. Quand donc nous disons : « Délivre-nous du mal », il ne nous reste plus rien à demander... Nous sommes affermis contre toutes les machinations du démon et du monde. Qui peut redouter le monde, si Dieu est son protecteur en ce monde ?
Pourquoi s'étonner que Dieu nous ait appris ainsi à prier, en nous enseignant en une formule brève tout ce que nous devons demander pour notre salut ?... Quand la Parole de Dieu, notre Seigneur Jésus Christ, est venu à tous les hommes, il a rassemblé les savants et les ignorants, il a fourni les préceptes de salut pour tout sexe et tout âge. Il a fait un condensé concis de ses préceptes... Ainsi quand il a voulu enseigner en quoi consiste la vie éternelle, il a ramassé tout le mystère de la vie en une formule d'une merveilleuse concision : « La vie éternelle est qu'ils te connaissent, toi le seul et vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17,3).
La Prière du Seigneur, § 26-28 (trad. Hamman, La Prière en Afrique, DDB 1982, p. 58 rev.)
Une prière humble et secrète
Chez les hommes qui prient, la parole et la demande doivent être bien réglées, paisibles et modestes. Pensons que nous sommes en présence de Dieu. Il faut que le regard divin trouve plaisir à l'attitude du corps et au ton de la voix. Autant il est inconvenant de vociférer, autant il convient de prier avec modestie et réserve. Le Seigneur nous a ordonné de prier dans le secret, dans des lieux cachés et retirés et même dans notre chambre. C'est ce qui s'accorde le mieux avec la foi, car nous devons savoir que Dieu est présent partout, qu'il entend et voit tous les hommes, que par la plénitude de sa gloire il pénètre dans ce qu'il y a de secret et de caché. Ainsi est-il écrit : Moi, je suis un Dieu proche, et non un Dieu lointain. Si un homme s'enfonce dans des retraites, est-ce que moi, je ne le verrai pas ? Est-ce que moi, je ne remplis pas le ciel et la terre ? Et encore : En tout lieu les regards de Dieu observent les bons et les méchants .
Lorsque, dans l'unité, nous nous rassemblons avec les frères, et que nous célébrons les sacrifices divins avec le prêtre de Dieu, nous devons rester attentifs à la modestie et au bon ordre. Nous ne devons pas éparpiller nos prières en paroles informes ni jeter vers Dieu avec un bavardage bruyant une requête qui devrait être recommandée par la modestie. Car Dieu écoute non la voix mais le cœur. Et nous n'avons pas à attirer par nos cris l'attention de celui qui voit les pensées. Le Seigneur le prouve quand il dit : Pourquoi ces pensées dans vos cœurs ? Et dans un autre passage : Que toutes les Églises le sachent : Moi, je sonde les reins et les cœurs .
Au premier livre des Rois, Anne, qui préfigure l'Église, observe cette règle. Elle n'implorait pas Dieu à grands cris, mais le priait en silence et modestement dans le secret de son cœur. Lorsqu'elle parlait, sa prière était cachée, mais sa foi était manifeste : elle parlait non des lèvres mais du cœur, car elle savait que Dieu entend ce langage. C'est pourquoi elle a obtenu ce qu'elle demandait, car elle suppliait avec foi. L'Écriture le montre, lorsqu'elle dit : Elle parlait dans son cœur, elle remuait les lèvres mais on n'entendait pas sa voix et le Seigneur l'exauça . De même, nous lisons dans les saumes : Parlez dans vos cœurs, et sur vos lits regrettez vos fautes . Par Jérémie, le Saint-Esprit nous donne le même enseignement : C'est dans notre esprit qu'il faut t'adorer, Seigneur .
Celui qui adore, mes frères bien-aimés, ne doit pas ignorer comment, dans le Temple, à côté du pharisien, priait le publicain. Il ne levait pas les yeux vers le ciel avec effronterie, il ne tendait pas les mains avec insolence. Il se frappait la poitrine, il reconnaissait ses péchés intérieurs et cachés, il implorait le secours de la divine miséricorde. Alors que le pharisien se complaisait en lui-même ; il obtint d'être sanctifié de préférence à celui-ci. Car il priait sans mettre l'espérance de son salut dans son innocence puisque personne n'est innocent. Mais il priait en confessant ses péchés et sa prière fut exaucée par celui qui pardonne aux humbles.
COMMENTAIRE SUR LA PRIÈRE DU SEIGNEUR
« Donne-nous aujourd'hui notre pain »
En avançant dans notre prière, nous demandons : Donne nous aujourd'hui notre pain quotidien . On peut le comprendre aussi bien au sens spirituel qu'au sens littéral. Dans le dessein de Dieu, les deux interprétations sont profitables à notre salut.
En effet, le Christ est le pain de la vie, et ce pain n'est pas à tout le monde, il est à nous. De même que nous disons notre Père , parce qu'il est le Père de ceux qui le connaissent et qui croient, de même nous parlons de notre pain , parce que le Christ est le pain de ceux qui, comme c'est notre cas, appartiennent à son corps.
Nous demandons que ce pain nous soit donné chaque jour. En effet, nous qui sommes dans le Christ et recevons quotidiennement son eucharistie, comme l'aliment du salut, il ne faut pas qu'un péché grave nous tienne à l'écart en nous empêchant de communier, et nous interdise le pain céleste, alors que le Christ a proclamé : Moi, je suis le pain de la vie, qui suis descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c'est ma chair, pour la vie du monde .
Lorsqu'il dit que celui qui mange de son pain vivra éternellement, c'est pour bien montrer que ceux-là sont vivants, qui sont unis à son corps et qui, ayant ainsi le droit de communier, reçoivent l'eucharistie. C'est pourquoi nous devons prier dans la crainte d'être écartés de la communion, séparés du corps du Christ et rejetés loin du salut. Lui-même fait cette menace : Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas de vie en vous . C'est pour cela que nous prions pour que notre pain, c'est-à-dire le Christ, nous soit donné quotidiennement ; pour que nous qui demeurons et qui vivons dans le Christ, nous ne soyons pas écartés de son influence sanctifiante et de son corps. ~
Ensuite, nous prions Dieu à cause de nos péchés, en disant : Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés . Après avoir demandé le soutien de la nourriture, on demande le pardon de la faute. ~ Comme c'est nécessaire, comme c'est sage et salutaire de nous rappeler que nous sommes pécheurs ! En effet, nous sommes tenus de demander à Dieu son indulgence, ce qui nous oblige à rentrer dans notre conscience. Aucun de nous ne doit se complaire en soi-même, comme s'il était innocent, ni se perdre encore davantage par un tel orgueil ; on lui apprend qu'il pèche chaque jour en lui ordonnant de prier chaque jour pour ses péchés.
C'est l'avertissement que saint Jean donne dans sa lettre : Si nous disons que nous n'avons pas de péché nous nous égarons nous-mêmes et la vérité n'est pas en nous. Mais si nous reconnaissons nos péchés, le Seigneur, qui est fidèle et juste, nous remettra nos péchés . Ce texte réunit deux choses : Que nous devons donc demander pardon pour nos péchés, et que nous pouvons compter sur le pardon lorsque nous le demandons. C'est pourquoi il dit que Dieu est fidèle , puisqu'il tient sa promesse de remettre les péchés. Lui qui nous a enseigné à prier pour être délivrés de nos dettes et de nos péchés, il a promis que le Père ferait miséricorde et que le pardon s'ensuivrait.
COMMENTAIRE DE SAINT CYPRIEN SUR LA PRIÈRE DU SEIGNEUR
Comme les mystères de la prière du Seigneur sont nombreux et profonds ! Ils sont contenus dans de brèves paroles, mais avec quelle richesse !... « Priez ainsi, dit le Seigneur : Notre Père qui es aux cieux »… L’homme nouveau, régénéré et rendu à son Dieu par la grâce divine, commence par dire « Père », parce que désormais il est devenu fils. Le Verbe, la Parole de Dieu, « est venu chez les siens, dit l’Évangile, et les siens ne l’ont pas reçu. Mais tous ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu » (Jn 1,11-12). Celui qui a cru en son nom et qui est devenu enfant de Dieu doit donc commencer à rendre grâce et à proclamer qu’il est enfant de Dieu, en appelant le Dieu qui est aux cieux son Père…
Comme le Seigneur est plein de miséricorde ! Comme sa bienveillance et sa bonté envers nous sont généreuses, pour nous faire prier ainsi en présence de Dieu jusqu’à l’appeler Père ! Comme le Christ est Fils de Dieu, il a voulu que nous aussi nous portions le nom de fils de Dieu. Personne parmi nous n’aurait jamais osé employer ce mot dans la prière : il fallait que le Seigneur lui-même nous y encourage.
Nous devons donc nous rappeler, frères bien-aimés, et savoir que lorsque nous appelons Dieu notre Père, il faut que nous nous comportions comme des enfants de Dieu. Si nous nous complaisons à considérer Dieu comme notre Père, il doit pouvoir se complaire en nous aussi. Vivons donc comme des temples de Dieu (1Co 3,16), pour que les hommes puissent reconnaître que Dieu habite en nous.
La Prière du Seigneur, 9-11 ; PL 4, 523 (trad. bréviaire 11e lun.-mar. rev.)
Jean Baptiste, martyr pour la vérité
« Il n'y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous » (Rm 8,18). Qui donc ne travaillerait pas de toutes les façons possibles à obtenir une telle gloire pour devenir l'ami de Dieu, se réjouir aussitôt en compagnie de Jésus Christ, et recevoir les récompenses divines après les tourments et les supplices de cette terre ?
Pour les soldats de ce monde, il est glorieux de rentrer triomphalement dans leur patrie après avoir vaincu l'ennemi. N'est-ce pas une gloire bien supérieure de revenir triomphalement, après avoir vaincu le démon, au paradis d'où Adam avait été chassé à cause de son péché ? D'y rapporter le trophée de la victoire après avoir abattu celui qui l'avait trompé ? D'offrir à Dieu comme un butin magnifique une foi intacte, un courage spirituel sans défaillance, un dévouement digne d'éloges ?... De devenir cohéritier du Christ, d'être égalé aux anges, de jouir avec bonheur du royaume céleste avec les patriarches, les apôtres, les prophètes ? Quelle persécution peut vaincre de telles pensées qui peuvent nous aider à surmonter les supplices ?...
La terre nous emprisonne par ses persécutions, mais le ciel reste ouvert... Quel honneur et quelle sécurité de sortir de ce monde avec joie, d'en sortir glorieux en traversant les épreuves et les souffrances ! De fermer un instant les yeux qui voyaient les hommes et le monde, pour les rouvrir aussitôt afin de voir Dieu et le Christ !... Si la persécution assaille un soldat ainsi préparé, elle ne pourra pas vaincre son courage. Même si nous sommes appelés au ciel avant la lutte, la foi qui s'était préparée ainsi ne sera pas sans récompense... Dans la persécution Dieu couronne ses soldats ; dans la paix il couronne la bonne conscience.
Exhortation au martyre, 13 ; CSEL 3, 346 (trad. bréviaire 14/10)
« Moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant »
« Supportez-vous les uns les autres dans l'amour, faisant tout ce qui est en votre pouvoir pour garder l'unité de l'esprit dans le lien de la paix » (Ep 4,2). Il n'est pas possible de maintenir l'unité ni la paix si les frères ne s'encouragent pas les uns les autres par le soutien mutuel, en gardant le lien de la bonne entente grâce à la patience...
Pardonner à ton frère qui commet des fautes à ton égard non seulement soixante-dix fois sept fois, mais absolument toutes ses fautes, aimer tes ennemis, prier pour tes adversaires et tes persécuteurs (Mt 5,39.44; 18,22) -- comment y arriver si l'on n'est pas ferme dans la patience et la bienveillance ? C'est ce que nous voyons chez Étienne... : loin de demander la vengeance, il a demandé le pardon pour ses bourreaux en disant : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché » (Ac 7,60). Voilà ce qu'a fait le premier martyr du Christ..., qui s'est fait non seulement prédicateur de la Passion du Seigneur mais imitateur de sa très patiente douceur.
Que dire de la colère, de la discorde, de la rivalité ? Elles n'ont pas de place chez un chrétien. La patience doit habiter son cœur ; on n'y trouvera alors aucun de ces maux... L'apôtre Paul nous en avertit : « Ne contristez pas le Saint Esprit de Dieu... : faites disparaître de votre vie tout ce qui est amertume, emportement, colère, éclats de voix ou insultes » (Ep 4,30-31). Si le chrétien s'échappe aux égarements et aux assauts de notre nature déchue, comme à une mer en furie, s'il s'établit dans le port du Christ, dans la paix et le calme, il ne doit admettre en son cœur ni colère ni discorde. Il ne lui est pas permis de rendre le mal pour le mal (Rm 12,17), ni de concevoir de la haine.
Les Bienfaits de la patience, 15-16 ; SC 291 (trad. cf SC p. 221)
Que les richesses de la prière du Seigneur sont nombreuses et grandes ! Elles sont ramassées en peu de mots mais d'une densité spirituelle inépuisable, au point que rien n'y manque dans ce résumé parfait de ce qui doit constituer notre prière. Il est écrit : « Priez ainsi : Notre Père, qui es dans les cieux ».
L'homme nouveau, qui est né de nouveau et rendu à son Dieu par la grâce, dit d'abord : « Père », parce qu'il est devenu son enfant. Le Verbe, la Parole de Dieu, « est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas accueilli ; mais à tous ceux qui l'ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu » (Jn 1,11-12). Celui qui a cru en son nom et qui est devenu enfant de Dieu doit commencer par rendre grâce et proclamer qu'il est vraiment fils de Dieu... Il ne suffit pas, frères bien-aimés, de prendre conscience que nous invoquons le Père qui est dans les cieux. Nous ajoutons : « notre Père », c'est-à-dire Père de ceux qui croient en son Fils, de ceux qui ont été sanctifiés par lui, et sont nés de nouveau par la grâce spirituelle : ceux-là ont vraiment commencé à être les enfants de Dieu...
Que la miséricorde du Seigneur est grande, que sa faveur et sa bonté sont grandes, pour nous faire ainsi prier en présence de Dieu, jusqu'à l'appeler Père ! Comme le Christ est Fils de Dieu, ainsi nous aussi nous sommes appelés fils. Personne parmi nous n'aurait jamais osé employer ce mot dans la prière : il fallait que le Seigneur lui-même nous y encourage.
La Prière du Seigneur, 9-11 ; PL 4, 520s ; CSEL 3,1 (trad. Hamman, DDB 1982, p. 46 rev.)
« Que ton règne vienne. Que ta volonté soit faite »
La prière se poursuit : Que ton règne vienne . Nous demandons que le règne de Dieu se réalise pour nous, dans le sens ou nous implorons que son nom soit sanctifié en nous. Quand est-ce, en effet, que Dieu ne règne pas ? Et quand donc a commencé ce qui en lui a toujours existé, et ne cessera jamais ? Nous demandons que vienne notre règne, celui que Dieu nous a promis, celui que le Christ nous a obtenu par sa passion et son sang. Ainsi, après avoir été des esclaves en ce monde, nous serons des rois, lorsque le Christ sera souverain, comme lui-même nous le promet lorsqu'il dit : Venez, les bénis de mon Père prendre en héritage le royaume préparé pour vous depuis la création du monde .
Mais il est possible, frères bien-aimes, que le Christ en personne soit ce règne de Dieu, dont nous désirons chaque jour la venue, dont nous souhaitons que l'avènement se présente bientôt à nous. Car, de même qu'il est la Résurrection , puisque nous ressuscitons en lui, on peut comprendre de même qu'il est le règne de Dieu, puisque c'est en lui que nous régnerons. Il est bon pour nous de demander le règne de Dieu, c'est-à-dire le règne céleste, car il y a aussi un règne terrestre. Mais celui qui a déjà renoncé au monde est au-dessus de ses honneurs et de son règne. ~
Nous ajoutons ensuite : Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ; non pas pour que Dieu fasse ce qu'il veut, mais pour que nous puissions faire ce que Dieu veut. Qui donc peut empêcher Dieu de faire ce qu'il veut ? Mais parce que le diable empêche nos pensées et nos actes d'obéir à Dieu en tout, nous prions et demandons que la volonté de Dieu se fasse en nous. Or, pour qu'elle se fasse en nous, nous avons besoin de sa volonté, c'est-à-dire de son assistance et de sa protection. Personne en effet ne peut compter sur ses propres forces, mais la bonté et la miséricorde de Dieu sont notre appui. Jusqu'au Seigneur, qui a montré la faiblesse humaine qu'il portait, lorsqu'il a dit : Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Et il donnait l'exemple à ses disciples, pour qu'ils fassent non leur volonté, mais celle de Dieu, lorsqu'il ajoutait : Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux . ~
La volonté de Dieu, c'est ce que le Christ a fait et enseigné : l'humilité dans la conduite, la fermeté dans la foi, la retenue dans les paroles, la justice dans les actions, la miséricorde dans les œuvres, la rectitude dans les mœurs ; être incapable de faire du mal, mais pouvoir le tolérer quand on en est victime, garder la paix avec les frères, chérir le Seigneur de tout son cœur, aimer en lui le Père, et craindre Dieu, ne préférer absolument rien au Christ, car lui-même n'a rien préféré à nous ; s'attacher inébranlablement à son amour ; se tenir à sa croix avec force et confiance ; quand il faut lutter pour son nom et son honneur, montrer de la constance dans notre confession de foi montrer, sous la torture, cette confiance qui soutient notre combat et, dans la mort, cette persévérance qui nous obtient la couronne : c'est cela, vouloir être héritier avec le Christ ; c'est cela, obéir au précepte de Dieu ; c'est cela, accomplir la volonté du Père.
COMMENTAIRE DE SAINT CYPRIEN SUR LA PRIÈRE DU SEIGNEUR
Notre prière est publique et communautaire
Avant tout, le Christ, Docteur de la paix et Maître de l'unité, n'a pas voulu que la prière soit individuelle et privée, comme si l'on ne priait que pour soi. Nous ne disons pas : « Mon Père, qui es aux cieux », ni : « Donne-moi aujourd'hui mon pain de ce jour ». Chacun ne demande pas pour lui seul, que sa dette lui soit remise, qu'il ne soit pas soumis à la tentation et qu'il soit délivré du Mal. Notre prière est publique et communautaire, et quand nous prions, ce n'est pas pour un seul, mais pour tout le peuple, car nous, le peuple entier, nous ne faisons qu'un.
Le Dieu de la paix et le Maître de la concorde, qui nous a enseigné l'unité, a voulu qu'un seul prie pour tous comme lui-même a porté tous les hommes en lui seul. Les trois jeunes Hébreux, jetés à la fournaise, ont observé cette loi de la prière. Lorsqu'ils priaient, leurs voix n'en faisaient qu'une, leurs esprits étaient accordés, ils n'avaient qu'un seul cœur. Nous pouvons croire ce que déclare l'Écriture en nous enseignant, comment ils priaient, elle donne un exemple que nous pouvons imiter dans nos prières, pour que nous puissions être exaucés comme eux : Alors , dit-elle, tous trois, d'une seule voix, chantaient un hymne et bénissaient Dieu . Ils priaient d'une seule voix, et pourtant le Christ ne leur avait pas encore enseigné à prier. Leur prière méritait d'être exaucée, elle fut efficace parce que la faveur du Seigneur était acquise à une prière pacifique, humble et spirituelle.
Nous voyons les Apôtres prier ainsi avec les disciples, après l'ascension du Seigneur : D'un seul cœur, ils participaient fidèlement à la prière, avec quelques femmes et Marie, la mère de Jésus, et avec ses frères . D'un seul cœur, ils participaient fidèlement à la prière : l'assiduité en même temps que la concorde de leur prière montrait que Dieu, qui fait habiter dans sa maison ceux qui ont un seul cœur, n'admet dans sa demeure éternelle que ceux qui prient d'un seul cœur.
Comme les mystères de la prière du Seigneur, frères bien-aimés, sont nombreux et profonds ! Ils sont contenus dans de brèves paroles, mais avec quelle richesse de vertu spirituelle. Absolument rien n'est omis, parmi tout ce que nous pouvons demander dans la prière; dans ce condensé de l'enseignement divin : Priez ainsi , dit le Seigneur: Notre Père qui es aux cieux . ~
L'homme nouveau, régénéré et rendu à son Dieu par la grâce divine, commence par dire Père , parce que désormais il est devenu fils. Le Verbe, dit saint Jean, est venu chez les siens, et les siens ne l'ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l'ont reçu, et qui croient en son nom, il leur a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu . Celui qui a cru en son nom et qui est devenu fils de Dieu doit donc commencer à rendre grâce et à professer qu'il est fils de Dieu, en appelant son Père le Dieu qui est aux cieux.
COMMENTAIRE SUR LA PRIÈRE DU SEIGNEUR
Saint Cyprien (v. 200-258), évêque de Carthage et martyr
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« Vous n'appartenez pas au monde puisque je vous ai choisis... Voilà pourquoi le monde a de la haine contre vous »
Le Seigneur a voulu que nous nous réjouissions, que nous tressaillions d'allégresse quand nous sommes persécutés (Mt 5,12), parce que quand les persécutions viennent, c'est alors que se donnent les couronnes de la foi (Jc 1,12), c'est alors que les soldats du Christ font leurs preuves, c'est alors que les cieux s'ouvrent à ses témoins. Nous ne sommes pas engagés dans la milice de Dieu pour ne penser qu'à la tranquillité, pour nous dérober au service, quand le Maître de l'humilité, de la patience et de la souffrance a fourni lui-même avant nous le même service. Ce qu'il a enseigné, il a commencé par l'accomplir, et s'il nous exhorte à tenir bon, c'est qu'il a souffert lui-même avant nous et pour nous. Pour participer aux compétitions du stade, on s'exerce, on s'entraîne, et on s'estime très honoré si, sous les yeux de la foule, on a le bonheur de recevoir le prix. Mais voici une épreuve autrement noble et éclatante, où Dieu nous regarde combattre, nous ses enfants, et où lui-même nous donne une couronne céleste (1Co 9,25). Les anges aussi nous regardent et le Christ nous assiste. Armons-nous donc de toutes nos forces ; menons le bon combat avec une âme courageuse et une foi entière
Lettre 56 (trad. rev. Tournay)
« Celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra » (Jn 11, 25)
Nous ne devons pas pleurer nos frères que l'appel du Seigneur a retirés de ce monde, puisque nous savons qu'ils ne sont pas perdus mais partis avant nous : ils nous ont quittés comme des voyageurs, des navigateurs, pour nous précéder. Nous devons donc les envier au lieu de les pleurer, et ne pas nous vêtir ici-bas de sombres vêtements alors qu'ils ont revêtu là-haut des robes blanches. Ne donnons pas aux païens l'occasion de nous reprocher avec raison de nous lamenter sur ceux que nous déclarons vivants auprès de Dieu, comme s'ils étaient anéantis et perdus. Nous trahissons notre espérance et notre foi si ce que nous disons paraît feinte et mensonge. Il ne sert à rien d'affirmer son courage en parole et d'en détruire la vérité par les faits. Lorsque nous mourons, nous passons par la mort à l'immortalité ; et la vie éternelle ne peut être donnée que si nous sortons de ce monde. Ce n'est pas là un point final mais un passage. Au terme de notre voyage dans le temps, c'est notre passage dans l'éternité. Qui ne se hâterait vers un plus grand bien ? Qui ne désirerait être changé et transformé à l'image du Christ ? Notre patrie, c'est le ciel... Là un grand nombre d'êtres chers nous attend, une immense foule de parents, de frères et de fils nous désire ; assurés désormais de leur salut, ils pensent au nôtre... Hâtons-nous d'arriver à eux, souhaitons ardemment d'être vite auprès d'eux et d'être vite auprès du Christ
Traité sur la mort, PL 4,596s (trad. Orval)
« Le publicain...n'osait même pas lever les yeux vers le ciel »
Les hommes de prière doivent expriment leurs suppliques et leurs demandes avec modestie, calme, retenue et discrétion. Rappelons-nous que nous nous tenons en présence de Dieu. Il faut que l'attitude de notre corps, le ton de notre voix soient agréables aux yeux de Dieu. Il ne convient pas de s'épandre en clameurs ; il convient de prier avec modestie et réserve. Le Seigneur dans son enseignement nous demande de prier à l'écart, dans la solitude et en des lieux retirés, et même en nos chambres (Mt 14,23; 6,6), ce qui s'accorde mieux avec la foi. Nous savons que Dieu est présent partout, il entend et voit tous les hommes, le regard de sa majesté souveraine pénètre jusque dans le secret. Il est écrit, en effet : « Je suis un Dieu proche et non un Dieu lointain. Quelqu'un peut-il se cacher dans ses cachettes sans que je le voie ? Est-ce que je ne remplis pas le ciel et la terre ? » (Jr 23,24) L'homme de prière, frères bien-aimés, ne doit pas ignorer comment le publicain priait dans le Temple, à côté du pharisien. Il ne levait pas les yeux vers le ciel avec effronterie, il ne tendait pas les mains avec insolence. Il se frappait la poitrine, il reconnaissait ses péchés intérieurs et cachés, il implorait le secours de la miséricorde divine. Le pharisien, en revanche, se fiait en lui-même. Et c'est le publicain qui a mérité d'être reconnu juste. Car il priait sans mettre l'espérance de son salut dans son innocence, puisque personne n'est innocent. Mais il priait en confessant ses péchés, et sa prière a été exaucée par Celui qui pardonne aux humbles
La Prière du Seigneur, § 4, 6 (trad. DDB 1982, p. 42 rev.)
« Servant Dieu jour et nuit »
Dans les Saintes Écritures, le vrai soleil et le jour véritable, c'est le Christ ; c'est pourquoi pour les chrétiens, aucune heure n'est exclue, et sans cesse et toujours il faut adorer Dieu. Puisque nous sommes dans le Christ, c'est-à-dire dans la lumière véritable, tout au long du jour, soyons en supplications et en prière. Et quand selon le cours du temps, la nuit revient après le jour, rien dans les ténèbres nocturnes ne nous empêche de prier : pour les fils de lumière (1Th 5,5), il fait jour même dans la nuit. Quand donc est-il sans la lumière, celui dont la lumière est dans le cœur ? Quand donc fait défaut le soleil, quand donc n'est-ce plus jour pour celui dont le Christ est Soleil et Jour ?
Pendant la nuit donc ne laissons pas la prière. C'est ainsi qu'Anne, la veuve, obtenait la faveur de Dieu en persévérant dans la prière et dans les veilles comme il est écrit dans l'Évangile : « Elle ne s'éloignait pas du Temple, servant jour et nuit dans les jeûnes et la prière »... Que la paresse et le laisser-aller ne nous empêchent pas de prier. Par la miséricorde de Dieu, nous avons été recréés dans l'Esprit et nous sommes renés. Imitons donc ce que nous serons. Nous devons habiter un royaume où il n'y aura plus de nuit, où brillera un jour sans déclin, veillons déjà pendant la nuit comme s'il faisait plein jour. Appelés à prier et à rendre grâces sans fin à Dieu au ciel, commençons déjà à prier sans cesse et à rendre grâces ici-bas.
Sur le Notre Père ; PL 4, 544 (trad. Bouchet, Lectionnaire, p. 280)
« Que votre paix vienne sur elle »
L'Esprit Saint nous donne cet avertissement : « Où est l'homme qui désire la vie, épris du jour où voir le bonheur ? Garde ta langue du mal, tes lèvres des paroles trompeuses. Évite le mal, fais le bien, recherche la paix et poursuis-la » (Ps 33,13-15). Le fils de la paix doit chercher la paix et la poursuivre ; celui qui connaît et aime le lien de la charité doit garder sa langue du mal et de la discorde. Parmi ses commandements divins et ses enseignements de salut, le Seigneur, à la veille de sa Passion, a ajouté ceci : « Je vous laisse la paix ; c'est ma paix que je vous donne » (Jn 14,27). Tel est l'héritage qu'il nous a légué : tous les dons, toutes les récompenses qu'il nous a promis, il les a liés au maintien de la paix. Si nous sommes les héritiers du Christ, demeurons donc dans la paix du Christ ; si nous sommes les enfants de Dieu, nous devons être pacifiques : « Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,9). Il faut que les enfants de Dieu soient pacifiques, doux de cœur, simples en paroles, en parfait accord par l'affection, unis fidèlement par les liens de l'unanimité.
Cette unanimité a existé jadis sous les apôtres (Ac 4,32). De même, le nouveau peuple des croyants garde les commandements du Seigneur et maintient la charité. La preuve est dans l'Écriture qui dit : « La multitude des croyants avait un seul cœur et une seule âme » (Ac 4,32). Et encore : « Tous, d'un seul cœur, participaient fidèlement à la prière, avec quelques femmes, dont Marie, la mère de Jésus, et avec ses frères » (1,14). D'où l'efficacité de leurs prières ; d'où leur confiance qu'ils obtiendraient tout ce qu'ils demandaient à la miséricorde du Seigneur.
L'Unité de l'Église, § 24 (trad. cf coll. Pères dans la foi, n°9)
Le Maître de la prière
Qu'y a-t-il d'étonnant, frères bien-aimés, si le Seigneur nous a enseigné une telle prière, si notre Maître a résumé tous nos appels dans ces paroles qui nous sauvent ? Le prophète Isaïe l'avait prédit, lorsque, rempli de l'Esprit Saint, il parlait de la majesté et de la bonté de Dieu : C'est une parole parfaite , dit-il, qui contient toute justice, car, par toute la terre, Dieu fera entendre une parole brève . En effet, lorsque le Verbe de Dieu, notre Seigneur Jésus Christ, est venu pour tous les hommes, il a rassemblé savants et ignorants, pour donner à tout sexe et à tout âge des préceptes qui conduisent au salut. Et il a fait un magnifique condensé de ses commandements, pour que la mémoire n'ait pas trop de difficulté à retenir ; il a voulu qu'on puisse apprendre rapidement ce qui est nécessaire à une vraie foi.
Ainsi, pour enseigner ce qu'est la vie éternelle, il a résumé le mystère de cette vie avec une grande et divine concision en disant : La vie éternelle, c'est de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé Jésus Christ . De même il a recueilli, dans la Loi et les Prophètes, les commandements primordiaux : Écoute, Israël, dit-il, le Seigneur ton Dieu est l'Unique Seigneur . Et : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. C'est le premier commandement, et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu'il y a dans la Loi et les Prophètes dépend de ces deux commandements . Et encore : Tout le bien que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le aussi pour eux : c'est la Loi et les Prophètes .
Le Seigneur nous a enseigné à prier non seulement par ses paroles mais aussi par sa conduite. Lui-même était fréquemment en prière et il nous montre par son témoignage l'exemple qu'il faut suivre. Il est écrit en effet qu' il se retirait dans les endroits déserts pour prier . Et aussi : Il s'en alla dans la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier Dieu . ~
Le Seigneur priait et demandait, non pour lui-même — quelle raison l'innocent aurait-il d'implorer pour lui-même ? — mais pour nos péchés ; il le montre bien lorsqu'il dit à Pierre : Satan a réclamé de vous passer au crible comme le froment. Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne succombe pas . Et ensuite il implore son Père pour tous les hommes lorsqu'il dit : Je ne prie pas seulement pour ceux-ci, mais encore pour ceux qui accueilleront leur paroles et croiront en moi : Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi et je suis en toi ; pour qu'ils soient un en nous, eux aussi .
Elle est grande, la miséricorde et la bonté de Dieu en faveur de notre salut ! Il ne se contente pas de nous racheter par son sang, il faut encore qu'il prie pour nous ! Mais voyez donc ce que désire sa prière : comme le Père et le Fils sont un, que nous aussi demeurions dans l'unité.
COMMENTAIRE SUR LA PRIÈRE DU SEIGNEUR
« Pardonne-nous comme nous pardonnons »
À l'ordre de prier pour obtenir le pardon de nos péchés, le Seigneur a ajouté une loi qui nous impose un engagement précis : nous demandons que nos dettes soient remises, selon que nous-mêmes remettons à nos débiteurs, Nous devons savoir que nous ne pouvons pas obtenir ce que nous demandons à propos de nos péchés, si nous n'en faisons pas autant pour ceux qui ont péché envers nous. C'est pourquoi le Christ dit ailleurs : C'est la mesure dont vous vous servez qui servira de mesure pour vous . Et le serviteur qui, après avoir été libéré de toute sa dette, ne voulut pas à son tour remettre celle de son compagnon de service, est jeté en prison. Parce qu'il n'avait pas voulu faire grâce à son compagnon, il a perdu ce dont son maître lui avait fait grâce. Cela, le Christ l'établit avec plus de force encore dans ses préceptes, lorsqu'il décrète avec la plus grande sévérité : Quand vous êtes debout en prière, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, pardonnez, pour que votre Père qui est au cieux vous pardonne vos fautes. Mais si vous ne pardonnez pas, votre Père qui est au cieux ne vous pardonnera pas non plus vos fautes . Tu n'auras aucune excuse le jour du jugement, car tu seras jugé selon ta sentence, et ce que tu auras fait à autrui, tu le subiras toi-même.
En effet, Dieu a ordonné que les hommes soient pacifiques et en bon accord, qu'ils vivent unanimes dans sa maison . Il veut que nous persévérions, une fois régénérés, dans la condition où nous a mis la seconde naissance ; il veut, puisque nous sommes enfants de Dieu, que nous demeurions dans la paix de Dieu et, puisque nous avons reçu un même esprit, que nous vivions dans l'unité du cœur et des pensées. C'est ainsi encore que Dieu ne reçoit pas le sacrifice de l'homme qui vit dans la dissension. Il ordonne que l'on s'éloigne de l'autel pour se réconcilier d'abord avec son frère, afin que Dieu puisse agréer des prières présentées dans la paix. Le plus grand sacrifice que l'on puisse offrir à Dieu, c'est notre paix, c'est la concorde fraternelle, c'est le peuple rassemblé par cette unité qui existe entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Lorsque Abel et Caïn, les premiers, offrirent des sacrifices, ce n'est pas leurs présents que Dieu regardait, mais leurs cœurs. Celui dont le présent lui plaisait, c'est celui dont le cœur lui plaisait. Abel, pacifique et juste, en offrant le sacrifice à Dieu dans l'innocence, enseignait aux autres, quand ils offrent leur présent à l'autel, à y venir avec crainte de Dieu, avec un cœur loyal, en observant la justice, en vivant dans la concorde et dans la paix. Il convenait donc, puisqu'il offrait le sacrifice dans ces dispositions, qu'il devint ensuite un sacrifice offert à Dieu. Il apparut ainsi comme le premier martyr et il a préfiguré, par la victoire de son sang, la passion du Seigneur, lui qui possédait la justice et la paix du Seigneur. Ce sont des hommes semblables qui sont couronnés par le Seigneur, et qui, au jour du jugement, obtiendront justice avec lui.
Quant à l'homme de discorde et de dissension, celui qui ne veut pas être en paix avec son frère selon l'attestation de l'Apôtre et de l'Ecriture, même s'il était mis à mort pour le nom chrétien, il ne pourrait échapper à l'accusation de s'être séparé de ses frères. Car il est écrit : Tout homme qui a de la haine contre son frère est un meurtrier . Or, un meurtrier n'entre pas au Royaume des cieux, ne vit pas avec Dieu. Il ne peut pas être avec le Christ, celui qui a préféré l'imitation de Judas à celle du Christ.
COMMENTAIRE SUR LA PRIÈRE DU SEIGNEUR
« Vous donc, priez ainsi : Notre Père »
Avant tout, le Christ, Docteur de la paix et Maître de l'unité, n'a pas voulu que la prière soit individuelle et privée, comme si on ne priait que pour soi. Nous ne disons pas : « Mon Père, qui es aux cieux », ni « donne-moi aujourd'hui mon pain de ce jour ». Chacun ne demande pas que la dette lui soit remise à lui seul, ni que lui seul ne soit induit en tentation et délivré du Mal. Pour nous la prière est publique et communautaire, et quand nous prions, nous intercédons non pour un seul mais pour tout le peuple, car nous, le peuple entier, nous sommes un.
Le Dieu de la paix et le Maître de la concorde, qui nous a enseigné l'unité, a voulu qu'un seul prie pour tous, comme lui-même en un seul a porté tous les hommes. Les trois jeunes Hébreux jetés dans la fournaise ont observé cette loi de la prière… : « Tous trois, d'une seule voix, chantaient une hymne et bénissaient Dieu » (Dn 3,51)… Les apôtres et les disciples priaient de cette manière après l'Ascension du Seigneur : « Tous d'un même cœur persévéraient dans la prière, avec quelques femmes et Marie, la mère de Jésus, et avec ses frères » (Ac 1,14). D'un seul cœur, ils participaient fidèlement la prière ; par leur ferveur et leur amour mutuel, ils témoignaient que Dieu, « qui fait habiter les hommes unanimes dans une même maison » (Ps 67,7 Vulg), n'admet dans sa demeure éternelle que ceux qui prient en communion les uns avec les autres.
La Prière du Seigneur, 8 (trad. cf bréviaire 11e lun.)
« Qu'ils soient un »
Frères, qui donc serait assez criminel et assez forcené dans sa passion de discorde, pour s'imaginer qu'on puisse mettre en cause et pour oser lui-même déchirer l'unité de Dieu, le vêtement du Seigneur, l'Église du Christ ? (cf Jn 19,24) Dans son Évangile, Dieu ne fait-il pas entendre cet avertissement : « Il y aura un seul troupeau et un seul berger » ? (Jn 10,16) Quelqu'un pense-t-il après cela que dans un même lieu il puisse y avoir normalement plusieurs bergers et plusieurs troupeaux ? Voyez comment l'apôtre Paul nous recommande pareillement cette unité : « Mes frères, je vous exhorte au nom de notre Seigneur Jésus Christ à être tous vraiment d'accord ; qu'il n'y ait pas de division entre vous ; soyez bien unis dans le même esprit et dans les mêmes sentiments » (1Co 1,10). « Supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez à cœur de garder l'unité dans l'Esprit par le lien de la paix » (Ep 4,2-3).
Toi donc, crois-tu pouvoir rester debout et en vie si tu abandonnes l'Église pour établir ta demeure ailleurs et éloigner d'elle ton foyer ?... A propos de la Pâque n'est-il pas dit dans l'Exode que l'agneau, immolé en préfiguration du Christ, doit être mangé dans une seule et même maison ? (Ex 12,46) La chair du Christ, la chose sainte du Seigneur, on ne peut la jeter dehors ; pour les croyants, il n'y a pas d'autre demeure que l'Église une. Cette maison, cette demeure d'une famille unie, est désignée par l'Esprit Saint quand il dit dans un psaume : « Dieu fait habiter dans une même maison des cœurs unanimes » (cf 86,7). C'est dans la maison de Dieu, dans l'Église du Christ, qu'habitent ces cœurs unanimes ; c'est là qu'ils peuvent demeurer dans la paix et dans la simplicité.
L'Unité de l'Église, § 8 (trad. cf coll. Pères dans la foi, n°9, p. 32)
« Tout royaume divisé devient un désert »
Nul ne peut avoir Dieu pour père s'il n'a pas l'Église pour mère... Le Seigneur nous en avertit en disant : « Qui n'est pas avec moi est contre moi, et qui ne rassemble pas avec moi dissipe. » Celui qui brise la paix et la concorde du Christ agit contre le Christ ; celui qui rassemble en dehors de l'Église dissipe l'Église du Christ.
Le Seigneur dit : « Le Père et moi nous sommes un » (Jn 10,30). Il est écrit encore à propos du Père, du Fils et du Saint Esprit : « Ces trois sont un » (1Jn 5,7). Qui dès lors croira que l'unité, qui tient son origine dans cette harmonie divine, qui est liée à ce mystère céleste, puisse être morcelée dans l'Église...par des conflits de volonté ? Quiconque n'observe pas cette unité n'observe pas la loi de Dieu, ni la foi au Père et au Fils ; il ne garde pas la vie ni le salut.
Ce sacrement de l'unité, ce lien de la concorde dans une cohésion indissoluble nous est montré dans l'évangile par la tunique du Seigneur. Elle ne peut pas du tout être divisée ni déchirée, mais elle est tirée au sort pour savoir qui revêtira le Christ (Jn 19,24)... Elle est le symbole de l'unité qui vient d'en haut.
De l'unité de l'Eglise (trad. cf. coll. Pères dans la foi, DDB 1979, p. 31)
« Ce que nous ne voyons pas, nous l'espérons... »
Notre Seigneur et notre Maître nous a donné ce commandement pour notre salut : Celui qui aura tenu bon jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé . Et aussi : Si vous demeurez dans ma parole, vous serez véritablement mes disciples, vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres.
Il faut tenir bon et persévérer, frères bien-aimés, pour obtenir l'espérance de la vérité et de la liberté, afin de parvenir à la vérité et à la liberté elles-mêmes. Car le fait même que nous sommes chrétiens fonde notre foi et notre espérance. Mais, pour que l'espérance et la foi puissent porter des fruits, la patience est nécessaire. Car ce n'est pas la gloire d'ici-bas que nous recherchons, c'est la gloire future. L'Apôtre Paul nous en avertit : Nous avons été sauvés, mais c'est en espérance ; voir ce qu'on espère, ce n'est plus espérer : ce que l'on voit, comment peut-on encore l'espérer ? Mais nous, qui espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons avec patience. L'attente et la patience sont nécessaires pour l'accomplissement de ce que nous avons entrepris et pour posséder ce que nous espérons et croyons, lorsque Dieu nous en fera présent.
Dans un autre passage, l'Apôtre donne le même enseignement aux justes qui travaillent à faire fructifier les dons divins, afin de se préparer de plus grands trésors dans le ciel. Il les exhorte ainsi à être patients : Donc, tant que nous en avons le temps, travaillons pour le bien de tous, surtout celui de nos proches dans la foi. Faisons le bien sans défaillance, car, au temps voulu, nous récolterons, si nous ne défaillons pas. L'Apôtre avertit ainsi qu'on ne doit pas renoncer à son activité par impatience, ni se laisser détourner ou dominer par les tentations qui arrêteraient à mi chemin du succès et de la gloire. Car ce qui est déjà accompli serait perdu, parce que les entreprises qui ne vont pas jusqu'au bout sont anéanties. ~
L'Apôtre, lorsqu'il a parlé de la charité, lui a joint l'endurance et la patience : La charité est magnanime, la charité est bienveillante, la charité ne jalouse pas, elle ne se vante pas, elle ne s'emporte pas, elle n'entretient pas de rancune, elle aime tout, elle croit tout, elle espère tout, elle endure tout. Il montre qu'elle est capable de persévérer obstinément, puisqu'elle sait tout endurer.
Il dit dans un autre passage : Supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez à cœur de garder l'unité dans le même Esprit en étant rassemblés dans la paix. Il montrait ainsi que les frères ne peuvent garder ni l'unité ni la paix, s'ils ne s'encouragent pas mutuellement en se supportant, et s'ils ne gardent pas le lien de la concorde au moyen de la patience.
HOMÉLIE DE SAINT CYPRIEN SUR LA PATIENCE
« Notre cité, à nous, est dans les cieux »
Nous devons nous rappeler que notre devoir est de faire la volonté de Dieu, non la nôtre, comme le Seigneur nous a enseigné à le demander chaque jour dans notre prière. C’est contradictoire et absurde, alors que nous demandons que la volonté de Dieu se fasse, de ne pas être prêts à obéir sans tarder à cette volonté lorsqu’il nous appelle à sortir de ce monde. Nous résistons, nous refusons comme des esclaves rétifs, on nous traîne tristes et chagrins devant le Seigneur. Nous sortons de ce monde par contrainte et nécessité, non par une libre obéissance. Et nous attendons de Dieu les honneurs de la récompense céleste, alors que nous venons à lui de mauvais gré ! Pourquoi demandons-nous dans la prière que le règne des cieux vienne, si nous prenons un tel plaisir à la captivité de la terre ? Pourquoi insistons-nous par des supplications répétées pour que le jour du règne se hâte, si nos plus grands désirs et nos vœux les plus ardents sont pour servir ici-bas le démon, plutôt que pour régner avec le Christ ? ~
Puisque le monde hait le chrétien, pourquoi aimes-tu celui qui te hait, au lieu de suivre le Christ, qui t’a racheté et qui t’aime ? Saint Jean, dans sa lettre, nous interpelle et nous exhorte à ne pas aimer le monde en suivant les désirs de la chair : N’ayez pas l’amour du monde ni de ce qui est dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, il n’a pas en lui l’amour du Père. Tout ce qu’il y a dans le monde – les désirs égoïstes de la nature humaine, les désirs du regard, l’orgueil et la richesse –, tout cela ne vient pas du Père, mais du monde. Le monde passera, avec ses désirs. Mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure pour toujours, de même que Dieu demeure pour toujours . Mes frères bien-aimés, soyons donc plutôt préparés avec un esprit loyal, une foi solide, une vertu robuste, à tout ce que Dieu voudra de nous. Chassons la crainte de la mort en pensant à l’immortalité qui la suit. Montrons ainsi ce que nous croyons. ~
Nous devons considérer, mes frères bien-aimés, et méditer continuellement que nous avons renoncé au monde, que nous passons ici-bas, Provisoirement, comme des étrangers et des voyageurs. Accueillons avec joie le jour qui fixe à chacun son véritable domicile, qui nous délivre de ce monde et de ses filets pour nous rendre au Paradis et au Royaume. Quel exilé ne serait pas pressé de rentrer dans sa patrie ? ~ Nous tenons le ciel pour notre patrie. ~ Un grand nombre de ceux que nous aimons nous y attendent : une immense foule de pères, de fils, de frères nous désirent. Ils sont déjà sûrs de leur propre salut, et encore inquiets du nôtre. Quel bonheur partagé, pour eux et pour nous, de nous revoir, et de nous embrasser ! Quel bonheur, dans ce royaume céleste, de ne plus craindre la mort ! Quelle félicité parfaite et perpétuelle, de vivre pour l’éternité !
C’est là que se trouvent le glorieux groupe des Apôtres, la troupe jubilante des prophètes, le peuple innombrable des martyrs, victorieux dans les combats et les souffrances. C’est là que se trouvent les vierges triomphantes qui ont vaincu par l’énergie de leur continence les convoitises charnelles ; c’est là que sont récompensés les miséricordieux qui ont accompli la justice en donnant aux pauvres nourriture et aumônes et qui ont observé les préceptes du Seigneur en transférant leur patrimoine de la terre dans les trésors du ciel.
Hâtons-nous de les rejoindre, frères bien-aimés, par un désir plein d’impatience. ~ Que Dieu voie en nous cette pensée, que le Christ Seigneur découvre cette résolution de notre âme et de notre foi. Il nous donnera d’autant plus largement sa gloire que nous l’aurons plus fortement désirée.
TRAITÉ SUR LA CONDITION MORTELLE DE L'HOMME
« Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu »
Demeurez courageux et constants pour confesser la gloire céleste…; avancez avec un courage inspiré pour recevoir la couronne. Le Seigneur est votre guide et votre protecteur, lui qui a dit : « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps » (Mt 28,20)… Heureuse prison qui envoie vers le ciel les hommes de Dieu !…
Maintenant, que plus rien ne se trouve dans vos cœurs et vos âmes que les enseignements divins et les commandements du Seigneur dont le Saint Esprit s'est servi pour vous encourager à supporter la souffrance. Que personne ne pense à la mort, mais à l'immortalité ; ni à la souffrance temporaire, mais à la gloire éternelle, puisqu'il est écrit : « La mort des justes est précieuse devant Dieu » (Ps 115,15 VL)… Et encore (à l'endroit où la Sainte Écriture parle des supplices qui consacrent les martyrs de Dieu…) : « Aux yeux des hommes, ils subissaient un châtiment, mais par leur espérance ils avaient déjà l'immortalité… Ils seront les juges des nations et les maîtres des peuples et le Seigneur régnera sur eux pour toujours » (Sg 3,4.8). Quand donc vous songez que vous jugerez et régnerez avec le Christ, il vous est impossible de ne pas tressaillir d'allégresse, de ne pas fouler aux pieds les supplices présents dans la joie du bonheur futur...
En plus, le Seigneur s'est donné en exemple, car il enseigne qu'on ne peut parvenir à son Royaume qu'en le suivant par le même chemin qu'il a pris : « Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s'en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle » (Jn 12,25)… Saint Paul nous exhorte de même ; puisque nous désirons parvenir à ce que le Seigneur nous a promis, nous devons imiter le Seigneur en tout : « Nous sommes enfants de Dieu. Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers, héritiers avec le Christ, si nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire » (Rm 8,16s).
Lettre aux confesseurs de la foi, 6, 1-2 (trad. bréviaire commun plusieurs martyrs)
Saint Cyprien (v. 200-258), évêque de Carthage et martyr
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« Va d'abord te réconcilier avec ton frère »
Dieu a ordonné que les hommes soient pacifiques et en bon accord, qu'ils vivent « unanimes dans sa maison » (Ps 67,7 Vulg). Il veut que nous persévérions, une fois régénérés par le baptême, dans la condition où nous a mis cette seconde naissance. Il veut, puisque nous sommes enfants de Dieu, que nous demeurions dans la paix de Dieu et, puisque nous avons reçu un même Esprit, que nous vivions dans l'unité du cœur et des pensées.
C'est ainsi que Dieu ne reçoit pas le sacrifice de l'homme qui vit dans la dissension. Il ordonne que l'on s'éloigne de l'autel pour se réconcilier d'abord avec son frère, afin que Dieu puisse agréer des prières présentées dans la paix. Le plus grand sacrifice que l'on puisse offrir à Dieu, c'est notre paix, c'est la concorde fraternelle, c'est le peuple rassemblé par cette unité qui existe entre le Père, le Fils et le Saint Esprit.
Le Prière du Seigneur, 23
Cyprien à Corneille son frère.
Nous avons appris, frère très cher, les témoignages que vous avez donnés de votre foi et de votre courage et nous avons accueilli la noblesse de votre confession avec un tel enthousiasme que nous nous considérons comme les associés et les compagnons des louanges que vous méritez. Car nous ne formons qu'une seule Église, nos esprits sont unis, notre unanimité est indissoluble ; quel évêque ne se réjouirait donc de la gloire d'un de ses collègues comme d'une gloire qui lui appartient ? Et quel est le groupe de frères, n'importe où, qui ne serait heureux de la joie de ses frères ?
On ne pourrait assez exprimer toute l'allégresse, toute la joie qui a éclaté ici quand nous avons reçu ces bonnes nouvelles de votre courage : que vous avez été le chef de la confession rendue par les frères, mais aussi que la confession des frères a fait ressortir la confession de leur chef. Car, en marchant le premier vers la gloire, vous avez acquis de nombreux compagnons de gloire vous avez décidé tout le peuple à être confesseur en vous montrant prêt à confesser la foi le premier au nom de tous. Aussi, nous ne savons pas ce que nous devons d'abord célébrer en vous : ou bien votre foi prompte et inébranlable, ou bien cet amour des frères qui ne veulent pas se séparer de vous. Le courage de l'évêque marchant le premier s'est alors manifesté publiquement, et l'union des frères qui vous suivaient s'est montrée en même temps. Du fait qu'il n'y a eu chez vous qu'un seul cœur et une seule voix, c'est toute l'Église de Rome qui a confessé le Christ.
On a vu éclater chez vous, frère très cher, cette foi dont le bienheureux Apôtre a fait l'éloge. Cette gloire de votre courage, cette constance dans la fermeté, il les voyait d'avance par l'esprit, et en proclamant vos mérites par l'éloge de ce qui arriverait plus tard, il exaltait les pères pour stimuler leurs fils. En étant unanimes, en étant courageux, vous avez donné aux autres frères de grands exemples d'unanimité et de courage. ~
Nous vous exhortons autant que nous le pouvons, frère très cher, au nom de l'affection mutuelle qui nous unit puisque la providence du Seigneur nous avertit, puisque les avis salutaires de la divine miséricorde nous signalent que le jour approche où nous devrons livrer combat, ne cessons pas de jeûner, de veiller, de prier avec tout notre peuple. ~ Car telles sont les armes célestes à notre disposition, qui nous donnent de tenir bon et de persévérer avec courage ; voilà les fortifications spirituelles, les armes divines qui nous mettent à l'abri.
Faisons mémoire l'un de l'autre, n'ayons qu'un seul cœur, qu'une seule âme ; chacun de notre côté, prions l'un pour l'autre ; allégeons nos épreuves et nos angoisses par notre amour mutuel.
LETTRE DE S. CYPRIEN AU PAPE S. CORNEILLE
« Bien avant l'aube Jésus se leva et sortit dans un endroit désert. Là, il priait »
Le Seigneur ne s'est pas contenté de nous apprendre à prier en paroles, mais aussi par ses exemples. Nous le voyons souvent en prière ; il nous fournit l'exemple qu'il nous faut suivre. Il est écrit : « Il s'en alla dans un lieu désert pour prier ». Et ailleurs : « Il se retira dans la montagne pour prier, et passa toute la nuit à prier Dieu » (Lc 6,12). Si déjà celui qui était sans péché priait de la sorte, à bien plus forte raison les pécheurs doivent-ils prier. Si lui passait la nuit en veille à prier sans relâche, à bien plus forte raison devons-nous prier sans cesse et nous aussi veiller.
Le Seigneur priait et intercédait non pour lui-même — pour quelle faute l'innocent implorerait-il le pardon ? — mais pour nos péchés. Il le montre bien quand il dit à Pierre : « Satan a demandé de vous secouer au crible comme du froment. Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas » (Lc 22,3 1). Plus tard il a intercédé auprès du Père en faveur de nous tous, quand il a dit : « Je ne prie pas seulement pour eux mais pour tous ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi, afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi » (Jn 17,20-21).
Comme elles sont grandes la miséricorde et la bonté de Dieu en faveur de notre salut ! Il ne s'est pas contenté de nous racheter par son sang, il a encore voulu prier pour nous. Mais prêtez attention au désir de celui qui prie : comme le Père et le Fils sont un, que nous aussi nous demeurions dans l'unité.
La Prière du Seigneur, 29-30 (trad. Hamman, DDB 1982, p.60)
« C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie »
Notre Seigneur et notre Maître nous a donné ce commandement pour notre salut : « Celui qui aura tenu bon jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé » (Mt 10,22)... Le fait même que nous sommes chrétiens fonde notre foi et notre espérance. Mais, pour que l'espérance et la foi puissent porter des fruits, la patience est nécessaire. Ce n'est pas la gloire d'ici-bas que nous recherchons, c'est la gloire future. L'apôtre Paul nous en avertit : « Nous avons été sauvés, mais c'est en espérance. Voir ce qu'on espère, ce n'est plus espérer ; ce que l'on voit, comment peut-on encore l'espérer ? Mais nous, qui espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons avec persévérance » (Rm 8,24-25).
Dans un autre passage, Paul donne le même enseignement aux justes qui travaillent à faire fructifier les dons de Dieu, afin de se préparer de plus grands trésors dans le ciel... : « Tant que nous en avons le temps, travaillons pour le bien de tous... Ne nous lassons pas de faire le bien ; en son temps la récolte viendra, si nous ne relâchons pas » (Ga 6,10.9)... Et lorsque Paul parle de la charité, il lui joint la persévérance et la patience : « L'amour prend patience, l'amour rend service, l'amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas..., ne s'emporte pas, n'entretient pas de rancune... ; il supporte tout, fait confiance en tout, espère tout, endure tout » (1Co 13,4-7). Il montre ainsi que l'amour est capable de persévérer jusqu'au bout, puisqu'il sait tout supporter.
Enfin il dit dans un autre passage : « Supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez à cœur de garder l'unité dans le même Esprit en étant rassemblés dans la paix » (Ep 4,2-3). Il montre ainsi que les frères ne peuvent garder ni l'unité ni la paix, s'ils ne s'encouragent pas mutuellement en se supportant, et s'ils ne gardent pas le lien de la concorde au moyen de leur patience.
Les Bienfaits de la patience, 13.15 ; SC 291 (trad. bréviaire rev.)
« Comme des brebis au milieu des loups »
Salutaire est le précepte de Notre Seigneur et Maître : « Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. » Il dit encore : « Si vous demeurez dans ma parole, vous serez mes vrais disciples, vous connaîtrez la vérité et la vérité vous délivrera » (Jn 8,31). Il faut supporter et persévérer, frères bien aimés. Ainsi, admis à l'espérance de la vérité et de la liberté, nous pourrons parvenir à cette vérité et à cette liberté, car si nous sommes chrétiens, c'est l'œuvre de la foi et de l'espérance. Mais pour que l'espérance et la foi puissent porter leur fruit, la patience est nécessaire...
Qu'on ne travaille donc pas dans l'impatience, qu'on ne se laisse pas abattre sur le chemin du Royaume, distrait et vaincu par les tentations. Ne pas jurer, ne pas maudire, ne pas réclamer ce qui nous est enlevé par la force, tendre l'autre joue, pardonner aux frères tous leurs torts, aimer ses ennemis et prier pour ceux qui nous persécutent : comment arriver à faire tout cela si l'on n'est pas ferme dans la patience et la tolérance ? C'est ce que nous voyons chez Étienne... Il ne demande pas la vengeance, mais le pardon pour ses meurtriers : « Seigneur, ne leur impute pas leur péché ! » (Ac 7,59) Ainsi le premier martyr du Christ...n'était pas seulement le prédicateur de la passion du Seigneur, mais aussi l'imitateur de son extrême douceur. Quand notre cœur est habité par la patience, il ne peut pas y avoir place pour la colère, la discorde et la rivalité. La patience du Christ chasse tout cela pour construire dans ce cœur une demeure pacifique où se plaît à habiter le Dieu de paix.
Les Bienfaits de la patience, 13.16 ; SC 291 (trad. cf SC, p. 213s)
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« Maintenant...tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix »
« Le Royaume de Dieu est proche » (Lc 21,31). Le Royaume de Dieu, très chers frères, approche désormais. Avec la fin du monde s'annoncent déjà la récompense de la vie, le bonheur du salut éternel, la sécurité perpétuelle et la joie du paradis que nous avons jadis perdue. Et déjà les réalités du ciel succèdent aux réalités humaines, les grandes aux petites, les éternelles aux temporelles. Y a-t-il lieu de s'inquiéter, d'appréhender l'avenir En effet, il est écrit que « le juste vit de sa foi » (Rm 1,17). Si vous êtes justes, si vous vivez de la foi, si vous croyez vraiment en Jésus Christ, pourquoi ne vous réjouissez-vous pas d'être appelé vers le Christ..., puisque vous êtes fort de la promesse de Dieu et destiné à être avec le Christ ? Prenez l'exemple de Syméon, le juste : il a été vraiment juste et a observé fidèlement les commandements de Dieu. Une inspiration divine lui avait appris qu'il ne mourrait pas avant d'avoir vu le Christ, si bien que lorsque le Christ enfant est venu au Temple avec sa mère, il a réalisé, éclairé par l'Esprit Saint, que le Sauveur était né, comme il lui avait été prédit ; et à sa vue, il a compris que sa mort était imminente. Tout joyeux de cette perspective et sûr désormais d'être prochainement rappelé auprès de Dieu, il a pris l'enfant dans ses bras et s'est exclamé en bénissant le Seigneur : « Maintenant, Souverain Maître, tu peux, selon ta parole, laisser ton serviteur s'en aller en paix, car mes yeux ont vu ton salut ». Il prouvait ainsi et il témoignait que la paix de Dieu appartient bien à ses serviteurs, qu'ils jouissent des douceurs de la quiétude et de la liberté lorsque, soustraits aux tourments du monde, ils gagnent le refuge et la sécurité éternels... C'est alors seulement que l'âme trouve la paix véritable, le repos total, la sécurité durable et perpétuelle
Sur la mort, 2-3 (trad. coll. Pères dans la foi n° 14, DDB 1980, p. 20)
Notre demeure véritable
Il convient de ne jamais perdre de vue, chers frères, que nous avons renoncé au monde et que nous vivons ici-bas comme des hôtes de passage, comme des étrangers (He 11,13). Bénissons le jour qui assigne à chacun sa demeure véritable, et qui, après nous avoir arrachés à ce monde et dégagés de ses liens, nous rend au paradis et au Royaume des cieux. Quel est celui qui ne se hâterait pas de regagner sa patrie après quelque temps passé à l'étranger ? Quel est celui qui...ne souhaiterait pas un vent favorable pour voguer pour embrasser les siens plus rapidement ? Notre patrie, c'est le paradis ; dès le début, nous avons eu les patriarches pour pères. Pourquoi ne nous hâtons-nous donc pas de voir notre patrie, pourquoi ne courons-nous pas saluer nos parents ? Une foule d'êtres chers nous attendent là-bas : des parents, des frères, des enfants, sûrs déjà de leur propre salut mais préoccupés encore par le nôtre ; ils aspirent à nous voir parmi eux... C'est là que se trouvent le chœur glorieux des apôtres, la foule animée des prophètes, l'armée innombrable des martyrs couronnés de leurs succès contre l'ennemi et la souffrance...; c'est là que rayonnent les vierges...; c'est là enfin que sont récompensés les hommes qui ont fait preuve de compassion, qui ont multiplié les actes de charité en subvenant aux besoins des pauvres et qui, fidèles aux préceptes du Seigneur, sont parvenus à s'élever des biens terrestres aux trésors du ciel. Hâtons-nous donc de satisfaire notre impatience de les rejoindre et de comparaître au plus vite devant le Christ. Que Dieu découvre en nous cette aspiration..., lui qui accorde la récompense suprême de sa gloire à ceux qui l'auront désiré avec le plus d'ardeur
Sur la mort ; PL 4, 583s (trad. DDB 1980, coll. Pères dans la foi n° 14, p. 35 rev.)
Date de dernière mise à jour : 2018-02-22
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