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Grégoire de Nysse quelques écrits
Saint Grégoire de Nysse (vers 335-395), moine et évêque
Liste des lectures
Aujourd'hui commence le mystère de la Passion
Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits
Le nom du Christ et celui des chrétiens
Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu
Qu'est-ce que se dire chrétien ?
.Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger
Père saint, garde mes disciples ... pour qu'ils soient un, comme nous-mêmes
Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée
Le Premier-né de la création nouvelle
Voici que je fais toutes choses nouvelles
Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres
D'abord l'herbe, puis l'épi, enfin du blé plein l'épi
Donner du fruit en Celui qui en a donné à la plénitude du temps
Le premier jour de la vie nouvelle
Celui qui purifie son cœur voit en lui-même l'image de Dieu
L'enfantement de la nouvelle création
Dieu, crée pour moi un cœur pur
Prière au grand Pasteur des brebis.
On mangeait, on buvait, on achetait, on vendait
En tenue de service et la lampe allumée
Aussitôt l'homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route
Il y a ici bien plus que Salomon
Au nom du Seigneur Jésus Christ
Pilate dit...: ' Voici votre roi '
......
Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra
Au soir de la vie, entrer dans la lumière
Prière au grand Pasteur des brebis.
La vie nouvelle et le combat spirituel
Christ est lumière, paix, sanctification
Saint Grégoire de Nysse (vers 335-395), moine et évêque
Le bon Samaritain
« C'est là mon bien-aimé, c'est là mon ami, filles de Jérusalem » (Ct 5,16). L'Épouse du Cantique montre celui qu'elle cherchait en disant : « Voici celui que je cherche, celui qui pour devenir notre frère est monté du pays de Juda. Il est devenu l'ami de celui qui était tombé aux mains des brigands : il a guéri ses plaies avec de l'huile, du vin et des pansements ; il l'a fait monter sur sa propre monture ; il l'a fait reposer dans l'hôtellerie ; il a donné deux pièces d'argent pour son entretien ; il a promis de donner à son retour ce qui aurait été dépensé en plus pour accomplir ses ordres ». Chacun de ces détails a une signification bien évidente.
Le docteur de la Loi tentait le Seigneur et voulait se montrer au-dessus des autres ; dans son orgueil il faisait fi de toute égalité avec les autres, disant : « Qui est mon prochain ? » Le Verbe alors lui expose, sous forme d'un récit, toute l'histoire sainte de la miséricorde : il raconte la descente de l'homme, l'embuscade des brigands, l'enlèvement du vêtement incorruptible, les blessures du péché, l'envahissement par la mort de la moitié de notre nature (puisque notre âme est restée immortelle), le passage inutile de la Loi (puisque ni le prêtre ni le lévite n'ont soigné les plaies de celui qui était tombé aux mains des brigands).
« Il était en effet impossible que le sang des taureaux et des boucs efface le péché » (He 10,4) ; seul pouvait le faire celui qui a revêtu toute la nature humaine -- des Juifs, des Samaritains, des Grecs -- en un mot, de toute l'humanité. Avec son corps, qui est la monture, il s'est rendu dans le lieu de la misère de l'homme. Il a guéri ses plaies, l'a fait reposer sur sa propre monture, et il a fait pour lui de sa miséricorde une hôtellerie, où tous ceux qui peinent et ploient sous le fardeau trouvent le repos (Mt 11,28).
Homélie 15 sur le Cantique des Cantiques ; PG 44, 1085-1087 (trad. Canevet, Cerf 1992, p. 194)
Aujourd'hui commence le mystère de la Passion
« A la nouvelle de la naissance du Sauveur, Hérode devint soucieux, et tout Jérusalem avec lui » (Mt 2,3)... C'est le mystère de la Passion que figurait déjà la myrrhe des mages ; on fait massacrer sans pitié des nouveau-nés... Que signifie cette tuerie d'enfants ? Pourquoi oser un crime si horrible ? « C'est que, disent Hérode et ses conseillers, un signe étrange a paru dans le ciel ; il assure aux mages la venue d'un autre roi. » Comprends-tu, Hérode, ce que sont ces signes avant-coureurs ?... Si Jésus est maître des astres, n'est-il pas à l'abri de tes attaques ? Tu crois avoir le pouvoir de faire vivre ou mourir, mais tu n'as rien à craindre de quelqu'un de si doux. Dieu le soumet à ta puissance ; pourquoi conspirer contre lui ?...
Mais laissons là le deuil, « la plainte amère de Rachel qui pleure ses enfants » — car aujourd'hui le Soleil de justice (Ml 3,20) dissipe les ténèbres du mal et répand sa lumière sur toute la nature, lui qui assume notre nature humaine... En cette fête de la Nativité « les portes de la mort sont fracassées, les barres de fer sont brisées » (Ps 107,16) ; aujourd'hui, « s'ouvrent les portes de la justice » (Ps 118,19)... Car par un homme, Adam, est venue la mort ; aujourd'hui par un homme vient le salut (Rm 5,18)... Après l'arbre du péché se dresse l'arbre de la bonté, la croix... Aujourd'hui commence le mystère de la Passion.
Sermon sur la Nativité du Christ ; PG 46,1128s (trad. coll. Icthus, vol. 8, p. 170)
« Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits »
Le fait que Dieu, qui est tout-puissant, ait été capable de s’abaisser jusqu’à l’humilité de la condition humaine constitue une preuve plus grande de sa puissance que l’éclat et le caractère surnaturel des miracles. En effet, quand la puissance divine accomplit une action d’une grandeur sublime, c’est, en quelque sorte, conforme et approprié à la nature de Dieu… Par contre, que Dieu soit descendu jusqu’à notre bassesse est, en quelque sorte, l’expression d’une puissance surabondante qui n’est pas du tout entravée par ce qui est à l’opposé de sa nature…
Ni l’étendue des cieux, ni l’éclat des astres, ni l’ordonnance de l’univers, ni l’harmonie des choses créées ne révèlent la puissance magnifique de Dieu autant que son indulgence qui l’amène à s’abaisser jusqu’à la faiblesse de notre nature… La bonté, la sagesse, la justice et la puissance de Dieu se révèlent dans ses desseins en notre faveur : la bonté dans la volonté de « sauver celui qui était perdu » (Lc 19,10) ; la sagesse et la justice dans sa manière de nous sauver ; la puissance dans le fait que le Christ est « devenu semblable aux hommes » (Ph 2,7-8) et s’est conformé à l’humilité de notre nature.
Le Discours catéchétique, 23-26 ; SC 453 (trad. SC p. 253 rev.)
L'impression que l'on éprouve lorsque, du haut d'un promontoire, on jette les yeux sur la mer immense, mon esprit la ressent lorsque, du haut de la parole du Seigneur, comme du sommet d'une montagne, il regarde la profondeur insondable des pensées divines.
Souvent, au bord de la mer, on voit s'élever une montagne qui présente à l'océan une pente abrupte du haut jusqu'en bas, et dont le sommet surplombe l'abîme. Mon âme souffre du même vertige lorsqu'elle est emportée par cette grande parole du Seigneur Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu.
Dieu se fait voir à ceux qui ont purifié leur cœur. Or, Dieu, personne ne l'a jamais vu , dit le grand saint Jean. Et saint Paul, cet esprit sublime, renforce cette affirmation en disant que personne ne l'a jamais vu, et que personne ne peut le voir . Il est ce rocher lisse et abrupt qui n'offre aucune prise à nos pensées, et que Moïse, dans ses enseignements, déclare inaccessible à notre esprit. Il détournait de l'approcher tous ceux qui essayaient de le saisir, en affirmant : Il n'y a personne qui puisse voir le Seigneur sans mourir .
Et pourtant, voir Dieu, c'est la vie éternelle. Mais ces colonnes de la foi, Jean, Paul et Moïse déclarent que c'est impossible ! Tu vois quel vertige s'empare de l'âme attirée par la profondeur de ce que nous découvrons dans les discours du Seigneur ! Si Dieu est la vie, celui qui ne le voit pas ne voit pas la vie. Et les prophètes, comme les Apôtres, qui sont remplis de Dieu, attestent qu'on ne peut voir Dieu. Dans quelles limites l'espérance des hommes est-elle enfermée ?
Mais le Seigneur soutient cette espérance défaillante. C'est ainsi qu'il s'est comporté envers Pierre. Celui-ci était en péril de se noyer, mais Jésus le fit tenir sur l'eau comme sur une matière ferme et consistante. Si donc la main du Verbe s'étend vers nous, alors que nous sommes chancelants à cause de la profondeur de ces considérations, si elle nous établit fermement sur l'une de ces pensées, nous serons rassurés parce que le Verbe nous aura comme saisis par la main. Car il dit : Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu .
HOMÉLIE SUR LES BÉATITUDES
Le nom du Christ et celui des chrétiens
Saint Paul, avec plus de précision que personne, a compris qui est le Christ et a montré, à partir de ce que celui-ci a fait, comment doivent être ceux qui portent son nom. Il l'a imité si clairement qu'il a montré en sa personne quelle est la condition de son Seigneur. Par cette imitation très exacte, il a confondu l'image de son âme avec son prototype au point que ce n'était plus Paul qui semblait vivre et parler, mais le Christ lui-même. Comme il le dit, en prenant admirablement conscience de ses propres avantages : Puisque vous désirez avoir la preuve que le Christ parle en moi . ~ Et encore : Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi .
Il nous a donc révélé ce que signifie le nom du Christ, lorsqu'il nous dit, que le Christ est puissance de Dieu et Sagesse de Dieu ; en outre, il l'a appelé paix et lumière inaccessible où Dieu habite, sanctification et rédemption, grand prêtre, agneau pascal, pardon pour les âmes, lumière éclatante de la gloire, expression parfaite de la substance, créateur des mondes, nourriture et boisson spirituelle, rocher et eau, fondement de la foi, pierre angulaire, image de Dieu invisible, grand Dieu, tête du corps qui est l'Église, premier-né avant toute créature, premier-né d'entre les morts, premier-né de la multitude de frères, médiateur entre Dieu et les hommes , Fils uniquecouronné de gloire et d'honneur, Seigneur de gloire, commencement de ce qui existe, ~ roi de justice et ensuite roi de paix , et roi de tous les hommes, avec une puissance royale sans aucune limite.
Il y a encore beaucoup de noms à ajouter à ceux-là, et leur nombre les rend difficiles à compter. Mais si nous rassemblons tous ces noms et si nous rapprochons leurs diverses significations, ils nous montreront tout ce que signifie le nom de Christ, si bien que nous pourrons comprendre toute la grandeur de ce nom inexprimable. ~
Puisque nous avons reçu communication du plus grand, du plus divin et du premier de tous les noms, au point que nous sommes honorés du titre même du Christ en étant appelés « chrétiens », il est nécessaire que tous les noms qui traduisent ce mot se fassent voir aussi en nous, afin qu'en nous cette appellation ne soit pas mensongère, mais qu'elle reçoive le témoignage de notre vie.
TRAITÉ SUR LA PERFECTION CHRÉTIENNE
"Ceux qui filtrent le vin n'en méconnaissent pas l'utilité, et une fois purifié, ils boivent du bon vin. De même, attentif et conscient de ce qui est étranger à notre nature, le Verbe avec la finesse de sa psychologie n'a pas exclu la faim de notre vie, parce qu'elle en assure la conservation ; mais il l'a filtrée, lui aussi, en rejetant le superflu, en disant : celui-là connaît le pain de vie qui concilie la parole de Dieu et les besoins de la nature."
(Homélies sur les Béatitudes, 4, Migne - Les Pères dans la foi, pp. 62-63).
"Puisque nous avons reçu communication du plus grand, du plus divin et du premier de tous les noms, au point que nous sommes honorés du titre même de Christ en étant appelés "chrétiens", il est nécessaire que tous les noms qui traduisent ce mot se fassent voir aussi en nous, afin qu'en nous cette appellation ne soit pas mensongère, mais qu'elle reçoive le témoignage de notre vie."
(Traité sur la perfection humaine)
Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu
"L’impression que l’on éprouve lorsque, du haut d’un promontoire, lorsqu’on jette les yeux sur l’immensité de la mer, mon esprit la ressent quand, du haut des paroles escarpées du Seigneur, comme du sommet d’une falaise, il contemple l’abîme infini de ses contours.
On voit souvent au bord de la mer, s’élever un de ces éperons rocheux qui offrent aux flots une surface abrupte du haut jusqu’en bas et dont la crête surplombe l’abîme. Le vertige que l’on ressent de cette hauteur, en jetant les yeux sur les gouffres marins, mon âme l’éprouve aussi aujourd’hui, où cette grande parole du Seigneur la dresse au-dessus des abîmes : Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu [Mt 5, 8]."
(Grégoire de Nysse : Les Béatitudes, VI, 1-2,
in « Les Pères dans la Foi » n° 10, Migne, pp. 81-82).
"Pesant est l’or, pesant tout ce qui concourt à nous enrichir. Légère est la vertu, elle nous élève sans cesse. Poids et légèreté s’excluent. Il n’est pas possible à qui est alourdi par la matière de se sentir l’âme légère. Si donc nous voulons nous élever, désencombrons-nous de ce qui nous tire vers le bas, pour pouvoir atteindre Celui qui est dans les hauteurs. Le psalmiste nous apprend comment y parvenir : "Il a semé et distribué aux pauvres ; sa justice demeure d’éternité en éternité" [Ps 111, 9]."
(Les Béatitudes, I, 7, "Les Pères dans la foi", n° 10, p. 38.)
"L’exhortation à la vertu t’invite à faire de ta vie un psaume qui ne résonne pas des bruits de la terre – par bruits, je veux dire les pensées -, mais produise le son pur et parfaitement audible qui vient des hauteurs et des régions célestes.
En entendant le mot "chant", nous comprenons, de manière figurée, la bonne tenue extérieure de la vie. L’air de la mélodie qui sort des instruments de musique est seul à parvenir aux oreilles, les paroles qui sont chantées, par elles-mêmes, ne sont pas unies aux sons, tandis que, dans le chant, l’un et l’autre sont rassemblés : ainsi en va-t-il également de ceux qui poursuivent la vertu. Pour ceux qui mènent avec ferveur une vie morale, leur bonne tenue extérieure est comme un langage qui publie la belle harmonie de leur vie.
La prière n’est pas affaire de mots, mais de vie."
(Sur les titres des Psaumes II, iii, 32
(Sources chrétiennes 466, Cerf, Paris 2002, p. 281-283).
"Supposons quelqu'un qui, par la pleine chaleur de midi, chemine, la tête brûlée des rayons du soleil, toute l'humidité de son corps aspirée par cette flamme, le sol est rude que foulent ses pieds, la route est rocailleuse, aride. Mais voici tout à coup qu'il rencontre une fontaine dont les eaux sont limpides et coulent transparentes ; ses flots en abondance lui offrent doucement d'étancher sa soif. Va-t-il s'asseoir près de cette source et se mettre à philosopher sur sa nature, à en scruter l'origine, le comment et le pourquoi, examinant avec soin les questions que se posent les faiseurs de vains discours, à savoir qu'une vapeur venue d'en haut, dans les profondeurs de la terre bondit et devient un filet d'eau, ou que les veines de la terre, débordant des profondeurs d'en bas, s'écoulent pour jaillir en source ? Ou plutôt, congédiant tout cela, ne se penchera-t-il pas pour approcher ses lèvres des eaux vives, rafraîchir sa bouche, combler son désir et remercier celui qui lui a fait ce don ? Imite donc, à ton tour, cet assoiffé. Rappelle-toi ce qui a été dit et comme on l'a dit : Heureux ceux qui ont soif [Mt 5, 6]"
(Sermon pour son ordination in "Les Pères dans la foi", n° 46, Migne, 1991, pp. 60-61).
"La santé du corps est un bien pour la vie humaine. Or, on est heureux non seulement de connaître la définition de la santé, mais de vivre en bonne santé. Car si un homme fait l'éloge de la santé et prend une nourriture malsaine qui lui gâte le sang, quel profit trouvera-t-il à ces éloges tandis qu'il est tourmenté par la maladie ? Comprenons de la même manière l'affirmation que nous avons discutée. Le Seigneur Jésus ne dit pas qu'on est heureux de savoir quelque chose au sujet de Dieu, mais qu'on est heureux de le posséder en soi-même. En effet, heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. Il ne pense pas que Dieu se laisse voir face à face par celui qui aura purifié le regard de son âme. Mais peut-être la noblesse de cette parole nous suggère-t-elle ce qu'une autre parole exprime plus clairement : Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous. Voici ce qu'elle nous enseigne : celui qui a purifié son coeur de toute créature et de tout attachement déréglé voit l'image de la nature divine dans sa propre beauté."
(Homélie sur les Béatitudes, 6).
Qu'est-ce que se dire chrétien ?"
"Il est bien possible qu'en cherchant à répondre à cette question, nous ne perdions pas notre temps. Car si nous arrivions à trouver précisément la signification de ce nom, cela nous aiderait grandement à vivre d'une manière vertueuse en nous efforçant par une conduite élevée d'être véritablement ce dont nous portons le nom. C'est un peu comme si quelqu'un avait le désir de se voir appeler médecin ou rhéteur ou géomètre, il n'accepterait pas que ce titre lui soit contesté sous le prétexte d'incompétence, parce qu'à l'expérience on ne l'aurait pas trouvé tel qu'on le nomme. Tout au contraire, celui qui veut que l'un de ces titres lui soit reconnu, pour que cette appellation ne soit pas entachée de fausseté, authentifiera cette façon de l'appeler en exerçant son art. C'est la même chose pour nous. Si nos recherches nous amenaient à trouver ce que vise véritablement la profession de foi chrétienne, nous ne choisirions pas de ne pas être ce que ce nom annonce à notre propos..."
(La profession chrétienne)
Saint Grégoire de Nysse (vers 335-395), moine et évêque
« Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger »
« Où mènes-tu paître ton troupeau », ô bon pasteur qui le portes tout entier sur tes épaules ? Car la race humaine tout entière est une brebis unique que tu as prise sur tes épaules. Montre-moi le lieu de ton pâturage, fais-moi connaître les eaux du repos, mène-moi vers l'herbe grasse, appelle-moi de mon nom, afin que j'entende ta voix, moi qui suis ta brebis, et que ta voix soit pour moi la vie éternelle.
Oui, « dis-le-moi, toi que mon cœur aime ». C'est ainsi que je te nomme, car ton Nom est au-dessus de tout nom, inexprimable et inaccessible à toute créature douée de raison. Mais ce nom-ci, témoin de mes sentiments pour toi, exprime ta bonté. Comment ne t'aimerai-je pas, toi qui m'as aimée, alors que j'étais toute noire, au point de donner ta vie pour les brebis dont tu es pasteur ? Il n'est pas possible d'imaginer de plus grand amour que d'avoir donné ta vie pour mon salut.
Enseigne-moi donc « où tu mènes paître le troupeau », que je puisse trouver le pâturage du salut, me rassasier de la nourriture céleste dont tout homme doit manger s'il veut entrer dans la vie, courir vers toi, qui es la source, et boire à longs traits l'eau divine, que tu fais jaillir pour ceux qui ont soif. Cette eau se répand de ton flanc depuis que la lance y a ouvert une plaie, et quiconque en goûte devient une source d'eau jaillissant en vie éternelle.
(Références bibliques : Ct 1,7; Lc 15,5; Ps 22; Jn 10,3; Ct 1,7; Ph 2,9; Ct 1,5; Jn 10,11; 15,13; 19,34; 4,14)
Homélies sur le Cantique des cantiques ; PG 44, 801 (trad. Canevet, La Colombe et la ténèbre, Cerf 1992, p. 18 ; cf bréviaire 33e jeu.)
« Père saint, garde mes disciples ... pour qu'ils soient un, comme nous-mêmes »
Le Bien-Aimé dit dans le Cantique des Cantiques : « Unique est ma colombe, unique ma parfaite. Elle est la fille unique de sa mère… » (6,9). Mais le sens de ces paroles nous apparaît plus clairement dans le discours du Seigneur rapporté par l'Évangile. Par sa bénédiction il a donné toute puissance à ses disciples ; puis, en priant son Père, il accorde les autres biens à ceux qui en sont dignes. Et il ajoute le plus important des biens : que ses disciples ne soient plus divisés…, mais qu'ils soient tous un par leur union au seul et unique bien. Ainsi par « l'unité de l'Esprit Saint », étant liés « par le lien de la paix », ils seront tous « un seul corps et un seul esprit, par l'unique espérance à laquelle ils ont tous été appelés » (Ep 4,3-4)…
« Qu'ils soient un comme toi, Père tu es en moi et moi en toi. » Or, le lien de cette unité, c'est la gloire. Que l'Esprit Saint soit appelé gloire, personne ne pourrait y contredire s'il est attentif aux paroles du Seigneur : « La gloire que tu m'as donnée, je la leur ai donnée » (Jn 17,22). En effet, il leur a donné cette gloire quand il a dit : « Recevez l'Esprit Saint » (Jn 20,22). Cette gloire, qu'il possédait de tout temps, « avant le commencement du monde » (Jn 17,5), le Christ l'a pourtant reçue lorsqu'il a revêtu notre nature humaine. Et lorsque cette nature a été glorifiée par l'Esprit, tout ce qui participe de la même nature a reçu la communication de la gloire de l'Esprit, en commençant par les disciples. C'est pourquoi Jésus dit : « Père, la gloire que tu m'as donnée, je la leur ai donnée, afin qu'ils soient un comme nous sommes un ».
Sermons sur le Cantique des Cantiques, n°15 ; PG 44, 1116 (trad. cf bréviaire 7e dim. de Pâques)
« Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée »
Si l'amour chasse parfaitement la crainte et si la crainte se transforme en amour, alors on découvre que l'unité consiste en cet aboutissement du salut : tous sont unis entre eux par l'adhésion à l'unique bien, au moyen de cette perfection que la colombe représente.
Car c'est le sens que nous tirons des paroles qui suivent dans le Cantique des cantiques, et que prononce le Bien-Aimé : Unique est ma colombe, unique ma parfaite ; elle est la fille unique de sa mère, la préférée de celle qui l'enfanta .
Mais le sens de ces paroles nous apparaît plus clairement dans le discours du Seigneur rapporté par l'Évangile. Par sa bénédiction, il a donné toute puissance à ses disciples ; puis, en priant son Père, il accorde les autres biens à ceux qui en sont dignes. Et il ajoute le principal de tous les biens : que les disciples ne soient plus divisés par la diversité de leurs préférences dans leur jugement sur le bien, mais qu'ils soient tous un par leur union au seul et unique bien. Ainsi, par l'unité du Saint-Esprit , comme dit l'Apôtre, étant attachés par le lien de la paix , ils deviennent tous un seul corps et un seul esprit, par l'unique espérance à laquelle ils ont été appelés .
Mais nous ferons mieux de citer littéralement les divines paroles de l'Évangile : Que tous , dit Jésus. soient un, comme toi, mon Père, tu es en moi, et moi en toi ; qu'eux-mêmes soient un en nous .
Or, le lien de cette unité, c'est la gloire. Que le Saint-Esprit soit appelé gloire, aucun de ceux qui examinent la question ne saurait y contredire, s'il considère ces paroles du Seigneur : La gloire que tu m'as donnée, je la leur ai donnée . Effectivement, il leur a donné cette gloire quand il leur a dit : Recevez le Saint-Esprit .
Cette gloire, qu'il possédait de tout temps, avant que le monde fût , le Christ l'a pourtant reçue lorsqu'il a revêtu la nature humaine. Et lorsque cette nature eut été glorifiée par l'Esprit, tout ce qui lui est apparenté a reçu communication de la gloire de l'Esprit, en commençant par les disciples. C'est pour cela que Jésus dit : La gloire que tu m'as donnée, je la leur ai donnée ; qu'ils soient un comme nous sommes un ; moi en eux et toi en moi, pour qu'ils soient parfaitement un .
Celui qui, de petit enfant, est parvenu en grandissant à la stature d'homme parfait , qui a rejoint la mesure de l'âge spirituel ~ ; celui qui est devenu capable de recevoir la gloire de l'Esprit par sa maîtrise de soi et sa pureté : il est cette colombe parfaite que regarde l'Époux lorsqu'il dit : Unique est ma colombe, unique ma parfaite .
HOMÉLIE SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES
Le Premier-né de la création nouvelle
Maintenant le règne de la vie est venu, le pouvoir de la mort a été détruit. Il est survenu une autre naissance, une vie différente, un nouveau genre de vie, une transformation de notre nature elle-même. Quelle naissance ? Celle qui est l'œuvre non de la chair et du sang, ni d'une volonté charnelle, ni d'une volonté d'homme : mais la naissance qui vient de Dieu.
Comment cela ? Je vais le montrer clairement par mon exposé. Cet enfant est porté dans le sein de la foi ; il est amené à la lumière par la nouvelle naissance du baptême ; sa nourrice, c'est l'Église qui l'allaite par son enseignement; sa nourriture, c'est le pain venu du ciel ; son arrivée à l'âge adulte, c'est une conduite parfaite ; son mariage, c'est son union avec la sagesse ; sa postérité, c'est l'espérance ; sa maison, c'est le Royaume ; son patrimoine et ses richesses, ce sont les délices du paradis ; sa fin n'est pas la mort, mais la vie éternelle dans la béatitude préparée pour ceux qui en sont dignes. ~
Voici le jour que le Seigneur a fait , différent des jours apparus au commencement de la création, qui sont mesurés par le temps. Celui-ci est le commencement d'une autre création : Dieu fait, en ce jour, un ciel nouveau et une terre nouvelle , comme dit le Prophète. Quel est ce ciel ? Le firmament, l'édifice solide de la foi au Christ . Quelle est cette terre ? Le cœur excellent , comme dit le Seigneur, c'est la terre qui boit la pluie tombée sur elle, et qui donne une riche moisson. Dans cette création, le soleil, c'est la vie pure ; les astres sont les vertus ; l'air, c'est une conduite limpide ; la mer, c'est la profondeur des richesses de la sagesse et de la connaissance ; la verdure et les bourgeons, c'est la bonne doctrine et les enseignements divins dont se nourrit le troupeau du pâturage, c'est-à-dire le peuple de Dieu ; les arbres portant du fruit, c'est la pratique des commandements.
En ce jour est créé l'homme véritable, celui qui est fait à l'image et à la ressemblance de Dieu. Ce jour que le Seigneur a fait , tu vois de quel monde il est le principe. Le prophète dit que ce n'est pas un jour comme les autres jours, ni une nuit comme les autres nuits.
Mais nous n'avons pas encore parlé de ce qu'il y a de plus extraordinaire dans le don que ce jour nous apporte. C'est qu'il a détruit les affres de la mort. C'est qu'il a mis au monde le premier-né d'entre les morts. ~
Je monte , dit-il, vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu . Quelle belle et bonne nouvelle ! Celui qui, pour nous, est devenu comme nous, a voulu, par suite de son unité de nature avec nous, faire de nous ses frères. C'est pourquoi il fait monter sa propre humanité auprès du Père véritable afin d'attirer par lui tous ceux de sa race.
HOMÉLIE PASCALE
« Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,5)
Ce jour est le premier d’une autre création. En ce jour Dieu crée « un ciel nouveau et une terre nouvelle » (Is 65,17; Ap 21,1)… En ce jour est créé l’homme véritable, celui qui est « à l’image et à la ressemblance de Dieu » (Gn 1,26). Vois quel monde est inauguré en ce jour, ce « jour que le Seigneur a fait » (Ps 117,24)… Ce jour a aboli la douleur de la mort et a mis au monde « le premier-né d’entre les morts » (Col 1,18). En ce jour…la prison de la mort a été détruite, les aveugles recouvrent la vue, « l’astre d’en haut se lève et vient secourir ceux qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort » (Lc 1,78s)…
Hâtons-nous, nous aussi, vers la contemplation de ce spectacle extraordinaire…, pour ne pas être devancés par les femmes. Ayons dans les mains les aromates que sont la foi et la conscience, car c’est là « la bonne odeur du Christ » (Lc 24,1; 2Co 2,15). Ne cherchons plus « le Vivant chez les morts » (Lc 24,5), car le Seigneur repousse celui qui le cherche ainsi, en disant : « Cesse de me toucher » (Jn 20,17)… Ne te représente plus dans ta foi sa condition corporelle de servitude, mais adore celui qui est dans la gloire du Père, dans « la condition de Dieu »…; oublie « la condition de l’esclave » (Ph 2,6-7).
Écoutons la bonne nouvelle apportée par Marie Madeleine, plus rapide que l’homme grâce à sa foi… Quelle bonne nouvelle apporte-t-elle ? Celle qui ne vient « ni de la part des hommes, ni par l’intermédiaire d’un homme, mais par Jésus Christ » (Ga 1,1). « Écoute, dit-elle, ce que le Seigneur nous a ordonné de vous dire, à vous qu’il appelle ses frères : ‘ Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ’ » (Jn 20,17). Quelle belle et bonne nouvelle ! Celui qui, à cause de nous est devenu comme nous, afin de faire de nous ses frères…, entraîne tout le genre humain avec lui vers le Père véritable… Celui qui, pour ses nombreux frères (Rm 8,29), s’est fait par sa chair Premier-né de la bonne création a attiré avec lui la nature tout entière.
2ème homélie pour Pâques (trad. coll. Pères dans la foi, n° 55, p. 51.69 rev.)
Il y a un temps pour enfanter, et un temps pour mourir, nous dit l'Ecclésiaste. Il a tout à fait raison de commencer son développement par cette association nécessaire, en rattachant la mort à la génération. En effet, la mort succède nécessairement à l'enfantement, et toute génération se désagrège dans la corruption. ~
Donc, il y a un temps pour enfanter et un temps pour mourir . Je voudrais bien qu'il soit possible d'enfanter au moment voulu et de mourir au bon moment ! Personne ne dira que l'Ecclésiaste nous montre cet enfantement comme délibéré, et la mort comme volontaire ; ainsi qu'une action bien dirigée par la vertu. Car l'enfantement ne dépend pas de la volonté de la femme, ni la mort, du libre choix des mourants. Personne n'a jamais qualifié de vertu ou de vice ce qui ne dépend pas de nous. Il s'impose donc de comprendre ce qu'est un enfantement au moment voulu et une mort au bon moment.
Il me semble qu'il y a un enfantement opportun et non prématuré lorsque, selon Isaïe, on a conçu par la crainte de Dieu et que, par les douleurs que l'âme éprouve dans l'enfantement, on a engendré son propre salut. Nous sommes en effet, pour ainsi dire, nos propres pères lorsque, par notre préférence pour le bien, nous nous sommes formés nous-mêmes, engendrés et mis au monde.
C'est ce que nous réalisons du fait que nous accueillons Dieu en nous. Nous devenons alors enfants de Dieu, enfants de sa puissance et fils du Très-Haut. En revanche, nous faisons de nous-mêmes des prématurés, des êtres incomplets et inconsistants si le Christ n'est pas formé en nous , comme dit saint Paul. Il faut, en effet, dit-il ailleurs, que l'homme de Dieu soit un être accompli. ~
Si l'on voit clairement comment nous sommes enfantés au moment voulu, il est clair aussi pour tous comment nous mourons au bon moment. C'est ainsi que, pour saint Paul, tout moment était opportun pour une bonne mort. Il le crie en propres termes, il en fait une sorte d'engagement, lorsqu'il dit : Chaque jour, je meurs, oui, pour votre fierté . Et encore : C'est pour toi, Seigneur, qu'on nous frappe de mort chaque jour. Et enfin : Nous avons reçu en nous-mêmes notre arrêt de mort.
On voit très clairement comment Paul meurt chaque jour, lui qui ne vit jamais pour le péché, qui mortifie sans cesse les membres de son corps, qui porte en lui-même l'agonie du corps du Christ, qui est sans cesse crucifié avec le Christ vivant en lui. À mon avis, c'est là une mort au bon moment, celle qui est devenue l'introductrice de la vraie vie.
C'est moi , dit Dieu, qui fais mourir et qui fais vivre , afin de faire comprendre que, c'est vraiment un don de Dieu que d'être mort au péché et de vivre par l'Esprit. C'est parce qu'il fait mourir que sa parole promet de faire vivre.
HOMÉLIE DE SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE SUR L'ECCLÉSIASTE
« Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres ».
Les yeux du sage sont dans sa tête, mais l'insensé marche dans les ténèbres.
Si l'âme lève les yeux vers sa tête, qui est le Christ comme l'explique saint Paul, on la jugera heureuse à cause de la clarté de sa vision, puisqu'elle porte ses regards là où ne règne pas l'obscurité du mal. Ce grand Apôtre et ceux qui, pareils à lui, sont grands eux aussi, avaient les yeux dans la tête : ce sont tous ceux qui ont dans le Christ leur vie, leur mouvement et leur être.
De même qu'un homme placé dans la lumière ne peut voir de ténèbres, ainsi est-il impossible à celui qui dirige son regard vers le Christ de le fixer sur quelque vanité. Avoir les yeux dans la tête — j'entends par tête le principe de toutes choses —, c'est avoir les regards fixés sur toute vertu, car le Christ est la vertu absolue. C'est les avoir fixés sur la vérité, sur la justice, sur l'incorruptibilité, sur tout bien. Donc, les yeux du sage sont dans sa tête, mais l'insensé marche dans les ténèbres . Car celui qui ne met pas sa lampe sur le lampadaire mais sous le lit transforme sa lumière en ténèbres. ~
Et combien y a-t-il d'hommes qui se consacrent aux biens célestes, qui s'adonnent à la contemplation de ce qui existe réellement, que l'on estime aveugles et inutiles dans les affaires matérielles ? Paul se vantait d'être ainsi lorsqu'il se disait fou à cause du Christ . En effet, son intelligence et sa sagesse ne concernaient aucune des choses qui captivent ici-bas notre intérêt. Il disait donc : Nous, nous sommes fous à cause du Christ , comme s'il disait : « Nous, nous sommes aveugles en ce qui concerne la vie d'en bas parce que nous regardons en haut et que nous avons nos yeux dans la tête. » À cause de cela, il n'avait ni toit, ni table, il était pauvre, errant, nu, souffrant de la faim et de la soif. ~
Qui ne l'aurait pas jugé digne de pitié, en le voyant prisonnier, accablé de coups, englouti dans la mer à la suite d'un naufrage, chargé de chaînes ? Cependant, s'il en était ainsi sur le plan humain, il n'a jamais cessé d'avoir les yeux dans la tête, lui qui disait : Qui pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus ? la détresse ? l'angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le supplice ? Cela revient à dire : « Qui m'arrachera les yeux de la tête, pour les placer sur la terre que l'on foule aux pieds ? »
Quant à nous, il nous prescrit d'en faire autant lorsqu'il nous ordonne de rechercher ce qui est en haut , ce qui revient à dire : « avoir les yeux dans la tête ».
HOMÉLIE DE SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE SUR L'ECCLÉSIASTE
« D'abord l'herbe, puis l'épi, enfin du blé plein l'épi »
La vie présente est un chemin qui mène au terme de notre espérance, tout comme on voit sur les pousses le fruit qui commence à sortir de la fleur, et qui, grâce à elle, parvient à l'existence comme fruit, même si la fleur n'est pas le fruit. De même, la moisson qui naît des semences n'apparaît pas immédiatement avec son épi, mais c'est l'herbe qui est la première à pousser ; ensuite, une fois l'herbe morte, la tige de blé surgit et ainsi le fruit mûrit à la tête de l'épi...
Notre Créateur ne nous a pas destinés à la vie embryonnaire ; le but de la nature n'est pas la vie des nouveau-nés. Elle ne vise pas non plus les âges successifs qu'elle revêt avec le temps par le processus de croissance qui change sa forme, ni la dissolution du corps survenant à
Sermon sur les défunts
Donner du fruit en Celui qui en a donné à la plénitude du temps
« Mon bien-aimé est une grappe de raisin de Chypre, dans la vigne d’En-Gaddi » (Ct 1,14)… Cette grappe divine se couvre de fleurs avant la Passion et verse son vin dans la Passion… Sur la vigne, la grappe ne montre pas toujours la même forme, elle change avec le temps : elle fleurit, elle gonfle, elle est achevée, puis, parfaitement mûre, elle va se transformer en vin. La vigne promet donc par son fruit : il n'est pas encore mûr et à point pour donner du vin, mais il attend la plénitude des temps. Toutefois, il n'est pas absolument incapable de nous réjouir. En effet, avant le goût, il charme l'odorat, dans l'attente des biens futurs, et il séduit les sens de l'âme par les parfums de l'espérance. Car l'assurance ferme de la grâce espérée devient jouissance déjà pour ceux qui attendent avec constance. Il en est ainsi du raisin de Chypre qui promet du vin avant de le devenir : par sa fleur -- sa fleur c'est l'espérance -- il nous donne l'assurance de la grâce future…
Celui dont la volonté est en harmonie avec celle du Seigneur, parce qu'« il la médite jour et nuit », devient « un arbre planté près d'un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt » (Ps 1,1-3). C'est pourquoi la vigne de l'Époux, qui a pris racine dans la terre fertile de Gaddi, c'est-à-dire dans le fond de l'âme, qui est arrosée et enrichie par les enseignements divins, produit cette grappe fleurissante et épanouie dans laquelle elle peut contempler son propre jardinier et son vigneron. Bienheureuse cette terre cultivée dont la fleur reproduit la beauté de l'Epoux ! Puisque celui-ci est la lumière véritable, la vraie vie et la vraie justice…et bien d'autres vertus encore, si quelqu’un, par ses oeuvres, devient pareil à l'Époux, lorsqu’il regarde la grappe de sa propre conscience, il y voit l'Epoux lui-même, car il reflète la lumière de la vérité dans une vie lumineuse et sans tache. C'est pourquoi cette vigne féconde dit : « Ma grappe fleurit et bourgeonne » (cf Ct 7,13). L'Epoux est en personne cette vraie grappe qui se montre attachée au bois, dont le sang devient une boisson de salut pour ceux qui exultent dans leur salut.
3ème homélie sur le Cantique des Cantiques (trad. cf. Delhougne, p. 176 et Canevet, Cerf 1992, p. 33)
Le premier jour de la vie nouvelle
Voici une sage maxime : « Au jour du bonheur on oublie tous nos maux » (Si 11,25). Aujourd'hui est oubliée la première sentence portée contre nous -– mieux, non pas oubliée, mais annulée ! Ce jour a entièrement effacé tout souvenir de notre condamnation. Autrefois l’enfantement se passait dans la douleur ; maintenant notre naissance est sans souffrance. Autrefois nous n'étions que chair, nous naissions de la chair ; aujourd'hui ce qui naît est esprit né de l'Esprit. Hier, nous naissions simples enfants des hommes ; aujourd'hui, nous naissons enfants de Dieu. Hier, nous étions rejetés du ciel sur la terre ; aujourd'hui celui qui règne dans les cieux fait de nous des citoyens du ciel. Hier, la mort régnait à cause du péché ; aujourd'hui, grâce à la Vie, c'est la justice qui reprend le pouvoir.
Un seul homme nous a ouvert jadis les portes de la mort ; aujourd'hui, un seul homme nous ramène à
Que devons-nous faire dès lors, sinon imiter dans leurs bondissements joyeux les montagnes et les collines des prophéties : « Montagnes, sautez comme béliers ; collines, comme des agneaux ! » (Ps 113,4) Venez donc, crions de joie pour le Seigneur ! (Ps 94,1) Il a brisé la puissance de l’ennemi et dressé le grand trophée de la croix… Disons donc : « Grand est le Seigneur notre Dieu, un grand roi par toute la terre ! » (Ps 94,3;46,3) Il bénit l’année en la couronnant des ses bienfaits (Ps 64,12), et il nous rassemble en un choeur spirituel, en Jésus Christ notre Seigneur, à qui soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen !
Homélie pour la sainte et salutaire Pâque ; PG 46, 581 (trad. cf. coll. Icthus, vol. 10, p. 118 et Année en fêtes, Migne 2000, p. 342)
Comme presque tous les hommes sont naturellement portés à l’orgueil, le Seigneur commence les Béatitudes en écartant le mal originel de la suffisance et en conseillant d'imiter le vrai Pauvre volontaire qui est vraiment bienheureux -- de manière à lui ressembler par une pauvreté volontaire, selon notre pouvoir, pour avoir part à sa béatitude, à son bonheur. « Ayez en vous les sentiments qui ont été ceux du Christ Jésus. Quoique de condition divine, il ne s'est pas prévalu de son égalité avec Dieu, mais il s'est anéanti lui-même et a pris la condition d'esclave » (Ph 2,5-7).
Qu'est-ce qu’il y a de plus misérable pour Dieu que de prendre la condition d'esclave ? Quoi de plus infime pour le Roi de l'univers que de partager notre nature humaine ? Le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, le Juge de l'univers paie des impôts à César (1Tm 6,17;He 12,23;Mc 12,17). Le Maître de la création embrasse ce monde, entre dans une grotte, ne trouve pas de place dans une hôtellerie et prend refuge dans une étable, en compagnie d'animaux sans raison. Celui qui est pur et immaculé prend sur lui les souillures de la nature humaine, et après avoir partagé toute notre misère, il va jusqu'à faire l'expérience de
Les Béatitudes, 1 (trad. DDB 1979, p. 33 rev)
« Heureux les pauvres de coeur »
Si Dieu seul est bienheureux, comme dit l’apôtre Paul (1Tm 1,11;6,15), si les hommes participent à sa béatitude par leur ressemblance avec lui mais que l’imitation soit impossible, la béatitude est irréalisable pour la condition humaine. Mais il est possible à l'homme d'imiter Dieu en quelque manière. Comment ? La « pauvreté en esprit » me semble désigner l'humilité. L'apôtre Paul nous donne en exemple la pauvreté de Dieu, « qui pour nous s'est fait pauvre, de riche qu'il était, pour nous faire partager sa richesse par sa pauvreté » (2Co 8,9). Tout ce que nous pouvons percevoir par ailleurs de la nature divine dépasse les limites de notre condition, mais l'humilité nous est possible ; nous la partageons avec tous ceux qui vivent sur terre, façonnés de la glaise à laquelle ils retournent (Gn 2,7;3,19). Si donc tu imites Dieu en ce qui est conforme à ta nature et ne dépasse pas tes ressources, tu revêts comme un vêtement la forme bienheureuse de Dieu.
Qu'on ne s'imagine pas qu'il est facile d'acquérir l'humilité. Au contraire, ceci est plus difficile que l'acquisition de toute autre vertu. Pourquoi ? Parce qu'à l'heure où se reposait l'homme qui avait semé le bon grain, l'ennemi a semé la part la plus considérable de la semence, l'ivraie de l'orgueil, qui a pris racine en nous (Mt 13,25)...
Comme presque tous les hommes sont naturellement portés à l’orgueil, le Seigneur commence les Béatitudes, en écartant ce mal initial de l'orgueil et en conseillant d'imiter le vrai Pauvre volontaire qui en vérité est bienheureux, de manière à lui ressembler, selon notre pouvoir, par une pauvreté volontaire pour avoir part à sa propre béatitude. « Ayez en vous, écrit saint Paul, les sentiments qui furent ceux du Christ Jésus. Quoique de condition divine, il ne s'est pas prévalu de son égalité avec Dieu mais il s'est anéanti lui-même et prit la condition d'esclave » (Ph 2,5-7).
Homélies sur les Béatitudes, n° 1 (trad. DDB 1979, p.32)
Saint Grégoire de Nysse (vers 335-395), moine et évêque
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Celui qui purifie son cœur voit en lui-même l'image de Dieu
La santé du corps est un bien pour la vie humaine. Or, on est heureux non seulement de connaître la définition de la santé, mais de vivre en bonne santé. Car si un homme fait l'éloge de la santé et prend une nourriture malsaine qui lui gâte le sang, quel profit trouvera-t-il à ces éloges tandis qu'il est tourmenté par la maladie ? Comprenons de la même manière l'affirmation que nous avons discutée. Le Seigneur Jésus ne dit pas qu'on est heureux de savoir quelque chose au sujet de Dieu, mais qu'on est heureux de le posséder en soi-même. En effet, heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu . Il ne pense pas que Dieu se laisse voir face à face par celui qui aura purifié le regard de son âme. Mais peut-être la noblesse de cette parole nous suggère-telle ce qu'une autre parole exprime plus clairement : Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous . Voici ce qu'elle nous enseigne : celui qui a purifié son cœur de toute créature et de tout attachement déréglé voit l'image de la nature divine dans sa propre beauté.
Il me semble que dans cette brève formule le Verbe fait tenir l'exhortation suivante : « Hommes qui avez quelque désir de contempler le vrai Bien, vous avez entendu dire que la majesté divine est élevée au-dessus des cieux, que sa gloire est incompréhensible, sa beauté inexprimable et sa nature infinie. Mais ne désespérez pas de parvenir à contempler l'objet de votre désir. » ~
Si tu purifies, par un effort de vie parfaite, les souillures attachées à ton cœur, la beauté divine brillera de nouveau en toi. C'est ce qui arrive avec un morceau de fer, lorsque la meule le débarrasse de sa rouille. Auparavant il était noirci, et maintenant il brille et rayonne au soleil.
De même l'homme intérieur, que le Seigneur appelle « le cœur », lorsqu'il aura enlevé les taches de rouille qui altéraient et détérioraient sa beauté, retrouvera la ressemblance de son modèle, et il sera bon. Car ce qui ressemble à la Bonté est nécessairement bon.
Donc celui qui se voit lui-même découvre en soi l'objet de son désir. Et ainsi celui qui a le cœur pur devient heureux parce que, en découvrant sa propre pureté, il découvre, à travers cette image, son modèle. Ceux qui voient le soleil dans un miroir, même s'ils ne fixent pas le ciel, voient le soleil dans la lumière du miroir aussi bien que s'ils regardaient directement le disque solaire. De même vous, qui êtes trop faibles pour saisir la lumière, si vous vous retournez vers la grâce de l'image établie en vous dès le commencement, vous possédez en vous-mêmes ce que vous recherchez.
La pureté, en effet, la paix de l'âme, l'éloignement de tout mal, voilà la divinité. Si tu possèdes tout cela, tu possèdes certainement Dieu. Si ton cœur est exempt de tout vice, libre de toute passion, pur de toute souillure, tu es heureux, car ton regard est clair. Purifié, tu contemples ce que les yeux non purifiés ne peuvent pas voir. L'obscurité qui vient de la matière a disparu de tes regards et, dans l'atmosphère très pure de ton cœur, tu distingues clairement la bienheureuse vision. Voici en quoi elle consiste : pureté, sainteté, simplicité, tous les rayons lumineux jaillis de la nature divine, qui nous font voir Dieu.
HOMÉLIE SUR LES BÉATITUDES
Nous qui par chaque parole de la divine Écriture sommes invités à l'imitation du Seigneur qui nous a créés dans sa bienfaisance, voilà que nous détournons tout à notre propre utilité, nous mesurons tout à notre agrément. Nous nous attribuons des biens pour notre propre vie et nous mettons le reste en réserve pour nos héritiers. Quant aux gens qui sont dans la misère, il n'en est nullement question. Et des pauvres on n'a pas le moindre souci. 0 cœurs sans miséricorde !
Un homme voit-il son prochain manquer de pain et du moyen de se procurer la nourriture indispensable, loin de s'empresser de lui offrir son aide pour le tirer de la misère, il l'observe comme on observerait une plante verdoyante en train de se dessécher pitoyablement, faute d'eau. Et cependant cet homme déborde de richesses et serait capable d'apporter à beaucoup l'aide de ses biens. De même que le débit d'une seule source peut arroser de nombreux champs sur une vaste étendue, ainsi l'opulence d'une seule maison est capable de sauver de la misère un grand nombre de pauvres, à moins que la parcimonie et l'avarice de l'homme ne vienne y faire obstacle, comme un rocher tombé dans le ruisseau en détourne le cours.
Ne vivons pas uniquement selon la chair, vivons selon Dieu.
Sermon 1 sur l'amour des pauvres : PG 46, 463-466 (trad. Orval)
L'enfantement de la nouvelle création (Rm 8,22)
Voici venu le règne de la vie et le pouvoir de la mort renversé. Une autre naissance est apparue ainsi qu'une autre vie, une autre manière d'être, une transformation de notre nature elle-même. Cette naissance-là n'est le fait « ni du désir de l'homme ni du désir de la chair, mais de Dieu » (Jn 1,13)...
« Voici le jour que le Seigneur a fait » (Ps 117,24). Jour bien différent de ceux du commencement, car en ce jour Dieu fait un ciel nouveau et une terre nouvelle, comme dit le prophète (Is 65,17). Quel ciel ? Le firmament de la foi au Christ. Quelle terre ? Le cœur bon, comme dit le Seigneur, cette terre qui s'imprègne de la pluie qui descend sur elle et qui produit une moisson abondante (Lc 8,15). Dans cette création, le soleil, c'est la vie pure ; les étoiles, ce sont les vertus ; l'air, c'est une conduite limpide ; la mer, c'est la riche profondeur de la sagesse et de la connaissance ; l'herbe et le feuillage, c'est la bonne doctrine et les enseignements de Dieu dont se nourrit le troupeau des pâturages, c'est-à-dire le peuple de Dieu ; les arbres portant du fruit, c'est la pratique des commandements. En ce jour est créé l'homme véritable, celui qui est fait à l'image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1,27).
N'est-ce pas tout un monde qui est inauguré pour toi en « ce jour que le Seigneur a fait » ?... Le plus grand privilège de ce jour de grâce, c'est qu'il a détruit les souffrances de la mort et donné naissance au premier-né d'entre les morts (Col 1,18)..., lui qui dit : « Je vais vers mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20,17). Quelle belle et bonne nouvelle ! Celui qui pour nous est devenu comme nous, pour faire de nous ses frères, amène sa propre humanité vers le Père afin d'y entraîner avec lui tout le genre humain.
Premier discours sur la Résurrection : PG 46, 603 (trad. Orval rev.)
« Dieu, crée pour moi un cœur pur » (Ps 51,12)
Si, par un effort de vie parfaite, tu nettoies les scories de ton cœur, la beauté divine brillera de nouveau en toi. C'est ce qui arrive avec un morceau de métal, lorsque la meule le débarrasse de sa rouille. Auparavant il était noirci, et maintenant il brille et rayonne au soleil. De même l'homme intérieur, ce que le Seigneur appelle « le cœur », lorsqu'on aura enlevé les taches de rouille qui altéraient et détérioraient sa beauté, retrouvera la ressemblance de son modèle (Gn 1,27), et il sera bon. Car ce qui devient semblable à la Bonté est nécessairement bon...
Et ainsi celui qui a le cœur pur devient heureux (Mt 5,8) parce que, en redécouvrant sa pureté, il découvre, à travers cette image, son origine. Ceux qui voient le soleil dans un miroir, même s'ils ne fixent pas le ciel, voient le soleil dans la lumière du miroir aussi bien que s'ils regardaient directement le disque solaire. De même vous, qui êtes trop faibles pour saisir la lumière, si vous vous tournez vers la grâce de l'image placée en vous dès le commencement, vous trouvez en vous-mêmes ce que vous recherchez.
En effet, la pureté, la paix de l'âme, l'éloignement de tout mal, voilà la divinité. Si tu possèdes tout cela, tu possèdes certainement Dieu. Si ton cœur est dégagé de toute inconduite, libre de toute passion, pur de toute souillure, tu es heureux, car ton regard est clair.
Homélie 6 sur les Béatitudes ; PG 44, 1269 (trad. bréviaire 12e sam. rev.)
Prière au grand Pasteur des brebis.
Où mèneras-tu paître le troupeau , bon pasteur, toi qui le portes tout entier sur tes épaules ? Car tout le genre humain est une seule brebis que tu as prise sur tes épaules. Montre-moi le lieu du repos, mène-moi vers l'herbe nourrissante, appelle-moi par mon nom ; moi, ta brebis, que j'entende ta voix : et, par ta voix, donne-moi la vie éternelle.
Dis-le-moi donc, toi que mon cœur aime . C'est ainsi que je te nomme, car ton nom est au-dessus de tout nom, inexprimable, inaccessible pour toute créature douée de raison. Ce nom, qui révèle ta bonté, montre l'amour de mon cœur pour toi. Comment ne t'aimerais-je pas, toi qui m'as aimée alors que j'étais noire , au point de donner ta vie pour les brebis dont tu es le pasteur ? On ne saurait imaginer un plus grand amour : échanger ta vie contre mon salut !
Enseigne-moi donc, dit-elle, où tu mènes paître le troupeau , afin que je puisse trouver le pâturage du salut, me rassasier de la nourriture céleste que tout homme doit manger pour entrer dans la vie. Que j'accoure auprès de toi, qui es la source, pour aspirer la boisson divine que tu fais jaillir comme d'une source pour les assoiffés. Cette eau jaillit de ton côté ouvert par la lance et, pour celui qui en goûtera, elle deviendra source jaillissante pour la vie éternelle.
Si tu me conduis dans ces pâturages, tu me feras parfaitement reposer à l'heure de midi ; en paix, tout aussitôt, je me coucherai et je me reposerai dans la lumière sans ombre ; il n'y a pas d'ombre à midi : le soleil est au zénith.
C'est là que tu fais coucher ceux dont tu es le pasteur, que tu prends tes enfants avec toi sur ta couche. Nul jugé digne de partager ce repos de midi s'il n'est fils de la lumière et fils du jour . Mais celui qui s'est séparé à égale distance des ténèbres du soir et des ténèbres du matin, c'est-à-dire de l'origine du mal et de son terme, celui-là repose à l'heure de midi sous le soleil de justice.
Fais-moi donc connaître, dit la bien-aimée, comment trouver le pâturage ; indique-moi le chemin du repos de midi. Il ne faudrait pas que j'échappe à la bonne direction et que l'ignorance de la vérité m'agrège à des troupeaux étrangers au tien.
La bien-aimée parle ainsi parce qu'elle est anxieuse de la beauté que Dieu lui a donnée et parce qu'elle veut connaître comment garder cette perfection pour toujours.
HOMÉLIE DE SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES
« On mangeait, on buvait, on achetait, on vendait »
Le Seigneur a fait à ses disciples de grandes recommandations pour que leur esprit secoue comme une poussière tout ce qui est terrestre dans la nature et s'élève au désir des réalités surnaturelles. C'est qu'il faut, quand on se tourne vers la vie d'en haut, être plus forts que le sommeil et garder toujours l'esprit vigilant… Je parle de cet assoupissement de ceux qui sont enfoncés dans le mensonge de la vie par ces rêves illusoires que sont les honneurs, les richesses, le pouvoir, le faste, la fascination des plaisirs, l'ambition, la soif de jouissance, la vanité et tout ce que l'imagination entraîne les hommes superficiels à poursuivre follement. Toutes ces choses s'écoulent avec la nature éphémère du temps ; elles sont du domaine du paraître…; à peine ont-elles paru exister, elles disparaissent comme les vagues sur la mer…
C'est pour que notre esprit soit dégagé de ces illusions que le Verbe, la Parole de Dieu, nous invite à secouer des yeux de l'âme ce sommeil profond, afin que nous ne glissions pas loin des réalités véritables en nous attachant à ce qui n'a pas de consistance. C'est pourquoi il nous propose la vigilance, en nous disant : « Restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées » (Lc 12,35). Car la lumière, en brillant devant les yeux, chasse le sommeil, et les reins serrés par la ceinture empêchent le corps d'y succomber… Celui qui est ceint par la tempérance vit dans la lumière d'une conscience pure ; la confiance filiale illumine sa vie comme une lampe… Si nous vivons comme cela, nous entrerons dans une vie semblable à celle des anges.
Sermons sur le Cantique des Cantiques, n°11, 1 (trad. Canevet, Cerf 1992, p.141 rev.)
« En tenue de service et la lampe allumée »
C'est pour que notre esprit se dégage de tout mirage que le Verbe nous invite à secouer des yeux de nos âmes ce lourd sommeil, afin que nous ne glissions pas hors des réalités véritables en nous attachant à ce qui n'a pas de consistance. C'est pourquoi il nous propose l’image de la vigilance, en nous disant : « Tenez vos reins ceints et vos lampes allumées »… Le sens de ces symboles est bien clair. Celui qui est ceint par la tempérance vit dans la lumière d'une conscience pure, car la confiance filiale illumine sa vie comme une lampe. Éclairée par la vérité, son âme est dégagée du sommeil de l'illusion puisqu’aucun songe vain ne l’égare. Si nous accomplissons cela, selon ce que dit le Verbe, nous entrons dans une vie semblable à celle des anges…
Ce sont eux, en effet, qui attendent le Seigneur au retour de ses noces et qui sont assis aux portes du ciel avec des yeux vigilants, afin que le Roi de gloire (Ps 23,7) puisse y passer à nouveau, lorsqu'il reviendra des noces et rentrera dans la béatitude qui est au-dessus des cieux. « Sortant de là comme un Époux sort de sa chambre nuptiale » (Ps 18,6)…, il a uni à lui comme une vierge notre nature qui s'était prostituée aux idoles, l'ayant restituée à son intégrité virginale par la régénération sacramentelle. Les noces étant désormais achevées, puisque l'Église a été épousée par le Verbe…et introduite dans la chambre des mystères, les anges attendaient le retour du Roi de gloire vers la béatitude qui est conforme à sa nature.
C'est pourquoi le texte dit que notre vie doit être semblable à celle des anges. De même qu’ils vivent loin du vice et de l'illusion, prêts à accueillir la parousie du Seigneur, nous devons nous aussi rester éveillés aux portes de nos demeures et nous tenir prêts à obéir lorsqu’il viendra et frappera à la porte.
Sermons sur le Cantique des Cantiques, n°11, 1 ; PG 44, 996 (trad. Canévet, La Colombe et la ténèbre, Cerf 1992, rev.)
« Aussitôt l'homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route »
[Sur le mont Sinaï, Moïse dit au Seigneur : « De grâce, fais-moi voir ta gloire ». Dieu lui répondit : « Je ferai passer devant toi toute ma beauté..., mais tu ne peux pas voir ma face » (Ex 33,18s).] Ressentir ce désir me semble provenir d'une âme animée d'amour à l'égard de la beauté essentielle, une âme que l'espérance ne cesse d'entraîner de la beauté qu'elle a vue à celle qui est au-delà... Cette demande audacieuse, qui dépasse les limites du désir, c'est de ne pas jouir de la Beauté par des miroirs et des reflets, mais face à face. La voix divine accorde ce qui est demandé par le fait même qu'elle le refuse...: la munificence de Dieu lui accorde l'accomplissement de son désir ; mais en même temps elle ne lui promet pas le repos ou la satiété... C'est en cela que consiste la véritable vision de Dieu : dans le fait que celui qui lève les yeux vers lui ne cesse jamais de le désirer. C'est pourquoi il dit : « Tu ne pourras pas voir mon visage »...
Le Seigneur qui avait répondu ainsi à Moïse s'exprime de la même façon à ses disciples, mettant en lumière le sens de ce symbole. « Si quelqu'un veut me suivre », dit-il (Lc 9,23) et non : « Si quelqu'un veut me précéder ». A celui qui lui adresse une prière au sujet de la vie éternelle, il propose la même chose : « Viens, suis-moi » (Lc 18,22). Or celui qui suit est tourné vers le dos de celui qui le conduit. Donc l'enseignement que reçoit Moïse sur la manière dont il est possible de voir Dieu est celui-ci : suivre Dieu où qu'il conduise, c'est là voir Dieu...
Il n'est pas possible en effet à celui qui ignore le chemin de voyager en sécurité s'il ne suit pas le guide. Le guide lui montre le chemin en le précédant ; celui qui suit alors ne s'écartera pas du bon chemin, s'il est toujours tourné vers le dos de celui qui le conduit. En effet, s'il se laisse aller sur le côté ou s'il fait face à son guide, il s'engage dans une autre voie que celle que lui montre le guide. C'est pourquoi Dieu dit à celui qu'il conduit : « Tu ne verras pas mon visage », c'est-à-dire : « Ne fais pas face à ton guide ». Car alors tu courrais en sens contraire de lui... Tu vois combien il importe d'apprendre à suivre Dieu. Pour celui qui le suit ainsi, aucune des contradictions du mal ne s'oppose plus à sa marche.
La Vie de Moïse, II, 231-233, 251-253 (trad. cf. SC 1ter, p. 265s)
« Il y a ici bien plus que Salomon »
Le texte du Cantique des cantiques de Salomon présente l'âme comme une fiancée, parée pour une union incorporelle, spirituelle et sans souillure avec Dieu. Celui qui « veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité » (1Tm 2,4) expose là le moyen le plus achevé, le moyen bienheureux d'être sauvé, j'entends celui qui passe par l'amour. Certains peuvent aussi trouver le salut dans la crainte : à considérer les châtiments qui nous menacent dans la géhenne, nous nous gardons du mal. Il en est également qui mènent une vie de droiture et de vertu parce qu'ils espèrent le salaire réservé à ceux dont l'existence a été pieuse : ils agissent ainsi non par amour du bien, mais avec l'espoir d'être récompensés.
Or, pour s'élancer vers la perfection, on commence par chasser la crainte de son âme ; c'est éprouver un sentiment servile que de ne pas être attaché à son maître par amour... On aime « de tout son coeur, de toute son âme, de toutes ses forces » (Mc 12,30) non pas un des dons dont on est gratifié, mais celui-là même qui est la source de ces biens. Telle doit donc être l'âme d'après ce que dit Salomon...
Crois-tu que j'évoque Salomon, le fils de Bersabée qui sur la montagne a offert mille boeufs et qui, sur les conseils de sa femme étrangère, a commis un péché ? Non. Je pense à un autre Salomon, qui est lui aussi né de la semence de David selon la chair ; il a pour nom « paix » [le nom de Salomon veut dire « homme de paix » (1 Ch 22,9)]. Il est le vrai roi d'Israël, le bâtisseur du Temple de Dieu, le détenteur de la connaissance universelle. Sa sagesse est incommensurable ; mieux, il est par essence sagesse et vérité ; son nom et sa pensée sont parfaitement divins et sublimes. Il s'est servi de Salomon comme d'un instrument et, par sa voix, c'est lui qui s'adresse à nous, d'abord dans les Proverbes, ensuite dans l'Ecclésiaste, puis dans le Cantique des cantiques. Il montre ainsi à notre réflexion, avec méthode et ordre, la façon de progresser vers la perfection.
Homélie 1 sur le Cantique des cantiques (trad. Migne 1992, p.40 rev.)
Au nom du Seigneur Jésus Christ
Trois choses caractérisent la vie du chrétien : l'action, la parole, la pensée. Parmi elles, la principale est la pensée. Après la pensée, vient la parole, qui révèle par les mots la pensée imprimée dans l'âme. Après l'esprit et le langage, vient l'action, qui met en œuvre ce que l'on a pensé. Lorsque l'une de ces trois choses nous dirige dans le cours de la vie, il est bien que tout : parole, action et pensée, soit divinement réglé selon les connaissances qui permettent de comprendre et de nommer le Christ, afin que notre action, notre parole ou notre pensée ne s'écartent pas de ce que ces noms signifient.
Que doit faire celui qui a obtenu de porter le nom magnifique du Christ ? Rien d'autre que d'examiner en détail ses pensées, ses paroles et ses actions : est-ce que chacune d'elles tend vers le Christ, ou bien s'éloigne de lui ? Cet examen se fait de multiples façons. Les actes, les pensées ou les paroles qui entraînent une passion quelconque, tout cela n'est aucunement en accord avec le Christ, mais porte l'empreinte de l'Adversaire, lui qui plonge les perles de l'âme dans le bourbier des passions, et fait disparaître l'éclat de la pierre précieuse.
Au contraire, ce qui est exempt de toute disposition due à la passion regarde vers le chef de la paix spirituelle, qui est le Christ. C'est en lui, comme à une source pure et incorruptible, que l'on puise les connaissances qui conduisent à ressembler au modèle primordial ; ressemblance pareille à celle qui existe entre l'eau et l'eau, entre l'eau qui jaillît de la source et celle qui de là est venue dans l'amphore.
En effet, c'est par nature la même pureté que l'on voit dans le Christ, et chez celui qui participe au Christ. Mais chez le Christ elle jaillit de la source, et celui qui participe du Christ puise à cette source et fait passer dans la vie la beauté de telles connaissances. C'est ainsi que l'on voit l'homme caché concorder avec l'homme apparent, et qu'un bel équilibre de vie s'établit chez ceux que dirigent les pensées qui poussent à ressembler au Christ.
À mon avis, c'est en cela que consiste la perfection de la vie chrétienne : obtenir en partage tous les noms qui détaillent la signification du nom du Christ, par notre âme, notre parole et les activités de notre vie.
SUR LA PERFECTION CHRÉTIENNE
« Pilate dit...: ' Voici votre roi ' » (Jn 19,14)
Béni soit Dieu ! Célébrons le Fils unique, le Créateur des cieux, qui est remonté après être descendu au profond des enfers et qui couvre la terre entière des rayons de sa lumière. Célébrons l'ensevelissement du Fils unique et sa résurrection comme vainqueur, la joie du monde entier et la vie de tous peuples...
Tout cela a été obtenu pour nous lorsque le Créateur s'est levé d'entre les morts, rejetant l'ignominie et transfigurant, dans sa splendeur divine, le périssable en impérissable. Quelle est cette ignominie qu'il a rejetée ? Isaïe nous le dit : « Sans beauté ni éclat nous l'avons vu et sans aimable apparence, rebut de l'humanité » (53,2-3). Quand donc a-t-il été sans gloire ? Quand il portait sur les épaules le bois de la croix comme le trophée de sa victoire sur le diable. Lorsqu'on a mis sur sa tête une couronne d'épines, lui qui couronne ses fidèles. Lorsqu'ils ont revêtu de pourpre celui qui revêt d'immortalité ceux qui sont renés de l'eau et de l'Esprit Saint. Lorsqu'ils ont cloué au bois le maître de la vie et de la mort...
Mais celui qui était sans gloire a été transfiguré dans la lumière, et la joie du monde s'est réveillée avec son corps... « Le Seigneur est roi, il s'est vêtu de beauté ! » (Ps 92,1) Quelle beauté a-t-il revêtue ? L'incorruptibilité, l'immortalité, la convocation des apôtres, la couronne de l'Eglise... Paul s'en fait le témoin, écoutons-le : « Il convenait que ce qui est corruptible revête l'incorruptibilité et ce qui est mortel l'immortalité » (1Co 15,53). Le psalmiste dit aussi : « Ton trône est fixé dès l'origine, de tous temps c'est toi le Seigneur ; ton règne, un règne pour les siècles ; ton règne, un règne éternel qui ne sera pas détruit » (Ps 92,2; 145,13). Et encore : « Dieu règne, exulte la terre, que jubilent les îles nombreuses » (Ps 96,1). A lui la gloire et la puissance, amen!
5ème discours sur la Pâque ; PG 46, 683 (trad. Bouchet, Lectionnaire, p. 367 rev.)
« Crée en moi un cœur pur » (Ps 50,12)
« Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu » (Mt 5,8). Nous croyons facilement qu'un cœur purifié nous fera connaître la joie suprême. Mais cette purification du cœur semble aussi illusoire que la montée au ciel. Quelle échelle de Jacob (Gn 28,12), quel char de feu semblable à celui qui a emporté le prophète Élie dans le ciel (2R 2,11), trouverons-nous pour mener notre cœur vers les beautés célestes et le dégager de tout son poids terrestre ?...
Nous ne parvenons pas sans peine à la vertu : que de sueurs et d'épreuves ! Que d'efforts et de souffrances ! L'Écriture nous le rappelle souvent : « étroite et resserrée » est la voie du Royaume, tandis que le péché nous mène à notre perte par une route large, unie et inclinée (Mt 7,13-14). Et pourtant la même Écriture nous assure que l'on peut arriver à cette existence supérieure... Comment devenir pur ? Le Sermon sur la montagne nous l'enseigne presque partout. Lisez-en les commandements les uns après les autres, vous découvrirez l'art véritable de la purification du cœur...
En même temps donc que le Christ nous promet la béatitude, il nous instruit et nous forme au succès de cette promesse. Sans doute ne parvient-on pas sans peine à la béatitude. Mais compare ces peines à l'existence dont elles t'éloignent, et tu verras combien le péché est plus pénible, sinon dans l'immédiat, au moins dans la vie future... Que sont malheureux ceux dont l'esprit s'obstine dans les impuretés ! Ils ne verront que la face de l'Adversaire. L'existence d'un juste au contraire est marquée de l'effigie de Dieu... Nous savons quels traits revêt d'un côté une vie de péché et de l'autre une vie de justice, et devant l'alternative nous avons la liberté de choisir. Fuyons donc le visage du démon, arrachons son masque odieux et, revêtus de l'image divine, purifions notre cœur. Ainsi nous possèderons la joie et l'image divine brillera en nous, grâce à notre pureté dans le Christ Jésus notre Seigneur.
Homélies sur les Béatitudes, n°6 (trad. DDB 1979, p. 86 rev.)
Saint Grégoire de Nysse (vers 335-395), moine et évêque
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Sauvés par l'eau
Tout homme qui entend le récit de la traversée de la Mer Rouge comprend quel est ce mystère de l'eau, dans laquelle on descend avec toute l'armée des ennemis et de laquelle on émerge seul, laissant l'armée des ennemis engloutie dans l'abîme. Qui ne voit que cette armée des Égyptiens..., ce sont les diverses passions de l'âme auxquelles l'homme est asservi : sentiments de colère, impulsions diverses de plaisir, de tristesse ou d'avarice ?... Toutes ces choses et toutes celles qui sont à leur origine, avec le chef qui mène l'attaque haineuse, se précipitent dans l'eau à la suite de l'Israélite.
Mais l'eau, par la force du bâton de la foi et la puissance de la nuée lumineuse (Ex 14,16.19), devient source de vie pour ceux qui y cherchent un refuge — et source de mort pour ceux qui les poursuivent... Cela signifie, si l'on en dégage le sens caché, que tous ceux qui passent par l'eau sacramentelle du baptême doivent faire mourir dans l'eau toutes les inclinations mauvaises qui leur font la guerre — l'avarice, les désirs impurs, l'esprit de rapine, les sentiments de vanité et d'orgueil, les élans de colère, la rancune, l'envie, la jalousie...
Il en est comme du mystère de la Pâque juive : on appelait « pâque » l'agneau dont le sang préservait de la mort ceux qui en faisaient usage (Ex 12,21.23). Dans ce mystère, la Loi ordonne de manger avec la pâque du pain azyme, sans vieux levain, c'est à dire sans qu'aucun reste de péché soit mêlé à la vie nouvelle (1Co 5,7-8)... De même on doit engloutir toute l'armée égyptienne, c'est à dire toute forme de péché, dans le bain du salut comme dans l'abîme de la mer et en émerger seul, sans rien qui nous soit étranger.
La Vie de Moïse, II, 121s ; SC 1 (trad. SC p. 181 rev.)
« Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra »
Voici un des grands préceptes du Seigneur : que ses disciples secouent comme une poussière tout ce qui est terrestre..., pour se laisser emporter dans un grand élan vers le ciel. Il nous exhorte à vaincre le sommeil, à rechercher les réalités d'en haut (Col 3,1), à tenir sans cesse notre esprit en éveil, à chasser de nos yeux l'assoupissement séducteur. Je veux parler de cette torpeur et de cette somnolence qui rivent l'homme à l'erreur et forgent des images de rêves : honneur, richesse, puissance, grandeur, plaisir, succès, profit ou prestige...
Pour oublier de tels songes, le Seigneur nous demande de surmonter ce sommeil pesant : ne laissons pas échapper le réel dans une poursuite effrénée du néant. Il nous appelle donc à veiller : « Tenez vos reins ceints et vos lampes allumées » (Lc 12,35). La lumière qui éblouit nos yeux chasse le sommeil ; la ceinture qui enserre nos reins tient notre corps en alerte ; elle exprime un effort qui ne tolère aucune torpeur.
Que le sens de cette image est clair ! Ceindre ses reins de tempérance, c'est vivre dans la lumière d'une conscience pure. La lampe allumée de la franchise éclaire le visage, fait éclater la vérité, tient l'âme en éveil, la rend imperméable à la fausseté et étrangère à la futilité de nos pauvres songes. Vivons selon l'exigence du Christ et nous partagerons la vie des anges. En effet, c'est à eux qu'il nous unit dans ce précepte : « Soyez semblables à ceux qui attendent leur maître à son retour de noces, afin de lui ouvrir dès qu'il viendra et frappera » (Lc 12,36). Ce sont eux qui sont assis près des portes du ciel, l'œil en éveil, pour que le Roi de gloire (Ps 23,7) y passe à son retour des noces.
Sermons sur le Cantique des Cantiques, n°11, 1
Au soir de la vie, entrer dans la lumière
Le soleil s'inclinait vers le couchant. Mais la ferveur de ma sœur Macrine de fléchissait pas ; plus elle s'approchait du départ, plus elle se hâtait d'aller vers son bien-aimé... Elle ne s'adressait plus à nous qui étions présents, mais à celui-là seul vers qui elle tenait les yeux incessamment fixés... : « C'est toi, Seigneur, qui as abrogé pour nous la crainte de la mort. C'est toi qui pour nous as fait du terme de la vie d'ici-bas le commencement de la vie véritable. C'est toi qui pour un temps laisses nos corps se reposer pour une dormition, et qui les réveilles à nouveau ' au son de la trompette '. C'est toi qui donnes à la terre notre glaise en dépôt, celle que tu as façonnée de tes mains, et c'est toi qui fais revivre à nouveau ce que tu lui as donné, en transformant par l'immortalité et la beauté ce qui en nous est mortel et difforme...
« Dieu éternel, ' vers toi je me suis élancée dès le sein de ma mère '. Toi que mon âme a aimé de toute sa force, à qui j'ai consacré ma chair et mon âme depuis ma jeunesse, mets auprès de moi un ange lumineux qui me conduise par la main au lieu du rafraîchissement, là où se trouve ' l'eau du repos ', dans le sein des saints patriarches. Toi qui as...rendu au paradis l'homme crucifié avec toi et qui s'était confié à ta miséricorde, de moi aussi ' souviens-toi dans ton royaume ', car moi aussi j'ai été crucifiée avec toi... Que je sois trouvée devant ta face ' sans tache ni ride ' ; que mon âme entre tes mains soit accueillie...'comme un encens devant ta face ' »...
Là-dessus, comme le soir était venu, quelqu'un apporta une lampe. Macrine alors ouvrit les yeux et dirigea son regard vers sa lueur, manifestant son désir de dire la prière d'action de grâces de la lampe. Mais la voix lui manqua... ; elle eut un profond soupir et cessa tout à la fois sa prière et sa vie.
(Références bibliques : 1Co 15,52; Gn 2,7; Ps 21,11; 22,2 Lc 16,22; 23,42; Ep 5,27; Ps 140,2)
Vie de sainte Macrine, 23-25 ; SC 178 (trad. SC p. 217s) ; Phos hilaron
« Détestés de tous »
Si le don que Dieu a fait au monde en lui envoyant son Fils est si bon, si digne de Dieu, pourquoi donc a-t-il si longtemps différé son bienfait ? Pourquoi, alors que le mal dans le monde en était encore à ses débuts, Dieu n'a-t-il pas coupé court à son développement ultérieur ? À cette objection, il y a lieu de répondre brièvement que c'est la Sagesse, la prévoyance de Dieu, l'Être bon par nature, qui a fait différer le bienfait. En effet, comme pour les maladies physiques...les médecins attendent que le mal, d'abord caché à l'intérieur du corps, se manifeste au-dehors de manière à lui appliquer le traitement qu'il faut quand il est à découvert, ainsi, une fois que la maladie du péché s'était abattue sur la race humaine, le Médecin de l'univers a attendu que ne reste dissimulée aucune forme de perversité.
Voilà pourquoi ce n'est pas aussitôt après la jalousie de Caïn et le meurtre d'Abel son frère que Dieu a appliqué son traitement au monde... C'est lorsque le vice était arrivé à son comble et qu'il n'y avait plus aucune perversité qui ne pouvait être osée par les hommes, que Dieu s'est mis à soigner la maladie, non plus à son début, mais dans son plein développement. Ainsi le traitement divin a pu s'étendre à toute l'infirmité humaine ...
Mais alors pourquoi la grâce de l'Évangile ne s'est-elle pas répandue tout de suite sur tous les hommes ? Certes, l'appel divin s'adresse également à tous, sans distinction de condition, d'âge ni de race... Mais celui qui a la libre disposition de toutes choses entre ses mains a poussé jusqu'à l'extrême le respect de l'homme. Il a permis que nous ayons chacun notre domaine propre dont nous sommes le seul maître : c'est la volonté, la faculté qui ignore l'esclavage, qui reste libre, fondée sur l'autonomie de la raison. La foi est donc à la libre disposition de ceux qui reçoivent l'annonce de l'Évangile.
Instruction catéchétique, 29-30 (trad. DDB 1978, p. 78 rev. Tournay)
Prière au grand Pasteur des brebis.
Où mèneras-tu paître le troupeau , bon pasteur, toi qui le portes tout entier sur tes épaules ? Car tout le genre humain est une seule brebis que tu as prise sur tes épaules. Montre-moi le lieu du repos, mène-moi vers l'herbe nourrissante, appelle-moi par mon nom ; moi, ta brebis, que j'entende ta voix : et, par ta voix, donne-moi la vie éternelle.
Dis-le-moi donc, toi que mon cœur aime . C'est ainsi que je te nomme, car ton nom est au-dessus de tout nom, inexprimable, inaccessible pour toute créature douée de raison. Ce nom, qui révèle ta bonté, montre l'amour de mon cœur pour toi. Comment ne t'aimerais-je pas, toi qui m'as aimée alors que j'étais noire , au point de donner ta vie pour les brebis dont tu es le pasteur ? On ne saurait imaginer un plus grand amour: échanger ta vie contre mon salut !
Enseigne-moi donc, dit-elle, où tu mènes paître le troupeau , afin que je puisse trouver le pâturage du salut, me rassasier de la nourriture céleste que tout homme doit manger pour entrer dans la vie. Que j'accoure auprès de toi, qui es la source, pour aspirer la boisson divine que tu fais jaillir comme d'une source pour les assoiffés. Cette eau jaillit de ton côté ouvert par la lance et, pour celui qui en goûtera, elle deviendra source jaillissante pour la vie éternelle.
Si tu me conduis dans ces pâturages, tu me feras parfaitement reposer à l'heure de midi ; en paix, tout aussitôt, je me coucherai et je me reposerai dans la lumière sans ombre ; il n'y a pas d'ombre à midi : le soleil est au zénith. C'est là que tu fais coucher ceux dont tu es le pasteur, que tu prends tes enfants avec toi sur ta couche. Nul jugé digne de partager ce repos de midi s'il n'est fils de la lumière et fils du jour . Mais celui qui s'est séparé à égale distance des ténèbres du soir et des ténèbres du matin, c'est-à-dire de l'origine du mal et de son terme, celui-là repose à l'heure de midi sous le soleil de justice.
Fais-moi donc connaître, dit la bien-aimée, comment trouver le pâturage ; indique-moi le chemin du repos de midi. Il ne faudrait pas que j'échappe à la bonne direction et que l'ignorance de la vérité m'agrège à des troupeaux étrangers au tien.
La bien-aimée parle ainsi parce qu'elle est anxieuse de la beauté que Dieu lui a donnée et parce qu'elle veut connaître comment garder cette perfection pour toujours.
HOMELIE DE SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES
La vie nouvelle et le combat spirituel
Si quelqu’un est en Jésus Christ, il est une créature nouvelle ; le monde ancien s’en est allé. ~ Ailleurs, saint Paul appelle « création nouvelle » l’habitation du Saint-Esprit dans une âme pure, sans tache, indemne de mal, d’injustice et de toute habitude déshonorante. Car, lorsque l’âme a détesté le péché, s’est unie intimement à Dieu de tout son pouvoir en se gouvernant selon la vertu, sa vie est transformée ; elle reçoit la grâce du Saint-Esprit, qui la renouvelle et la recrée tout entière. Saint Paul le dit ainsi : Purifiez-vous des vieux ferments pour être une pâte nouvelle e. Et un peu plus loin :Festoyons, non pas avec le vieux ferments, mais avec du pain non fermenté : la droiture et la vérité.
En effet, le tentateur dresse de nombreux pièges, de tous côtés, contre notre âme pour la précipiter dans le mal. Par elle-même, la nature humaine n’est pas assez forte pour triompher de lui. C’est pourquoi l’Apôtre nous ordonne de munir nos membres d’un armement céleste. Revêtez , nous dit-il, la justice pour cuirasse ; à vos pieds chaussez la promptitude pour annoncer la paix ; ayez la vérité pour ceinturon. ~
Tu vois combien de moyens de salut te sont présentés par l’Apôtre ! Tous conduisent à un seul chemin pour atteindre un seul but. ~ Grâce à eux, on accomplit facilement la course de la vie jusqu’au sommet des commandements. ~
Dans un autre endroit, l’Apôtre nous dit : Courons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi. ~
Celui qui méprise absolument les grandeurs de cette vie ~ et qui renonce à toute gloire terrestre ~ doit renoncer, en même temps qu’à la vie, à son âme. Renoncer à son âme, c’est ne jamais chercher à obéir à sa volonté propre, mais faire la volonté de Dieu ~ en lui obéissant comme à un bon pilote. ~ C’est encore ne rien posséder, ne rien s’approprier de ce qui est commun. ~ On sera plus libre alors pour accomplir allègrement, dans la joie et l’espérance, ce qui est prescrit par les supérieurs, comme un esclave du Christ, qui a été acheté pour servir la communauté des frères. C’est cela que veut le Seigneur et il nous y exhorte quand il dit : Celui qui veut avoir la première place et être grand parmi vous serra le dernier de tous et l’esclave de tous .
Il faut que cet esclavage au service des hommes ne rapporte aucun salaire. ~ Il faut que l’esclave soit soumis à tous et qu’il rende service à ses frères comme s’il leur payait une dette. Il faut donc que les supérieurs se donnent plus de mal que les autres, aient des sentiments plus humbles que leurs subordonnés et qu’ils présentent leur vie à leurs frères comme un modèle d’esclavage en estimant que ce qui leur est confié est un dépôt appartenant à Dieu. ~
C’est ainsi que vous devez prendre soin de vos frères, comme de bons éducateurs prennent soin des enfants délicats confiés à eux par les parents. ~
Comportez-vous ainsi entre vous. Que les uns obéissent avec joie aux ordres qu’on leur donne. Que les autres, qui jouent le rôle de maîtres, conduisent volontiers leurs frères à la perfection. Bref, rivalisez de respect les uns pour les autres . Alors vous mènerez sur terre la vie des anges.
DU TRAITÉ DE SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE
Christ est lumière, paix, sanctification
C'est lui, le Christ, qui est notre paix, des deux il a fait un seul peuple . Puisque nous comprenons ainsi que le Christ est notre paix, nous montrerons quelle est la véritable définition du chrétien si, par cette paix qui est en nous, nous montrons le Christ dans notre vie. En sa personne, il a tué la haine , comme dit l'Apôtre. Ne la faisons donc pas revivre en nous, mais montrons par notre vie qu'elle est bien morte. Puisqu'elle a été magnifiquement tuée par Dieu pour notre salut, ne la ressuscitons pas pour la perte de nos âmes ; en cédant à la colère et au souvenir des injures, n'ayons pas le tort d'accomplir la résurrection de celle qui a été magnifiquement mise à mort.
Mais puisque nous avons le Christ, qui est la paix, à notre tour tuons en nous la haine, afin de réussir dans notre vie ce que notre foi nous montre réalisé en lui : il a fait tomber le mur qui séparait les deux peuples, il a créé en lui-même un seul homme nouveau, et il a établi la paix. De même nous : amenons à la réconciliation non seulement ceux qui nous font la guerre à l'extérieur, mais encore ceux qui soulèvent des contestations en nous-mêmes ; que la chair n'oppose plus ses désirs à ceux de l'esprit, que l'esprit ne s'oppose plus à la chair ; mais, la prudence charnelle étant soumise à la loi de Dieu, soyons en paix en nous-mêmes pour édifier, à partir de cette double réalité, l'homme nouveau, unifié et pacifié.
Telle est en effet la définition de la paix : l'harmonie de ceux qui étaient désunis. Aussi, lorsque s'arrête la guerre civile qui règne dans notre nature et que nous établissons la paix en nous, a notre tour nous devenons en nous-mêmes paix, et nous montrons que cette appellation donnée au Christ s'applique véritablement à nous.
Si nous considérons, d'autre part, que le Christ est la lumière véritable, étrangère à tout mensonge, nous comprenons que notre vie aussi doit s'illuminer des rayons de la vérité. Les vertus sont les rayons du Soleil de justice qui jaillissent pour nous éclairer, afin que nous rejetions les activités des ténèbres et que nous nous conduisions honnêtement, comme on le fait en plein jour . Refusons les dissimulations honteuses, faisons tout à la lumière alors nous deviendrons lumière nous-mêmes, de façon à éclairer les autres, ce qui est le propre de la lumière.
Et si nous considérons que le Christ est notre sanctification , nous nous abstiendrons de toute action et de toute pensée profane et impure ; ainsi nous montrerons que nous participons vraiment à son nom, en professant par notre vie, c'est-à-dire par la pratique et non seulement en parole, son pouvoir de sanctification.
TRAITÉ DE SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE SUR LA PERFECTION CHRÉTIENNE
Date de dernière mise à jour : 2018-03-13
Commentaires
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- 1. Danielle LEHNING Le 2015-11-26
S-
- Myriam de Gemma PARROTLe 2015-11-27
hello ! juste un mot pour te dire que ton commentaire " S" est arrivé ....
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