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Guerric d'Igny quelques écrits
Bx Guerric d'Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
Liste des lectures
Syméon prit l'enfant dans ses bras, et il bénit Dieu
Jésus à table avec les pharisiens
Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'au bout
Pourquoi êtes-vous bouleversés ?
« Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l'on appelle Christ »
La grandeur de Jean le Baptiste
Le Seigneur lui-même vous donnera un signe : voici que la jeune femme est enceinte
Depuis le temps de Jean Baptiste jusqu'à présent, le Royaume des cieux subit la violence
Jean a rendu témoignage à la vérité...; il était la lampe qui brûle et qui éclaire
Se convertir aux appels de Jean Baptiste, qui prépare la voie du Seigneur
Marie, la bonne terre qui porte du fruit
Pourquoi chercher parmi les morts celui qui est vivant ?
Le fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir
Préparez le chemin du Seigneur
Contempler le Seigneur dans la crèche
Que celui qui croira ne soit pas pressé
Sois prêt à aller à la rencontre du Seigneur
Comme vous n'êtes pas dans les ténèbres, ce jour ne vous surprendra pas comme un voleur
C'est à l'heure où vous n'y penserez pas, que le Fils de l'homme viendra
Voici mon bien-aimé qui vient ! Il escalade les montagnes, il franchit les collines
Voilà le signe qui vous est donné : un nouveau-né…couché dans une mangeoire
Heureux ceux qui cherchent refuge en lui
Le fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir
Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu
Une voix qui crie dans le désert
Je suis la voix qui crie à travers le désert : ‘ Aplanissez le chemin du Seigneur ’
Lumière pour éclairer les nations
................
Beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez
À partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui
Reconnaître le Christ dans son humilité et descendre à sa suite
J'ai manifesté ton nom aux hommes
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur
Le Royaume des cieux est à eux
La lumière du monde révélée aux nations
Un centurion de l'armée romaine vint à lui
Aujourd'hui, Seigneur, tu as révélé ton Fils unique aux nations
Heureux, vous les pauvres... Malheureux, vous les riches
Aplanissez le chemin du Seigneur
Sachez que le royaume de Dieu est proche
.....
?Accueillir le Royaume de Dieu à la manière d'un enfant
Votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu
Bx Guerric d'Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
« Voici ta mère »
Marie a engendré un fils ; et comme celui-ci est le Fils unique du Père dans les cieux, il est le fils unique de sa mère sur la terre... Cependant cette seule vierge mère, qui a eu la gloire de mettre au monde le Fils unique de Dieu embrasse ce même Fils dans tous les membres de son Corps et ne rougit pas d'être appelée la mère de tous ceux en qui elle reconnaît le Christ déjà formé ou sur le point de l'être. Ève, qui jadis a légué à ses enfants la condamnation à mort avant même qu'ils aient vu le jour, a été appelée « la mère des vivants » (Gn 3,20)... Mais puisqu'elle n'a pas répondu au sens de son nom, c'est Marie qui en a réalisé le mystère. Comme l'Église dont elle est le symbole, elle est la mère de tous ceux qui sont renés à la vie. Elle est vraiment la mère de la Vie qui fait vivre tous les hommes ; et en l'engendrant elle a en quelque sorte régénéré tous ceux qui allaient en vivre... Cette bienheureuse mère du Christ, qui se sait mère des chrétiens en raison de ce mystère, se montre aussi leur mère par le soin qu'elle prend d'eux et l'affection qu'elle leur témoigne. Elle n'est pas dure envers eux comme s'ils n'étaient pas à elle. Ses entrailles fécondées une seule fois, mais non pas épuisées, ne cessent d'enfanter le fruit de la bonté. « Le fruit béni de ton sein » (Lc 1,42), douce mère, t'a laissée toute remplie d'une bonté inépuisable : né de toi une seule fois, il demeure toujours en toi.
1er Sermon pour l'Assomption ; PL 185A,187 (trad. Orval)
« Syméon prit l'enfant dans ses bras, et il bénit Dieu »
« Ayez en main vos lampes allumées » (Lc 12,35). Montrons ainsi, à travers ce signe visible, la joie que nous partageons avec Syméon, qui porte en ses mains la lumière du monde... Soyons ardents par notre dévotion et rayonnants par nos oeuvres, et avec Syméon nous porterons le Christ en nos mains... Aujourd'hui l'Église a la coutume si belle de nous faire porter des cierges... Qui donc aujourd'hui, tenant son flambeau allumé à la main, ne se souvient pas du bienheureux vieillard ? En ce jour il a pris en ses bras Jésus, le Verbe présent dans la chair, pareil à la lumière dans la cire, témoignant que c'était lui « la lumière destinée à éclairer les nations ». Syméon était, certes, lui-même « une lampe ardente et brillante », rendant témoignage à la lumière (Jn 5,35; 1,7). C'est pour cela qu'il était venu au Temple, conduit par l'Esprit dont il était rempli, « pour recevoir, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton Temple » (Ps 47,10) et pour proclamer qu'elle était la miséricorde et la lumière de ton peuple. O vieillard rayonnant de paix, tu ne portais pas seulement la lumière en tes mains, tu en étais pénétré. Tu étais si bien illuminé par le Christ que tu voyais à l'avance comment il illuminerait les nations..., comment resplendirait aujourd'hui l'éclat de notre foi. Réjouis-toi maintenant, saint vieillard ; vois aujourd'hui ce que tu avais entrevu par avance : les ténèbres du monde se sont dissipées ; « les nations marchent à sa lumière » ; « toute la terre est remplie de sa gloire » (Is 60,3; 6,3).
1er sermon pour la Purification (trad. cf SC 166, p. 309s)
Jésus à table avec les pharisiens
Le Créateur éternel et invisible du monde, se disposant à sauver le genre humain qui se traînait au long des âges soumis aux dures lois de la mort, « dans ces temps qui sont les derniers » (He 1,2) a daigné se faire homme..., pour racheter dans sa clémence ceux que dans sa justice il avait condamnés. Afin de montrer la profondeur de son amour pour nous, il ne s'est pas fait seulement homme, mais homme pauvre et humble, afin que, s'approchant de nous en sa pauvreté, il nous donne d'avoir part à ses richesses (2Co 8,9). Il s'est fait si pauvre pour nous qu'il n'a pas eu de lieu où reposer la tête : « Les renards ont leur tanière et les oiseaux du ciel leur nid, le Fils de l'homme, lui, n'a pas où reposer la tête » (Mt 8,20). C'est pourquoi il acceptait d'aller aux repas auxquels on l'invitait, non par goût immodéré des repas, mais pour y enseigner le salut et y susciter la foi. Là, il remplissait les convives de lumière par ses miracles. Là les serviteurs, qui étaient occupés à l'intérieur, et n'avaient pas la liberté d'aller auprès de lui, entendaient la parole du salut. En effet, il ne méprisait personne, aucun n'était indigne de son amour parce « qu'il a pitié de tous ; il n'a de haine pour aucune de ses œuvres et s'occupe avec soin de chacune d'elles » (Sg 11,24). Pour accomplir son œuvre de salut, le Seigneur entra donc dans la maison d'un notable pharisien un jour de sabbat. Les scribes et les pharisiens l'observaient pour pouvoir le reprendre, afin que, s'il guérissait l'hydropique, ils puissent l'accuser de violer la Loi et, s'il ne le guérissait pas, ils l'accusent d'impiété ou de faiblesse... Par la lumière très pure de sa parole de vérité, ils voient s'évanouir toutes les ténèbres de leur mensonge.
(trad. Bouchet, Lectionnaire, p.299)
« Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'au bout »
« Ayez en vous les sentiments du Christ Jésus »... « Lui qui est de condition divine », égal à Dieu par nature, puisqu'il partage sa puissance, son éternité et son être même..., il a rempli l'office de serviteur « en s'humiliant lui-même et en se faisant obéissant à son Père jusqu'à la mort, et la mort de la croix » (Ph 2,5-8). On pourrait considérer comme négligeable qu'étant son Fils et son égal, il ait servi son Père comme un serviteur ; mieux que cela, il a servi son propre serviteur plus qu'aucun autre serviteur. Car l'homme avait été créé pour servir son Créateur ; quoi de plus juste pour toi que de servir celui qui t'a fait, sans qui tu ne serais pas ? Et quoi de plus heureux que de le servir, puisque le servir, c'est régner ? Mais l'homme a dit à son Créateur : « Je ne servirai pas » (Jr 2,20).
« Eh bien, c'est moi qui te servirai ! dit le Créateur à l'homme. Mets-toi à table ; je ferai le service ; je te laverai les pieds. Repose-toi ; je prendrai sur moi tes maux ; je porterai toutes tes faiblesses... Si tu es fatigué ou chargé, je te porterai, toi et ta charge, afin d'être le premier à accomplir ma loi : ' Portez les fardeaux les uns des autres ' (Gal 6,2)... Si tu as faim ou soif..., me voici prêt à être immolé pour que tu puisses manger ma chair et boire mon sang... Si on t'emmène en captivité ou si on te vend, me voici...; rachète-toi en donnant le prix que tu tireras de moi ; je me donne moi-même comme prix... Si tu es malade, si tu crains la mort, je mourrai à ta place, pour que de mon sang tu te fasses un remède de vie... »
Ô mon Seigneur, à quel prix tu as racheté mon service inutile !... Avec quel art plein d'amour, de douceur et de bienveillance tu as récupéré et soumis ce serviteur rebelle, en triomphant du mal par le bien, en confondant mon orgueil par ton humilité, en comblant l'ingrat de tes bienfaits ! Voilà, voilà comment ta sagesse a triomphé.
1er Sermon pour les Rameaux ; SC 202 (trad. SC, p. 165s rev.)
« Pourquoi êtes-vous bouleversés ? »
Lorsque Jésus vint à ses apôtres, alors que « les portes étaient fermées, et qu'il se tint au milieu d'eux, ils furent troublés et effrayés, croyant voir un fantôme » (Jn 20,19; Lc 24,37). Mais lorsqu'il a soufflé sur eux en disant : « Recevez l'Esprit Saint » (Jn 20,22), et puis quand il leur a envoyé du ciel ce même Esprit comme un don nouveau, ce don a été une preuve indubitable de sa résurrection et de sa nouvelle vie. En effet, c'est l'Esprit qui témoigne dans le cœur des saints et ensuite par leur bouche que le Christ est la vérité, la vraie résurrection et la vie. C'est pourquoi les apôtres, qui avaient d'abord douté, même à la vue de son corps vivant, « ont rendu témoignage à la résurrection avec beaucoup de puissance » (Ac 4,33) une fois qu'ils avaient goûté à cet Esprit qui donne la vie. Il nous est bien plus avantageux d'accueillir Jésus dans notre cœur que de le voir avec les yeux ou de l'entendre parler. L'action du Saint Esprit sur nos sens intérieurs est beaucoup plus puissante que l'impression que font les objets matériels sur nos sens extérieurs...
Maintenant, frères, quel est le témoignage que la joie de votre cœur rend à votre amour du Christ ?... Aujourd'hui dans l'Église tant de messagers proclament la résurrection et votre cœur exulte et s'écrie : « Jésus, mon Dieu, est vivant ; ils me l'ont annoncé ! A cette nouvelle mon esprit découragé, tiède et assoupi de chagrin, a repris vie. La voix qui proclame cette bonne nouvelle réveille de la mort même les plus coupables... » Frère, le signe auquel tu reconnaîtras que ton esprit a repris vie dans le Christ, le voici : s'il dit : « Si Jésus est vivant, cela me suffit ! » Parole de foi et bien digne des amis de Jésus !... « Si Jésus est vivant, cela me suffit ! »
1er Sermon pour la résurrection du Seigneur, 4 ; PL 185A, 143 ; SC 202
« Je déborde d'espérance en ta parole » (Ps 118,81 Vulg)… Espérant en Dieu et même débordant d'espérance, j'ajouterai espoir à espoir, même si l'épreuve s'ajoute à l'épreuve, le délai au délai. Car je suis certain « qu'il apparaîtra à la fin et ne nous trompera pas ». C'est pourquoi, « même s'il se fait attendre, je l'attendrai car il viendra sans aucun doute et ne tardera pas » (Ha 2,3 Vulg) au-delà du temps déterminé et favorable.
Quel est ce temps favorable ? Celui où sera complet le nombre de nos frères (Ap 6,11), où sera achevé le délai de miséricorde accordé pour le repentir. Écoute Isaïe…expliquer pourquoi le Seigneur remet le jugement : « Si le Seigneur attend, c'est pour vous faire miséricorde, car en vous épargnant il sera glorifié. Le Seigneur est un Dieu de justice ; bienheureux tous ceux qui l'attendent » (30,18). Vois donc, si tu es sage, comment employer la trêve due à ce délai. Si tu es pécheur, elle t'est donnée pour faire pénitence et non pour vivre dans la négligence ; si tu es saint, c'est pour avancer en sainteté et non pour défaillir dans la foi. Car « si le mauvais serviteur se dit en son cœur : Mon maître tarde à venir, et qu'il se met alors à frapper les autres serviteurs, à manger et à boire en compagnie des ivrognes, son maître viendra au jour qu'il n'attend pas et qu'il ignore ; il se séparera de lui et le mettra parmi les infidèles »…
Oui, attendre vraiment le Seigneur, c'est garder notre foi en lui et, même si nous sommes privés de la consolation de sa présence, ne pas suivre le séducteur, mais demeurer suspendu à son retour. C'est bien ce que dit encore le Seigneur par le prophète : « Mon peuple sera suspendu à mon retour » (Os 11,7 Vulg). « Suspendu », expression belle et exacte, qui signifie qu'étant comme entre ciel et terre, on ne peut pas encore atteindre les biens célestes, sans pour autant vouloir toucher les choses de la terre.
1er Sermon pour l’Avent, 2-3 ; SC 166 (trad. SC p. 95 rev.)
« Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l'on appelle Christ »
Aujourd'hui, nous célébrons la naissance de la bienheureuse Vierge Mère, de qui a reçu naissance Celui qui est la vie de tous. Aujourd'hui est née la Vierge de qui le salut de tous a voulu naître, afin de donner à ceux qui naissaient pour mourir de pouvoir renaître à la vie. Aujourd'hui est née notre nouvelle mère, qui a anéanti la malédiction d'Ève, notre première mère. Ainsi par elle, nous héritons maintenant de la bénédiction, nous qui, par notre première mère, étions nés sous l'antique malédiction. Oui, elle est bien une mère nouvelle, celle qui a renouvelé en jeunesse des fils vieillis, celle qui a guéri le mal d'un vieillissement héréditaire, ainsi que de toutes les autres formes de vieillissement qu'ils y avaient ajoutées. Oui, elle est bien une mère nouvelle, celle qui enfante par un prodige si nouveau, en restant vierge, celle qui met au monde celui qui a créé le monde…
Quelle nouveauté merveilleuse que cette virginité féconde ! Mais bien plus merveilleuse encore la nouveauté du fruit qu'elle met au monde… Tu demandes comment une vierge a enfanté le Sauveur ? Comme la fleur de la vigne répand son parfum. Longtemps avant la naissance de Marie, l’Esprit qui allait habiter en elle…avait dit en son nom : « Comme la vigne, j’ai produit une douce odeur » (Si 24,17 Vulg)… Comme la fleur n’est pas altérée pour avoir donné son parfum, ainsi la pureté de Marie pour avoir donné naissance au Sauveur…
Et pour toi aussi, si tu gardes la perfection de la chasteté, non seulement « ta chair refleurira » (Ps 27,7), mais une sainteté venant de Dieu s’épanouira sur toi tout entier. Ton regard ne sera plus déréglé ou égaré, mais embelli par la pudeur…; toute ta personne sera ornée par les fleurs de la grâce de la pureté.
1er Sermon pour la Nativité de Marie, passim ; SC 202 (trad. cf SC, p. 473)
« Viens, toi que j’ai choisie, en toi j’établirai mon trône » (liturgie latine)… « Heureux ceux que tu as choisis, Seigneur, ils habiteront en tes parvis » (Ps 65,5) ; bien plus, tu habiteras en eux, tu règneras en eux et tu placeras en eux le trône de ta royauté. Et, bien sûr, Marie est bienheureuse entre tous les bienheureux, elle qui a été choisie avant et plus que tous les autres saints. Le Seigneur l’a choisie pour demeure, en disant : « Voici pour toujours le lieu de mon repos ; c’est ici que j’habiterai, car je l’ai voulu » (Ps 131,14). Pendant neuf mois il a habité en elle ; pendant de nombreuses années il a habité avec elle et lui était soumis… Maintenant, habitant en elle et avec elle pour toujours, d’une façon qui dépasse notre compréhension, il la rassasie de la gloire que voient les bienheureux. Il lui donne extérieurement la gloire en son corps ; intérieurement, il imprime en elle la gloire du Verbe…
Cette unique Vierge mère, qui se glorifie d’avoir mis au monde le Fils unique du Père, étreint avec amour ce même Fils unique dans tous ses membres (Ep 5,30), et ne rougit pas d’être appelée la mère de tous ceux en qui elle voit le Christ déjà formé ou en formation. La première Ève…a été appelée « mère de tous les vivants » (Gn 3,20), mais en réalité elle a été…la mère de ceux qui meurent… Et parce que cette première Ève n’a pas pu réaliser fidèlement ce que signifie son nom, c’est Marie qui a réalisé ce mystère. Comme l’Église dont elle est le symbole, elle est la mère de tous ceux qui renaissent à la vie. Oui, elle est la mère de la Vie qui fait vivre tous les hommes (Jn 11,25; 5,25s). En mettant la Vie au monde, elle a fait naître d’une certaine manière à une vie nouvelle tous ceux qui devaient trouver leur vie dans cette Vie…
C’est pourquoi cette mère bienheureuse du Christ, se sachant mère des chrétiens par ce mystère, se montre aussi leur mère par sa sollicitude et sa tendre affection… Et maintenant nous « habitons à l’abri » de la Mère « du Très-Haut », nous « demeurons sous sa protection, à l’ombre de ses ailes » (Ps 90,1; 16,8). Plus tard, nous partagerons sa gloire et nous serons réchauffés sur son cœur…, puisque le Roi de gloire a mis en elle son trône.
1er Sermon pour l’Assomption, 1-4 ; SC 202 (trad. cf SC p. 415)
La grandeur de Jean le Baptiste
Ce qui a fait la grandeur de Jean, ce qui l'a rendu si grand entre les grands, c'est qu'il a mis le comble à ses vertus...en y ajoutant la plus grande de toutes, l'humilité. Alors qu'on le considérait comme le plus élevé de tous, il a mis au-dessus de lui, spontanément et avec l'empressement de l'amour, Celui qui est le plus humble de tous, et même tellement au-dessus de lui qu'il se déclare indigne de lui enlever ses sandales (Mt 3,11).
Que d'autres donc s'émerveillent de ce que Jean ait été prédit par les prophètes, annoncé par un ange..., né de parents si saints et si nobles, quoique âgés et stériles..., qu'il ait préparé la voie du Rédempteur dans le désert, qu'il ait ramené les cœurs des pères vers les fils et ceux des fils vers les pères (Lc 1,17), qu'il ait été jugé digne de baptiser le Fils, d'entendre le Père, de voir le Saint Esprit (Lc 3,22), qu'enfin, il ait combattu jusqu'à la mort pour la vérité et que, pour être précurseur du Christ jusque dans le séjour des morts, il ait été martyr du Christ avant sa Passion. Que d'autres s'émerveillent de tout cela...
Quant à nous, mes frères, c'est son humilité qui nous est proposée comme objet non seulement d'admiration, mais aussi d'imitation. Elle l'a incité à ne pas vouloir passer pour grand, alors qu'il le pouvait... En effet, ce fidèle « ami de l'Époux » (Jn 3,29), qui aimait son Seigneur plus que lui-même, souhaitait « diminuer » pour que « lui il grandisse » (v. 30). Il s'efforçait d'augmenter la gloire du Christ en se faisant lui-même plus petit, exprimant par toute sa conduite ce que dirait l'apôtre Paul : « Ce n'est pas nous-mêmes que nous prêchons, mais le Seigneur Jésus Christ » (2Co 4,5).
3e Sermon pour la nativité de Jean Baptiste ; SC 202 (trad. cf SC p. 343)
« Le Seigneur lui-même vous donnera un signe : voici que la jeune femme est enceinte »
« Le Seigneur s'adressa à Acaz et lui dit : ' Demande pour toi un signe. ' Acaz répondit : ' Non, je n'en demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l'épreuve ' » (Is 7,10-12)... Eh bien, ce signe refusé...nous l'accueillons, nous, avec une foi entière et un respect plein d'amour. Nous reconnaissons que le Fils conçu par la Vierge est pour nous, « dans les profondeurs » de l'enfer, signe de pardon et de liberté, et qu'il est pour nous, « dans les hauteurs des cieux », signe et espérance d'exultation et de gloire... Ce signe, désormais, le Seigneur l'a élevé, d'abord sur le gibet de la croix, puis sur son trône royal...
Oui, c'est un signe pour nous que cette mère vierge qui conçoit et enfante : signe qu'il est Dieu, cet homme conçu et enfanté. Ce Fils qui accomplit des œuvres divines et endure des souffrances humaines est pour nous le signe qu'il mènera jusqu'à Dieu ces hommes pour lesquels il est conçu et enfanté, pour lesquels aussi il souffre.
Et de toutes les infirmités et disgrâces humaines que ce Dieu a daigné endurer pour nous, la première dans le temps, comme la plus grande dans l'abaissement, je le crois, a été sans doute que cette Majesté infinie ait supporté d'être conçue dans le sein d'une femme et d'y être enfermée pendant neuf mois. Où a-t-elle été jamais si totalement anéantie ? Quand l'a-t-on vue se dépouiller d'elle-même à ce point ? Durant un si long temps, cette Sagesse ne dit rien, cette Puissance n'opère rien de visible, cette Majesté cachée ne se révèle par aucun signe. Sur la croix même, le Christ n'a point paru aussi faible... Dans le sein, au contraire, il est comme s'il n'était pas ; sa toute-puissance est inopérante, comme si elle ne pouvait rien ; et le Verbe éternel s'enfouit sous le silence.
Sermon 3 pour l'Annonciation, 2-4 (trad. Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, t. 6, p. 38)
« Depuis le temps de Jean Baptiste jusqu'à présent, le Royaume des cieux subit la violence »
« Quelqu'un lutta avec Jacob jusqu'au lever du jour..., et Jacob lui dit : ' Je ne te lâcherai pas avant que tu m'aies béni ' » (Gn 32,25.27) Pour vous, mes frères, qui avez entrepris d'enlever le ciel d'assaut et qui avez engagé la lutte avec l'ange chargé de garder l'accès de l'arbre de vie (Gn 3,24), pour vous il est absolument nécessaire de lutter avec constance et ténacité..., non seulement jusqu'à la paralysie de votre hanche..., mais jusqu'à la mort de votre être charnel. Toutefois, votre ascèse ne pourra y parvenir que si la puissance divine vous touche et vous en fait la grâce...
Ne te semble-t-il pas lutter avec l'ange ou plutôt avec Dieu lui-même, lorsque, chaque jour, il se met en travers de tes désirs les plus fougueux ?... Tu cries vers lui et il ne t'écoute pas. Tu veux t'approcher de lui, et il te repousse. Tu décides quelque chose, et il fait arriver le contraire. Ainsi, sur presque tous les plans, il te combat d'une main rude. Ô bonté cachée, déguisée en dureté, avec quelle tendresse, Seigneur, tu combats ceux pour qui tu combats ! Tu as beau « le cacher dans ton cœur », « je sais bien que tu aimes ceux qui t'aiment », et que sans limites est « l'abondance de la bonté que tu tiens en réserve pour ceux qui te craignent » (Jb 10,13; Pr 8,17; Ps 30,20).
Alors, frère, ne désespère pas, agis courageusement, toi qui as entrepris de lutter avec Dieu ! A vrai dire, il aime que tu lui fasses violence, il désire que tu l'emportes sur lui. Même quand il est irrité et qu'il étend le bras pour frapper, il cherche, comme il le dit lui-même, un homme semblable à Moïse qui sache lui résister... Jérémie, lui, a bien tenté de lui résister, mais il n'a pas pu retenir sa colère implacable, sa sentence inflexible ; c'est pourquoi il a fondu en larmes en disant : « Tu as été plus fort que moi, et tu l'as emporté » (20,7).
2ème Sermon sur saint Jean Baptiste (trad. cf SC 202, p. 331 et Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, t. 1, p. 108)
« Jean a rendu témoignage à la vérité...; il était la lampe qui brûle et qui éclaire » (Jn 5,35)
Cette lampe destinée à éclairer le monde m'apporte une joie nouvelle, car c'est grâce à elle que j'ai reconnu la vraie Lumière qui luit dans les ténèbres, mais que les ténèbres n'ont pas reçue (Jn 1,5)... Nous pouvons t'admirer, Jean, toi le plus grand de tous les saints ; mais imiter ta sainteté, cela nous est impossible. Puisque tu te hâtes de préparer un peuple parfait pour le Seigneur avec des publicains et des pécheurs, il est de toute urgence que tu leur parles d'une façon plus à leur portée que par ta vie. Propose-leur un modèle de perfection qui soit non pas selon ta manière de vivre, mais adapté à la faiblesse des forces humaines.
« Produisez, dit-il, de dignes fruits de pénitence » (Mt 3,8). Mais nous, frères, nous nous glorifions de parler mieux que nous vivons. Jean lui, dont la vie est plus sublime que ce que les hommes peuvent comprendre, met cependant son langage à la portée de leur intelligence : « Faites, dit-il, de dignes fruits de pénitence ! » « Je vous parle de manière humaine, en raison de la faiblesse de la chair. Si vous ne pouvez pas encore faire le bien en plénitude, que se trouve en vous au moins un vrai repentir de ce qui est mal. Si vous ne pouvez pas encore produire les fruits d'une justice parfaite, que pour le moment votre perfection consiste à produire de dignes fruits de pénitence. »
Sermon 1 pour Saint Jean Baptiste, § 2 (trad. Brésard, 2000 ans C, p. 284)
Jésus à table avec les pharisiens
Le Créateur éternel et invisible du monde, se disposant à sauver le genre humain qui se traînait au long des âges soumis aux dures lois de la mort, « dans ces temps qui sont les derniers » (He 1,2) a daigné se faire homme..., pour racheter dans sa clémence ceux que dans sa justice il avait condamnés. Afin de montrer la profondeur de son amour pour nous, il ne s'est pas fait seulement homme, mais homme pauvre et humble, afin que, s'approchant de nous en sa pauvreté, il nous donne d'avoir part à ses richesses (2Co 8,9). Il s'est fait si pauvre pour nous qu'il n'a pas eu de lieu où reposer la tête : « Les renards ont leur tanière et les oiseaux du ciel leur nid, le Fils de l'homme, lui, n'a pas où reposer la tête » (Mt 8,20).
C'est pourquoi il acceptait d'aller aux repas auxquels on l'invitait, non par goût immodéré des repas, mais pour y enseigner le salut et y susciter la foi. Là, il remplissait les convives de lumière par ses miracles. Là les serviteurs, qui étaient occupés à l'intérieur, et n'avaient pas la liberté d'aller auprès de lui, entendaient la parole du salut. En effet, il ne méprisait personne, aucun n'était indigne de son amour parce « qu'il a pitié de tous ; il n'a de haine pour aucune de ses œuvres et s'occupe avec soin de chacune d'elles » (Sg 11,24).
Pour accomplir son œuvre de salut, le Seigneur entra donc dans la maison d'un notable pharisien un jour de sabbat. Les scribes et les pharisiens l'observaient pour pouvoir le reprendre, afin que, s'il guérissait l'hydropique, ils puissent l'accuser de violer la Loi et, s'il ne le guérissait pas, ils l'accusent d'impiété ou de faiblesse... Par la lumière très pure de sa parole de vérité, ils voient s'évanouir toutes les ténèbres de leur mensonge.
(trad. Bouchet, Lectionnaire, p.299)
Bx Guerric d'Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
Se convertir aux appels de Jean Baptiste, qui prépare la voie du Seigneur
C'est une joie pour moi, frères, d'évoquer avec vous cette voie du Seigneur...dont Isaïe fait un si bel éloge : « Il y aura...dans la terre aride et déserte, un chemin et une route... Cette route sera appelée voie sacrée » (Is 35,7-8), parce qu'elle est la sanctification des pécheurs et le salut de ceux qui sont perdus...
« Aucun impur n'y passera. » Cher Isaïe, ceux qui sont impurs passeront donc par une autre voie ? Ah non ! Que tous viennent plutôt à cette route-ci, qu'ils y avancent ! C'est surtout pour les impurs que le Christ l'a tracée, lui qui « est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19,10)... Alors l'impur va passer par la voie sacrée ? A Dieu ne plaise ! Aussi souillé qu'il soit en l'abordant, il ne le sera plus quand il y passera ; car dès qu'il y aura mis le pied, sa souillure disparaîtra. La voie sacrée, en effet, est ouverte à l'homme impur, mais dès qu'elle l'accueille, elle le purifie en effaçant tout le mal qu'il a commis... Elle ne le laisse pas passer avec sa souillure, car elle est la « voie resserrée » et pour ainsi dire, le « trou d'aiguille » (Mt 7,14; 19,24)...
Si donc tu es déjà sur la route, ne t'en écarte pas ; sinon, le Seigneur te laisserait errer dans la « voie de ton propre coeur » (Is 57,17)... Si tu trouves la route trop étroite, considère le terme où elle te conduit... Mais si ton regard ne va pas jusque-là, fais confiance à Isaïe, le voyant. Lui qui distinguait à la fois l'étroitesse et le terme de la route, il ajoutait : « Sur ce chemin marcheront les libérés, les rachetés du Seigneur ; ils arriveront à Sion avec des clameurs de joie. Un bonheur sans fin transfigurera leur visage. Ils obtiendront allégresse et joie. Douleurs et plainte prendront la fuite » (35,9-10).
5e sermon pour l'Avent (trad. Sr. Isabelle de la Source, Lire la Bible, t. 6, p. 100)
Marie, la bonne terre qui porte du fruit
« Le Verbe, la Parole de Dieu, s'est fait chair et il a habité parmi nous »... Dans le sein de la Vierge, la Sagesse de Dieu a commencé à se bâtir la demeure d'un corps comme la nôtre...; sans la coopération d'un homme, elle a pris du corps de la Vierge la chair destinée à notre rédemption. C'est donc depuis ce jour que « le Seigneur des armées est avec nous », que le Dieu de Jacob est notre soutien, puisque le Seigneur prend notre condition humaine « pour que la gloire habite sur notre terre ».
Oui, Seigneur, tu as « béni ta terre », la terre « bénie entre toutes les femmes ». Tu as répandu la grâce de l'Esprit Saint pour que « notre terre donne le fruit béni de ses entrailles », et que, de la rosée descendue du ciel dans un sein virginal, germe le Sauveur. Cette terre avait été maudite à cause du Menteur : même quand on la travaillait, des ronces et des épines germaient d'elle pour les héritiers de la malédiction. À présent, la terre est bénie du fait du Rédempteur ; elle produit pour tous la rémission des péchés et le fruit de vie ; elle efface pour les fils d'Adam la tare de la malédiction originelle.
Oui, elle est bénie, cette terre absolument vierge qui sans avoir été touchée, ni bêchée, ni ensemencée, fait germer le Sauveur de la seule rosée du ciel et procure aux mortels le pain des anges, aliment de vie éternelle. Cette terre non cultivée semblait être dénudée, alors qu'elle tenait cachée en elle une récolte abondante ; elle semblait être un désert inhabité, alors qu'elle était un paradis de délices. Oui, ce lieu solitaire était le jardin où Dieu trouvait toute sa joie.
(Références bibliques : Jn 1,14; 1Co 1,24; Pr 9,1; Ps 45,8; Ps 84,10.2; Lc 1,28; Ps 84,13 et Lc 1,42; Is 45,8; Gn 3,17-18; Jn 8,44; Ps 77,25)
2ème sermon pour l'Annonciation ; SC 202 (trad. SC, p. 127 rev.)
« Pourquoi chercher parmi les morts celui qui est vivant ? » (Lc 24,5)
Pour moi, frères, « vivre, c'est le Christ et mourir est un gain » (Ph 1,21). Je pars donc en Galilée, jusqu'à la montagne que Jésus nous a indiquée (Mt 28,16). Je le verrai et je l'adorerai avant de mourir afin de ne plus mourir par la suite ; car « quiconque voit le Fils et croit en lui a la vie éternelle » ; « même s'il meurt, il vivra » (Jn 6,40; 11,25).
Maintenant, frères, en quoi la joie de votre cœur est-elle un témoignage de votre amour du Christ ? Pour moi, voici ce que je pense... : s'il vous est arrivé un seul jour d'aimer Jésus, soit vivant, soit mort, soit revenu à la vie, aujourd'hui où les messagers proclament sa résurrection dans l'Église..., votre cœur exulte et s'écrie : « Ils m'ont apporté cette nouvelle : Jésus, mon Dieu, est vivant ! Et à cette nouvelle, mon cœur qui s'était assoupi de chagrin, qui languissait de tiédeur et était prêt à sombrer dans le découragement, mon cœur a repris vie ». En effet, le son de ce message joyeux ranime les pécheurs qui gisaient dans la mort. Sans cela, il ne resterait plus qu'à désespérer et à ensevelir dans l'oubli ceux que Jésus, en remontant des enfers, aurait laissé dans l'abîme.
Mais toi, tu reconnaîtras que ton esprit a repris pleinement vie dans le Christ si tu peux dire du fond du cœur : « Si Jésus est vivant, cela me suffit !... S'il vit, je vis, puisque ma vie dépend de lui. Bien plus, il est ma vie, il est mon tout. Que peut-il donc me manquer si Jésus est vivant ? Même si tout le reste me faisait défaut, cela n'aurait aucune importance pour moi, pourvu que Jésus soit vivant ! »
Sermon 1 pour la Résurrection ; PL 185A, 143 ; SC 202 (trad. cf SC p. 225)
« Le fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir »
L'homme avait été créé pour servir son Créateur. Quoi de plus juste, en effet, que de servir celui qui vous a mis au monde, sans qui vous ne pouvez pas exister ? Et quoi de plus heureux que de le servir, puisque le servir, c'est régner ? Mais l'homme a dit à son Créateur : « Je ne servirai pas » (Jr 2,20). « Moi donc, je te servirai, dit le Créateur à l'homme. Assieds-toi, je te servirai, je te laverai les pieds »...
Oui, Christ « serviteur bon et fidèle » (Mt 25,21), tu as vraiment servi, tu as servi en toute foi et toute vérité, en toute patience et toute constance. Sans tiédeur, tu t'es élancé comme un géant pour courir dans la voie de l'obéissance (Ps 18,6) ; sans feinte, tu nous as donné par surcroît, après tant de si grandes fatigues, ta propre vie ; sans murmure, flagellé et innocent, tu n'as pas ouvert la bouche (Is 53,7). Il est écrit et c'est juste : « Le serviteur qui connaît la volonté de son maître et ne la fait pas sera frappé de nombreux coups » (Lc 12,47). Mais ce serviteur-ci, je vous le demande, quelles actions dignes n'a-t-il pas accomplies ? Qu'a-t-il omis de ce qu'il devait faire ? « Il a bien fait toutes choses », s'écrient ceux qui observaient sa conduite ; « il a fait entendre les sourds et parler les muets » (Mc 7,37). Il a accompli toutes sortes d'actions dignes de récompense, alors comment a-t-il souffert tant d'indignités ? Il a présenté son dos aux fouets, il a reçu une quantité surprenante de coups atroces, son sang ruisselle de partout. Il a été interrogé au milieu des opprobres et des tourments, comme un esclave ou un malfaiteur qu'on soumet à la question pour lui arracher l'aveu d'un crime. O détestable orgueil de l'homme dédaigneux de servir, et qui ne pouvait pas être humilié par d'autre exemple que celui d'une telle servitude de son Dieu ! ...
Oui, mon Seigneur, tu as beaucoup peiné à me servir ; il serait juste et équitable que dorénavant tu prennes du repos, et que ton serviteur, à son tour, se mette à te servir ; son tour est venu... Tu as vaincu, Seigneur, ce serviteur rebelle ; je tends la main pour recevoir tes liens, je courbe la tête pour recevoir ton joug. Permets que je te serve. Reçois-moi comme ton serviteur pour toujours, bien que serviteur inutile si ta grâce n'est pas avec moi et ne travaille sans cesse à mes côtés (Sg 9,10)
Premier sermon pour le dimanche des Rameaux ; SC 202
« Et le Verbe s'est fait chair »
« Un enfant est né pour nous » (Is 9,5). Oui, vraiment pour nous, car ce n'est ni pour lui, ni pour les anges. Non pas pour lui : cette naissance en effet ne lui donnait ni l'existence ni une existence meilleure, puisque, avant de naître dans le temps, il était de toute éternité et était pour lui-même son bonheur parfait, Dieu parfait né du Dieu parfait (cf Credo)... Étant Dieu né de Dieu pour lui-même, il est né petit enfant pour nous. En quelque sorte, il se quittait lui-même et franchissait d'un bond les anges pour venir jusqu'à nous et devenir l'un de nous. « S'anéantissant lui-même » et s'abaissant au-dessous des anges (Ph 2,7; He 2,7), il se faisait notre égal. Alors que par sa naissance éternelle, il était son propre bonheur et celui des anges, par sa naissance en ce monde pour nous, il s'est fait notre rédemption, car il nous voyait peiner seuls sous le défaut originel de notre propre naissance.
Jésus enfant, ta naissance est notre bonheur : qu'elle est digne de notre amour ! Elle redresse notre naissance à tous, restaure notre condition, fait disparaître notre blessure, déchire la sentence qui condamnait notre nature (Col 2,14). Désormais ceux qui s'affligeaient d'une naissance qui leur présageait de la peine peuvent renaître comblés de bonheur. Car « à tous ceux qui t'ont reçu tu as donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1,12)... Par ta nativité, toi à la fois Dieu et fils de l'homme ! Par elle « nous avons accès à cette grâce en laquelle nous sommes établis, et nous mettons notre fierté dans l'espérance de la gloire » des enfants de Dieu (Rm 5,2). Quel admirable échange ! Assumant notre chair, tu nous fais don de ta divinité...; vidé de toi-même, tu nous as comblés.
3ème sermon pour la Nativité ; SC 166 (trad. SC p. 187 rev.)
"Un jour, pendant le travail manuel, je commençai à penser à l'exercice spirituel de l'homme, et tout à coup s'offrirent à la réflexion de mon esprit quatre degrés spirituels : lecture, méditation, prière, contemplation. C'est l'échelle des moines, qui les élève de la terre au ciel. Certes, elle a peu d'échelons ; elle est immense pourtant et d'une incroyable hauteur. Sa base repose sur la terre, son sommet pénètre les nuées et scrute les secrets des cieux [Gn 28, 12]. Les degrés sont divers en noms et en nombre, et ils sont distincts également en ordre et en importance. Si quelqu'un étudie avec soin l'efficacité de chacun d'eux sur nous, leurs mutuelles différences et leur hiérarchie, il y trouvera tant d'utilité et de douceur qu'il estimera court et facile tout le labeur et l'application [Gn 29, 20] dépensés sur cet objet.
La lecture est l'étude attentive des Ecritures, faite par un esprit appliqué. La méditation est une opération de l'intelligence, procédant à l'investigation studieuse d'une vérité cachée, à l'aide de la propre raison. La prière est une religieuse application du coeur à Dieu pour éloigner des maux ou obtenir des biens. La contemplation est une certaine élévation en Dieu de l'âme attirée au-dessus d'elle-même et savourant les joies de la douceur éternelle. Ayant décrit les quatre échelons, il nous reste à voir leurs offices à notre égard."
(Lettre sur la vie contemplative (l'Echelle des Moines), II)
Préparez le chemin du Seigneur
"Préparez le chemin du Seigneur. Le chemin du Seigneur, frères, qu'il nous est demandé de préparer se prépare en marchant. On y marche dans la mesure où on le prépare. Même si vous vous êtes beaucoup avancés sur ce chemin, il vous reste toujours à le préparer, afin que, du point où vous êtes parvenus, vous soyez toujours tendus au-delà. Voilà comment, à chaque pas que vous faites, le Seigneur à qui vous préparez les voies vient au-devant de vous, toujours nouveau, toujours plus grand. Aussi est-ce avec raison que le juste prie ainsi : Enseigne-moi le chemin de tes volontés et je le chercherai toujours. On donne à ce chemin le nom de vie éternelle, peut-être parce que bien que la providence ait examiné le chemin de chacun et lui ait fixé un terme jusqu'où il puisse aller, cependant la bonté de celui vers lequel vous vous avancez n'a pas de terme."
(Sermon V pour l'Avent, 1, in Lectionnaire pour les dimanches
et fêtes de Jean-René Bouchet, Cerf, 1994, pp. 36-37).
Contempler le Seigneur dans la crèche
"Combien misérable, combien stupide et sot, mieux encore, combien hostile et nuisible à soi-même, l'animal qui se laisse frustrer de ce jour qui est bon et laisse échapper une parcelle du don qui est bon ! Par là, il se rend étranger à la grâce céleste qui lui est proposée, et laisse passer, le cœur triste et à jeun, le jour de la réfection et de la joie parfaite. C'est comme si la plénitude surabondante du temps n'était pas encore venue, comme si le pain céleste n'avait pas encore empli les crèches des simples et des humbles. La Sagesse vise un tel homme, hostile et nuisible à soi-même, ingrat et insolent vis-à-vis de Dieu, lorsqu'elle dit : "L'œil mauvais se tourne vers le mal et ne sera pas rassasié de pain. Il restera affamé et triste devant sa table" [Siracide 14, 10]. Pourquoi son âme ne sera-t-elle pas rassasiée de pain ? Parce que son œil se tourne vers le mal. Et son œil ne se retournera pas non plus pour voir le bien, pour contempler avec piété et avec foi les mets qui lui sont servis à la large table du riche. "Funeste en effet, est-il écrit, l'œil de l'envieux : il détourne sa face et méprise son âme." [Sir. 14, 8].
N'en doutons pas, mes frères, si nous ne détournons pas notre face de la contemplation de celui qui gît dans la crèche, nous pouvons, par le seul regard, être bienheureusement nourris, et nous dirons : "Le Seigneur me nourrit et rien ne me manquera ; il m'a placé ici dans un vrai paturage" [Ps 22, 1-2]. Alors nous saurons clairement qu'est venue la toute désirable plénitude du temps auquel Dieu a envoyé son Fils, grâce à qui nous sommes déjà remplis d'une telle plénitude de biens..."
(4e Sermon pour la Nativité, 5).
"... si tu as préparé au Seigneur une voie immaculée, il daignera souvent y poser ses pas et allongera tes propres pas, pour que, le cœur dilaté, tu coures dans la voie des commandements, dont tu te plaignais peut-être de trouver étroite l'entrée. C'est que la Sagesse, selon son propre témoignage, se promène sur les sentiers de la justice ; et "qui se saisit de la justice, la trouvera, et elle viendra à sa rencontre comme une mère très honorée" [Sir 15, 1-2]. Elle s'en va partout à la recherche de ceux qui sont dignes d'elle, et "sur ses sentiers elle leur montre un visage joyeux, allant au-devant d'eux en toute prudence." [Sag 6, 17]. Si tu as à te plaindre de ce qu'elle ne vient à toi que rarement ou jamais, examine si tu n'aurais pas corrompu ta voie..."
(Sermons pour l'Avent, III, 3).
Que celui qui croira ne soit pas pressé
« ... puisqu’il ne faut pas que le délai imposé à l’espérance attiédisse notre foi ou rende inquiète notre patience, et que nous devenions alors semblables à ceux qui croient pour un temps et qui se retirent au moment de la tentation, voilà ce que nous crie du haut du ciel celui qui donne la foi, puis l’ayant donnée, l’éprouve, et enfin, l’ayant éprouvée, la couronne : "Que celui qui croira ne soit pas pressé" [Is 28, 16], à savoir : de contempler l’objet de sa foi. En effet, si nous espérons une chose que nous ne voyons pas encore, nous l’attendons avec patience. [...] Oui, attendre vraiment le Seigneur, c’est lui conserver notre foi, et quoique privés de la consolation de sa présence, ne pas suivre le séducteur, mais demeurer suspendu à son retour."
(Sermons pour l’Avent, I, 3 ; SC 166, p. 99).
Sois prêt à aller à la rencontre du Seigneur
"... Sois prêt; véritable Israël, à aller à la rencontre du Seigneur ! Non seulement sois prêt à lui ouvrir lorsqu'il sera là et frappera à la porte, mais encore va-t'en allègrement et joyeusement à sa rencontre tandis qu'il est encore loin, et ayant pour ainsi dire pleine confiance pour le jour du jugement, prie de tout coeur pour que son règne vienne. Si donc tu veux alors être trouvé prêt, prépare-toi avant le jugement une justice comme le conseille le Sage. Sois donc prêt à accomplir toute bonne oeuvre [Tite 3, 1], et ne le sois pas moins à endurer tous les maux, afin que ta bouche puisse chanter, sans que ton coeur le démente : "Mon coeur est prêt, ô Dieu, mon coeur est prêt !" Prêt avec ton secours à accomplir toute justice, et prêt à supporter toute injustice ; si bien prêt aux deux, que je chanterai et que je psalmodierai dans ma gloire [Ps 107, 2], c'est-à-dire que pour l'un et l'autre je me répandrai en louange et me glorifierai."
(Sermons pour l'Avent, III, 2 ; SC 166, pp. 123-125)
"Si donc tu t’es enfui au loin et t’es fixé au désert [Ps 54, 8], restes-y, et attends là celui qui te sauvera de la pusillanimité d’esprit et de la tempête [Ps 54, 9]. Quelles que soient les guerres qui fondront sur toi en tempête, quelle que soit la pénurie dont tu auras à souffrir au désert, même en fait de nourriture, ne retourne pas en Egypte par la pensée, cédant à la pusillanimité d’esprit. Le désert te nourrira mieux avec la manne, je veux dire avec le pain des anges, que l’Egypte avec des marmites pleines de viande [Ex 16, 3-4]. Au désert, Jésus, lui, jeûna ; mais quant à la multitude qui le suivait dans la solitude, il l’y a nourrie plusieurs fois et d’une façon merveilleuse [Mt 4, 1-2 ; 14, 13-21 ; 15, 32-38]. Plus souvent et plus merveilleusement encore, il t’y rassasiera, toi qui l’y as suivi avec d’autant plus de mérite que ton propos était plus saint. Au moment où tu croiras qu’il t’a depuis longtemps abandonné, lui, n’oubliant pas sa bonté, te consolera et te dira : « Je me suis souvenu de toi, ému de pitié au souvenir de ta jeunesse et de l’amour de tes fiançailles, quand tu m’as suivi au désert [Jér 2, 2]. » Alors, en vérité, il fera de ton désert un paradis de délices [Is 51, 3] [...] ainsi tout passage de l’Ecriture qui auparavant te paraissait stérile et aride regorgera soudain, à la bénédiction de Dieu, d’une étonnante abondance de richesse spirituelle."
(IVe Sermon pour l’Avent, 1, SC n° 166, pp. 135-137).
Bx Guerric d'Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
« Comme vous n'êtes pas dans les ténèbres, ce jour ne vous surprendra pas comme un voleur » (1Th 5,4)
« Israël, sois prêt à marcher à la rencontre du Seigneur, car il vient » (cf Am 4,12). Et vous aussi, mes frères, « soyez prêts, car le Fils de l'homme viendra à l'heure que vous ne pensez pas ». Rien de plus sûr que sa venue, mais rien de plus incertain que le moment de cette venue. En effet, il nous appartient si peu de connaître les temps ou les moments que le Père, en sa puissance, a fixés, qu'il n'est même pas donné aux anges qui l'entourent d'en savoir le jour ni l'heure (Ac 1,7; Mt 24,36).
Notre dernier jour aussi viendra, c'est chose très certaine ; mais quand, où et comment, cela nous est très incertain ; nous savons seulement, comme on l'a dit avant nous, que « vis-à-vis des vieillards il se tient sur le seuil, tandis que vis-à-vis des jeunes gens il se tient à l'affût » (S. Bernard)... Il ne faudrait pas que ce jour nous saisisse à l'improviste, non préparés, comme un voleur pendant la nuit... Que la crainte, demeurant en éveil, nous rende toujours prêts, jusqu'à ce que la sécurité succède à la crainte, et non la crainte à la sécurité. « Je serai vigilant, dit le Sage, afin de me préserver du péché » (Ps 17,24), ne pouvant pas me préserver de la mort. Il sait, en effet, que « le juste, surpris par la mort, trouvera le repos » (Sg 4,7) ; bien plus, ils triomphent de la mort, ceux qui n'ont pas été esclaves du péché pendant leur vie. Que c'est beau, mes frères, quel bonheur, non seulement d'être en sécurité devant la mort, mais encore d'en triompher avec gloire, fort du témoignage de sa conscience.
3ème sermon pour l'Avent, 1 ; SC 166 (trad. SC p. 119s)
Tu es celui qu'attendent les nations ! (Gn 49,10 Vulg) Et ceux qui t'attendent ne seront pas déçus. Nos pères t'ont attendu, tous les justes depuis l'origine du monde ont espéré en toi, et tu ne les a pas déçus (cf Ps 21,5)...
Mais l'Église, qui dans les justes d'autrefois a attendu le premier avènement du Christ, attend pareillement le second dans les justes de la Nouvelle Alliance. Comme elle était sûre que le premier avènement acquitterait le prix de la rédemption, elle a aussi la certitude que le second lui apportera la récompense. Suspendue à cette attente, cet espoir qui dépasse les valeurs de la terre, l'Église aspire avec autant de joie que d'ardeur aux biens éternels.
Alors que d'autres se hâtent de chercher leur bonheur ici-bas sans attendre que le dessein du Seigneur se réalise, alors qu'ils se précipitent pour s'emparer de ce que ce monde-ci leur propose, celui qui a le bonheur de mettre son espoir dans le Seigneur n'attache pas son regard aux choses vaines et à ce qui trompe (Ps 39,5)... Il sait qu'il vaut mieux être humilié avec les doux que de partager le butin de ce monde-ci avec les orgueilleux. Pour se consoler, il se dit : « ' Ma part, c'est le Seigneur ; c'est pourquoi je l'attendrai. Le Seigneur est bon pour ceux qui espèrent en lui, pour ceux qui le cherchent. Il est bon d'attendre en silence le salut de Dieu. ' Seigneur, il est vrai, ' mon âme défaille dans l'attente de ton salut, mais je déborde d'espérance en ta parole ' » (Lm 3,24-26; Ps 118,81 Vulg)... Je suis certain « qu'il apparaîtra à la fin et ne nous décevra pas » ; c'est pourquoi « même s'il se fait attendre, je l'attendrai, car il viendra sans aucun doute » (cf Ha 2,3).
Sermon 1 pour l'Avent ; SC 166 (trad. cf SC p. 93-95)
« C'est à l'heure où vous n'y penserez pas, que le Fils de l'homme viendra »
En vérité, mes frères, c'est dans l'exultation de l'esprit qu'il faut aller à la rencontre du Christ qui vient...; que notre esprit se lève donc dans un transport de joie et s'élance au-devant de son Sauveur... Je pense, en effet, que nous sommes invités en tant de passages des Écritures à aller à sa rencontre pas seulement à propos du second avènement, mais même à propos du premier...
Avant même son avènement, donc, que le Seigneur vienne à vous ; avant d'apparaître au monde entier, qu'il vienne vous visiter familièrement, lui qui a dit : « Je ne vous laisserai pas orphelins ; je viens vers vous » (Jn 14,18). Car en cette période intermédiaire entre son premier et son dernier avènement il y a un avènement du Seigneur fréquent et familier, selon le mérite et la ferveur de chacun, qui nous forme selon le premier et nous prépare au dernier... Par son avènement actuel il travaille à réformer notre orgueil, à nous rendre semblables à cette humilité qu'il a montrée dans son premier avènement, et à refaçonner « notre corps de misère à l'image de son corps glorieux » (Ph 3,21) qu'il nous montrera quand il reviendra. C'est pourquoi il nous faut désirer de tous nos vœux et demander avec ferveur cet avènement familier, qui nous donne la grâce du premier avènement et nous promet la gloire du dernier...
Le premier avènement a été humble et caché ; le dernier sera éclatant et magnifique. Celui dont je parle est caché, mais il est également magnifique ; je le dis caché, non qu'il soit ignoré de celui à qui il arrive, mais parce qu'il advient secrètement en lui... Il arrive sans être vu et il s'éloigne sans qu'on s'en aperçoive. Sa seule présence est pour l'âme et l'esprit une lumière qui fait voir l'invisible et connaître l'inconnaissable... Cet avènement du Seigneur jette l'âme de celui qui le contemple dans une douce et heureuse admiration ; de son tréfonds jaillit ce cri : « Seigneur, qui est semblable à toi ? » (Ps 34,10). Ceux qui l'ont éprouvé le savent. Plaise à Dieu que ceux qui ne l'ont pas éprouvé en éprouvent le désir !
2ème Sermon pour l'Avent, 2-4 ; PL 185, 15 ; SC 166
« Voici mon bien-aimé qui vient ! Il escalade les montagnes, il franchit les collines » (Ct 2,8)
« Voici le Roi qui vient : accourons au-devant de notre Sauveur » (liturgie de l'Avent). Salomon a fort bien dit : « Le messager d'une bonne nouvelle venant d'un pays lointain, c'est de l'eau fraîche pour l'âme assoiffée » (Pr 25,25). Oui, c'est un bon messager celui qui annonce l'avènement du Sauveur, la réconciliation du monde, les biens du monde à venir. « Qu'ils sont beaux, les pas de ceux qui annoncent la paix, qui annoncent la bonne nouvelle ! » (Is 52,7)...
De tels messagers sont une eau rafraîchissante et une boisson salutaire pour l'âme assoiffée de Dieu ; en vérité, celui qui annonce l'arrivée du Seigneur ou ses autres mystères nous donne à boire « les eaux puisées dans la joie aux sources du Sauveur » (Is 12,3). C'est pourquoi il me semble qu'à celui qui porte cette annonce...l'âme répond avec les paroles d'Élisabeth, parce qu'elle était abreuvée du même Esprit : « Comment m'est-il accordé que mon Seigneur vienne à moi ? Car dès l'instant où le son de ton message a frappé mes oreilles, mon esprit a tressailli de joie en mon cœur, impatient d'aller à la rencontre de Dieu son Sauveur ».
En vérité, mes frères, c'est dans l'exultation de l'esprit qu'il faut aller à la rencontre du Christ qui vient... « Mon sauveur et mon Dieu ! (Ps 42,5) Avec quelle condescendance tu salues tes serviteurs, et encore plus, tu les sauves !... Tu nous as donné le salut non seulement par des paroles de paix, mais par le baiser de paix : c'est-à-dire en t'unissant à notre chair ; tu nous sauves par ta mort sur la croix. » Que notre esprit exulte donc dans un transport de joie, qu'il coure au-devant de son Sauveur qui vient de si loin, en l'acclamant par ces paroles : « Seigneur, sauve-moi ; Seigneur, donne la victoire ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (Ps 117,25-26).
2e Sermon pour l'Avent, §1-2 ; SC 166 (trad. SC p. 104s rev.)
« Voilà le signe qui vous est donné : un nouveau-né…couché dans une mangeoire » (Lc 2,12)
« Un petit enfant nous est né » (Is 9,5). Et le Dieu de majesté, s'anéantissant lui-même (Ph 2,7), s'est rendu semblable non seulement au corps terrestre d'un mortel, mais encore à l'âge tendre et faible des enfants… Ô sainte et douce enfance qui restitue à l'homme la véritable innocence ! Par toi tout âge peut revenir à une bienheureuse enfance (Mt 18,3) et devenir conforme à l'Enfant-Dieu, non par la petitesse de ses membres, mais par l'humilité du coeur et la douceur des moeurs…
Pour te servir d'exemple, Dieu a voulu, alors qu'il était le plus grand de tous, devenir le plus humble et le plus petit de tous. C'était peu pour lui de se rendre au-dessous des anges en prenant la condition de la nature mortelle ; il lui a fallu se faire plus petit que les hommes en prenant l'âge et la faiblesse d'un enfant. Que l'homme pieux et humble y prête attention, et qu'il s'en félicite. Que l'homme impie et orgueilleux y prête attention, et qu'il en soit confondu. Qu'ils voient le Dieu infini devenu enfant, un tout-petit qu'il faut adorer…
En cette première manifestation aux mortels, Dieu préfère se montrer sous les traits d'un petit enfant, apparaître plus aimable que redoutable. Ainsi, puisqu'il vient sauver et non juger, il montre pour l'instant ce qui pourrait susciter l'amour, et remet à plus tard ce qui pourrait inspirer
1er sermon pour la Nativité (trad. Brésard, 2000 ans C ; cf SC 166, p. 167s)
« Heureux ceux qui cherchent refuge en lui » (Ps 2,12)
Béni soit celui qui, pour me permettre de « faire mon nid dans le creux du rocher » (Ct 2,14), s'est laissé percer les mains, les pieds et le côté. Béni soit celui qui s'est ouvert à moi tout entier pour que je pénètre dans le sanctuaire admirable (Ps 41,5) et que je « me cache dans le secret de sa tente » (Ps 26,5). Ce rocher est un refuge…, doux lieu de séjour pour les colombes, car les trous béants de ces plaies sur tout ce corps offrent le pardon aux pécheurs et accordent la grâce aux justes. C'est une demeure sûre, frères, « une tour forte devant l'ennemi » (Ps 60,4), que d'habiter par une méditation aimante et constante les plaies du Christ notre Seigneur, de chercher dans la foi et l'amour envers le Crucifié un abri sûr pour notre âme, un abri contre la véhémence de la chair, les tempêtes de ce monde, les assauts du démon. La protection de ce sanctuaire l'emporte sur tout le prestige de ce monde…
Entre donc dans ce rocher, cache-toi…, prends refuge dans le Crucifié… Qu'est-ce que la plaie dans le côté du Christ, sinon la porte ouverte de l'arche pour ceux qui seront préservés du déluge ? Mais l’arche de Noé était seulement un symbole ; ici, c’est la réalité ; il ne s'agit plus ici de sauver la vie mortelle, mais de recevoir l'immortalité…
Il est donc bien juste que la colombe du Christ, sa toute belle (Ct 2,13-14)…, chante aujourd'hui ses louanges avec joie. Du souvenir ou de l'imitation de la Passion, de la méditation des saintes plaies, comme des creux du rocher, sa voix très douce retentit aux oreilles de l'Époux (Ct 2,14).
4ème sermon pour les Rameaux (trad. cf SC 202, p. 211s)
« Le fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir »
L'homme avait été créé pour servir son Créateur. Quoi de plus juste, en effet, que de servir celui qui vous a mis au monde, sans qui vous ne pouvez pas exister ? Et quoi de plus heureux que de le servir, puisque le servir, c'est régner ? Mais l'homme a dit à son Créateur : « Je ne servirai pas » (Jr 2,20). « Moi donc, je te servirai, dit le Créateur à l'homme. Assieds-toi, je te servirai, je te laverai les pieds »...
Oui, Christ « serviteur bon et fidèle » (Mt 25,21), tu as vraiment servi, tu as servi en toute foi et toute vérité, en toute patience et toute constance. Sans tiédeur, tu t'es élancé comme un géant pour courir dans la voie de l'obéissance (Ps 18,6) ; sans feinte, tu nous as donné par surcroît, après tant de si grandes fatigues, ta propre vie ; sans murmure, flagellé et innocent, tu n'as pas ouvert la bouche (Is 53,7). Il est écrit et c'est juste : « Le serviteur qui connaît la volonté de son maître et ne la fait pas sera frappé de nombreux coups » (Lc 12,47). Mais ce serviteur-ci, je vous le demande, quelles actions dignes n'a-t-il pas accomplies ? Qu'a-t-il omis de ce qu'il devait faire ? « Il a bien fait toutes choses », s'écrient ceux qui observaient sa conduite ; « il a fait entendre les sourds et parler les muets » (Mc 7,37). Il a accompli toutes sortes d'actions dignes de récompense, alors comment a-t-il souffert tant d'indignités ? Il a présenté son dos aux fouets, il a reçu une quantité surprenante de coups atroces, son sang ruisselle de partout. Il a été interrogé au milieu des opprobres et des tourments, comme un esclave ou un malfaiteur qu'on soumet à la question pour lui arracher l'aveu d'un crime. O détestable orgueil de l'homme dédaigneux de servir, et qui ne pouvait pas être humilié par d'autre exemple que celui d'une telle servitude de son Dieu !...
Oui, mon Seigneur, tu as beaucoup peiné à me servir ; il serait juste et équitable que dorénavant tu prennes du repos, et que ton serviteur, à son tour, se mette à te servir ; son tour est venu... Tu as vaincu, Seigneur, ce serviteur rebelle ; je tends la main pour recevoir tes liens, je courbe la tête pour recevoir ton joug. Permets que je te serve. Reçois-moi comme ton serviteur pour toujours, bien que serviteur inutile si ta grâce n'est pas avec moi et ne travaille sans cesse à mes côtés (Sg 9,10).
Premier sermon pour le dimanche des Rameaux
« Toi, petit enfant, on t'appellera prophète du Très-haut, car tu marcheras devant le Seigneur pour lui préparer le chemin » (Lc 1,76)
C'est à bon droit que la naissance de cet enfant fut pour beaucoup une cause de joie : elle le reste aujourd'hui. Donné à ses parents dans leur vieillesse, il venait prêcher à un monde vieillissant la grâce d'une nouvelle naissance. Il est bon que l'Église fête solennellement cette nativité, fruit merveilleux de la grâce, dont s'émerveille la nature.
Quant à moi, cette lampe destinée à éclairer le monde (Jn 5,35), m'apporte par sa naissance une joie nouvelle, car c'est grâce à elle que j'ai reconnu
Sermon 1 pour Saint Jean Baptiste, §2 (trad. Brésard, 2000 ans C, p.284)
« Heureux les coeurs purs : ils verront Dieu »
« Heureux les pauvres de coeur puisque le Royaume des cieux est à eux ». Le début du Nouveau Testament est tout à fait joyeux et plein de la grâce nouvelle ; il provoque même un peu l'incroyant ou le paresseux à écouter, et plus encore à agir, en promettant le bonheur aux malheureux et le Royaume des cieux aux exilés, à ceux qui sont dans
La première vertu des débutants est le renoncement au monde, par lequel nous devenons pauvres de coeur ; la deuxième est la douceur, par laquelle nous nous soumettons à l'obéissance et nous y habituons ; puis la douleur avec laquelle nous déplorons nos péchés ou, dans les pleurs, demandons les vertus. Nous les goûtons, bien sûr, là où nous avions le plus faim et soif de justice, tant pour nous que pour les autres, et nous commençons à être animés de zèle contre les pécheurs. Mais pour qu'une ardeur immodérée ne se change pas en faute, la miséricorde la suit, par laquelle elle est tempérée. En s'appliquant et en s'exerçant, quand on aura appris à être juste et miséricordieux, on sera peut-être capable d'entrer dans la contemplation et de s'adonner à purifier son coeur afin de voir Dieu.
Sermon pour la Toussaint; PL 85, 205 (trad. Année en fêtes, Migne 2000, p. 526 rev.)
« Une voix qui crie dans le désert »
« Au désert, une voix crie : préparez la route au Seigneur ! » Frères, il nous faut avant tout réfléchir sur la grâce de la solitude, sur la béatitude du désert qui, dès le début de l'ère du salut, a mérité d'être consacré au repos des saints. Certes, le désert a été sanctifié pour nous par la voix de Jean, celui qui criait dans le désert, qui y prêchait et y donnait le baptême de pénitence. Avant lui déjà les plus grands prophètes avaient toujours eu la solitude pour amie, en tant qu'auxiliaire de l'Esprit. Toutefois, une grâce de sanctification incomparablement plus excellente s’est attachée à ce lieu quand Jésus y a succédé à Jean. A son tour, avant de prêcher aux pénitents, Jésus a estimé devoir préparer un lieu pour les y recevoir ; il est allé au désert pendant quarante jours pour consacrer une vie nouvelle en ce lieu renouvelé... et cela, moins pour lui-même que pour ceux qui habiteront après lui au désert.
Si donc, tu t'es fixé au désert, restes-y et attends là celui qui te sauvera de la faiblesse de ton esprit et de
4e sermon pour l’Avent (trad. SC 166, p. 134)
« Je suis la voix qui crie à travers le désert : ‘ Aplanissez le chemin du Seigneur ’ »
« Préparez le chemin du Seigneur. » Frères, même si vous êtes très avancés sur ce chemin..., il n’y a pas de terme à la bonté vers laquelle on progresse. C'est pourquoi le voyageur sage…se dira chaque jour : « Maintenant, je commence »… Ils sont nombreux, « ceux qui errent dans les solitudes »…; aucun d’entre eux ne peut dire : « Maintenant, je commence. »
« Le commencement de la sagesse, c’est la crainte du Seigneur » : si elle est le commencement de la sagesse, elle est nécessairement aussi le point de départ de la bonne route… C’est elle qui provoque la confession…; c’est elle qui pousse l’orgueilleux au repentir et lui permet d’entendre la voix de celui qui crie dans le désert, qui ordonne de préparer le chemin, qui montre par où il faut commencer : « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche »…
Si tu es déjà sur le chemin, ne perds pas ta route, car tu offenserais le Seigneur qui t’a conduit et il te laisserait « errer dans les chemins de ton propre cœur »… Si ton chemin te paraît resserré, regarde le terme auquel il te conduit. Si tu vois ainsi le bout de toute perfection, tu diras tout de suite : « Qu’ils sont larges tes ordres ! » Si ton regard ne va pas jusque là, crois au moins ce que dit Isaïe... : « Ils marcheront par ce chemin, les captifs rachetés par le Seigneur, et ils arriveront à Jérusalem avec des cris de joie. Un bonheur sans fin illuminera leur visage, allégresse et joie les accompagneront, douleur et plainte auront pris fin. » Celui qui pense à ce terme, non seulement trouve que le chemin est large, mais encore il prendra des ailes, de sorte qu’il ne marche plus : il vole vers le but… Que par là vous conduise et vous accompagne celui qui est le chemin de ceux qui courent et la récompense de ceux qui arrivent au but : le Christ Jésus.
(Références bibliques : Ps 76,11 Vulg; 106,4; Pr 1,72; Ps 110,10; Mt 3,2; 4,17; Is 57,17; Mt 7,14; Ps 118,96; Is 35,10; Mt 7,14; Jn 14,6)
5e sermon pour l’Avent ; SC 166 (trad. SC p. 153 rev.)
« Lumière pour éclairer les nations »
Je rends grâce avec toi et je partage ta joie, Pleine-de-grâce (Lc 1,28) : tu as mis au monde la Miséricorde que j’ai reçue. C’est toi qui as préparé ce cierge que je reçois aujourd'hui dans les mains. C'est toi qui as fourni la cire à cette flamme..., lorsque tu as vêtu d'une chair immaculée le Verbe immaculé, toi sa mère immaculée.
Allons, mes frères ! Voici que ce cierge brûle aujourd'hui entre les mains de Syméon. Venez prendre de la lumière, venez allumer vos cierges, je veux dire ces lampes que le Seigneur veut vous voir tenir entre les mains (Lc 12,35) : « Approchez-vous de lui et soyez illuminés » (Ps 33,6). Ainsi, au lieu seulement de porter un flambeau, tu deviendras un flambeau, rayonnant au-dedans et au-dehors, pour toi et pour ton prochain... Jésus, qui brille entre les mains de Syméon, allumera ta foi, fera briller ton exemple, te suggérera la bonne parole, enflammera ta prière, purifiera ton intention…
Et lorsque s’éteindra la lampe de cette vie, la lumière de la vie qui ne peut pas s’éteindre se lèvera pour toi, en qui brûlent tant de lumières. Ce sera pour toi « comme l’éclat du midi qui se lève au crépuscule » (Jb 11,17). Au moment où tu croyais t’éteindre, tu te « lèveras comme l’étoile du matin » (ibid.) et « tes ténèbres seront comme le milieu du jour » (Is 58,10). Et pourtant « il n’y aura plus de soleil durant le jour et l’éclat de la lune ne t’éclairera plus ; mais le Seigneur sera pour toi lumière éternelle » (Is 60,19), car le flambeau de la nouvelle Jérusalem, c’est l’Agneau (Ap 21,23), à qui soient « bénédiction et resplendissement dans les siècles des siècles ! Amen » (Ap 7,12 Vulg).
1er Sermon pour la Purification, 3-5 ; SC 166 (trad. cf SC p. 313s)
Bx Guerric d'Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
« Beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez »
Viens, ô Seigneur, « sauve-moi et je serai sauvé » ! (Jr 17,14) Viens, « montre-nous ta face, et nous serons sauvés » (Ps 79,4). C'est toi que nous avons attendu ; « sois notre salut au temps de la tribulation » (Is 33,2). Ainsi les prophètes et les justes allaient à la rencontre du Christ avec un tel désir, un tel élan d'amour, qu'ils auraient voulu, si cela avait été possible, voir de leurs yeux ce que déjà ils voyaient en esprit. C'est pourquoi le Seigneur disait à ses disciples : « Bienheureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car je vous le dis, bien des prophètes et des justes ont voulu voir ce que vous voyez et ne l'ont pas vu ». Abraham aussi, notre père, « a exulté à la pensée de voir le jour » du Christ ; « il l'a vu », mais dans le séjour des morts, « et il s'en est réjoui » (Jn 8,56).
Il y a bien là de quoi nous faire rougir de la tiédeur et de la dureté de notre cœur, si nous n'attendons pas dans la joie spirituelle le jour anniversaire de la naissance du Christ que l'on nous promet de voir bientôt, s'il plaît au Seigneur. De fait, l'Écriture semble exiger que notre joie soit si grande que notre esprit, s'élevant au-dessus de lui-même, brûle de s'élancer à la rencontre du Christ qui vient, et que, se portant en avant par le désir, sans supporter aucun retard, il s'efforce de voir déjà ce qui est à venir.
2ème Sermon pour l'Avent (trad. SC 166, p. 109)
« À partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui »
Quand Jésus s'est mis à parcourir les villes et les villages pour annoncer la Bonne Nouvelle (Mt 9,35), Marie l'accompagnait, inséparablement attachée à ses pas, suspendue à ses lèvres dès qu'il ouvrait la bouche pour enseigner. À tel point que ni la tempête de la persécution ni l'horreur du supplice n'ont pu lui faire abandonner la compagnie de son Fils, l'enseignement de son Maître. « Près de la croix de Jésus se tenait Marie, sa mère ». Vraiment, elle est mère, celle qui n'abandonnait pas son Fils, même dans les terreurs de la mort. Comment aurait-elle pu être effrayée par la mort, elle dont « l'amour était fort comme la mort » (Ct 8,6) et même plus fort que la mort. Oui, elle se tenait debout près de la croix de Jésus et la douleur de cette croix la crucifiait dans son cœur elle aussi ; toutes les plaies dont elle voyait blessé le corps de son Fils étaient autant de glaives qui lui transperçaient l'âme (Lc 2,35). C'est donc à juste titre qu'elle est proclamée Mère ici et qu'un protecteur bien choisi est désigné pour prendre soin d'elle, car c'est ici surtout que se manifestent l'amour parfait de la mère à l'égard du Fils et la vraie humanité que le Fils avait reçue de sa mère...
Jésus « l'ayant aimée, il l'aima jusqu'à la fin » (Jn 13,1). Non seulement la fin de sa vie a été pour elle, mais aussi ses derniers mots : achevant pour ainsi dire de dicter son testament, Jésus a confié le soin de sa mère à son plus cher héritier... Pierre, pour sa part, a reçu l'Église, et Jean, Marie. Cette part revenait à Jean comme un signe de l'amour privilégié dont il était l'objet, mais aussi à cause de sa chasteté... Car il convenait que personne d'autre ne rende ses services à la mère du Seigneur que le disciple bien-aimé de son Fils... Et par cette disposition providentielle, le futur évangéliste pourrait s'entretenir familièrement de tout avec celle qui savait tout, elle qui, depuis le commencement, observait attentivement tout ce qui concernait son Fils, qui « conservait avec soin toutes ces choses et les méditait dans son cœur » (Lc 2,19).
4ème Sermon pour l'Assomption (trad. cf. Pain de Cîteaux 8, p. 105 et SC 202, p. 459)
Reconnaître le Christ dans son humilité et descendre à sa suite
« Mon âme se trouble en moi », ô Dieu, au souvenir de mes péchés ; « alors je me souviens de toi, depuis le pays du Jourdain » (Ps 41,7) — c'est-à-dire en me rappelant comment tu as purifié Naaman le lépreux dans son humble descente... « Il descendit et se lava sept fois dans le Jourdain, comme l'avait prescrit l'homme de Dieu, et il fut purifié » (2R 5,14). Descends toi aussi, ô mon âme, descends du char de l'orgueil dans les eaux salutaires du Jourdain, qui, de la source de la maison de David, coule maintenant sur le monde entier « pour laver tout péché et toute souillure » (Za 13,1). Assurément, cette source c'est l'humilité de la pénitence, qui coule à la fois grâce à un don du Christ et grâce à son exemple, et qui, prêchée désormais sur toute la terre, lave les péchés du monde entier... Notre Jourdain est un fleuve pur ; il sera donc impossible aux superbes de t'accuser, si tu te plonges entièrement en lui, si tu t'ensevelis, pour ainsi dire, dans l'humilité du Christ...
Bien sûr, notre baptême est unique, mais une telle humilité rebaptise. Elle ne réitère pas la mort du Christ en effet, mais elle accomplit la mortification et la sépulture du péché, et ce qui a été célébré sacramentellement au baptême trouve sous cette nouvelle forme son plein achèvement. Oui, une telle humilité ouvre les cieux, et rend l'esprit d'adoption ; le Père reconnaît son fils, reformé dans l'innocence et la pureté d'un enfant régénéré. C'est pourquoi l'Écriture mentionne à juste titre que la chair de Naaman a été rétablie comme celle d'un enfant nouveau-né... Nous qui avons perdu la grâce de notre premier baptême...voici que nous avons découvert le vrai Jourdain, c'est-à-dire la descente de l'humilité... À nous seulement de ne pas craindre de descendre plus profondément chaque jour... avec le Christ.
4ème sermon pour l'Epiphanie (trad. SC 166, p. 299s)
« J'ai manifesté ton nom aux hommes »
Nous te rendons grâces, Père des lumières (Jc 1,17) de nous avoir « appelés des ténèbres à ton admirable lumière » (1P 2,9). Nous te rendons grâces d'avoir, par ta parole, fait jaillir la lumière des ténèbres, et de l'avoir fait briller dans nos cœurs pour nous éclairer de la connaissance de la face du Christ Jésus (2Co 4,6). Oui, la vraie lumière — bien plus, la vie éternelle — « c'est de te connaître, toi le seul Dieu, et ton envoyé Jésus Christ ».
Nous te connaissons, puisque nous connaissons Jésus, car le Père et le Fils sont un (Jn 10,30). Nous te connaissons par la foi, c'est vrai, et nous la tenons comme un gage assuré de la connaissance dans la vision. D'ici là, pourtant, augmente notre foi (Lc 17,5), conduis-nous de foi en foi, de clarté en clarté, comme sous la motion de ton Esprit, pour que nous pénétrions plus avant chaque jour dans les profondeurs de la lumière. Ainsi notre foi se développera, notre science s'enrichira, notre charité deviendra plus fervente et plus universelle, jusqu'à ce que la foi nous conduise au face à face.
2ème sermon pour l'Épiphanie (trad. SC 166, p.259)
« Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur »
C'est sous deux aspects bien différents que la fête d'aujourd'hui présente aux enfants des hommes celui que notre âme désire (Is 26,9), « le plus beau des enfants des hommes » (Ps 44,3). Il attire notre regard sous les deux aspects ; sous l'un et l'autre nous le désirons et nous l'aimons, car en l'un et l'autre il est le Sauveur des hommes...
Si on considère en même temps la procession d'aujourd'hui et la Passion, on voit Jésus, d'un côté sublime et glorieux, de l'autre humilié et douloureux. Car dans la procession il reçoit des honneurs royaux, et dans la Passion on le voit châtié comme un malfaiteur. Ici, la gloire et l'honneur l'environnent ; là « il n'a ni apparence ni beauté » (Is 53,2). Ici, il est la joie des hommes et la fierté du peuple ; là, c'est « la honte des hommes et le mépris du peuple » (Ps 21,7). Ici, on l'acclame : « Hosanna au fils de David. Béni soit le roi d'Israël qui vient ! » Là, on hurle qu'il mérite la mort et on se moque de lui parce qu'il s'est fait roi d'Israël. Ici, on accourt vers lui avec des palmes ; là, ils le soufflettent au visage avec leurs paumes, et on frappe sa tête à coups de roseau. Ici, on le comble d'éloges ; là, il est rassasié d'injures. Ici, on se dispute pour joncher sa route avec le vêtement des autres ; là, on le dépouille de ses propres vêtements. Ici, on le reçoit dans Jérusalem comme le roi juste et le Sauveur ; là, il est chassé de Jérusalem comme un criminel et un imposteur. Ici, il est monté sur un âne, entouré d'hommages ; là, il est pendu au bois de la croix, déchiré par les fouets, transpercé de plaies et abandonné par les siens...
Seigneur Jésus, que ton visage apparaisse glorieux ou humilié, toujours on y voit luire la sagesse. De ton visage rayonne l'éclat de la lumière éternelle (Sg 7,26). Que brille toujours sur nous, Seigneur, la lumière de ton visage (Ps 4,7) dans les tristesses comme dans les joies... Tu es la joie et le salut de tous, qu'ils te voient monté sur l'âne ou suspendu au bois de la croix.
3e Sermon pour le dimanche des Rameaux ; SC 202 (trad. cf SC, p. 188s et Delhougne, p. 195)
« Le Royaume des cieux est à eux »
« Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux ! » Oui, heureux ceux qui rejettent les fardeaux sans valeur, mais bien pesants, de ce monde ; ceux qui ne veulent plus devenir riches, si ce n'est en possédant le Créateur du monde, et lui seul, pour lui-même ; ceux qui sont comme des gens qui n'ont rien mais qui par lui possèdent tout (2 Co 6,10). Est-ce qu'ils ne possèdent pas tout, ceux qui possèdent celui qui contient tout et dispose tout, ceux dont Dieu est « la part et l'héritage » ? (Nb 18,20) « Rien ne manque à ceux qui le craignent » (Ps 33,10). Dieu leur donne tout ce qu'il sait leur être nécessaire ; il se donnera lui-même à eux un jour, pour qu'ils soient dans la joie... Glorifions-nous donc, mes frères, d'être pauvres pour le Christ, et efforçons-nous d'être humbles avec le Christ. Il n'y a rien de plus détestable qu'un pauvre orgueilleux et rien de plus misérable...
« Le Royaume de Dieu n'est pas nourriture et boisson, mais justice, paix et joie dans l'Esprit Saint » (Rm 14,17). Si nous sentons que nous avons tout cela en nous, pourquoi ne pas proclamer avec assurance que le Royaume de Dieu est au-dedans de nous ? (Lc 17,21) Or ce qui est en nous est véritablement à nous ; personne ne peut nous l'arracher. C'est pourquoi, quand il proclame le bonheur des pauvres, le Seigneur a raison de dire, non pas : « Le Royaume des cieux sera à eux », mais « est à eux ». Il l'est non seulement à cause d'un droit fermement établi, mais aussi à cause d'un gage absolument sûr, une expérience déjà du bonheur parfait. Non seulement parce que le Royaume est préparé pour eux depuis le début du monde (Mt 25,34), mais aussi parce qu'ils ont déjà commencé à entrer en sa possession. Ils possèdent déjà le trésor céleste dans des vases d'argile (2 Co 4,7) ; ils portent déjà Dieu dans leur corps et dans leur cœur.
Sermon pour la Toussaint, 3.5-6 (trad. cf SC 202, p. 503s)
La lumière du monde révélée aux nations
« Lève-toi, resplendis, Jérusalem, car elle est venue, ta lumière ! » Certes, elle était venue ta lumière ; elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, mais le monde ne l'a pas connue. L'enfant était né, mais il n'était pas connu, jusqu'à ce que ce jour de lumière commence à le révéler... Levez-vous, vous qui êtes assis dans les ténèbres ! Dirigez-vous vers cette lumière : elle s'est levée dans les ténèbres, mais les ténèbres n'ont pas pu la saisir. Approchez-la, et vous serez illuminés ; dans sa lumière, vous verrez la lumière, et l'on dira de vous : « Jadis, vous étiez ténèbres, maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. » Regardez : la lumière éternelle s'est accommodée à vos yeux, pour que celui qui habite une lumière inaccessible puisse être saisi par vos yeux faibles et malades. Découvrez la lumière dans une lampe d'argile, le soleil dans la nuée, Dieu dans un homme, dans le petit vase d'argile de votre corps, la splendeur de la gloire et l'éclat de la lumière éternelle ! ...
Nous te rendons grâces, Père des lumières, de nous avoir appelés des ténèbres à ton admirable lumière... Oui, la vraie lumière, bien plus, la vie éternelle, c'est de te connaître, toi le seul Dieu, et ton envoyé Jésus Christ... Nous te connaissons, certes, par la foi, et nous la tenons comme un gage assuré que nous te connaîtrons un jour dans la vision. D'ici là, augmente en nous la foi. Conduis-nous de foi en foi, de clarté en clarté, sous la motion de ton Esprit, pour que nous pénétrions plus avant chaque jour dans les profondeurs de la lumière ! ... Que la foi nous conduise au face à face et que, semblable à l'étoile, elle nous guide vers notre chef né à Bethléem...
Quelle joie, quelle exultation pour la foi des mages, lorsqu'ils verront régner dans la Jérusalem d'en haut celui qu'ils ont adoré quand il vagissait à Bethléem ! Ici, ils l'ont vu dans un logis de pauvre ; là, nous le verrons dans le palais des anges. Ici, dans les langes ; là, dans les splendeurs des saints. Ici, sur le sein de sa mère ; là, sur le trône de son Père.
(Références bibliques : Is 60,11 ; Jn 1,10 ; Lc 1,79 ; Jn 1,5 ; Ps 33,6 ; Ps 35,10 ; Ep 5,8 ; 1Tm 6,16 ; Jc 1,17 ; 1P 2,9 ; Jn 17,3 ; Lc 17,5)
2ème sermon pour l'Épiphanie (trad. Brésard, 2000 ans B, p. 44 ; cf SC 166)
« Un centurion de l'armée romaine vint à lui »
Ô véritable Israël, sois prêt à aller à la rencontre du Seigneur ! Non seulement sois prêt à lui ouvrir lorsqu'il sera là et frappera à la porte, mais encore va-t'en allègrement et joyeusement à sa rencontre tandis qu'il est encore loin, et, ayant pour ainsi dire pleine confiance pour le jour du jugement, prie de tout cœur que son règne vienne... Que ta bouche puisse chanter : « Mon cœur est prêt, ô Dieu, mon cœur est prêt ! »...
Et toi, Seigneur, viens à ma rencontre, moi qui vais au-devant de toi ! Car malgré tous mes efforts, je ne pourrai pas m'élever jusqu'à ta hauteur à moins que, en te penchant, tu tends ta droite à l'œuvre de tes mains. Viens donc à ma rencontre et vois s'il n'y a pas en moi un chemin d'iniquité ; et si tu trouves en moi un chemin d'iniquité que j'ignore, écarte-le de moi et prends-moi en pitié, conduis-moi par la voie éternelle, c'est-à-dire le Christ, car il est la voie où l'on marche et l'éternité à laquelle on parvient, voie immaculée et demeure bienheureuse.
[Références bibliques : Am 3,12 ; Lc 12,36 ; Lc 14,32 ; 1Jn 4,17 ; Ps 56,8 ; Jb 14,15 ; Ps 138,24]
3ème sermon pour l'Avent, 2, (trad. SC 166, p.123)
« Aujourd'hui, Seigneur, tu as révélé ton Fils unique aux nations » (Collecte)
« Lève-toi, resplendis, Jérusalem, car elle est venue, ta lumière ! » (Is 60,1) Sois bénie, Lumière « venue au nom du Seigneur » ! « Le Seigneur est Dieu et il a brillé sur nous » (Ps 117,26-27). Par sa bienveillance, ce jour sanctifié par l'illumination de l'Église a brillé sur nous. C'est pourquoi nous te rendons grâce, « Lumière véritable qui éclaire tout homme venant en ce monde » (Jn 1,9), et qui, pour cela précisément, es venue dans le monde en prenant une forme humaine. Elle resplendit Jérusalem, notre mère (Ga 4,26), mère de tous ceux qui ont mérité d'être illuminés ; elle éclaire désormais tous ceux qui sont dans le monde. Nous te rendons grâce, Lumière véritable : tu t'es faite lampe pour éclairer Jérusalem et pour que le Verbe, la Parole de Dieu, devienne « la lampe de mes pas » (Ps 118,105)... Et elle n'a pas seulement été illuminée, elle a été « élevée sur un lampadaire », tout en or massif (Mt 5,15; Ex 25,31). La voilà devenue « la ville située au sommet des montagnes » (Mt 5,14)...pour que son Évangile brille aussi loin que s'étendent les empires du monde... Dieu, toi qui illumines toutes les nations, pour toi nous avons chanté : « Le Seigneur va venir, il illuminera les yeux de ses serviteurs ». Maintenant tu es venue, ô ma Lumière : « Illumine mes yeux, pour que je ne m'endorme jamais dans la mort » (Ps 12,4)... Tu es venue, Lumière des croyants, et aujourd'hui tu nous as donné la joie d'être illuminés par la foi, qui est notre lampe. Donne-nous aussi toujours la joie de voir s'éclairer ce qui reste en nous de ténèbres... Voilà la route qu'il faut prendre, âme fidèle, pour parvenir à la patrie où « les ténèbres seront comme midi » (Is 58,10) et « la nuit sera claire comme le jour » (Ps 138,12). Alors « tu verras et tu seras radieuse, ton cœur s'émerveillera et se dilatera », lorsque toute la terre sera remplie de la majesté de la lumière infinie et que « sa gloire sera manifestée en toi » (Is 60,5.2)... « Venez, marchons à la lumière du Seigneur ! » (Is 2,5) Alors « en fils de lumière » nous marcherons « de clarté en clarté, comme conduits par le Seigneur qui est Esprit » (2Co 3,18).
3e sermon pour l'Épiphanie ; SC 166 (trad. SC p. 271)
« Heureux, vous les pauvres... Malheureux, vous les riches »
C'est avec raison que le Seigneur, en proclamant la béatitude des pauvres, ne dit pas : « Le Royaume des cieux sera » mais « est à eux »... Qu'ils sont proches du Royaume de Dieu, ceux qui déjà possèdent et portent dans leur cœur ce Roi dont on a dit que le servir, c'est régner... Que d'autres se querellent pour se partager l'héritage de ce monde : « le Seigneur est ma part d'héritage et ma coupe » (Ps 15,5). Qu'ils combattent entre eux à qui sera le plus misérable : je ne leur envie rien de tout ce qu'ils recherchent, car moi et mon âme, « nous mettrons nos délices dans le Seigneur » (Ps 103,34). Toi, l'héritage glorieux des pauvres ! Bienheureuse richesse de ceux qui n'ont rien ! Non seulement tu nous fournis tout ce dont nous avons besoin, mais encore, tu es remplie de toute gloire, tu débordes de toute joie, car tu es « la mesure surabondante versée dans notre sein » (Lc 6,38)... Que votre âme...se glorifie dans son humilité, vous les pauvres, et qu'elle regarde avec dédain toute grandeur de ce monde... Des biens éternels sont préparés, et tu leur préférerais des choses passagères, pareilles à un songe ?... Comme ils sont malheureux, ceux que la bienheureuse pauvreté rendait dignes d'être honorés par le ciel, admirés par le monde et redoutés par l'enfer, et qui ensuite, dans l'aveuglement de leur esprit, ont regardé la pauvreté comme une misère, l'humilité comme une lâcheté ; qui ont voulu devenir riches et sont tombés dans les pièges du diable, alors que toutes choses leur appartenaient !... Quant à vous, qui avez pour amie la pauvreté et trouvez douce l'humilité du cœur, la Vérité éternelle vous rend sûrs de posséder le Royaume des cieux ; il garde fidèlement pour vous ce Royaume qui vous est réservé
Sermon pour la Toussaint, 6-7 ; SC 202 (trad. SC p. 511 rev.)
« Aplanissez le chemin du Seigneur »
« Préparez le chemin du Seigneur. » Frères, même si vous vous êtes beaucoup avancés sur ce chemin, il vous reste toujours à le préparer, afin que, du point où vous êtes parvenus, vous alliez toujours de l'avant, toujours tendus vers ce qui est au-delà. Ainsi, à chaque pas que vous faites, la voie étant préparée pour son avènement, le Seigneur viendra au-devant de vous, toujours nouveau, toujours plus grand. C'est donc avec raison que le juste prie ainsi : « Enseigne-moi le chemin de tes volontés et je le chercherai toujours » (Ps 118,33). Et on appelle cette voie « chemin d'éternité » (Ps 138,24)...parce que la bonté de celui vers qui nous nous avançons n'a pas de limite. C'est pourquoi le voyageur sage et décidé, même arrivé au terme, pensera à commencer ; « oubliant ce qui est derrière lui » (Ph 3,13), il se dira chaque jour : « Maintenant, je commence » (Ps 76,11 Vulg)... Nous qui parlons d'avancer sur ce chemin, plût au ciel que nous nous soyons au moins mis en route ! A mon sens, quiconque s'est mis en route est déjà sur la bonne voie. Il faut toutefois vraiment commencer, trouver « le chemin de la Ville habitée » (Ps 106,4). Car « ils sont peu nombreux ceux qui le trouvent », dit la Vérité (Mt 7,14) ; ils sont nombreux « ceux qui errent dans les solitudes » (Ps 106,4)... Et toi, Seigneur, tu nous as préparé un chemin, si seulement nous consentons à nous y engager... Par ta Loi, tu nous as enseigné le chemin de tes volontés en disant : « Voici le chemin, suivez-le sans vous égarer à droite ou à gauche » (Is 30,21). C'est le chemin que le prophète avait promis : « Il y aura une route droite et les insensés ne s'y égareront pas » (Is 35,8)... Je n'ai jamais vu un insensé s'égarer en suivant ton chemin, Seigneur...; mais malheur à vous qui êtes sages à vos propres yeux (Is 5,21), votre sagesse vous a éloignés du chemin du salut et ne vous a pas permis de suivre la folie du Sauveur... Folie désirable, qui sera appelée sagesse au jugement de Dieu, et qui ne nous laisse pas nous égarer hors de son chemin.
Sermon 5 pour l'Avent (trad. Bouchet, Lectionnaire ; cf SC 166, p. 151)
« Sachez que le royaume de Dieu est proche »
« Nous attendons le Sauveur » (liturgie latine; cf Ph 3,20). Vraiment, elle est joyeuse l'attente des justes, de ceux qui attendent « la bienheureuse espérance et l'avènement dans la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ » (Tt 2,13). « Quelle est mon espérance, dit le juste, n'est-ce pas le Seigneur ? » (Ps 38,8) Puis, il se tourne vers lui et s'écrie : « Je le sais : tu ne décevras pas mon attente (Ps 118,116). En effet, mon être est déjà près de toi, puisque notre nature, assumée par toi et offerte pour nous, a déjà été glorifiée en toi. Cela nous donne l'espoir que ' toute chair viendra à toi ' (Ps 64,3)...» Pourtant, c'est avec une confiance plus grande encore qu'attendent le Seigneur ceux qui peuvent dire : « Mon être est près de toi, Seigneur, car je t'ai donné toutes mes richesses ; les quittant pour toi, j'ai ' amassé un trésor dans le ciel ' (Mt 6,20). J'ai déposé tous mes biens à tes pieds : je sais que...tu me les ' rendras au centuple avec, en plus, la vie éternelle ' » (Mc 10,30). Vous qui êtes pauvres en esprit, heureux êtes-vous ! (Mt 5,3)... Car le Seigneur a dit : « Là où est ton trésor, là sera ton cœur » (Mt 6,21). Que vos cœurs le suivent donc, qu'ils suivent leur trésor! Fixez votre pensée là-haut, et que votre attente soit suspendue à Dieu, pour pouvoir dire avec l'apôtre Paul : « Notre vie est dans les cieux ; c'est de là que nous attendons le Sauveur »( Ph 3,20).
1er Sermon pour l'Avent ; PL 185,11 ; SC 166
Bx Guerric d'Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
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Accueillir le Royaume de Dieu à la manière d'un enfant
Un petit enfant est né pour nous : le Dieu de majesté, s'anéantissant lui-même, s'est rendu semblable non seulement au corps terrestre des mortels, mais encore à l'âge des enfants, empreint de faiblesse et de petitesse. Bienheureuse enfance, dont la faiblesse et la simplicité sont plus fortes et plus sages que tous les hommes ! Car, en vérité, la force de Dieu et la sagesse de Dieu accomplissent ici leur œuvre divine à travers nos réalités humaines. Oui, la faiblesse de ce petit enfant triomphe du prince de ce monde ; elle rompt nos liens et nous délivre de notre captivité. La simplicité de cet enfant, laquelle semble muette et privée de parole, rend éloquentes les langues des enfants ; elle leur fait parler les langues des hommes et des anges... Cet enfant semble ignorant mais c'est lui qui enseigne la sagesse aux hommes et aux anges, lui qui est en réalité... la Sagesse de Dieu et son Verbe, sa Parole.
Ô sainte et douce enfance, toi qui rends aux hommes l'innocence véritable grâce à laquelle tout âge peut faire retour à une bienheureuse enfance et te ressembler, non par la petitesse des membres, mais par l'humilité du cœur et la douceur du comportement ! Assurément, vous les fils d'Adam, vous qui êtes si grands à vos propres yeux..., si vous ne vous convertissez pas et ne devenez pas comme ce petit enfant, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux. « Je suis la porte du Royaume », dit ce petit enfant. Si la haute taille des hommes ne s'incline pas, cette humble porte ne les laissera pas entrer.
(Références bibliques : Is 9,5 ; 1Co 1,24 ; Jn 12,31 ; Sg 10,21 ; 1Co 13,1 ; Ps 93,10 ; Mt 18,3-4; Jn 10,9)
1er sermon pour la Nativité (trad. SC 166, p.167 rev.)
« Votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu » (Col 3,3)
« Père, ceux que tu m'as donnés, je veux qu'ils soient avec moi, là où je suis ; je veux qu'ils voient ma gloire » (Jn 17,24). Heureux ceux qui ont maintenant pour avocat devant Dieu leur juge en personne ; heureux ceux qui ont pour intercesseur celui qu'on doit adorer au même titre que le Père à qui il adresse cette prière ! Le Père ne peut pas refuser de satisfaire ce désir exprimé par ses lèvres (Ps 20,3) car il a avec lui une seule volonté, une seule puissance, étant un seul et même Dieu... « Je veux que là où je suis, ils soient avec moi. » Quelle assurance pour ceux qui ont la foi, quelle confiance pour les croyants ! ... Les saints, dont « la jeunesse se renouvelle comme celle de l'aigle » (Ps 102,5) « déploient leurs ailes comme des aigles » (Is 40,31)...
En ce jour, le Christ « s'éleva sous le regard de ses disciples et disparut dans une nuée » (Ac 1,9)... Il s'efforçait d'entraîner leur cœur à sa suite en se faisant aimer d'eux, et il leur promettait par l'exemple de son corps que leur corps pourrait s'élever de la même façon... Aujourd'hui, le Christ, en vérité, « monte sur les chérubins et il vole sur les ailes du vent » (Ps 17,11), c'est-à-dire, il dépasse la puissance des anges. Et pourtant, dans sa condescendance pour ta faiblesse « tel un aigle qui veille sur ses petits » il veut « te prendre et te porter sur ses épaules » (Dt 32,11)... Certains volent avec le Christ par la contemplation ; pour toi, que ce soit du moins par l'amour.
Frère, puisque le Christ, ton trésor, est monté aujourd'hui au ciel, que là aussi soit ton cœur (Mt 6,21). C'est de là-haut que tu tiens ton origine, c'est là que se trouve ta part d'héritage (Ps 16,5), c'est de là que tu attends le Sauveur (Ph 3,20).
Sermon pour l'Ascension (trad. cf. SC 202, p. 275)
Date de dernière mise à jour : 2018-05-26
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