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Jean Chrysostome quelques écrits
Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église
La listes des lectures
Alors paraîtra dans le ciel le signe du Fils de l'homme
Celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende
L'homme de la onzième heure : « Les derniers seront premiers
Premier appelé ; premier à témoigner
Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne vous effrayez pas
Boire à sa coupe pour siéger à sa droite
La puissance d'une prière persévérante
Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?
Seigneur, ne leur compte pas ce péché
Les petits chiens, sous la table, mangent les miettes des petits enfants
Mes paroles sont esprit et vie
Saint Matthias, témoin de la résurrection, choisi par Dieu
Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ?
Il lui restait encore quelqu'un : son fils bien-aimé
Ceci est mon sang..., répandu pour la multitude
Tu l'as révélé aux tout-petits
Faire fructifier les dons reçus
Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie
Jusqu'à ce que toute la pâte ait levé
Je suis doux et humble de cœur
L’ignorance des Ecritures est la source de maux innombrables
Là où deux ou trois sont réunis en mon nom
L'Esprit Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe
L'Église de Dieu qu'il s'est acquise par son sang
Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts
Mais alors, qui peut être sauvé ?
Va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande
Ta majesté suprême est proclamée par la bouche des enfants, des tout petits
La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture
Confiance, mon fils, tes péchés sont pardonnés
Les paraboles du trésor et de la perle
Il leur défendit vivement de révéler à personne qu'il était le Messie de Dieu
Lorsque tu entreras dans ton Royaume
Voilà pourquoi le Fils de l’homme est maître, même du sabbat
Notre berger se donne lui-même en nourriture
Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés
A moi, autrefois blasphémateur et persécuteur..., il m'a été fait miséricorde
J'ai vu, et je rends ce témoignage : c'est lui le Fils de Dieu
Jésus posa son regard sur lui et dit : ‘ Tu t’appelleras Képha ’
Une inscription était placée au-dessus de sa tête : ' Celui-ci est le roi '
Celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche…
Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie
Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église
« Alors paraîtra dans le ciel le signe du Fils de l'homme » (Mt 24,30)
Veux-tu apprendre que la croix peut être signe du Royaume ? C'est avec ce signe que le Christ doit venir lors de son deuxième et glorieux avènement ! Pour que tu apprennes à quel point la croix est digne de vénération, il a fait d'elle un titre de gloire...
Nous savons que sa première venue s'est produite dans le secret, et cette discrétion était justifiée : il était venu en effet chercher ce qui était mort. Mais cette deuxième venue ne se passera pas de la même manière... Il apparaîtra aussitôt à tous et personne n'aura besoin de demander si le Christ est ici ou là (Mt 24,26)...; nous n'aurons pas besoin de chercher si le Christ est bien là. Mais ce qu'il faudra chercher, c'est s'il vient avec la croix...
« Quand viendra le Fils de l'homme le soleil s'obscurcira et la lune ne donnera plus son éclat. » (Mt 24,27) Si grande sera la gloire de sa lumière que devront ternir devant elle les astres les plus brillants. « Alors tomberont les étoiles et le signe du Fils de l'homme apparaîtra dans le ciel. » Vois-tu quel pouvoir a le signe de la croix ? « Le soleil s'obscurcira et la lune se cachera », et la croix au contraire brillera, bien visible, afin que tu saches que sa splendeur est plus grande que celle du soleil et de la lune. De même qu'à l'entrée du roi dans une ville, les soldats chargent sur leurs épaules les étendards royaux et les portent devant lui pour annoncer son arrivée, de même lorsque le Seigneur descendra du ciel, la cohorte des anges et des archanges, portant ce signe sur leurs épaules, nous préviendront aussi de l'arrivée de ce roi qu'est le Christ.
Homélie sur la croix et le larron (trad. L'Année en fêtes, Migne 2000, p. 282)
« Tu auras un trésor au ciel »
Le Christ avait dit au jeune homme : « Si tu veux entrer dans la vie, garde les commandements » (Mt 19,17). Il demande : « Lesquels ? », non pour le mettre à l'épreuve, loin de là ; il suppose qu'il y aura pour lui, à côté des commandements de la Loi de Moïse, d'autres commandements qui lui procureront la vie ; c'était la preuve de son désir ardent. Quand Jésus lui eut énoncé les commandements de la Loi, le jeune homme lui dit : « Tout cela, je l'ai observé avec soin dès ma jeunesse ». Et il ne s'en tint pas là, il demanda : « Que me manque-t-il encore ? » (Mt 19,20), ce qui était le signe même de son désir ardent. Ce n'est pas une petite âme qui estime qu'il lui manque encore quelque chose, qui trouve insuffisant l'idéal proposé pour rejoindre l'objet de son propre désir.
Et que va dire le Christ ? Il propose quelque chose de grand ; il propose d'abord la récompense en déclarant : « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, suis-moi ». Vois-tu quel prix, quelles couronnes il propose pour cette course sportive ?... Pour l'attirer il lui montre une récompense de grande valeur et il remet le tout à son jugement. Ce qui pourrait sembler pénible, il le laisse dans l'ombre. Avant de parler de combats et d'efforts, il lui montre la récompense : « Si tu veux être parfait » dit-il : voilà la gloire, voilà le bonheur !... « Tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, suis-moi » : voilà la récompense, la récompense superbe de marcher à la suite du Christ, d'être son compagnon et son ami ! Ce jeune homme estimait les richesses de la terre ; le Christ le conseille de s'en dépouiller, non pas pour s'appauvrir dans le dénuement mais pour l'enrichir davantage.
Homélie 63 sur St Matthieu ; PG 58,603 (trad. cf. Marc commenté, DDB 1986, p. 104)
« Celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende »
Si la semence sèche, ce n'est pas à cause de la chaleur. Jésus n'a pas dit qu'elle a séché à cause de la chaleur, mais « faute de racine ». Si la parole est étouffée, cela ne vient pas des épines, mais de ceux qui les ont laissé pousser en liberté. Avec de la volonté, tu peux les empêcher de pousser, tu peux faire de la richesse un usage convenable. C'est pour cela que le Sauveur parle non du « monde » mais du « souci du monde », non de « la richesse » mais de la « séduction de la richesse ». N'accusons donc pas les choses elles-mêmes, mais la corruption de notre conscience...
Ce n'est pas le cultivateur, tu le vois, ce n'est pas la semence, c'est la terre où elle est reçue qui explique tout, c'est-à-dire les dispositions de notre coeur. Là aussi la bonté de Dieu pour l'homme est immense, puisque, loin d'exiger une même mesure de vertu, il accueille les premiers, ne repousse pas les seconds et donne une place aux troisièmes...
Il faut donc d'abord écouter la Parole avec attention, puis la garder fidèlement en mémoire, puis être plein de courage, puis mépriser la richesse et se délivrer de l'amour de tous les biens du monde. Si Jésus met l'attention pour la Parole au premier rang et avant toutes les autres conditions, c'est qu'elle est la condition nécessaire. « Comment croire sans d'abord l'entendre ? » (Rm, 10,14) Et nous aussi, si nous ne faisons pas attention à ce qui nous est dit, nous ne connaîtrons pas les devoirs à remplir. Après seulement viennent le courage et le mépris des biens du monde. Pour mettre à profit ces leçons, fortifions-nous de toute façon : soyons attentifs à la Parole, poussons profondément nos racines et débarrassons-nous de tout le souci du monde.
Sermon n° 44 sur St Matthieu ; PG 57, 467 (trad. Véricel, L'Evangile commenté, p. 140)
L'homme de la onzième heure : « Les derniers seront premiers »
Qu'a donc fait le larron, pour recevoir en partage le paradis après la croix ?... Alors que Pierre reniait le Christ, le larron, du haut de la croix lui rendait témoignage. Je ne dis pas cela pour accabler Pierre ; je le dis pour mettre en évidence la grandeur d'âme du larron... Ce larron, alors que toute une populace se tenait autour de lui, grondant, vociférant, les abreuvant de blasphèmes et de sarcasmes, ne tint pas compte d'eux. Il n'a même pas considéré l'état misérable de la crucifixion qui était en évidence devant lui. Il parcourut tout cela d'un regard plein de foi... Il se tourna vers le Maître des cieux et se remettant à lui, il dit : « Souviens-toi de moi, Seigneur, quand tu iras dans ton Royaume » (Lc 23,42). N'éludons pas avec désinvolture l'exemple du larron, et n'ayons pas honte de le prendre pour maître, lui que notre Seigneur n'a pas rougi d'introduire le premier dans le paradis...
Il ne lui a pas dit, comme à Pierre : « Viens, suis-moi, et je ferai de toi un pêcheur d'hommes » (Mt 4,19). Il ne lui a pas dit non plus comme aux Douze : « Vous siégerez sur douze trônes pour juger les douze tribus d'Israël » (Mt 19,28). Il ne l'a gratifié d'aucun titre ; il ne lui a montré aucun miracle. Le larron ne l'a pas vu ressusciter un mort, ni chasser des démons ; il n'a pas vu la mer lui obéir. Le Christ ne lui a rien dit du Royaume, ni de la géhenne. Et pourtant il lui a rendu témoignage devant tous, et il a reçu en héritage le Royaume.
Homélie pour le Vendredi saint « La Croix et le larron » (trad. Année en fêtes, Migne 2000, p. 277)
Premier appelé ; premier à témoigner
« Qu'il est agréable et doux pour des frères de vivre dans l'unité » (Ps 132,1)... André, après avoir demeuré auprès de Jésus (Jn 1,39) et avoir beaucoup appris, n'a pas gardé ce trésor pour lui : il se hâte de courir auprès de son frère Simon-Pierre pour partager avec lui les biens qu'il a reçus... Considère ce qu'il dit à son frère : « Nous avons trouvé le Messie, c'est-à-dire le Christ » (Jn 1,41). Vois-tu le fruit de ce qu'il venait d'apprendre en si peu de temps ? Cela démontre à la fois l'autorité du Maître qui a enseigné ses disciples et, dès le début, leur zèle de le connaître.
L'empressement d'André, son zèle à répandre tout de suite une aussi bonne nouvelle, suppose une âme qui brûlait de voir l'accomplissement de tant de prophéties concernant le Christ. C'est montrer une amitié vraiment fraternelle, une affection profonde et un naturel plein de sincérité, que de partager ainsi les richesses spirituelles... « Nous avons trouvé le Messie » dit-il ; non pas un messie, un messie quelconque, mais bien « le Messie, celui que nous attendions ».
Homélies sur l'évangile de Jean, n°19,1
« Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne vous effrayez pas »
Plus le roi s'approche, plus il faut se préparer. Plus est proche le moment où l'on décernera le prix au combattant, mieux il faut combattre. Ainsi fait-on lors des courses : quand arrive le terme de la course et qu'on s'approche du but, on stimule davantage la fougue des chevaux. Voilà pourquoi Paul dit : « Maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons embrassé la foi. La nuit est avancée, le jour est tout proche » (Rm 13,11-12).
Puisque la nuit s'efface et que le jour apparaît, faisons les œuvres du jour ; laissons les œuvres des ténèbres. Ainsi fait-on en cette vie : quand nous voyons que la nuit cède le pas à l'aurore et que nous entendons chanter l'hirondelle, nous nous réveillons les uns les autres, bien qu'il fasse encore nuit... Nous nous empressons aux tâches du jour ; nous nous habillons après nous être arrachés au sommeil, pour que le soleil nous trouve prêts. Ce que nous faisons alors, faisons-le à présent : secouons tous nos rêves, arrachons-nous aux songes de la vie présente, sortons de notre profond sommeil et revêtons le vêtement de la vertu. C'est ce que nous dit clairement l'apôtre : « Rejetons donc les œuvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière » (v. 12). Car le jour nous appelle à la bataille, au combat.
Ne sois pas effrayé en entendant ces mots de combat et de lutte ! Si revêtir une lourde armure matérielle est pénible, il est désirable par contre de revêtir l'armure spirituelle, car c'est une armure de lumière. Ainsi, tu brilleras d'un éclat plus resplendissant que le soleil, et tout en brillant d'un vif éclat, tu seras en sécurité, car ce sont des armes..., des armes de lumière. Alors ? Sommes-nous dispensés de combattre ? Non ! Il faut combattre, mais sans être accablés de fatigue et sans peine. Car c'est moins à une guerre que nous sommes conviés, qu'à une fête et à une réjouissance.
Homélies sur la lettre aux Romains, n°24 (trad. Bourguet, Matthieu médité, p. 188)
Boire à sa coupe pour siéger à sa droite
Par l'intermédiaire de leur mère, les fils de Zébédée demandent à leur maître, en présence de leurs collègues : « Ordonne que nous siégions l'un à ta droite et l'autre à ta gauche » (cf Mc 10,35s)... Le Christ s'empresse de les tirer de leurs illusions, en leur disant qu'ils doivent être prêts à souffrir des injures, des persécutions et même la mort : « Vous ne savez pas ce qui vous demandez. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire ? » Que personne ne soit étonné de voir les apôtres dans des dispositions si imparfaites. Attends que le mystère de la croix soit accompli, que la force de l'Esprit Saint leur ait été communiquée. Si tu veux voir leur force d'âme, regarde-les plus tard, et tu les verras supérieurs à toutes les faiblesses humaines. Le Christ ne cache pas leurs petitesses, pour que tu voies tout ce qu'ils deviendront après, par la puissance de la grâce qui les transformera...
« Vous ne savez pas ce que vous demandez. » Vous ne savez pas combien est grand cet honneur, combien c'est prodigieux. Être assis à ma droite ? Cela dépasse même les puissances angéliques. « Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire ? » Vous me parlez de trônes et de diadèmes insignifiants ; moi je vous parle de combats et de souffrances. Ce n'est pas maintenant que je recevrai ma royauté ; ce n'est pas encore l'heure de la gloire. Pour moi et les miens il s'agit pour l'instant de violence, de combats et de dangers.
Remarque bien qu'il ne leur demande pas directement : « Aurez-vous le courage de verser votre sang ? » Pour les encourager, il leur propose de partager sa propre coupe, de vivre en communion avec lui... Plus tard tu verras ce même saint Jean, qui pour l'instant cherche la première place, toujours céder la préséance à saint Pierre... Quant à Jacques, son apostolat n'a pas duré longtemps. Brûlant de ferveur, méprisant entièrement les intérêts purement humains, par son zèle il a mérité d'être le premier martyr parmi les apôtres (Ac 12,2).
Homélies sur l'évangile de Matthieu, n° 65, 2-4 ; PG 58, 619 ( cf bréviaire : 25/07)
La puissance d'une prière persévérante
Alors qu'elle devrait se retirer découragée, la Cananéenne approche de plus près et, adorant Jésus, elle lui dit : « Seigneur, viens à mon secours ! » Mais alors, femme..., tu ne l'as pas entendu dire : « Je n'ai été envoyé que pour les brebis perdues de la maison d'Israël » ? Je l'ai entendu, réplique-t-elle ; mais je sais qu'il est le Seigneur de toutes choses...
C'est parce qu'il prévoyait sa réponse que le Christ retardait d'exaucer sa prière. Il refusait sa demande pour souligner sa piété. S'il n'avait pas voulu l'exaucer, il ne lui aurait pas accordé sa demande à la fin... Ses réponses n'étaient pas destinées à lui faire de la peine, mais plutôt à l'attirer et à révéler ce trésor caché.
Mais considère, je te prie, en même temps que sa foi, son humilité profonde. Jésus a donné aux juifs le nom d'enfants ; la Cananéenne renchérit encore sur ce titre et les appelle des maîtres, tant elle était loin d'être jalouse des louanges prodiguées aux autres : « Les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table des maîtres »... Et c'est à cause de son humilité qu'elle a été admise au nombre des enfants. Le Christ lui dit alors : « Femme, ta foi est grande ». Il lui tardait de prononcer cette parole et de récompenser cette femme : « Qu'il t'advienne selon ton désir ! »... Tu le vois, la Cananéenne a une grande part dans la guérison de sa fille. En effet, le Christ ne dit pas : Que ta fille soit guérie, mais : « Ta foi est grande, qu'il t'advienne selon ton désir ! » Et remarque encore bien ceci : là où les apôtres avaient échoué et n'avaient rien obtenu, elle a réussi. Telle est la puissance d'une prière persévérante.
Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°52, 1-3 (trad. Véricel, L'Évangile commenté, p. 200 rev.)
« Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »
Les disciples sont de nouveau le jouet des flots et une tempête pareille à la première (Mt 8,24) se déchaîne contre eux ; mais alors ils avaient Jésus avec eux, tandis que cette fois ils sont seuls et livrés à eux-mêmes... Je pense que le Sauveur voulait ainsi ranimer leur cœur endormi ; en les jetant dans l'angoisse, il leur inspirait un plus vif désir de sa présence et il rendait son souvenir constamment présent à leur pensée. C'est pourquoi il n'est pas venu tout de suite à leur secours, mais « Vers la fin de la nuit, il est venu vers eux en marchant sur la mer »...
Pierre, toujours bouillant, toujours devançant les autres disciples, lui dit : « Seigneur, si c'est bien toi, donne-moi l'ordre de venir à toi sur les eaux »... Il ne lui dit pas : « Donne-moi l'ordre de marcher sur les eaux » mais « de venir à toi », car personne n'aimait Jésus comme lui. Il a fait la même chose après la résurrection : ne pouvant pas supporter d'aller aussi lentement que les autres dans la barque, il s'est jeté à l'eau pour les devancer et satisfaire son amour du Christ... Descendant donc de la barque, Pierre s'avançait vers Jésus, plus heureux d'aller vers lui que de marcher sur les eaux. Mais après être venu à bout du danger le plus grand, celui de la mer, il a failli succomber à un moins grave, celui du vent. Telle est la nature humaine : souvent, après avoir dominé des dangers sérieux, nous sommes abattus par de moins importants... Pierre n'était pas encore délivré de toute frayeur...malgré la présence du Christ près de lui. C'est qu'il ne sert de rien d'être à côté du Christ, si on n'en est pas proche par la foi. Voilà ce qui souligne la distance qui séparait le maître et le disciple...
« Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Si donc la foi de Pierre n'avait pas faibli, il aurait résisté au vent sans difficulté. Et la preuve, c'est que Jésus saisit Pierre, tout en laissant le vent souffler... De même que la mère soutient de ses ailes le petit oiseau sorti du nid avant le temps, quand il va tomber à terre, et le ramène dans le nid, ainsi fait le Christ à l'égard de Pierre.
Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°50, 1-2 (trad. Véricel, L'Évangile commenté, p. 168 rev.)
« Seigneur, ne leur compte pas ce péché »
Imitons notre Seigneur, et prions pour nos ennemis... Il était crucifié et priait en même temps son Père en faveur de ceux qui le crucifiaient. Mais comment pourrais-je imiter le Seigneur, peut-on se demander ? Si tu le veux, tu le peux. Si tu n'étais pas capable de le faire, comment aurait-il pu dire : « Prenez exemple sur moi, car je suis doux et humble de cœur » ? (Mt 11,29)...
Si tu as du mal à imiter le Seigneur, imite du moins celui qui est aussi son serviteur, son diacre. Je veux parler d'Étienne. Lui en effet, a imité le Seigneur. De même que le Christ au milieu de ceux qui le crucifiaient, sans tenir compte de la croix, sans tenir compte de sa propre situation, implorait le Père en faveur de ses bourreaux (Lc 23,34), de même le serviteur, entouré de ceux qui le lapidaient, assailli par tous, accablé de volées de pierres, sans tenir compte des souffrances qu'elles lui causaient, disait : « Seigneur, ne fais pas retomber sur eux cette faute » (Ac 7,60). Tu vois comment parlait le Fils et comment prie le serviteur ? Le premier dit : « Père, pardonne-leur cette faute : ils ne savent pas ce qu'ils font » et le second dit : « Seigneur, ne leur retiens pas cette faute ». D'ailleurs, pour qu'on réalise mieux avec quelle ardeur il priait, il ne priait pas simplement debout, sous les coups des pierres, mais c'est à genoux qu'il a parlé avec conviction et compassion...
Le Christ dit : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font ». Étienne s'écrie : « Seigneur, ne leur retiens pas cette faute ». Paul dit à son tour : « J'offre ce sacrifice pour mes frères, mes proches selon la race » (cf Rm 9,3). Moïse dit : « Si tu voulais bien pardonner leur faute, sinon efface-moi du Livre que tu as écrit » (Ex 32,32). David dit : « Que ta main retombe sur moi et sur ma famille » (2S 24,17)... Quel pardon pensons-nous pouvoir obtenir si nous faisons le contraire de ce qui nous est demandé et prions contre nos ennemis, alors que le Seigneur lui-même et ses serviteurs de l'Ancien et du Nouveau Testament nous exhortent à prier en leur faveur ?
Homélie pour le Vendredi saint « La Croix et le larron » (trad. Année en fêtes, Migne 2000, p. 285)
« Nous avons trouvé le Messie »
André, après avoir demeuré auprès de Jésus et avoir beaucoup appris, n'a pas gardé ce trésor pour lui : il se hâte de courir auprès de son frère, pour le faire participer aux biens qu'il a reçus... Remarque combien, dès le début, Pierre a un esprit docile et obéissant..., car il accourut sans tarder : « André le conduisit à Jésus », dit l'évangéliste. Mais que personne ne l'accuse de légèreté, comme s'il avait accueilli aveuglément l'invitation de son frère. Il est probable que celui-ci lui avait parlé en détail et longuement. Mais les évangélistes suppriment beaucoup de choses par souci de concision. D'ailleurs, on ne dit pas que Pierre a cru aussitôt, mais que son frère « le conduisit à Jésus » pour le lui confier, afin que Pierre soit entièrement instruit par lui.
Lorsque Jean Baptiste a dit : « Voici l'Agneau » et « C'est lui qui baptise dans l'Esprit Saint », il a confié au Christ le soin d'enseigner lui-même plus clairement cette doctrine. A plus forte raison André a-t-il fait de même, car il ne se jugeait pas capable de tout expliquer. Il a conduit son frère à la source même de la lumière, et avec tant de hâte et de joie qu'il n'a pas hésité un instant de s'y rendre.
Homélies sur l'évangile de Jean, n°19 (trad. Solesmes, Lectionnaire t. 1, p. 963 rev.)
Les pauvres devant l'église demandent une aumône. Combien donner ? C'est à vous de décider ; je ne fixerai pas de montant, afin de vous éviter tout embarras. Achetez dans la mesure de vos moyens. Vous avez une pièce ? Achetez le ciel ! Non pas que le ciel soit offert à bon marché, mais c'est la bonté du Seigneur qui vous le permet. Vous n'avez pas de pièce ? Donnez un verre d'eau fraîche (Mt 10,42)...
Nous pouvons acheter le ciel, et nous négligeons de le faire ! Pour un pain que vous donnez, vous obtenez en retour le paradis. Offrez même des objets de peu de valeur, et vous recevrez des trésors ; faites don de ce qui passe, et vous obtiendrez l'immortalité ; donnez des biens périssables, et recevez en échange des biens impérissables... Lorsqu'il s'agit de biens périssables, vous savez faire preuve de beaucoup de perspicacité ; pourquoi manifestez-vous une telle indifférence lorsqu'il s'agit de la vie éternelle ?... Nous pouvons d'ailleurs établir un parallèle entre ces vasques remplies d'eau que l'on trouve aux portes des églises pour y purifier ses mains, et les pauvres qui sont assis à l'extérieur de l'édifice pour que vous purifiiez votre âme par eux. Vous avez lavé vos mains dans l'eau : de la même manière, lavez votre âme par l'aumône...
Une veuve, réduite à une pauvreté extrême, a donné l'hospitalité à Élie (1R 17,9s) : son indigence ne l'a pas empêché de l'accueillir avec une grande joie. Et alors, en signe de reconnaissance, elle a reçu de nombreux cadeaux qui symbolisaient le fruit de son geste. Cet exemple vous fait souhaiter peut-être d'accueillir un Élie. Pourquoi demander Élie ? Je vous propose le Maître d'Élie, et vous ne lui offrez pas l'hospitalité... Voici ce que nous dit le Christ, le Seigneur de l'univers : « Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25,40).
Homélies sur la conversion, n°3, sur l'aumône (trad. coll. Pères dans la foi, n°8, DDB 1978, p. 54)
Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église
« Celui qui demande reçoit »
C'est une arme puissante que la prière, un trésor indéfectible, une richesse intarissable, un port à l'abri des tempêtes, un réservoir de calme ; la prière est la racine, la source et la mère de biens innombrables... Mais la prière dont je parle n'est ni médiocre, ni négligente ; c'est une prière ardente, jaillie de l'affliction de l'âme et de l'effort de l'esprit. Voilà la prière qui monte jusqu'au ciel... Écoute ce que dit l'écrivain sacré : « J'ai crié vers le Seigneur quand j'étais dans l'angoisse, et il m'a exaucé » (Ps 119,1). Celui qui prie ainsi dans son angoisse pourra, après la prière, goûter en son âme une grande joie....
Par « prière » j'entends non pas celle qui est seulement dans la bouche, mais celle qui jaillit du fond du cœur. Comme les arbres dont les racines s'enfoncent profondément ne sont ni brisés ni arrachés, même si les vents déchaînent mille assauts contre eux, parce que leurs racines sont fortement enserrées dans les profondeurs de la terre, de même les prières qui sortent du fond du cœur, ainsi enracinées, montent vers le ciel en toute sûreté et ne sont détournées par aucune pensée de manque d'assurance ou de mérite. C'est pourquoi le psalmiste dit : « Des profondeurs j'ai crié vers toi, Seigneur » (Ps 129,1)...
Si le fait de raconter à des hommes tes malheurs personnels et de leur décrire les épreuves qui t'ont frappé apporte quelque soulagement à tes peines, comme si à travers les paroles s'exhalait une brise rafraîchissante, à combien plus forte raison si tu fais part à ton Seigneur des souffrances de ton âme trouveras-tu en abondance consolation et réconfort ! En effet, souvent les hommes supportent difficilement ceux qui viennent se plaindre et pleurer auprès d'eux ; ils les écartent et les repoussent. Mais Dieu n'agit pas ainsi ; au contraire il te fait approcher et t'attire à lui ; et même si tu passes toute la journée à lui exposer tes malheurs, il n'en sera que mieux disposé à t'aimer et à exaucer tes supplications.
Homélies sur l'incompréhensibilité de Dieu, n°5 (trad. En Calcat)
« Les petits chiens, sous la table, mangent les miettes des petits enfants »
En s'approchant de Jésus, la Cananéenne ne dit que ces mots : « Aie pitié de moi » (Mt 15,22), et ses cris redoublés attirent un grand nombre de gens. C'était un spectacle touchant que de voir une femme crier avec tant d'émotion, une mère implorer pour sa fille, une enfant si durement malmenée... Elle ne dit pas « Aie pitié de ma fille », mais : « Aie pitié de moi ». « Ma fille ne se rend pas compte de son mal ; moi au contraire, j'éprouve mille souffrances, je suis malade de la sentir dans cet état, je suis presque folle de la voir ainsi »...
Jésus lui répond : « Je n'ai été envoyé que pour les brebis perdues de la maison d'Israël » (Mt 15,24). Que fait la Cananéenne après avoir entendu ces paroles ? Est-ce qu'elle s'en va en gardant le silence ? Perd-elle courage ? Pas du tout ! Elle insiste davantage. Ce n'est pas ce que nous faisons : quand nous ne sommes pas exaucés, nous nous retirons découragés, alors qu'il faudrait insister avec plus d'ardeur. Qui donc, il est vrai, n'aurait pas été découragé par la réponse de Jésus ? Son silence aurait suffi à ôter tout espoir... Mais cette femme ne perd pas courage, au contraire elle s'approche de plus près et se prosterne en disant : « Seigneur, viens à mon aide (v. 25)... Si je suis un petit chien dans cette maison, alors je ne suis plus une étrangère. Je sais bien que la nourriture est nécessaire aux enfants..., mais il ne faut pas interdire de donner les miettes. On ne doit pas me les refuser..., parce que je suis le petit chien qu'on ne peut pas repousser ».
C'est parce qu'il prévoyait sa réponse que le Christ tardait à exaucer sa prière... Ses réponses n'étaient pas destinées à faire de la peine à cette femme, mais à révéler ce trésor caché.
Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°52, § 2 ; PG 58, 520
« Mes paroles sont esprit et vie »
« Prenez et mangez, dit Jésus, ceci est mon corps qui est rompu pour vous » (cf 1Co 11,24). Pourquoi les disciples n'ont-ils pas été troublés en entendant ces mots ? C'est parce que le Christ leur avait déjà dit beaucoup de grandes choses à ce sujet (Jn 6)... Faisons pleinement confiance à Dieu, nous aussi. Ne lui faisons pas d'objections, même si ce qu'il dit paraît contraire à nos raisonnements et à ce que nous voyons. Que sa parole soit plutôt maîtresse de notre raison et de notre vue elle-même. Ayons cette attitude face aux mystères sacrés : n'y voyons pas seulement ce qui tombe sous nos sens, mais tenons surtout compte des paroles du Seigneur. Sa parole ne peut pas nous tromper, alors que nos sens nous égarent facilement ; elle n'est jamais prise en défaut, mais eux défaillent très souvent. Lorsque le Verbe dit : « Ceci est mon corps », fions-nous à lui, croyons et contemplons-le avec les yeux de l'esprit...
Combien de gens disent aujourd'hui : « Je voudrais voir le Christ en personne, son visage, ses vêtements, ses chaussures ». Eh bien, dans l'eucharistie c'est lui que tu vois, que tu touches, lui que tu reçois ! Tu désirais voir ses vêtements ; et c'est lui-même qui se donne à toi non seulement pour le voir, mais pour le toucher, le manger, l'accueillir dans ton cœur. Que personne donc ne s'approche avec indifférence ou avec mollesse ; mais que tous viennent à lui animés d'un amour brûlant.
Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°82 ; PG 58, 743 (trad. Orval rev.)
Saint Matthias, témoin de la résurrection, choisi par Dieu
« En ces jours-là, Pierre se leva au milieu des disciples et parla » (Ac 1,15s). Parce qu'il est fervent et parce qu'il est le premier du groupe, il est toujours le premier à prendre la parole : « Frères, il nous faut choisir parmi...les hommes qui nous ont accompagnés ». Remarquez comment il veut que ces nouveaux apôtres soient des témoins oculaires. Sans doute le Saint Esprit devait venir, mais Pierre attachait beaucoup d'importance à ce point. « Parmi les hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous. » Il leur indique qu'ils doivent avoir vécu avec lui et ne pas avoir été de simples disciples. En effet, au début, beaucoup de gens le suivaient... « Jusqu'au jour où il nous a été enlevé. Il faut donc que l'un d'entre eux devienne avec nous témoin de sa résurrection. »
Pierre n'a pas dit : « témoin de tout le reste », mais seulement « témoin de la résurrection ». Car il serait plus digne de foi, le disciple qui pourrait dire : « Celui qui mangeait, qui buvait, qui a été crucifié, c'est celui-là qui est ressuscité ». Par conséquent, il ne fallait pas qu'il soit témoin des époques précédentes, ni des suivantes, ni des miracles. Ce qu'on exigeait, c'était qu'il soit témoin de la résurrection. Tout le reste avait été manifesté et proclamé. Tandis que la résurrection s'était accomplie dans le secret, elle n'était manifeste que pour quelques-uns.
3ème homélie sur les Actes des apôtres ; PG 60, 33 (trad. bréviaire 14/05)
« Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? »
Ce n'était pas un empressement médiocre que le jeune homme avait montré ; il était comme un amoureux. Alors que les autres hommes s'approchaient du Christ pour le mettre à l'épreuve ou pour lui parler de leurs maladies, de celles de leurs parents ou d'autres gens encore, lui s'approche pour s'entretenir avec lui de la vie éternelle. Le terrain était riche et fertile, mais il était plein de ronces prêtes à étouffer les semences (Mt 13,7). Considère comme il est bien disposé à obéir aux commandements : « Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? »... Aucun Pharisien n'a jamais manifesté de tels sentiments ; ils étaient plutôt furieux d'avoir été réduits au silence. Notre jeune homme, lui, est reparti les yeux baissés de tristesse, signe non négligeable de ce qu'il n'était pas venu avec de mauvaises dispositions. Il était seulement trop faible ; il avait le désir de la Vie, mais une passion très difficile à surmonter le retenait...
« Si tu veux être parfait, va, vends tes biens, donnes-en le prix aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, suis-moi... En entendant ces paroles, le jeune homme s'en alla tout triste ». L'évangéliste montre quelle est la cause de cette tristesse : c'est qu'il « avait de grands biens ». Ceux qui ont peu et ceux qui sont plongés dans l'abondance ne possèdent pas leurs biens de la même façon. Chez les derniers l'avarice peut être une passion violente, tyrannique. En eux, toute nouvelle possession allume une flamme plus vive, et ceux qui en sont atteints sont plus pauvres qu'avant. Ils ont plus de désirs et pourtant sentent plus fort leur soi-disant indigence. Considère en tout cas comment ici la passion a montré sa force... « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d'entrer dans le royaume de Dieu ! » Non que le Christ condamne les richesses, mais plutôt ceux qu'elles possèdent.
Homélie 63 sur St Matthieu ; PG 58, 603s (trad. Marc commenté, DDB 1986, p. 103)
« Il lui restait encore quelqu'un : son fils bien-aimé »
« Le Christ nous a confié le ministère de la réconciliation » (2Co 5,18). Paul fait ressortir la grandeur des apôtres en nous montrant quel ministère leur a été confié, en même temps qu'il manifeste de quel amour Dieu nous a aimés. Après que les hommes eurent refusé d'entendre celui qu'il leur avait envoyé, Dieu n'a pas fait éclater sa colère, il ne les a pas rejetés. Il persiste à les appeler par lui-même et par les apôtres...
« Dieu a mis dans notre bouche la parole de la réconciliation » (v. 19). Nous venons donc, non pour une œuvre pénible, mais pour faire de tous les hommes des amis de Dieu. Puisqu'ils n'ont pas écouté, nous dit le Seigneur, continuez à les exhorter jusqu'à ce qu'ils en viennent à la foi. C'est pourquoi Paul ajoute : « Nous sommes les ambassadeurs du Christ ; c'est Dieu lui-même qui vous adresse un appel par nous. Nous vous en supplions au nom du Christ : réconciliez-vous avec Dieu »...
Que pourrait-on comparer à un si grand amour ? Après que nous avons payé ses bienfaits par des outrages, loin de nous châtier, il nous a donné son Fils pour nous réconcilier avec lui. Or, loin de vouloir se réconcilier, les hommes l'ont fait mourir. Dieu a envoyé d'autres ambassadeurs pour les exhorter et, après cela, il se fait lui-même suppliant par eux. C'était toujours lui qui demandait : « Réconciliez-vous avec Dieu ». Il ne dit pas : « Réconciliez Dieu avec vous ». Ce n'est pas lui qui nous repousse ; c'est vous qui refusez d'être ses amis. Est-ce que Dieu peut éprouver un sentiment de haine ?
11ème homélie sur la 2ème lettre aux Corinthiens (trad. cf Bouchet, Lectionnaire, p. 349)
« Ceci est mon sang..., répandu pour la multitude »
Les amants de ce monde prouvent leur générosité en donnant de l'argent, des vêtements, des cadeaux divers ; personne ne donne son sang. Le Christ, lui, le donne ; il prouve ainsi la tendresse qu'il nous porte et l'ardeur de son amour. Sous l'ancienne Loi...Dieu acceptait de recevoir le sang des sacrifices, mais c'était pour empêcher son peuple de l'offrir aux idoles, et c'était déjà la preuve d'un très grand amour. Mais le Christ a changé ce rite... ; la victime n'est plus la même : c'est lui-même qu'il offre en sacrifice.
« Le pain que nous rompons, n'est-il pas la communion au corps du Christ ? » (1Co 10,16)... Qu'est-ce que ce pain ? Le corps du Christ. Que deviennent ceux qui y communient ? Le corps du Christ : non pas une multitude de corps mais un corps unique. De même que le pain, composé de tant de grains de blé, n'est qu'un pain unique où les grains disparaissent, de même que les grains y subsistent mais qu'il est impossible de les distinguer dans la masse si bien unie, ainsi nous tous, ensemble et avec le Christ, nous ne faisons qu'un tout... Maintenant, si nous participons tous au même pain, et si tous nous sommes unis à ce même Christ, pourquoi ne montrons-nous pas un même amour ? Pourquoi ne devenons-nous pas un en cela aussi ?
C'est ce que l'on voyait au temps des débuts : « Toute la multitude de ceux qui croyaient n'avaient qu'un cœur et qu'une âme » (Ac 4,32)... Le Christ est venu te chercher, toi qui étais si loin de lui, pour s'unir à toi ; et toi, tu ne veux pas être un avec ton frère ?... Tu te sépares violemment de lui, après avoir obtenu du Seigneur une si grande preuve d'amour –- et la vie ! En effet, il n'a pas seulement donné son corps, mais, comme notre chair, tirée de la terre, avait perdu la vie et était morte par le péché, il y a introduit pour ainsi dire, une autre substance, comme un ferment : c'est sa chair à lui, sa chair de même nature que la nôtre mais exempte de péché et pleine de vie. Et il nous l'a donnée à tous, afin que, nourris par ce banquet de cette chair nouvelle...nous puissions entrer dans la vie immortelle.
24ème homélie sur la 1ère lettre aux Corinthiens, 2 ; PG 61, 199 (trad. coll. Icthus, t. 9, p. 170 rev.)
« Tu l'as révélé aux tout-petits »
« Je proclame ta louange, dit Jésus, parce que tu as caché cela au sages et aux savants. » Comment ! Se réjouit-il de la perte de ceux qui ne croient pas en lui ? Pas du tout : que les desseins de Dieu pour le salut des hommes sont admirables ! Quand ils s'opposent à la vérité, refusent de la recevoir, Dieu ne les force jamais, il les laisse faire. Leur égarement les pousse à retrouver le chemin ; rentrant en eux-mêmes, ils recherchent avec empressement la grâce de l'appel à la foi qu'ils avaient d'abord méprisée. Quant à ceux qui y sont restés fidèles, leur ferveur se montre ainsi encore plus forte. Le Christ se réjouit donc de ce que ces choses sont révélées à certains, mais se désole de ce qu'elles sont cachées à d'autres ; cela se voit quand il pleure sur la ville (Lc 19,41). C'est dans le même esprit que saint Paul écrit : « Rendons grâce à Dieu ! Vous qui étiez esclaves du péché, vous avez obéi maintenant de tout votre cœur à l'enseignement de l'Évangile » (Rm 6,17)...
De quels sages Jésus veut-il parler ici ? Des scribes et des pharisiens. Il dit cela pour encourager ses disciples en leur montrant de quels privilèges ils ont été jugé dignes ; eux qui sont de simples pêcheurs, ils ont reçu des lumières que les sages et les savants ont dédaignées. Ceux-ci ne sont sages que de nom ; ils se croient sages mais ce sont de faux érudits. C'est pourquoi le Christ ne dit pas : « Tu l'as révélé aux insensés », mais « aux petits », c'est-à-dire des gens simples et sans détour... Ainsi il nous enseigne à renoncer à folie des grandeurs et à rechercher la simplicité. Saint Paul va plus loin : « Si quelqu'un pense être un sage à la manière d'ici-bas, qu'il devienne fou pour devenir sage » (1Co 3,18)
Sermons sur l'évangile de Matthieu, n°38, 1
Faire fructifier les dons reçus
La parabole des talents concerne tous les hommes qui, au lieu de venir en aide à leurs frères par leurs biens, leurs conseils, ou tout autre moyen, ne vivent que pour eux-mêmes... Dans cette parabole, Jésus veut nous révéler la longue patience de notre Seigneur, mais, à mon avis, il y fait aussi allusion à la résurrection générale... Tout d'abord les serviteurs qui rendent compte de leur gestion reconnaissent sans détour ce qui est le don de leur maître et ce qui est le fruit de leur gestion. Le premier dit : « Seigneur, tu m'as confié cinq talents », et le deuxième : « Seigneur, tu m'as confié deux talents » ; ils reconnaissent ainsi qu'ils tiennent de la bonté de leur maître le capital qu'ils ont fait valoir à leur profit. Leur reconnaissance va si loin qu'ils attribuent tout le mérite et toute la gloire de leur succès à la confiance de leur maître. Que répond alors le maître ? « Très bien, serviteur bon et fidèle. » N'est-ce pas réellement être bon que de s'appliquer à faire du bien à ses frères ?... « Entre dans la joie de ton maître » : il s'agit de la béatitude de la vie éternelle.
Mais il n'en va pas de même pour le mauvais serviteur... Quelle est donc la réponse du maître ? « Serviteur mauvais et paresseux, il fallait placer mon argent à la banque », c'est-à-dire qu'il fallait parler, exhorter, conseiller tes frères. « Mais, réplique l'autre peut-être, les gens ne m'écoutaient pas ». A quoi le maître répond : « Cela n'est pas ton affaire... Tu aurais pu au moins mettre cet argent en dépôt et me laisser le soin de m'en charger à mon retour, avec les intérêts ». Ces intérêts désignent les bonnes œuvres qui procèdent de l'écoute de la Parole que nous devons dire. « Tu avais seulement à faire la part la plus facile du travail et à me laisser la plus difficile »... Qu'est-ce à dire ? Celui qui a reçu pour le bien d'autrui la grâce de la parole et de l'enseignement et n'en fait pas usage se fera enlever cette grâce. Mais celui qui dépense la grâce qu'il a reçue avec zèle et sagesse, recevra une grâce plus abondante encore.
Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°78, 2-3; PG 58, 713-714
Je n'ai pas persuadé aujourd'hui mon auditeur, mais peut-être le ferai-je demain, peut-être dans trois ou quatre jours ou dans quelque temps. Le pêcheur qui a jeté inutilement ses filets pendant un jour entier prend quelquefois sur le soir, au moment de partir, le poisson qu'il n'avait pas pu prendre pendant le jour. Le laboureur ne laisse pas de cultiver ses terres, même s'il n'a pas eu de bonne récolte pendant plusieurs années, et à la fin, une seule année répare souvent et abondamment toutes les pertes antérieures.
Dieu ne nous demande pas de réussir, mais de travailler ; or, notre travail ne sera pas moins récompensé parce qu'on ne nous aura pas écoutés... Le Christ savait bien que Judas ne se convertirait pas et pourtant jusqu'à la fin il essayait de le convertir, en lui reprochant sa faute dans les termes les plus touchants : « Ami, pourquoi es-tu venu ? » (Mt 26,50 grec). Or, si le Christ, le modèle des pasteurs, a travaillé jusqu'à la fin à la conversion d'un homme désespéré, que ne devons-nous pas faire pour ceux envers qui il nous est ordonné de toujours espérer ?
(trad. AELF)
« Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie »
En convoitant les premières places, les plus hautes charges et les honneurs les plus élevés, les deux frères Jacques et Jean voulaient, à mon avis, avoir autorité sur les autres. C'est pourquoi Jésus s'oppose à leur prétention. Il met à nu leurs pensées secrètes en leur disant : « Celui qui veut être le premier sera le serviteur de tous ». Autrement dit : « Si vous ambitionnez le premier rang et les plus grands honneurs, recherchez le dernier rang, appliquez-vous à devenir les plus simples, les plus humbles et les plus petits de tous. Mettez-vous après les autres. Telle est la vertu qui vous procurera l'honneur auquel vous aspirez. Vous en avez près de vous un exemple éclatant, ' puisque le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude ' (Mc 10,45). Voilà comment vous obtiendrez gloire et célébrité. Voyez ce qui m'arrive : je ne recherche ni honneur ni gloire, et pourtant le bien que je réalise ainsi est infini ».
Nous le savons : avant l'incarnation du Christ et son abaissement, tout était perdu, tout était corrompu ; mais, après qu'il se soit humilié, il a tout relevé. Il a aboli la malédiction, détruit la mort, ouvert le paradis, mis à mort le péché, déverrouillé les portes du ciel pour y ramener les prémices de notre humanité. Il a propagé la foi partout dans le monde. Il a chassé l'erreur et rétabli la vérité. Il a fait monter sur un trône royal les prémices de notre nature. Le Christ est l'auteur de biens infiniment nombreux, que ni ma parole, ni aucune parole humaine ne saurait décrire. Avant son abaissement, il n'était connu que des anges, mais, depuis qu'il s'est humilié, la race humaine tout entière l'a reconnu.
Homélie contre les Anoméens, 8, 6 ; PG 48, 776 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 299)
« Jusqu'à ce que toute la pâte ait levé »
Le Seigneur propose ensuite la parabole du levain. « De même que le levain communique sa force invisible à toute la masse de la pâte, de même la force de l'Évangile transformera le monde entier grâce au ministère de mes apôtres... Ne me dites pas : ' Que pouvons-nous faire, nous douze misérables pécheurs, face au monde entier ? ' C'est précisément la différence énorme entre cause et effet, la victoire d'une poignée d'hommes face à la multitude, qui démontrera l'éclat de votre puissance. N'est-ce pas en enfouissant le levain dans la pâte, en l'y ' cachant ', selon le mot de l'Évangile, qu'il transforme toute la masse ? Ainsi, vous mes apôtres, c'est en vous mêlant à la masse des peuples que vous les pénétrerez de votre esprit et que vous triompherez sur vos adversaires. Le levain, tout en disparaissant dans la masse, n'y perd pas sa force ; au contraire, il change la nature de toute la pâte. De même votre prédication changera tous les peuples. Ainsi, soyez pleins de confiance »...
C'est le Christ qui donne une telle force à ce levain... Ne lui reprochez donc pas le petit nombre de ses disciples : c'est la puissance du message qui est grande... Il suffit d'une étincelle pour transformer en brasier quelques morceaux de bois sec, qui ensuite enflamment même tout le bois vert aux alentours.
Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°46, 2
Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église
« Je suis doux et humble de cœur »
Aujourd'hui encore, le Christ est pour nous un maître plein de douceur et d'amour.... Voyez comment il agit. Il se montre compatissant pour le pécheur qui mérite pourtant ses rigueurs. Ceux qui provoquent sa colère devrait être anéantis, mais il adresse aux hommes coupables des paroles pleines de douceur : « Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur ». Dieu est humble ; l'homme, orgueilleux. Le juge se montre clément ; le malfaiteur, arrogant. L'artisan dit des paroles d'humilité ; l'argile discourt à la manière d'un roi (cf Is 29,16; 45,9). « Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur. » Il n'apporte pas le fouet pour châtier, mais le remède pour guérir.
Songez donc à sa bonté inexprimable. Allez-vous refuser votre amour au Maître qui jamais ne frappe et votre admiration au juge qui implore pour le coupable ? Ses paroles si simples ne peuvent pas vous laisser insensibles : « Je suis le Créateur et j'aime mon œuvre ; je suis l'artisan et je prends soin de celui que j'ai formé (cf Gn 2,7). Si je ne voulais me soucier que de ma dignité, je ne relèverais pas l'homme déchu. Si je ne traitais pas sa maladie incurable avec des remèdes appropriés, jamais il ne pourrait recouvrer la santé. Si je ne le réconfortais pas, il mourrait. Si je ne faisais que le menacer, il périrait. Il gît sur le sol, mais je vais lui mettre le baume de la bonté (cf Lc 10,34). Ému de compassion, je m'abaisse profondément pour le relever de sa chute. Celui qui se tient debout ne pourrait pas relever un homme couché par terre sans s'incliner pour lui tendre la main. ' Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur ' ».
Homélie à la mémoire de saint Bassus, 2 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 115 rev.)
"Vois d'où [le sang du Christ] a commencé à couler et d'où il a pris sa source : il descend de la croix, du côté du Seigneur. Comme Jésus déjà mort, dit l'Evangile, était encore sur la croix, le soldat s'approcha, lui ouvrit le côté d'un coup de sa lance et il en jaillit de l'eau et du sang. Cette eau était le symbole du baptême, et le sang celui des mystères. [...] C'est donc le soldat qui lui ouvrit le côté ; il a percé la muraille du temple saint ; et moi, j'ai trouvé ce trésor et j'en ai fait ma richesse. Ainsi en a-t-il été de l'Agneau : les Juifs égorgeaient la victime, et moi j'ai recueilli le salut, fruit de ce sacrifice.
Et il jaillit de son côté de l'eau et du sang. Ne passe pas avec indifférence, mon bien-aimé, auprès du mystère. Car j'ai encore une autre interprétation mystique à te donner. J'ai dit que cette eau et ce sang étaient le symbole du baptême et des mystères. Or, l'Eglise est née de ces deux sacrements : par ce bain de la renaissance et de la rénovation dans l'Esprit, par le baptême donc, et par les mystères. Or, les signes du baptême et des mystères sont issus du côté. Par conséquent le Christ a formé l'Eglise à partir de son côté, comme il a formé Eve à partir du côté d'Adam."
(Catéchèse baptismale, 3, 13-19, Sources Chrétiennes, vol. 50, pp. 174-177)
L’ignorance des Ecritures est la source de maux innombrables
"... l'ignorance des Ecritures est la source de maux innombrables. De là l'affreuse peste des hérésdies, de là le relâchement de la conduite, de là les travaux stériles. Car de même que des aveugles ne sauraient marcher droit, ainsi ceux qui ne jouissent pas de la lumière des divines Ecritures, sont condamnés à pécher et à s'égarer souvent, puisqu'ils marchent au milieu des plus épaisses ténèbres. Pour éviter ce malheur, ouvrons les yeux à l'éclat des paroles de l'Apôtre ; car la langue de Paul surpasse le soleil en splendeur, et son enseignement brille par dessus tous les autres. Parce qu'il a plus travaillé que les autres, il s'est attiré de grandes grâces du Saint-Esprit, et je le prouverais, non seulement par ses épîtres, mais encore par ses actes..."
(Commentaire sur l'épître de St Paul aux Romains)
"La prière faite avec ardeur et dans la détresse, voilà la prière qui monte jusqu'au ciel. Et pour que tu saches bien que les prières ont plus de chances d'être exaucées lorsqu'elles sont proférées dans l'angoisse, écoute de que dit l'écrivain sacré : J'ai crié vers le Seigneur dans mon angoisse et il m'a exaucé (Ps 117, 5).
[...] Tu manques d'assurance ? C'est au contraire une grande sécurité et un grand avantage de croire que l'on manque de motif d'assurance, comme c'est une honte et une condamnation de croire que l'on a toute raison d'être sûr de soi.
[...]Quand bien même tu aurais accompli beaucoup de bonnes actions, et même si ta conscience ne te reproche rien, si tu crois avoir toute raion d'être sûr de toi, tu perds tout bénéfice de ta prière. Par contre, même si ta conscience est chargée du fardeau de millions de péchés, pour peu que tu sois convaincu d'être le dernier des hommes, tu pourras t'adresser à Dieu en toute assurance. (Sur l'incompréhensibilité de Dieu, Homélie V)
"Car quiconque a déjà, on lui donnera, et il sera comblé de biens; mais pour celui qui n'a point, on lui ôtera même ce qu'il a (Mt 13, 12). Cette parole, quoiqu'extrêmement obscure, fait voir néanmoins qu'il y a en Dieu une justice ineffable. Il semble que Jésus-Christ dise :
Si quelqu'un a de l'ardeur et du désir, Dieu lui donnera toutes choses. Mais s'il est froid et sans vigueur, et qu'il ne contribue point de son côté, Dieu non plus ne lui donnera rien :
On lui ôtera même, dit Jésus-Christ, ce qu'il croit avoir ; non que Dieu le lui ôte en effet, mais c'est qu'il le juge indigne de ses grâces et de ses faveurs.
Nous agissons nous-mêmes tous les jours de cette façon. Lorsque nous remarquons que quelqu'un nous écoute froidement, et qu'après l'avoir conjuré de s'appliquer à ce que nous lui disons, nous ne gagnons rien sur son esprit, nous nous taisons alors ; parce qu'en continuant de lui parler, nous attirerions sur sa négligence une condamnation encore plus sévère. Lorsqu'au contraire nous voyons un homme qui nous écoute avec ardeur, nous l'encourageons encore davantage, et nous répandons avec joie dans son âme les vérités saintes."
(Sermon 45 sur Mt, 1)
"Apprenons à vivre selon la sagesse et à honorer le Christ comme il le veut lui-même. Car l'hommage qui lui est le plus agréable est celui qu'il demande, non celui que nous-mêmes choisissons. Lorsque Pierre croyait l'honorer en l'empêchant de lui laver les pieds, ce n'était pas de l'honneur, mais tout le contraire. Toi aussi, honore-le de la manière prescrite par lui en donnant ta richesse aux pauvres. Car Dieu n'a pas besoin de vases d'or mais d'âmes qui soient en or."
(Sermon sur l'Evangile de Matthieu, 50, 3)
Jésus est tenté "...après la descente du Saint-Esprit sur Jésus, après que cette voix divine se fut fait entendre du ciel : C'est là mon fils bien-aimé dans lequel j'ai mis toute mon affection..Qui n'admirera, mes frères, que l'Esprit de Dieu ait conduit Jésus-Christ dans le désert, afin d'y être tenté par le démon ? Car c'est le Saint-Esprit lui-même qui l'y a conduit. Comme Jésus-Christ était venu au monde pour nous servir de modèle, et avait résolu pour cela de tout faire et de tout souffrir, il veut bien se laisser aussi conduire dans le désert, et lutter contre le démon ; afin que les nouveaux baptisés se voyant pressés de quelques grandes tentations après le baptême, n'entrent point dans le trouble et le découragement, comme s'il leur était arrivé quelque chose contre leur attente, mais qu'ils souffrent cette épreuve avec constance, comme une suite nécessaire de la profession qu'ils ont embrassée."
(Jean Chrysostome : Commentaire sur Matthieu, 13, 1).
Là où deux ou trois sont réunis en mon nom
"Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, dit Jésus, je suis au milieu d'eux (Mt 18, 20). C'est, en effet, le propre d'une grande et forte amitié que de maintenir dans l'unité ceux qui s'aiment. Y a-t-il des gens assez misérables, direz-vous, pour ne pas désirer avoir le Christ au milieu d'eux ? Oui, nous-mêmes, nous qui sommes en lutte les uns contre les autres. On me répliquera peut-être en se moquant : Que dis-tu là ? Ne vois-tu pas que nous sommes tous dans les mêmes murs, dans l'enceinte de la même église, unanimes dans la même bergerie, sans la moindre dissenssion, criant à l'unisson sous la conduite d'un même pasteur, écoutant ensemble ce qui est dit, et priant en commun ? Et tu parles de luttes et de discordes !
Oui, je parle de luttes et je ne suis pas fou ni égaré. Je vois ce que je vois et je sais que nous sommes dans le même bercail et sous le même pasteur. Et j'estime d'autant plus déplorable que, malgré tous ces signes de rassemblement, nous soyons divisés. Mais, direz-vous, quelle division vois-tu parmi nous ? Ici, aucune, mais dès que votre assemblée a pris fin, celui-ci critique celui-là, l'un injurie publiquement l'autre, tel est dévoré par l'envie, l'avarice ou la cupidité ; tel autre se livre à la violence, tel autre à la sensualité, à la fourberie ou à la fraude. Si nos âmes pouvaient être mises à nu, vous constateriez alors l'exactitude de tout cela, et vous reconnaîtriez que je ne suis pas fou.
. Si ton prochain t'a injurié, prie Dieu de lui faire miséricorde. C'est ton frère, un de tes membres ; il est appelé à la même table que toi."
(Homélie 8 sur l'Epître aux Romains, 7-8).
"Ne considère pas indigne de toi, parce que tu es un homme, d'être enseigné par une femme. Puisque l'homme et la femme ne sont pas différents en leur âme, mais en leur corps, et que le combat contre le diable se fait au moyen de la raison et de la pensée, et non avec le corps, c'est à bon droit que la femme doit avoir confiance.
Dans les Ecritures, as-tu vu Eli ? As-tu vu Anne (1 R 1-4) ? La nature ne fut d'aucune utilité au premier, elle n'empêcha pas la seconde de mener en cadence l'éducation de ses enfants ; au contraire, Anne acquit plus de renommée qu'Eli.
Ecoute aussi Paul, qui dit : La femme victime de la tromperie (cf; Gn 3, 6) fut dans la transgression, mais elle sera sauvée par l'enfantement, à condition que ses enfants persévèrent avec tempérance dans la foi, l'amour et la sainteté (1 Tm 2, 14-15). Donner naissance est à la fois un avantage et un désavantage de la nature, mais façonner quant à l'âme ceux qui sont nés dépend de la sollicitude de la mère qui donne le jour. Songe comme c'est important : alors que Dieu a mis sous ta responsabilité ceux qui sont nés, au point d'ajouter ce commandement aussitôt après celui qui le concerne lui-même (cf. Dt 6, 5-7), toi tu es nonchalant au point de voir avec indifférence mourir ceux que tu as reçus sous ton autorité ! Cette parole concerne donc non seulement les enfants, mais aussi ceux qui leur donnent naissance, afin qu'ils se rendent eux-mêmes dignes d'enseigner."
(Jean Chrysostome : Commentaire sur les proverbes,
extrait traduit par Guillaume Bady pour Magnificat n° 241, décembre 2012).
"Différents sont les dons, mais, à l'évidence, cela même est un don. Tel don s'harmonise avec le caractère de certains hommes, tel autre avec d'autres, et, si les dons étaient échangés, ils deviendraient dès lors inutiles. Même s'il semble y avoir une grave dissension, tout fait partie d'un grand dessein ; cela arrive pour que chacun ait la place qui lui convient."
(34e Homélie sur les Actes des Apôtres, 1).
"[le Christ dans le Notre Père] a invité à prier non pour les richesses, ni pour les délices, ni pour la somptuosité des vêtements, ni pour aucun autre des biens de cet ordre, mais seulement pour le pain, et pour le pain quotidien, de manière à ce que l’on ne se préoccupe pas du lendemain. C’est pourquoi il a ajouté "le pain de ce jour", c’est-à-dire le [pain] quotidien. Et il ne s’est même pas contenté de ce mot : il en a ajouté encore un autre ensuite, quand il a dit : "Donne-nous aujourd’hui", de sorte que l’on ne se ronge pas par le souci de [ce qui adviendra] au-delà de ce jour. Pourquoi en effet supportes-tu de t’en préoccuper, sans savoir si tu verras l’intervalle de temps qui t’en sépare ? Il l’a ordonné encore plus loin plus explicitement, quand il dit : "Ne vous préoccupez pas du lendemain". Ce qu’il veut, c’est de toute manière, nous soyons les reins bien ceints et pourvus d’ailes, concédant à la nature seulement ce que la nécessité du besoin exige de nous."
(Commentaire sur Matthieu, 19, 5).
"Voyez les animaux en hiver. Ils vont s’abriter dans les trous des rochers. Puis quand ils voient l’été apparaître, ils abandonnent leur tanière, vivent à nouveau en troupeau avec les autres animaux et bondissent de joie en même temps que nous. Ainsi mon âme, qui s’est cachée dans la conscience de sa faiblesse comme dans une tanière, quand elle voit le désir de votre amour, abandonne sa tanière et vit en communion avec vous ; elle bondit de joie en même temps que vous dans les Ecritures comme dans une danse, dans le pré spirituel et divin, dans le paradis de l’Ecriture."
(3e homélie sur l’inscription des Actes des apôtres.
Sur l’utilité de la lecture des Ecritures, 1).
"Fais-toi des amis plutôt que des serviteurs ou que toute autre chose. Celui qui fait la paix est un fils de Dieu [cf. Mt 5, 9] ; combien plus si l’on fait des amis ! Celui qui ne fait que réconcilier est appelé fils de Dieu ; mais celui qui rend amis ceux qui se sont réconciliés, comment ne méritera-t-il pas qu’on l’appelle !
Faisons donc cette affaire : faisons-nous des amis de nos ennemis, et ceux qui ne sont ni nos ennemis ni nos amis, rassemblons-les eux aussi. Et avant tout réconcilions-nous avec nous-mêmes..."
( Homélie 37 sur les Actes des Apôtres, 3).
Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église
Suivons les mages
Levons-nous, à l'exemple des mages. Laissons tout le monde se troubler ; mais nous, courons avec joie à la demeure de l'enfant. Si les rois ou les peuples s'efforcent de nous barrer le chemin, peu importe, ne ralentissons pas notre ferveur, repoussons tous les maux qui nous menacent. S'ils n'avaient pas vu l'enfant, les mages n'auraient pas échappé au danger qu'ils couraient de la part du roi Hérode. Avant d'avoir eu le bonheur de le contempler, ils étaient assiégés par la crainte, entourés de périls, plongés dans le trouble ; après qu'ils l'ont adoré, le calme et la sécurité se sont établis dans leur cœur...
Laissons donc là, nous aussi, une ville en désordre, un despote assoiffé de sang, toutes les richesses de ce monde, et venons à Bethléem, la « maison du pain » spirituel. Si tu es berger, viens seulement, et tu verras l'enfant dans l'étable. Si tu es roi, tes vêtements fastueux, tout l'éclat de ta dignité, ne te serviront de rien si tu ne viens pas. Si tu es homme de science comme les mages, toutes tes connaissances ne te sauveront pas si tu ne viens pas montrer ton respect. Si tu es un étranger ou même un barbare, tu seras admis à la cour de ce roi... Il suffit de venir avec frayeur et avec joie, ces deux sentiments qui habitent un cœur vraiment chrétien...
Avant d'adorer cet enfant, décharge-toi de tout ce qui t'encombre. Si tu es riche, dépose ton or à ses pieds, c'est-à-dire, donne-le aux pauvres. Ces étrangers sont venus de si loin pour contempler ce nouveau-né ; comment pourrais-tu...refuser de faire quelques pas pour visiter un malade ou un prisonnier ?... Les mages ont offert leurs trésors à Jésus, et toi, tu n'as même pas un morceau de pain à lui donner ? (Mt 25,35s) Quand ils ont vu l'étoile, leur cœur a été rempli de joie ; tu vois le Christ dans les pauvres, manquant de tout, et tu passes outre, tu n'es pas ému ?
Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°7, 5
Remarquons l'abandon confiant des disciples à la providence de Dieu dans les plus grandes nécessités de la vie et leur mépris pour une existence luxueuse : ils étaient douze et n'avaient que cinq pains et deux poissons. Ils ne se préoccupaient pas des choses du corps ; ils consacrent tout leur zèle aux choses de l'âme. En plus ils n'ont pas gardé pour eux ces provisions : ils les ont données aussitôt au Sauveur quand il les leur a demandées. Apprenons par cet exemple à partager ce que nous avons avec ceux qui sont dans le besoin, même si nous avons peu. Lorsque Jésus leur demande d'apporter les cinq pains, ils ne disent pas : « Que nous restera-t-il pour plus tard ? Où trouverons-nous ce qu'il faut pour nos besoins personnels ? » Ils obéissent tout de suite...
Prenant donc les pains, le Seigneur les a rompus et a confié aux disciples l'honneur de les distribuer. Il ne voulait pas seulement les honorer par ce saint service, mais il voulait qu'ils participent au miracle pour en être les témoins bien convaincus et qu'ils n'oublient pas ce qui s'était passé sous leurs yeux... C'est par eux qu'il fait asseoir les gens et qu'il distribue le pain, afin que chacun d'entre eux puissent rendre témoignage du miracle qui s'est accompli entre leurs mains...
Tout dans cet événement — le lieu désert, la terre nue, le peu de pain et de poisson, la distribution des mêmes choses à tous sans préférence, chacun ayant autant que son voisin — tout cela nous enseigne l'humilité, la frugalité, et la charité fraternelle. Nous aimer les uns les autres également, mettre tout en commun parmi ceux qui servent le même Dieu, voilà ce que nous enseigne notre Sauveur ici
Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°49, 1-3
« L'Esprit Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe »
Considérons le grand miracle qui s'est produit après le baptême du Sauveur ; il est le prélude de ce qui allait bientôt arriver. Ce n'est pas l'ancien Paradis, c'est le ciel même qui s'ouvre : « Dès que Jésus fut baptisé, voici que les cieux s'ouvrirent » (Mt 3,16). Pourquoi le ciel s'ouvre-t-il lorsque Jésus Christ est baptisé ? Pour nous apprendre que la même chose arrive invisiblement à votre baptême : Dieu vous appelle alors à votre patrie qui est dans le ciel, et vous invite à ne plus rien avoir de commun avec la terre... Si nous ne voyons plus maintenant les mêmes signes, nous recevons néanmoins les mêmes grâces, dont ces signes étaient le symbole.
On vit alors descendre une colombe : elle indiquait à Jean Baptiste et aux juifs que Jésus était le Fils de Dieu. Elle devait en plus apprendre à chacun qu'au moment du baptême le Saint Esprit descend en notre âme. Il ne vient plus sous une forme visible, parce que nous n'en avons plus besoin : la foi suffit maintenant...
Pourquoi le Saint Esprit paraît-il sous la forme d'une colombe ? C'est parce que la colombe est douce et pure, et le Saint Esprit est un esprit de douceur et de paix. Cette colombe nous rappelle aussi un événement que nous lisons dans l'Ancien Testament : lorsque la terre a été inondée par le déluge et toute la race des hommes en danger de périr, la colombe est apparue pour annoncer la fin du cataclysme ; elle portait un rameau d'olivier, apportant la bonne nouvelle du rétablissement de la paix dans le monde. Or tout cela était une préfiguration de l'avenir... Alors que tout était perdu, la délivrance et la rénovation sont survenues. Ce qui est arrivé autrefois par le déluge des eaux arrive aujourd'hui comme par un déluge de grâce et de miséricorde... Ce n'est plus un seul homme que la colombe appelle à sortir de l'arche pour repeupler la terre : elle attire tous les hommes au ciel. Au lieu d'un rameau d'olivier, elle apporte aux hommes la dignité de leur adoption comme enfants de Dieu.
Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°12 ; PG 57, 201 (trad. coll. Icthus, t. 8, p. 264 rev.)
En ces jours-là, Pierre se leva au milieu des disciples et parla . Parce qu’il est fervent, lui à qui le troupeau avait été confié par le Christ, et parce qu’il est le premier du groupe, il est toujours le premier à prendre la parole.
Frères, il faut choisir parmi nous . Il remet la décision à la foule, il rend les candidats dignes de respect, et il écarte toute animosité envers les autres. Car les décisions importantes engendrent toujours de pareils inconvénients.
Quoi donc ? Est-ce que Pierre ne permettait pas au groupe de choisir ? Certes, mais pour qu’il ne paraisse pas avoir des préférences, il s’abstient. Autrement le Saint-Esprit aurait été laissé à l’écart. On en présenta deux , disent les Actes, Joseph Barsabbas, surnommé Justus, et Matthias . Ce n’est pas Pierre qui les a présentés, mais tous les assistants. Quant à lui, il a fait une proposition en montrant qu’elle ne venait pas de lui, mais qu’elle remontait à une prophétie. Il s’est conduit comme un interprète, non comme un maître.
Il faut donc , dit-il, choisir parmi les hommes qui nous ont accompagnés . Remarquez comment il veut que ces nouveaux Apôtres soient des témoins oculaires. Sans doute le Saint-Esprit devait venir, mais Pierre attachait beaucoup d’importance à ce point.
Parmi les hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous . Il leur indique qu’ils doivent avoir vécu avec lui et ne pas avoir été de simples disciples. En effet, au début, beaucoup de gens le suivaient. Voyez comment il est dit : C’était l’un des deux disciples qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus .
Durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, depuis son baptême par Jean . C’est exact, car aucun n’a connu ce qui a précédé, mais ils l’ont appris du Saint-Esprit.
Jusqu’au jour où il nous a été enlevé. Il faut donc que l’un d’entre eux devienne avec nous témoin de sa résurrection . Pierre n’a pas dit : témoin de tout le reste, mais seulement témoin de la résurrection . Car il serait plus digne de foi, le disciple qui pourrait dire : Celui qui mangeait, qui buvait, qui a été crucifié, c’est celui-là qui est ressuscité. Par conséquent, il ne fallait pas qu’il soit témoin des époques précédentes, ni des suivantes, ni des miracles. Ce qu’on exigeait, c’était qu’il soit témoin de la résurrection. Tout le reste avait été manifesté et proclamé. Tandis que la résurrection s’était accomplie dans le secret, elle n’était manifeste que pour quelques-uns.
Alors tous ensemble se mettent en prière et disent : Toi, Seigneur, qui connais le cœur de tous les hommes, montre-nous . Toi, et non pas nous. C’était bien le moment de l’invoquer comme celui qui connaît les cœurs, car c’était à lui de faire l’élection, pas à eux. Ils parlaient ainsi avec confiance car il fallait absolument en élire un. Et ils ne disent pas : Choisis, mais : Montre-nous l’élu et, selon le texte, celui que tu as choisi , car ils savent que Dieu a tout décidé à l’avance. On tira au sort . Ils ne se jugeaient pas encore dignes de choisir par eux-mêmes ; c’est pourquoi ils veulent être éclairés par un signe.
HOMÉLIE SUR LES ACTES DES APÔTRES
« L'Église de Dieu qu'il s'est acquise par son sang »
Veux-tu savoir quelle vertu possède le sang du Christ ? Revenons à ce qui en a été la figure, aux récits anciens de ce qui s'est passé en Égypte. ~
Moïse dit : « Immolez un agneau sans tache et marquez vos portes de son sang. » Que dis-tu, Moïse ? Le sang d'un animal sans raison peut-il sauver des hommes doués de raison ? Oui, dit Moïse, non pas parce que c'est du sang, mais parce qu'il est la figure du sang du Seigneur. ~ À présent, au lieu des portes marquées par le sang de la préfiguration, le diable voit sur les lèvres des fidèles le sang de la vérité préfigurée marquer la porte de ce temple du Christ qu'ils sont maintenant ; à plus forte raison va-t-il donc battre en retraite ! ~
Veux-tu connaître encore par un autre biais la vertu de ce sang ? Vois d'où il a commencé à couler et d'où il a pris sa source : il descend de la croix, du côté du Seigneur. Comme Jésus déjà mort, dit l'Évangile, était encore sur la croix, le soldat s'approcha, lui ouvrit le côté d'un coup de sa lance et il en jaillit de l'eau et du sang . Cette eau était le symbole du baptême, et le sang, celui des mystères. ~ C'est donc le soldat qui lui ouvrit le côté ; il a percé la muraille du temple saint ; et moi, j'ai trouvé ce trésor et j'en ai fait ma richesse. Ainsi en a-t-il été de l'Agneau : les Juifs égorgeaient la victime, et moi j'ai recueilli le salut, fruit de ce sacrifice.
Et il jaillit de son côté de l'eau et du sang . Ne passe pas avec indifférence, mon bien-aimé, auprès du mystère. Car j'ai encore une autre interprétation mystique à te donner. J'ai dit que cette eau et ce sang étaient le symbole du baptême et des mystères. Or, l'Église est née de ces deux sacrements : par ce bain de la renaissance et de la rénovation dans l'Esprit, par le baptême donc, et par les mystères. Or, les signes du baptême et des mystères sont issus du côté. Par conséquent le Christ a formé lÉglise à partir de son côté, comme il a formé Ève à partir du côté d'Adam.
Aussi saint Paul dit-il : Nous sommes de sa chair et de ses os , désignant par là le côté du Seigneur. De même en effet que le Seigneur a pris de la chair dans le côté d'Adam pour former la femme, ainsi le Christ nous a donné le sang et l'eau de son côté pour former l'Église. Et de même qu'alors il a pris de la chair du côté d'Adam, pendant l'extase de son sommeil, ainsi maintenant nous a-t-il donné le sang et l'eau après sa mort. ~
Vous avez vu comment le Christ s'est uni son épouse ? Vous avez vu quel aliment il nous donne à tous ? C'est de ce même aliment que nous sommes nés et que nous sommes nourris. Ainsi que la femme nourrît de son propre sang et de son lait celui qu'elle a enfanté, de même le Christ nourrit constamment de son sang ceux qu'il a engendrés.
CATÉCHÈSE BAPTISMALE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME
« Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts »
Jésus Christ a beaucoup parlé à ses disciples de ses souffrances, de sa Passion et de sa mort, et il leur a prédit les maux qu’ils endureraient eux-mêmes et la mort violente qu’on leur ferait souffrir un jour (Mt 16,21-26). C’est pourquoi, après leur avoir dit des choses si dures et si difficiles, il essaie de les consoler en évoquant les récompenses qu’il donnera quand il viendra dans la gloire de son Père (v. 27)… Par avance, autant qu’ils en étaient capables en cette vie, il veut leur montrer cette grande majesté dans laquelle il devait venir et prévenir ainsi le trouble et la douleur que ses apôtres, et particulièrement saint Pierre, pouvaient ressentir devant sa mort…
« Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean. » Pourquoi ne prend-il que ces trois apôtres ? Sans doute parce qu’ils dépassaient les autres. Saint Pierre, à cause de sa ferveur, son amour ; saint Jean, parce qu’il était le disciple que Jésus aimait (Jn 13,23) ; et saint Jacques, parce qu’il avait dit avec son frère : « Nous pouvons boire ton calice » (Mt 20,22), et parce qu’il a tenu sa parole par la suite (Ac 12,2)…
Pourquoi Jésus fait-il apparaître Moïse et Elie ?… On l’accusait sans cesse de violer la Loi et de blasphémer, s’appropriant une gloire qui ne lui appartenait pas, la gloire du Père… Voulant montrer donc qu’il ne violait pas la Loi et qu’il ne s’attribuait pas une gloire qui ne lui appartenait pas, Jésus invoque l’autorité des deux témoins les plus irréprochables : Moïse, qui avait donné la Loi…, et Elie, qui avait brûlé d’un zèle ardent pour la gloire et le service de Dieu (1R 19,10)… Il voulait aussi enseigner qu’il était le maître de la vie et de la mort, en faisant venir un homme qui était mort et un autre qui avait été transporté vivant par un char de feu (2R 2,11). Et il voulait révéler à ses disciples la gloire de sa croix, consoler Pierre et ses compagnons, effrayés par sa Passion, relever leur courage. Car Moïse et Elie parlaient avec lui de la gloire qu’il devait recevoir à Jérusalem (Lc 9,31), c’est-à-dire qu’ils parlaient de sa Passion, de sa croix, que les prophètes ont toujours appelée sa gloire.
Homélies sur l’évangile de Matthieu, n° 56 ; PG 58, 549
Le peuple juif a vu des miracles. Toi aussi, tu en verras de plus grands et de beaucoup plus éclatants que lorsque les Juifs sont sortis d'Égypte. Tu n'as pas vu Pharaon noyé avec ses troupes, mais tu as vu le diable englouti avec ses armes. Le peuple juif a traversé la mer, toi, tu as traversé la mort. Ils ont été délivrés des Égyptiens, toi, tu as été affranchi des démons. Ils ont quitté un esclavage barbare, toi, l'esclavage beaucoup plus pénible du péché.
Veux-tu savoir par d'autres raisons comment c'est bien toi qui as été favorisé de plus grands bienfaits ? Les Juifs n'ont pas pu alors regarder le visage de Moïse resplendissant de gloire, lui qui pourtant n'était que leur compagnon de service et leur semblable. Mais toi, tu as vu le Christ dans sa gloire. Et Paul s'écrie : Nous, à visage découvert, nous reflétons, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur . Ils avaient alors le Christ qui les suivait ; mais à bien plus forte raison est-ce nous qu'il suit maintenant. Alors, en effet, le Seigneur les accompagnait par la grâce de Moïse ; et vous, ce n'est pas seulement par la grâce du nouveau Moïse mais par votre obéissance. Pour le peuple juif, après l'Égypte, ce fut le désert ; pour toi, après l'exode, c'est le ciel. Ils avaient, eux, un guide et un chef excellent en la personne de Moïse ; nous avons, nous, un autre Moïse, Dieu lui-même, qui nous guide et nous commande.
Quelle était, en effet, la caractéristique de ce Moïse ? Moïse, dit l'Écriture, était le plus doux de tous les hommes qui sont sur la terre . On peut sans erreur en dire autant de notre Moïse. En effet, il est assisté de l'Esprit très doux, qui lui est intimement consubstantiel. Alors Moïse a levé les mains vers le ciel et en a fait descendre le pain des anges, la manne ; notre Moïse lève les mains vers le ciel et nous apporte la nourriture éternelle. Celui-là frappa la pierre et fit couler des fleuves d'eau ; celui-ci touche la table, frappe la table spirituelle et fait jaillir les sources de l'Esprit. C'est pourquoi, comme une source, la table de l'autel est placée au milieu de l'église afin que, de toutes parts, les troupeaux des fidèles affluent à la source pour s'abreuver à ses flots qui nous sauvent.
Puisque nous avons là une telle source, une telle vie, que la table regorge de mille bienfaits et que, de toutes parts, elle nous comble de dons spirituels, approchons avec un cœur sincère et une conscience pure pour obtenir grâce et miséricorde et recevoir du secours en temps voulu .
Par la grâce et la miséricorde du Fils unique de Dieu, notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, par qui et avec qui soient au Père et à l'Esprit qui donne la vie, gloire, honneur, puissance, maintenant et toujours, et pour les siècles des siècles. Amen.
CATÉCHÈSE BAPTISMALE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME
« Mais alors, qui peut être sauvé ? »
En réponse à la question que lui posait un homme riche, Jésus avait révélé comment on peut parvenir à la vie éternelle. Mais l'idée de devoir abandonner ses richesses a rendu cet homme tout triste et il est parti. Alors Jésus a déclaré : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu ». À son tour, Pierre s'approche de Jésus, lui qui s'est dépouillé de tout en renonçant à son métier et à sa barque, qui ne possède même plus un hameçon. Et il pose cette question à Jésus : « Mais alors, qui peut être sauvé ? »
Remarque à la fois la réserve et le zèle de ce disciple. Il n'a pas dit : « Tu ordonnes l'impossible, ce commandement est trop difficile, cette loi est trop exigeante ». Il n'est pas non plus resté silencieux. Mais, sans manquer de respect et montrant combien il était attentif aux autres, il a dit : « Mais alors, qui peut être sauvé ? » C'est qu'avant même d'être pasteur, il en avait l'âme ; avant d'être investi de l'autorité..., il se préoccupait déjà de la terre entière. Un homme riche aurait probablement demandé cela par intérêt, par souci de sa situation personnelle et sans penser aux autres. Mais Pierre, qui était pauvre, ne peut pas être soupçonné d'avoir posé sa question pour des motifs pareils. C'est le signe qu'il se préoccupait du salut des autres, et qu'il désirait apprendre de son Maître comment on y parvient.
D'où la réponse encourageante du Christ : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu ». Il veut dire : « Ne pensez pas que je vous laisse à l'abandon. Moi-même, je vous assisterai dans une affaire aussi importante, et je rendrai facile et aisé ce qui est difficile ».
Homélie sur le débiteur de dix mille talents, 3 ; PG 51, 21 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 297)
« Va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande »
« La multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain » (1Co 10,17). Qu'est-ce que ce pain ? Le Corps du Christ. Et que deviennent ceux qui le reçoivent ? Le Corps du Christ. Ils ne sont plus plusieurs corps, mais un seul. Que de grains de froment entrent dans la composition du pain ! Mais ces grains, qui les voit ? Ils sont bien dans le pain qu'ils ont formé, mais rien ne les distingue les uns des autres, tant ils sont unis.
Ainsi sommes-nous unis les uns avec les autres et avec le Christ. Il n'y a plus plusieurs corps nourris par divers aliments ; nous formons un seul corps, nourri et vivifié par un même pain. C'est pourquoi Paul dit : « Nous avons tous part à un seul pain. » Si nous participons tous au même pain, si nous sommes unis en lui au point de devenir un même corps, pourquoi ne sommes-nous pas unis par un même amour, étroitement liés entre nous par la même charité ?
Relisez l'histoire de nos ancêtres dans la foi et vous trouverez ce tableau remarquable : « La multitude des croyants avait un seul coeur et une seule âme » (Ac 4,32). Mais, hélas, il n'en est pas ainsi aujourd'hui. De nos jours l'Eglise offre le spectacle contraire ; on ne voit que conflits douloureux, divisions acharnées entre frères... Vous étiez loin de lui, mais le Christ n'a pas hésité à vous unir à lui. Et maintenant vous ne daignez pas l'imiter pour vous unir de tout coeur à votre frère ?... A cause du péché, nos corps pétris d'argile (Gn 2,7) avaient perdu la vie et étaient devenus esclaves de la mort ; le Fils de Dieu y a ajouté le levain de sa chair à lui, libre de tout péché, dans une plénitude de vie. Et il a donné son corps en nourriture à tous les hommes pour que, renouvelés par ce sacrement de l'autel, ils aient tous part à sa vie immortelle et bienheureuse
Homélies sur la 1ère lettre aux Corinthiens, n° 24
En ce jour Jésus Christ est entré en conquérant dans les abîmes des enfers. En ce jour « il a brisé les portes d'airain, il a rompu les verrous de fer », comme le dit Isaïe (45,2). Remarquez ces expressions. Il ne dit pas qu'il « a ouvert » les portes d'airain, ni qu'il les a enlevées, mais qu'il les « a brisées », pour faire comprendre qu'il n'y a plus de prison, pour dire que Jésus a anéanti ce séjour des captifs. Une prison où il n'y a plus ni portes ni verrous ne peut plus retenir de prisonniers. Ces portes que le Christ a brisées, qui pourrait les rétablir ? Ces verrous qu'il a rompus, quel homme pourrait les remettre ?
Quand les princes de la terre relâchent des détenus en envoyant des lettres de grâce, ils laissent subsister les portes et les gardes de la prison, pour montrer à ceux qui sortent qu'ils peuvent y rentrer encore, eux ou d'autres. Le Christ n'agit pas de
Pourquoi des portes « d'airain » ? Parce que la mort était impitoyable, inflexible, dure comme le diamant. Jamais pendant tous les siècles avant Jésus Christ, jamais aucun de ses captifs n'avait pu lui échapper, jusqu'au jour où le Souverain du ciel est descendu dans l'abîme pour lui arracher ses victimes.
Homélie sur le mot cimetière et sur la croix
« Vous êtes le sel de la terre » dit le Sauveur ; il leur montre par là combien sont nécessaires tous les préceptes qu'il vient d'énoncer. « Ma parole, leur dit-il, ne sera pas seulement pour votre propre vie, mais elle vous est confiée pour le monde entier. Je ne vous envoie pas à deux villes, à dix ou à vingt, ni à un seul peuple, comme autrefois les prophètes. Je vous envoie à la terre, à la mer, à toute la création (Mc 16,15), partout où abonde le mal.
En effet, en leur disant : « Vous êtes le sel de la terre », il leur a indiqué que toute la nature humaine est affadie, corrompue par le péché ; c'est par leur ministère que la grâce de l'Esprit Saint régénèrera et conservera le monde. C'est pourquoi il leur enseigne les vertus des Béatitudes, celles qui sont les plus nécessaires, les plus efficaces chez ceux qui ont la charge de
Sermons sur saint Matthieu, n° 15
Si vous voulez être grand, n’en tirez pas orgueil comme le Pharisien de la parabole (Lc 18,9s), et alors vous serez vraiment grand. Croyez que vous êtes sans mérite, et alors vous en aurez. Le publicain, lui, s’est reconnu pécheur et ainsi il est devenu juste ; combien plus le juste qui se reconnaît pécheur verra-t-il sa justice et ses mérites s’agrandir ! Car l’humilité fait du pécheur un juste, puisqu’il reconnaît la vérité de sa vie ; et dans l’âme des justes l’humilité véritable agit encore plus puissamment.
Ne perdez donc pas par la vaine gloire le fruit que vous aurez gagné par vos travaux, le salaire de vos peines, la récompense des labeurs de votre vie. Dieu connaît mieux que vous-même le bien que vous faites. Un simple verre d’eau fraîche sera récompensé. Dieu agrée la plus petite aumône, ou si vous ne pouvez rien donner, même un soupir de compassion. Il accueille tout, se souviendra de tout pour vous le rendre au centuple.
Cessons donc de compter nos mérites et de les étaler au grand jour. Si nous chantons nos mérites, nous ne serons pas loués par Dieu. Gémissons plutôt sur notre misère, et Dieu nous élèvera aux yeux des autres. Il ne veut pas que le fruit de nos labeurs se perde. Dans son amour ardent il veut couronner nos plus petites actions ; il cherche toutes les occasions pour nous délivrer de la géhenne.
Homélies sur Saint Matthieu, n° 3
Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église
« Ta majesté suprême est proclamée par la bouche des enfants, des tout petits » (Ps 8,3)
« La folie de Dieu est plus sage que tous les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que tous les hommes » (1Co 1,25). Oui, la croix est une folie, une faiblesse -– apparente seulement... La doctrine de la croix a gagné les esprits au moyen de prédicateurs ignorants, et cela dans le monde entier. Elle a ouvert une école où il ne s'agissait pas de questions banales, mais de Dieu et de la vraie foi, de la vie selon l'Évangile, de la résurrection et du jugement futur. La croix a donc transformé en philosophes des gens simples et illettrés. Voilà comment la folie de la croix est plus sage que la sagesse des hommes...
Comment est-elle plus forte ? Parce qu'elle s'est répandue dans le monde entier, qu'elle a soumis tous les hommes à son pouvoir et qu'elle a résisté aux innombrables adversaires qui voulaient faire disparaître le nom du Crucifié. Au contraire, ce nom s'est répandu avec plus d'éclat... Ses ennemis ont péri, ont disparu ; les vivants qui combattaient un mort ont été réduits à l'impuissance... En effet, ce que des publicains et des pêcheurs ont pu réussir par la grâce de Dieu, les philosophes, les orateurs, les rois, bref la terre entière, dans toute son étendue, n'a même pas été capable de l'imaginer... C'est en pensant à cela que l'apôtre Paul disait : « La faiblesse de Dieu est plus forte que toute la sagesse des hommes ». Autrement, comment ces douze pêcheurs, pauvres et ignorants, auraient-ils pu imaginer une telle entreprise ?
Homélies sur 1ère lettre aux Corinthiens, n°4 ; PG 61, 34-36
« La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture ? »
Si vraiment nous donnons la première place aux réalités spirituelles, nous n’aurons pas à nous préoccuper des biens matériels, car Dieu, dans sa bonté, nous les procurera en abondance. Si, au contraire, nous veillons uniquement à nos intérêts matériels sans prendre soin de notre vie spirituelle, le souci constant des choses terrestres nous conduira à négliger notre âme… Ne renversons donc pas l’ordre des choses. Connaissant la bonté de notre Maître, nous lui ferons confiance en tout et ne nous laisserons pas accabler par les soucis de cette vie… « Votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela, avant même que vous l’ayez demandé » (Mt 6,32.8).
Jésus veut donc que nous soyons libres de tout souci de ce monde et que nous nous consacrions totalement aux œuvres spirituelles. « Cherchez donc, nous dit-il, les biens spirituels et je pourvoirai moi-même amplement à tous vos besoins matériels… Regardez les oiseaux du ciel, ils ne font ni semailles ni moisson, ils ne font pas de réserve dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. » Autrement dit : « Si je prends un tel soin des oiseaux sans raison et que je leur procure tout ce dont ils ont besoin, sans semailles ni labour, je veillerai d’autant mieux sur vous, qui êtes doués de raison, pourvu que vous choisissiez de préférer le spirituel au corporel. Puisque je les ai créés pour vous, ainsi que tous les autres êtres, et que j’en prends tant de soin, de quelle sollicitude ne vous jugerai-je pas dignes, vous pour qui j’ai fait tout cela ? »
Catéchèses baptismales, n°8, 19-25 ; SC 50 (trad. SC p. 257 rev. ; cf Delhougne, Les Pères commentent, p. 101)
« Confiance, mon fils, tes péchés sont pardonnés »
Les scribes professaient que Dieu seul peut remettre les péchés. Mais Jésus, avant même de remettre les péchés, a révélé les secrets des cœurs, montrant par là qu'il possédait aussi cet autre pouvoir réservé à Dieu... Car il est écrit : « Toi seul, Seigneur, tu connais les secrets des humains », et « L'homme voit le visage et Dieu voit le cœur (2Ch 6,30; 1S 16,7). Jésus révèle donc sa divinité et son égalité avec le Père en dévoilant aux scribes le fond de leur cœur, en divulguant des pensées qu'ils n'osent pas déclarer ouvertement par crainte de la foule. Et il fait cela avec beaucoup de douceur...
Le paralytique aurait pu manifester sa déception au Christ en lui disant : « Soit ! Tu es venu pour soigner une autre maladie et guérir un autre mal, le péché. Mais quelle preuve aurai-je que mes péchés sont pardonnés ? » Or, il ne dit rien de tel, mais il se confie à celui qui a le pouvoir de le guérir...
Aux scribes, le Christ dit : « Qu'est-ce qui est le plus facile ? De dire : Tes péchés sont pardonnés, ou bien de dire : Prends ta civière et rentre chez toi ? » Autrement dit : Qu'est-ce qui vous semble le plus facile? Raffermir un corps paralysé, ou remettre les péchés de l'âme ? C'est évidemment de guérir un corps, car le pardon des péchés dépasse cette guérison autant que l'âme est supérieure au corps. Mais puisque l'une de ces œuvres est visible, et l'autre pas, je vais accomplir également l'œuvre qui est visible et moindre, pour prouver celle qui est plus grande et invisible. À ce moment-là, Jésus témoigne par ses œuvres qu'il est « celui qui enlève les péchés du monde » (Jn 1,29).
Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°29, 2 ; PG 57, 359 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 246 rev.)
Les paraboles du trésor et de la perle
Les deux paraboles du trésor et de la perle enseignent la même chose : qu'il faut préférer l'Évangile à tous les trésors du monde... Mais il y a quelque chose de plus méritoire encore : il faut le préférer avec plaisir, avec joie et sans hésiter. Ne l'oublions jamais : renoncer à tout pour suivre Dieu, c'est gagner plutôt que perdre. La prédication de l'Évangile est cachée dans ce monde comme un trésor caché, un trésor inestimable.
Pour se procurer ce trésor..., deux conditions sont nécessaires : le renoncement aux biens de ce monde et un courage solide. Il s'agit, en effet, « d'un négociant en recherche de perles fines qui, en ayant trouvé une de grand prix, s'en va vendre tout ce qu'il possède pour l'acheter ». Cette perle unique, c'est la vérité, et la vérité est une, elle ne se divise pas. Possèdes-tu une perle ? Toi, tu connais ta richesse : elle est renfermée dans le creux de ta main ; tout le monde ignore ta fortune. Il en est de même avec l'Évangile : si tu l'embrasses avec foi, s'il reste enfermé dans ton cœur, quel trésor ! Toi seul en as la connaissance : les incroyants, qui ignorent sa nature et sa valeur, n'ont aucune idée de ta richesse incomparable.
Homélies sur l’évangile de Matthieu, n°47, 2
« Allez, vous aussi, à ma vigne »
Il est bien évident que cette parabole vise la conversion des hommes à Dieu, les uns dès leur jeune âge, d'autres un peu plus tard, et enfin quelques-uns seulement dans leur vieillesse. Le Christ réprime l'orgueil des premiers appelés pour les empêcher de faire des reproches à ceux de la onzième heure, en leur montrant que la récompense est la même pour tous. En même temps il stimule le zèle de ces derniers en leur montrant qu'ils peuvent mériter le même salaire que les premiers. Le Sauveur venait de parler du renoncement aux richesses, du mépris de tous les biens, de vertus qui demandent un grand cœur et du courage. Il fallait pour cela stimuler l'ardeur d'une âme pleine de jeunesse ; le Seigneur rallume donc en eux la flamme de la charité et fortifie leur courage en leur montrant que même ceux qui sont arrivés les derniers reçoivent le salaire de toute la journée...
Pour parler plus clairement, certains pouvaient en abuser et tomber dans l'indifférence et le relâchement. Les disciples verront clairement que cette largesse est un effet de la miséricorde de Dieu, qui seule les soutiendra pour mériter une récompense si magnifique... Toutes les paraboles de Jésus, celles des vierges, du filet, des épines, de l'arbre stérile, nous invitent à montrer notre vertu dans nos actes... Il nous exhorte à une vie pure et sainte. Une vie sainte coûte plus à notre cœur que la simple pureté de la foi, car c'est une lutte continuelle, un labeur infatigable.
Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°64, 4
« On le met sur le lampadaire »
Rien n'est plus froid qu'un chrétien non appliqué à sauver les autres. À cet égard tu ne peux pas prétexter la pauvreté : la veuve qui a donné ses deux piécettes se lèverait pour t'accuser (Lc 21,2). Pierre aussi, qui disait : « Je n'ai ni or ni argent » (Ac 3,6). Et Paul, qui était si pauvre que souvent il avait faim et manquait des vivres nécessaires (1Co 4,11). Tu ne peux pas non plus objecter ton humble naissance : eux aussi étaient de condition modeste. L'ignorance ne te sera pas une meilleure excuse : eux aussi étaient sans lettres... N'invoque pas non plus la maladie : Timothée était sujet à de fréquents malaises (1Tm 5,23)... N'importe qui peut être utile à son prochain s'il veut faire son possible...
Ne dis pas qu'il t'est impossible de ramener les autres, car si tu es chrétien, il est impossible que cela ne se fasse. Chaque arbre porte son fruit (Mt 7,17s) et comme il n'y a pas de contradiction dans la nature, ce que nous disons est également vrai, car cela découle de la nature même du chrétien... Il est plus facile pour la lumière d'être ténèbres que pour le chrétien de ne pas rayonner.
Homélies sur les Actes des apôtres, n°20, 3-4 ; PG 60, 162 (trad. Orval rev.)
« Il leur défendit vivement de révéler à personne qu'il était le Messie de Dieu »
« Alors, il enjoignit aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Christ. » Pourquoi cet ordre ? Pour que, une fois que tout sujet de scandale serait écarté, la croix et sa Passion accomplies, tout obstacle capable de détourner la foule de croire en lui repoussé, la connaissance exacte de qui il était puisse se graver profondément et à tout jamais dans les cœurs. Sa puissance n’avait pas encore brillé d’une façon éclatante. Avant que les apôtres ne la prêchent, il attendait que l’évidence de la vérité et que l’autorité des faits puissent confirmer leur témoignage.
Car c’était une chose de le voir maintenant multiplier les prodiges en Palestine, puis en butte aux persécutions et aux outrages — et la croix allait suivre ces prodiges ; c’en était une autre de le voir adoré, cru par toute la terre, sauvé des mauvais traitements qu’il avait autrefois subis. Voilà pourquoi il leur recommande de ne rien dire à personne… Si les apôtres, qui avaient été témoins des miracles, qui avaient participé à tant de mystères inexprimables, avaient du mal à accepter une seule parole concernant la Passion, et avec eux Pierre lui-même, leur chef à tous (Mt 16,22), qu’aurait pensé le commun des mortels ? Après avoir entendu dire que Jésus était le Fils de Dieu, que penseraient-ils à le voir souillé de crachats et cloué à la croix ? Et cela avant la venue du Saint Esprit, quand on ne connaissait pas encore la raison de ces mystères ?
Homélies sur l’évangile de Matthieu, n°54, 1-3
Est-il rien de plus dérisoire qu'un chrétien qui ne se soucie pas des autres ? Ne prends pas comme prétexte ta pauvreté : la veuve qui a mis deux petites pièces dans le tronc du Temple (Mc 12,42) se lèverait contre toi ; Pierre aussi, qui disait au boiteux : « Je n'ai ni or ni argent » (Ac 3,6), et Paul, si pauvre qu'il avait souvent faim. N'objecte pas ta condition sociale, car les apôtres étaient humbles aussi et de basse condition. N'invoque pas ton ignorance, car ils étaient des hommes sans lettres. Même si tu étais esclave ou fugitif, tu pourrais toujours faire ce qui dépend de toi. Tel était Onésime dont Paul fait l'éloge (Phl; Col 4,9). Serais-tu de santé fragile ? Timothée l'était aussi. Oui, qui que nous soyons, n'importe qui peut être utile à son prochain, s'il veut vraiment faire ce qu'il peut.
Vois-tu combien les arbres de la forêt sont vigoureux, beaux, élancés ? Et cependant, dans nos jardins, nous préférons des arbres fruitiers ou des oliviers couverts de fruits. De beaux arbres stériles..., tels sont les hommes qui ne considèrent que leur propre intérêt...
Si le levain ne fait pas lever la pâte, il n'est pas un vrai ferment. Si un parfum n'embaume pas ceux qui approchent, pouvons-nous l'appeler un parfum ? Ne dis donc pas qu'il est impossible d'avoir une bonne influence sur les autres, car si tu es vraiment chrétien, il est impossible qu'il ne se passe rien ; cela fait partie de l'essence même du chrétien... Il serait aussi contradictoire de dire qu'un chrétien ne peut pas être utile à son prochain que de dénier au soleil la possibilité d'éclairer et de réchauffer.
Homélies sur les Actes des apôtres, n° 20 (trad. cf AELF)
« Lorsque tu entreras dans ton Royaume »
Aujourd’hui le paradis fermé depuis des milliers d'années est ouvert pour nous ; en ce jour, à cette heure, Dieu y a introduit le larron. Il a accompli ainsi deux merveilles : il nous ouvre le paradis et il y fait entrer un voleur. Aujourd'hui Dieu nous a rendu notre vieille patrie, aujourd'hui il nous a ramenés dans la cité de nos pères, aujourd'hui il a ouvert une demeure commune à toute l'humanité. « Aujourd'hui, dit-il, tu seras avec moi dans le paradis. » Que dis-tu là, Seigneur ? Tu es crucifié, attaché avec des clous, et tu promets le paradis ? Oui, dit-il, afin que par la croix tu apprennes ma puissance…
Car ce n’est pas en ressuscitant un mort, en commandant à la mer et au vent, ni en chassant les démons qu'il a pu changer l’âme méchante du larron, mais c'est crucifié, attaché par des clous, couvert d'insultes, de crachats, de railleries et d'outrages, afin que tu voies les deux aspects de sa puissance souveraine. Il a ébranlé toute la création, il a fendu les rochers (Mt 27,51) ; et il a attiré à lui l’âme du larron, plus dure que la pierre, et l'a comblée d’honneur…
Certes, aucun roi ne permettrait jamais à un voleur ou à un autre de ses sujets de s’asseoir à côté de lui lorsqu'il fait son entrée dans sa ville. Mais le Christ l'a fait : quand il entre dans sa sainte patrie, il y introduit un voleur avec lui. En agissant ainsi…, il ne la déshonore pas par la présence d'un voleur ; bien au contraire, il honore le paradis, car c’est une gloire pour le paradis d'avoir un maître qui puisse rendre un voleur digne des délices qu’on y goûte. De même, lorsqu'il introduit les publicains et les prostituées dans le Royaume des cieux (Mt 21,31)…, c’est pour la gloire de ce lieu saint, car il lui montre que le maître du Royaume des cieux est si grand qu’il peut rendre aux prostituées et aux publicains toute leur dignité au point de mériter cet honneur et ce don. Nous admirons un médecin d’autant plus quand nous le voyons guérir des hommes souffrant de maladies réputées incurables. Il est donc juste d’admirer le Christ…lorsqu’il rétablit les publicains et les prostituées dans une telle santé spirituelle qu’ils deviennent dignes du ciel.
Homélie 1 sur la croix et le larron, pour le Vendredi saint, 2 ; PG 49, 401 (trad. composite)
« Voilà pourquoi le Fils de l’homme est maître, même du sabbat »
« Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat »… La loi du sabbat était à son début de la plus haute importance : elle apprenait aux juifs à être doux et pleins d’humanité pour leurs proches ; elle leur enseignait à croire en la sagesse et en la providence de Dieu le créateur… Quand Dieu leur a donné la loi du sabbat, il leur a fait comprendre qu’il voulait seulement qu’ils s’abstiennent de tout mal : « Vous ne ferez rien en ce jour, sauf les œuvres qui concernent l’âme » (Ex 12,16 LXX). Dans le Temple on travaillait en ce saint jour plus que d’ordinaire… Ainsi l’ombre de la Loi préparait la lumière de la pleine vérité (cf Col 2,17).
Le Christ a-t-il donc aboli une loi si utile ? Pas du tout : il l’a étendue plus loin encore… Il n’était plus nécessaire d’enseigner de cette façon que Dieu était le créateur de tout ce qui existe, ni de les former à la douceur envers les autres, puisqu’ils étaient invités à imiter l’amour de Dieu pour les hommes, selon cette parole : « Soyez miséricordieux, comme votre Père aux cieux est miséricordieux » (Lc 6,36). Il n’était pas nécessaire de fixer un jour de fête à ceux qui étaient invités à faire de leur vie entière une fête : « Célébrons la fête, écrit l’apôtre Paul, non pas avec de vieux ferments, la perversité et le vice, mais avec du pain non fermenté : la droiture et la vérité » (1Co 5,8)… Quelle nécessité d’une loi du sabbat pour le chrétien qui passe sa vie dans une célébration continuelle et pense toujours au ciel ? Oui, frères, célébrons ce sabbat céleste et continuel.
Homélies sur l’évangile de Matthieu, n°39
« Que dois-je faire, Seigneur ? »
Le bienheureux Paul qui nous rassemble aujourd'hui a éclairé la terre entière. Il a été aveuglé à l’heure de son appel, mais cette cécité a fait de lui un flambeau pour le monde. Il voyait pour faire le mal ; dans sa sagesse Dieu l’a aveuglé afin de lui donner la lumière en vue de faire le bien. Non seulement Dieu lui a montré sa puissance ; il lui a révélé aussi le cœur de la foi qu’il allait prêcher, lui disant de fermer les yeux, c’est-à dire de chasser les préjugés et les fausses lumières de la raison pour accueillir la bonne doctrine, « devenir fou pour être sage » comme il le dira plus tard (1Co 3,18)…
Bouillant, impétueux, Paul avait besoin d'un frein énergique pour ne pas être emporté par sa fougue et mépriser la voix de Dieu. Dieu a donc d'abord réprimé cet emportement, il apaise sa colère en le frappant de cécité, puis il lui parle. Il lui a fait connaître sa sagesse insondable, pour qu’il reconnaisse celui qu'il combattait et comprenne qu’il ne peut plus résister à sa grâce. Ce n’est pas la privation de la lumière qui l’aveugle ; c’est la surabondance de la lumière…
Dieu a bien choisi son moment. Paul est le premier à le reconnaître : « Quand il a plu à celui qui m’a choisi dès le sein de ma mère et m'a appelé par sa grâce, il m'a révélé son Fils » (Ga 1,15s)… Apprenons donc de la bouche de Paul lui-même que personne n’a jamais trouvé le Christ tout seul. C'est le Christ qui s'est révélé et qui s’est fait connaître. Comme le dit le Sauveur : « Ce n'est pas vous qui m’avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis » (Jn 15,16).
4e homélie sur saint Paul, 1-2
Notre berger se donne lui-même en nourriture
« Qui dira les prouesses du Seigneur ? Qui fera retentir toute sa louange ? » (Ps 106,2) Quel berger a jamais nourri ses brebis de son propre corps ? Mais que dis-je, un berger ? Souvent des mères confient leurs enfants à des nourrices dès la naissance. Mais Jésus Christ ne peut pas accepter cela pour ses brebis ; il nous nourrit lui-même de son propre sang, et ainsi nous fait devenir un seul corps avec lui.
Considérez, mes frères, que le Christ est né de notre propre substance humaine. Mais, direz-vous, qu'importe ? Cela ne regarde pas tous les hommes. Pardon, mon frère, c'est pour eux tous un grand avantage. S'il s'est fait homme, s'il est venu prendre notre nature humaine, cela concerne le salut de tous les hommes. Et s'il est venu pour tous, il est aussi venu pour chacun en particulier. Vous direz peut-être : Pourquoi donc est-ce que tous les hommes n'ont pas reçu le fruit qu'ils devaient obtenir de cette venue ? N'en accusez pas Jésus qui a choisi ce moyen pour le salut de tous ; la faute est à ceux qui repoussent ce bienfait. Car dans l'eucharistie Jésus Christ s'unit à chacun de ses fidèles ; il les fait renaître, les nourrit de lui-même, ne les abandonne pas à autrui et ainsi il les convainc une fois de plus qu'il a vraiment pris notre chair.
Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°82 ; PG 87, 737
Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église
Agir comme Abraham
Regardant la promesse de Dieu et laissant de côté toute vue humaine, sachant que Dieu est capable d'oeuvres dépassant la nature, Abraham a fait confiance aux paroles qui lui avaient été adressées, n'a laissé aucun doute en son esprit et n'a pas hésité sur le sens à donner aux paroles de Dieu. Car c'est le propre de la foi de faire confiance à la puissance de celui qui nous a fait une promesse... Dieu avait promis à Abraham qu'une postérité innombrable naîtrait de lui. Cette promesse dépassait les possibilités de la nature et les vues purement humaines ; c'est pour cela que la foi qu'il avait envers Dieu « lui a été comptée comme justice » (Gn 15,6;Ga 3,6).
Eh bien, si nous sommes vigilants, des promesses encore plus merveilleuses nous ont été faites et nous serons comblés beaucoup plus que ne le peut rêver une pensée humaine. Et pour cela, nous avons uniquement à faire confiance à la puissance de celui qui nous a fait ces promesses, afin de mériter la justification qui vient de la foi et d'obtenir les biens promis. Car tous ces biens que nous espérons dépassent toute conception humaine et toute pensée, tant est magnifique ce qui nous a été promis !
En effet, ces promesses ne concernent pas seulement le présent, l'épanouissement de notre vie et la jouissance des biens visibles, mais elles concernent encore le temps où nous aurons quitté cette terre, lorsque nos corps auront été sujets à la corruption, quand nos restes auront été réduits en poussière. Alors Dieu nous promet qu'il les ressuscitera et les établira dans une gloire magnifique ; « car il faut, nous assure le bienheureux Paul, que notre être corruptible revête l'incorruptibilité, que notre être mortel revête l'immortalité » (1Co 15,53). De plus, après la résurrection de nos corps, nous avons reçu la promesse de jouir du Royaume et de bénéficier durant des siècles sans fin, en compagnie des saints, de ces biens ineffables que « l'oeil de l'homme n'a pas vu, que son oreille n'a pas entendu et que son coeur est incapable de sonder » (1Co 2,9). Vois-tu la surabondance des promesses ? Vois-tu la grandeur de ces dons ?
36ème Homélie sur la Genèse ; PG 53, 339 (trad. Brésard, 2000 ans A, p. 172)
« N'oubliez pas l'hospitalité »
A propos de cette parabole, il convient de nous demander pourquoi le riche voit Lazare dans le sein d'Abraham plutôt qu'en compagnie d'un autre juste. C'est qu'Abraham s'est montré hospitalier. Il apparaît donc à côté de Lazare pour accuser le riche d'avoir été inhospitalier. En effet, le patriarche cherchait à retenir même les simples passants pour les faire entrer sous sa tente (Gn 18,1s). Le riche, au contraire, n'avait eu que dédain pour celui qui logeait devant sa propre maison. Or, il avait les moyens, avec tout l'argent dont il disposait, d'assurer la sécurité du pauvre. Mais il a continué, jour après jour, à l'ignorer et il a négligé de lui donner l'aide dont il avait besoin.
Le patriarche n'a pas agi de cette façon, bien au contraire ! Assis à l'entrée de sa tente, il mettait la main sur tous ceux qui passaient, à la manière dont un pêcheur jette son filet dans la mer pour y prendre du poisson, et souvent même de l'or et des pierres précieuses. Ainsi, en ramenant des hommes dans son filet, il est arrivé qu'Abraham prenne des anges et, chose étonnante, sans même le deviner.
Paul lui-même en a été tout émerveillé, ce qui nous a valu cette exhortation : « N'oubliez pas l'hospitalité. Elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges » (He 13,2). Paul a raison de dire: « sans le savoir ». Si Abraham avait su que ceux qu'il accueillait avec tant de bienveillance étaient des anges, il n'aurait rien fait d'extraordinaire ni d'admirable en les accueillant ainsi. Il reçoit donc cet éloge uniquement parce qu'il ignorait l'identité des passants. En effet, ces voyageurs qu'il invitait si généreusement chez lui, il les prenait pour des hommes ordinaires. Tu sais bien, toi aussi, te montrer plein d'empressement pour recevoir un personnage célèbre, mais cela ne vaut pas que l'on s'en émerveille... En revanche, il est très remarquable et vraiment admirable de réserver un accueil plein de bonté aux premiers venus, aux gens inconnus et ordinaires.
Homélie sur Lazare 2, 5; PG 48, 988-989 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 444)
Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés (Mt 6,12)
Le Christ nous demande donc deux choses : condamner nos péchés, pardonner ceux des autres, faire la première chose à cause de la seconde, qui sera alors plus facile, car celui qui pense à ses péchés sera moins sévère pour son compagnon de misère. Et pardonner non seulement de bouche, mais « du fond du coeur », pour ne pas tourner contre nous-mêmes le fer dont nous croyons percer les autres. Quel mal peut te faire ton ennemi, qui soit comparable à celui que tu te fais toi-même ?... Si tu te laisses aller à l'indignation et à la colère, tu seras blessé non par l'injure qu'il t'a faite, mais par le ressentiment que tu en as.
Ne dis donc pas : « Il m'a outragé, il m'a calomnié, il m'a fait quantité de misères. » Plus tu dis qu'il t'a fait du mal, plus tu montres qu'il t'a fait du bien, puisqu'il t'a donné occasion de te purifier de tes péchés. Ainsi, plus il t'offense, plus il te met en état d'obtenir de Dieu le pardon de tes fautes. Car si nous le voulons, personne ne pourra nous nuire ; même nos ennemis nous rendent ainsi un grand service... Considère donc combien tu retires d'avantages d'une injure soufferte humblement et avec douceur.
Homélies sur saint Matthieu, n° 61 (trad. Véricel, L'Evangile commenté, p.214)
« A moi, autrefois blasphémateur et persécuteur..., il m'a été fait miséricorde » (1Tm 1,13) : la conversion de St Paul
Il faut que nous gardions toujours à l'esprit combien tous les hommes sont entourés de tant de témoignages du même amour de Dieu. Si sa justice avait précédé la pénitence, l'univers aurait été anéanti. Si Dieu avait été prompt au châtiment, l'Eglise n'aurait pas connu l'apôtre Paul ; elle n'aurait pas reçu un tel homme dans son sein. C'est la miséricorde de Dieu qui transforme le persécuteur en apôtre ; c'est elle qui change le loup en berger, et qui a fait d'un publicain un évangéliste (Mt 9,9). C'est la miséricorde de Dieu qui, touchée de notre sort, nous a tous transformés ; c'est elle qui nous convertit.
En voyant le goinfre d'hier se mettre aujourd'hui à jeûner, le blasphémateur de jadis parler de Dieu avec respect, l'ignoble d'autrefois n'ouvrir sa bouche que pour louer Dieu, on peut admirer cette miséricorde du Seigneur. Oui, frères, si Dieu est bon envers tous les hommes, il l'est particulièrement envers les pécheurs.
Voulez-vous même entendre quelque chose d'étrange du point de vue de nos habitudes, mais quelque chose de vrai du point de vue de la piété ? Ecoutez : tandis que Dieu se montre exigeant pour les justes, il n'a pour les pécheurs que clémence et douceur. Quelle rigueur envers le juste ! Quelle indulgence envers le pécheur ! Telle est la nouveauté, le renversement, que nous offre la conduite de Dieu... Et voici pourquoi : effrayer le pécheur, surtout le pécheur obstiné, ce serait le priver de toute confiance, le plonger dans le désespoir ; flatter le juste, ce serait émousser la vigueur de sa vertu, le faire se relâcher de son zèle. Dieu est infiniment bon ! Sa crainte est la sauvegarde du juste, et sa clémence retourne le pécheur.
7ème Homélie sur la conversion
« J'ai vu, et je rends ce témoignage : c'est lui le Fils de Dieu »
Le Christ s'est manifesté à tous non pas au moment de sa naissance mais au moment de son baptême. Jusqu'à ce jour-là, peu le connaissaient ; presque tous ignoraient qu'il existait et qui il était. Jean Baptiste disait : « Il y a parmi vous quelqu'un que vous ne connaissez pas » (Jn 1,26). Jean lui-même partageait cette ignorance du Christ jusqu'à son baptême : « Je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau m'a dit : ' Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer c'est celui-là qui baptise dans l'Esprit Saint ' »...
En effet, quelle est la raison que Jean donne pour ce baptême du Seigneur ? C'était, dit-il, pour le faire connaître à tous. Saint Paul le dit aussi : « Jean donnait un baptême de conversion, disant au peuple de croire en celui qui devait venir après lui » (Ac 19,4). Voici pourquoi Jésus reçoit le baptême de Jean. Aller de maison en maison en présentant le Christ et dire que c'était le Fils de Dieu, voilà qui rendait le témoignage de Jean bien difficile ; le conduire à la synagogue et le désigner comme le Sauveur aurait rendu son témoignage peu crédible. Mais qu'au milieu d'une grande foule rassemblée au bord du Jourdain, Jésus reçoive le témoignage clairement exprimé du haut du ciel, que l'Esprit Saint soit descendu sur lui sous la forme d'une colombe, voilà ce qui confirmait le témoignage de Jean sans aucun doute possible.
« Moi-même, je ne le connaissais pas » disait Jean. Qui donc te l'a fait connaître ? « C'est celui qui m'a envoyé baptiser ». Et qu'est-ce qu'il t'a dit ? « Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et reposer, c'est lui qui baptise dans l'Esprit Saint ». C'est donc l'Esprit Saint qui révèle à tous celui dont Jean avait proclamé les merveilles, en descendant le désigner, pour ainsi dire, de son aile.
Homélie sur le baptême de Jésus Christ et sur l'Epiphanie
« Jésus posa son regard sur lui et dit : ‘ Tu t’appelleras Képha ’ (ce qui veut dire : Pierre) »
« Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras désormais Céphas, c’est-à-dire Pierre »… Voilà le nom que le Christ donne à Simon. Quant à Jacques et son frère, il les appellera « Fils du tonnerre » (Mc 3,17). Pourquoi ces changements de nom ? Pour montrer que lui, Jésus, est le même que celui qui avait établi l’ancienne alliance, qui avait déjà changé le nom d’Abram en Abraham, celui de Saraï en Sara, et celui de Jacob en Israël (Gn 17,5s;32,29). Il avait aussi donné leur nom à plusieurs personnes au moment de leur naissance : Isaac, Samson, les enfants d’Isaïe et d’Osée…
Aujourd’hui, nous avons un nom bien supérieur à tous les autres ; c’est le nom de « chrétien » -- le nom qui fait de nous enfants de Dieu, amis de Dieu, un même corps avec lui. Y a-t-il un autre nom qui pourrait plus nous rendre ardents dans les vertus, nous remplir de zèle, nous pousser à faire le bien ? Gardons-nous bien de faire quoi que ce soit d’indigne de ce nom si grand et si beau, lié au nom de Jésus Christ lui-même. Ceux qui portent le nom d’un grand chef militaire ou d’un personnage illustre se considèrent honorés et font tout pour en rester dignes. Combien plus, nous qui tirons notre nom non d’un général ou d’un prince de cette terre, ni même d’un ange, mais du roi des anges, combien plus devons-nous être prêts à tout perdre, même notre vie, pour l’honneur de ce saint nom ?
Homélies sur St Jean, n° 20
« Une inscription était placée au-dessus de sa tête : ' Celui-ci est le roi ' »
« Seigneur, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne ». Le larron n'a pas osé faire cette prière avant d'avoir déposé par son aveu le fardeau de ses péchés. Tu vois, chrétien, quelle est la puissance de la confession. Il a avoué ses péchés et le paradis s'est ouvert ; il a avoué ses péchés et il a eu assez d'assurance pour demander le Royaume après ses brigandages...
Tu veux connaître le Royaume ? Que vois-tu donc ici qui y ressemble ? Tu as sous les yeux les clous et une croix, mais cette croix même, disait Jésus, est bien le signe du Royaume. Et moi, en le voyant sur la croix, je le proclame roi. Ne revient-il pas à un roi de mourir pour ses sujets ? Lui-même l'a dit : « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10,11). C'est également vrai pour un bon roi ; lui aussi donne sa vie pour ses sujets. Je le proclamerai donc roi à cause du don qu'il a fait de sa vie : « Seigneur, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton Royaume. »
Comprends-tu maintenant comment la croix est le signe du Royaume ? Voici encore une autre preuve. Le Christ n'a pas laissé sa croix sur la terre, mais il l'a soulevée et emportée avec lui dans le ciel. Nous le savons parce qu'il l'aura près de lui quand il reviendra dans la gloire. Pour t'apprendre combien cette croix est digne de vénération, il a fait d'elle un titre de gloire... Lorsque le Fils de l'homme viendra, « le soleil s'obscurcira et la lune perdra son éclat ». Il régnera alors une clarté si vive que même les astres les plus brillants seront éclipsés. « Les étoiles tomberont du ciel. Alors paraîtra dans le ciel le signe du Fils de l'homme » (Mt 24,29s). Tu vois quelle est la puissance du signe de la croix ?... Quand un roi entre dans une ville, les soldats prennent les étendards, les hissent sur leurs épaules et marchent devant lui pour annoncer son arrivée. C'est ainsi que des légions d'anges et d'archanges précéderont le Christ, lorsqu'il descendra du ciel. Ils porteront sur leurs épaules ce signe annonciateur de la venue de notre roi.
Homélie sur la croix et le larron, 1, 3-4 ; PG 49, 403 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 462)
« Tenez-vous prêts »
« C'est à l'heure que vous ne pensez pas que le Fils de l'homme viendra. » Jésus leur dit cela pour que les disciples restent éveillés, qu'ils soient toujours prêts. S'il leur dit qu'il viendra quand ils ne s'y attendront pas, c'est qu'il veut les pousser à pratiquer la vertu avec zèle et sans relâche. C'est comme s'il leur disait : « Si les gens savaient quand ils vont mourir, ils seraient parfaitement prêts pour ce jour »... Mais le moment de la fin de notre vie est un secret qui échappe à chaque homme...
Voilà pourquoi le Seigneur exige deux qualités de son serviteur : qu'il soit fidèle, pour qu'il ne s'attribue à lui-même rien de ce qui appartient à son maître, et qu'il soit avisé, pour administrer convenablement tout ce qu'on lui a confié. Il nous faut donc ces deux qualités pour être prêts à l'arrivée du Maître... Car voici ce qui arrive du fait que nous ne connaissons pas le jour de notre rencontre avec lui : on se dit : « Mon maître tarde à venir ». Le serviteur fidèle et avisé n'a pas de pensée semblable. Malheureux, sous prétexte que ton Maître tarde, tu t'imagines qu'il ne va pas venir du tout ? Son arrivée est certaine. Pourquoi ne restes-tu donc pas sur tes gardes ? Non, le Seigneur n'est pas lent à venir ; ce retard n'est que dans l'imagination du mauvais serviteur.
Homélie 77 sur St Matthieu (trad. cf Véricel, Les Pères commentent, p. 252)
La mort de Jean Baptiste
«Donne-moi ici, sur un plat, la tête de Jean Baptiste. » Et Dieu l'a permis, il n'a pas lancé sa foudre du haut des cieux pour dévorer ce visage insolent ; il n'a pas ordonné à la terre de s'entr'ouvrir et d'engloutir les convives de ce banquet hideux. Dieu donnait ainsi une plus belle couronne au juste et laissait une magnifique consolation à ceux qui, dans l'avenir, seraient victimes de pareilles injustices. Écoutons donc, nous tous qui, malgré notre vie honnête, avons à souffrir des méchants... Le plus grand des enfants nés de la femme (Lc 7,28) a été mis à mort à la demande d'une fille impudique, d'une femme perdue ; et cela pour avoir défendu les lois divines. Que ces considérations nous fassent endurer courageusement nos propres souffrances...
Mais remarque le ton modéré de l'évangéliste qui, dans la mesure du possible, cherche des circonstances atténuantes à ce crime. Au sujet d'Hérode, il note qu'il a agi « à cause de ses serments et des convives » et qu'«il fut contristé» ; au sujet de la jeune fille, il remarque qu'elle avait été « endoctrinée par sa mère »... Nous aussi, ne haïssons pas les méchants, ne critiquons pas les fautes du prochain, cachons-les aussi discrètement que possible ; accueillons la charité en notre âme. Car sur cette femme impudique et sanguinaire, l'évangéliste a parlé avec toute la modération possible... Toi, au contraire, tu n'hésites pas à traiter ton prochain avec méchanceté ... Toute différente est la façon d'agir des saints : ils pleurent sur les pécheurs, au lieu de les maudire. Faisons comme eux ; pleurons sur Hérodiade et sur ceux qui l'imitent. Car on voit aujourd'hui bien des repas du genre de celui d'Hérode ; on n'y met pas à mort le Précurseur, mais on y déchire les membres du Christ.
Homélies sur Saint Matthieu, no. 48
« Celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche…ne perdra pas sa récompense »
« J'étais un étranger, dit le Christ, et vous m'avez accueilli » (Mt 25,35). Et encore : « Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25,40). Puisqu'il s'agit d'un croyant et d'un frère, même s'il s'agit du plus petit, c'est le Christ qui entre avec lui. Ouvre ta maison, reçois-le. « Qui reçoit un prophète en sa qualité de prophète, recevra une récompense de prophète »… Voici les sentiments qu'on doit avoir en recevant les étrangers : l'empressement, la joie, la générosité. L'étranger est toujours timide et honteux. Si son hôte ne le reçoit pas avec joie, il se retire en se sentant méprisé, car il est pire d'être reçu de la sorte que de ne pas être reçu du tout.
Aie donc une maison où le Christ trouve sa demeure. Dis : « Voici la chambre du Christ. Voici la demeure qui lui est réservée ». Même si elle est très simple, il ne la dédaignera pas. Le Christ est nu, étranger ; il ne lui faut qu'un toit. Donne-lui au moins cela ; ne sois pas cruel et inhumain. Toi qui montres tant d'ardeur pour les biens matériels, ne reste pas froid pour les richesses de l'esprit... Tu as un local pour ta voiture, et tu n'en aurais aucun pour le Christ vagabond ? Abraham recevait les étrangers là où il demeurait (Gn 18). Sa femme les traitait comme si elle était la servante, et eux, les maîtres. Ni l'un ni l'autre ne savaient qu'ils recevaient le Christ, qu'ils accueillaient des anges. S'ils l'avaient su, ils se seraient dépouillés de tout. Nous qui savons reconnaître le Christ, montrons encore plus d'empressement qu'eux qui croyaient ne recevoir que des hommes.
Homélie 45 sur les Actes des Apôtres ; PG 60, 318-320 (trad. Brésard, 2000 ans A, p. 184)
« Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie »
« Nous ne sommes tous ensemble qu’un seul pain, un seul Corps » (1Co 10,17). Qu'est-ce que le pain que nous mangeons ? Le Corps du Christ. Que deviennent les communiants ? Le Corps du Christ, non une multitude, mais un Corps unique. De même que le pain, composé de tant de grains de blé, n'est qu'un pain unique où les grains disparaissent, de même que les grains y subsistent mais qu'il est impossible d’y voir ce qui les distingue dans la masse si bien unie, ainsi nous tous, ensemble et avec le Christ, nous ne faisons qu'un tout. En effet, ce n'est pas d'un corps que se nourrit tel membre et tel autre d’un autre corps ; c'est le même Corps qui les nourrit tous. C’est pourquoi l’apôtre Paul a ajouté : « Nous participons à un même pain ».
Eh bien maintenant, si nous participons tous au même pain, si tous nous devenons ce même Christ, pourquoi ne montrons-nous pas la même charité ?… C'est ce que l'on voyait du temps de nos pères : « Toute la multitude de ceux qui croyaient n'avait qu'un coeur et qu’une âme » (Ac 4,32). Il n'en est pas de même à présent ; c'est tout le contraire. Et pourtant, homme, c'est le Christ qui est venu te chercher, toi qui étais si loin de lui, pour s’unir à toi. Et toi, tu ne veux pas t’unir à ton frère ?…
En effet, il n'a pas seulement donné son corps ; mais comme la première chair, tirée de la terre, était morte par le péché, il y a introduit, pour ainsi dire, un autre ferment, sa chair à lui, de même nature que la nôtre mais exempte de tout péché, pleine de vie. Le Seigneur nous l'a partagée à tous afin que, nourris de cette chair nouvelle, tous en communion les uns avec les autres, nous puissions entrer dans la vie immortelle.
Homélies sur la 1ère lettre aux Corinthiens, n° 24
Amour de Paul pour le Christ
Qu'est-ce que l'homme ? Quelle est la noblesse de notre nature ? De quelle vertu est capable cette créature vivante ? Paul nous l'a montré mieux que n'importe qui. ~
Chaque jour, il montait plus haut, il était animé d'un nouveau courage contre les dangers qui s'élevaient contre lui. Il le disait clairement : Oubliant ce qui est en arrière, et tendu vers l'avant . ~ Alors qu'il s'attendait à la mort, il appelait à partager cette joie : Soyez joyeux et réjouissez-vous avec moi . Exposé aux dangers, aux insultes, et à toute sorte d'humiliations, il exulte encore et il écrit aux Corinthiens : C'est pourquoi j'accepte de grand cœur les faiblesses, les insultes, les persécutions . Il appelait cela les armes de la justice et montrait qu'il en recueillait le plus grand fruit.
Il échappait de toutes parts à ses ennemis. Accablé de coups, d'insultes, d'outrages, il célébrait une sorte de triomphe continuel ; partout il érigeait des trophées, il s'en glorifiait et il en rendait grâce à Dieu, en disant : Rendons grâce à Dieu qui nous emmène en tout temps dans son triomphe .
Il recherchait la honte et les insultes que lui valait sa prédication, plus que nous ne recherchons les honneurs ; la mort, plus que nous la vie ; la pauvreté, plus que nous la richesse ; les labeurs, plus que d'autres le repos. ~ Une seule chose lui paraissait à redouter et à fuir : offenser Dieu, et rien d'autre. De même rien ne lui paraissait à désirer que de plaire à Dieu. ~
Ce qu'il tenait pour supérieur à tout, c'était l'amour du Christ ; avec cela, il estimait qu'il était le plus heureux des hommes. En dehors de cela, il ne souhaitait d'être ni parmi les souverains, ni parmi les chefs, ni parmi les autorités ; mais il préférait être parmi les derniers et même au nombre des condamnés avec cet amour, plutôt que, en dehors de lui, parmi les hommes haut placés et couverts d'honneurs.
Il n'y avait pour lui qu'un seul supplice : perdre cet amour. Pour lui c'était la géhenne, le châtiment, un malheur infini. En revanche, jouir de cet amour, c'était pour lui posséder la vie, le monde, son bon ange, le présent et l'avenir, la royauté, la promesse, le bonheur infini. Tout ce qui peut nous arriver ici-bas, en dehors de cela, il ne le jugeait ni pénible, ni agréable.
Il méprisait toutes les choses visibles autant que de l'herbe pourrie. Les tyrans et les peuples pleins de fureur lui semblaient des moucherons ; la mort, les châtiments, tous les supplices : des jeux d'enfants, du moment qu'il avait à souffrir pour le Christ.
HOMÉLIE DE S. JEAN CHRYSOSTOME À LA LOUANGE DE PAUL
Date de dernière mise à jour : 2017-03-12
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