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Maxime de Turin quelques écrits
Saint Maxime de Turin (?-v. 420), évêque
Liste des lectures
Quarante jours qui nous conduisent vers le baptême dans la mort et la résurrection du Christ
Au lever du jour, Jésus était là sur le rivage
Le coq ne chantera pas avant que tu m'aies renié trois fois
« Désormais ce sont des hommes que tu prendras »
Les mystères du baptême du Seigneur.
Laissez les enfants venir à moi, car le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent
J'ai apprêté une lampe pour mon Christ
Voici le jour d'allégresse et de joie
Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous comprendrez que moi, Je Suis
Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père
Et toi, petit enfant, on t'appellera prophète du Très-Haut
Celui qui accueille en mon nom un enfant, c'est moi qu'il accueille
Le vin nouveau de la vraie joie
L'origine du Carême : accompagner les catéchumènes vers le baptême à Pâques
Il vient, celui qui est plus puissant que moi
Comparable à une graine de moutarde qu'un homme a prise et jetée dans son jardin
Né du Père avant tous les siècles..., il a pris chair de la Vierge Marie
Sois sans crainte, Zacharie, car ta supplication a été entendue
Répondre aux appels de Dieu à nous convertir du fond de notre cœur
Si le grain tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit
Saint Laurent, comme un grain jeté en terre
Judas, s’approchant de Jésus…, l’embrassa. Les autres mirent la main sur lui et l’arrêtèrent
« Veux-tu guérir ? » Le carême conduit au baptême
Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux
Il faut que lui, il grandisse et que moi, je diminue
.............
Vous êtes le sel de la terre. Vous êtes la lumière du monde
Le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent
Saint Maxime de Turin (?-v. 420), évêque
Quarante jours qui nous conduisent vers le baptême dans la mort et la résurrection du Christ
« Au moment favorable, je t'ai exaucé ; au jour du salut je t'ai secouru » (Is 49,8). L'apôtre Paul continue la citation par ces mots : « Le voici maintenant le moment, le voici maintenant le jour du salut » (2Co 6,2). À mon tour je vous prends à témoin, voici venus les jours de la rédemption, voici venu en quelque sorte le moment de la cure spirituelle ; nous pouvons soigner toutes les souillures de nos vices, toutes les blessures de nos péchés, si nous prions constamment le médecin de nos âmes, si... nous ne négligeons aucune de ses prescriptions...
Le médecin est notre Seigneur Jésus, qui a dit : « C'est moi qui fais mourir, c'est moi qui fais vivre » (Dt 32,39). Le Seigneur fait d'abord mourir, puis redonne la vie. Par le baptême, il détruit en nous adultères, homicides, crimes et vols ; puis il nous fait revivre, en hommes nouveaux dans l'immortalité éternelle. Nous mourons à nos péchés, évidemment par le baptême, nous reprenons vie dans l'Esprit de vie... Livrons-nous à notre médecin avec patience pour recouvrer la santé. Tout ce qu'il aura décelé en nous d'indigne, de souillé par le péché, de rongé par les ulcères, il le taillera, le coupera, le retirera pour ne laisser subsister en nous, une fois éliminées toutes les blessures du démon, que ce qui appartient à Dieu.
Voici la première de ses prescriptions : consacrer quarante jours au jeûne, à la prière, aux veilles. Le jeûne guérit la mollesse, la prière nourrit l'âme religieuse, les veilles repoussent les pièges du diable. Après ce temps consacré à toutes ces observances, l'âme, purifiée et éprouvée par tant de pratiques, parvient au baptême. Elle reprend des forces en se plongeant dans les eaux de l'Esprit : tout ce qui avait été brûlé par les flammes des maladies renaît de la rosée de la grâce du ciel... Par une nouvelle naissance, nous renaîtrons autre.
Sermon 28, PL 57, 587s = CC Sermon 35, p.136s (trad. Les Pères dans la foi, Migne 1996, p. 92s)
« Semblables à cet enfant »
Le Seigneur dit aux apôtres déjà âgés et mûrs : « Si vous ne changez pas pour devenir comme cet enfant, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Mt 18,3 ; cf. v. 4)... Il les incite à retrouver l'enfance...afin qu'ils renaissent à l'innocence du cœur : « Personne, à moins de naître de l'eau et de l'esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jn 3,5).
« Si vous ne changez pas pour devenir comme cet enfant » : il ne dit pas « ces enfants », mais « cet enfant » ; il n'en choisit qu'un, il n'en propose qu'un. Et qui est cet enfant qu'il donne en exemple à ses disciples ? Je ne crois pas que ce soit un enfant du peuple, de la foule des hommes, qui offre aux apôtres un modèle de sainteté pour le monde entier. Non, je ne crois pas que cet enfant vienne du peuple, mais du ciel. Il s'agit de cet enfant venu du ciel dont parle le prophète Isaïe : « Un enfant nous est né, un fils nous est donné » (9,5). C'est lui l'enfant innocent, qui ne sait pas répondre à l'insulte par l'insulte, aux coups par les coups — bien mieux, même pendant son agonie il prie pour ses ennemis : « Mon Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font » (Lc 23,34). Ainsi, en sa grâce insondable, le Seigneur déborde de cette innocence du cœur que la nature donne aux enfants. Il est cet enfant qui demande aux tout-petits de l'imiter et de le suivre.
Homélie 58 ; PL 57, 363 (trad. coll. Icthus, t. 10, p. 260 rev.)
« Au lever du jour, Jésus était là sur le rivage »
Ce jour qu'a fait le Seigneur (Ps 117,24) pénètre tout ; il contient tout, il embrasse tout, ciel, terre et enfer ! ... Et quel est ce jour du ciel sinon le Christ, dont parle le prophète : « Le jour au jour énonce le récit » (Ps 18,3). Oui, ce jour est le Fils à qui le Père, qui est aussi la lumière du jour, énonce le secret de sa divinité. C'est lui, ce jour qui dit par la voix du Sage : « J'ai créé un jour qui se lèvera à jamais dans le ciel » (Si 24,32)... Ainsi la lumière du Christ luit à jamais, elle rayonne, elle flamboie, et les ténèbres du péché ne peuvent l'étreindre. « La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas retenue » (Jn 1,5).
À la résurrection du Christ, tous les éléments sont glorifiés ; je suis sûr que le soleil a brillé ce jour-là d'un plus vif éclat. Ne devait-il pas entrer dans la joie de la résurrection, lui qui s'était attristé à la mort du Christ ? (Mt 27,45)... Comme un serviteur fidèle, il s'est obscurci pour accompagner le Christ dans la tombe ; aujourd'hui, il doit resplendir pour saluer la résurrection... Frères, réjouissons-nous en ce saint jour ; que nul, au souvenir de son péché, ne se dérobe à la joie commune ! Que personne ne désespère du pardon. Une faveur immense l'attend. Si le Seigneur, sur la croix, a eu pitié d'un bandit..., de quels bienfaits la gloire de sa résurrection ne nous comblera-t-elle pas ?
CC Sermon 53, sur le Ps 117 Homélie sur le Ps 14 (trad. coll. Icthus, vol. 10, p. 256)
« Le coq ne chantera pas avant que tu m'aies renié trois fois »
Se retournant, le Seigneur fixe son regard sur Pierre. Et Pierre, prenant conscience de ce qu'il vient de dire, se repent et pleure... ; il fond en larmes et reste muet... (Lc 22,61-62) Oui, les larmes sont des prières muettes ; elles méritent le pardon sans le réclamer ; sans plaider leur cause elles obtiennent miséricorde... Les mots peuvent ne pas réussir à exprimer une prière, jamais les larmes ; les larmes expriment toujours ce que nous ressentons, alors que les paroles peuvent être impuissantes. Voilà pourquoi Pierre ne recourt plus à des paroles : les paroles l'avaient poussé à trahir, à pécher, à renier sa foi. Il préfère avouer son péché par des larmes, ayant renié en parlant...
Imitons-le dans ce qu'il dit par ailleurs, quand le Seigneur lui demande trois fois : « Simon, m'aimes-tu ? » (Jn 21,17) Trois fois, il répond : « Seigneur, tu sais que je t'aime. » Le Seigneur lui dit alors : « Pais mes brebis », et cela par trois fois. Cette parole compense son égarement précédent ; celui qui avait renié le Seigneur trois fois le confesse trois fois ; trois fois il s'était rendu coupable, trois fois il obtient la grâce par son amour. Voyez donc quel bénéfice Pierre a tiré de ses larmes ! ... Avant de verser des larmes, c'était un traître ; ayant versé des larmes, il a été choisi comme pasteur, et celui qui s'était mal conduit a reçu la charge de conduire les autres.
CC Sermon 76, 317 ; PL 57, 353 (trad. coll. Pères dans la foi, Migne 1996, p. 117)
L'eau changée en vin
En changeant en vin les jarres remplies d'eau, le Sauveur a fait deux choses : il a fourni une boisson aux invités de la noce et il a signifié que, par le baptême, les hommes allaient être remplis de l'Esprit Saint. Le Seigneur lui-même l'a déclaré ailleurs en disant : « À outres neuves, vin nouveau ! » (Mt 9,17). Les outres neuves signifient, en effet, la pureté du baptême, le vin la grâce de l'Esprit Saint.
Catéchumènes, prêtez une attention particulière. Votre esprit qui ignore encore la Trinité ressemble à l'eau froide. Il faut le réchauffer à la chaleur du sacrement du baptême, comme un vin, pour transformer un liquide pauvre et sans valeur en grâce précieuse et riche. Comme le vin, acquérons bon goût et arôme de douceur ; alors nous pourrons dire avec l'apôtre Paul : « Nous sommes bien pour Dieu la bonne odeur du Christ » (2Co 2,15). Avant son baptême, le catéchumène ressemble à l'eau qui dort, froide et sans couleur..., inutile, incapable de redonner des forces. Conservée trop longtemps, l'eau s'altère, croupit, devient fétide... Le Seigneur a dit : « À moins de naître à nouveau de l'eau et de l'Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume des cieux » (Jn 3,5).
Le fidèle baptisé est semblable au vin vigoureux et rouge. Toutes les choses de la création s'abîment avec le temps, seul le vin s'améliore en vieillissant. Il perd chaque jour de son âpreté, et acquiert un bouquet plein de mœlleux, d'une riche saveur. Le chrétien de même, à mesure que passe le temps, perd l'âpreté de sa vie pécheresse, acquiert la sagesse et la bienveillance de la Trinité divine.
CC Sermon 65, p. 273-274 ; PL 17,624-626 (trad. Pères dans la foi, Migne 1996, p.70)
Le levain du monde entier
Nous lisons dans l'Évangile : « Si le grain de blé ne tombe en terre et n'y meurt, il reste seul ; s'il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24). Le Seigneur Jésus est le grain de blé, mais il est aussi le levain… En venant, homme et seul, dans le monde, le Seigneur Jésus a donné à tous les hommes la possibilité de devenir ce qu'il est lui-même. Tout homme qui s'unit au levain du Christ devient lui aussi du levain, utile à lui-même et profitable à tous ; il sera sauvé et il sauvera autrui.
Avant d'être disséminé dans un monceau de farine, le levain est broyé, écrasé, émietté, il est complètement dissous — mais c'est alors qu'il rassemble en une même fermentation les grains innombrables et dispersés de la farine. Il ramène en un corps solide une substance qui, d'elle-même, était aussi inconsistante que la poussière ; il fait, enfin, une pâte utile de ce qui semblait n'être qu'un vain éparpillement.
Ainsi le Seigneur Jésus Christ, levain du monde entier, a été brisé par beaucoup de souffrances, lacéré et détruit, et son suc, c'est à dire son précieux sang, s'est répandu pour nous, afin d'affermir, en s'y mêlant, tout le genre humain dispersé. Nous qui étions comme une farine de peuples, nous voilà rassemblés comme du levain ; nous qui gisions lamentablement par toute la terre, dispersés et broyés, nous voilà réunis au corps du Christ grâce à la puissance de sa Passion.
Homélie 111 ; CC Sermon 25, p.97 ; PL 57, 511 (trad. Quéré-Jaulmes / En Calcat rev.)
« Désormais ce sont des hommes que tu prendras »
Lorsque le Seigneur, assis dans la barque, dit à Pierre : « Avance en eau profonde, et lâchez vos filets pour la pêche », il lui conseille moins de jeter dans les profondeurs de l'eau les instruments de la pêche, que de répandre au fond des cœurs les paroles de la prédication. Cet abîme des cœurs, saint Paul l'a pénétré en y lançant la parole : « Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la connaissance de Dieu ! » (Rm 11,33)… Comme le filet amène dans ses replis vers le navire les poissons qu'il a pris, la foi conduit dans son sein, vers le repos, tous les hommes qu'elle a rassemblés.
Toujours pour faire comprendre que le Seigneur parlait de la pêche spirituelle, Pierre dit : « Maître, nous avons peiné toute une nuit sans rien prendre, mais sur ta parole je vais jeter mes filets »… Le Verbe, la Parole de Dieu, c’est le Seigneur notre Sauveur... Puisque Pierre lance son filet selon le Verbe, il répand partout son éloquence selon le Christ. Il déploie les filets tissés selon les prescriptions de son maître ; il lance au nom du Seigneur des paroles plus claires et plus efficaces qui permettent de sauver, non pas des créatures sans raison, mais des hommes.
« Nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre. » Oui, Pierre avait bien peiné toute la nuit…; lorsque la lumière du Sauveur a brillé, les ténèbres se sont dissipées et sa foi lui a permis de distinguer, au plus profond des eaux, ce que ses yeux ne pouvaient pas voir. Pierre a effectivement souffert de la nuit, jusqu'à ce que le jour qui est le Christ vienne à son secours. C'est ce qui fait dire à l'apôtre Paul : « La nuit est avancée, le jour arrive » (Rm 13,12).
Sermon 39, attrib. (trad. coll. Migne n°65, p. 175)
Les mystères du baptême du Seigneur.
L'Évangile rapporte que le Seigneur s'est rendu au Jourdain afin d'être baptisé et qu'il a voulu être consacré dans ce fleuve aux mystères célestes. ~
Il est dans l'ordre, en effet, qu'après le jour de la naissance du Sauveur — bien des années plus tard, mais à la même époque — vienne cette fête, que l'on doit, à mon avis, appeler aussi la fête de sa nativité.
Né alors pour les hommes, il renaît aujourd'hui dans les sacrements. Alors, il a été mis au monde par la Vierge, aujourd'hui il a été engendré par le mystère. ~ Là, lorsqu'il naît à notre humanité, sa mère Marie le réchauffe dans son sein ; ici, lorsqu'il est engendré selon le mystère, Dieu le Père l'accueille par sa parole. Il dit en effet : Celui-ci est mon Fils, en qui j'ai mis tout mon amour. Écoutez-le . Sa Mère, en l'enfantant, le caresse tendrement sur son sein, le Père le soutient par un affectueux témoignage ; sa Mère le présente à l'adoration des mages, le Père le manifeste aux païens pour qu'ils le vénèrent. ~
Le Seigneur Jésus est venu au baptême, et il a voulu que son corps très saint soit lavé par l'eau.
Quelqu'un dira peut-être : « Lui qui est Saint, pourquoi a-t-il voulu être baptisé ? » Écoutez donc. Le Christ est baptisé non pas pour être sanctifié par l'eau, mais pour sanctifier lui-même l'eau et pour purifier par sa pureté ces flots qu'il touche. La consécration du Christ est en effet la consécration fondamentale de l'élément.
Lorsque le Sauveur est lavé, c'est alors que l'eau est d'avance purifiée tout entière en vue de notre baptême ; la source est purifiée pour que, dorénavant, la grâce du baptême soit administrée aux peuples à venir. Le Christ a donc reçu le baptême par avance, pour que les peuples chrétiens prennent sa suite avec confiance.
Je comprends le mystère : car c'est ainsi que la colonne de feu s'est avancée la première à travers la mer Rouge, pour que les fils d'Israël marchent sur ses traces avec intrépidité. Elle a traversé les eaux en premier pour préparer la voie à ceux qui viendraient après elle. Ce fut là, dit l'Apôtre, un mystère préfigurant le baptême. Oui, ce fut comme un baptême, lorsque la nuée recouvrait les hommes, et que l'eau les portait.
Mais c'est le Christ Seigneur qui a réalisé tout cela. C'est lui, jadis, qui précéda les fils d'Israël, à travers la mer, dans la colonne de feu. De même, c'est lui maintenant qui, par son baptême, précède les peuples chrétiens en son propre corps. Il est, dirai-je, cette colonne qui alors présenta sa lumière aux regards de ceux qui le suivaient et qui, maintenant, offre la lumière aux cœurs des croyants. Alors, il offrit un chemin solide à travers les eaux ; maintenant il fortifie notre marche dans le bain de la foi.
SERMON POUR L'ÉPIPHANIE
« Laissez les enfants venir à moi, car le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent »
Qu’il est grand et admirable, le don que Dieu nous fait, mes frères ! En ce jour de Pâques, jour du salut, le Seigneur ressuscite et donne la résurrection au monde entier… Nous sommes son corps (1Co 12,27)…, et ses membres ressuscitent avec lui…, il nous fait passer de la mort à la vie. « Pâque » en hébreu veut dire passage… : et quel passage ! Du péché à la justice, du vice à la vertu, de la vieillesse à l’enfance… Hier la déchéance du péché nous mettait sur notre déclin, mais la résurrection du Christ nous fait renaître dans l'innocence des tout-petits.
La simplicité chrétienne fait sienne l'enfance. L'enfant est sans rancœur, ne connaît pas la tromperie, n'ose pas frapper. Ainsi cet enfant qu'est devenu le chrétien ne s’emporte plus si on l'insulte, ne se défend pas si on lui prend quelque chose, ne rend pas de coups si on le frappe. Le Seigneur exige même qu'il prie pour ses ennemis, qu’il abandonne sa tunique et son manteau aux voleurs, et qu’il tende l’autre joue à ceux qui le giflent (Mt 5,39s). L'enfance du Christ dépasse l'enfance des hommes…
Aux apôtres déjà âgés et mûrs le Seigneur dit : « Si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Mt 18,3). Il les renvoie à la source de leur vie ; il les incite à retrouver l'enfance, afin que ces hommes dont les forces déclinent déjà renaissent à l'innocence du cœur.
Homélie 58, pour Pâques ; PL 57, 363 (trad. coll. Icthus, t. 10, p. 259 rev.)
« Ta femme te donnera un fils... Tu seras dans la joie et l'allégresse, beaucoup d'hommes se réjouiront de sa naissance » (Lc 1,13-14)
D'avance Dieu avait destiné Jean Baptiste à venir proclamer la joie des hommes et l'allégresse des cieux. De sa bouche, le monde a entendu tomber les paroles admirables qui annonçaient la présence de notre Rédempteur, l'Agneau de Dieu (Jn 1,29). Alors que ses parents avaient perdu tout espoir d'obtenir une descendance, l'ange, messager d'un si grand mystère, l'a envoyé pour servir de témoin au Seigneur avant même de naître (Lc 1,41)...
Il a rempli d'une joie éternelle le sein de sa mère, quand elle le portait en elle... En effet, dans l'Évangile, on lit ces paroles qu'Élisabeth dit à Marie : « Lorsque j'ai entendu tes paroles de salutation, l'enfant a tressailli d'allégresse au-dedans de moi. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ? » (Lc 1,43-44)... Tandis que, dans sa vieillesse, elle s'affligeait de ne pas avoir donné d'enfant à son mari, soudain elle a mis au monde un fils qui était aussi le messager du salut éternel pour le monde entier. Et un messager tel que, dès avant sa naissance, il a exercé le privilège de son ministère futur quand il a répandu son esprit prophétique par les paroles de sa mère.
Puis, par la puissance du nom que l'ange lui avait donné d'avance, il a ouvert la bouche de son père fermée par l'incrédulité (Lc 1,13.20). Lorsqu'en effet Zacharie était devenu muet, ce n'était pas pour le rester mais pour recouvrer divinement l'usage de la parole et confirmer par un signe venu du ciel que son fils était un prophète. Or, l'Évangile dit de Jean : « Cet homme n'était pas la Lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage pour que tous croient par lui » (Jn 1,7-8). Il n'était certes pas la Lumière, mais il était tout entier dans la lumière, celui qui a mérité de rendre témoignage à la Lumière véritable.
Sermon 57, sur la naissance de Jean Baptiste, 1 ; PL 57, 647 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 488 rev.)
« J'ai apprêté une lampe pour mon Christ » (Ps 131,17)
Alors que l'univers entier était écrasé par les ténèbres du diable et que l'obscurité du péché régnait sur le monde, un soleil nouveau, le Christ notre Seigneur, a bien voulu, à ces derniers temps, à la nuit déjà avancée, répandre les premiers rayons d'un jour naissant. Avant que paraisse cette lumière, c'est-à-dire avant que se manifeste « le soleil de justice » (Ml 3,20), Dieu avait déjà annoncé par ses prophètes, comme une aurore : « J'envoyais mes prophètes avant la lumière » (Jr 7,25 Vulg). Plus tard, le Christ a lui-même jeté ses rayons, c'est-à-dire ses apôtres, pour faire resplendir sa lumière et remplir l'univers de sa vérité, afin que personne ne se perde dans les ténèbres...
Nous les hommes, pour accomplir les tâches indispensables avant que le soleil de ce monde ne se lève, nous anticipons sur la lumière avec une lampe. Or le soleil du Christ, lui aussi, a sa lampe qui a précédé sa venue, comme dit le prophète : « J'ai apprêté une lampe pour mon Christ » (Ps 131,17). Le Seigneur indique quelle est cette lampe, en disant au sujet de Jean Baptiste : « Celui-là est la lampe qui brûle et qui luit ». Et Jean lui-même dit, comme s'il était la faible lueur d'une lanterne que l'on porte devant soi : « Mais vient celui qui est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses sandales ; lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu » (Lc 3,16). En même temps, comprenant que sa lumière devait être éclipsée par les rayons du soleil, il a prédit : « Il faut qu'il grandisse et que moi je diminue » (Jn 3,30). En effet, de même que la lueur d'une lanterne s'éteint à l'arrivée du soleil, de même le baptême de repentir proclamé par Jean a perdu sa valeur à l'arrivée de la grâce du Christ.
CC Sermon 62, 261s ; PL 57, 537 (trad. coll. Pères dans la foi n°65, Migne 1996, p. 47 rev.)
Produire du fruit
« La vigne du Seigneur Sabaot, dit le prophète, c'est la maison d'Israël » (Is 5,7). Or cette maison, c'est nous..., et puisque nous sommes Israël, nous sommes la vigne. Prenons donc bien garde que ne naisse pas de nos sarments, au lieu du raisin de la douceur, celui de la colère (Ap 14,19), pour qu'on ne nous dise pas... : « J'attendais de beaux raisins ; elle donna des raisins sauvages » (Is 5,4). Quelle terre ingrate ! Celle qui aurait dû offrir à son maître les fruits de la douceur l'a transpercé de ses épines aiguës. Ainsi ses ennemis, qui auraient dû accueillir le Sauveur avec toute la dévotion de leur foi, l'ont couronné des épines de la Passion. Pour eux cette couronne signifiait bien outrage et injure, mais aux yeux du Seigneur, c'était la couronne des vertus...
Prenez garde, frères, que l'on ne dise pas à votre sujet : « Il attendait de beaux raisins, elle n'a donné que des épines sauvages » (Is 5,2)... Prenons garde que nos mauvaises actions n'écorchent la tête du Seigneur comme des ronces. Il y a des épines du cœur qui ont blessé même la parole de Dieu, comme le dit le Seigneur dans l'évangile quand il raconte que le grain du semeur est tombé parmi les épines, qui ont poussé et étouffé ce qui avait été semé (Mt 13,7)... Veillez donc à ce que votre vigne ne porte pas d'épines au lieu de raisins ; que votre vendange ne produise pas du vinaigre au lieu de vin. Quiconque fait la vendange sans en distribuer aux pauvres recueille du vinaigre au lieu de vin ; et celui qui engrange ses moissons sans en distribuer aux indigents ne met pas de côté le fruit de l'aumône, mais les chardons de l'avarice.
Sermon pour la fête de saint Cyprien ; CC Sermon 11, p.38 ; PL 57, 687 (trad. coll. Pères dans la foi, vol 65, Migne 1996, p.184 rev)
Saint Maxime de Turin (?-v. 420), évêque
« Voici le jour d'allégresse et de joie »
« Voici le jour que le Seigneur a fait, pour nous jour d'allégresse et de joie » (Ps 117,24). Ce n'est pas un hasard, mes frères, si nous lisons aujourd'hui ce psaume où le prophète nous convie à la joie et à l'allégresse, où le saint David invite toute la création à célébrer ce jour : car aujourd'hui la résurrection du Christ a ouvert le séjour des morts, les nouveaux baptisés de l'Église ont rajeuni la terre, l'Esprit Saint a montré le ciel. Ouvert, l'enfer rend ses morts ; rajeunie, la terre fait éclore les ressuscités ; et le ciel s'ouvre tout grand pour accueillir ceux qui montent vers lui.
Le larron est monté au paradis (Lc 23,43) ; les corps des saints entrent dans la cité sainte (Mt 27,53)... À la résurrection du Christ, tous les éléments, dans une sorte d'élan, s'élèvent vers les hauteurs. L'enfer rend aux anges ceux qu'il gardait captifs, la terre envoie au ciel ceux qu'elle recouvrait, le ciel présente au Seigneur ceux qu'il a accueillis... La résurrection du Christ est pour les défunts la vie, pour les pécheurs le pardon, pour les saints la gloire. Ainsi le grand David invite toute la création à fêter la résurrection du Christ et l'incite à tressaillir de joie et d'allégresse en ce jour que le Seigneur a fait.
Mais, direz-vous..., le ciel et l'enfer n'ont pas été établis dans le jour de ce monde ; peut-on donc demander à ces éléments de fêter un jour auquel ils échappent totalement ? Mais ce jour que le Seigneur a fait pénètre tout, contient tout, embrasse à la fois ciel, terre et enfer ! La lumière qu'est le Christ n'est pas arrêtée par des murs, ni brisée par les éléments, ni assombrie par les ténèbres. La lumière du Christ vraiment est un jour sans nuit, un jour sans fin. Partout elle resplendit, partout elle rayonne, partout elle demeure.
CC Sermon 53, sur le psaume 117 ; PL 57, 361 (trad. coll. Migne n°65, p. 126)
« Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous comprendrez que moi, Je Suis »
Le Christ notre Seigneur a été mis en croix pour libérer le genre humain du naufrage de ce monde... Dans l'Ancien Testament Moïse avait dressé, au milieu des mourants, un serpent de bronze attaché à un pieu ; il avait enjoint au peuple d'espérer la guérison à la vue de ce signe (Nb 21,6s). Il en sortait un remède d'une telle puissance contre la morsure des serpents que le blessé, en se tournant vers le serpent en croix, se mettait à espérer et aussitôt recouvrait la santé. Le Seigneur n'a pas manqué de rappeler cet épisode dans l'Évangile quand il dit : « Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l'homme » (Jn 3,14)...
Le serpent est donc le premier à être crucifié, par Moïse. Ce n'est que justice, puisque le diable le premier a péché sous le regard du Seigneur (Gn 3)... Il est mis en croix sur un bâton, ce qui est justice, puisque l'homme avait été trompé par le biais de l'arbre du désir ; désormais, il est sauvé par un bâton pris à un autre arbre... Après le serpent, c'est l'homme qui est crucifié dans le Sauveur, sans aucun doute pour punir non seulement le responsable, mais aussi le délit. La première croix se venge sur le serpent, la seconde sur son venin... : le venin que sa persuasion avait instillé dans l'homme est rejeté et guéri... Voilà ce qu'a fait le Seigneur par sa nature humaine : lui l'innocent, il souffre ; en lui la désobéissance, provoquée par la fameuse tromperie du diable, est amendée ; et libéré de sa faute, l'homme est libéré de la mort.
Puisque nous avons comme Seigneur, Jésus qui nous a libérés par sa Passion, gardons constamment les yeux fixés sur lui, espérons toujours trouver dans ce signe le remède à nos blessures. Si le venin de l'avarice venait à se répandre en nous, regardons la croix, elle nous délivrera ; si le désir, ce scorpion, nous ronge, implorons-la, elle nous guérira ; si les morsures des pensées d'ici-bas nous lacèrent, prions-la encore et nous vivrons. Voilà les serpents spirituels de nos âmes : pour les fouler aux pieds, le Seigneur est mis en croix. Lui-même nous dit : « Voici que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds serpents, scorpions, et rien ne pourra vous nuire » (Lc 10,19).
CC Sermon 57 ; PL 57,339 (trad. Migne 1996, p. 135)
« Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père »
Après la résurrection, Marie Madeleine a cherché le Seigneur au tombeau, a oublié sa promesse de revenir des enfers le troisième jour, l'a imaginé prisonnier de la terre... Une foi humble et ignorante cherche ce qu'elle ne sait pas, oublie ce qu'on lui apprend ; elle est prompte à vénérer, mais sa croyance est imparfaite. Elle se soucie des blessures que le Seigneur a portées dans sa chair, mais doute de la gloire de sa résurrection. Elle pleure parce qu'elle aime le Christ, elle s'afflige de n'avoir pas trouvé son corps ; elle imagine mort celui qui déjà régnait...
On reproche donc à la bienheureuse Marie d'avoir été trop lente à croire (Lc 24,5s) ; tard elle avait reconnu le Seigneur. C'est pourquoi le Sauveur lui dit : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père »... C'est-à-dire, pourquoi désires-tu me toucher, toi qui, en me cherchant parmi les tombeaux, ne crois pas que je suis monté auprès de mon Père, toi qui, en me cherchant dans le séjour des morts, doutes que je sois retourné au ciel ; toi qui, en me cherchant parmi les morts, ne t'attends pas à me voir vivre auprès de Dieu, mon Père ? « Je ne suis pas encore monté vers le Père », dit-il, c'est-à-dire : pour toi je ne suis pas encore monté vers le Père, moi qui, d'après ta foi, suis toujours retenu au tombeau...
Celui qui veut toucher le Seigneur doit d'abord, dans sa foi, le placer à la droite de Dieu ; son cœur, plutôt que de le chercher parmi les morts, doit le situer au ciel. Le Seigneur monte vers le Père, lui qui sait être toujours dans le Père... « Le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu » (Jn 1,1)... Saint Paul nous apprend comment chercher nous aussi le Sauveur dans le ciel, en disant : « Recherchez les choses d'en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu ». Et pour nous faire oublier complètement la recherche terre à terre de Marie, il ajoute : « Songez aux choses d'en haut, non à celles de la terre » (Col 3,1-2). Ce n'est donc pas sur terre, ni sous terre, ni selon la chair, que nous devons chercher le Sauveur, si nous voulons le trouver et le toucher, mais dans la gloire de la majesté divine.
CC Sermon 39a ; PL 57, 359 (trad. coll. Pères dans la foi, Migne 1996, p. 141 rev.)
« Et toi, petit enfant, on t'appellera prophète du Très-Haut » (Lc 1,76)
Parmi les titres de gloire du saint et bienheureux Jean Baptiste, dont nous célébrons la fête aujourd'hui, je ne sais auquel donner la préférence : à sa naissance miraculeuse ou à sa mort plus miraculeuse encore. Sa naissance a apporté une prophétie (Lc 1,67s), sa mort la vérité ; sa naissance a annoncé l'arrivée du Sauveur, sa mort a condamné l'inceste d'Hérode. Cet homme saint...a mérité aux yeux de Dieu de ne pas disparaître de la même façon que les autres hommes de ce monde : il a quitté ce corps reçu du Seigneur en le confessant. Jean a accompli en tout la volonté de Dieu, puisque sa vie comme sa mort correspondent à ses desseins...
Il est encore au creux du ventre de sa mère quand déjà il célèbre l'arrivée du Seigneur, par ses mouvements de joie, puisqu'il ne pouvait pas le faire par la voix. Élisabeth dit à la sainte Marie : « Dès l'instant où ta salutation a frappé mes oreilles, l'enfant a tressailli d'allégresse en mon sein » (Lc 1,44). Jean exulte donc avant de naître, et avant que ses yeux ne reconnaissent à quoi ressemble le monde, son esprit reconnaît déjà celui qui en est le maître. Je pense que c'est là le sens de la phrase du prophète : « Avant même de te former au ventre maternel, je t'ai connu ; avant même que tu sois sorti du sein, je t'ai consacré » (Jr 1,5). Ne nous étonnons donc pas si, enfermé dans la prison où l'avait fait mettre Hérode, il a continué à prêcher le Christ par l'intermédiaire de ses disciples (Mt 11,2), puisque, enfermé qu'il était dans le sein de sa mère, il annonçait déjà de ses tressaillements la venue du Seigneur.
Sermon 36 (trad. coll. Pères dans la foi n°65, p. 16)
« Celui qui accueille en mon nom un enfant, c'est moi qu'il accueille »
Nous, tous les chrétiens, sommes le corps du Christ et ses membres, dit l'apôtre Paul (1Co 12,27). A la résurrection du Christ, tous ses membres ont ressuscité avec lui, et tandis qu'il passait des enfers à la terre, il nous fait passer de la mort à la vie. Le mot « pâque » en hébreu veut dire passage ou départ. Ce mystère n'est-il pas le passage du mal au bien ? Et quel passage ! Du péché à la justice, du vice à la vertu, de la vieillesse à l'enfance. Je parle ici de l'enfance qui tient à la simplicité, non à l'âge. Car les vertus, elles aussi, ont leurs âges. Hier la décrépitude du péché nous mettait sur notre déclin. Mais la résurrection du Christ nous fait renaître dans l'innocence des tout-petits. La simplicité chrétienne fait sienne l'enfance.
L'enfant est sans rancœur, il ne connaît pas la fraude, il n'ose pas frapper. Ainsi, cet enfant qu'est le chrétien ne s'emporte pas si on l'insulte, il ne se défend pas si on le dépouille, il ne rend pas les coups si on le frappe. Le Seigneur exige même qu'il prie pour ses ennemis, qu'il abandonne tunique et manteau aux voleurs, et qu'il présente l'autre joue à ceux qui le giflent (Mt 5,39s).
L'enfance du Christ dépasse l'enfance des hommes... Celle-ci doit son innocence à sa faiblesse, celle-là à sa vertu. Et elle est digne de plus d'éloges encore : sa haine du mal émane de sa volonté, non de son impuissance.
Sermon 58 ; PL 57, 363 (trad. coll. Icthus, t. 10, p. 259 rev.)
Le vin nouveau de la vraie joie
Le Seigneur, est-il écrit, est allé à des noces où il était invité. Le Fils de Dieu est donc allé à ces noces pour sanctifier par sa présence le mariage qu'il avait déjà institué. Il est allé à des noces de l'ancienne loi pour se choisir dans le peuple païen une épouse qui resterait toujours vierge. Lui qui n'est pas né d'un mariage humain est allé aux noces. Il y est allé non pour prendre part à un banquet joyeux, mais pour se révéler par un prodige vraiment admirable. Il y est allé non pour boire du vin, mais pour en donner. Car, dès que les invités manquaient de vin, la bienheureuse Marie lui a dit : « Ils n'ont pas de vin ». Jésus, apparemment contrarié, lui a répondu : « Femme, que me veux-tu ? »... En répondant : « Mon heure n'est pas encore venue », il annonçait certainement l'heure glorieuse de sa Passion, ou bien le vin répandu pour le salut et la vie de tous. Marie demandait une faveur temporelle, tandis que le Christ préparait une joie éternelle.
Pourtant le Seigneur très bon n'a pas hésité à accorder de petites choses en attendant que viennent les grandes. La bienheureuse Marie, parce qu'elle était véritablement la mère du Seigneur, voyait par la pensée ce qui allait arriver et connaissait d'avance la volonté du Seigneur. C'est pourquoi elle a pris soin d'avertir les serviteurs par ces mots : « Faites tout ce qu'il vous dira ». Sa sainte mère savait assurément que la parole de reproche de son fils et Seigneur ne cachait pas le ressentiment d'un homme en colère mais contenait un mystère de compassion... Et voici que soudain ces eaux ont commencé à recevoir de la force, à prendre de la couleur, à répandre une bonne odeur, à acquérir du goût, et en même temps à changer entièrement de nature. Et cette transformation des eaux en une autre substance a manifesté la présence du Créateur, car personne, hormis celui qui a créé l'eau de rien, ne peut la transformer en autre chose.
Homélie 23 ; PL 57, 274 (trad. cf Delhougne, Les Pères commentent, p. 389 et Brésard, 2000 ans C, p. 52)
L'origine du Carême : accompagner les catéchumènes vers le baptême à Pâques
Après ce temps consacré à l'observance du jeûne, l'âme, purifiée et épuisée, parvient au baptême. Elle reprend des forces en se plongeant dans les eaux de l'Esprit ; tout ce qui avait été brûlé par les flammes des maladies renaît de la rosée de la grâce du ciel. Abandonnant la corruption du vieil homme, le néophyte acquiert une nouvelle jeunesse... Par une nouvelle naissance, il renaît autre, alors qu'il est le même que celui qui avait péché.
Elie, par un jeûne ininterrompu de quarante jours et de quarante nuits, a mérité de mettre fin, grâce à l'eau du ciel, à une sécheresse longue et pénible de la terre entière (1R 19,8; 18,41) ; il a étanché la soif brûlante du sol, en lui apportant une pluie abondante. Ces faits se sont produits pour nous servir d'exemple, pour mériter, après un jeûne de quarante jours, la pluie bénie du baptême, pour que l'eau du ciel arrose toute la terre, aride chez nos frères du monde entier depuis longtemps. Le baptême comme une rosée du salut mettra fin à la longue stérilité du monde païen. C'est, en effet, de sécheresse et d'aridité spirituelle que souffre quiconque n'a pas été baigné de la grâce du baptême.
Par un jeûne du même nombre de jours et de nuits, le saint Moise a mérité de parler à Dieu, de demeurer, de séjourner avec lui, de recevoir de ses mains les préceptes de la Loi (Ex 24,18)... Nous aussi, frères très chers, jeûnons avec ferveur pendant toute cette période, pour que ... à nous aussi s'ouvrent les cieux et se ferment les enfers
Sermon 28, PL 57, 587-590 ; CC Sermon 35, 136-139 (trad. Les Pères dans la foi, Migne 1996, p.94s)
« Il vient, celui qui est plus puissant que moi »
Jean n'a pas seulement parlé en son temps, en annonçant le Seigneur aux Pharisiens, en disant : « Préparez le chemin au Seigneur, rendez droits ses sentiers » (Mt 3,3). Aujourd'hui il crie en nous, et le tonnerre de sa voix ébranle le désert de nos péchés. Même enseveli dans le sommeil du martyre, sa voix retentit encore. Il nous dit aujourd'hui : « Préparez les chemins du Seigneur, rendez droits ses chemins »...
Jean Baptiste a donc ordonné de préparer la voie au Seigneur. Voyons quelle route il a préparé au Sauveur. De bout en bout, il a parfaitement tracé et ordonné sa voie pour l'arrivée du Christ, car il a été en tout point sobre, humble, économe et vierge. C'est en décrivant toutes ces vertus qui sont les siennes que l'évangéliste dit : « Ce Jean avait son vêtement fait de poils de chameau et un pagne de peau autour des reins ; sa nourriture était de sauterelles et de miel sauvage » (Mt 3,4). Quelle plus grande marque d'humilité chez un prophète que le mépris des vêtements moelleux pour se vêtir de poils rugueux ? Quelle plus profonde marque de foi que d'être toujours prêt, un simple pagne autour des reins, à tous les devoirs de servitude ? Quelle marque d'abstinence plus éclatante que le renoncement aux délices de cette vie pour se nourrir de sauterelles et de miel sauvage ?
Tous ces comportements du prophète étaient à mon avis prophétiques en eux-mêmes. Quand le messager du Christ portait un vêtement rugueux, en poils de chameau, cela ne signifiait-il pas simplement que le Christ, à sa venue, revêtirait notre corps humain, au tissu épais, rugueux par ses péchés ?... La ceinture de peau signifie que notre chair fragile, orientée avant la venue du Christ sur le vice, il la mènerait à la vertu.
Sermon 88 (trad. Année en Fêtes, Migne 2000, p. 37)
« Comparable à une graine de moutarde qu'un homme a prise et jetée dans son jardin »
A propos de ce que dit l'Evangile : « Un homme l'a pris et l'a jeté dans son jardin », quel est cet homme, à votre avis, qui a semé le grain qu'il avait reçu, comme un grain de moutarde dans son petit jardin ? Je pense, moi, que c'est celui dont l'Evangile dit : « Et voici un homme nommé Joseph, membre du conseil, qui était d'Arimathie... Il alla trouver Pilate. Il lui demanda la permission de descendre le corps du Seigneur et de l'ensevelir. La permission accordée, il le mit dans la sépulture préparée dans son jardin » (Lc 23,50-53). C'est la raison pour laquelle l'Ecriture dit : « Un homme l'a pris et l'a enfoui dans son jardin ». Dans le jardin de Joseph se mêlaient les parfums de diverses fleurs, mais pareille graine n'y avait pas été déposée. Le jardin spirituel de son âme était embaumé du parfum de ses vertus, mais le Christ embaumé n'y avait pas encore pris place. En ensevelissant le Sauveur dans le monument de son jardin, il l'accueillit plus profondément dans le creux de son coeur.
Sermon 26 (trad. coll. Pères dans la foi, Migne 1996, p. 124)
« Né du Père avant tous les siècles..., il a pris chair de la Vierge Marie » (Credo)
Nous lisons, très chers frères, qu'il y a deux naissances dans le Christ ; l'une comme l'autre sont l'expression d'une puissance divine qui nous dépasse absolument. D'un côté, Dieu engendre son Fils à partir de lui-même ; de l'autre, une vierge l'a conçu par l'intervention de Dieu... D'un côté, il naît pour créer la vie ; de l'autre, pour enlever la mort. Là, il naît de son Père ; ici, il est mis au monde par les hommes. Par son engendrement du Père, il est à l'origine de l'homme ; par sa naissance humaine, il libère l'homme. L'une et l'autre formes de naissance sont proprement inexprimables et en même temps inséparables...
Lorsque nous enseignons qu'il y a deux naissances dans le Christ, nous ne voulons pas dire que le Fils de Dieu naît deux fois, mais nous affirmons la dualité de nature en un seul et même Fils de Dieu. D'une part, est né ce qui existait déjà ; d'autre part, a été produit ce qui n'existait pas encore. Le bienheureux évangéliste Jean l'affirme par ces paroles : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu » et encore : « Et le Verbe s'est fait chair. »
Ainsi donc, Dieu qui était auprès de Dieu est sorti de lui et la chair de Dieu qui n'était pas en lui est issue d'une femme. Ainsi le Verbe est devenu chair, non de telle sorte que Dieu soit dilué dans l'homme, mais pour que l'homme soit glorieusement élevé en Dieu. C'est pourquoi Dieu n'est pas né deux fois, mais, par ces deux genres de naissances -– à savoir celle de Dieu et celle de l'homme -– le Fils unique du Père a voulu être lui-même à la fois Dieu et homme en une seule personne : « Qui donc pourrait raconter sa naissance ? » (Is 53,8 Vulg)
Sermon 10, sur la Nativité du Seigneur, PL 57,24 (trad. Année en fêtes, Migne 2000, p. 78 rev.)
« Sois sans crainte, Zacharie, car ta supplication a été entendue »
C'est la prière et non le désir sexuel qui a fait concevoir Jean Baptiste. Le sein d'Élisabeth avait passé l'âge de donner la vie, son corps avait perdu l'espoir de concevoir ; malgré ces conditions de désespérance, la prière de Zacharie a permis à ce corps vieilli de germer encore : la grâce et non la nature a conçu Jean. Il ne pouvait être que saint, ce fils dont la naissance provient moins de l'étreinte que de la prière.
Cependant nous ne devons pas nous étonner que Jean ait mérité une naissance si glorieuse. La naissance du précurseur du Christ, de celui qui lui ouvre la voie, devait présenter une ressemblance avec celle du Seigneur notre Sauveur. Si donc le Seigneur est né d'une vierge, Jean a été conçu par une femme âgée et stérile... Nous n'en admirons pas moins Élisabeth qui a conçu dans sa vieillesse, tout comme Marie a enfanté dans la virginité.
Il y a là, je pense, un symbole : Jean représentait l'Ancien Testament, il est né du sang déjà refroidi d'une vieille femme, tandis que le Seigneur, qui annonce la Bonne Nouvelle du Royaume des cieux, est le fruit d'une jeunesse pleine de sève. Marie, consciente de sa virginité, admire l'enfant lové dans ses entrailles. Élisabeth, consciente de sa vieillesse, rougit de son ventre alourdi par sa grossesse ; l'évangéliste dit, en effet : « Elle se tenait cachée cinq mois durant ». Il nous faut admirer aussi que le même archange Gabriel annonce les deux naissances : il apporte une consolation à Zacharie, qui reste incrédule ; il vient encourager Marie, qu'il trouve confiante (Lc 1,26s). Le premier, pour avoir douté, a perdu sa voix ; la deuxième, pour avoir cru aussitôt, a conçu le Verbe Sauveur.
CC Sermon 5 ; PL 57, 863 (trad. coll. Pères dans la foi n°65, Migne 1996, p. 164 rev.)
Le signe du salut
Dans sa Passion, le Seigneur a assumé tous les torts du genre humain afin qu'il n'y ait plus rien par la suite qui porte du tort à l'homme. La croix est donc un grand mystère, et si nous essayons de le comprendre, par ce signe le monde entier est sauvé. En effet quand les marins prennent la mer, ils dressent d’abord l'arbre du mât et tendent la voile pour que s'ouvrent les flots ; ils forment ainsi la croix du Seigneur, et en sécurité grâce à ce signe du Seigneur, ils gagnent le port du salut et échappent au péril de
L’agriculteur aussi n'entreprend pas son travail sans le signe de la croix : en assemblant les éléments de sa charrue il imite l'image d'une croix… Le ciel aussi est disposé comme une image de ce signe, avec ses quatre directions, l'Orient, l'Occident, le Midi et le Nord. La forme de l'homme lui-même, quand il élève les mains, représente une croix ; surtout quand nous prions les mains levées, nous proclamons par notre corps la Passion du Seigneur... C'est de cette façon que Moïse, le Saint, a été vainqueur quand il faisait la guerre contre les Amalécites, non pas par les armes, mais les mains levées vers Dieu (Ex 17,11)...
Par ce signe du Seigneur donc, la mer est ouverte, la terre cultivée, le ciel gouverné, les hommes sont sauvés. Et même, je l'affirme, par ce signe du Seigneur, les profondeurs du séjour des morts sont ouvertes. Car l'homme Jésus, le Seigneur, lui qui portait la vraie croix, a été enseveli en terre, et la terre qu'il avait profondément labourée, qu'il avait pour ainsi dire brisée de toutes parts, a fait germer tous les morts qu'elle retenait.
Sermon 38 ; PL 57, 341s ; CCL 23, 149s (trad. L’Année en fêtes, Migne 2000, p.261 rev)
Saint Maxime de Turin (?-v. 420), évêque
Répondre aux appels de Dieu à nous convertir du fond de notre cœur
Même sans que je vous en parle, frères, le temps suffit à nous avertir que l’anniversaire de la Nativité du Christ notre Seigneur est proche. La création elle-même exprime l’imminence d’un événement qui restaure tout pour le mieux. Elle aussi désire avec impatience voir illuminer ses ténèbres de l’éclat d’un soleil plus brillant que le soleil ordinaire. Cette attente de la création du renouvellement de son cycle annuel nous invite à attendre la naissance du nouveau soleil qu’est le Christ qui illumine les ténèbres de nos péchés. Le soleil de justice (Ml 3,20), qui apparaîtra dans toute sa force, dissipera l’obscurité de nos péchés qui a duré trop longtemps. Il ne supporte pas que le cours de notre vie soit étouffé par les ténèbres de l’existence ; il veut la dilater par sa puissance.
Alors, de même qu'en ces jours du solstice, la création répand plus largement sa lumière, déployons ainsi notre justice. De même que la clarté de ce jour est le bien commun des pauvres et des riches, que nos largesses s'étendent sans compter aux voyageurs et aux pauvres. Le monde, en ces temps-ci, restreint la durée des ténèbres ; et nous, retranchons aux ombres de notre avarice… Qu’en nos coeurs toute glace fonde ; que la semence de la justice croisse, réchauffée par les rayons du Sauveur.
Donc, frères, préparons-nous à accueillir le jour de la naissance du Seigneur en nous parant de vêtements éclatants de blancheur. Je parle de ceux qui habillent l'âme, non le corps. Le vêtement qui habille notre corps est une tunique sans importance. Mais c'est le corps, objet précieux, qui habille l'âme. Le premier vêtement est tissé par des mains humaines ; le second est l’oeuvre des mains de Dieu. Et c'est pourquoi il faut veiller avec la plus grande sollicitude à préserver de toute tache l’oeuvre de Dieu… Avant la Nativité du Seigneur, purifions notre conscience de toute souillure. Présentons-nous, non revêtus de soie, mais plutôt d’oeuvres de valeur… Commençons donc par orner notre sanctuaire intérieur.
Sermon CC 61a ; PL 57, 233 (trad. coll. Pères dans la foi, Migne 1996, p. 25 rev.)
« Si le grain tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit » (Jn 12,24)
« Un homme a pris une graine de moutarde et l'a jetée dans son jardin ; elle pousse et devient un arbre, et les oiseaux du ciel s'abritent dans ses branches. » Cherchons à qui s'applique tout cela... Je pense que la comparaison s'applique plus justement au Christ notre Seigneur qui, en naissant dans l'humilité de la condition humaine, comme une graine, monte finalement au ciel comme un arbre. Il est grain, le Christ broyé dans la Passion ; il devient un arbre dans
Je dirais que le Seigneur est grain lorsqu'il est frappé, méprisé, injurié ; il est arbre quand il rend aux aveugles la vue, qu'il ressuscite les morts et remet les péchés. Lui-même reconnaît qu'il est grain : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas... » (Jn 12,24)
CC Sermon 25 ; PL 57, 509s (trad. coll. Pères dans la foi, Migne 1996, p. 123)
Saint Laurent, comme un grain jeté en terre
De prime abord, un grain de moutarde a l'air petit, commun et méprisable ; il n'a pas de goût, n'exhale pas de senteur, ne laisse pas présumer de douceur. Mais quand il a été broyé, il répand son odeur, il montre sa vigueur, il a un goût de flamme et il brûle d'une telle ardeur que l'on s'étonne de trouver un si grand feu lové en un si petit grain… De même, la foi chrétienne semble à première vue petite, commune et faible ; elle ne montre pas sa puissance, elle ne fait pas étalage de son influence. Mais quand elle a été broyée par différentes épreuves, elle montre sa vigueur, fait éclater son énergie, exhale la flamme de sa foi dans le Seigneur. Le feu divin la fait vibrer d'une telle ardeur que, tout en brûlant elle-même, elle réchauffe ceux qui la partagent, comme l'ont dit Cléophas et son compagnon dans le saint Evangile, tandis que le Seigneur s'entretenait avec eux après sa Passion : « Notre coeur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Ecritures ? » (Lc 24,32)…
Nous pouvons comparer le saint martyr Laurent au grain de moutarde ; broyé par de multiples tortures, il a mérité devant la terre entière la grâce d'un martyre éclatant. Alors qu'il habitait encore son corps, il était humble, ignoré et commun ; après avoir été torturé, déchiré et brûlé, il a répandu sur tous les fidèles à travers le monde la bonne odeur de sa noblesse d’âme... Vu de l'extérieur, ce martyr brûlait dans les flammes d'un tyran cruel ; mais une plus grande flamme, celle de l'amour du Christ, le consumait à l'intérieur. Un roi impie a beau rajouter du bois et allumer des feux plus grands, saint Laurent, dans l'ardeur de sa foi, ne sent plus ces flammes… Aucune souffrance sur terre n'a plus prise sur lui : son âme demeure déjà au ciel.
Sermon 40 (trad. coll. Pères dans la foi, Migne 1996, p. 178 rev.)
Baptême de Jésus
"Le Seigneur Jésus est venu au baptême, et il a voulu que son corps très saint soit lavé par l’eau.
Quelqu’un dira peut-être : "Lui qui est Saint, pourquoi a-t-il voulu être baptisé ?" Ecoutez donc. Le Christ est baptisé non pas pour être sanctifié par l’eau, mais pour sanctifier lui-même l’eau et pour purifier par sa pureté ces flots qu’il touche. La consécration du Christ est en effet la consécration fondamentale de l’élément.
Lorsque le Sauveur est lavé, c’est alors que l’eau est d’avance purifiée tout entière en vue de notre baptême ; la source est purifiée pour que, dorénavant, la grâce du baptême soit administrée aux peuples à venir. Le Christ a donc reçu le baptême par avance, pour que les peuples chrétiens prennent sa suite avec confiance."
(Sermon pour l’Epiphanie, 100, 3).
Joie du pécheur pardonné
"...Mes frères, nous devons tous exulter en ce saint jour. Que personne ne se soustraie à la joie commune parce qu’il a conscience de ses péchés, que personne ne soit écarté des prières communes par le fardeau de ses fautes ! En un tel jour, même le pécheur ne doit pas désespérer du pardon ; c’est en effet un grand privilège. Si le malfaiteur a obtenu le paradis, pourquoi le chrétien n’obtiendrait-il pas le pardon ?"
(Homélie pour la Pâque, 53, 1-2-4).
Le nombre de quarante
"Le nombre de quarante, frères très chers, a une valeur symbolique, liée au mystère de notre salut. En effet, lorsque dans les premiers temps, la méchanceté des hommes eut envahi la surface du sol, c'est pendant quarante jours que Dieu fit tombre les eaux du ciel et inonda la terre entière sous les pluies du déluge. Dès cette époque, l'économie du salut était donc annoncée en figure : pendant quarante jours, la pluie tomba pour purifier le monde ; et maintenant, c'est aussi pendant les quarante jours du Carême que la miséricorde est offerte aux hommes pour qu'ils se purifient."
(Sermon pour le Carême n° 2-3, Patrologie latine 39, 2028)
Le jour qui n'a pas de nuit
Par la résurrection du Christ, les enfers s'ouvrent, par les nouveaux membres de l'Église, la terre est renouvelée, et le ciel est ouvert par le Saint-Esprit. Car les enfers en s'ouvrant laissent sortir les morts, la terre renouvelée fait germer ceux qui ressuscitent, le ciel ouvert accueille ceux qui y montent.
Enfin le malfaiteur monte au paradis, les corps des saints entrent dans la Cité sainte , les morts reviennent à la vie ; à la résurrection du Christ, tous les éléments sont comme transfigurés.
Les enfers font remonter ceux qu'ils détenaient, la terre envoie au ciel ceux qu'elle avait ensevelis, le ciel présente au Seigneur ceux qu'il accueille ; par une seule et même action la passion du Sauveur fait remonter des abîmes, élève au-dessus de la terre, fait trouver place dans les hauteurs.
Car la résurrection du Christ est vie pour les morts, pardon pour les pécheurs, gloire pour les saints. Le saint Prophète invite toutes les créatures à fêter la résurrection du Christ, car il dit qu'il faut exulter et se réjouir en ce jour que le Seigneur a fait. ~
La lumière du Christ est un jour qui n'a pas de nuit, un jour qui n'a pas de fin. ~ Que le Christ soit lui-même ce jour, l'Apôtre nous le dit :La nuit est partie, le jour est arrivé. La nuit est partie , dit-il, donc elle ne viendra plus ; comprenez-le : lorsque survient la lumière du Christ, elle dissipe les ténèbres du démon, et elle n'est pas suivie par la nuit du péché ; elle chasse par sa splendeur permanente l'obscurité présente, elle arrête la progression sournoise du péché. ~
C'est le Fils en personne qui est le jour, car le Père qui est aussi le jour lui dévoile son mystère. Je dis bien : il est le jour, lui qui a dit par la bouche de Salomon : J'ai fait se lever dans le ciel la lumière sans déclin .
De même que la nuit ne succède jamais à ce jour céleste, de même les ténèbres du péché ne succèdent pas à la justice du Christ. C'est pour toujours que la lumière céleste resplendit, éclaire et brille, et aucune obscurité ne peut l'emprisonner. De même, c'est pour toujours que la lumière du Christ étincelle, rayonne, illumine, et ne peut être arrêtée par aucune obscurité des péchés, ce qui fait dire à saint Jean : La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas arrêtée. ~
Donc, mes frères, nous devons tous exulter en ce saint jour. Que personne ne se soustraie à la joie commune parce qu'il a conscience de ses péchés, que personne ne soit écarté des prières communes par le fardeau de ses fautes ! En un tel jour, même le pécheur ne doit pas désespérer du pardon ; c'est en effet un grand privilège. Si un malfaiteur a obtenu le paradis, pourquoi le chrétien n'obtiendrait-il pas le pardon ?
HOMÉLIE POUR LA PÂQUE
« Judas, s’approchant de Jésus…, l’embrassa. Les autres mirent la main sur lui et l’arrêtèrent » (Mc 14,45s)
La paix est un don de la résurrection du Christ. Au seuil de la mort, il n’a pas hésité à donner cette paix au disciple qui le livrait ; il a embrassé le traître comme il embrasse l'ami fidèle. Ne croyez pas que le baiser que le Seigneur a donné à Judas Iscariote ait été inspiré par un autre sentiment que la tendresse. Le Christ savait déjà que Judas le trahirait. Il savait ce qu’était ce signe d’amour, et il ne s’y est pas dérobé. Voilà l’amitié : à celui qui doit mourir, elle ne refuse pas un dernier embrassement ; aux êtres chers, elle ne retire pas cette marque ultime de douceur. Mais Jésus espérait aussi que cet élan bouleverserait Judas et que, étonné par sa bonté, il ne trahirait pas celui qui l’aimait, ne livrerait pas celui qui l’embrassait. Ainsi ce baiser était accordé comme une épreuve : s’il le relevait, il était un lien de paix entre Jésus et son disciple ; si Judas trahissait, ce baiser criminel devenait sa propre accusation.
Le Seigneur lui dit : « Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme ? » (Lc 22,48) Où est le complot de l’ennemi ? Où se cache sa ruse ? Tout secret est découvert. Le traître se trahit avant de trahir son maître. Tu livres le Fils de l’homme par un baiser ? Avec le sceau de l’amour, tu blesses ? Avec le geste de la tendresse, tu répands le sang ? Avec le signe de la paix, tu apportes la mort ? Dis-moi quel est cet amour ? Tu donnes un baiser et tu menaces ? Mais ces baisers, par où le serviteur trahit son Seigneur, le disciple son maître, l’élu son créateur, ces baisers ne sont pas des baisers, mais du poison.
Sermon 36 ; PL 57, 605 (trad. coll. Ichtus, t. 10, p. 263 rev.)
« Veux-tu guérir ? » Le carême conduit au baptême
Nous lisons dans l'Ancien Testament qu'au temps de Noé, comme tout le genre humain était gagné par le péché, les cataractes du ciel se sont ouvertes et que pendant quarante jours les eaux de la pluie se sont abattues… C’était symbolique : il s'agit moins d'un déluge que d'un baptême. C'est bien un baptême qui a emporté la méchanceté des pécheurs et épargné la droiture de Noé. Ainsi donc, comme à cette époque, aujourd’hui le Seigneur nous a donné le carême pour que les cieux s'ouvrent pendant le même nombre de jours, pour nous inonder de l’ondée de la miséricorde divine. Une fois lavés dans les eaux du baptême qui sauvent, ce sacrement nous illumine ; comme autrefois, les eaux emportent le mal de nos fautes et affermissent la droiture de nos vertus.
La situation aujourd'hui est la même qu’au temps de Noé. Le baptême est déluge pour le pécheur et consécration pour ceux qui sont fidèles. Dans le baptême, le Seigneur sauve la justice et détruit l'injustice. Nous le voyons dans l'exemple d'un seul et même homme : l’apôtre Paul, avant d'être purifié par les commandements spirituels, était un persécuteur et un blasphémateur (1Tm 1,13). Une fois baigné de la pluie céleste du baptême, le blasphémateur est mort, le persécuteur est mort, Saul est mort. Alors prend vie l'apôtre, le juste, Paul… Quiconque vit religieusement le carême et observe les prescriptions du Seigneur voit mourir en lui le péché et vivre la grâce…; il meurt comme pécheur et vit comme juste.
Sermon pour le carême ; CC Sermon 50, p. 202 ; PL 57, 585 (trad. Migne 1996, p. 89 rev.)
« Laissant là sa cruche, la femme revint à la ville et dit : ‘ Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Messie ? ’ »
« Comme l’eau éteint les flammes, l’aumône éteint les péchés » (Si 3,30) : l’eau est comparée à la miséricorde. Mais comme l’eau vient d’une source, il me faut chercher la source de la miséricorde. Je l’ai trouvée chez le prophète : « En toi est la source de la vie, en ta lumière nous verrons la lumière » (Ps 35,10).
C’est bien lui qui dans l’Évangile réclame de l’eau de la femme de Samarie… Le Sauveur réclame de l’eau à la femme, et il feint d’avoir soif pour distribuer aux assoiffés la grâce éternelle. La source, en effet, ne pouvait pas avoir soif, et celui en qui se trouve l’eau vive ne pouvait pas boire l’eau polluée de cette terre. Le Christ avait soif ? Oui, il avait soif, non pas de la boisson des hommes, mais de leur salut ; il avait soif, non de l’eau de la terre, mais de la rédemption du genre humain.
Le Christ, qui est la source, assis près du puits, fait jaillir miraculeusement au même endroit les eaux de la miséricorde ; une femme qui avait déjà eu six amants est purifiée par les flots d’une eau vive. Quel sujet d’admiration : une femme légère, qui vient au puits de Samarie, s’en va chaste, de la source de Jésus ! Venue chercher de l’eau, elle repart avec la vertu. Elle confesse aussitôt les péchés auxquels Jésus fait allusion, elle reconnaît le Christ et annonce le Sauveur. Elle laisse là sa cruche d’eau...; à sa place elle rapporte la grâce à la ville ; allégée de son fardeau, elle y revient comblée de sainteté… Celle qui est venue pécheresse s’en retourne prophétesse.
CC Sermon 22 ; PL 57, 477 (trad. Les Pères dans la foi, Migne 1996, p. 98 rev.)
« Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux »
Le Seigneur a reconnu en Pierre un intendant fidèle auquel il a confié la clef du Royaume, et en Paul un maître qualifié à qui il a donné la charge d'enseigner dans l'Eglise. Pour permettre à ceux qui ont été formés par Paul de trouver leur salut, il fallait que Pierre les accueille pour leur repos. Quand Paul aura ouvert les coeurs en prêchant, Pierre ouvre aux âmes le Royaume des cieux. C'est donc une sorte de clef que Paul a également reçue du Christ, la clef de la connaissance, qui permet d'ouvrir les coeurs endurcis à la foi, jusqu'en leur tréfonds ; ensuite elle fait apparaître au grand jour, dans un dévoilement spirituel, ce qui était caché à l'intérieur. Il s'agit d'une clef qui laisse échapper de la conscience la confession du péché et qui y renferme à jamais la grâce du mystère du Sauveur.
Tous deux ont donc reçu des clefs des mains du Seigneur, clef de la connaissance pour l'un, clef du pouvoir pour l'autre ; celui-ci dispense les richesses de l'immortalité, celui-là distribue les trésors de
Sermon CC 1 ; PL 57,402 (trad. coll. Pères dans la foi, Migne 1996, p. 166)
« Il faut que lui, il grandisse et que moi, je diminue »
À juste titre, Jean le Baptiste peut dire du Seigneur notre Sauveur : « Il faut que lui, il grandisse et que je diminue » (Jn 3,30). Cette assertion se réalise en ce moment même : à la naissance du Christ, les jours augmentent ; à celle de Jean, ils diminuent... Quand paraît le Sauveur, le jour, de toute évidence, grandit ; il recule au moment où naît le dernier prophète, car il est écrit : « La Loi et les prophètes ont régné jusqu'à Jean » (Lc 16,16). Il était inévitable que l'observance de la Loi sombre dans les ténèbres au moment où la grâce de l'Évangile se met à resplendir ; à la prophétie de l'Ancien Testament se succède la gloire du Nouveau... L'évangéliste dit à propos du Seigneur Jésus Christ : « Il était la lumière véritable qui éclaire tout homme » (Jn 1,9)... C'est au moment où la longueur de la nuit couvrait presque la journée entière que l'arrivée du Seigneur soudain a jeté tout son éclat. Si sa naissance a chassé les ténèbres des péchés de l'humanité, sa venue a mis fin à la nuit et apporté aux hommes la lumière et le jour... Le Seigneur dit que Jean est une lampe : « Il était la lampe qui brûle et qui éclaire » (Jn 5,35). La lumière de la lampe pâlit lorsque brillent les rayons du soleil ; la flamme baisse, vaincue par l'éclat d'une lumière plus radieuse. Quel homme raisonnable se sert d'une lampe en plein soleil ?... Qui viendrait encore pour recevoir le baptême de pénitence de Jean (Mc 1,4), quand le baptême de Jésus apporte le salut ?
Sermon 99 ; PL 57, 535 (trad. Migne 1996, p. 159 rev.)
Saint Maxime de Turin (?-v. 420), évêque
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« Vous êtes le sel de la terre. Vous êtes la lumière du monde »
Le Seigneur a dit à ses apôtres : « Vous êtes la lumière du monde ». Comme elles sont justes les comparaisons que le Seigneur emploie pour désigner nos pères dans la foi ! Il les appelle « sel », eux qui nous enseignent la sagesse de Dieu, et « lumière », eux qui chassent de nos cœurs l'aveuglement et les ténèbres de notre incrédulité. C'est donc à juste titre que les apôtres reçoivent le nom de lumière : ils annoncent dans l'obscurité du monde la clarté du ciel et la splendeur de l'éternité. Pierre n'est-il pas devenu pour le monde entier et pour tous les fidèles une lumière, quand il a dit au Seigneur : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » ? (Mt 16,16) Quelle plus grande clarté le genre humain aurait-il pu recevoir, que d'apprendre par Pierre que le Fils du Dieu vivant était le créateur de sa lumière ?
Et saint Paul n'est pas une moins grande lumière pour le monde : alors que toute la terre était aveuglée par les ténèbres de la malfaisance, il est monté jusqu'au ciel (2Co 12,2) et, à son retour, il a révélé les mystères de la splendeur éternelle. C'est pourquoi il n'a pu ni se cacher, telle la ville fondée sur une montagne, ni se laisser mettre sous le boisseau, car le Christ, par la lumière de sa majesté, l'avait enflammé comme une lampe de choix, remplie de l'huile du Saint-Esprit. C'est pourquoi, mes bien-aimés, si, renonçant aux illusions de ce monde, nous avons à cœur de rechercher la saveur de la sagesse de Dieu, goûtons au sel des apôtres.
Sermon atttribué à saint Maxime de Turin (?-v. 420), évêque (trad. in Kephas, vol. 1, p. 554 rev.)
« Le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent »
Quel don grand et admirable Dieu nous fait, mes frères ! Dans sa Pâque..., la résurrection du Christ fait renaître dans l'innocence des tout-petits ce qui hier dépérissait dans le péché. La simplicité du Christ fait sienne l'enfance. L'enfant est sans rancœur, il ne connaît pas la fraude, il n'ose pas frapper. Ainsi cet enfant qu'est devenu le chrétien ne s'emporte pas si on l'insulte, il ne se défend pas si on le dépouille, il ne rend pas les coups si on le frappe. Le Seigneur exige même de prier pour ses ennemis, d'abandonner tunique et manteau aux voleurs, de présenter l'autre joue (Mt 5,39s).
Cette enfance dans le Christ dépasse l'enfance simplement humaine. Celle-ci ignore le péché, celle-là le déteste. Celle-ci doit son innocence à sa faiblesse ; celle-là à sa vertu. Elle est digne de plus d'éloges encore : sa haine du mal vient de sa volonté, non de son impuissance... Bien sûr, on peut rencontrer la sagesse d'un vieillard chez un enfant et l'innocence de la jeunesse chez des personnes âgées. Et l'amour droit et vrai peut mûrir des jeunes : « La vieillesse honorable, dit le prophète, n'est pas celle que donnent les jours ; elle ne se mesure pas au nombre des années... mais par l'intelligence » (Sg 4,8). Mais à des apôtres déjà mûrs et âgés, le Seigneur dit : « Si vous ne faites retour sur vous-mêmes, si vous ne vous rendez pas semblables à cet enfant, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Mt 18,3). Il les renvoie à la source même de leur vie ; il les incite à retrouver l'enfance, afin que ces hommes dont les forces déclinent déjà, renaissent à l'innocence du cœur. « A moins de renaître d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume des cieux » (Jn 3,5).
Homélie 58, sur la Pâque ; PL 57, 363 (trad. coll. Icthus vol. 10, p. 259)
Date de dernière mise à jour : 2018-06-12
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