Théodore de Mopsueste (?-428), évêque et théologien
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Chemin de croix, chemin de gloire
« Voici venue l'heure où le Fils de l'homme doit être glorifié » (Jn 12,23)… Après avoir annoncé sa glorification étonnante, qui semblait incompatible avec sa Passion, Jésus ajoute : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt pas, il reste seul ; s'il meurt, il porte beaucoup de fruit » (v. 24). « Que ma mort ne vous trouble donc pas. Le grain de blé est seul avant de tomber en terre, mais une fois tombé et mort, il germe pour une grande gloire et porte le double de fruits ; il déploie ses richesses devant tous et montre l'éclat de sa beauté. Pensez qu'il en est de même de moi. Maintenant je suis seul et sans gloire, méconnu dans la foule obscure des autres hommes. Mais lorsque j'aurai subi les souffrances de la croix, je ressusciterai avec grande gloire. Alors je porterai de nombreux fruits »…
Après ces prédictions à son propre sujet, Jésus exhorte ses disciples à l'imiter : « Celui qui aime sa vie la perdra, et celui qui cesse de s'y attacher en ce monde la gardera pour la vie éternelle » (v. 25). « Donc, non seulement ma Passion ne doit pas vous scandaliser…, mais vous devez être prêts vous aussi à subir les mêmes souffrances pour porter les mêmes fruits. » Il dit ensuite très simplement : « Si quelqu'un me sert, qu'il me suive. » « Si quelqu'un veut être mon serviteur, qu'il montre par ses actes qu'il veut marcher à ma suite. » « Là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera » (v. 26). « Celui qui prend part à mes souffrances aura également part à ma gloire ; il sera avec moi éternellement dans le monde à venir et il partagera ma joie dans le Royaume des cieux. Voilà comment mon Père honorera ceux qui m'auront servi avec fidélité. »
Commentaire de l'évangile de Jean ; CSCO 116, p. 171s (trad. Orval rev.)
« Dieu a tant aimé le monde »
« Que la croix ne vous effraie pas, dit le Seigneur Jésus, et ne vous fasse pas douter des paroles que je vous dis. » Le serpent élevé par Moïse dans le désert était efficace par la puissance de celui qui ordonnait de l'élever... C'est ainsi que le Seigneur se charge du sort des hommes et souffre les douleurs de la croix, mais grâce à la puissance qui l'habite, il a rendu ceux qui croient en lui dignes de la vie éternelle. Au temps de Moïse, le serpent d'airain, sans posséder la vie, grâce à la puissance d'un autre, délivrait de la mort ceux qui allaient périr sous la morsure venimeuse, pourvu qu'ils tournent leurs regards vers lui. Jésus, de la même manière, malgré son apparence mortelle et ses souffrances, donne pourtant la vie à ceux qui croient en lui, grâce à la puissance qui l'habite.
Jésus continue : « Dieu a tant aimé le monde qu'il lui a donné son Fils unique, afin que tous ceux qui croient en lui ne périssent pas, mais qu'ils aient la vie éternelle. » « C'est là encore, dit-il, un signe de l'amour de Dieu... » Comment a-t-il pu dire : « Dieu a donné son Fils unique » ? Il est évident que la divinité ne peut pas souffrir. Cependant, grâce à leur union, l'humanité et la divinité de Jésus ne forment qu'un. C'est pourquoi, bien que seul l'homme souffre, tout ce qui touche son humanité est attribué aussi à sa divinité...
Saint Paul, pour montrer cette grandeur de la Passion, dit : « S'ils l'avaient connu, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire » (1Co 2,8). Il veut révéler, en donnant ce titre-là à Jésus, la grandeur de la Passion ; de la même manière, notre Seigneur, pour montrer la richesse de son amour par les souffrances qu'il a supportées, déclare très justement : « Dieu a donné son Fils unique. »
Commentaire de Jean ; CSCO 115,116 (trad. Jean expliqué, DDB 1985, p. 64)
Naître à la nouvelle création
« Baptisés dans le Christ Jésus, c'est dans sa mort que tous nous avons été baptisés. Nous avons été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions aussi dans une vie nouvelle. Si, par une mort semblable à la sienne, nous sommes devenus un seul être avec lui, nous le serons aussi par une résurrection semblable à la sienne » (Rm 6,3-5). Saint Paul nous montre ainsi clairement que notre nouvelle naissance par le baptême est le symbole de notre résurrection après la mort. Celle-ci se réalisera pour nous par la puissance de l'Esprit, selon cette parole : « Ce qui est semé dans la terre est périssable, ce qui ressuscite est impérissable ; ce qui est semé n'a plus de valeur, ce qui ressuscite est plein de gloire ; ce qui est semé est faible, ce qui ressuscite est puissant ; ce qui est semé est un corps humain, ce qui ressuscite est un corps spirituel » (1Co 15,42s). Ce qui signifie : de même qu'ici-bas notre corps, tant que l'âme est présente, jouit de la vie visible, de même alors il recevra la vie éternelle et incorruptible par la puissance de l'Esprit.
Il en est ainsi de la naissance qui nous est donnée au baptême et qui est le symbole de notre résurrection : nous y recevons la grâce par le même Esprit, mais avec mesure et à la manière d'un gage. Nous la recevrons en plénitude quand nous ressusciterons réellement et que l'incorruptibilité nous sera effectivment communiquée. C'est pourquoi, lorsque l'apôtre Paul parle de la vie future, il veut rassurer ses auditeurs par ces mots : « Non seulement la création, mais nous aussi qui avons les prémices de l'Esprit, nous gémissons en nous-mêmes, attendant la rédemption de notre corps » (Rm 8,23). Car si nous avons reçu dès à présent les prémices de la grâce, nous attendons de l'accueillir en plénitude quand nous sera donné le bonheur de la résurrection.
Commentaires sur St Jean, livre 2, ; CSCO 116, p. 55 (trad. Orval rev.)
« Celui qui entre par la porte, c’est lui le pasteur, le berger des brebis. Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix »
Le portier de cette bergerie est le bienheureux Moïse, qui l'a établie sur les préceptes de la Loi pour permettre à ceux qui mènent leur existence selon ces normes d'y vivre en toute sécurité. Le pasteur…conduit les hommes comme des brebis au pâturage de la bonne doctrine, en leur montrant l'aliment des paroles, celles dont ils doivent se nourrir d'abord, celles dont ils doivent se nourrir plus tard. Il leur montre quel est le sens profond de ces paroles, comment il faut comprendre les Ecritures, et aussi de quelle doctrine il faut s'écarter, doctrine que d'autres peut-être leur enseigneront en les trompant, pour la perte des brebis…
« Recherchons donc, dit le Seigneur aux pharisiens, qui de vous ou de moi emprunte l'entrée prescrite par la Loi, qui accomplit avec zèle les préceptes de la Loi, à qui Moïse, portier de la bergerie, ouvre vraiment la porte, à qui il accorde louange et honneur en raison de ses oeuvres, qui il déclare le vrai pasteur. Si dans son livre Moïse fait l'éloge de celui qui accomplit les préceptes de la Loi, il est certain que l'accomplissement de ces préceptes se trouve non pas en vous mais en moi...
« Sans rien faire de ce qui est utile aux brebis, vous ne recherchez que votre propre avantage. C'est pourquoi vous n'avez nulle autorité pour chasser quiconque… Moi, c'est à bon droit et à juste titre que je suis appelé pasteur car j'ai d'abord observé la Loi avec soin ; puis j'ai emprunté la porte prescrite par la Loi, que le portier lui-même m'a montrée ; enfin j'ai accompli avec zèle tout ce qui doit être fait pour le bien des brebis. »
Commentaire de St Jean ; CSCO 115-116, p. 197 (trad. Jean expliqué, DDB 1985, p. 94)
L'Esprit, dit le Seigneur, souffle où il veut
"L'Esprit, dit le Seigneur, souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va. Il en est ainsi pour quiconque est né de l'Esprit(Jn 3, 8). Ne considère pas seulement ta nature, mais que ton intelligence conçoive la puissance de celui qui engendre. Car l'Esprit Saint a toute puissance, il agit toujours efficacement selon sa volonté, et rien ne résiste à l'efficacité de son action. Tu entends donc sa voix, dit le Seigneur, c'est-à-dire que tu perçois le bruit de sa venue ; mais tu ne peux savoir quel lieu contient sa personne ; tu ne peux donc comprendre de quelle manière s'exerce son action.
Sa nature est infinie, et c'est pourquoi il est présent partout où il veut ; de même son action est ineffable, parce qu'il agit toujours efficacement, conformément à sa volonté. C'est à juste titre que Jésus a dit : Tu entends sa voix, car, lorsque l'Esprit est descendu pour la première fois sur les Apôtres, il y eut un grand bruit, pareil à celui d'un fort coup de vent. Telle est la génération de l'Esprit : les pensées des hommes ne peuvent la comprendre ; mais, parce qu'elle dépasse leur intelligence, un bruissement seul leur en fournit l'intuition."
(Théodore de Mopsueste : Commentaire sur Jean d'après extrait présenté dans L'Evangile selon saint Jean expliqué par les Pères,
"Les Pères dans la foi" n° 31, Migne, 1985, pp. 60-61).
« Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants »
Le fondement de notre condition présente, c'est Adam ; mais pour notre vie future, c'est le Christ, notre Seigneur. De même qu'Adam a été le premier homme mortel et que par la suite tous sont mortels à cause de lui, ainsi le Christ est le premier ressuscité des morts, et il a donné le germe de la résurrection à ceux qui viendraient après lui. Nous venons à cette vie visible par la naissance corporelle, et c'est pourquoi nous sommes tous périssables ; mais dans la vie future, nous serons transformés par la puissance de l'Esprit Saint, et c'est pourquoi nous ressusciterons impérissables.
Cela ne se réalisera que quand ce germe de vie s'épanouira, mais dès à présent le Christ notre Seigneur a voulu nous y transporter d'une manière symbolique en nous donnant le baptême, cette nouvelle naissance en lui-même. Cette naissance spirituelle est déjà la préfiguration de la résurrection et de la régénération qui doivent se réaliser pleinement en nous lorsque nous passerons dans cette vie-là. C'est pourquoi le baptême est appelé aussi régénération…
Lorsque l'apôtre Paul parle de la vie future, il veut rassurer ses auditeurs par ces mots : « Non seulement la création, mais nous aussi qui avons reçu les prémices de l'Esprit, nous gémissons en nous-mêmes, attendant la rédemption de notre corps » (Rm 8,23). Car si nous avons reçu dès à présent les prémices de la grâce, nous attendons de l'accueillir en plénitude quand nous sera donné le bonheur de la résurrection.
Commentaire sur l'évangile de Jean, livre 2 ; CSCO 116, p. 55-56 (trad. Orval rev.)