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Thérèse d'Avila quelques écrits
Sainte Thérèse d'Avila (1515-1582), carmélite, docteur de l'Église
Liste des lectures
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Syméon prit l'enfant dans ses bras
Il ne suffit pas de me dire ' Seigneur, Seigneur '...; il faut faire la volonté de mon Père
Ma royauté ne vient pas de ce monde
Si quelqu'un m'aime ... nous viendrons chez lui ; nous irons demeurer auprès de lui
Tous ceux qui le touchaient étaient sauvés
Ce pain-là, qui descend du ciel, celui qui en mange ne mourra pas
Il sortit et se retira dans un endroit désert
Ma royauté ne vient pas de ce monde
Le père et moi, nous sommes UN
Reconnaissant la gloire de l’éternelle Trinité, en adorant son unité toute puissante
Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur ?
Les soucis du monde et les séductions de la richesse étouffent la Parole
Que ton nom soit sanctifié. Que ton règne vienne
Les soucis du monde et les séductions de la richesse étouffent la Parole
-Et lui, Seigneur ? ... --Est-ce ton affaire ? Toi, suis-moi
Mettez-vous dans la tête que vous n'avez pas à vous soucier de préparer votre défense
C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez
Qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive
......
Écouter dans le château construit sur le roc
Quand vous priez, dites : 'Père'
Ce peuple m'honore des lèvres mais son cœur est loin de moi
Ils seront instruits par Dieu lui-même
Sainte Thérèse d'Avila (1515-1582), carmélite, docteur de l'Église
...
« Syméon prit l'enfant dans ses bras »
Dans l'oraison de quiétude, le Seigneur commence à nous montrer qu'il entend notre prière et nous accorde son Royaume, afin que nous puissions véritablement le bénir et sanctifier son nom, et que nous incitions tous les hommes à faire de même. C'est quelque chose de surnaturel et que nous ne pouvons pas procurer par nos efforts, quels qu'ils soient.
Ici, en effet, l'âme se plonge dans la paix, ou, pour mieux dire, le Seigneur l'y plonge par sa présence, ainsi qu'il l'a fait envers le juste Syméon. Alors toutes les puissances de l'âme s'apaisent, et elle comprend, par un mode de compréhension très différent de celui qui nous vient par le moyen des sens extérieurs, qu'elle est tout près de son Dieu, et que, pour un peu, elle en viendrait à être par l'union une même chose avec lui. Ce n'est pas qu'elle le voie des yeux du corps ni de ceux de l'âme ; le juste Syméon, lui aussi, ne voyait au-dehors que l'auguste petit Pauvre, et, aux langes qui l'enveloppaient, au petit nombre de ceux qui lui faisaient cortège, il aurait pu le prendre pour le fils de pauvres gens, plutôt que pour le Fils du Père céleste. Mais l'Enfant lui-même lui a fait savoir qui il était. Ici, c'est de la même manière que l'âme comprend ; avec moins de clarté toutefois, parce qu'elle ne sait pas encore comment elle comprend. Seulement, elle se rend compte qu'elle se trouve dans le Royaume, ou du moins près du Roi qui doit le lui donner, et elle est saisie d'un si grand respect qu'elle n'ose lui faire aucune demande.
Le Chemin de la perfection, ch. 31/33 (trad. OC, Cerf 1995, p. 814)
« Il ne suffit pas de me dire ' Seigneur, Seigneur '...; il faut faire la volonté de mon Père »
Il semble très facile de dire qu'on livre sa volonté au pouvoir d'un autre. Mais quand on en vient à l'épreuve, on comprend qu'il n'y a rien de si difficile que de s'y conformer comme il faut... Le Seigneur sait ce que chacun peut supporter ; et quand il rencontre une âme forte, il ne s'arrête pas jusqu'à ce qu'il ait accompli en elle sa volonté.
Je veux vous exposer ou vous rappeler ce qu'est sa volonté. Ne craignez pas qu'il veuille vous donner des richesses, des plaisirs, des honneurs, ni tous les autres biens de la terre. Il vous aime trop pour cela, et il estime trop le présent que vous lui offrez : voilà pourquoi il veut vous récompenser dignement et vous donne son Royaume, même dès cette vie.
Voulez-vous savoir comment il se comporte envers ceux qui lui font sincèrement cette demande : « Que ta volonté soit faite » ?... Voyez ce que le Père a donné à son Fils qu'il aimait au-dessus de tout, par là vous connaîtrez quelle est sa volonté. Oui, tels sont les dons qu'il nous fait en ce monde. Il les mesure à son amour pour nous. Il en donne plus à ceux qu'il aime plus, et moins à ceux qu'il aime moins. Il se règle aussi d'après le courage qu'il découvre en chacun de nous et l'amour que nous avons pour lui. Il voit qu'on est capable de souffrir beaucoup pour lui quand on l'aime beaucoup, mais de souffrir peu quand on l'aime peu. Je suis persuadée que la mesure de notre force de supporter une grande croix ou une petite, c'est la mesure de notre l'amour. Voilà pourquoi, si cet amour est en vous, vous veillerez, en parlant à un si grand Seigneur, à ce que vos paroles ne soient pas de purs compliments... Si nous n'abandonnons pas complètement notre volonté au Seigneur, pour qu'il prenne lui-même soin de tous nos intérêts, il ne nous laissera jamais boire à sa fontaine d'eau vive.
Le Chemin de la perfection, ch. 32, 5-9 (trad. OC, Seuil 1949, p. 748s rev.)
Sainte Marthe était sainte, bien qu'on ne dise pas qu'elle était contemplative. Et que pouvez-vous désirer de plus que de ressembler à cette bienheureuse femme, qui mérita de posséder tant de fois Jésus Christ notre Seigneur dans sa maison, de lui préparer sa nourriture, de le servir, de manger à sa table ? Si elle était demeurée absorbée comme sa sœur, il n'y aurait eu personne pour préparer le repas de cet hôte divin. Eh bien ! Imaginez que notre monastère est la maison de sainte Marthe et qu'il doit y avoir divers offices. Celles que Dieu conduit par la vie active ne doivent pas murmurer contre celles qu'elles verront abîmées dans la contemplation... Qu'elles s'estiment heureuses de servir avec Marthe. Qu'elles songent également que la véritable humilité consiste, en grande partie, dans l'acceptation empressée de ce qu'il plaît au Seigneur d'ordonner de nous, et dans la conviction qu'on est indigne de porter le nom de ses serviteurs.
Donc, si contempler, faire oraison mentale ou vocale, soigner les malades, servir dans les emplois de la maison, se livrer aux travaux, même les plus vils, n'est autre chose que rendre ses devoirs à l'hôte divin qui vient loger, manger et se reposer chez nous, que nous importe de le servir d'une manière ou d'une autre ?
Je suis loin de dire que vous ne devez pas vous efforcer d'arriver à la contemplation, je dis simplement que vous devez vous exercer à des fonctions diverses. La contemplation, en effet, n'est pas laissée à votre choix, mais à celui du Seigneur... Laissez faire le Maître de la maison.
Chemin de perfection, ch. 17, 5-7 (trad. OC, Cerf, p.761)
« Ma royauté ne vient pas de ce monde »
Tu es roi pour l'éternité, mon Dieu...; quand on dit dans le Credo que ton « royaume n'aura pas de fin », presque toujours j'en éprouve une joie toute particulière. Je te loue, Seigneur, je te bénis à jamais ! Enfin ton royaume durera éternellement ! Ne permets jamais, Maître, que ceux qui t'adressent la parole croient pouvoir le faire du bout des lèvres... Assurément, quand on va trouver un prince, on ne lui parle pas avec le même laisser-aller qu'à un paysan ou qu'à une pauvre religieuse comme nous. De quelque façon qu'on nous parle, ce sera toujours bien.
Sans doute, l'humilité de notre roi est telle que malgré mon ignorance des règles du langage, il n'arrête pas de m'écouter et de me permettre d'approcher de lui. Ses gardes ne me repoussent pas, car les anges qui l'entourent n'ignorent pas que leur roi apprécie plus la simplicité d'un petit berger bien humble, qui dirait davantage s'il le pouvait, que tous les beaux raisonnements des plus grands savants et des lettrés, s'ils ne sont pas humbles.
Mais si notre roi est bon, ce n'est pas une raison de nous montrer grossiers. Ne serait-ce que pour lui témoigner ma gratitude de ce qu'il daigne supporter près de lui une personne aussi repoussante que moi, il est juste que je reconnaisse sa noblesse et sa grandeur. En vérité, il suffit de l'approcher pour comprendre cela... Oui, approchez de lui, mes filles, mais songez et comprenez à qui vous allez parler, ou à qui vous parlez déjà. Après mille vies comme la nôtre vous n'arriverez pas encore à comprendre les égards que mérite un tel Seigneur, devant qui tremblent les anges. Il commande tout, il peut tout ; pour lui, vouloir c'est faire. Il est juste, mes filles, que nous cherchions à nous réjouir des grandeurs de notre Époux, que nous comprenions de qui nous sommes les épouses, et donc que nous sachions quelle doit être la sainteté de notre vie
Le Chemin de la perfection, 22 (trad. Seuil 1961, p. 143s rev.)
« Si quelqu'un m'aime ... nous viendrons chez lui ; nous irons demeurer auprès de lui »
Je jouissais un jour, dans le recueillement, de cette compagnie que j'ai toujours en mon âme ; il me semblait que Dieu s'y trouvait, de telle sorte que je songeais à cette parole de saint Pierre : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16,16), car Dieu était vraiment vivant en moi. Cette prise de conscience ne ressemblait pas aux autres ; elle élève la puissance de la foi ; on ne saurait douter que la Trinité est en notre âme par une présence spéciale, par sa puissance et par son essence. Sentir cela est extrêmement avantageux pour faire entendre une telle vérité. Comme j'étais tout étonnée de voir une si haute Majesté dans une créature aussi vile que mon âme, j'ai entendu cette parole : « Ton âme n'est pas vile, ma fille, car elle est faite à mon image » (Gn 1,27).
Un autre jour, je considérais en moi cette présence des trois Personnes divines. La lumière était tellement vive, qu'il n'y avait nul doute que ce ne fût là le Dieu vivant, le vrai Dieu... Je songeais combien la vie est amère, puisqu'elle nous empêche de nous tenir toujours dans une si admirable compagnie, et...le Seigneur m'a dit : « Ma fille, après cette vie, tu ne pourras plus me servir de la même manière que maintenant. Alors, que tu manges ou que tu dormes, quoi que tu fasses, fais-le par amour pour moi, comme si tu ne vivais plus toi-même, mais moi en toi ; c'est là ce qu'a proclamé saint Paul » (Ga 2,20).
Relations diverses, 46 et 48
Mon tendre maître, tu es bien l'ami véritable ! Étant tout-puissant, ce que tu veux, tu le peux. Et jamais tu ne manques de vouloir, envers ceux qui t'aiment. Que tout ce qui est ici-bas te loue, Seigneur ! Comment faire retentir ma voix dans tout l'univers, pour annoncer combien tu es fidèle à tes amis ? Toutes les créatures peuvent nous manquer : toi qui en es le maître, tu ne nous manques jamais.
Que tu laisses souffrir peu de temps ceux qui t'aiment ! Ô mon maître, quelle délicatesse, quelle attention, quelle tendresse tu montres envers eux ! Oui, heureux celui qui n'a jamais rien aimé hors de toi ! Il est vrai, tu traites tes amis avec rigueur, mais c'est, je crois, pour mieux faire éclater dans l'excès de la souffrance, l'excès plus grand encore de ton amour. Mon Dieu, que n'ai-je de l'intelligence, du talent, que n'ai-je un langage nouveau, pour parler de tes œuvres telles que mon âme les conçoit ! Tout me fait défaut, mon Seigneur. Mais pourvu que tu ne m'abandonnes pas, moi je ne t'abandonnerai jamais...
Je sais par expérience avec quels avantages tu fais sortir de l'épreuve ceux qui ne mettent qu'en toi leur confiance. Tandis que j'étais dans [une] affliction amère..., ces seules paroles que j'ai entendues...ont suffi pour dissiper ma peine et me mettre dans une tranquillité parfaite : « Ne crains rien, ma fille ; c'est moi, je ne t'abandonnerai pas. Ne crains rien »... Et voici qu'à ces seules paroles, le calme se fait en moi, je me trouve forte, courageuse, rassurée ; je sens renaître la paix et la lumière. En un instant mon âme est transformée.
Vie écrite par elle-même, ch. 25 (trad. OC, Cerf 1995, p. 189 rev.)
« Tous ceux qui le touchaient étaient sauvés »
Quand Jésus était en ce monde, le simple contact de ses vêtements guérissait les malades. Pourquoi douter, si nous avons la foi, qu'il ne fasse encore des miracles en notre faveur quand il est si intimement uni à nous dans la communion eucharistique ? Pourquoi ne nous donnera-t-il pas ce que nous lui demandons puisqu'il est dans sa propre maison ? Sa Majesté n'a pas coutume de mal payer l'hospitalité qu'on lui donne en notre âme, si on lui fait bon accueil. Éprouvez-vous de la peine de ne pas contempler notre Seigneur avec les yeux du corps ? Dites-vous que ce n'est pas ce qui vous convient actuellement...
Mais dès que notre Seigneur voit qu'une âme va profiter de sa présence, il se découvre à elle. Elle ne le verra pas, certes, des yeux du corps, mais il se manifestera à elle par de grands sentiments intérieurs ou par bien d'autres moyens. Restez donc avec lui de bon cœur. Ne perdez pas une occasion aussi favorable pour traiter de vos intérêts que l'heure qui suit la communion.
Le Chemin de la perfection, ch. 34 (trad. Seuil 1961, p. 201 ; cf OC, Cerf 1995, p. 833)
« Ce pain-là, qui descend du ciel, celui qui en mange ne mourra pas »
Le bon Jésus, voyant combien son secours nous était nécessaire, a cherché un moyen admirable où paraît bien l'excès de son amour pour nous. Voilà pourquoi il a fait en son nom et au nom de tous ses frères cette prière : « Donne-nous aujourd'hui, Seigneur, notre pain de ce jour » (Mt 6,11)... Il a senti qu'il devait réveiller notre amour en nous mettant le sien sous les yeux, et non pas un jour seulement, mais tous les jours. Voilà pourquoi il a dû prendre le parti de demeurer au milieu de nous...
Je ne peux pas m'empêcher d'admirer comment cette demande est la seule où il répète les mêmes paroles. Car tout d'abord il prie pour qu'on nous donne ce pain chaque jour ; puis il ajoute : « Donne-le nous aujourd'hui ». C'est comme s'il disait à son Père que, ayant été une fois livré à mort pour nous, et étant désormais notre bien, il ne nous l'enlève pas, mais le laisse nous servir tous les jours, jusqu'à la fin du monde... S'il dit « notre pain de chaque jour », c'est, à mon avis, parce que non seulement nous le possédons sur la terre, mais parce que nous le possèderons aussi au ciel, si nous savons profiter de sa compagnie... Quand il dit « aujourd'hui », c'est, ce me semble, pour signifier un jour, c'est-à-dire la durée du monde ; car le monde ne dure vraiment qu'un jour...
Le Fils, en effet, a dit au Père éternel : « Puisqu'il ne s'agit que d'un jour, permettez-moi de le passer dans la servitude ». Dieu le Père nous l'a donné et l'a envoyé en ce monde par sa seule volonté. Le Fils à son tour, par sa volonté propre, ne veut pas nous abandonner, mais s'établir au milieu de nous pour la plus grande gloire de ses amis et la confusion de ses ennemis. Il ne fait cette nouvelle demande que pour aujourd'hui ; le Père éternel nous a donné ce pain sacré, et c'est pour toujours, je le répète, qu'il nous a donné cet aliment de l'humanité du Sauveur, notre soutien, notre vraie manne. Dans ce très saint sacrement, notre âme trouvera tous les goûts et toutes les consolations qu'elle pourra souhaiter (cf Sg 16,20). Et s'il n'y a pas de faute de notre part, nous sommes assurés de ne pas mourir de faim
Le Chemin de la perfection, ch. 33-34 (trad. Seuil 1961, p. 194s)
« Il sortit et se retira dans un endroit désert »
Comment ne pas nous rappeler un Maître comme celui qui nous a appris la prière, qui nous l'a enseignée avec tant d'amour et avec un si vif désir qu'elle nous soit profitable ? ... Vous savez qu'il nous enseigne à prier dans la solitude. C'est ainsi que notre Seigneur faisait toujours, quand il priait, non que cela lui soit nécessaire, mais parce qu'il voulait nous donner l'exemple. Nous avons déjà dit qu'on ne saurait parler en même temps à Dieu et au monde. Or ils ne font pas autre chose, ceux qui récitent des prières et par ailleurs écoutent ce qui se dit autour d'eux, ou s'arrêtent aux pensées qui se présentent sans se préoccuper de les repousser.
Je ne parle pas de ces indispositions qui surviennent parfois, ni, surtout de la mélancolie ou de la faiblesse d'esprit qui affligent certaines personnes et les empêchent, malgré leurs efforts, de se recueillir. Il en est de même pour ces orages intérieurs qui peuvent troubler quelquefois les fidèles serviteurs de Dieu, mais que celui-ci permet pour leur plus grand bien. Dans leur affliction, ils cherchent en vain le calme. Quoi qu'ils fassent, ils ne peuvent pas être attentifs aux prières qu'ils prononcent. Leur esprit, loin de se fixer à rien, s'en va tellement à l'aventure qu'il semble en proie à une sorte de frénésie. A la peine qu'ils en éprouvent, ils verront que ce n'est pas de leur faute ; qu'ils ne se tourmentent donc pas... Puisque leur âme est malade, qu'ils s'appliquent à lui procurer quelque repos et s'occupent de quelque autre œuvre de vertu. Voilà ce que doivent faire les personnes qui veillent sur eux-mêmes et qui comprennent que l'on ne saurait parler à Dieu et au monde en même temps.
Ce qui dépend de nous, c'est d'essayer d'être dans la solitude pour prier. Et plaise à Dieu que cela suffise, je le répète, pour comprendre en présence de qui nous sommes et quelle réponse le Seigneur fait à nos demandes ! Pensez-vous qu'il se taise, bien que nous ne l'entendions pas ? Non, certes. Il parle au cœur quand c'est le cœur qui le prie.
Le Chemin de la perfection, ch. 24 (trad. Seuil 1961, p.152)
« Ma royauté ne vient pas de ce monde »
Tu es roi pour l'éternité, mon Dieu...; quand on dit dans le Credo que ton « royaume n'aura pas de fin », presque toujours j'en éprouve une joie toute particulière. Je te loue, Seigneur, je te bénis à jamais ! Enfin ton royaume durera éternellement ! Ne permets jamais, Maître, que ceux qui t'adressent la parole croient pouvoir le faire du bout des lèvres... Assurément, quand on va trouver un prince, on ne lui parle pas avec le même laisser-aller qu'à un paysan ou qu'à une pauvre religieuse comme nous. De quelque façon qu'on nous parle, ce sera toujours bien.
Sans doute, l'humilité de notre roi est telle que malgré mon ignorance des règles du langage, il n'arrête pas de m'écouter et de me permettre d'approcher de lui. Ses gardes ne me repoussent pas, car les anges qui l'entourent n'ignorent pas que leur roi apprécie plus la simplicité d'un petit berger bien humble, qui dirait davantage s'il le pouvait, que tous les beaux raisonnements des plus grands savants et des lettrés, s'ils ne sont pas humbles.
Mais si notre roi est bon, ce n'est pas une raison de nous montrer grossiers. Ne serait-ce que pour lui témoigner ma gratitude de ce qu'il daigne supporter près de lui une personne aussi repoussante que moi, il est juste que je reconnaisse sa noblesse et sa grandeur. En vérité, il suffit de l'approcher pour comprendre cela... Oui, approchez de lui, mes filles, mais songez et comprenez à qui vous allez parler, ou à qui vous parlez déjà. Après mille vies comme la nôtre vous n'arriverez pas encore à comprendre les égards que mérite un tel Seigneur, devant qui tremblent les anges. Il commande tout, il peut tout ; pour lui, vouloir c'est faire. Il est juste, mes filles, que nous cherchions à nous réjouir des grandeurs de notre Époux, que nous comprenions de qui nous sommes les épouses, et donc que nous sachions quelle doit être la sainteté de notre vie.
Le Chemin de la perfection, 22 (trad. Seuil 1961, p. 143s rev.)
« Le père et moi, nous sommes UN »
Le jour de la fête de Saint Augustin, au moment où je venais de communier, j’ai compris, je pourrais presque dire « j’ai vu » -- je ne pourrais pas expliquer de quelle manière, je sais seulement que cela se passait dans mon intellect et était très rapide -- comment les trois Personnes de
Je me demandais comment, la Trinité formant une unité si parfaite, le Fils seul s'est fait homme. Le Seigneur m’a fait comprendre comment les trois Personnes n'étant qu'une même chose, elles sont cependant distinctes. En présence de telles merveilles, l'âme éprouve un nouveau désir d'échapper à l'obstacle du corps, qui l'empêche d'en jouir. Quoiqu'elles semblent inaccessibles à notre bassesse et que la vue en passe en un moment, l'âme en retire beaucoup plus de profit, sans comparaison, que de longues années de méditation, et sans savoir comment.
Les Relations, 47 (trad. OC, Cerf 1995, t. 1, p.418 rev.)
Ame, cherche-toi en moi,
Et moi, cherche-moi en toi.
L’amour a si bien réussi,
Ame, à te reproduire en moi,
Que même le plus grand peintre
Ne saurait, avec autant d'art,
Dessiner une telle image.
Par l’amour, tu fus créée,
Belle, très belle, et c'est pourquoi
Peinte dans mes entrailles,
Si tu te perdais, mon aimée,
Tu devrais te chercher en moi.
Car je sais que tu trouveras
Au fond de mon coeur ton portrait,
Peint de façon si ressemblante
Que, te voyant, tu te réjouiras
De te voir, si bellement peinte.
Si par hasard, tu ne savais
En quel endroit me trouver, moi,
Ne t’en va pas de-ci de-là,
Mais, si tu veux me trouver,
Cherche-moi en toi.
Puisque tu es mon logis,
Tu es ma maison, ma demeure,
Aussi j'appelle à tout instant,
Si je trouve fermée,
La porte de ta pensée.
Hors de toi, ne me cherche pas,
Parce que, pour me trouver, moi,
Il suffit que tu m'appelles ;
Et à toi j'irai sans tarder,
Et moi, cherche-moi en toi.
Poésies, n° 8 « Alma, buscarte has en mí » (trad. OC Seuil 1995, p. 1241)
Sainte Thérèse d'Avila (1515-1582), carmélite, docteur de l'Église
« Reconnaissant la gloire de l’éternelle Trinité, en adorant son unité toute puissante » (Collecte)
La vérité sur la très sainte Trinité m’avait été exposée par des théologiens mais je ne l’avais pas comprise comme je le fais à présent, après ce que Dieu m’a montré… Ce qui me fut représenté, ce sont trois Personnes distinctes, que l'on peut considérer et entretenir séparément. Je me suis dit ensuite que le Fils seul s'est incarné, ce qui montre clairement la réalité de cette distinction. Ces Personnes se connaissent, s'aiment et communiquent entre elles. Mais si chaque Personne est distincte, comment disons-nous qu'elles n'ont toutes trois qu'une seule essence ? De fait, c'est là ce que nous croyons ; c'est une vérité absolue, pour laquelle je souffrirais mille fois
Ainsi, il n'y a qu'un seul Dieu tout-puissant, et les trois Personnes ne forment qu'une seule Majesté. Quelqu'un pourrait-il aimer le Père, sans aimer le Fils et l'Esprit Saint ? Non, mais celui qui se rend agréable à l'une de ces trois Personnes, se rend agréable à toutes les trois, et celui qui offense l'une d'elles offense les deux autres. Le Père peut-il exister sans le Fils et sans l'Esprit Saint ? Non, parce qu'ils n'ont qu'une même essence, et là où se trouve une des Personnes se trouvent les deux autres, parce qu'elles ne peuvent pas se séparer.
Comment donc voyons-nous trois Personnes distinctes ? Comment le Fils s'est-il incarné, et non le Père ou l'Esprit Saint ? Je ne l'ai pas saisi ; les théologiens le savent. Ce que je sais, c'est que les trois Personnes ont concouru à cette oeuvre merveilleuse. Au reste, je ne m'arrête pas longtemps à des questions de ce genre ; mon esprit s'attache aussitôt à cette vérité que Dieu est tout-puissant, que l'ayant ainsi voulu, il l'a pu, et qu'il pourra de même tout ce qu'il voudra. Moins je comprends ces choses, plus je les crois, et plus elles me donnent de dévotion. Dieu soit à jamais béni ! Amen.
Relations, n° 33 (trad. OC, Cerf 1995, p. 407)
« Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur ? »
Si j'avais compris, comme je le fais maintenant, qu'un si grand Roi habite ce petit palais de mon âme, il me semble que je ne l'aurais pas si souvent laissé seul. Quelquefois, du moins, je me serais tenue en sa présence, et surtout j'aurais pris soin que son palais soit moins sale. Quelle chose admirable ! Celui qui remplirait de sa grandeur mille mondes et bien davantage, se renfermer dans une si petite demeure ! Il est vrai, d'une part, qu'étant souverain Seigneur, il apporte avec lui la liberté, et de l'autre, qu'étant plein d'amour pour nous, il se fait à notre mesure.
Sachant bien qu'une âme débutante pourrait se troubler en se voyant, elle, si petite, destinée à contenir tant de grandeur, il ne se fait pas connaître immédiatement ; mais, peu à peu, il agrandit sa capacité à la mesure des dons qu'il se propose de placer en elle. C'est le pouvoir qu'il a d'élargir ce palais de notre âme, qui me fait dire qu'il porte avec lui
La chose est certaine, et si je vous la répète si souvent, c'est qu'elle est très importante. Tant que l’âme n’est pas toute à lui, déblayée de tout, il n’agit pas en elle. Du reste, je ne sais pas comment il pourrait le faire, lui qui aime tant l'ordre parfait. Si nous remplissons le palais de gens vulgaires et de toutes sortes de babioles, comment le souverain pourra-t-il y trouver place avec sa cour ? C'est déjà beaucoup qu'il veuille bien s'arrêter quelques moments au milieu de tant d'encombrement.
Chemin de perfection, ch. 28 (trad. OC, Cerf 1995, p.806 rev.)
« Les soucis du monde et les séductions de la richesse étouffent la Parole »
O Seigneur mon Dieu, tes paroles sont des paroles de vie où tous les mortels trouveront ce qu'ils désirent, pourvu qu'ils acceptent de l'y chercher. Mais quoi d'étonnant, mon Dieu, que nous oubliions tes paroles, frappés comme nous le sommes de folie et de langueur par suite de nos mauvaises actions ? O mon Dieu..., auteur de tout ce qui est créé, que serait cette création si tu voulais, Seigneur, créer plus encore ? Tu es tout-puissant, tes oeuvres sont incompréhensibles. Fais, Seigneur, que tes paroles ne s'éloignent jamais de ma pensée.
Tu dis : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai » (Mt 11,28). Que voulons-nous de plus, Seigneur ? Que demandons-nous ? Que cherchons-nous ? Pourquoi les gens du monde s'égarent-ils, sinon parce qu'ils sont en quête de bonheur ? O Dieu..., quel aveuglement profond ! Nous le cherchons, ce bonheur, là où il est impossible de le trouver.
O Créateur, prends pitié de tes créatures ! Vois, nous ne nous comprenons pas nous-mêmes, nous ne savons pas ce que nous désirons, et ce que nous demandons nous échappe. Donne-nous la lumière, Seigneur ! Vois, elle nous est plus nécessaire qu'à l'aveugle né. Lui désirait voir la lumière et ne le pouvait pas, et maintenant, Seigneur, on refuse de voir. Est-il un mal plus incurable ? C'est ici, mon Dieu, qu'éclatera ta puissance, ici que brillera ta miséricorde... Je te prie d'aimer ceux qui ne t'aiment pas, d'ouvrir à ceux qui ne frappent pas, de donner la santé à ceux qui prennent plaisir à être malades... Tu as dit, ô mon Maître, que tu venais chercher les pécheurs (Mt 9,13) ; les voilà, Seigneur ! Et toi, mon Dieu, oublie notre aveuglement, considère uniquement le sang que ton Fils a répandu pour nous. Que ta miséricorde resplendisse au sein d'un tel malheur ; souviens-toi, Seigneur, que nous sommes ton oeuvre, et sauve-nous par ta bonté, par ta miséricorde.
Exclamations, n° 8 (trad. OC, Cerf 1995, p.881 rev.)
« Que ton nom soit sanctifié. Que ton règne vienne. »
Quelle est la personne, pour étourdie qu'elle soit, qui, lorsqu'elle sollicite un personnage important, ne réfléchit d'avance à la façon de présenter sa requête, de manière à lui être agréable et à ne pas l'importuner, se rappelant l'objet de sa requête, les raisons qui la motivent, en particulier si elle demande quelque chose d'aussi important que celle que notre bon Jésus nous apprend à demander ? Cela me semble digne d'être considéré. Ne pourrais-tu, Seigneur, tout inclure en un seul mot, et dire : « Donne-nous, Père, ce qui nous convient ? » car rien de plus n'eût été, semble-t-il, nécessaire pour celui qui comprend tout.
O Sagesse éternelle ! Cela pouvait suffire entre toi et ton Père, c'est ainsi que tu l'as sollicité au Jardin des Oliviers : tu as exprimé ton amour et ta crainte, en te remettant à sa volonté ; mais nous ne sommes pas, Seigneur, tu le sais, aussi soumis que toi à la volonté de ton Père ; il fallait que nous sollicitions des choses remarquables pour prendre soin d'examiner si ce que nous demandions nous convient, et sinon, ne point le demander. Car nous sommes ainsi faits que si on ne nous donne pas ce que nous voulons, nous usons de notre libre arbitre pour refuser ce que nous offre le Seigneur ; même lorsqu'il nous offre ce qu'il y a de meilleur, si ce n'est pas argent comptant, nous craignons de ne jamais nous enrichir.
Or le bon Jésus nous demande de dire ces mots, qui sollicitent la venue en nous du Royaume : Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne . Voyez ici, mes filles, la grande sagesse de notre Maître. Je considère que le moment est venu de comprendre que nous demandons ce royaume. Mais comme sa Majesté a vu que nous ne pouvions ni sanctifier, ni louer, ni exalter, ni glorifier ce saint nom du Père Éternel puisque notre petitesse nous empêche de le faire comme il se doit, sauf si sa Majesté y pourvoyait en nous donnant son royaume ici-bas, le bon Jésus a mis ces deux demandes côte à côte. Je veux vous dire ici ma pensée : pour que nous comprenions, mes filles, ce que nous demandons, il est important d'insister et de faire tout notre possible pour contenter celui qui peut nous l'accorder. Si mes considérations ne vous satisfont point, réfléchissez de votre côté, notre Maître nous le permet à condition de nous soumettre en tout aux enseignements de l'Église, comme je le fais ici.
Il me semble donc que l'excellence du royaume du ciel, c'est, entre autres, de ne plus faire cas des choses de la terre, c'est le calme et la gloire en nous-même, la joie de la joie de tous, une paix perpétuelle, une grande satisfaction intérieure de voir que tout le monde sanctifie et loue le Seigneur, et bénit son nom, sans que nul ne l'offense. Tout le monde l'aime, et l'âme elle-même ne sait que l'aimer, elle ne peut cesser de l'aimer, puisqu'elle le connaît. C'est ainsi que nous l'aimerions ici-bas, quoique moins parfaitement, et moins spontanément ; mais nous l'aimerions autrement que nous ne l'aimons, si nous le connaissions
LE CHEMIN DE LA PERFECTION
« Pardonne-nous nos offenses »
« Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. » Remarquons, mes sœurs, que notre bon Maître ne dit pas : « comme nous pardonnerons ». C’est afin que nous sachions bien que pour quiconque a…soumis sa volonté à celle de Dieu, ce pardon doit être chose faite... Ainsi, celui qui aura dit sincèrement au Seigneur : « Que ta volonté soit faite », doit avoir tout pardonné, ou du moins avoir pris la résolution de le faire.
La raison pour laquelle les saints se réjouissaient des injures et des persécutions, c’est qu’elles leur donnaient quelque chose à offrir au Seigneur quand ils lui demandaient des grâces. Mais que fera une créature aussi pauvre que moi, qui a eu si peu à pardonner dans sa vie, et qui a tant besoin d’être pardonnée ? C’est un point, mes sœurs, qui mérite une attention sérieuse. Quoi ! Demander une chose aussi grande, aussi importante que le pardon de notre Seigneur…, et cela en retour d’un acte aussi misérable que celui du pardon que nous-mêmes nous accordons ! Pour ma part, Seigneur, j’ai même si peu à t’offrir de ces actes sans valeur, que c’est gratuitement que tu as à me pardonner. Combien ta miséricorde trouve ici l’occasion de se manifester ! Sois béni de supporter mon extrême pauvreté !...
[Avec] ces petits riens que l’on décore du nom d’affronts, avec nos points d’honneur, nous ressemblons à ces enfants qui construisent des maisonnettes avec des brins de paille !... Nous croirons faire beaucoup en pardonnant un de ces petits riens qui ne sont ni un affront, ni une injure, ni quoi que ce soit, et, comme si nous avions fait une belle action, nous viendrons demander à Dieu qu’il pardonne, parce que nous avons pardonné ? Fais-nous comprendre, mon Dieu, que nous ne nous comprenons pas nous-mêmes, que nous nous présentons devant toi les mains vides, et pardonne-nous par ta seule miséricorde.
Le Chemin de la perfection, ch. 36, 1-6 (trad. OC, Cerf 1995, p. 838 rev.)
« Les soucis du monde et les séductions de la richesse étouffent la Parole »
O Seigneur mon Dieu, tes paroles sont des paroles de vie où tous les mortels trouveront ce qu'ils désirent, pourvu qu'ils acceptent de l'y chercher. Mais quoi d'étonnant, mon Dieu, que nous oubliions tes paroles, frappés comme nous le sommes de folie et de langueur par suite de nos mauvaises actions ? O mon Dieu..., auteur de tout ce qui est créé, que serait cette création si tu voulais, Seigneur, créer plus encore ? Tu es tout-puissant, tes oeuvres sont incompréhensibles. Fais, Seigneur, que tes paroles ne s'éloignent jamais de ma pensée.
Tu dis : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai » (Mt 11,28). Que voulons-nous de plus, Seigneur ? Que demandons-nous ? Que cherchons-nous ? Pourquoi les gens du monde s'égarent-ils, sinon parce qu'ils sont en quête de bonheur ? O Dieu..., quel aveuglement profond ! Nous le cherchons, ce bonheur, là où il est impossible de le trouver.
O Créateur, prends pitié de tes créatures ! Vois, nous ne nous comprenons pas nous-mêmes, nous ne savons pas ce que nous désirons, et ce que nous demandons nous échappe. Donne-nous la lumière, Seigneur ! Vois, elle nous est plus nécessaire qu'à l'aveugle né. Lui désirait voir la lumière et ne le pouvait pas, et maintenant, Seigneur, on refuse de voir. Est-il un mal plus incurable ? C'est ici, mon Dieu, qu'éclatera ta puissance, ici que brillera ta miséricorde... Je te prie d'aimer ceux qui ne t'aiment pas, d'ouvrir à ceux qui ne frappent pas, de donner la santé à ceux qui prennent plaisir à être malades... Tu as dit, ô mon Maître, que tu venais chercher les pécheurs (Mt 9,13) ; les voilà, Seigneur ! Et toi, mon Dieu, oublie notre aveuglement, considère uniquement le sang que ton Fils a répandu pour nous. Que ta miséricorde resplendisse au sein d'un tel malheur ; souviens-toi, Seigneur, que nous sommes ton oeuvre, et sauve-nous par ta bonté, par ta miséricorde.
Exclamations, n° 8 (trad. OC, Cerf 1995, p.881 rev.)
« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». O mon tendre Maître, quelle joie pour moi que tu n'aies pas fait dépendre l'accomplissement de ta volonté d'un vouloir aussi misérable que le mien !... Que je serais malheureuse, si tu avais voulu qu'il dépende de moi que ta volonté s'accomplisse ou non. A présent, je te donne librement la mienne, bien que ce soit à un moment où ce don n'est pas purement désintéressé, car une longue expérience m'a fait connaître les avantages de cet abandon. Quel immense profit, mes amies, mais d'autre part, quelle immense perte, si nous n'accomplissons pas ce que nous offrons au Seigneur par cette demande du Notre Père...
Je veux donc vous dire, ou vous rappeler, quelle est cette volonté. Ne craignez pas que ce soit de vous donner des richesses, ni des plaisirs, ni des honneurs, ni tous les biens d'ici-bas. Il ne nous porte pas si peu d'amour ! Il fait le plus grand cas du présent que vous lui offrez, et il entend vous le récompenser bien, puisque dès cette vie il vous donne son Royaume... Voyez, mes filles, ce que Dieu a donné à son Fils qu'il aimait par-dessus tout ; par là, vous pourrez reconnaître quelle est sa volonté. Oui, tels sont les dons qu'il nous fait en ce monde. Il donne en proportion de l'amour qu'il porte pour chacun de nous..., tenant compte aussi du courage qu'il voit en chacun et de l'amour qu'on a pour lui. Celui qui l'aime beaucoup, il le reconnaît capable de beaucoup souffrir pour lui, et celui qui l'aime peu, de peu souffrir. Pour moi, je suis persuadée que la mesure de notre force pour porter une grande croix ou une petite, c'est la mesure de notre amour...
Tous mes conseils dans ce livre ne tendent qu'à un but : nous donner totalement au Créateur, soumettre notre volonté à la sienne, nous détacher des créatures ; vous devez en avoir compris la grande importance, je n'en dirai pas davantage. J'indiquerai seulement pour quel motif notre bon Maître formule cette demande du Notre Père. C'est qu'il sait le grand avantage qu'il y a pour nous à faire ce plaisir à son Père éternel. Par là nous nous disposons à atteindre rapidement le but de notre voyage et à nous désaltérer aux eaux vives de la fontaine dont j'ai parlé. Mais si nous ne donnons pas entièrement notre volonté au Seigneur pour qu'il prenne soin lui-même de tout ce qui nous concerne, jamais il ne nous permettra d'y boire.
Le Chemin de perfection, ch.32/34 (trad. OC, Cerf 1995, p.822)
« --Et lui, Seigneur ? ... --Est-ce ton affaire ? Toi, suis-moi »
Dieu ne conduit pas toutes les âmes par un même chemin. Celui qui croit marcher par la voie la plus humble est peut-être le plus élevé aux yeux du Seigneur. Ainsi, parce que dans ce monastère toutes s'adonnent à l'oraison, il ne s'ensuit pas que toutes doivent être contemplatives. C'est impossible, et l'ignorance de cette vérité pourrait jeter dans la désolation celles qui ne le sont pas...
J'ai passé plus de quatorze ans sans même pouvoir méditer, si ce n'est en lisant, et il doit y avoir bien des personnes dans ce cas. D'autres sont impuissantes à méditer, même à l'aide d'un livre. Elles ne sont capables que de prier vocalement : cela les fixe davantage... Il y a bien des personnes semblables. Mais si elles sont humbles, je crois qu'en fin de compte elles ne seront pas les moins bien loties : elles iront de pair avec les âmes inondées de consolations. D'une certaine manière, leur voie est même plus sûre, car nous ignorons si ces consolations viennent de Dieu ou si le démon en est l'auteur...
Ces personnes qui n'ont pas de consolations marchent dans l'humilité, craignant toujours qu'il y ait de leur faute, et elles ont un soin continuel de s'avancer. En voient-elles d'autres verser une larme, aussitôt il leur semble que, si elles n'en répandent pas, c'est le signe qu'elles sont bien en retard dans le service de Dieu, alors que peut-être devancent-elles les autres de beaucoup. En effet, les larmes, quoique bonnes, ne sont pas toutes parfaites, et il y a toujours plus de sécurité dans l'humilité, la mortification, le détachement et les autres vertus. Ainsi ne craignez rien, et dites-vous que vous ne manquerez pas d'arriver à la perfection, aussi bien que les grands contemplatifs.
Chemin de perfection, 17 (trad. OC, Cerf 1995, p. 760)
Dieu ne demande de nous que deux choses : que nous l'aimions et que nous aimions notre prochain. Voilà quel doit être le but de nos efforts. Si nous accomplissons ces deux choses d'une manière parfaite, nous faisons sa volonté, et nous sommes unis à lui. Mais que nous sommes loin de remplir ces deux devoirs d'une manière digne d'un Dieu si grand ! Qu'il daigne nous accorder sa grâce, afin que nous méritions d'y parvenir, car c'est en notre pouvoir, si nous le voulons.
Le moyen le plus sûr, à mon avis, de savoir si nous observons ces deux préceptes, c'est de voir si nous aimons véritablement le prochain. Aimons-nous Dieu ? Nous ne pouvons pas en avoir la certitude, bien que nous en ayons des indices très sérieux. Mais nous pouvons savoir sûrement si nous aimons le prochain. Soyez certaines que plus vous découvrirez en vous de progrès dans l'amour du prochain, plus vous serez avancées dans l'amour de Dieu. L'amour que notre Seigneur nous porte est si grand qu'en retour de celui que nous avons pour le prochain, il fait croître de mille manières celui que nous avons pour lui-même ; je n'ai aucun doute là-dessus. Voilà pourquoi il est très important de bien considérer comment nous aimons le prochain ; si c'est parfaitement, nous pouvons être en repos. Car, à mon avis, notre nature est si mauvaise que, si notre amour pour le prochain ne prenait ses racines dans l'amour même de Dieu, il ne pourrait pas devenir parfait en nous.
Le Château intérieur, Cinquième demeure, ch. 3
« Mettez-vous dans la tête que vous n'avez pas à vous soucier de préparer votre défense »
Ô amour puissant de mon Dieu ! Qu'il est bien vrai que rien n'est impossible à celui qui aime. Heureux celui qui jouit d'une telle paix de la part de son Dieu, qui domine toutes les souffrances et tous les périls du monde. Il n'en redoute aucun, dès qu'il s'agit de servir un tel Maître, et il a bien raison... Une pensée s'offre à moi qui s'applique aux personnes naturellement craintives et peu courageuses... Même lorsqu'elles sont réellement élevées à l'état dont je parle, leur faible nature s'effraie. Il faut alors bien prendre garde, parce que cette faiblesse naturelle pourrait nous faire perdre une magnifique couronne. Quand vous sentirez, mes filles, ces atteintes de la crainte, recourez à la foi et à l'humilité ; et, fortifiées par la conviction que rien n'est impossible à Dieu (Lc 1,37), abordez votre tâche. Il a bien pu fortifier tant de jeunes saintes, qu'il a rendues capables d'endurer tous les tourments qu'elles s'étaient déterminées à supporter pour lui !
Ce qu'il demande, c'est une détermination qui le rende maître de notre libre arbitre, car de nos efforts il n'a nul besoin. Notre Seigneur se plaît au contraire à faire resplendir ses merveilles chez les plus faibles de ses créatures, parce qu'il peut alors plus librement déployer son pouvoir et satisfaire son désir de nous accorder ses bienfaits...
Laissez de côté les objections de votre raison, et méprisez votre faiblesse. Celle-ci ne ferait que grandir si vous vous arrêtiez à réfléchir si vous réussirez ou non... Ce n'est pas le moment de songer à vos péchés; laissez-les de côté. Cette humilité n'est plus de mise, elle est tout à fait hors de propos... Soyez certaines que le Seigneur n'abandonne jamais ceux qui l'aiment et qui encourent des risques pour lui seul.
Pensées sur l'amour de Dieu, ch. 3, 4-6 LN/C (trad. OC, Cerf 1995, p. 929)
« C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez »
Mes sœurs, comme il est facile de reconnaître parmi vous celles qui ont le véritable amour du prochain et celles qui l'ont à un degré moindre ! Si vous compreniez bien l'importance de cette vertu, vous n'auriez pas d'autre préoccupation. Quand je vois des personnes tout occupées à examiner leur recueillement et si engoncées en elles-mêmes lorsqu'elles le pratiquent qu'elles n'osent pas bouger pour ne pas en détourner leur pensée, de crainte de perdre un peu du goût et de la dévotion qu'elles y trouvent, je me dis qu'elles comprennent bien peu le chemin qui conduit à l'union. Elles s'imaginent que la perfection consiste en ces façons de faire.
Non, mes sœurs, non. Le Seigneur veut des œuvres. Il veut, par exemple, que si vous voyez une malade que vous pouvez soulager, vous laissiez là vos dévotions pour l'assister, que vous lui témoigniez de la compassion, que sa souffrance soit la vôtre, et que, s'il en est besoin, vous jeûniez pour qu'elle ait la nourriture nécessaire. Et tout cela moins par amour d'elle que parce que c'est la volonté de notre Maître. Voilà la véritable union à sa volonté.
Le Château intérieur, 5ème demeure, 3, 10-11 (trad. OC, Cerf 1995, p. 1052 rev.)
« Qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive »
Dans la croix est la vie
Et la consolation.
Elle seule est le chemin
Qui mène au ciel.
Sur la croix est « le Seigneur
Du ciel et de la terre » (Ac 17,24).
En elle on jouit d'une grande paix
Même au milieu de la guerre ;
Elle bannit tous les maux
D'ici-bas.
Et elle seule est le chemin
Qui mène au ciel.
De la croix, l'Épouse dit
A son Bien-Aimé
Qu'elle est « le palmier précieux »
Sur lequel il est monté (Ct 7,9)
Dont le fruit fut savouré
Par le Dieu du ciel.
Et elle seule est le chemin
Qui mène au ciel.
Elle est un « olivier précieux » (Si 24,14)
La sainte croix
Qui nous oint de son huile
Et nous donne la lumière.
O mon âme, prends la croix
Pour ta grande consolation,
Car elle seule est le chemin
Qui mène au ciel.
La croix est « l'arbre verdoyant
Et désiré » (Ct 2,3)
De l'Épouse qui, à son ombre,
S'est assise
Pour jouir de son Bien-Aimé,
Le Roi du ciel.
Elle seule est le chemin
Qui mène au ciel.
Pour l'âme qui toute à Dieu
S'est soumise
Et du monde
S'est vraiment détachée,
La croix est « arbre de vie » (Gn 2,9)
Et de consolation,
Et un chemin de délices
Qui mène au ciel.
Depuis que sur la croix s'est couché
Le Sauveur,
Dans la croix est « la gloire
Et l'honneur » (Ap 4,11),
Et dans la douleur
Vie et bonheur,
Et le plus sûr chemin
Qui mène au ciel.
Poésie : « En la cruz está la vida »
Sainte Thérèse d'Avila (1515-1582), carmélite, docteur de l'Église
......
Écouter dans le château construit sur le roc
Quand Dieu nous en accorde la grâce, elle nous aide singulièrement à le chercher en nous-mêmes. En effet, on le trouve mieux et de manière plus profitable en soi que dans les choses créées ; c'est là que saint Augustin l'a trouvé, comme il nous le raconte, après l'avoir cherché en beaucoup d'endroits. N'allez pas croire cependant que vous l'obtiendrez par la simple réflexion, en considérant que Dieu est au-dedans de vous, ou à l'aide de l'imagination, en vous le représentant en vous. Cette méthode est bonne, c'est là une excellente méthode de méditer, elle est fondée sur la vérité, puisque de fait Dieu est au-dedans de nous ; mais il ne s'agit pas de cette façon de faire qui est au pouvoir de chacun, avec le secours de Dieu, bien entendu ! Ce dont je parle est différent : quelquefois on n'a même pas encore commencé à penser à Dieu que déjà on se trouve à l'intérieur de notre « château intérieur » sans savoir comment on y est entré...
Ce recueillement surnaturel n'a pas lieu quand nous le voulons, mais seulement quand il plaît à Dieu de le donner. Je suis persuadée que si le Seigneur l'accorde, c'est à des personnes qui ont renoncé aux choses de ce monde..., du moins dans leurs désirs. Ces gens-là, Dieu les appelle d'une manière toute particulière à la vie intérieure ; s'ils savent correspondre à ses avances, il ne se bornera pas à leur accorder cette grâce, dès lors qu'il commence à les faire monter.
Qu'ils louent le Seigneur grandement, car il n'est que trop juste de reconnaître cette grâce, et leur reconnaissance les dispose à recevoir encore mieux. Car ce recueillement est une disposition à écouter Dieu : l'âme doit donc éviter de discourir pour être attentive à ce que le Seigneur opère en elle... À ce qu'il me semble, dans cette œuvre spirituelle, celui-là fait plus qui est moins porté à penser et à vouloir agir. Ce que nous avons à faire, c'est de nous tenir comme des pauvres très nécessiteux en présence d'un Roi qui est riche et puissant : ils élèvent la voix pour demander, puis ils baissent les yeux et attendent humblement. Quand il nous semble que Dieu, secrètement, nous fait comprendre qu'il nous écoute, il est bon alors de nous taire, dès lors qu'il nous a permis de nous approcher de lui.
Le Château intérieur, 4èmes demeures, ch. 3
« Quand vous priez, dites : 'Père' » (Lc 11,2)
« Notre Père qui es aux cieux. » Ô mon Seigneur, comme il se voit bien que tu es le Père d'un tel Fils, et comme ton Fils manifeste bien qu'il est le Fils d'un tel Père ! Sois-en béni à jamais ! Cette phrase n'aurait-elle pas été une aussi grande faveur, Seigneur, si tu l'avais placée à la fin de cette prière ? Or, c'est dès le début que ta libéralité éclate par le don d'un tel bienfait. Notre esprit devrait en être tellement rempli, et notre volonté tellement pénétrée, qu'il nous soit impossible de proférer une parole. Ô mes filles, que ce serait bien ici le lieu de vous parler de la contemplation parfaite ! Comme il serait juste que l'âme rentre au-dedans d'elle-même pour s'élever au-dessus d'elle-même et apprendre du Fils béni où est ce lieu où, selon sa parole, se trouve son Père qui est dans les cieux ! ...
Ô Fils de Dieu, doux maître ! Dès cette première parole..., tu t'humilies au point d'unir tes demandes aux nôtres... Ne veux-tu pas que ton Père nous regarde comme ses enfants ? ... Dès lors qu'il est notre Père, il doit nous supporter, malgré la gravité de nos offenses. Il doit nous pardonner lorsque nous revenons à lui comme l'enfant prodigue. Il doit nous consoler dans nos épreuves. Il doit nous nourrir, comme il convient à un tel Père, car il est forcément meilleur que tous les pères qui sont ici-bas, puisqu'il possède nécessairement toute perfection ; et, en plus de tout cela, il doit nous rendre participants et cohéritiers de ses richesses avec toi...
Ô mon Jésus, je vois bien que tu as parlé comme un Fils chéri et pour toi et pour nous... Et vous, mes filles, n'est-il donc pas juste maintenant qu'en prononçant du bout des lèvres cette parole : « Notre Père », vous y apportiez toute votre attention pour la comprendre, et que votre cœur se brise de voir un si grand amour ?
Le Chemin de la perfection, ch. 27/29
« Ce peuple m'honore des lèvres mais son cœur est loin de moi »
Imaginons qu'il y a en nous un palais d'une immense richesse, construit tout en or et en pierres précieuses, digne enfin du Maître auquel il appartient. Puis dites-vous, mes sœurs, que la beauté de cet édifice dépend aussi de vous. C'est vrai, car est-il plus bel édifice qu'une âme pure et pleine de vertus ? Plus elles sont grandes, plus les pierreries resplendissent. Enfin, songez que dans ce palais habite ce grand Roi qui a bien voulu se faire notre Père ; il se tient sur un trône de très haut prix, qui est votre cœur... Peut-être rirez-vous de moi, et direz-vous que c'est fort clair, et vous aurez raison, mais cela a été obscur pour moi pendant un certain temps. Je comprenais bien que j'avais une âme, mais l'estime que méritait cette âme, la dignité de celui qui l'habitait, voilà ce que je ne comprenais pas. Les vanités de la vie étaient comme un bandeau que je mettais sur les yeux. Si j'avais compris, comme je le fais aujourd'hui, qu'en ce tout petit palais de mon âme habite un si grand Roi, je ne l'aurais pas laissé seul si souvent ; je me serais tenue de temps en temps près de lui, et j'aurais fait le nécessaire pour que le palais soit moins sale. Qu'il est donc admirable de songer que celui dont la grandeur emplirait mille mondes et beaucoup plus, s'enferme ainsi en une si petite demeure !
Le Chemin de la perfection, ch. 28, 9-11 (trad. OC, Cerf 1995, p. 805)
« Ils seront instruits par Dieu lui-même »
Quand c'est Dieu qui suspend et arrête l'entendement, il lui donne de quoi admirer et de quoi s'occuper ; alors, sans raisonner, nous recevons dans l'espace d'un Credo plus de lumière que nous ne pourrions en acquérir en bien des années avec tout l'effort du monde. Mais de nous-mêmes vouloir lier les puissances de notre âme et arrêter leur activité, c'est une folie...
Pendant bien des années, j'ai lu beaucoup de choses sans les comprendre. Ensuite, j'ai passé un temps considérable sans pouvoir trouver de termes pour expliquer les grâces que Dieu m'accordait, ce qui a été pour moi la source de bien des peines. Mais quand il plaît à sa Majesté, elle enseigne tout en un instant, et d'une manière qui me jette dans la stupeur. Voici une chose que je peux affirmer en toute vérité. Bien des hommes spirituels avec qui j'avais des entretiens ont cherché à m'expliquer les dons que Dieu faisait à mon âme, espérant ainsi m'aider à en rendre compte. Ma stupidité a rendu tous leurs efforts entièrement inutiles. Peut-être que notre Seigneur le voulait ainsi, afin d'avoir seul des droits à ma reconnaissance. En fait, c'est lui qui a toujours été mon maître. Qu'il en soit béni ! Mais aussi, quelle confusion pour moi qu'un tel aveu soit l'expression de la vérité ! ... C'est donc sans que je l'aie ni désiré ni demandé, que Dieu m'a éclairée en un instant et mise en état de m'exprimer. Mes confesseurs en étaient surpris, et moi bien davantage, parce que je connaissais mieux mon incapacité... Oui, je le redis encore, il est très important de ne pas élever son esprit avant que Dieu ne l'élève ; et quand il le fait, on le comprend tout de suite.
Vie, ch. 12 (trad. OC, Seuil 1995, p. 87)
Au milieu de la tempête
Courage, mes filles ! Courage ! Souvenez-vous que Dieu n'envoie à personne plus de souffrances qu'il n'en peut porter, et que sa Majesté est avec ceux qui sont dans les épreuves. Vous ne devez rien craindre ; mais espérez de sa miséricorde qu'il mettra la vérité entièrement en lumière et découvrira quelles trames le démon tenait cachées pour jeter le trouble parmi vous... Oraison, oraison, mes sœurs ! C'est à présent que doivent briller l'humilité et l'obéissance en chacune de vous...
Oh, quel bon moment pour recueillir le fruit des résolutions que vous avez prises de servir Notre Seigneur ! Songez que, bien souvent, il veut éprouver si les œuvres répondent aux résolutions et aux paroles. Faites honneur aux filles de la Vierge, vos sœurs, dans cette grande épreuve. Si vous vous y appliquez, le bon Jésus vous aidera. Bien qu'il dorme sur la mer au moment où gronde la tempête, il arrête les vents. Mais il veut que nous l'en priions, car il nous aime tant qu'il cherche toujours de nouveaux moyens de faire avancer nos âmes. Que son nom soit à jamais béni ! Amen, amen.
Dans tous nos monastères, nous vous recommandons instamment à Dieu. Aussi, j'espère de sa bonté qu'il arrangera tout sans tarder. En conséquence, efforcez-vous d'être joyeuses, et dites-vous que, tout bien considéré, tout ce qu'on peut souffrir pour un Dieu si bon et qui a tant souffert pour nous est peu de chose, car enfin vous n'en êtes pas encore arrivées à verser pour lui votre sang (He 12,4)... Laissez faire votre Époux, et vous verrez qu'avant peu la mer engloutira ceux qui nous font la guerre, comme il le fit pour le roi Pharaon.
Lettre 284 ; aux Carmélites de Séville (trad. OC, Cerf 1995, II, p.1934)
La prière nous introduit déjà dans le règne de Dieu
« Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. » Admirez ici, mes filles, l'immense sagesse de notre Maître ! Que demandons-nous quand nous demandons ce royaume ? ... Notre Seigneur connaissait notre extrême faiblesse. Il savait que nous étions incapables de sanctifier, de louer, d'exalter, de glorifier le nom très saint du Père éternel d'une manière convenable, à moins qu'il n'y supplée en nous donnant dès ici-bas son royaume. C'est pour cela même que le bon Jésus a joint ici ces deux demandes...
À mon avis, l'un des grands biens que renferme le royaume du ciel, c'est qu'on y est dégagé de toutes les choses de la terre, qu'on y goûte un repos, une béatitude intimes, qu'on s'y réjouit de la joie de tous, dans une paix perpétuelle, dans un bonheur profond de voir tous les élus sanctifier et louer le Seigneur, bénir son nom, sans qu'il se trouve personne pour l'offenser. Tous l'aiment, et l'âme n'a d'autre occupation que de l'aimer, et elle ne peut cesser de l'aimer parce qu'elle le connaît.
Eh bien ! s'il nous était donné de le connaître nous l'aimerions de même ici-bas, non toutefois aussi parfaitement ni avec cette stabilité, mais enfin, nous l'aimerions tout autrement que nous ne l'aimons... Ce dont il s'agit est possible à l'âme, dès cet exil, avec la grâce de Dieu. Mais il reste vrai qu'elle ne peut pas l'atteindre parfaitement... car nous naviguons encore sur la mer de ce monde, et nous sommes toujours voyageurs. Il est des moments cependant où le Seigneur, nous voyant fatigués du chemin, met toutes nos puissances dans le calme et notre âme dans la quiétude. Il révèle alors clairement, par un certain avant-goût, quelle est la saveur de la récompense réservée à ceux qu'il introduit dans son royaume.
Chemin de perfection, ch. 30 (trad. OC, Cerf 1995, p. 811)
« Elle a tout donné »
Je vis mais sans vivre en moi ;
Et mon espérance est telle
Que je meurs de ne pas mourir.
Je vis déjà hors de moi
Depuis que je meurs d'amour ;
Car je vis dans le Seigneur
Qui m'a voulue pour lui.
Quand je lui donnai mon cœur,
Il y inscrivit ces mots :
Je meurs de ne pas mourir...
Ah ! qu'elle est triste la vie,
Où l'on ne jouit pas du Seigneur !
Et si l'amour lui-même est doux
La longue attente ne l'est pas ;
Ôte-moi, mon Dieu, cette charge
Plus lourde que l'acier,
Car je meurs de ne pas mourir.
Je vis dans la seule confiance
Que je dois un jour mourir,
Parce que, par la mort, c'est la vie
Que me promet mon espérance.
Mort où l'on gagne la vie,
Ne tarde pas, puisque je t'attends,
Car je meurs de ne pas mourir.
Vois comme l'amour est fort (Ct 8,6) ;
Ô vie, ne me sois pas à charge !
Regarde ce qui seul demeure :
Pour te gagner, te perdre ! (Lc 9,24)
Qu'elle vienne la douce mort !
Ma mort, qu'elle vienne bien vite,
Car je meurs de ne pas mourir.
Cette vie de là-haut,
Vie qui est la véritable,
? ; Jusqu'à ce que meure cette vie d'ici-bas –
Tant que l'on vit on n'en jouit pas.
Ô mort ! ne te dérobe pas.
Que je vive puisque déjà je meurs,
Car je meurs de ne pas mourir.
Ô vie, que puis-je donner
À mon Dieu qui vit en moi
Si ce n'est de te perdre, toi,
Pour mériter de le goûter !
Je désire en mourant l'obtenir,
Puisque j'ai si grand désir de mon Aimé
Que je meurs de ne pas mourir.
Poésie « Vivo sin vivir en mí » (trad. OC, Cerf, 1995, p. 1221)
« De qui est cette image ? »
Âme, cherche-toi en moi,
Et moi, cherche-moi en toi.
L'amour a si bien réussi,
Âme, à te reproduire en moi,
Que même le plus grand peintre
Ne saurait, avec autant d'art,
Dessiner une telle image.
Par l'amour, tu fus créée,
Belle, très belle, et c'est pourquoi
Peinte dans mes entrailles,
Si tu te perdais, mon aimée,
Tu devrais te chercher en moi.
Car je sais que tu trouveras
Au fond de mon cœur ton portrait,
Peint de façon si ressemblante
Que, te voyant, tu te réjouiras
De te voir, si bellement peinte.
Si par hasard, tu ne savais
En quel endroit me trouver, moi,
Ne t'en va pas de-ci de-là,
Mais, si tu veux me trouver,
Cherche-moi en toi.
Puisque tu es mon logis,
Tu es ma maison, ma demeure,
Aussi j'appelle à tout instant,
Si je trouve fermée,
La porte de ta pensée.
Hors de toi, ne me cherche pas,
Parce que, pour me trouver, moi,
Il suffit que tu m'appelles ;
Et à toi j'irai sans tarder,
Et moi, cherche-moi en toi.
Poésies, n° 8 « Alma, buscarte has en mí » (trad. OC Seuil 1995, p. 1241)
Date de dernière mise à jour : 2018-07-06
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