Saint Anastase d Antioche, moine puis patriarche d'Antioche de 549-570 et de 593-599
« Il fallait que le Christ souffrît pour entrer dans sa gloire »
Le Christ, par ses paroles et ses actions, montrait qu'il était vrai Dieu et Seigneur de l'univers. Il disait donc à ses disciples, avant de monter à Jérusalem : Voici que nous montons à Jérusalem. Le Fils de l'homme sera livré aux païens, aux grands prêtres et aux scribes pour être flagellé, tourné en dérision et crucifié . Il annonçait ce qui s'accordait avec les prédictions des prophètes, car ils avaient prédit sa mort qui devait avoir lieu à Jérusalem. ~
Donc, puisque la sainte Écriture avait, dès le début, prédit la mort du Christ, et les souffrances précédant sa mort, elle prédit aussi ce qui arriva à son corps après la mort, et elle prédit que ce Dieu, à qui cela arriverait, demeurerait impassible et immortel. Autrement, il n'aurait jamais été Dieu. Mais, considérant la réalité de l'Incarnation, nous comprenons pourquoi il est vrai et juste d'affirmer tout ensemble et la passion du Christ et son impassibilité. Nous comprenons pourquoi le Verbe de Dieu qui, autrement, serait impassible, a dû subir la passion ; car l'homme n'aurait pu être sauvé par un autre moyen. Lui seul l'a su, ainsi que ceux à qui il l'a révélé. En effet, il a su tout ce qui vient du Père ; c'est ainsi que l'Esprit voit même les profondeurs des mystères divins.
Cependant, il fallait que le Christ souffrît ; il était absolument impossible que la passion n'eût pas lieu, comme lui-même l'a affirmé lorsqu'il a appelé lents à croire et inintelligents ceux qui ne savaient pas que le Christ devait souffrir ainsi pour entrer dans sa gloire. En effet, il est venu pour sauver son peuple, en renonçant à la gloire qu'il avait auprès du Père avant le commencement du monde . Ce salut était la perfection qui devait s'accomplir par la passion, et qui serait imputée à l'auteur de notre vie, selon l'enseignement de saint Paul : Il a été l'auteur de notre vie, en atteignant la perfection par ses souffrances . Et l'on voit comment la gloire du Fils unique, dont il avait été écarté pendant peu de temps en notre faveur, lui a été rendue par la croix dans la chair qu'il avait adoptée. Saint Jean le dit en effet dans son évangile, lorsqu'il explique ce qu'était cette eau dont le Sauveur a dit qu'elle jaillirait, comme des fleuves, du cœur du croyant. Or, en disant cela, il parlait de l'Esprit Saint que devaient recevoir ceux qui croiraient en Lui. En effet, l'Esprit Saint n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'était pas encore entré dans sa gloire . Ce qu'il appelle sa gloire, c'est sa mort sur la croix. C'est pourquoi le Seigneur, lorsqu'il priait, avant de subir la croix, demandait au Père de lui donner cette gloire qu'il avait auprès de lui avant le commencement du monde .
HOMÉLIE SUR LA PASSION
« Ton fils est vivant »
« Si le Christ a connu la mort, puis la vie, c'est pour être le Seigneur des morts et des vivants » (Rm 14,9). Mais « Dieu n'est pas le Dieu des morts, il est le Dieu des vivants » (Lc 20,38). Donc, puisque ce Seigneur des morts est vivant, les morts ne sont plus des morts mais des vivants : la vie règne en eux, pour qu'ils vivent sans plus craindre la mort. De même que « le Christ, ressuscité des morts, ne meurt plus » (Rm 6,9), de même, relevés et libérés de leur état périssable, ils ne verront plus la mort. Ils participeront à la résurrection du Christ, comme lui-même a pris part à notre mort. En effet, le Christ n'est descendu sur terre que pour « broyer les portes de bronze et briser les verrous de fer » (Ps 106,16) qui étaient fermés depuis toujours, et pour arracher notre vie de son état périssable et nous attirer vers lui, nous appelant de l'esclavage à la liberté.
Si ce plan de salut n'est pas encore accompli, car les hommes meurent encore et leurs corps se dissolvent dans la tombe, que ce ne soit nullement un obstacle pour la foi. Car dès maintenant nous avons reçu les arrhes de tous les biens qui nous sont promis, en la personne de celui qui est notre premier né : par lui nous sommes montés au plus haut des cieux. En effet, nous siégeons auprès de celui qui nous a emportés avec lui dans les hauteurs, comme saint Paul le dit : « Avec lui, Dieu nous a ressuscités et nous a fait asseoir dans les cieux avec le Christ » (Ep 2,6).
Homélie 5, sur la Résurrection du Christ, 6-9 ; PG 89, 1358-1362 (trad. cf bréviaire, défunts)
« Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants »
« Le Christ a connu la mort, puis la vie, pour devenir le Seigneur et des morts et des vivants » (Rm 14,9) ; « Dieu n'est pas le Dieu des morts, il est le Dieu des vivants ». Puisque le Seigneur des morts est vivant, les morts ne sont plus des morts mais des vivants ; la vie règne en eux, pour qu'ils vivent et ne craignent plus la mort, de même que « le Christ, ressuscité des morts, ne meurt plus » (Rm 6,9). Ressuscités et libérés de la corruption, ils ne verront plus la mort ; ils participeront à la résurrection du Christ, comme lui-même a eu part à leur mort. En effet, s'il est venu sur terre, jusqu'alors prison éternelle, c'est pour « briser les portes de bronze et fracasser les verrous de fer » (Is 45,2), pour tirer notre vie de la corruption en l'attirant à lui, et nous donner la liberté à la place de l'esclavage.
Si ce plan de salut n'est pas encore pleinement réalisé, car les hommes meurent toujours et leurs corps sont désagrégés par la mort, cela ne doit pas être un motif d'incroyance. Déjà nous avons reçu les premiers fruits de ce qui nous est promis, en la personne de celui qui est notre premier-né...: « Avec lui, il nous a ressuscités ; avec lui, il nous a fait régner aux cieux, dans le Christ Jésus » (Ep 2,6). Nous atteindrons à la pleine réalisation de cette promesse lorsque viendra le temps fixé par le Père, lorsque nous dépouillerons l'enfance et serons parvenus « à l'état d'homme parfait » (Ep 4,13). Car le Père éternel a voulu que le don qu'il nous a fait demeure ferme... L'apôtre Paul l'a déclaré, car il le savait bien, cela arrivera à tout le genre humain, par le Christ, qui « transformera nos pauvres corps à l'image de son corps glorieux » (Ph 3,21)... Le corps glorieux du Christ n'est pas différent du corps « semé dans la faiblesse, sans valeur » (1Co 15,43) ; c'est le même corps changé en gloire. Et ce que le Christ a réalisé en amenant au Père sa propre humanité, premier exemplaire de notre nature, il le fera pour toute l'humanité selon sa promesse : « Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32).
Homélie 5, sur la Résurrection ; PG 89, 1358 (trad. bréviaire rev.)